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UNE VIE MEILLEURE AVEC UNE PLANÈTE SAINE VOIES VERS LA NEUTRALITÉ CARBONE NOUVEAU SUPPLÉMENT AUX SCÉNARIOS NOUVELLE OPTIQUE

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Page 1: NOUVEAU SUPPLÉMENT AUX SCÉNARIOS NOUVELLE OPTIQUE : … · appelle le « zéro net ». NOTRE TRAVAIL NOUS A AMENÉS À CONCLURE QUE FOURNIR L'ÉNERGIE NÉCESSAIRE DANS UN CONTEXTE

UNE VIE MEILLEURE AVEC UNE PLANÈTE SAINEVOIES VERS LA NEUTRALITÉ CARBONENOUVEAU SUPPLÉMENT AUX SCÉNARIOS NOUVELLE OPTIQUE

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TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos : un mot du PDG 3

Introduction : Les scénarios et un monde neutre en carbone 4

RÉSUMÉ : Une vie meilleure avec une planète en bonne santé 8

1. OÙ EN SOMMES-NOUS ? 18

2. Une planète en bonne santé : Les transformations structurelles nécessaires 26

Production d’énergie

Bâtiment

Transport

Industrie

3. Répondre aux aspirations humaines : le Développement et l'Echelle Energétique 45

4. Avancer ensemble : Technologie et Politique 53

5. Un scénario zéro émission nette accéléré 67

Remarques finales 73

Renvois 74

TABLE DES MATIÈRES

Remarque : « Les Scénarios nouvelle optique » et « Une vie meilleure avec une planète saine » font partie d’un processus continu - l’élaboration de scénarios - utilisé depuis 40 ans chez Shell pour remettre en question les perspectives des dirigeants quant au futur de l’environnement économique. Ils reposent sur des hypothèses et une quantification plausibles et sont conçus pour élargir la réflexion des membres de la direction et tenir compte d’événements dont la probabilité peut être très faible. Les scénarios ne sont donc pas des prédictions d’événements ou de résultats futurs probables, et les investisseurs ne doivent pas s’appuyer dessus pour prendre des décisions d’investissements concernant des titres Royal Dutch Shell Plc.

Il est important de noter que le développement du portefeuille d’actifs existant de Shell a pris des dizaines d'années. Même si nous sommes convaincus que notre portefeuille d’actifs restera résilient dans le cadre de nombreuses perspectives différentes, y compris le scénario 450 de l'AIE, il comprend des actifs couvrant un large éventail d'intensités énergétiques, dont certaines qui sont supérieures à la moyenne. Alors que nous cherchons à améliorer l'intensité énergétique moyenne de nos opérations via des développements de nouveaux projets et via des désinvestissements, nous n'avons pas de plans immédiats pour passer à un portefeuille neutre en carbone dans le cadre de notre horizon d'investissement sur 10 à 20 ans. La neutralité carbone, dite « zéro émission nette » telle que discutée dans le présent document, est une ambition collective appliquée globalement, qui s'appuie sur des considérations techniques et autres visant à déterminer les émissions nettes positives ou négatives pour toute entreprise ou secteur industriel individuel. Elle doit être conduite par la société, les gouvernements et les industries par le biais d'un cadre politique général efficace couvrant l'ensemble du système énergétique, et intégrant tant la consommation que la production. Nous pensons que l'Accord de Paris est un premier pas vers la création d'un tel cadre, et sommes impatients de jouer un rôle pour accompagner la société dans cet important voyage.

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Chez Shell, nous avons compris depuis longtemps l'importance du défi climatique, et le rôle critique et continu joué par l'énergie pour que les populations du monde entier puissent bénéficier d'une qualité de vie décente. Le système énergétique mondial est en train de changer, d'une part pour répondre à une demande croissante, et d'autre part pour faire face aux pressions exercées sur l’environnement. Pour simplifier, le grand défi pour la société consiste à fournir beaucoup plus d'énergie avec beaucoup moins de dioxyde de carbone. Le récent Accord de Paris a marqué une étape constructive dans ce voyage, et les regards se tournent maintenant vers la mise en œuvre.

Shell entend jouer un rôle pour relever ces défis en explorant des solutions dans les domaines relevant de notre expertise technique, comme la production de gaz naturel, les carburants du futur plus efficaces (tels que les biocarburants et l'hydrogène) et le captage et stockage du dioxyde de carbone, sans oublier les technologies émergentes en matière de systèmes énergétiques. Nous savons que notre succès à long terme en tant que société dépend de notre capacité à anticiper les différents types d’énergie dont les gens auront besoin à l’avenir, d’une manière qui soit à la fois compétitive et respectueuse de l’environnement.

Nous pensons que l'objectif d’une vie meilleure avec une planète en bonne santé est une ambition inspirante. Mais traverser les transitions nécessaires demandera des efforts de coordination, collaboration et leadership exceptionnels et sans précédent dans tous les secteurs de la société. Nous espérons que ce livret vous donnera des éléments utiles pour cet ambitieux voyage.

Ben van BeurdenPDG, Royal Dutch Shell Plc, mai 2016

AVANT-PROPOS : UN MOT DU PDG

NOUS SAVONS QUE NOTRE SUCCÈS À LONG TERME EN TANT QUE SOCIÉTÉ DÉPEND DE NOTRE CAPACITÉ À ANTICIPER LES DIFFÉRENTS TYPES D'ÉNERGIE DONT LES GENS AURONT BESOIN À L'AVENIR, D'UNE MANIÈRE QUI SOIT À LA FOIS COMPÉTITIVE ET RESPECTUEUSE DE L'ENVIRONNEMENT.

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Notre travail nous a amenés à conclure que fournir l'énergie nécessaire dans un contexte de neutralité carbone est techniquement faisable. Mais ce sera très compliqué. Nous savons qu'un tel avenir s'appuiera sur un patchwork de solutions. Il ne passera pas par une voie unique. Des solutions peuvent être efficaces dans certains cas même si elles ne conviennent pas nécessairement à toutes les situations. En outre, il peut être difficile de prévoir si une solution efficace en laboratoire ou à petite échelle pourrait également réussir dans le cadre d'un déploiement mondial.

Dans ce livret, nous distillons ce que nous avons appris jusqu'ici pour tenter de répondre à une question fondamentale : Comment le système énergétique pourrait-il évoluer vers « une meilleure vie pour tous avec une planète en bonne santé ? »

Nous commençons par décrire « où en sommes-nous » afin d'identifier les défis à relever par la société. Nous résumons ensuite ce que nous entendons par « une vie meilleure avec une planète en bonne santé » et comment le système énergétique pourrait évoluer à l'avenir pour atteindre ces objectifs. Le reste du livret présente une étude plus détaillée de trois domaines clés : les transformations nécessaires côté consommation et côté production du système énergétique ; les chemins de croissance économique dans les pays en voie de développement ; et les politiques nécessaires pour soutenir ces transformations. Nous terminons avec « Un scénario zéro émission nette accéléré », l'histoire d'une voie possible exploitant un patchwork de solutions qui pourraient conduire à une vie meilleure avec une planète en bonne santé dans un délai satisfaisant les aspirations mondiales.

Jeremy BenthamVice-Président, Environnement économique mondial, Responsable du service Scénarios de Shell

INTRODUCTION : LES SCÉNARIOS ET UN MONDE NEUTRE EN CARBONE

Ce rapport est un supplément des Scénarios Nouvelle Optique (SNO) de Shell publié en 2013. Les scénarios proposent différentes histoires plausibles pour l'avenir à long terme. Ils ne décrivent pas ce qui va se passer (une prévision) ni ce qui devrait se passer (une orientation préconisée), mais ce qui pourrait se passer. Les scénarios Nouvelle Optique – Montagnes et Océans – ont examiné des voies alternatives et l’influence qu’elles pourraient avoir sur l’évolution de la société, et ont tracé différentes routes pour l'évolution future du système énergétique mondial. Avec ces scénarios, nous continuons à apprendre ce qui est nécessaire, en pratique, pour avoir une planète en bonne santé tout en répondant aux aspirations humaines normales pour une meilleure qualité de vie.

Le système énergétique répond aux demandes d'un nombre croissant de personnes dans le monde, qui aspirent à améliorer leur quotidien, ainsi que celui de leurs enfants. Répondre à cette demande demandera probablement de doubler la taille du système énergétique mondial d'ici la fin du siècle, ce qui entraînera potentiellement une augmentation du CO2 atmosphérique et des autres gaz à effet de serre – sauf si d'autres mesures sont prises en parallèle pour réduire les émissions de manière à éviter les ajouts nets.

Il est toutefois intéressant de reconnaître qu'un monde neutre en carbone n'est pas nécessairement un monde sans aucune émission. C'est un monde où les émissions restantes sont compensées ailleurs dans le système ; un résultat qui est plus rapidement réalisable et qui va donc davantage dans le sens de la limitation de l'accumulation des gaz à effet de serre. Cela signifie que le monde aura besoin d'émissions « négatives » dans certains secteurs pour compenser les émissions restantes dans d'autres, de façon à éviter toute émission supplémentaire dans l'atmosphère – ce qu'on appelle le « zéro net ».

NOTRE TRAVAIL NOUS A AMENÉS À CONCLURE QUE FOURNIR L'ÉNERGIE NÉCESSAIRE DANS UN CONTEXTE DE NEUTRALITÉ CARBONE EST TECHNIQUEMENT FAISABLE. MAIS CE SERA TRÈS COMPLIQUÉ. NOUS SAVONS QU'UN TEL AVENIR S'APPUIERA SUR UN PATCHWORK DE SOLUTIONS. IL NE PASSERA PAS PAR UNE VOIE UNIQUE.

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RÉSUMÉ

UNE VIE MEILLEURE AVEC UNE PLANÈTE EN BONNE SANTÉ

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Giga quoi ?

Comment le quanti�ons-nous ?

1x gigajoule = 1 milliard de joules

1x JOULE =ÉNERGIE POUR SOULEVER UNE POMMED'UN MÈTRE À LA SURFACE DE LA TERRE

100 JOULESPAR SECONDE =LA CONSOMMATION D'ÉNERGIE D'UNEAMPOULE STANDARD DE 100 WATT

VOL ALLER-RETOURPARIS-SINGAPOUR

COURIR SUR UN TAPISDE COURSE

10 300

VOUS BRÛLEZTYPIQUEMENT DEL'ÉNERGIE À UNTAUX DE 100 W

D'ÉNERGIE PAR PASSAGER

*Environ, en supposant une distance de 5 793 miles nautiques (10 729 km) de l'aéroportParis Charles de Gaulle à l'aéroport international de Singapour.

=100 GIGAJOULES*

=1 GIGAJOULEX

1100 W

100 g

HEURES PAR JOUR

JOURS PAR AN

RÉSUMÉ : UNE VIE MEILLEURE AVEC UNE PLANÈTE EN BONNE SANTÉLes Objectifs de Développement Durable de l'ONU agréés au niveau international2 cernent certaines des grandes questions pratiques de notre époque, notamment l'élimination de la pauvreté, l'approvisionnement en énergie et la maîtrise des pressions climatiques.

Les gouvernements et la communauté internationale tentent par divers moyens de relever le défi de la pauvreté, pour qu'un plus grand nombre bénéficie des avantages d'un niveau de vie décent actuellement réservé à une minorité - une vie meilleure pour tous. Mais il existe une force qui dépasse cette aspiration collective des organisations gouvernementales à un monde meilleur, c’est la motivation propre de milliards de gens à créer eux-mêmes les conditions d’une vie matérielle meilleure pour leurs familles.

Ces demandes pour une vie meilleure vont inévitablement augmenter les besoins en énergie. La difficulté est de savoir comment répondre à cette demande tout en enrayant l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère, de façon à garantir une planète en bonne santé. La hausse du taux de CO2 fait non seulement pression sur le climat, mais elle réchauffe et acidifie aussi les océans, augmente les niveaux de la mer, menace les écosystèmes terrestres et affecte les modes de production alimentaire. Les scientifiques s'accordent sur le fait que la qualité de vie de centaines de millions de personnes est appelée à souffrir à cause de ce deuxième challenge.

Énergie : faciliter la base matérielle pour « une vie meilleure »Notre perception et notre utilisation de l'expression « une vie meilleure » sont assez spécifiques. Elle renvoie à un monde dans lequel les besoins matériels de base liés au logement, à la santé, à une hygiène adéquate et à des moyens de transport efficaces sont étendus à tous les habitants de la planète. Ça ne veut pas dire une télé dans chaque pièce, un nouveau smartphone tous les ans, des familles à trois voitures ou des habitudes du type « utiliser une fois puis jeter » qui se sont généralisées dans la plupart des pays riches au cours des 50 dernières années. La question devient alors : combien faut-il d'énergie pour une vie meilleure ?

Une mesure courante de l'énergie est le « gigajoule ».3 Un seul vol long-courrier intercontinental du Cap à Londres consomme en moyenne 40 gigajoules d'énergie par passager. Un ouvrier exerçant un travail physique peut fournir un travail équivalent à environ un gigajoule par an. Si on prend les États-Unis, la consommation d'énergie primaire actuelle est d'environ 300 gigajoules par personne et par an, soit grossièrement l'équivalent de 300 ouvriers exerçant un travail physique pour chaque homme, femme et enfant dans le pays. Une économie plus modeste et efficace sur le plan énergétique, comme le Japon ou la plupart des pays européens, consomme en moyenne environ 150 gigajoules par personne et par an.

Si on se penche sur le futur développement des économies, et si on suppose des améliorations importantes dans l'efficacité énergétique, nous estimons qu'il faudra en moyenne environ 100 gigajoules d'énergie primaire par personne pour alimenter les services dépendant de l'énergie qui permettent d’assurer la qualité de vie décente à laquelle les gens aspirent naturellement. Et si nous supposons que la population atteindra environ 10 milliards d'habitants d'ici la fin du siècle, et la multiplions par cent gigajoules par personne, nous obtenons un besoin énergétique global de 1000 exajoules (un exajoule est égal à un milliard de gigajoules) par an – ce qui équivaut à environ deux fois la taille du système énergétique actuel. Une telle estimation concorde avec des modélisations bien plus détaillées qui ont été réalisées. Elle reflète à la fois la portée des améliorations en matière d’efficacité et de réduction de la demande dans de nombreux pays déjà industrialisés, et la demande énergétique croissante dans les économies en développement.

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nécessaires dans les cas où des procédés à haute température et un stockage dense de l'énergie sont requis, tels que la production de fer, d'acier et de ciment, ou encore pour le transport aérien et le transport de fret lourd. Ils seront également requis dans la fabrication de produits chimiques (comme les solvants) et de matériaux comme le plastique. Certains secteurs économiques seront inévitablement plus difficiles à décarboner que d'autres.

De même, certaines régions seront décarbonées plus lentement que les autres, pour des raisons politiques et économiques, ou parce que leur densité de population est particulièrement élevée ou faible, et donc la disponibilité des énergies renouvelables est soumise à des contraintes d'utilisation des terres ou des coûts d'infrastructure et des besoins de transport relativement élevés. Nous aurons donc une co-évolution et une co-intégration des combustibles fossiles et des composants renouvelables du système énergétique. Un certain niveau d'émissions provenant de secteurs et régions spécifiques persistera inévitablement pour quelque temps. En conséquence, le système énergétique dans un monde neutre en carbone

émergent fera un peu figure de patchwork. Différents degrés de décarbonation et d'efficacité énergétique seront réalisés à des rythmes différents, dans des lieux différents et dans différents secteurs de l'économie. Pour éponger les émissions restantes, il faudra déployer le captage et le stockage du CO2 (CSC) à grande échelle, et le combiner de manière sélective avec une utilisation durable de la biomasse afin de fournir des compensations ou des « émissions négatives ».

Les quatre leviers politiques essentielsLes spécialistes en savent long sur les meilleures pratiques d'utilisation des terres, d'aménagement urbain compact avec infrastructures de transport public intégrées, de transport à haute efficacité énergétique et à faibles émissions, de reboisement, de régénération des sols et de nombreux autres domaines. Bien qu'il y ait des coûts à supporter pour avancer vers ce monde meilleur et plus intelligent, de nombreux économistes estiment que ces coûts sont gérables d'un point de vue économique général – quelques points du PIB mondial au cours des deux prochaines décennies.4

Les renouvelables et les hydrocarburesPour se rapprocher d'une somme d’émissions nettes de CO2 qui soit nulle, les sociétés dans le monde entier devront faire appel à tout un éventail de sources d'énergie sans carbone, telles que l'éolien, le solaire et le nucléaire. Étant donné que ces sources produisent de l'électricité, et que les nouvelles technologies d'énergie renouvelable sont de plus en plus rentables et installées, on peut supposer que dans un monde neutre en carbone, l'électricité s'imposera probablement comme le vecteur énergétique le plus important [voir page 40, « La croissance des énergies renouvelables et des

nouvelles technologies énergétiques » pour plus de détails].

Les technologies des énergies renouvelables qui produisent de l'électricité ont un rôle indispensable à jouer, mais seules elles ne peuvent pas répondre à tous les besoins énergétiques actuels. Les énergies renouvelables varient en disponibilité et en intermittence et surtout, l'électricité proprement dite est actuellement le véhicule pour moins d'un cinquième de la consommation totale d'énergie finale. Les énergies renouvelables vont se développer de manière significative dans un avenir prévisible, mais les hydrocarbures resteront

Les quatre piliers du système énergétique

ÉNERGIELes technologies à zéro émission, y compris les technologies renouvelables actuelles et futures et le nucléaire, devront progressivement remplacer le charbon et s'imposer dans le secteur de l'énergie, avec une part relativement réduite pour les hydrocarbures, dont le gaz et la biomasse combinés au CSC.

BÂTIMENTDes normes rigoureuses devront être mises en œuvre et imposées en matière d'efficacité énergétique dans la conception et l'exploitation des bâtiments. Cette meilleure efficacité est un catalyseur de l'électrification complète des bâtiments, qui va progressivement se généraliser. La majorité des nouvelles constructions dans les économies développées et émergentes sont déjà en tout-électrique, en raison d'impératifs économiques et de meilleures réglementations.

TRANSPORTLe transport routier de voyageurs sera de plus en plus appelé à être électrifié ou à dépendre de l'hydrogène, tandis que le fret et les transports maritimes et aériens sur de plus longues distances vont pour quelque temps continuer à dépendre des combustibles liquides à forte densité énergétique, comme le pétrole, les biocarburants, le gaz naturel liquéfié et l'hydrogène.

INDUSTRIECertaines activités industrielles, comme l'industrie manufacturière légère et les procédés basse température seront en mesure de s'électrifier et donc de se décarboner relativement rapidement, alors que d'autres, en particulier dans l'industrie lourde, nécessiteront des transitions plus chères ou plus longues, ou manqueront simplement d'options viables pour s'éloigner des combustibles thermiques hydrocarbonés dans un futur proche. Le CSC semble être la seule voie viable pour éliminer dans un délai raisonnable la majeure partie des émissions provenant d'activités telles que la sidérurgie et la fabrication de ciment.

L'objectif zéro émission nette nécessite la transformation de l'ensemble de l'économie mondiale, en particulier dans quatre domaines fondamentaux responsables d'une proportion importante des émissions de CO2 liées à l'énergie : l'énergie, le bâtiment, le transport et l'industrie.

En outre, il sera également essentiel de prendre des mesures pour limiter les émissions résultant des pratiques agricoles et des changements dans l'utilisation des terres. Ces émissions représentent actuellement près d'un quart de toutes les émissions mondiales. [Voir page 39 « Le rôle clé de l'utilisation des terres »].

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Cependant, la répartition inégale des coûts posera un problème autrement plus difficile : une telle transformation radicale va inévitablement créer des gagnants et des perdants, et donc aussi des tensions sociopolitiques. De plus, un bouleversement excessif peut, en lui-même, être extrêmement coûteux et affecter non seulement les entreprises et secteurs individuels, mais aussi la société dans son ensemble. Bien que la transformation ne puisse pas être parfaitement planifiée et pilotée par le haut, la politique doit être orientée vers la gestion de ces impacts afin de minimiser les obstacles au changement. Pratiquement tout le monde souffrirait d'une transition désordonnée. Une transition aussi fluide que possible demande donc des réponses précoces dans l'économie tout entière au lieu de réactions tardives et impulsives.

