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C Naudin CPC Royan Mars 2014 Notes de lecture « Les méthodes qui font réussir les élèves » Danielle Alexandre ESF Editeur (2011) Pour être sûr que tous les élèves apprennent 1- Comment apprend-on ? Ce que l’on sait aujourd’hui a. Transmettre ou construire des savoirs ? Information, connaissances et savoir : une distinction utile L’information est extérieure au sujet. On peut la stocker, la faire circuler. Ce sont des faits, des commentaires, des opinions présentés sous forme de mots, d’images, de sons… La connaissance dépend du sujet et lui est personnelle. Lorsque l’information est reçue par une personne, celle- ci se l’approprie, la fait sienne. L’information externe devient sa connaissance propre Le savoir prend appui sur les connaissances pour les objectiver et les formaliser. Le savoir relève d’une communauté qui a décidé de statuer sur une connaissance pour l’ériger en savoir. >>> Michel Develay De l’apprentissage à l’enseignement & Donner du sens à l’école Le travail du maître ne se limite pas à délivrer des informations et à être garant du savoir, son rôle est de créer les conditions pour que chaque élève puisse les transformer en connaissances. b. Constructivisme et socioconstructivisme : des modèles théoriques pour aider à comprendre Le modèle constructiviste Le savoir n’est pas reçu passivement par un individu mais il est « construit » activement par chacun. Apprendre suppose des réorganisations mentales effectuées par le sujet lui-même. Ce modèle s’oppose clairement au modèle transmissif qui considère qu’apprendre, c’est recevoir des informations. Il faut que l’activité effective de l’élève soit au cœur de tout acte pédagogique. >>> Jean Piaget Le modèle socioconstructiviste Il reprend l’essentiel de la conception constructiviste mais montre aussi que les autres ont un rôle médiateur essentiel dans la progression des apprentissages. Lev Vygotski pointe le rôle facilitateur de l’environnement social dans la progression de chacun, en insistant sur la façon dont la pensée se construit grâce aux échanges langagiers. Ceux-ci favorisent la construction d’une pensée intériorisée et réfléchie. On lui doit aussi le concept de « zone proximale de développement », outil théorique qui cadre la marge de manœuvre efficace pour le pédagogue. >>> Lev Vygotski Pensée et langage Jérôme Bruner, psychologue américain, a retravaillé dans les années 1980 les hypothèses de Vygotski. Il souligne le rôle essentiel joué par le récit dans la façon dont l’enfant comprend progressivement le monde mais aussi dans la manière dont son entourage l’aide à le faire. Il définit le concept d’étayage qui désigne le rôle de l’adulte aidant un enfant à apprendre. Il y voit 6 fonctions principales : - l’enrôlement : soutenir l’intérêt de l’enfant par rapport à la tâche - l’orientation : s’assurer que l’enfant ne s’écarte pas du but assigné - la réduction : simplifier la tâche afin qu’elle soit accessible à celui qui apprend - la mise en évidence des caractéristiques critiques de la tâche : attirer l’attention sur les éléments pertinents de celle-ci tout au long de son traitement par celui qui apprend - le contrôle de la frustration : éviter que les difficultés rencontrées ne conduisent à l’abandon - la présentation de modèles d’action : aider l’enfant à se représenter la tâche c. Des idées clés pour être efficace Nous disposons maintenant d’un recul de plusieurs dizaines d’années qui permet d’affirmer un certain nombre de principes : - le savoir ne se transmet pas, chaque individu le construit de façon singulière à partir de ce qu’il sait déjà et de ce qu’il est - apprendre suppose de déstabiliser l’équilibre existant pour accéder à un autre - l’action de celui qui apprend est un levier indispensable - des obstacles à franchir bien dosés favorisent l’apprentissage - apprendre passe par d’indispensables tâtonnements et erreurs - on peut apprendre seul mais on apprend mieux et plus vite grâce à la médiation de tiers.

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C Naudin – CPC Royan – Mars 2014

Notes de lecture

« Les méthodes qui font réussir les élèves » Danielle Alexandre – ESF Editeur (2011)

Pour être sûr que tous les élèves apprennent

1- Comment apprend-on ? Ce que l’on sait aujourd’hui

a. Transmettre ou construire des savoirs ?