Compte tenu de l'urgence et des délais ambitieux, la politique gouvernementale joue un rôle crucial pour orienter et accélérer la voie dans la bonne direction, et pour apporter la certitude requise pour que les entreprises investissent en toute confiance. Quatre leviers politiques essentiels peuvent aider à pousser la société à passer de la simple connaissance des meilleures mesures à leur mise en œuvre effective :

1. Les cadres politiques de long terme qui soutiennent et incitent à la construction des infrastructures nécessaires pour permettre l'adoption de nouveaux matériaux et technologies bas-carbone.

2. La tarification du carbone pour l'ensemble de l'économie – que ce soit par des échanges de droits d’émissions de carbone, des taxes sur le carbone ou des normes imposées d'émissions de carbone. Elle donne un moyen efficace et économique d'aligner les incitations et de susciter de l’action à travers toute l'économie en vue de réduire les émissions de carbone.

3. Les politiques qui atténuent les effets négatifs de la transition sur les secteurs économiques et segments les plus vulnérables de la société. De telles politiques seraient limitées dans le temps, mais sont critiques pour réduire les bouleversements au moment où l'économie passera par la restructuration nécessaire pour atteindre l'objectif zéro émission nette.

4. D'autres soutiens financiers et incitations à la recherche et au développement bas-carbone, en particulier pour la phase initiale de développement et le déploiement de technologies prometteuses dans tous les secteurs clés. Ce soutien permettra d'assurer la poursuite de l'avancement technologique au même rythme que l'augmentation de la tarification du carbone, ainsi que l'amélioration de son efficacité et sa généralisation.

La dimension humainePour que les demandes globales en énergie primaire dans notre monde zéro net restent autour de 100 gigajoules par an pour chaque habitant de la planète, tout en permettant une qualité de vie décente, des efforts soutenus seront essentiels pour améliorer l'efficacité. Sans ces efforts, la consommation totale d'énergie sera non seulement le double de ce qu'elle est aujourd'hui, mais pourrait augmenter jusqu'à trois fois ou plus, ce qui rendrait la quête de la neutralité carbone pratiquement inaccessible, car la capacité d'inclure la biomasse dans le système énergétique serait dépassée. Le potentiel de la biomasse est suffisant pour compenser le double de la consommation énergétique, mais pas le triple.

Ces efforts présentent également une dimension humaine individuelle. Les consommateurs devront choisir des voitures plus légères et plus performantes. Ils devront utiliser des pompes à chaleur, des éclairages à LED et d'autres appareils économes en énergie et aussi recycler davantage. Ils peuvent collectivement insister sur les efficacités structurelles dans leurs villes avec de bons transports publics, la gestion intégrée des déchets, de l'eau, de l'électricité et de la chaleur, et des constructions efficientes régies par de meilleures normes. Une fois créées, de telles infrastructures majeures restent en place – et déterminent nos besoins énergétiques – pendant des dizaines d'années. Il est donc essentiel de les concevoir et de les mettre en œuvre aussi efficacement que possible dès le départ. Et en choisissant de vivre dans des villes compactes, les consommateurs réduisent leur besoin énergétique car ils n'ont pas besoin de se déplacer aussi loin.

Il serait également utile que des concepts tels que l'économie de partage mènent à une efficacité substantielle – un facteur important pour limiter le besoin croissant d'hydrocarbures pour les produits chimiques, ainsi que les demandes de produits provenant de l'industrie lourde électro-intensive.

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Le monde peut-il y arriver ?Une étape importante et constructive du chemin a été la récente conférence sur le climat de Paris (COP21) en décembre 2015. À cette occasion, 196 pays ont adopté l'Accord de Paris, qui entrera en vigueur quand 55 pays, qui représentent au moins 55 % des émissions mondiales à effet de serre, auront déposé leurs instruments de ratification. L'Accord établit un plan d'action global visant à mettre le monde sur la bonne voie pour éviter un changement climatique dangereux, en contenant le réchauffement global nettement en dessous des 2 °C.

L'architecture de cet accord a été décrite comme une « autoroute » pour relever les défis climatiques, avec différentes voies empruntées par différentes économies qui se déplacent sur ces voies à des vitesses différentes dans des véhicules différents.5 Mais ces économies iront toutes dans la même direction générale et sur la même autoroute. D'ici la fin du siècle, ce mouvement nous conduira à accroître la décarbonation de nos économies et à changer la façon dont l'énergie est utilisée. En adoptant l'Accord de Paris, les pays ont signalé leur intention de prendre cette autoroute, qui en principe n'a pas de sorties.

Il s'agit d'une plateforme précieuse, différente du Protocole de Kyoto dans la mesure où il s’agit d’une approche nationale, partant de la base vers le sommet, qui est donc susceptible d'être plus résiliente du point de vue politique. Les contributions actuellement identifiées pour la réduction des émissions ne sont pas suffisantes et ne vont pas assez loin dans l'avenir pour réaliser à elles seules l'ambition globale à long terme de l'Accord de Paris. Cependant, les gouvernements se sont mis d'accord pour se réunir tous les cinq ans afin de fixer des cibles plus ambitieuses, de présenter aux autres et au public l'efficacité de la mise en place de leurs cibles, et de suivre les progrès réalisés vers l'objectif à long terme.

Pour stabiliser le climat, il faut arriver à la neutralité carbone à l'échelle mondiale en vue d'arrêter l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère et de baisser la concentration des autres gaz à effet de serre comme le méthane. Plus cette mission est réalisée rapidement, plus les risques et impacts pour le changement climatique seront atténués. Il est donc essentiel de s'attaquer aux réalités concrètes et détaillées de ce qu'il faut changer pour arriver à la neutralité carbone dès que possible. Il est également crucial de réfléchir au parcours complet vers le zéro net, et pas seulement aux premières étapes. Il existe un danger très réel que les décideurs se concentrent seulement sur le court terme, les options plus faciles qui peuvent être réalisées au cours de la prochaine décennie, et constatent ensuite que les progrès se heurtent à un mur car les secteurs de l'économie plus difficiles sur le plan technique ou sociopolitique ont été négligés.

Malgré les nombreux défis, les détails pratiques pour fournir suffisamment d'énergie en vue d'assurer une vie meilleure à tous, et ce avec zéro émission nette peuvent être envisagés – ce qui est rassurant, et même motivant. Mais y arriver ne sera pas facile. Le monde devra faire des progrès énormes et courageux dans la restructuration économique, la co-évolution des composants émergents et établis du système énergétique mondial, et la mise en œuvre à grande échelle de technologies alternatives. Par-dessus tout, nous aurons besoin de la coopération active de millions de citoyens, de décideurs, de dirigeants de la société civile et d'entreprises de toute la planète.

MALGRÉ LES NOMBREUX DÉFIS, LES DÉTAILS PRATIQUES POUR FOURNIR SUFFISAMMENT D'ÉNERGIE EN VUE D'ASSURER UNE VIE MEILLEURE À TOUS, ET CE AVEC ZÉRO ÉMISSION NETTE, PEUVENT ÊTRE ENVISAGÉS – CE QUI EST RASSURANT, ET MÊME MOTIVANT.

7+ mds~500

10 mds POPULATIONMONDIALE

POPULATIONMONDIALE

2015 2100

CONSOMMATION D'ÉNERGIE ENEXAJOULES PAR AN ~1000 CONSOMMATION

D'ÉNERGIE ENEXAJOULES PAR AN

CONSOMMATION MONDIALED'ÉNERGIE DOUBLÉE

Si on se penche sur le futur développement des économies, et si on suppose des améliorations énergé-tiques importantes, nous estimons qu'une moyenne d'environ 100 gigajoules d'énergie primaire par personne est ce qui est approximativement nécessaire pour alimenter les services dépendant de l'énergie qui permettent d’assurer la qualité de vie décente à laquelle les gens aspirent naturellement.

Jusqu'où pourrait aller la croissance dusystème énergétique ?

Consommation moyenne actuelle d'énergie primaire*Gigajoules par personne et par an

300150100

* Source : Analyse Shell

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OÙ EN SOMMES-NOUS ?

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1. OÙ EN SOMMES-NOUS ?

Depuis le début de la révolution industrielle, les activités humaines, ou « anthropiques » ont sensiblement élevé la concentration des trois gaz à effet de serre (GES) les plus importants dans l’atmosphère à l’état de trace : le dioxyde de carbone, le méthane et le protoxyde d’azote. En 2014, le 5e Rapport d'Evaluation (5e RE) du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a conclu que le réchauffement du système climatique est sans équivoque, et que la concentration croissante de ces gaz, ainsi que d'autres facteurs humains, a très probablement été la principale cause du réchauffement observé depuis le milieu du 20e siècle.

Parmi les principaux GES anthropiques, le CO2 est le facteur déterminant de l'ultime pic de réchauffement, à cause de l'ampleur des émissions et de la persistance de ce gaz dans l'atmosphère. Contrairement au méthane, qui est un GES plus puissant mais qui se décompose progressivement, le CO2 disparaît très lentement de l'atmosphère, et a donc tendance à s'accumuler au fil du temps. Les modèles du système climatique montrent que le pic de réchauffement suit une relation approximativement linéaire avec les émissions cumulatives de CO2 depuis 1750. En revanche, bien qu'elles doivent être gérées, les émissions actuelles de méthane contribuent davantage au rythme actuel du réchauffement qu'à son pic ultime.

L'Accord de Paris cherche à contenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels, et de poursuivre l'action menée pour limiter l'élévation de la température à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Pour atteindre cet objectif, l'Accord de Paris appelle à un « équilibre entre les émissions anthropiques issues des sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle. » Un tel équilibre se traduirait en fait par un « zéro net » des émissions anthropiques globales.

L'Accord de Paris met ainsi l'accent sur l'objectif zéro émission nette. Il s'agit d'un développement crucial qui reconnaît l'importance du problème cumulatif présenté par les émissions de CO2 en particulier. Même des émissions annuelles très faibles continueront à aggraver la concentration des GES. Exprimées en tonnes de carbone, les émissions cumulatives étaient de l'ordre de

600 milliards de tonnes au début de l'année 2016.6 Même si les émissions annuelles mondiales de CO2 se stabilisent à leur niveau actuel, des émissions cumulatives correspondant à une élévation de 1,5 °C pourraient être atteintes dès 2028.7 C'est pour ces raisons que ce livret porte principalement sur la nécessité d'atteindre le zéro net pour les émissions de CO2 liées à l'énergie résultant de la consommation de combustibles fossiles.

L'état zéro émission nette – où la concentration de CO2 dans l'atmosphère cesse effectivement d'augmenter – est une étape essentielle pour limiter le pic de réchauffement. Pour réaliser un objectif de température plus ambitieux, il faut atteindre le zéro net plus tôt. Si le total des émissions cumulées dépasse un seuil donné, il sera peut-être nécessaire d'aller au-delà du zéro net et d'obtenir des émissions « nettes négatives », où la quantité de CO2 extraite de l'atmosphère est supérieure à celle qui continue à être émise.

Avec la capacité naturelle de la biosphère à absorber le CO2, qui pourrait être renforcée par un reboisement massif et des changements dans les pratiques agricoles, le stockage géologique du CO2 devrait jouer un rôle essentiel dans le programme et la réalisation du zéro net. Il est à peu près certain que les émissions nettes négatives auront besoin de cette technologie. Lorsque la biomasse est utilisée comme source d'énergie (BE), une partie ou la totalité de ses émissions de CO2 provenant de la combustion peut être captée et stockée, ce qui offre indirectement une voie pour extraire le CO2 de l'atmosphère, car c'est de là que vient initialement le carbone dans la biomasse.

Aujourd'hui, même le captage direct du CO2 de l'atmosphère (captage direct dans l'air ou DAC) est testé dans des applications pilotes qui sont encore à un stade précoce, et qui, si elles s'avèrent efficaces et si elles sont développées et combinées avec le stockage géologique (CSC), pourraient offrir une autre voie vers les émissions zéro nettes et nettes négatives.

Bien qu'il soit possible de théoriser diverses trajectoires d'émission pour limiter le CO2 cumulatif correspondant à un objectif de température donné, l'ambition reflétée par l'Accord de Paris offre peu de marge de manœuvre. Elle suppose des changements cruciaux et simultanés dans la composition de l'approvisionnement énergétique – avec un développement sans précédent des sources d'énergie à faible ou zéro carbone, y compris les renouvelables, le nucléaire et les combustibles fossiles avec le CSC – et dans la façon dont des secteurs entiers et des individus utilisent l'énergie. Ceci demandera de changer radicalement

Source : Secrétariat du Changement Climatique aux Nations Unies

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l'ensemble du système industriel moderne, y compris la fabrication, le transport et la production d'électricité. Il faudra trouver des alternatives à de nombreux produits à base de pétrole, et une nouvelle industrie d'hydrocarbures synthétiques à grande échelle sera peut-être nécessaire pour des secteurs tels que l'aviation et le transport maritime. Il faudra également gérer les émissions de méthane et de protoxyde d’azote, qui prévalent dans les systèmes industriels et agricoles.

Et tout ceci devra être réalisé avant la fin du siècle, bien qu'une date au milieu du siècle pourra s’avérer clef dans la réflexion des décideurs politiques quand ils examineront l'ambition des 1,5 °C de l'Accord de Paris. Ceci part aussi du principe que le CSC sera effectivement déployé. Dans le cas contraire, il nous faudra faire face à un message clair du RE 5 du GIEC : « De nombreux modèles ne pourraient pas limiter le réchauffement probable à moins de 2 °C si la bioénergie, le CSC et leur combinaison (BECSC) étaient limités (niveau de confiance : élevé). »

ÉLIMINATION DU DIOXYDE DE CARBONEEn fin de compte, il sera peut-être nécessaire d'éliminer le CO2 de l'atmosphère. Des technologies variées, dont plusieurs sont listées ci-dessous, sont disponibles pour y arriver. Elles sont toutes confrontées à un ou plusieurs problèmes majeurs, comme la scalabilité, les obstacles technologiques, les coûts et la mise en œuvre pratique. L'élimination du CO2 peut même commencer à entrer dans la catégorie de la géo-ingénierie, c'est-à-dire les manipulations délibérées et à grande échelle des systèmes naturels de la Terre pour lutter contre le changement climatique. L'échelle, la responsabilité et les questions éthiques liées à une telle action seraient pour le moins intimidantes. Considérer la géo-ingénierie soulève également la question de la gestion du rayonnement solaire (SRM), un type de géo-ingénierie qui cherche à refléter la lumière du soleil et donc à réduire le réchauffement.

Bioénergie avec captage et stockage du dioxyde de carbone (BECSC)

Toutes les plantes qui poussent absorbent du CO2 de l'atmosphère. Si ce CO2 est capté et stocké de manière géologique quand la plante est brûlée pour produire de l'énergie, on obtient alors une élimination nette de la biosphère.

Captage direct du CO2 contenu dans l'air avec stockage (DACCS en anglais)

Le CO2 peut être directement éliminé de l'air par absorption chimique. Une étape de régénération libère le CO2 sous forme de flux pur, qui peut ensuite être stocké géologiquement.

Absorption du carbone par le sol

Avec des changements relativement simples dans les pratiques agricoles ou l'ajout de biochar (biomasse brûlée en partie) dans le sol, il est possible d'augmenter la teneur globale en carbone dans le sol agricole, en séquestrant le CO2 de l'atmosphère. Par ailleurs, le biochar améliore également la fertilité du sol.

Construire avec la biomasse

Bien qu'elles soient courantes dans de nombreux pays, les constructions en bois ne sont pas une pratique universelle. La réintroduction du bois dans la construction de logements peut séquestrer du carbone pendant des dizaines d'années, voire des siècles.

Reboisement La plantation d'arbres à grande échelle augmente le stockage naturel de carbone dans la biomasse et le sol forestier. Pendant la Grande Dépression, les États-Unis ont planté plusieurs milliards d'arbres pour créer des centaines de nouvelles forêts nationales. Aujourd'hui, la séquestration annuelle nette de carbone dans les forêts américaines en gestion compense environ 15 % des émissions annuelles de carbone résultant de la combustion de carburants fossiles.

Meilleure capacité d'absorption des océans

L'océan est une immense réserve de CO2, bien que la hausse des niveaux de CO2 dissous dans l'eau en augmente l'acidité. Cependant, l'absorption peut être améliorée en toute sécurité en augmentant la photosynthèse marine, avec par exemple la culture d'algues à grande échelle dans les zones peu profondes.

Minéralisation et altération avancée

La carbonatation minérale est un processus de réactions de l'oxyde de magnésium ou de calcium (généralement contenu dans des silicates minéraux et des déchets industriels) avec le CO2 pour donner des carbonates inertes. Ces réactions se produisent lentement dans la nature et piègent de grandes quantités de carbone au fil du temps, mais des installations pilotes ont été construites pour faire la même chose à l'échelle industrielle et obtenir des produits utiles.

Que faut-il faire ?Une grande incertitude plane à propos de l'impact des différentes concentrations atmosphériques de CO2 sur le réchauffement final du système climatique. Des scénarios fréquemment publiés par des institutions telles que l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (IIASA), l'Institut de Potsdam pour la recherche climatique (PIK) et l'Institut de technologie du Massachusetts (MIT) indiquent qu’en résumé : pour limiter l'élévation de la température à 3 °C, il faudrait parvenir à zéro émission nette au cours de la première moitié du siècle prochain ; pour 2,5 °C l'échéance serait avancée à 2100 ; pour 2 °C elle serait avancée à 2070 ; et pour 1,5 °C elle serait avancée aux environs de 2050, suivie d'émissions nettes négatives. La plupart des voies 2 °C exigent le début de la réduction des émissions d'ici 2020. Chaque année où la société retarde l'action de réduire substantiellement et régulièrement les émissions mondiales avance d'au moins un an le point auquel les émissions de CO2 doivent parvenir au zéro net. Compte tenu de la durée de vie du stock de capital des usines, des villes, des logements et des infrastructures essentielles, il se pourrait très bien que la période des émissions nettes négatives soit prolongée sur plusieurs décennies à partir de 2050.

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un aperçu sur...

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Pour arriver plus rapidement à zéro émission nette – et donc limiter les élévations de la température à des niveaux inférieurs – il faudra combiner tous les résultats les plus optimistes décrits dans les deux scénarios, et même plus. Les scénarios nous ont aidés à envisager à quoi pourrait ressembler une voie « Goldilocks » (en référence au conte Boucle d'or), qui aligne les aspects les plus favorables d'autres voies (par exemple, une croissance mondiale ni trop rapide ni trop lente, des prix énergétiques ni trop élevés ni trop bas) et qui pourraient conduire à la réalisation plus rapide de l'objectif zéro émission nette, en ligne avec l'aspiration de limitation du réchauffement sous les 2 °C. Le Scénario Zéro Emission Nette Accéléré qui termine ce livret résume les enseignements tirés.

Pour obtenir des compléments d'information sur les Scénarios Shell, veuillez consulter le site www.shell.com/scenarios.

VOIES POUR LE CO2 TOTAL

80

70

60

50

40

30

20

10

0

-10

-202000 210020802060

Année20402020

Gt

CO

2/a

n

Historique

Non contraint (MIT)

Océans (Shell)

Montagnes (Shell)

Cible 2 °C (MIT)

Voie théorique des 1.5 °C de Paris

Fourchette 1,5 °C–2 °C de Paris

Source : Analyse Shell – Modèle énergétique mondial et Perspective du MIT

La zone orange de ce diagramme représente une fourchette de trajectoires possibles (« Fourchette de Paris ») qui correspondent à l'ambition reflétée dans l'Accord de Paris. Le cas 2 °C du MIT se trouve en haut de la fourchette et en bas se trouve une trajectoire unique qui équivaut à 1,5 °C, correspondant à la ligne de probabilité de 50 % de Rogelj, et al.10 À des fins de comparaison, d'autres trajectoires sont tracées aux côtés de la Fourchette de Paris pour représenter les scénarios Montagnes et Océans de Shell et la Perspective 2015 du MIT. La Perspective du MIT reflète l'évaluation des politiques actuelles et prévues, et reconnaît que ses projections de changement environnemental indiquent la nécessité de prendre des mesures politiques supplémentaires pour stabiliser les concentrations atmosphériques des gaz à effet de serre.

Les travaux du Groupe d'experts inter-gouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) montrent que pour contenir le réchauffement à 2 °C, il faudrait typiquement que les émissions annuelles mondiales, qui ont augmenté rapidement au cours de la dernière décennie, culminent brusquement vers 2020, chutent brutalement de 50 % avant 2040, et soient proches du zéro net vers la fin du siècle.8 Pour avoir une chance supérieure à 50 pour cent d'atteindre l'objectif de 2 °C, les émissions doivent atteindre le zéro net plus tôt. Et pour avoir une chance sur deux de limiter l'élévation de la température à 1,5 °C, il sera peut-être nécessaire d'atteindre l'objectif zéro émission nette vers 2050, suivi d'émissions nettes négatives substantielles jusqu'à la fin du siècle.

Les scénarios Montagnes et Océans de Shell ont été publiés en 2013, et incluaient l'atteinte de la

neutralité carbone vers la fin du siècle par deux voies différentes. Les deux scénarios contenaient des gains majeurs en efficacité et un déploiement considérable de nouvelles technologies, dont les énergies renouvelables et le CSC (qui commence dans les années 2020). Les deux exigent également des interventions et des engagements politiques très fermes, bien au-delà de ce qui se fait aujourd'hui, avec notamment l'introduction de mécanismes robustes de tarification du carbone à l'échelle mondiale.

L'Institut de technologie du Massachusetts (MIT) a évalué ces voies en utilisant les modèles climatiques du MIT et a conclu qu'elles se traduiraient par une élévation de la température d'environ 2,4 °C d'ici 2100 (pour les Montagnes) et de 2,7 °C (pour les Océans), mais dans une large plage d'incertitude, comme pour toutes les projections climatiques.9

RÉFLEXIONS SUR LES

SCÉNARIOS NOUVELLE OPTIQUE

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UNE PLANÈTE EN BONNE SANTÉ – LES TRANSFORMATIONS STRUCTURELLES NÉCESSAIRES

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Pour atteindre l'objectif zéro émission nette, une transformation généralisée du système énergétique est nécessaire, y compris pour le volume et la proportion des différentes énergies primaires consommées (pétrole, gaz, charbon, solaire, éolien, nucléaire, etc.) et les porteurs d'énergie qu'ils produisent (électricité, combustibles liquides, etc.), ainsi que pour la façon dont les consommateurs utilisent l'énergie dans les logements, les bureaux, les systèmes de transport et les industries. La rapidité et l'ampleur de la décarbonation de la société dépendent de la capacité à changer les modèles historiques de demande en énergie et en matériels, et de l'ampleur de ces changements.

Ces transformations structurelles se produisent à des vitesses différentes, à différents moments et à différents endroits, et seront déterminées à la fois par les circonstances locales politiques et économiques et par le potentiel technique de changement dans les secteurs clés.

Les transformations structurelles de l'économie plus largeLa plupart des émissions de CO2 d'origine humaine provenant de l'utilisation d'énergie primaire fossile (charbon, gaz et pétrole) sont générées dans quatre secteurs : la production d'énergie, le bâtiment, le transport et l'industrie. Chaque secteur présente ses propres difficultés techniques et caractéristiques spécifiques qui détermineront son potentiel de décarbonation. En outre, des facteurs non techniques – tels que le coût, l'inertie sociale et la capacité institutionnelle – peuvent être tout aussi importants, voire plus, pour déterminer le rythme et l'ampleur du changement à terme.

Production d'énergieLe secteur de la génération d'énergie représente environ 40 % des émissions de CO2 mondiales liées à l'énergie. Il se distingue des autres secteurs car il est « intermédiaire » – c'est-à-dire qu'il convertit l'énergie primaire en électricité, qui est elle-même utilisée dans d'autres secteurs d'utilisation finale. Étant donné que l'électricité ne dégage aucune émission à son point d'utilisation, la décarbonation du secteur de l'énergie peut permettre une décarbonation ailleurs dans l'économie. Aujourd'hui, l'électricité approvisionne moins de 20 % de la

consommation énergétique mondiale finale. Dans le monde zéro net, elle devra augmenter jusqu'à bien plus de la moitié de la demande totale.

Il existe trois façons fondamentales de décarboner le système électrique : avec des énergies renouvelables (éolien, solaire photovoltaïque, biomasse, hydraulique) ; en appliquant le CSC au charbon et à la production d'électricité au gaz pour empêcher de libérer la majeure partie du CO2 dans l'atmosphère ; et avec l'énergie nucléaire. Grâce à ces diverses options qui pourraient être déployées à grande échelle, le secteur de l'énergie est généralement considéré comme ayant relativement peu d'obstacles techniques à la décarbonation. Il existe cependant d'autres obstacles non techniques – par exemple, la faible acceptation, pour différentes raisons, de l'éolien terrestre, du nucléaire et du CSC, et la réticence à réformer les marchés de l'énergie pour encourager l'utilisation de sources d'énergie d'appoint pour les énergies renouvelables intermittentes.

Comme les sources d'énergie renouvelable produisent de l'électricité, leur proportion finale dans le mix énergétique global dépendra en grande partie de la mesure dans laquelle la demande énergétique d'autres secteurs pourra être électrifiée. Bien que tous les pays et régions ne sont pas tous aussi ensoleillés ou venteux, il semble que les ressources solaires et éoliennes disponibles soient suffisantes pour répondre aux besoins énergétiques actuels et futurs, même dans les régions densément peuplées, sous réserve que la transmission sur quelques centaines de kilomètres soit faisable et acceptable, et qu'un stockage adéquat soit en place pour gérer l'intermittence journalière et saisonnière.11

En fait, les hydrocarbures sont eux-mêmes une forme de stockage énergétique. Le charbon et le gaz, qui alimentent actuellement environ 60 % de la production mondiale d'énergie, sont toujours disponibles, ce qui garantit que la production d'énergie peut aisément suivre les variations de la demande. Quand le monde commencera à décarboner le secteur de l'énergie, la part du charbon et du gaz dans le mix énergétique sera cependant progressivement remplacée par de nouvelles énergies qui augmenteront le besoin de stockage.

2. UNE PLANÈTE EN BONNE SANTÉ : LES TRANSFORMATIONS STRUCTURELLES NÉCESSAIRES

Depuis le début des années 70, bien que la consommation d'énergie finale ait doublé, le mix de carburants est resté relativement statique, avec une contribution constante des hydrocarbures d'environ 80 %. Le reste du mix énergétique comprend environ 10 % de biomasse (principalement du fumier et du bois), 6 % de nucléaire, 3 % d'hydroélectricité et environ 1–2 % de « nouvelles énergies renouvelables » (solaire photovoltaïque et éolien).

Pourtant, quand on considère la croissance continue des nouvelles énergies renouvelables en relation avec les possibilités technologiques émergentes et les pressions environnementales du 21e siècle, une nouvelle phase de transition se profile. La dynamique du changement dans les 50 prochaines années sera bien plus évidente qu'elle ne l'a été au cours des dernières décennies.

On observera non seulement une croissance, à mesure que la prospérité et les avantages de la vie moderne continuent à se généraliser, mais aussi une transformation des structures économiques et une transition dans les technologies appliquées au système énergétique. Cependant, en raison de la commodité du pétrole et du gaz et du faible coût du charbon, le changement ne se fera pas tout seul.

LA VISION À LONG TERME – LES TRANSITIONS PASSÉES ET FUTURES

Source : Graphique reposant sur L. Barreto, et al., Int. J. H2 Energy 28 (2003) 267. Les données antérieures à 1960 proviennent de la base de données PFU de l'IIASA (Version 0.0.2) https://tntcat.iiasa.ac.at/PFUDB ; données 1960-2014 : AIE et Shell ; données 2015–2100 : Scénarios Nouvelle Optique Shell.

La ligne grise de ce graphique montre comment les parts relatives des différentes sources d'énergie primaire (charbon, pétrole et gaz, et non fossiles) ont évolué entre 1850 et le début du 21e siècle. Les lignes bleue, verte et orange ont été ajoutées au diagramme initial pour tenir compte de l'évolution future du mix énergétique décrit dans les scénarios Shell Montagnes et Océans et dans la voie 450 de l'AIE. Ceci montre l'augmentation potentielle de la part des nouvelles sources non fossiles, dont les énergies renouvelables, l'hydrogène et le nucléaire. De manière peut être surprenante, tel qu’exprimé dans ces catégories (charbon, pétrole et gaz, non fossiles), le mix énergétique est resté constant pendant près de 50 ans depuis les années 70, malgré les chocs pétroliers qui ont entraîné un mouvement du pétrole vers le gaz lors des cinquante dernières années (non visible dans ce tableau).

Triangle de la Transition Energétique

100 %

80 %

60 %

40 %

20 %

100 % 80 % 60 %

210018501900

1950

2050

19702010

40 % 20 %

100 %

80 %

60 %

40 %

20 %

Renouvelables, biomasse et nucléaire

Pétrole et gaz

Charbon

Scénario Montagnes

Scénario Océans

Voie 450 de l'AIE jusqu'en 2040

Historique

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stockage quotidien et saisonnier et la gestion de la demande seront nécessaires dans différentes configurations en fonction de la géographie et des ressources énergétiques locales, de l'accessibilité et des développements technologiques au fil du temps. Mais les réseaux se sont avérés capables d'accommoder des pourcentages d'énergies renouvelables intermittentes plus élevés que ce que l'on prévoyait il y a seulement quelques années. De nombreuses innovations sont en cours, et elles détermineront où se situent les limites.

BâtimentLe secteur du bâtiment compte pour près d'un tiers de la consommation énergétique finale dans le monde. Ceci produit environ 7 % des émissions directes de CO2 liées à l'énergie, et c'est également la source d'une grande partie de la demande en électricité et donc des émissions dans le secteur de l'énergie. La principale utilisation de l'énergie dans les bâtiments est dédiée au chauffage ou à la climatisation, à l'éclairage et à la cuisine, qui peuvent tous être alimentés par électricité. Le degré d'électrification dans les bâtiments dépendra à la fois de l'efficacité de la conception des nouveaux bâtiments, et de la rapidité et de l’ampleur avec lesquelles le parc immobilier existant dans le monde peut être modernisé.

Dans les économies développées, la norme émergente pour les nouveaux bâtiments est le « tout électrique ». En combinant une forte isolation, un triple vitrage, des chaudières électriques, des pompes à chaleur (en réalité des climatiseurs fonctionnant en sens inverse pour chauffer un espace) et l'énergie solaire PV de toiture, les entrepreneurs peuvent déjà construire dans de nombreuses régions des maisons de faible hauteur à bilan énergétique nul et commercialement viables (celles qui génèrent autant d'énergie qu'elles n'en soutirent du réseau). Pour les bâtiments élevés et dans les villes densément peuplées, où il est plus difficile pour les résidents d'atteindre la neutralité énergétique en raison du manque d'espace sur les toits et de l'intensité de la consommation d'énergie, les municipalités pourraient dans certains cas installer des réseaux de chauffage urbain pour transporter sous forme de vapeur la chaleur récupérée ou perdue d'installations industrielles et électriques à proximité. De tels systèmes sont déjà monnaie courante dans les climats plus froids de l'Europe du Nord et de l'Est, et sont très sobres en carbone par rapport aux maisons équipées d'appareils de chauffage indépendants. Bien que ces systèmes puissent être efficaces au point des utilisateurs finaux, les pompes à chaleur et les systèmes de chauffage urbain sous-jacents doivent être décarbonés pour que les bâtiments soient

Quelque 95 % du stockage de l'énergie actuel sur le réseau se fait sous la forme d'hydroélectricité par pompage La disponibilité régionale d'un potentiel hydroélectrique est donc un catalyseur de systèmes énergétiques à grande échelle qui dépendent exclusivement ou principalement des énergies renouvelables. La production électrique à partir de la biomasse est une autre possibilité, mais ni l'hydroélectrique, ni la biomasse ne seront universellement disponibles au niveau requis. Néanmoins, les progrès – soutenus par de nombreux investissements – continuent en ce qui concerne les options de stockage non hydroélectriques (air comprimé, batteries, hydrogène). Et la généralisation des véhicules à batterie électrique couplée aux technologies intelligentes pourrait un jour apporter une capacité de stockage décentralisé et flexible, permettant à l'énergie d'être stockée ou soutirée par le réseau depuis chaque batterie de véhicule, en fonction des besoins horaires et journaliers. L'avenir nous dira dans quelle mesure ces solutions peuvent être généralisées.

Les deux moyens restants pour décarboner le système électrique – le CSC et le nucléaire – sont techniquement éprouvés, en totalité ou en partie, mais sont confrontés à des difficultés non techniques, surtout en ce qui concerne la délivrance de permis et le financement. Pour faire sérieusement décoller le CSC, il faudra combiner une géologie favorable à un soutien sociopolitique et des mécanismes financiers. Le choix de poursuivre ou d'arrêter l'expansion du nucléaire est fondamentalement une question politique nationale, qui dépend des conditions sociopolitiques et économiques locales. Compte tenu des coûts, des risques et des obligations potentielles, le soutien du gouvernement est absolument nécessaire au développement de l'énergie nucléaire.

Il reste aujourd'hui une grande incertitude sur la façon dont les systèmes d'énergie pourront faire face à l'offre croissante et diversifiée de sources renouvelables intermittentes. Diverses combinaisons de production d'énergie d'appoint (que ce soit le charbon, le gaz, le nucléaire ou l'hydrogène), le

FLUX ÉNERGÉTIQUES DANS LES BÂTIMENTS

Source : Analyse Shell

Charbon Gaz Électricité Chaleur Biomasse (traditionnelle)et pétrole

Services

Services

Appareils

Appareils

Chauffageet cuisinerésidentiels

Bâtiments non OCDE (66 EJ) par anBâtiments OCDE (50 EJ) par an

Chauffageet cuisinerésidentiels

SOURCES D'ÉMISSIONS DE CO2 LIÉES À L'ÉNERGIE DANS LES SECTEURS CLÉS

Source : Analyse Shell

Le graphique ci-dessus explique la difficulté relative de décarboner les secteurs économiques clés. Le terme « émissions directes » désigne les émissions liées à l'énergie qui se produisent au point d'utilisation – par exemple, quand quelqu'un utilise du mazout domestique chez lui pour chauffer le logement. « Les émissions indirectes » correspondent aux émissions liées à l'énergie pendant la chaîne des activités nécessaires pour fournir ce service énergétique – par exemple, celles qui sont générées pendant le processus de production de chaleur dans les centrales électriques ou les installations industrielles qui approvisionnent les systèmes de chauffage urbain.

Charbon15,3 Gt

Émissionsindirectes15,1 Gt

Émissionsdirectes17,2 Gt

Industrie13 Gt

Moinsdif�cile

Autre utilisationfinale 1,6 Gt

Bâtiment9,3 Gt

Transport8,5 Gt

Gaz naturel6,5 Gt

Pétrolebrut11,4 Gt

Moins dif�cile ou Plus dif�cile est une évaluation technique

Charbon Gaz naturel Pétrole Produitspétroliers

Émissionsindirectes

Émissionsdirectes

Productiond'énergie13,6 Gt

Transformationde carburant

12,9 Gt

Moinsdif�cile

Plusdif�cile

Plusdif�cile

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considérés comme neutres en carbone. Lorsque ces options ne sont pas disponibles, les chaudières à gaz restent une solution efficace.

La modernisation du parc immobilier existant pour l'ensemble d'un pays est une entreprise de plusieurs dizaines d'années. Au Royaume-Uni, l'Institut des technologies de l'énergie (ETI) a calculé l'ampleur et le rythme nécessaires pour déployer le chauffage urbain permettant de décarboner une proportion importante des 25 millions de logements qui constituent le parc britannique.12 Dans le scénario de l'ETI – appelé Clockwork – le plan nécessiterait un financement (dont des subventions gouvernementales importantes), une politique stable pour encourager les investissements du secteur privé, des réglementations nationales et locales pour établir des normes techniques et de sécurité, la formation de dizaines de milliers de techniciens qualifiés pour exécuter le travail et le consentement des électeurs et des contribuables pour lancer le projet. Il faudrait également démarrer dans les prochaines années, et intensifier les efforts avec le temps. Il s'agit évidemment d'une tâche conséquente, mais c'est un objectif qui est entièrement connu et qui est techniquement réalisable s'il est soutenu par des engagements politiques clairs.13

Pratiquement toute la croissance future dans la construction des bâtiments devrait se faire dans les pays émergents et en développement, en particulier dans les villes, ce qui pose de multiples défis associés à de multiples objectifs. Les gens dans la plupart des pays en développement ont davantage besoin de refroidissement que de chauffage, ce qui confirme l'électricité comme source d'énergie privilégiée. Les gouvernements et les municipalités peuvent encourager le mouvement vers l'utilisation de l'électricité et du gaz dans les bâtiments en effectuant une planification intelligente des villes à un niveau supérieur, et en établissant des normes de construction au niveau local. Ils peuvent aussi soutenir l'utilisation de l'hydrogène dans les villes, où il peut être produit à partir de gaz naturel pour être utilisé comme charge d'alimentation dans les centrales électriques et comme carburant pour les véhicules moyens et lourds. Cette double infrastructure - qui combine les réseaux d'électricité et les réseaux de gaz ou de chauffage urbain - est également caractéristique des systèmes résilients.

TransportLes émissions directes de CO2 liées à l'énergie et dues au transport représentent environ 20 % des émissions mondiales de CO2. La population mondiale croissante et plus prospère d'un monde zéro net aura besoin de flux de transport bien plus intenses, tant pour la mobilité personnelle que pour le commerce et le transport des marchandises. Les demandes en services énergétiques pour le transport sont susceptibles d'augmenter jusqu'à trois à quatre fois par rapport à leur niveau actuel, même en supposant des améliorations notables de l'efficacité énergétique et le regroupement d'une proportion beaucoup plus importante de la population mondiale dans des villes très compactes (avec moins de kilomètres passagers).

À l'heure actuelle, le secteur mondial des transports, à l'exception du rail, est presque entièrement alimenté par des hydrocarbures liquides comme l'essence, le diesel et le combustible de soute pour les transports maritimes. Le potentiel de décarbonation varie en fonction des différents sous-secteurs de transport.

Le transport routier des voyageurs sera le plus facile à électrifier. En effet, les véhicules électriques à batterie ou à pile à combustible pourraient représenter 80 % du parc de voitures particulières mondial dans les décennies à venir. Les véhicules électriques sont particulièrement adaptés aux déplacements courts et moyens dans les milieux urbains et les régions densément peuplées, où les points de recharge peuvent être facilement concentrés pour minimiser le risque d'épuisement de batterie à mi-parcours.

Contrairement aux passagers du transport routier, le transport de marchandises lourdes sur de longues distances à bord de navires et de camions nécessite plus de combustibles à forte densité énergétique. Ici, avec l'utilisation croissante des batteries pour les besoins de transports en fret plus courts, comme dans les villes, l'utilisation de l'hydrogène (qui ne dégage pas de CO2) et de gaz naturel liquéfié (GNL) – deux combustibles liquides denses en énergie – viendra compléter et avec le temps finira par remplacer une partie des carburants classiques.

Et pour les plus longs voyages par air et par mer, où la taille et le poids des batteries resteront probablement prohibitifs dans un avenir prévisible, les hydrocarbures liquides et les biocarburants pourraient bien continuer à dominer pendant un certain temps.

1 400 000LOGEMENTS

LOGEMENTS CUMULATIFSAVEC CHAUFFAGE URBAIN(APPROXIMATIF)

500 000LOGEMENTS

LOGEMENTS AJOUTÉS200 PAR JOUR70 000 PAR AN

2030

2020

20509 300 000LOGEMENTS

4 300 000LOGEMENTS

2040

LOGEMENTNEUTRE ENCARBONE

Déploiement du chauffage urbain au RUVitesse du déploiement du chauffage urbain : Scénario Clockwork de l'Institut des technologies de l'énergie

LOGEMENTS AJOUTÉS800 PAR JOUR300 000 PAR AN

LOGEMENTS AJOUTÉS1 900 PAR JOUR700 000 PAR AN

LOGEMENTS AJOUTÉS300 PAR JOUR100 000 PAR AN

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La croissance de l'hydrogène comme carburant de transport dépendra non seulement des progrès technologiques, mais aussi de la capacité institutionnelle à déployer les systèmes d'infrastructure et de canalisation nécessaires. Si les mécanismes sont maîtrisés et si l'hydrogène est déployé à l'échelle mondiale, il pourrait s'approprier une part importante des besoins en hydrocarbures.

Il n'est bien sûr pas possible de prévoir en toute confiance les progrès techniques dans un avenir aussi lointain que le milieu de ce siècle et au-delà. Mais il est évident que la décarbonation des transports – qui aujourd'hui reposent massivement sur les hydrocarbures – se compose d'une série de tâches qui varient en fonction des modalités de transport, qui sont chacune liées à leurs propres considérations techniques. Après le train, le mode de transport le plus facile à transformer est la voiture privée. Les solutions pour le fret, le transport maritime et l'aviation sont beaucoup plus délicates.