Information, connaissances et savoir : une distinction utile

L’information est extérieure au sujet. On peut la stocker, la faire circuler. Ce sont des faits, des commentaires, des opinions présentés sous forme de mots, d’images, de sons… La connaissance dépend du sujet et lui est personnelle. Lorsque l’information est reçue par une personne, celle-ci se l’approprie, la fait sienne. L’information externe devient sa connaissance propre Le savoir prend appui sur les connaissances pour les objectiver et les formaliser. Le savoir relève d’une communauté qui a décidé de statuer sur une connaissance pour l’ériger en savoir. >>> Michel Develay – De l’apprentissage à l’enseignement & Donner du sens à l’école

Le travail du maître ne se limite pas à délivrer des informations et à être garant du savoir, son rôle est de créer les conditions pour que chaque élève puisse les transformer en connaissances.

b. Constructivisme et socioconstructivisme : des modèles théoriques pour aider à comprendre Le modèle constructiviste Le savoir n’est pas reçu passivement par un individu mais il est « construit » activement par chacun. Apprendre suppose des réorganisations mentales effectuées par le sujet lui-même. Ce modèle s’oppose clairement au modèle transmissif qui considère qu’apprendre, c’est recevoir des informations. Il faut que l’activité effective de l’élève soit au cœur de tout acte pédagogique. >>> Jean Piaget Le modèle socioconstructiviste Il reprend l’essentiel de la conception constructiviste mais montre aussi que les autres ont un rôle médiateur essentiel dans la progression des apprentissages. Lev Vygotski pointe le rôle facilitateur de l’environnement social dans la progression de chacun, en insistant sur la façon dont la pensée se construit grâce aux échanges langagiers. Ceux-ci favorisent la construction d’une pensée intériorisée et réfléchie. On lui doit aussi le concept de « zone proximale de développement », outil théorique qui cadre la marge de manœuvre efficace pour le pédagogue. >>> Lev Vygotski – Pensée et langage Jérôme Bruner, psychologue américain, a retravaillé dans les années 1980 les hypothèses de Vygotski. Il souligne le rôle essentiel joué par le récit dans la façon dont l’enfant comprend progressivement le monde mais aussi dans la manière dont son entourage l’aide à le faire. Il définit le concept d’étayage qui désigne le rôle de l’adulte aidant un enfant à apprendre. Il y voit 6 fonctions principales : - l’enrôlement : soutenir l’intérêt de l’enfant par rapport à la tâche - l’orientation : s’assurer que l’enfant ne s’écarte pas du but assigné - la réduction : simplifier la tâche afin qu’elle soit accessible à celui qui apprend - la mise en évidence des caractéristiques critiques de la tâche : attirer l’attention sur les éléments

pertinents de celle-ci tout au long de son traitement par celui qui apprend - le contrôle de la frustration : éviter que les difficultés rencontrées ne conduisent à l’abandon - la présentation de modèles d’action : aider l’enfant à se représenter la tâche

c. Des idées clés pour être efficace

Nous disposons maintenant d’un recul de plusieurs dizaines d’années qui permet d’affirmer un certain nombre de principes :

- le savoir ne se transmet pas, chaque individu le construit de façon singulière à partir de ce qu’il sait déjà et de ce qu’il est

- apprendre suppose de déstabiliser l’équilibre existant pour accéder à un autre - l’action de celui qui apprend est un levier indispensable - des obstacles à franchir bien dosés favorisent l’apprentissage - apprendre passe par d’indispensables tâtonnements et erreurs - on peut apprendre seul mais on apprend mieux et plus vite grâce à la médiation de tiers.

C Naudin – CPC Royan – Mars 2014

2- Agir sur les conceptions préalables des élèves

Les représentations ou conceptions préalables des élèves Dans le domaine pédagogique, le concept de représentation renvoie principalement aux conceptions et aux modèles implicites ou explicites auxquels chacun se réfère pour comprendre un événement ou une situation. Une représentation erronée peut être un obstacle à l’apprentissage. Pour progresser, il faut substituer une représentation à une autre.

a. Représentations ou conceptions préalables : obstacles ou appuis ?

Ces conceptions ont des origines très variées : préjugés, intuitions, expériences, informations glanées au hasard, croyances diverses ou pensée magique, raisonnements fondés sur l’analogie ou la ressemblance, parasitage lié à des confusions ou ressemblances… Elles peuvent être organisées en système complexe très stable et constituer alors de redoutables obstacles à tout apprentissage nouveau. Chacun mobilise ces conceptions préalables de façon plus ou moins conscientes. André Giordan souligne qu’on ne peut éviter de s’appuyer sur les conceptions en place. C’est le seul outil dont dispose l’apprenant pour décoder la situation et les messages. Un incontournable de l’acte d’enseigner consiste donc à trouver des moyens pour les atteindre et en éprouver les limites grâce à des situations inédites qui doivent permettre de la faire évoluer.