IndustrieLe secteur industriel représente environ 15 % des émissions directes de CO2 liées à l'énergie, et c'est également la source d'une grande part de la demande en électricité, et donc des émissions, dans le secteur de l'énergie. Il est formé d'une grande variété d'industries et de sous-secteurs avec différents besoins énergétiques.

La capacité d'un secteur industriel particulier à se décarboner dépend du fait que ses procédés fondamentaux exigent ou non des températures très élevées, et que certaines réactions chimiques sont impliquées ou pas. Certains secteurs de l'industrie légère, tels que la confection, le bois, le papier et l'alimentation n'ont pas besoin de chaleur industrielle ou ont besoin de températures relativement modestes inférieures à 250 °C. Ainsi, les machines à coudre, les scieries, les machines à papier chauffées à la vapeur et les cuves de pasteurisation alimentaire peuvent toutes fonctionner à l'électricité, et ces industries peuvent donc être alimentées en respectant le principe de la neutralité carbone.

En revanche, ce n'est pas le cas pour l'industrie lourde. La production primaire du fer et de l'acier repose sur une chaleur intense (supérieure à 1200 °C) dans des fours. Les technologies actuelles des procédés industriels dépendent des hydrocarbures utilisés comme combustibles thermiques pour produire ces températures élevées. À l'avenir, l'hydrogène pourrait également être utilisé. Mais il n'y a pas encore de voie évidente pour que l'électricité puisse assurer la chaleur élevée nécessaire à l'échelle industrielle. Un aspect particulier de l'industrie du fer et de l'acier est que la réduction du fer demande également une source de carbone pour transformer

Aujourd'hui, moins de 1 % du parc mondial de véhicules est électrique. Pour les utilisations légères, ce chiffre va augmenter de manière significative au cours des prochaines années, à mesure que le prix et le choix de véhicules électriques à batterie et à pile à hydrogène s'améliorent au fil du temps. L'évolution de la technologie des batteries est l'une des variables les plus importantes pour déterminer le rythme de l'électrification à terme. Au-delà du temps de cycle normal nécessaire pour remplacer les voitures par des modèles plus récents, peu d'obstacles limitent l'adoption des batteries avancées, alors que des innovations voient le jour au-delà de la garantie d'un approvisionnement suffisant en ressources clés, tels que le lithium. À terme, des batteries évoluées pourraient même permettre une certaine hybridation du transport aérien.

À plus long terme, le développement des véhicules à batteries pourrait un jour apporter l'une des solutions à l'intermittence des sources d'énergie renouvelables : une technologie et des algorithmes informatiques intelligents pourraient permettre à un propriétaire de voiture d'échanger commercialement la capacité de stockage d'énergie d'une batterie de voiture garée dans son garage pour aider à équilibrer le réseau électrique. Les propriétaires de voiture pourraient facturer les services de distribution d’énergie pour stocker l'énergie en surplus ou en soutirer de leurs batteries de véhicule pour accommoder l'offre et la demande. Les villes densément peuplées dans les pays riches sont les plus susceptibles de prendre les devants pour tenter de démontrer de tels systèmes, même s'il faudra des renforts coûteux pour le réseau afin de gérer les tensions plus élevées qui seront probablement nécessaires.

CONSOMMATION D'ÉNERGIE FINALE TOTALE DANS LES INDUSTRIES ET L'AGRICULTURE

Source : Sur la base de données AIE issues du rapport ETP2012. Le flux des transporteurs d'énergie dans l'industrie en 2009 (issu de l'ETP2012 de l'AIE). Notez que les flux vers le fer et l'acier comprennent 10 EJ de charbon pour les hauts-fourneaux et 23 EJ de charges d'alimentation chimiques.

LE FUTUR DE L'ÉNERGIE DANS LE TRANSPORT

Maritime19 EJ/an

Route – fret67 EJ/an

Air30 EJ/an

Rail5 EJ/an

Route – passagers64 EJ/ans

La taille du secteur indique l'énergie requise en termes d'hydrocarbures en fonction des kilomètres passagers et fret.

Hydrocarbures

Hydrogène

Électricité

Vent (voile)

Source : Analyse Shell

Ce graphique décrit notre scénario le plus ambitieux, où toutes les technologies – même celles qui sont encore aux tous premiers stades de la R& D – ont été mises en œuvre au niveau mondial à leur capacité maximale plausible selon nos études. Il montre comment les futurs besoins énergétiques dans le transport pourraient être satisfaits avec un mix plus large de carburants, dont l'électricité et l'hydrogène. (Notez que dans l'analyse, les biocarburants sont regroupés avec les hydrocarbures.) La taille de chaque anneau est proportionnelle à celle de la consommation totale d'énergie des sous-secteurs si tous les services étaient alimentés en hydrocarbures.

Charbon 36 EJ

Pétrole 29 EJ

Gaz naturel 24 EJ

Biomasse, déchetset autres énergiesrenouvelables 8 EJ

Électricité etchaleur 29 EJ

Fer et acier26 EJ

Chimie etpétrochimie36 EJ

Aluminium 4 EJ

Ciment 11 EJ

Pâtes et papiers6 EJ

Autres industries44 EJ

33

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le minerai de fer en métal élémentaire ; de ce fait, du CO2 est libéré et le CSC est la seule voie viable pour régler le problème. La production de ciment Portland, le ciment le plus courant dans le monde, suppose également des températures élevées et le rejet de CO2 dans le cadre du procédé chimique sous-jacent. Et les différents procédés impliqués dans la production de produits chimiques de base à partir de produits pétroliers nécessitent des températures élevées, ainsi que du pétrole et du gaz comme charges d'alimentation.

Bien qu'il y ait des recherches en cours, il est difficile d'envisager des percées technologiques à court terme qui pourraient radicalement réduire ou éliminer le besoin de combustibles thermiques et de carbone dans ces procédés industriels de base à grande échelle dans un avenir prévisible.

Pourtant, les sociétés ne peuvent pas facilement se passer de ces produits matériels. Ils forment les briques de base de l'économie industrielle et agricole moderne. Les engrais fabriqués avec de l'azote dérivé du gaz naturel sont un élément essentiel pour maintenir et accroître la production des cultures alimentaires et non alimentaires. Le ciment est fondamental pour le développement des infrastructures, y compris la construction de bâtiments (maisons, hôpitaux, aéroports, etc.) et de services d’assainissement (stations de traitement de l’eau, systèmes d’égouts). Le fer et l’acier sont essentiels à la construction des systèmes de transport (construction automobile, chemins de fer, bateaux) et des villes (tours, ponts, tunnels). Le gaz naturel est utilisé pour fabriquer des engrais, un élément essentiel pour maintenir et accroître la production des cultures alimentaires et non alimentaires. Et les produits chimiques de base offrent des caractéristiques uniques et spéciales pour les innombrables articles qui font partie intégrante de nos vies quotidiennes, comme les solvants, détergents, adhésifs, plastiques, résines, fibres synthétiques, lubrifiants et gels de lavage des mains, pour n’en citer que quelques-uns.

Dans un monde s'approchant des 10 milliards d'habitants, la demande pour ces matériaux devrait augmenter au fil du siècle, même en supposant des améliorations conséquentes dans l'efficacité avec laquelle les économies les produisent, les consomment et les recyclent.

Alors comment ces secteurs, et avec eux nos économies industrielles modernes, peuvent-ils être décarbonés ? Il existe un certain nombre de possibilités techniques et pratiques qui peuvent toutes jouer un certain rôle, comme recycler davantage les matériaux à forte intensité de carbone en vue de réduire la nécessité de les produire en premier lieu (compensé en partie par l'énergie nécessaire pour les recycler), et adopter des combustibles thermiques à faible teneur en carbone (gaz, biomasse) et zéro carbone (hydrogène). L'hydrogène serait une alternative particulièrement prometteuse s'il était produit à partir d'une électricité renouvelable par électrolyse de l'eau au lieu du gaz naturel, la méthode la plus courante aujourd'hui, ou du gaz naturel combiné avec le CSC. Mais même avec ces développements prometteurs, d'importantes émissions continueront à être libérées par les grandes installations et procédés industriels pendant des décennies à venir. Le seul moyen connu pour empêcher ces émissions de CO2 de se retrouver dans l'atmosphère est d'utiliser le CSC pour les capter et les stocker sous terre en toute sécurité.

Alors que des facteurs techniques déterminent le potentiel de décarbonation des industries, le niveau réel des progrès dépendra de facteurs non techniques, comme la réglementation et les coûts. Les émissions varient considérablement d'une industrie à l'autre. Les secteurs du fer, de l'acier et du ciment libèrent par exemple environ 7 kg de CO2 pour chaque dollar de valeur ajoutée produite. La valeur ajoutée créée par unité d'énergie utilisée dans ces industries lourdes est environ dix fois moindre que dans l'économie dans son ensemble, ce qui souligne la difficulté relative de ces industries à financer des mesures de réduction du CO2.

Quelles sont les implications pour les transitions à venir dans les secteurs clés qui sont nécessaires pour décarboner les industries lourdes de l'économie moderne ?

Pour la production d'acier, une grande partie de la croissance de l'offre supplémentaire au cours de ce siècle pourrait venir de l'augmentation de la production d'acier recyclé (ou secondaire), en utilisant des fours à arc électrique et des fours à gaz. L'Agence Internationale de l'Energie décrit ce changement possible vers l'accroissement du recyclage comme le facteur le plus important

DÉFIS D'ACCESSIBILITÉ A LA DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE

Source : Analyse Shell reposant sur des données de l'AIE et de Oxford Economics.

Un histogramme des émissions de CO2 sectorielles par rapport à leur consommation totale d'énergie finale en 2012. La viabilité économique des options de décarbonation peut être évaluée en examinant les rapports entre l'énergie consommée et le CO2 émis d’une part, et la valeur ajoutée de chaque secteur industriel d’autre part, ce qui donne une indication du caractère abordable relatif vraisemblable de la réduction des émissions.

dans la baisse de l'intensité de carbone pour la fabrication de l'acier. Mais la demande d'acier devrait doubler pendant la période, et la moitié de l'acier continuera à être produite comme aujourd'hui, en réduisant le minerai de fer avec du coke dans des hauts-fourneaux à oxygène alimentés au charbon, qui sont de grands émetteurs de carbone. Les experts estiment que les améliorations de l'efficacité des procédés pourraient permettre d'économiser 20 % d'émissions supplémentaires dans la fabrication de l'acier, par rapport aux installations ultramodernes actuelles, dont la plupart se trouvent dans l'OCDE et en Europe. Diffuser ces meilleures pratiques technologiques pour qu'elles s'imposent dans l'ensemble de l'industrie mondiale serait un grand pas en avant. Ensuite, la seule

option technique plausible pour une décarbonation profonde consiste à utiliser le CSC.

L'industrie du ciment est confrontée à un défi similaire : très faible valeur ajoutée par unité d'énergie utilisée et par kg de CO2 émis (voir le diagramme). Seul, le ciment représente environ 5 % des émissions mondiales de CO2 d'origine humaine. Pour chaque kg de ciment produit, près de 0,9 kg de CO2 est libéré. Environ la moitié des émissions provenant de la production de ciment vient de l'énergie utilisée pour alimenter le four pendant la réaction de calcination pour produire du clinker. Le charbon est généralement utilisé pour alimenter les fours car il est relativement moins cher, mais des combustibles moins intensifs en CO2 (gaz, biomasse, hydrogène) pourraient être utilisés à la place. L’autre moitié des émissions provenant de la

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Consommation d'énergie cumulative de l'industrie (EJ/an)

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7

6

5

4

3

2

1

0 20 40 60 80 100 120 140

Émissions de procédéissues de la calcination

Toutes les émissionsliées à l'énergie

Émissions directementliées à l'énergie

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production de ciment vient du CO2 libéré pendant la réaction de calcination proprement dite. Pour une solution complète de décarbonation du ciment, le CSC est à nouveau la seule option viable, et permettrait d'éliminer aussi bien les émissions énergétiques et que celles des procédés.

En résumé, alors qu'il semble possible d'électrifier une grande partie de l'industrie à un coût modéré,

l'atténuation des émissions de CO2 dans de larges portions de l'activité industrielle fondamentale sera plus difficile et coûteuse à réaliser et dépendra inéluctablement de l'utilisation de la technologie du CSC, dont le déploiement dépendra lui-même de son financement sous une forme ou une autre.

POTENTIEL DE CROISSANCE ET DE DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE

Source : Shell, AIE, FAO

Ce diagramme présente notre analyse de la croissance probable dans les différents sous-secteurs de l'industrie et de l'agriculture à partir de 2013 jusqu'au début de la seconde moitié du siècle, et le potentiel de décarboner chacun dans un monde neutre en carbone. L'analyse repose sur des hypothèses ambitieuses et optimistes pour le déploiement de nouvelles technologies et les gains en efficacité. Le cercle bleu au milieu représente la répartition en 2013 de la consommation totale d'énergie finale de l'industrie légère, l'agriculture (y compris les secteurs relativement mineurs de la sylviculture et de la pêche) et les cinq sous-secteurs de l'industrie lourde : pâtes et papiers, fer et acier, métaux non ferreux, produits chimiques et pétrochimiques, et minéraux non métalliques, y compris le ciment.14 La croissance de production de chaque secteur est indiquée par la taille des secteurs colorés du diagramme, et leurs couleurs représentent notre évaluation qualitative de la difficulté à les décarboner.

Priorité des actionsAlors que la demande évolue dans ces domaines clés de l'économie, y compris l'énergie, le bâtiment, le transport et l'industrie, le système énergétique va connaître une longue période de perturbation et de co-évolution des technologies établies et émergentes. Si on prend l'ensemble des analyses secteur par secteur, un certain ordre de priorité logique apparaît pour les actions de décarbonation du système au fil du temps :

1. redoubler les mesures d'efficacité et étendre l'électrification dans toute l'économie lorsque c'est possible ;

2. maintenir la dynamique de la croissance de production des énergies renouvelables, en particulier le solaire PV et l'éolien, et maximiser la capacité du réseau à gérer leur intermittence ;

3. accélérer le remplacement progressif du charbon par le gaz pour réduire immédiatement les émissions du secteur de l'énergie, tout en assurant l'approvisionnement nécessaire pour répondre à la demande – un moyen de minimiser les émissions cumulées pendant la transition ;

4. améliorer les bâtiments et l'infrastructure des villes pour réduire la demande en services énergétiques de manière significative ;

5. accélérer les efforts dirigés par le gouvernement pour promouvoir les technologies et les infrastructures à faible teneur en carbone, y compris le nucléaire, le CSC, le transport par hydrogène, la bioénergie responsable et la sylviculture durable, l'agriculture et les pratiques d'utilisation des terres.

Notre analyse suggère que, d'ici 2035–50, les trois premières actions prioritaires pourraient amener le monde à mi-chemin dans la transition vers l'objectif zéro émission nette, quand une grande partie de la croissance de la demande mondiale en énergie aura été réalisée (avec l'exception probable de l'Afrique), et quand les actions de décarbonation relativement faciles auront été prises. Mais les efforts de décarbonation pourraient alors s'essouffler, sauf si le travail commence sérieusement dans les quatrième et cinquième domaines d'actions, c'est-à-dire les démarches à plus long terme qui prendront souvent des dizaines d'années de planification et de mise en œuvre.

C'est particulièrement le cas pour l'industrie lourde, où des instructions seront nécessaires, et où la seule option techniquement réalisable et envisageable pour décarboner à grande échelle se fera souvent par le CSC (comme dans l'industrie de l'acier). C'est également vrai pour les sous-secteurs de transport problématiques (fret, aviation et maritime) et pour les régions à la traîne sur le plan de leur motivation ou de leur capacité de relever le défi mondial. L'approche résiliente pour la société consiste à commencer dès maintenant à tester et construire les infrastructures nécessaires, en renforçant les chaînes d'approvisionnement sur lesquelles elles s'appuieront et en favorisant les efforts de R&D pour explorer de nouvelles options technologiques.

Si la société réussit, nous allons nous retrouver avec un système d'énergie qui nous sera fort peu familier. La proportion de l'électricité en tant que part de la consommation d'énergie finale va passer d'environ 20 % aujourd'hui à largement plus de 50 %. Compte tenu de l'augmentation globale de la demande d'énergie au cours de cette période, cela signifie que l'offre totale d'électricité actuelle sera multipliée par plus de 5.

Et le mix énergétique primaire sera également très différent : quelque 40 % de l'énergie primaire proviendra de l'éolien et du solaire – et en particulier du solaire, qui se développe si rapidement aujourd'hui. Environ 20 % proviendront du nucléaire et de l'hydroélectricité, avec éventuellement une certaine croissance des développements géothermiques, et environ 15 % viendront du domaine « bio », que ce soit des biocarburants, par exemple dans les véhicules, ou de la biomasse combinée avec la gazéification et utilisée avec le CSC dans les procédés industriels pour obtenir des émissions négatives.

Il reste donc environ 20-25 % d'hydrocarbures, principalement du pétrole et du gaz, dans le mix énergétique mondial d'un monde zéro net. Une importante proportion de cette part d'hydrocarbures au sein du mix sera du gaz, qui aura progressivement remplacé le charbon comme combustible thermique, dégageant considérablement moins d'émissions. La consommation de pétrole se poursuivra dans le transport lourd interurbain, et des hydrocarbures seront encore utilisés pour la fabrication de produits pétrochimiques. Mais le monde du futur zéro net est un revirement complet par rapport au monde d'aujourd'hui, où les hydrocarbures représentent plus de 80 % du système énergétique.

Dépendance des hydrocarbures

2013

Prévision

La plus forte

Fer et acier

Chimie etpétrochimie

Industrie légère

Pâtes etpapiers

Agriculture

Métaux nonferreux

Minéraux nonferreux

La plus faible

Biomasse (propres déchets recyclés)

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LE RÔLE CLÉ DE L'UTILISATION DES TERRESAujourd'hui, près d'un quart des émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique provient de l'agriculture, de la sylviculture et d'autres utilisations des terres. Et à mesure que la population mondiale augmente et s'enrichit, la demande pour les cultures, les pâturages pour nourrir les animaux, les produits du bois et la biomasse est appelée à augmenter. Ainsi, si nous espérons atteindre l'objectif zéro émission nette, il est extrêmement important de contrôler les émissions liées à l’utilisation des terres.

La première priorité est d'arrêter et d'inverser la conversion des forêts naturelles, tourbières et prairies riches en carbone en sols à vocation agricole. En fait, beaucoup considèrent ceci comme tout aussi important que la réduction d'une quantité similaire de CO2 généré par les centrales électriques au charbon, étant donné les autres bénéfices apportés par les écosystèmes naturels, à court comme à long terme. Ces bénéfices comprennent la biodiversité, la gestion du cycle de l'eau, la protection des sols et le maintien du cycle naturel du carbone.

Des types de terre et d'usage différents nécessitent des approches différentes. D'ici 2050, le monde pourrait avoir besoin d'augmenter de 60 % les rendements agricoles pour les terres déjà cultivées. Et la quantité de produits alimentaires et agricoles qui sont purement et simplement gaspillés en raison de mauvaises pratiques de récolte, de transformation et de distribution doit être réduite de 30-50 % de la production totale gaspillée aujourd'hui.

Ensuite, le monde doit réduire les émissions provenant des animaux d'élevage. 80 % des terres agricoles sont utilisées comme pâtures pour nourrir les animaux. Sans contrôles rigoureux, les émissions de méthane provenant de l'élevage - qui est un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le CO2 – pourraient plus que doubler entre 2010 et 2100. De nombreux experts en matière de politique

alimentaire considèrent que la croissance dans la plupart des modèles actuels de production et de consommation de viande est le principal obstacle pour parvenir à une agriculture durable. Alors que la consommation mondiale de viande est appelée à augmenter, l'adoption de régimes alternatifs aiderait à modérer la croissance de la demande globale.

Enfin, la production agricole doit considérablement réduire les émissions de protoxyde d’azote (N2O) provenant de l'utilisation des engrais, qui sont en bonne voie de doubler, voire tripler d'ici la fin du siècle. En tant que gaz à effet de serre, le protoxyde d’azote est environ 300 fois plus puissant que le CO2 et persiste dans l'atmosphère pendant plus de cent ans. Le GIEC affirme que les perspectives de réduction du CO2 provenant de l'exploitation des terres d'ici le milieu du siècle sont plus prometteuses que dans la plupart des secteurs énergétiques ou de consommation énergétique, mais reconnaît que « certaines sources de ces gaz non CO2 sont difficiles à atténuer, comme les émissions de N2O issues de l'utilisation d'engrais et les émissions de méthane provenant du bétail. En conséquence, les émissions de la plupart des gaz autres que le CO2 ne seront pas réduites à zéro, même dans les scénarios d'atténuation les plus strictes. »15

Améliorer les pratiques d'utilisation des terres nécessitera des actions dans cinq grands domaines : la production de nourriture, d'aliments pour animaux, de fibres et d'énergie, et la gestion de la nature. La mesure de la croissance du rendement des cultures sera inversement proportionnelle à l'ampleur des changements et des compromis nécessaires entre la production de viande, la bioénergie et le ré-ensauvagement. Des politiques claires sont nécessaires pour fixer le cadre de l'intensification durable de l'utilisation des terres, en particulier dans les économies sous-développées. L'encouragement des investissements est crucial, et les prix fixés pour les gaz à effet de serre vont aider dans ce sens.

Fossile Environ 50 % d'électrification de l'utilisation finale.Avec le captage et stockage du dioxyde de carbone

Monde émergent neutre en carbone

2015

Mix énergétique plausible dans un monde émergent neutre en carbone

Source : Analyse Shell

Pour une prospérité généralisée dans le monde entier, le système énergétique va doubler d’ici la fin du siècle.

SOURCE D’ÉNERGIE GAZ PÉTROLE CHARBON BIOÉNERGIE NUCLÉAIRE SOLAIRE ÉOLIEN AUTRE

2015 21 % 31 % 28 % 11 % 5 % 0,5 % 0,5 % 3 %

Monde neutre en carbone 9 % 7 % 9 % 15 % 8 % 30 % 12 % 10 %

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un aperçu sur...

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DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES DE L'ÉNERGIE

Source : Gert Jan Kramer et Martin Haigh, « No Quick Switch to Low Carbon Energy », Nature (décembre 2009), 568–69.

Quand une technologie produit 1000 térajoules par an (l'équivalent de 500 barils de pétrole par jour), la technologie est dite « disponible ». Arriver au seuil d'importance relative peut prendre 30 ans (1 % du mix énergétique mondial). Ceci a été identifié comme l'une des « lois » du déploiement énergétique historique. Prévisions après 2007, issues du scénario Shell Blueprints (Schémas Directeurs) 2008 publié précédemment.

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1960

Années 70 à 2000Création des technologies

2000 à 2030Technologies à l'échelle

Après 2025Assurer le fonctionnement du système

Importancerelative

20502040203020202010Année

2000

Total

Pétrole

Nucléaire

GNL

Biocarburants – 1re gén

Biocarburants – 2e gén

Solaire PV

Éolien

CSC

Déploiement observéet prévu

199019801970

TJ/a

n

Projections d’après les plans

Au cours de cette première phase de « décollage », les nouvelles technologies connaissent parfois une croissance exponentielle. Le 20e siècle a été marqué par un rythme d'expansion des nouvelles technologies énergétiques d'un ordre de grandeur par décennie (ce qui correspond à 26 % de la croissance annuelle). Si la croissance exponentielle pouvait continuer, toute l'énergie serait renouvelable d'ici 20 ans (deux autres décennies avec une croissance d'un ordre de grandeur additionnel par décennie). Mais les analyses montrent que, après le franchissement du seuil de 1 %, le taux de croissance des nouvelles technologies énergétiques comme part relative de l'ensemble du système énergétique tend naturellement à ralentir quand la chaîne d'approvisionnement et l'industrie viennent à maturité, même si les taux de déploiement réels continuent à croître. Il semble que ceci soit dû au besoin d'investissements absolus de plus en plus conséquents dans les chaînes d'approvisionnement – avec les risques financiers et le manque de main-d'œuvre qualifiée associés, et également au fait que les créneaux avantageux sont déjà exploités, ce qui exacerbe la concurrence dite « mainstream » (générale).

Quelles en sont les implications pour le futur rôle de la génération actuelle d'énergies renouvelables « matures » (solaire PV, éolien, biocarburants de première génération) ? Dans le scénario Océans de Shell, nous décrivons une voie ambitieuse dans laquelle le solaire évolue de 1 % aujourd'hui jusqu’à devenir la plus grande source d'énergie primaire du système énergétique en 2060, représentant alors 40 % de l'énergie primaire totale. Pour arriver à une telle croissance, il faudrait une hausse des prix de l'énergie fossile par rapport à l'énergie solaire, des innovations technologiques significatives (telles que la capacité de stockage sur batterie et l'intégration de l'énergie solaire dans les matériaux de construction), des marchés mondiaux de produits solaires qui ciblent les riches aussi bien que les pauvres, un niveau élevé d'électrification des utilisations énergétiques fixes, et un engagement de la part de nombreuses personnes dans le monde en faveur de sources d'énergie durables. Ce cheminement est de toute évidence tout sauf rapide ou facile, mais il n'est pas impossible.

Pour les nouvelles technologies énergétiques qui sont encore en phase de laboratoire ou de démonstration précoce, comme les biocarburants de deuxième génération, le nucléaire avancé et le CSC, nous pensons que la « règle » des 30 ans est encore un indicateur utile du rythme du changement.

L'un des facteurs qui affectent la pénétration de toutes les nouvelles technologies est la vitesse à laquelle l'infrastructure énergétique existante peut être remplacée. Contrairement aux biens de consommation, une grande partie du stock de capital du système énergétique actuel (par exemple les importantes centrales électriques centralisées à fort intensité capitalistique) peut typiquement être exploitée pendant environ 50 ans. Ceci a conduit à des taux historiques de remplacement très lents, car en général les investisseurs envisagent seulement des démantèlements anticipés de ces installations si les coûts totaux du capital et de l'exploitation de la nouvelle technologie sont inférieurs aux coûts d'exploitation des anciennes installations.

À l'avenir, à mesure que le coût de l'énergie renouvelable baisse et que des percées techniques voient le jour dans le domaine du stockage et de la technologie de réseau intelligent, ce qui déclenchera une réponse du marché et des innovations dans les modèles d'affaires, il est possible que davantage d'installations soient mises hors service de manière anticipée, comme c'est déjà le cas dans un certain nombre de pays aujourd'hui. En outre, la croissance des systèmes solaires sur toiture et des infrastructures énergétiques plus modestes, décentralisées et concurrentielles va encore raccourcir les cycles de vie des infrastructures et des taux de roulement. Pour que de nouvelles sources d'énergie puissent être déployées plus rapidement et à moindre coût, des cadres de subventions et de politiques fiscales judicieusement conçus devront être mis en place afin de permettre une transition économiquement efficace, et de minimiser la dévaluation excessivement coûteuse des actifs.

À L'AVENIR, À MESURE QUE LE COÛT DE L'ÉNERGIE RENOUVELABLE BAISSE ET QUE DES PERCÉES TECHNIQUES VOIENT LE JOUR DANS LE DOMAINE DU STOCKAGE ET DE LA TECHNOLOGIE DE RÉSEAU INTELLIGENT, CE QUI DÉCLENCHERA UNE RÉPONSE DU MARCHÉ ET DES INNOVATIONS DANS LES MODÈLES D'AFFAIRES, IL EST POSSIBLE QUE DAVANTAGE D'INSTALLATIONS SOIENT MISES HORS SERVICE DE MANIÈRE ANTICIPÉE, COMME C'EST DÉJÀ LE CAS DANS UN CERTAIN NOMBRE DE PAYS AUJOURD'HUI.

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LA CROISSANCE DES ENERGIES RENOUVELABLES ET DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'ENERGIELe système énergétique zéro émission nette accorderait un rôle beaucoup plus important aux sources d'énergie renouvelables comme l'éolien, le solaire, l'hydroélectricité, la géothermie et d'autres nouvelles sources d'énergie. Trente ans après la sortie du laboratoire de la première génération de technologies éoliennes et solaires dans les années 70 et 80, elles ont récemment dépassé le seuil d'importance relative (plus de 1 % du mix énergétique mondial), et leur déploiement se poursuit à un rythme impressionnant.

Ce voyage de 30 ans, du laboratoire jusqu'à un impact significatif, est caractéristique de chaque génération nouvelle de technologie énergétique. La recherche nécessaire commence modestement et met du temps à s'étendre. Des fonds gouvernementaux sont souvent requis pour mener à bien des projets de démonstration pour les options les plus prometteuses. Enfin, le financement privé aide les nouvelles technologies performantes à passer plus rapidement à la dimension supérieure.

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RÉPONDRE AUX ASPIRATIONS HUMAINES : LE DÉVELOPPEMENT ET L'ÉCHELLE ENERGÉTIQUE

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TRANSPORTNOURRITURE LOGEMENT ETCOMMERCE

INDUSTRIE ETAGRICULTURE

Une vue de l'évolution de laconsommation primaire par les humains

Consommation énergétiqueprimaire : gigajoules parhabitant et par an

3. RÉPONDRE AUX ASPIRATIONS HUMAINES : LE DÉVELOPPEMENT ET L'ÉCHELLE ENERGÉTIQUE

L'« escalator de croissance » économique sur lequel évoluent les États-Unis depuis plus d'un siècle est l'aspiration commune de la plupart, sinon de la totalité, des économies émergentes et en développement. Cette croissance a coïncidé avec une expansion massive de la consommation d'énergie par américain.

Et pourtant, les théories économiques modernes ne désignent généralement pas l'énergie comme un facteur déterminant de la croissance économique. L'accent porte plutôt sur la croissance de la population active, le niveau d'éducation de la population active (ce que les économistes appellent le « capital humain »), la croissance du capital physique et l’élusive magnitude de ce que l'on appelle « productivité totale des facteurs », qui reflète un amalgame de mesures d'incitation, d’institutions et de pratiques de gestion. Un examen plus approfondi de la façon dont la consommation d'énergie facilite le développement est nécessaire pour mieux comprendre comment les aspirations à une qualité de vie décente pour la majorité à l'échelle mondiale auront une incidence sur les besoins énergétiques de la planète jusqu'à la fin du siècle.

Source : The Flow of Energy in an Industrial Society, Earl Cook, Scientific American, 1971

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s'accompagne d'augmentations plus modestes de la consommation globale d'énergie du fait que des secteurs moins énergivores, tels que les services, prennent plus d'importance, et que les gains d'efficacité portent leurs fruits. La croissance de la consommation d'énergie par personne au niveau national peut se stabiliser ou même diminuer, une fois que les besoins matériels pour une qualité de vie moderne décente ont été satisfaits. Cependant, il peut s’avérer que la consommation d'énergie finale par personne enregistrée dans les pays développés soit inférieure à l'énergie réelle utilisée, car des importations remplacent certaines productions nationales.

Le niveau du plateau énergétique primaire dépend de circonstances locales telles que le climat, les normes sociales, les structures industrielles, ou encore la prédominance de modèles compacts ou tentaculaires de développement urbain.

Une perspective globale pour le 21e siècleSi l'on en croit les évolutions historiques, combinées aux futures possibilités d'amélioration de l'efficacité structurelle et de l'utilisation de l'énergie finale, et étayées d'études détaillées menées sur des économies en cours de développement,16 une quantité d’environ 100 GJ par habitant et par

an d'énergie primaire représente une référence raisonnable des besoins moyens en énergie pour une qualité de vie moyenne décente. Pour illustration, un aperçu de la situation actuelle, en prenant l'indicateur de développement humain de l'ONU comme référence, concorde également avec cette estimation, comme indiqué dans le tableau.

Autour de ce repère moyen, il est presque certain qu'une variation significative persistera en raison de la géographie et des circonstances héritées. Mais pour de nombreuses économies actuellement développées, cette conclusion met en évidence le potentiel de devenir bien plus efficace dans l'utilisation des ressources – et donc de réduire leur demande globale, tandis que pour les économies en développement, elle donne une idée de l'ampleur du système énergétique à mettre en place. Dans un monde qui sera peuplé de 10 milliards de personnes d'ici la fin du siècle, les aspirations à une prospérité raisonnablement généralisée seront associées à un système énergétique mondial environ deux fois plus important qu'au début du siècle.

La Grande-Bretagne victorienne a été la première société industrielle « moderne » en mesure de fournir les services essentiels attendus à l'époque moderne. Ceci s'est passé avant l'électrification généralisée, mais a donné lieu à un changement radical dans la consommation d'énergie par rapport à la société agricole largement rurale qui a été remplacée. Mais ce qui est tout aussi important, c’est que même après l'ère industrielle initiale, la consommation d'énergie s'est accrue encore davantage. Cette évolution de la consommation d'énergie, mise en évidence par Earl Cook dans les années 70 (voir page 45), est non seulement liée à l'augmentation de la richesse, mais aussi à la disponibilité de l'électricité comme source d'énergie facile à utiliser, et à la généralisation de l'accès aux services de transport. Même si l'efficacité du 21e siècle va certainement tempérer à l’avenir la consommation d'énergie par personne, notamment par rapport aux estimations de Cook des années 70, le postulat d’une demande croissante d'énergie au niveau mondial demeure.

Historiquement, la voie de la croissance a été pavée de charbon, tout au moins au début, alors que la capacité industrielle se développe et qu'une production d'électricité à grande échelle devient indispensable. Le charbon est une ressource relativement facile à exploiter et à utiliser. Il nécessite peu de technologie pour commencer,

mais offre de nombreuses possibilités, comme l'électricité, les chemins de fer (dans les premiers jours), le chauffage, l'industrie et surtout, la fonte pour l'affinage des métaux, où le carbone est utilisé comme agent réducteur. Dans le cas de la Grande-Bretagne et des États-Unis, le charbon a donné son impulsion à la révolution industrielle. Pour les États-Unis, un pétrole très facile d'accès a rapidement suivi et favorisé la mobilité, ce qui a grandement facilité le développement du continent.

L'échelle énergétique nationale Contrairement à l'analyse de Cook, qui étudie le développement humain de manière globale via des archétypes d'utilisation énergétique par les individus à travers l'histoire, une histoire quelque peu différente émerge sous la forme d'une « échelle énergétique nationale » si l'on examine simplement la consommation d'énergie par personne dans les économies nationales à mesure qu'elles se développent. La consommation d'énergie commence par augmenter lentement avec l'intensification de l'activité économique, jusqu'à une transition vers la phase d'industrialisation du développement, avec la mise en œuvre des services publics et des infrastructures de transport, très consommateurs d'énergie. Une fois cette base du développement économique en place, la croissance économique subséquente

CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE ANNUELLE PAR PERSONNE

PIB/habitant (dollars PPA de 2010)

GJ/

habitant

(sourc

e d'é

ner

gie

)

USA et Canada Europe Chine Amérique latine

Autre Asie Moyen-Orient et Afrique Inde 2014

350

300

250

200

150

100

50

00 20 000 40 000 60 000 80 000 100 000

Source : Analyse Shell – Modèle énergétique mondial Océans

DEMANDE ÉNERGÉTIQUE PRIMAIRE PAR HABITANT EN 2014 VS INDEX DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN

Source : Analyse Shell – Index de développement humain de l'ONU

Index

de

dév

eloppem

ent

hum

ain

GJ/habitant

1

0,9

0,8

0,7

0,6

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

00 50

Soudan

Angola

100 150 200 250 300 350

Indonésie

BrésilÉquateur

BangladeshKenya

Maroc

Mexique

Espagne/Italie

Afrique du SudChineUkraine

Iran

Royaume-Uni

FranceJapon

Allemagne

Russie

Corée du Sud

Arabie saoudite

USA Canada

Inde

RD Congo

Tanzanie

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Les coûts de la décarbonation dans les pays en développement

Bien que les efforts de décarbonation génèrent une certaine activité économique, il semble évident que l'impact initial de la décarbonation de l'énergie serait d'imposer des coûts d'ajustement sur toutes les économies. Ces coûts se feraient davantage ressentir dans les sociétés moins développées, dont les économies et les institutions sont considérées comme moins flexibles, et pour lesquelles l'opportunité économique perdue liée à l'absence d'énergie fossile pour alimenter le développement (y compris la qualité de la vie, la santé, l'éducation, etc.) est beaucoup plus élevée que pour les économies plus riches. Une bonne partie de ce fardeau d'ajustement incomberait aux biens intermédiaires à forte intensité énergétique, comme l'acier et le ciment, qui jouent actuellement un rôle capital dans les investissements. En même temps, ces mêmes pays pourraient bien subir les conséquences les plus graves du changement climatique, ce qui explique pourquoi leurs dirigeants ont admis que le consensus scientifique et économique prônant une action immédiate de la part de la communauté mondiale est également dans leur intérêt.

Les Contributions déterminées au niveau national (NDC) déposées par quelque 189 pays dans le cadre de l’Accord de Paris ont donné une première idée de ces coûts – et de la volonté des pays à poursuivre la décarbonisation. Les NDC sont variées, mais de nombreuses contributions font spécifiquement référence à des réductions ambitieuses des émissions.

Même pour une population relativement modeste, comme celle du Kenya, le coût prévisible d’une déviation de 40 % de la trajectoire « normale » d’émissions énergétiques jusqu'en 2030 revient à quelque 25 milliards de dollars, selon les estimations des Contributions déterminées au niveau national (NDC) du Kenya. Ceci représente un coût d'environ 25 $ par tonne de CO2, ce qui n'a rien d'exceptionnel. En fait, ce coût se situe en bas de la fourchette de ce qui pourrait par exemple inciter le remplacement du charbon par le gaz naturel comme combustible privilégié. Mais si on le généralise aux économies les moins développées et à leurs 3 milliards d'habitants sur la période 2020-30, le coût du niveau de soutien nécessaire à une voie énergétique radicalement différente approche les deux mille milliards de dollars. Ceci est une proportion relativement faible de l'activité économique mondiale

pour la période, et forme la base du plancher des 100 milliards de $ par an pour la mobilisation du financement climatique assuré par les pays développés en faveur des pays en développement, auquel se réfère l'Accord de Paris. La difficulté consiste à disposer de mécanismes efficaces qui mettent en place diverses sources de financement et des investissements appropriés à grande échelle. L'un de ces mécanismes est le Fonds Vert pour le Climat, une initiative mondiale financée par les États-nations pour répondre au changement climatique en investissant dans un développement à faible émission et résilient au changement climatique. Les dispositions de l'Accord de Paris pour le développement du marché carbone offrent également la possibilité d’acheminer ce niveau de financement.

Une grande incertitude demeure en ce qui concerne l'impact à long terme sur la croissance et le bien-être, en raison des voies énergétiques très différentes empruntées par les pays, et des différentes structures de prix relatifs pour les différentes formes du futur approvisionnement énergétique. Une croissance durable à long terme dépend ultimement des institutions favorisant l'innovation. Ce que nous pouvons affirmer, en nous appuyant sur les preuves à notre disposition, est que la demande en services énergétiques est certainement appelée à augmenter à mesure que les sociétés deviennent plus complexes, et aussi que la restructuration des aspirations des consommateurs et des investissements industriels pour refléter de nouveaux modes de modération imposés par voie politique est un projet qui prendra au moins une génération, et qui ne manquera pas de complexités politiques.

Développement et émissionsLa hausse du revenu moyen par habitant qui se produit quand les pays passent de faibles niveaux de revenu à des revenus plus élevés s'est, dans le passé, toujours accompagnée d'un quadruplement ou plus des émissions de gaz à effet de serre (GES) par habitant. Il n'est pas surprenant que l'augmentation des émissions soit particulièrement prononcée dans les pays où d'importantes réserves fossiles domestiques ont favorisé les niveaux actuels de prospérité – mais se sont également traduites par des niveaux élevés de consommation d'énergie et d'émissions de GES par habitant.

Le raffinage et la fabrication de matières premières, l'infrastructure associée nécessaire, ainsi que la fabrication de produits représentent une grande partie de l'économie mondiale, et jouent un rôle extrêmement important lors des premiers stades de la croissance et du développement de la plupart des économies. Ces étapes, fortement consommatrices d'énergie, se trouvent sur le chemin critique menant au bien-être économique – mais comme nous l'avons montré dans le chapitre précédent, elles sont aussi les plus difficiles et coûteuses à décarboner.