b. Faire émerger les conceptions préalables : nécessaire mais pas suffisant En début de séquence, il faut que chacun puisse exprimer et confronter ses conceptions préalables afin d’en favoriser la prise de conscience. Les techniques

- le remue-méninges ou brain storming - des supports écrits - des « bilans de savoirs » - l’entretien d’explicitation

Pour atteindre ce qui résiste, l’idée centrale consiste à placer l’élève face à un problème qu’il ne peut résoudre s’il se contente de ce qu’il sait >>> Philippe Meirieu – Faire école, faire la classe

c. Éloge du conflit

Le conflit cognitif est le moment où un individu confronté à une tâche ou à un problème se rend compte que ce qu’il sait ne lui permet pas de l’accomplir ou de le résoudre. La ruse du pédagogue est de provoquer sciemment ce type de conflit. >>> Jean Piaget L’une des applications pédagogiques importantes est le travail de groupe autour d’une même tâche à effectuer. Ainsi, suite aux théories de la construction sociale de l’intelligence (années 1980), le conflit sociocognitif s’impose comme levier pédagogique efficace : l’accent est mis sur le rôle d’autrui dans la construction des connaissances. C’est grâce à l’autre, grâce aux désaccords, aux confrontations d’avis différents, aux argumentaires opposés, que chacun va pouvoir dépasser ses propres représentations pour atteindre un niveau supérieur de connaissances.

d. Déstabiliser et rééquilibrer : deux principes fondamentaux Se dessinent deux moments incontournables encadrant n’importe quelle séquence d’apprentissage :

- une phase d’émergence et de déstabilisation des connaissances préalables (au début) - une phase où l’on s’assure de la stabilisation d’un nouvel équilibre

Nommer et identifier les savoirs Stabiliser un équilibre nouveau inclut des temps de formalisation collective et d’identification des connaissances nouvelles : des temps d’institutionnalisation des savoirs. On prend le temps de nommer les savoirs et d’identifier les nouvelles procédures ; les découvertes individuelles y sont validées et officialisées ; elles changent de statut ; une nouvelle connaissance est alors étiquetée « savoir officiel ». Le rôle irremplaçable du langage Des techniques faciles à mettre en œuvre et efficaces :

- la dictée à l’adulte : le professeur écrit au tableau à partir des propositions des élèves une synthèse des points essentiels à retenir ; il respecte les formulations proposées par les élèves, les écrit, les fait discuter, les amende, jusqu’à ce qu’une formalisation satisfaisante soit obtenue

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- une question ouverte : « Qu’avez-vous appris ? », « Qu’est-il important de retenir ? »… posé par écrit, ce type de question favorise une mise en mots individuelle ; exploités ensuite collectivement, ces écrits servent de base à la formalisation collective.

3- La situation problème : un levier pour apprendre

a. Des situations problèmes, moments privilégiés de l’apprentissage

Une situation problème est une situation pour laquelle on ne dispose pas d’emblée des moyens qui permettraient d’arriver à une résolution, ce qui a l’immense avantage de nous confronter aux limites de nos connaissances, nous rendant ainsi réceptifs à des propositions que nous n’avions pas envisagées et nous poussant à en inventer de nouvelles. Ces situations incluent des obstacles qui obligent les élèves à invalider ou faire évoluer les procédures qui leur sont habituelles et à en imaginer d’autres. La fonction de cette situation est donc double :

- déstabiliser l’existant - ouvrir les portes vers des apprentissages nouveaux.

« Situation didactique dans laquelle il est proposé au sujet une tâche qu’il ne peut mener à bien sans effectuer un apprentissage précis. Cet apprentissage, qui constitue le véritable objectif de la situation problème, s’effectue en levant l’obstacle à la réalisation de la tâche. » >>> Philippe Meirieu – Apprendre oui mais comment ?

b. Obstacles à franchir : faire les bons choix

Jean-Louis Martinand a proposé la notion d’objectif obstacle pour insister sur l’importance du choix à effectuer. Quant à Jean-Pierre Astolfi, il souligne : « le problème principal pour l’enseignement, c’est bien ici de retenir parmi la diversité des objectifs possibles, celui qui se révèlera le plus judicieux pour une séquence, ni trop facile à atteindre ni hors de portée des élèves. »

c. Identifier la zone de progrès possible Lev Vygotski propose le concept de zone proximale de développement : distance qui sépare les progrès dont est capable un enfant qui travaille seul et ceux que ce même enfant peut accomplir lorsqu’il travaille avec l’aide d’un adulte ou en collaboration avec des pairs.