En tant qu'économie émergente récente, la Chine a par exemple connu une croissance rapide grâce à ses activités de fabrication à grande échelle, tout en construisant en même temps de vastes pans de son infrastructure avec des villes comme Shanghai et Chongqing, et les réseaux de trains à grande vitesse qui les relient désormais. Cette infrastructure couvre de nombreuses exigences de base pour une vie décente, des écoles aux hôpitaux, en passant par les routes et les égouts. La consommation d'énergie et les émissions ont grimpé en flèche, mais pour l'essentiel, cette augmentation n'était pas due à un usage domestique personnel, comme l'électricité et le chauffage des logements, mais à la fabrication de produits pour les consommateurs chinois et pour l'exportation – et les exportations ont à leur tour financé l'infrastructure nationale nécessaire.

Comme ce fut le cas pour la Grande-Bretagne, les États-Unis et d'autres pays avant, le chemin de développement de la Chine jusqu'à ce jour a également conduit à des problèmes environnementaux, non seulement avec les émissions de CO2, mais aussi avec la qualité de l'eau et de l'air locaux. Malgré cette nouvelle richesse pour de nombreux habitants, une

meilleure qualité de vie n'a pas toujours suivi, et un remaniement potentiellement coûteux du système énergétique sera nécessaire pour que la Chine puisse améliorer ses résultats environnementaux et satisfaire sa contribution internationale en matière de changement climatique. Ceci devrait motiver les pays situés plus bas sur l'échelle du développement à trouver d'autres voies à suivre.

Entre 1995 et 2015, les émissions cumulées de la Chine se sont élevées à quelque 130 millions de tonnes de CO2, soit environ 100 tonnes par personne. Diverses installations de fabrication et de traitement des matières premières, combinées au transport des marchandises lourdes, représentent plus d'un tiers des 100 tonnes, et constituent la base d’une stratégie de développement centrée sur l'export, qui a été suivie avec beaucoup de succès dans des régions désormais riches de l'Asie. Mais ces 100 tonnes par personne d'émissions de développement comprennent les tonnes les plus difficiles et sans doute les plus chères à décarboner, ce qui pose problème pour les économies dans leurs premiers stades de développement rapide, et qui cherchent à construire des aciéries, des cimenteries, des usines chimiques et des usines de fabrication. Une grande partie du reste des 100 tonnes provient des centrales électriques au charbon, qui génèrent de l'électricité destinée à l'industrie et à l'usage résidentiel. Les décideurs se concentrent maintenant sur cet aspect du système énergétique comme moyen de réduire les émissions de CO2 et les polluants locaux. Mais l'expansion des efforts pour réduire les émissions industrielles tout en maintenant un niveau raisonnable de croissance économique présentera un défi encore plus grand.

Ces réalités posent des questions clés sur la qualité de la vie humaine, le développement mondial et la consommation d'énergie. La façon d'y répondre en dira long sur la volonté et la capacité des économies actuellement moins développées à se lancer sur des chemins fondamentalement différents des voies charbon et pétrole suivies par leurs prédécesseurs.

UNE GRANDE INCERTITUDE DEMEURE EN CE QUI CONCERNE L'IMPACT À LONG TERME SUR LA CROISSANCE ET LE BIEN-ÊTRE, EN RAISON DES VOIES ÉNERGÉTIQUES TRÈS DIFFÉRENTES ADOPTÉES PAR LES PAYS.

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AVANCER ENSEMBLE : TECHNOLOGIE ET POLITIQUE

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LIEN HISTORIQUE ENTRE LES REVENUS ET LES ÉMISSIONS

Source : Analyse Shell

Les flèches qui relient les bulles illustrent la voie (fondée sur les fossiles) revenu-émissions observée empruntée par différents pays jusqu'ici. À l'avenir, les futures économies avancées (les bulles mauves et orange) devront réorienter vers le bas la trajectoire revenu-émissions sur laquelle elles ont évolué. Les pays plus bas sur cette trajectoire (les autres bulles verte, jaune, bleue et rouge) devront aussi réorienter leurs futures voies revenu-émissions pour qu'elles se situent sous les précédentes, tout en maintenant la croissance du PIB.

Émis

sion p

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habitant

(MtC

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an)

PIB par habitant ($PPA)0

40

30

20

10

040 00020 000 60 000 80 000

Réserves fossiles très importantes

Revenu élevé, réserves fossiles importantes

Revenu élevé, réserves fossiles limitées

Revenu moyen, importateur d'énergie

Revenu moyen, exportateur d'énergie

Faible revenu, réserves fossiles importantes

Faible revenu, réserves fossiles limitées

La taille des bulles représente l'énergie par habitant et par an

La hausse du revenu moyen par habitant, qui se produit quand les pays passent de faibles niveaux de revenu à des revenus plus élevés, s'est dans le passé toujours accompagnée d'un quadruplement ou plus des émissions de gaz à effet de serre (GES) par habitant. Il n'est pas surprenant que l'augmentation des émissions soit particulièrement prononcée dans les pays où d'importantes réserves fossiles domestiques ont favorisé les niveaux actuels de prospérité – mais se sont également traduites par des niveaux élevés de consommation de combustibles fossiles par habitant.

Le « trilemme » de l'énergieLe trilemme de l'énergie décrit les difficiles compromis politiques intervenant dans la poursuite de trois objectifs qui sont parfois en tension : le caractère abordable de l'énergie, la sécurité énergétique et la durabilité environnementale. Les politiques en maximisent parfois deux sur les trois, mais rarement les trois.

Les pays à revenu élevé comme les États-Unis, le Japon et les pays d'Europe qui ont déjà atteint un certain niveau de prospérité sont confrontés à un défi moins difficile pour équilibrer les objectifs du trilemme de l'énergie, bien qu'ils puissent encore présenter des challenges financiers, politiques et sociaux de taille. Ces pays pourraient embrasser une décarbonation plus rapide et plus approfondie s'ils apportaient des changements fondamentaux à la façon dont ils utilisent et produisent l'énergie. Une politique serait nécessaire pour soutenir et encourager :

■ une électrification nettement plus généralisée de l'économie ;

■ la décarbonation des sources d'approvisionnement en énergie ;

■ la R&D dans de nouveaux matériaux et processus de production pour réduire les émissions d'utilisation finale ;

■ le déploiement à grande échelle de réseaux, de produits et d’appareils intelligents pour mieux gérer la demande énergétique finale ; et

■ l'accélération des tendances à long terme, comme la numérisation, qui pourrait conduire à des structures économiques nouvelles et éventuellement plus sobres en carbone.

Les sources d'énergie disponibles localement – qu'elles soient fossiles ou non – seront un facteur déterminant dans l'évolution des structures économiques futures. Par exemple, les pays disposant de réserves fossiles relativement élevées, comme les États-Unis et l'Australie, seront plus enclins à se concentrer sur les politiques et les mesures favorisant les réductions des émissions générées par des sources d'énergie existantes (principalement fossiles), alors que les pays disposant de réserves fossiles relativement faibles, comme le Japon et la Corée du Sud, seront plus enclins à envisager de nouvelles sources d'énergie plus sobres en carbone comme moyen de réduire les émissions, tout en renforçant la sécurité énergétique. Et tous ces pays à revenu élevé devront déterminer comment rendre les infrastructures essentielles, y compris les villes, plus économes en ressources afin d'abaisser leurs émissions structurelles.

Les pays à revenu moyen comme la Chine, l'Afrique du Sud et l'Indonésie ont moins de ressources économiques sur lesquelles compter, et ont déjà commencé à avancer sur un chemin de développement impliquant une utilisation massive des combustibles fossiles. Ils seront donc probablement plus réticents à s'embarquer sur des voies de croissance moins éprouvées. Ces pays sont confrontés au défi le plus difficile pour équilibrer les objectifs du trilemme de l'énergie et fléchir leur trajectoire revenu-émissions. La mise en place d'une économie prospère et zéro émission nette sera probablement un processus plus progressif, qui insisterait par exemple sur le remplacement des infrastructures existantes quand elles atteignent leur fin de vie, et sur l'investissement dans de nouvelles infrastructures compatibles avec la future économie sobre en carbone. Réaliser et accélérer le changement nécessitera des mesures et des cadres politiques intégrés et cohérents à long terme – et demandera aussi de tirer parti des bonnes et mauvaises expériences des pays à revenu élevé.

Le défi est différent pour les exportateurs et les importateurs d'énergie. Les exportateurs d'énergie doivent tirer le meilleur parti de leurs ressources fossiles nationales pour financer une économie diversifiée et un développement économique généralisé qui assure la prospérité sans bloquer le pays sur une trajectoire de développement à forte

4. AVANCER ENSEMBLE : TECHNOLOGIE ET POLITIQUE

Pour bâtir un monde à zéro émission nette, la technologie et la politique devront avancer ensemble et rapidement. La forme exacte de la transition vers l'objectif zéro émission nette ne peut pas être déterminée à l'avance. En effet, la technologie est une variable et non pas une donnée, et les décideurs agissent en réponse à des circonstances et des pressions locales. De leur côté, les consommateurs et les producteurs d'énergie réagissent et agissent dans des cadres politiques. Même si le rythme et la nature de cette transition varieront inévitablement en fonction des pays, tous les décideurs seront confrontés au même défi fondamental : comment passer à un système énergétique plus respectueux de l'environnement tout en continuant à soutenir l'activité économique. L'acceptation sociétale jouera un rôle clé dans l’élaboration par les décideurs de ce voyage incertain.

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pourraient générer des émissions nettes négatives pour compenser les émissions résiduelles dans le reste de leurs systèmes énergétiques.

4. Les nations antinucléaires et n'ayant pas accès à l'hydroélectricité sont celles, comme l'Allemagne, dont les populations et les gouvernements excluent le nucléaire comme option énergétique durable. Dans un premier temps, ces nations peuvent tenter de s'appuyer presque entièrement sur l'énergie éolienne, solaire et sur d'autres sources d'énergie renouvelable moins importantes mais plus continues, comme la géothermie et l'énergie marine. Alors qu'elles avancent vers des phases plus profondes de la transition, elles pourraient avoir des difficultés à satisfaire l'aspiration en faveur d'une décarbonation complète et pourraient alors choisir de déployer le CSC en vue de maintenir des progrès abordables. L'efficacité , tout comme d'autres mesures pour consommer moins d'énergie – comme l'amélioration de la productivité de l'énergie dans les processus de production – feront également l'objet d'une attention particulière sur le long terme.

5. Les traînards correspondront aux nations et régions qui, pour des raisons sociopolitiques ou économiques variées, ne décarboneront pas leurs systèmes électriques de manière significative au cours des décennies à venir. Ces systèmes pourraient rester plus ou moins identiques aux systèmes actuels : 80 % de production thermique reposant sur des combustibles fossiles avec de petits éléments de nucléaire, d'hydroélectricité et d'autres énergies renouvelables. En 2050, quelle sera la part de cette catégorie et qui en fera partie ? Bien que la réponse à cette question soit impossible à donner, nous savons pourtant que la plupart des nations se trouvent actuellement dans cette catégorie de « traînards ». La question reste alors : quand ces pays vont-ils s'éloigner de cette position de décarbonation insuffisante ? Et par quel chemin ?

Nous ignorons quand la décarbonation se produira et par quel chemin – mais nous pouvons faire des suppositions éclairées. Il faut tout d'abord s'attendre à ce que les progrès de la décarbonation dans le secteur de l'énergie soient déterminés

émission de carbone. Les importateurs d'énergie, de leur côté, doivent équilibrer les avantages pour le développement économique des combustibles fossiles en tant que sources d'énergie bon marché, abondantes et efficaces, avec les avantages de la durabilité environnementale et de la sécurité énergétique résultant de la réduction de leur dépendance par rapport aux combustibles fossiles.

Les pays à faible revenu comme le Bangladesh, le Vietnam et l'Éthiopie, ne sont pas encore bloqués dans le modèle dominant de développement reposant sur les combustibles fossiles, et disposent donc d'une meilleure opportunité de prendre une voie vers un développement moins énergivore. Ces pays ont également tendance à être les plus vulnérables et les moins résilients face aux impacts du changement climatique. En adoptant de nouvelles technologies et processus de production, en passant à de nouvelles sources d'énergie et en investissant dans l'infrastructure liée nécessaire, les pays à faible revenu pourraient passer directement à une économie zéro émission nette.

Cependant, passer ainsi directement à une voie de développement différente demande des soutiens financiers, technologiques et autres de la part de la communauté internationale pour aider à renforcer les capacités locales. Au besoin, les financements, aides et prêts internationaux pourraient soutenir le développement de ressources fossiles domestiques dans les pays disposant de réserves fossiles relativement élevées de telle manière que ces pays ne seraient pas bloqués de façon permanente dans une économie à haute teneur en carbone. Ce soutien pourrait également encourager le développement à grande échelle de technologies, processus et infrastructures à faible teneur en carbone dans les pays disposant de faibles réserves fossiles.

Les pays disposant de réserves fossiles très élevées comme les pays du Conseil de coopération du Golfe, ont des émissions par habitant élevées, qui représentent environ 5 % des émissions de CO2 liées à l'énergie. Ils sont confrontés au défi de changer fondamentalement leur modèle de croissance économique. La croissance dans ces pays a été stimulée et s'est maintenue grâce au développement des réserves fossiles nationales. Pour continuer à améliorer la croissance et la prospérité à long terme, il faudra passer à une voie plus économiquement durable de la croissance et à une économie diversifiée qui ne dépend pas exclusivement des combustibles fossiles. Ce changement pourrait avoir

lieu, par exemple, grâce à l’utilisation des revenus de l'exportation des combustibles fossiles pour créer des améliorations de l'efficacité énergétique ; pour soutenir le développement des ressources renouvelables nationales, comme l'énergie solaire ; et pour investir dans les compétences et l'éducation nécessaires pour parvenir à un important développement économique et humain.

Exemple : Archétypes du secteur de l'énergieCompte tenu de ces considérations et de la disponibilité relative et déterminée géographiquement des alternatives, il semble probable que cinq archétypes du secteur de l'énergie émergent d'ici 2050 :

1. Les régions riches en renouvelables, qui disposeront essentiellement d'un système électrique entièrement renouvelable grâce à la diversité de leur base de ressources renouvelables combinée à une densité de population relativement faible. Ce pourrait être le cas des pays nordiques et de certains pays d'Europe et d'Amérique latine – en particulièrement le Brésil.

2. Les nations nucléaires, qui adopteront ou ont déjà adopté le nucléaire comme ossature de leur réseau électrique. Le réseau électrique de la France, avec 80 % de nucléaire et 15 % d'hydroélectrique en est un exemple typique. Avec le temps, la France pourrait rééquilibrer son portefeuille pour inclure une plus grande part d'énergies renouvelables intermittentes au détriment du nucléaire.

3. Les régions densément peuplées, confrontées à une disponibilité limitée de terres sous-utilisées telles que les zones urbaines de l'Asie du Sud et la Chine, subiront de fortes pressions pour réduire les émissions en général afin de protéger la qualité de l'air et de l'eau, mais pourraient avoir du mal à produire suffisamment d’électricité pour alimenter leurs mégapoles de manière exclusivement renouvelable. En réponse à leur besoin significatif d’alimentation en énergie de base à grande échelle, elles s'appuieront probablement sur un large éventail de sources, dont le nucléaire, et déploieront massivement le CSC. Ces pays essaieraient d'abord de décarboner leurs centrales au charbon et au gaz. Avec le temps, et avec la substitution de la production électrique à partir de la biomasse, ils

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LE DÉVELOPPEMENT D’INTERCONNEXIONS DANS LE MARCHÉ MONDIAL DE LA TARIFICATION DU CARBONE

Mécanisme conjoint de crédit

du Japon (JCM)

Sylviculture/REDD+

Certificats CSC

Activité de projet à grande échelle

Californie

Québec

Ontario

Washington

2020

Davantage de pays rejoignent le SCEQE de l'UE

2025 2030 2035 2040

Singapour

Chine

Australie

Nouvelle-Zélande

Club nord-américain

Mécanism

es globauxAsie/Paci�que

politiquement dans le cadre du développement des options technologiques disponibles, avec un patchwork quasi inévitable d'approches régionales et nationales. Les énergies solaire et éolienne occuperont naturellement une place importante, même si elles continueront à avoir besoin de cadres politiques de soutien. En fin de compte, en l'absence de percées technologiques qui permettraient une solution vraiment évolutive et de moindre coût pour le stockage (saisonnier), le débat politique se focalisera sur les décisions d'adopter le nucléaire et, en combinaison, les combustibles fossiles avec le CSC pour établir une ossature et une source d'appoint sécurisées pour le système d'approvisionnement en énergie.

Payer pour la transitionLa transition vers une économie sensiblement moins intensive en carbone s'accompagnera de coûts d'ajustement variés, y compris :

■ une augmentation des coûts pour certaines entreprises et industries – par exemple, une baisse de la demande et/ou une perte de compétitivité ;

■ un déplacement d'investissements, d'innovations et d'emplois de certaines régions à mesure que l'économie se rééquilibre vers une consommation d'énergie à faible teneur en carbone ;

■ une baisse de retours sur le capital à mesure que certains investissements – en particulier les infrastructures inchangées d'hydrocarbures – deviennent superflus ; et

■ des considérations sectorielles ainsi qu’en matière de distribution, pour faire face aux impacts négatifs possibles sur les pans vulnérables de la société, et des secteurs de l'économie à forte intensité énergétique exposés à la concurrence.

Bien que ces coûts soient susceptibles de représenter une part relativement faible du PIB global (en supposant une croissance économique modérée sur plusieurs décennies), la répartition des coûts entre les différents acteurs économiques, y compris les contribuables, les consommateurs d'énergie et les déclencheurs d'investissements bas carbone, nécessitera une certaine forme d'intervention politique du gouvernement.

Tarification du carbonePour le gouvernement, un moyen efficace de répartir les coûts et les ressources dans l'ensemble de l'économie est d'introduire ce que l'on appelle

communément un mécanisme de « prix du carbone ». L’objet d'un tel prix est de :

■ réduire les émissions de CO2 en réduisant les incitations encourageant l'utilisation et la production de combustibles à forte teneur en carbone, et en augmentant les incitations encourageant l'utilisation et la production des combustibles et sources d'énergie à teneur en carbone faible ou nulle, ainsi que les technologies de réduction des émissions comme le CSC ;

■ créer des incitations à l'innovation dans les technologies, les processus de production et les produits à faible teneur en carbone ainsi que les investissements dans les infrastructures sobres en carbone ; et

■ déclencher un changement comportemental dans la façon dont l'énergie est utilisée dans toute l'économie, de manière à encourager les technologies, les produits et les modes de vie à faible teneur en carbone.

La mise en œuvre par le gouvernement d'un prix du carbone créerait un nouveau classement de coût des biens et services en fonction de leurs émissions de carbone. Ce coût influencerait les décisions d'achat des consommateurs. Les produits avec une empreinte carbone élevée deviendraient plus coûteux, ce qui entraînerait leur disparition du marché, ou stimulerait l'amélioration de l'efficacité énergétique dans l'utilisation finale, ou encore pousserait les fabricants à décider d'investir dans des projets visant à réduire leur empreinte.

Pour surmonter la résistance probable des électeurs ou d'autres parties prenantes, les gouvernements pourraient choisir de restituer aux consommateurs les recettes provenant du carbone collecté sous la forme de réductions d'autres types de taxes, ou de les utiliser pour soutenir les objectifs de la politique climatique tels que le financement de la R&D dans les technologies sobres en carbone, le soutien aux revenus, ou la promotion des améliorations de l'efficacité énergétique. Quels que soient les mécanismes utilisés pour restituer les recettes, ils doivent être mûrement réfléchis afin de ne pas compromettre le prix du carbone.

Pour vraiment réduire les émissions mondiales, la tarification du carbone doit être autant que possible généralisée dans toute l'économie mondiale – en vue de créer un prix effectivement mondial. Alors que les systèmes de niveau national ou régional peuvent réussir à réduire la production ou la consommation

de combustibles fossiles dans une région donnée, ils peuvent aussi tout simplement se traduire par la production d'émissions supplémentaires ailleurs - ce que l'on appelle la « fuite du carbone ». Les ajustements fiscaux aux frontières sur les importations pourraient être une étape nécessaire pour relever ce défi.

L'Accord de Paris a fourni un langage utile pour élaborer à terme un système largement accessible de tarification du carbone, mais des efforts et un travail importants d'élaboration de politiques seront nécessaires pour mettre en œuvre une telle structure mondiale. Il est probable qu’un prix mondial du carbone sera seulement atteint en interconnectant progressivement les systèmes par des liens à mesure qu’ils sont développés à un niveau national ou même plus bas (voir l’illustration ci-dessus). Les systèmes « cap-and-trade » (échange des quotas d'émission) en Californie et au Québec sont interconnectés, et l'Ontario est en passe de se joindre à ce « club carbone », créant ainsi une version interconnectée ascendante du Système d'Echange des Quotas d'Emissions mis en œuvre en Europe depuis 2005.