4- Faire agir pour apprendre : un principe fondamental

« Agir et faire, voilà le secret et en même temps, le signe de l’étude féconde. Faire agir, voilà le grand précepte de l’enseignement. » Henri Marion – 1888 On apprend mieux, plus vite et plus durablement si l’on agit : cette idée est consensuelle. Néanmoins, il y a loin des déclarations d’intention à la réalité !

a. On confond souvent activité et comportement L’activité de l’élève ne se traduit pas forcément en manipulations, mouvements ou paroles : ce qui importe, c’est qu’une activité mentale réelle soit en jeu. « Une dérive importante peut exister : on confond souvent activité et apprentissage. Apprendre des sciences implique que l’élève ne soit pas seulement actifs (avec ses mains) mais aussi auteur (avec sa tête) de sa démarche » André Giordan Les activités mentales sont toutes les opérations de traitement de l’information qu’un individu peut produire consciemment ou inconsciemment pour apprendre, comprendre, raisonner, prendre une décision, évaluer, résoudre un problème, agir…

b. Les « méthodes actives » Elles se fixent pour objectif de rendre celui qui apprendre vraiment acteur de ses apprentissages afin qu’il construire ses savoirs à travers des situations de recherche. Elles réorganisent en conséquence, autant qu’il le faut, la relation pédagogique, l’espace de la classe, le métier d’enseignant et le métier d’élève, le temps, le contrat didactique, le dialogue avec les familles, l’évaluation…

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c. Les mouvements pédagogiques de l’éducation nouvelle Historiquement, elle a été fondée en 1921. Parmi les cofondateurs, figurent John Dewey, Jean Piaget, Maria Montessori, Beatrice Ensor, Adolphe Ferrière. De nos jours, le mouvement est toujours bien vivant et de nombreux groupes s’en réclament : CEMEA, GFEN, ICEM, CRAP (Cahiers pédagogiques)… Les pédagogies coopératives Parmi les courants pédagogiques s’appuyant sur les méthodes actives, le plus célèbre en France est sans doute celui de Célestin Freinet (dès1920). Certaines de ces techniques sont célèbres : texte libre, dessin libre, correspondance scolaire, imprimerie et journal scolaire, travail en groupe et en atelier, fichiers autocorrectifs, méthode naturelle de lecture… Mais l’apport fondamental de Freinet réside dans la façon dont il s’appuie sur l’expérience concrète des élèves, quels que soient leurs acquis antérieurs, pour leur permettre d’accéder progressivement à des savoirs plus abstraits. La pédagogie institutionnelle Elle est issue de la pédagogie Freinet et a été élaborée par Fernand Oury, instituteur du mouvement Freinet qui a pris son autonomie en 1962. Sur le plan théorique, elle est fortement nourrie des travaux des psychanalystes. Certaines techniques sont célèbres, par exemple le « Quoi de neuf ? » ou l’évaluation par ceinture.

d. « La main à la pâte » : une méthode active pour développer l’esprit scientifique Lancée en 1996 par Georges Charpak, Pierre Léna et Yves Quéré, elle a pour but de rénover l’enseignement des sciences et de la technologie à l’école primaire. La démarche préconisée s’appuie sur dix principes et articule apprentissages scientifiques, maîtrise du langage et éducation à la citoyenneté. Les enseignants suscitent le questionnement scientifique qui conduit à la formulation d’hypothèses destinées à être testées par l’expérimentation ou vérifiées par une recherche documentaire.

Mobiliser tous les élèves Mobiliser les élèves, ce n’est pas seulement les motiver, c’est les mettre en mouvement et provoquer leur déplacement au sens intellectuel du terme. Le mot contient aussi des connotations spatiales et temporelles : il s’agit d’investir l’espace-temps de la classe et des apprentissages. La perspective est aussi radicalement différente : parler de « motivation » renvoie la responsabilité aux élèves alors que les mobiliser est un défi posé à l’enseignant qui doit organiser les conditions de leur mise en mouvement. « Je suggère une option de méthode : tenter de se désengluer des images toutes faites associées au concept de motivation et essayer de trouver un autre langage et une autre approche moins normative, plus constructiviste et interdisciplinaire. Je propose de parler du sens du travail, des savoirs, des situations et des apprentissages scolaires » Philippe Perrenoud – Métier d’élève et sens du travail scolaire

1- Peut-on se mobiliser sur ce qui n’a pas de sens ?