D'ici 2020, quand l'Accord de Paris entrera pleinement en vigueur, des politiques explicites de tarification du carbone pourraient être applicables dans l'UE, la Chine, certaines parties de l'Amérique du Nord, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, plusieurs pays d'Amérique latine, l'Afrique du Sud et la Corée. Mais ces politiques n'équivalent pas à une approche globale avec une ampleur, une maturité et une robustesse suffisantes pour produire des changements durables. Même après Paris, et avec des efforts concertés de la part des gouvernements, une approche globale efficace pourrait prendre une dizaine d'années supplémentaires ; et des ajustements considérables seront encore nécessaires pour réellement concrétiser l'ambition de Paris.

La nécessité d'investir dans la technologieLes nouvelles technologies ne deviennent bon marché que lorsqu’elles ont fait leurs preuves de manière continue, et deviennent à terme produites en masse. Alors que le prix du carbone peut stimuler la réduction des émissions dans certains secteurs de l'économie, il ne sera pas suffisant à court terme

Pour de plus amples explications sur la tarification du carbone, voir page 62 « Tarification explicite et implicite du carbone ».

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pour soutenir la recherche fondamentale, beaucoup plus coûteuse, ni le stade de démonstration initial pour la prochaine génération des technologies sobres en carbone. Leur développement doit être lancé dès que possible afin d’assurer qu'elles soient disponibles et abordables pour un déploiement à grande échelle. Mais en raison de l'incertitude de la future politique sur le carbone et des risques élevés de ces options non prouvées, le secteur privé est réticent à investir. D'autres financements directement garantis par les gouvernements sont donc essentiels. Ce soutien pourrait être limité dans le temps, et axé sur les technologies pré-commerciales et prometteuses à faible teneur en CO2. Une fois les technologies arrivées à maturité, elles pourraient entrer en compétition sur le marché sans le soutien continu du secteur public.

Financement du CSCLe GIEC a estimé que la voie 2 °C sans CSC coûterait environ 140 % plus cher à l'ensemble de la société. Le CSC est une technologie intensive en capital. Jusqu'ici, les projets CSC individuels se sont largement appuyés sur une combinaison de dotations d'investissement du gouvernement pour financer les coûts de construction, et sur un accès à un prix modeste de CO2 afin d’assurer une viabilité commerciale continue. Le déploiement à très grande échelle du CSC, tel que requis pour atteindre l'objectif zéro émission nette, ne peut cependant pas s'appuyer sur de telles subventions. La viabilité commerciale d'une installation de CSC nécessiterait aujourd'hui un mécanisme (par exemple, un prix du carbone) pour valoriser le captage et le stockage du CO2 à plus de 100 $ par tonne ; mais ce coût pourrait baisser jusqu'à environ 70 $ par tonne au début des années 2030 à mesure que davantage d'installations de CSC sont construites, et que les chaînes d'approvisionnement qu'elles exploitent arrivent à maturité. Cela mettrait le prix de production d'électricité à partir du gaz naturel combiné avec du CSC sur un pied d'égalité avec l'éolien offshore.

Étant donné le manque actuel de tarification efficace du carbone, un soutien financier aux technologies à faible teneur en carbone (comme pour les énergies renouvelables dans de nombreux pays) pourrait être étendu pour inclure le CSC. Un tel mécanisme pourrait encourager la poursuite de la R&D et le déploiement du CSC, et ce jusqu'à ce que la tarification du carbone atteigne des niveaux suffisants pour soutenir le déploiement commercial. C'est particulièrement vrai pour les

pays en développement, où l'impact financier de la tarification du carbone sur les entreprises et la société est susceptible de retarder l'introduction d'une tarification suffisante pour motiver le CSC. Des mécanismes tels que le Fonds vert pour le climat pourraient envisager d'offrir des fonds pour soutenir les projets de CSC.

Les défis politiques pour l'environnement bâtiLe secteur commercial et résidentiel est un domaine où il est particulièrement intéressant de prendre des mesures supplémentaires. Directement ou indirectement, les bâtiments représentent au moins un tiers de la consommation mondiale d'énergie, et donc une part importante des émissions mondiales. Pourtant, ajouter un coût du carbone sur la consommation d'électricité dans les bâtiments pourrait n’avoir qu’un impact limité, en raison de la nature du secteur lui-même. Un exemple est la relation entre propriétaires et locataires, où ces derniers payent la facture d'électricité et les premiers contrôlent les budgets annuels d'investissement, qui en définitive déterminent l'efficacité du bâtiment. Le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable (WBCSD) a proposé une série complète de mesures d'amélioration de l'efficacité qui ciblent les régulateurs, les investisseurs, les promoteurs et les occupants des bâtiments.

Une approche intégrée pour l'élaboration des politiquesDans un premier temps, créer un monde prospère neutre en carbone est susceptible d'exiger des efforts supplémentaires de la part des pays à revenu élevé, qui peuvent agir plus rapidement pour se décarboner (et aider les autres à faire de même) afin de compenser le rythme de changement inévitablement ralenti dans les pays moins avancés sur la trajectoire du développement. Le cadre des Contributions Déterminées au niveau National (NDC) approuvé dans l'Accord de Paris reconnaît qu'il faudra prévoir un ensemble d'approches, avec des différences et des similitudes. Mais quels que soient leur stade de développement ou leurs circonstances particulières, les gouvernements nationaux devront fournir les cadres et les incitations politiques appropriés pour changer la façon dont l'énergie est utilisée et produite. Ceci nécessitera des approches politiques plus complètes et mieux coordonnées. Et compte tenu de la complexité du défi, la société doit être prête à tirer les leçons des inévitables échecs politiques qui marqueront les progrès tout au long du processus.

Les éléments clés d'une approche intégrée pour l'élaboration des politiques comprendraient :

■ soutien direct et indirect à la R&D –, pour accélérer l'innovation dans les matériaux, processus et technologies à faible teneur en carbone ;

■ soutien pour permettre la démonstration à grande échelle de technologies pré-commerciales prometteuses à faible teneur en carbone ;

■ mécanismes de tarification du carbone – en particulier ceux qui assurent la répartition efficace des ressources dans l'économie afin de (a) réduire les émissions de GES, (b) stimuler l'efficacité énergétique et (c) encourager le développement et le déploiement de technologies à faible teneur en carbone, y compris les énergies renouvelables, le nucléaire et le CSC ;

■ mesures ciblées d'efficacité énergétique – pour surmonter les obstacles non commerciaux à l'adoption de mesures d’un bon rapport coût/efficacité pour l'amélioration de l'efficacité énergétique ;

■ infrastructure nécessaire – pour permettre et soutenir la décarbonation de l'approvisionnement et de la consommation d'énergie ;

■ processus de planification intégré , y compris des objectifs climatiques, afin de maximiser le potentiel de réduction des émissions de l'environnement bâti et de la tendance à l'urbanisation ;

■ évolution des normes culturelles et comportementales – pour accélérer l'adoption des technologies et modes de vie à faible teneur en carbone ;

■ politiques économiques et sociales plus larges – pour gérer la transition énergétique et les gagnants et perdants qu'elle crée à court terme ; et

■ coopération et action internationales – pour soutenir les pays moins développés sur une nouvelle trajectoire revenu-émissions inférieure.

L'Accord de Paris fournit une structure pour développer de telles approches, et pour examiner les engagements, les contributions et les progrès au niveau national.

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APPROCHES POUR LA CRÉATION D'UN PRIX DE CARBONE EFFICACE

Étroite

Prix implicitedu carbone

(reposant surla réglementation)

Prix explicitedu carbone

(reposant sur le marché)

Couverture des émissions Complète

Charge économiquepotentielle pour l'économie

Efficacité optimaleOpportunités perdues

Inefficacitééconomique

Normes deperformance

Mécanismede projet

Cap-and-trademonosecteur

Baseline-and-credit

Large cap-and-trade

Taxes sur le carbonepour toute l'économie

Cibles dumix énergétique

61

un aperçu sur...

TARIFICATION EXPLICITE ET IMPLICITE DU CARBONE

Quatre approches claires, plus ou moins efficaces, ont vu le jour pour l'introduction d'une tarification explicite du carbone par les gouvernements.

Cap-and-trade (également appelé « système d'échange des quotas d'émission » ou SEQE) : un plafond théorique est imposé sur une partie ou l'ensemble de l'économie. Cette limite est exprimée en termes de quotas que le gouvernement accorde à un émetteur, qui restitue un quota pour chaque tonne de CO2 émis. Les quotas sont transférables par des échanges et ont une valeur déterminée par le marché.

Taxe carbone : le gouvernement impose une taxe fixe sur les émissions de CO2 provenant de sources spécifiques dans divers secteurs de l'économie. Ceci pourrait être compensé par des réductions de taxes dans d'autres domaines.

Baseline-and-credit (système fondé sur des niveaux de référence et crédits) : le gouvernement définit une émission de référence pour chaque secteur, généralement sur une base d'unité de production, c.-à-d., de tonnes de CO2 par tonne de produit fabriqué. Les participants obtiennent des crédits négociables en exploitant leurs installations à une intensité d'émission inférieure à la référence (baseline) – ou achètent des crédits s'ils la dépassent.

Mécanisme de projet : un projet est développé, et les émissions sont comparées à une base de référence, qui peut représenter la meilleure technologie disponible ou pratique courante pour un pays donné. Si les émissions du projet sont inférieures à la base de référence, des crédits sont accordés. Ces crédits sont négociables et peuvent être achetés directement par les gouvernements, ou utilisés comme instruments de conformité dans des systèmes cap-and-trade (échange des quotas d'émission) d'autres juridictions.

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UN SCÉNARIO ZÉRO ÉMISSION NETTE ACCÉLÉRÉ

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5. UN SCÉNARIO ZÉRO ÉMISSION NETTE ACCÉLÉRÉ

Des défis pour la croissance économique – et des opportunités pour l'AsieLa période actuelle de croissance relativement modeste de l’économie mondiale et de la demande énergétique associée, combinée à l'expansion de nouveaux approvisionnements importants en pétrole et en gaz de schiste de l'Amérique du Nord, génère des tensions sur les finances des pays qui dépendent des revenus du pétrole pour remplir leur contrat social, ce qui conduit à des réponses politiques variées et, dans certains cas, à des troubles perturbant l'approvisionnement. L'impact de telles perturbations crée de nouvelles incertitudes à propos de la sécurité de l'approvisionnement. Cette situation soutient les investissements mondiaux dédiés aux efforts continus de gains en efficacité et au déploiement d'énergies alternatives, pendant que les pays font ce qu'ils peuvent pour assurer leur sécurité énergétique.

La croissance économique en Asie se poursuit, mais ralentit quand elle atteint le point de développement de revenu intermédiaire auquel des réformes financières, juridiques et industrielles supplémentaires sont nécessaires pour soutenir le progrès. Le ralentissement de la croissance associée à la demande mondiale d'énergie permet le déploiement d'une nouvelle technologie pour rattraper le retard, et empêche le charbon de s'imposer comme source d'énergie de facto pour le développement.

Ce ralentissement crée également des opportunités en Chine, où l'inquiétude des classes moyennes urbaines vis-à-vis de la pollution de l'environnement local pousse déjà le gouvernement à agir. Les anciennes installations inefficaces alimentées au charbon sont progressivement remplacées par des centrales performantes construites à distance des villes, avec des lignes de transport d'énergie sur de longues distances. Mais le transport de l'électricité de cette façon peut être inefficace, et l'importante empreinte hydrique associée à l'utilisation du charbon pour produire de l'électricité est problématique pour les régions de Chine en manque d'eau. Ainsi, le gouvernement prend des mesures supplémentaires, en accélérant notamment la construction d'installations nucléaires, gazières et d'énergie renouvelable supplémentaires, de sorte que l'utilisation du charbon atteint son maximum vers 2020.

Alors que les classes moyennes asiatiques sont préoccupées par la pollution de l'environnement local, elles sont néanmoins toujours prêtes à voyager. Bien que beaucoup aspirent à conduire une voiture, leur enthousiasme est tempéré par les encombrements routiers. En dépit des améliorations continues apportées aux transports en commun, dans de nombreuses villes la seule façon de satisfaire le sentiment de liberté du transport personnel est d'utiliser des scooters ou des motos. Les autorités renforcent les normes d'émission, favorisent l'électrification et conçoivent des espaces routiers en faveur de ces deux-roues. Une meilleure planification spatiale et d'importantes réformes dans les mécanismes de financement des villes réduisent les incitations à l'étalement urbain, ce qui permet de développer des infrastructures plus efficaces, souvent centrées autour d'un système énergétique dual d'électricité et de gaz naturel (et plus tard d'hydrogène). Un soutien financé par les impôts encourage des améliorations significatives dans l'efficience de l'industrie, du transport et des bâtiments.

Transition énergétique aux États-UnisAux États-Unis, de plus en plus de gens prennent conscience des coûts de l'adaptation au changement climatique, en raison de l'augmentation des turbulences météorologiques et des impacts des événements écologiques sur la sécurité, le commerce et les investissements internationaux (et donc nationaux). Les assureurs se méfient de plus en plus des risques financiers posés par de tels événements, et cette prise de conscience des risques a des répercussions sur les grandes décisions d'investissement des entreprises. En outre, la contribution déjà apportée par le gaz naturel bon marché et abondant à la réduction des émissions nationales est de plus en plus appréciée, à mesure qu'il remplace le charbon dans la production d'énergie. L'administration est en mesure de surmonter les défis juridiques et de s'appuyer sur l'approche réglementaire défendue par l'Agence pour la Protection de l'Environnement, ce qui accélère encore davantage la transition vers le gaz naturel, tout en maîtrisant les émissions fugitives de méthane.

Le débat sur la lutte contre le changement climatique est abordé sous un autre angle, les États de la côte Est se joignant à la Californie et aux États de la côte

Même si différents détails sont évidemment possibles, nous avons jugé utile d'explorer à quoi pourrait ressembler dans la pratique une voie optimiste dans un monde à zéro émission nette, accomplie dans des délais encore plus rapides que les scénarios Shell précédemment publiés, et conformes aux aspirations exprimées au niveau international pour limiter les pressions climatiques.

L'objectif zéro émission nette demandera un environnement « macro » très favorable, avec des choix de technologies et de politiques internationales, nationales et locales urgentes et cohérentes, ainsi que des choix des consommateurs, une tarification ou une taxation du carbone, et la poursuite de la réduction rapide du coût des technologies clés. La croissance économique ne doit être ni trop rapide, de manière à permettre un temps d'adaptation, ni trop lente, pour éviter d'assécher les fonds d'investissement. La sécurité énergétique doit être suffisante pour que les décideurs et la société ne soient pas distraits des efforts visant à réduire les émissions par des inquiétudes liées aux approvisionnements énergétiques, tout en évitant une sécurité excessive sous la forme d'une offre énergétique excédentaire dont les bas prix décourageraient les investissements dans les nouvelles technologies et dans l'efficacité.

L'étape la plus importante à court terme serait une transition pour s'éloigner de la combustion massive de charbon pour produire de l'électricité. Un passage important et rapide du charbon au gaz naturel permettrait non seulement de réduire les émissions rapidement, de manière significative et à moindre coût, mais aussi de gagner du temps pendant que la fabrication et le déploiement des technologies d'énergies renouvelables continuent à progresser rapidement.

Ce qui suit est une histoire de scénario, qui prend les caractéristiques les plus optimistes des Scénarios Nouvelle Optique Montagnes et Océans et les combine avec d'autres changements individuellement plausibles dans la politique, le déploiement des technologies, les circonstances et les événements qui pourraient orienter le monde sur une nouvelle trajectoire aux émissions encore plus faibles, et conduire à un pic précoce des émissions de CO2, permettant ainsi d'atteindre l'objectif zéro émission nette dans la seconde moitié du siècle, comme prévu dans l'Accord de Paris.

Un scénario zéro émission nette accéléré – départ de ParisNotre histoire commence à Paris. Bien que les Contributions Déterminées au niveau National (NDC) initiales soient insuffisantes pour répondre à l'aspiration d'une hausse nettement sous les 2 °C, l'architecture de l'Accord de Paris, avec sa flexibilité, ses évaluations et ses cycles d'amélioration, se révèle robuste au fil du temps. En plus de mener à bien les actions de décarbonation les plus évidentes et à plus court terme pendant la première décennie de sa mise en œuvre, les gouvernements individuels lancent certaines des réformes à long terme qui permettent ensuite de poursuivre la réduction des émissions à un rythme soutenu au-delà de 2030. L'appui du public pour ces étapes augmente considérablement, en partie parce que les médias sociaux et l'essor de l'« internet des objets » facilitent des changements étonnamment rapides dans les normes sociales concernant la consommation personnelle des services énergétiques et le type d'énergie utilisée pour ces services.

Un pivot États-Unis-ChineDans ce scénario, un pivot États-Unis-Chine et le soutien de la Commission européenne jouent un rôle essentiel dans le changement global. Les États-Unis et la Chine tirent parti de l'Accord de Paris pour établir un cadre institutionnel permettant de mettre en œuvre une législation pour certaines variantes de la tarification du carbone au niveau national, envoyant ainsi un puissant signal politique aux autres nations. En 2020, quand l'accord entre pleinement en vigueur, des politiques de tarification de carbone sont applicables dans l'UE, la Chine, certaines parties de l'Amérique du Nord, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, plusieurs pays d'Amérique latine, l'Afrique du Sud et la Corée du Sud. Bien qu'il s'agisse d'un bon départ, ce n'est pas encore l'équivalent d'une approche globale pour apporter un changement durable, qui prendra une autre décennie à mettre en place.

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Ouest pour prendre l'initiative. Ces États renforcent leur coordination avec les provinces de l'Ouest canadien, où les initiatives de CSC et de tarification du carbone avaient déjà commencé vers 2010.

Les arguments soulignant les coûts supplémentaires relativement modestes par rapport aux obligations potentielles, ou les avantages à long terme des mesures de décarbonation gagnent les faveurs du grand public. Les actions au niveau des États prennent de l'ampleur et permettent des réductions importantes des émissions aux États-Unis. Les États les plus avancés adoptent des normes rigoureuses d'économie de carburant, offrent des conditions attrayantes pour l'énergie à faible teneur en carbone, et empêchent avec succès l'octroi de licences aux nouvelles centrales au charbon sans CSC, tout en accélérant le démantèlement précoce des installations plus anciennes. Ces pressions diverses, conjuguées à l'expérience de l'application anticipée du CSC en Chine et ailleurs, ont également pour effet de changer la dynamique au sein des États dépendant du charbon, ainsi que les intérêts des entreprises de services publics centralisés, qui subissent de plus en plus de pressions. Le CSC fait l'objet d'une promotion musclée comme solution nationale pour maintenir l'avantage concurrentiel qu'apportent les ressources de charbon et de gaz bon marché des États-Unis.

Un monde d'électricitéAu début des années 2020, un nouveau programme fédéral de technologie verte prend de l'ampleur aux États-Unis. Bien qu'il soit axé sur l'informatique et les systèmes intelligents, le programme est également en concurrence avec la Chine pour la production de masse de composants et de panneaux solaires. Dans le domaine de la fabrication haute technologie d'articles comme les machines pour la production d'énergies renouvelables, la Chine fait également concurrence à l'Allemagne. Cette course à la technologie verte est intensifiée par une augmentation du coût du carbone dans les systèmes de tarification en évolution, par la menace des ajustements fiscaux aux frontières, et par un redressement modéré de la croissance économique mondiale qui stimule la hausse des prix de l'énergie. Ainsi, l'innovation et la technologie sobre en carbone deviennent de nouveaux moteurs pour la croissance économique et la productivité.

En 2030, le coût du solaire photovoltaïque, combiné à un stockage quotidien sur batterie, est en concurrence directe avec d'autres formes de production d'électricité dans les secteurs résidentiels

et tertiaires. Dans certaines régions, le coût total de l'énergie solaire et éolienne, en comptant le stockage, chute en dessous du coût variable de certaines centrales au charbon et au gaz, et accélère le démantèlement des anciennes centrales électriques inefficaces. De leur côté, les investisseurs qui font face à la perspective de détenir du capital « immobilisé » dans la production d'électricité poussent avec succès à des réformes du marché de manière à ce que la meilleure usine existante soit conservée comme installation d'appoint, et un tout nouveau marché de capacité émerge.

Tout n'est rose pour les investisseurs dans l'éolien et le solaire. Avec la prévalence croissante de l'énergie solaire photovoltaïque sur toiture et d'autres formes de production d'énergie distribuée, comme l'éolien à petite échelle, il reste moins de consommateurs pour couvrir les coûts de transport et du réseau. Ainsi, les coûts de l'électricité fournie par les services publics augmentent, ce qui constitue une incitation supplémentaire à investir dans l'énergie distribuée, en créant en définitive une sorte de « bulle ». Ce n'est pas une situation viable à long terme, et les coûts de la sécurité énergétique de l'énergie « d'appoint » utilisée quand il n'y a pas suffisamment de soleil ou de vent pour produire assez d'électricité doivent en définitive être soit socialisés, soit refacturés à la production d'énergie renouvelable.

Les États-Unis choisissent une approche fondée sur le marché, et une tarification variable est adoptée, ce qui transforme l'énergie éolienne et solaire en une activité commerciale « normale ». Mais les changements dans le régime de réglementation immobilisent également les plus anciennes installations éoliennes et solaires sur le plan économique. Néanmoins, ceci conduit à une mise à niveau généralisée pour adopter des technologies éoliennes et solaires plus efficaces, ce qui règle également la plupart des problèmes d'intermittence.

Les pays en développement sont encouragés à avancer plus viteLe rythme rapide de la transformation aux États-Unis et en Chine permet à de nouvelles économies émergentes de bénéficier plus tôt de la baisse des coûts de la technologie, et de potentiellement rejoindre directement des économies plus avancées dans des secteurs spécifiques. Les gouvernements indiens et autres assimilent les enseignements de l'expérience chinoise pour relever les défis de la croissance, de la restructuration industrielle et des pressions socio-environnementales. A un stade précoce

DANS LA SECONDE MOITIÉ DU SIÈCLE, ALORS QUE L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE AIDE À RÉPONDRE AUX ASPIRATIONS DE LA PLUPART DES HABITANTS LES PLUS PAUVRES DE LA PLANÈTE, ET QUE L'OBJECTIF ZÉRO ÉMISSION NETTE DEVIENT UNE RÉALITÉ MONDIALE SUFFISAMMENT TÔT POUR LIMITER LE RÉCHAUFFEMENT MOYEN À 2 °C, BEAUCOUP BÉNÉFICIENT D'UNE VIE MEILLEURE ET D'UNE PLANÈTE EN BONNE SANTÉ.

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du développement économique, il est reconnu l’importance d’à la fois encourager une tarification des ressources fondée sur le marché ; et de gérer les émissions, le stress hydrique, le développement urbain et l'efficacité des infrastructures. Le charbon reste une source importante d'énergie primaire dans le développement indien pendant la prochaine décennie, mais l'augmentation des émissions dues au charbon est modérée par l'ouverture de réseaux de gaz naturel, et la combinaison d'énergie solaire distribuée à faible coût complétée par des options de stockage ou des centrales à gaz exigeant peu de capitaux pour gérer l'intermittence. En conséquence, les émissions indiennes s'infléchissent dans les années 2030, une remarquable réussite étant donné la position de l'Inde sur l'échelle du développement en 2016. Ces évolutions sont rendues possibles par des changements fondamentaux apportés aux marchés de l'électricité en Inde, alors que les obstacles et l'opposition à la libéralisation sont surmontés.

L'UE – un anneau de coopérationEn Europe, la transition énergétique de l'Allemagne (Energiewende) a considérablement étendu la capacité du renouvelable, et en 2016 le solaire photovoltaïque et l'énergie éolienne représentaient chacun 30 GW. L'Allemagne est le moteur de la progression vers une intégration des systèmes énergétiques à grande échelle et une intensification de l'électrification de l'économie. Les problèmes d'intermittence sont progressivement maîtrisés au fil du temps, grâce à une conception des marchés plus intégrée via une collaboration public-privé. L'amélioration de la sécurité énergétique repose également sur un déploiement croissant du stockage thermique et du stockage sur batterie à faible coût et, plus tard, sur le développement du stockage de l'énergie à base d'hydrogène, obtenu par électrolyse lorsque la production d'électricité solaire et éolienne dépasse la demande. Ces développements, qui soutiennent les véhicules électriques et alimentés à l'hydrogène, conduisent à des zones zéro émission dans les grandes villes.

Les pays du Sud se concentrent principalement sur le solaire, tandis que les pays du Nord développent l'éolien. Les parcs éoliens offshore du Royaume-Uni, de la Belgique, des Pays-Bas, de l'Allemagne et du Danemark se relient tous entre eux par l'intermédiaire d'un « anneau » en mer pour équilibrer l'offre et la demande entre les pays. Cet anneau permet également de connecter le stockage hydroélectrique en Norvège et en Écosse. Cependant, une réelle étape est franchie quand un système d'électrolyse de l'hydrogène en mer est construit en utilisant l'excédent

croissant d'électrons provenant de ces parcs éoliens. Les installations redondantes de pétrole et de gaz sont réutilisées pour le stockage et le transport de l'hydrogène gazeux. Avec l'électrolyse, le système est capable de produire plus de 2 millions de barils d'équivalent pétrole par jour en hydrogène, ce qui renforce considérablement la sécurité énergétique. Les importations de pétrole et de gaz continuent à baisser d'année en année, à mesure que l'hydrogène ouvre la voie à une application à grande échelle dans le secteur des transports de l'UE. Le développement de nouvelles technologies, logistiques et de nouveaux processus donne un énorme coup de pouce à l'économie.

La partie « facile » de la transformation énergétique de l'UE porte déjà ses fruits dans les deux premières décennies après Paris, et l'accent est mis sur l'efficacité et la substitution du côté de l'offre. Le véritable défi consiste à soutenir les efforts nécessaires pour entreprendre de grandes transformations dans les infrastructures physiques, telles que le remplacement du gaz naturel par l'électricité dans l'industrie, et l'intégration de l'énergie solaire photovoltaïque et du chauffage urbain dans les bâtiments. Ces efforts nécessitent l'intervention du gouvernement à grande échelle pour la planification, le financement et l'allégement fiscal afin d'améliorer les installations « rue par rue et bâtiment par bâtiment » dans un programme s'étendant sur plusieurs décennies. Avant la fin du siècle, sous la pression des grandes villes à la recherche d'air pur, une autre révolution a lieu : toutes les voitures sont alimentées à l'électricité ou avec des piles à combustible à hydrogène.

L'efficacité et la décarbonation vont de pair avec l'électrification. La production d'électricité de l'UE fait plus que doubler d'ici la fin du siècle, un exploit qui exige un immense effort de construction de lignes de transport d'électricité et de canalisations d'hydrogène. Comme les secteurs peuvent seulement passer à l'électricité quand l'approvisionnement est sûr et abordable, l'augmentation anticipée de la capacité demande une nouvelle collaboration public-privé dans la restructuration du marché. Cette collaboration permet aux investisseurs de récupérer leurs préinvestissements au fil du temps, et aussi de récupérer les coûts du CSC déployé à grande échelle dans le secteur de l'électricité pour stocker le CO2 généré par la production d'appoint alimentée au gaz. Elle ouvre également la voie au CSC pour les grandes quantités de biomasse nécessaires pour compenser les émissions ailleurs dans le système.

Équilibre plausible dans un monde émergent neutre en carbone

0

+20

+15

+10

+5

-5CO2 (G

t par

an)

-10 -21

ZÉRONET=

+

+6,8-6,8

-15

-20 +3,5 réémis des biocarburants

+10,7 réémis des processus de bioconversion

émissions négatives

émissions restantes

CO2 capté dans 200 EJ de biomasse

Équivalent CO2 de ressources fossiles utilisées

-5,7 incorporé dans les matériaux

-1,8 dans les biomatériaux

-5,9 CSC

CSC

Bio

mass

eCharb

on

Pétr

oleG

az

+19,4

Source: Analyse Shell, « Colours of Energy, Essay Towards net-zero emissions. An outlook for a prosperous world. »

Atteindre l’objectif de l’Accord de Paris en équilibrant les émissions issues des sources et les absorptions par les puitsLe diagramme montre comment l’équilibre est atteint. La partie supérieure du diagramme montre les émissions dues aux combustibles fossiles. La plupart du dioxyde de carbone est capté par CSC ou incorporé dans des matériaux produits par l’industrie des produits chimiques ; les 6,8 Gt de CO2 restantes sont libérées dans l’atmosphère. La partie inférieure du diagramme montre la comptabilisation de la base de ressources de biomasse avec 6,8 Gt d’émissions nettes négatives de CO2. La configuration du système énergétique, pour toute l’énergie fossile et la biomasse, donne un total de zéro émission de carbone.

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Bien que le revenu par habitant dans l'Union européenne augmente d'un facteur de trois au cours de cette période, la consommation globale d'énergie primaire reste essentiellement inchangée en raison des constants efforts en matière d'efficacité dans tous les secteurs, en particulier dans le bâtiment, l'industrie et le transport de passagers.

La part du pétrole et du gaz dans le mix énergétique global est tombée de 57 % à environ 15 % et le charbon de 14 % à environ 7 %, une proportion importante étant utilisée comme matière première chimique. Dans ce type d'utilisation, le combustible n'est pas brûlé et ne contribue donc pas aux émissions de CO2. La part des combustibles non fossiles est légèrement inférieure à 80 %, l'énergie éolienne et solaire représentant un tiers de l'énergie primaire de l'UE. Bien avant la fin du siècle, l'UE a construit un système énergétique numérique à zéro émission nette.

Une vie meilleure avec une planète en bonne santéEn résumé, la trajectoire des émissions mondiales s'améliore soudainement lors des 20 prochaines années grâce à une série de développements importants dans les pays clés, qui portent leur attention sur six domaines critiques - les réformes de marché spécifiques aux secteurs (émissions, investissements et recouvrement des coûts) ; les marchés financiers et d'assurance ; les infrastructures efficaces et intégrées (physiques et informatiques) ; les applications d'utilisation finale hautement

performantes ; la recherche, le développement et l'application de l'énergie « propre et verte » ; et une politique intérieure cohérente accompagnée d'une coordination internationale. Les anciennes technologies sont progressivement abandonnées. Les pays du monde entier adoptent de plus en plus de normes et de technologies de pointe dans les secteurs de l'énergie, la construction, le bâtiment, le transport, l'industrie, les services, la production d'énergie et l'agriculture. Dans la seconde moitié du siècle, alors que l'activité économique aide à répondre aux aspirations de la plupart des habitants les plus pauvres de la planète, et que l'objectif zéro émission nette devient une réalité mondiale suffisamment tôt pour limiter le réchauffement moyen à 2 °C , beaucoup bénéficient alors d'une vie meilleure et d'une planète en bonne santé.

ÉMISSIONS MONDIALES DE CO2 CUMULÉES

Source : Analyse Shell

Non contraint (MIT)

Scénario

2061-2100

2031-2060

2016-2030

1751-2015

Océans Montagnes Voie 2 °C du MIT

8 000

7 000

6 000

5 000

4 000

3 000

2 000

1 000

0

Gt

CO

2REMARQUES FINALES

Il y a une marée dans les affaires des hommes, prise dans son flux elle porte au succès. Mais si l'on manque sa chance, le grand voyage de la vie s'échoue misérablement sur le sable. Or aujourd'hui, nous sommes à marée haute. Prenons le flot tant qu'il est favorable ou tout ce que l'on a risqué sera perdu.William Shakespeare, Jules César

Ce supplément a tenté de décrire certains des importants changements et transformations dans le système énergétique qui, à notre avis, seront requis au cours des prochaines décennies pour soutenir une « vie meilleure avec une planète en bonne santé ». Nous espérons que cette analyse contribuera à donner un nouvel éclairage et des perspectives partagées entre les entreprises, les gouvernements nationaux, les autorités municipales et la société civile en général. Une vision consensuelle reconnaîtrait la nécessité de non seulement entreprendre les actions à court terme et relativement simples pour commencer à décarboner l'économie mondiale, mais aussi de commencer dès maintenant et sérieusement les transformations structurelles profondes requises pour soutenir la croissance économique et la décarbonation à long terme.

L'un des objectifs de l'approche des scénarios dans la planification stratégique est de former des dirigeants qui soient mieux à même d'identifier les défis, les opportunités et les modèles de comportement qui peuvent différer d'une interprétation conventionnelle du monde. Ils nous aident à mesurer les caractéristiques et les incertitudes les plus significatives dans l'environnement futur, et à reconnaître qu'il peut y avoir un large éventail d'effets possibles à des événements qui ne peuvent pas être entièrement contrôlés, ni ignorés, mais qui peuvent être influencés. Nous espérons que cette synthèse aidera à informer et à inspirer des dirigeants pour qu'ils puissent influencer les développements clés de manière constructive.

Nous sommes reconnaissants du soutien de nombreux experts externes à Shell avec qui nous avons travaillé pour parvenir à ce niveau de compréhension. Des articles spécifiques de certains de ces experts sont consultables dans la version en ligne du présent document.17 Nous avons également tiré parti des talents de nombreux spécialistes internes à notre société, en particulier dans nos équipes techniques, économiques, sociopolitiques et de modélisation de l'énergie.

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RENVOIS

1. Le rapport « Shell: Energy Transitions and Portfolio Resilience » examine l’approche de Shell et la résilience de son portefeuille à la transition énergétique, ainsi que sa stratégie pour traverser sereinement les périodes de changement. Le rapport décrit les facteurs déterminants du mix énergétique et définit la manière dont Shell investit dans l’énergie bas-carbone - les « énergies nouvelles » - tout en analysant le vaste éventail de choix commerciaux à sa disposition d’ici 2035 et au-delà. Pour plus d’informations, veuillez consulter le site : http://www.shell.com/investors/environmental-social-and-governance/environmental-and-social/sri-presentations.html

2. http://www.un.org/sustainabledevelopment/

3. L'équivalent de 277 kilowattheures d'électricité.

4. Voir The Stern Review on the Economics of Climate Change, 2006.

5. L'image de l'autoroute a été utilisée par Christiana Figueres pendant son mandat de Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

6. Oxford Martin School et. al., http://trillionthtonne.org

7. Calculé comme point médian dans une plage d'incertitude.

8. GIEC, Résumé à l'intention des décideurs, 2014.

9. « Scenarios of Global Change: Integrated Assessment of Climate Impacts », Programme commun du MIT, Rapport 291, février 2016.

10. « Energy system transformations for limiting end-of-century warming to below 1.5°C », Nature Climate Change, juin 2015.

11. Yvonne Y. Deng, Martin Haigh, Willemijn Pouwels, Lou Ramaekers, Ruut Brandsma, Sven Schimschar, Jan Grözinger, et David de Jager, « Quantifying a Realistic, Worldwide Wind and Solar Electricity Supply », Global Environmental Change 31 (mars 2015). http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378015000072.

12. Shell est l'un des six membres industriels de l'ETI, avec le gouvernement du Royaume-Uni.

13. http://www.eti.co.uk/wp-content/uploads/2015/03/Options-Choices-Actions-Hyperlinked-version-for-digital.pdf. Le scénario Clockwork décrit un haut niveau de changement coordonné, soutenu par l'action des pouvoirs publics, et visant à décarboner l'économie britannique de 80 % d'ici 2050, comme exigé par la loi britannique sur les changements climatiques de 2008.

14. Les émissions provenant des minéraux non métalliques correspondent aux émissions de combustion de carburant issues de la production de verre, céramique, ciment, etc.

15. Climate Change 2014: Synthesis Report, p. 95.

16. Shell a commandité une étude sur la transformation économique potentielle future de l'Inde auprès de l'organisation de recherche indienne IRADe. L'un des résultats de leur recherche était effectivement que l'utilisation de l'énergie en Inde pourrait augmenter jusqu'à environ 100 GJ/habitant/an d'ici 2050. Le travail était indépendant, et n’était pas nécessairement lié aux hypothèses prises par Shell dans son propre modèle énergétique. Veuillez consulter www.shell.com/scenarios.

17. www.shell.com/scenarios.

Mise en garde pour les investisseurs

Les sociétés dans lesquelles Royal Dutch Shell Plc détient directement et indirectement des investissements sont des entités séparées. Dans le présent supplément, « Shell », « Groupe Shell » et « Royal Dutch Shell » sont parfois utilisés par commodité lorsqu'il est fait référence à Royal Dutch Shell Plc et ses filiales en général. De même, les mots « nous » et « nos » sont également utilisés pour désigner des filiales en général ou ceux qui travaillent pour elles. Ces expressions sont également utilisées lorsque l'identification de telle société ou de telles sociétés n'a pas d'objectif utile en soi.

Le présent supplément contient des déclarations prospectives concernant la situation financière, et les résultats d'exploitation et d'activité de Royal Dutch Shell. Toutes les déclarations autres que les déclarations de faits historiques sont, ou peuvent être considérées comme, des déclarations prospectives. Les déclarations prospectives sont des déclarations d’attentes futures reposant sur des attentes et hypothèses actuelles de management et qui font intervenir des risques connus et des incertitudes en raison desquels les résultats réels, performances ou événements peuvent différer de façon matérielle de ceux exprimés ou impliqués dans ces déclarations. Les déclarations prospectives incluent, entre autres choses, des déclarations concernant l’exposition potentielle de Royal Dutch Shell aux risques de marché et des déclarations exprimant les attentes, convictions, estimations, prévisions, projections et hypothèses du management. Ces déclarations prospectives sont identifiées par leur utilisation de termes et d'expressions tels que « anticiper », « croire », « pourrait », « estimation », « attentes », « ont l'intention », « peuvent », « planifient », « objectifs », « prévisionnel », « probablement », « projettent », « vont », « cherchent à », « visent », « risques », « programment », « objectifs », « devrait » et termes et expressions similaires. Il existe en outre un certain nombre de facteurs qui pourraient affecter les opérations futures de Royal Dutch Shell et pourraient entraîner des différences significatives entre ces résultats et ceux exprimés dans les déclarations prospectives incluses dans le présent supplément, y compris (mais sans s'y limiter) : (a) fluctuation des prix du pétrole brut et du gaz naturel ; (b) changements dans la demande des produits Shell ; (c) fluctuation des devises ; (d) résultats de forage et de production ; (e) estimation des réserves ; (f) perte de part de marché et concurrence du secteur ; (g) risques

environnementaux et physiques ; (h) risques associés à l’identification pour acquisition de terrains et cibles appropriés, et réussite de la négociation et conclusion positive de telles transactions ; (i) risque de conduite d’activités dans des pays en développement et pays soumis à des sanctions internationales ; (j) développements législatifs, fiscaux et réglementaires y compris mesures de régulation concernant le changement climatique ; (k) conditions de marché économiques et financières dans différents pays et régions ; (l) risques politiques y compris les risques d’expropriation et de renégociation des termes des contrats avec des services gouvernementaux, retards ou avancements dans l’approbation de projets et retards dans le remboursement de coûts partagés ; et (m) changement de termes d’échange. Toutes les déclarations prospectives contenues dans le présent supplément sont expressément qualifiées dans leur intégralité par les déclarations prudentes contenues ou désignées dans cette section. Les lecteurs ne doivent pas s'appuyer de façon excessive sur les déclarations prospectives. Des facteurs supplémentaires pouvant affecter les résultats futurs figurent dans le document 20-F Royal Dutch Shell pour l’exercice achevé au 31 décembre 2015 (disponible à l'adresse www.shell.com/investor et www.sec.gov). Ces facteurs de risque qualifient également expressément toutes les déclarations prospectives contenues dans le présent supplément et doivent être pris en compte par le lecteur. Chaque déclaration prospective n'est valable qu'à la date du présent supplément (mai 2016). Ni Royal Dutch Shell Plc ni aucune de ses filiales ne s'engagent à actualiser ou à réviser de façon publique toute déclaration prospective suite à de nouvelles informations, événements futurs ou autres informations. Au vu de ces risques, les résultats peuvent différer de façon matérielle de ceux indiqués, impliqués ou inférés à partir des déclarations prospectives contenues dans le présent supplément.

Il est possible que nous ayons utilisé certains termes, tels que « ressources », dans le présent supplément que les recommandations de la SEC (Commission des opérations de bourse des États-Unis) nous interdisent strictement d'inclure dans les enregistrements que nous déposons auprès de la SEC. Les investisseurs américains sont vivement invités à étudier attentivement les informations publiées dans notre Formulaire 20-F, Fichier N°1-32575, disponible sur le site web de la SEC à l'adresse www.sec.gov.

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