« Peu d’êtres humains se résignent volontiers au non-sens » - Philippe Perrenoud

a. Le rapport au savoir Dans les années 1960 à 1980, de nombreux travaux ont montré la corrélation entre l’appartenance sociale et la réussite scolaire. Ils ont souvent fait l’objet de simplifications pouvant conduire à un fatalisme scolaire. On est souvent passé de la corrélation (ce qui signifie qu’on observe un lien) à un rapport de cause à effet. Le groupe Escol (B Charlot, E Bautier, J Y Rochex) s’est interrogé sur la façon dont les élèves se mobilisent ou non à l’école et sur les raisons qui rendent cette mobilisation socialement différenciée.

b. Le métier d’élève et la question du sens du travail Cette expression « métier d’élève », forgée par Philippe Perrenoud, dérange ; elle a le mérite d’attirer l’attention sur la façon dont l’école et les tâches qu’on y fait peuvent ne pas avoir de sens pour les élèves.

c. Postures d’élèves et sens des tâches On nomme posture une façon de répondre à une tâche et de s’y engager, un ensemble de gestes préconstruits que l’on peut reproduire ou retrouver dans diverses situations. Dominique Bucheton a identifié un certain nombre de postures que l’on retrouve fréquemment chez les élèves :

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- posture scolaire : le désir de conformité aux attentes du maîtres, la soumission sans distance aux consignes, aux contraintes, aux normes empêchent l’élève de prendre de la distance ; il exécute les tâches sans leur donner de sens ; il a tendance à reproduire à l’identique, à répéter

- posture première : l’élève se lance dans l’action, sans réfléchir, sans prendre en compte la totalité des consignes ; l’implication est forte mais peu productive

- posture réflexive ou seconde : l’élève ne se contente pas d’exécuter les tâches scolaires, il réfléchit sur ce qu’il fait, ce qu’il a appris, les manières de procéder

- posture ludique, créative : quelle que soit la consigne, l’élève tente de la détourner ou d’échapper aux normes imposées

- posture de refus : l’élève refuse de s’engager dans les tâches proposées - posture dogmatique : l’élève est convaincu qu’il sait déjà, qu’il a appris ailleurs, il refuse les apprentissages

et méthodes nouvelles Ces postures sont socialement différenciées et scolairement différenciatrices pour la réussite scolaire. C’est en s’appuyant sur le langage, en créant des espaces pour réfléchir sur ce que l’on a fait, en écrivant ou en en parlant que l’on fera évoluer des postures.

2- Tisser les sens des activités

a. Les gestes quotidiens de tissage Ce sont des microgestes effectués par l’enseignant permettant de faire des liens ou des ponts avec l’avant ou l’après de l’activité, l’expérience des élèves, ce qu’ils savent déjà, ce qu’on cherche à comprendre ou à faire… « Si on trouve ces gestes de reprise parfois au début de cours, on constate qu’ils disparaissent souvent entre les tâches comme si la succession de celles-ci suffisait à en construire le sens. Ils sont quasi oubliés en fin de cours au moment où il faut faire l’ourlet pour que l’ouvrage ne se délite pas. Ces gestes de tissage sont essentiels pour les élèves « décrocheurs » ou pour les élèves « suiveurs passifs » qui « font » consciencieusement les tâches sans en comprendre la finalité. » Dominique Bucheron b. Finaliser les tâches pour qu’elles aient un sens Finaliser, c’est rendre visible un but, un objectif précis à une recherche, une action. A titre exceptionnel, la finalité pourra être l’utilité dans la vie quotidienne mais cette finalisation très réductrice conduit à trop instrumentaliser les savoirs et ne saurait être systématique. Elle est à rechercher au sein des savoirs eux-mêmes et du groupe social de la classe :

- lire des poésies pour confectionner un florilège personnel - préparer un énoncé de problème qui sera ensuite soumis à d’autres élèves de la classe - faire un bilan de savoirs en fin de séquence pour prendre sa place dans le groupe, afficher ce que l’on sait et

le chemin parcouru

3- Faire faire, faire dire, faire interagir, faire réfléchir

« Dire à haute voix ses idées permet de les « voir » autrement ; les écrire augmente leur cohérence et les schématiser, leur organisation » André Giordan « Peut-être faut-il se souvenir que l’indiscipline nait de l’ennui et du faible sens du travail plutôt que d’un refus de toute activité » Philippe Perrenoud a. Se confronter à des objets Des objets utilisés comme points de départ d’activités offrent une résistance stimulante qui favorise le tâtonnement expérimental ou une pédagogie de la découverte. Des objets à produire constituent un but concret. Les manipulations concrètes favorisent l’accès à l’abstraction et à la pensée symbolique. Néanmoins, la seule confrontation aux objets ne suffit pas : ce qui compte, ce n’est pas la manipulation mais l’activité mentale qu’elle déclenche. Tâtonnement expérimental : cette méthode fait partie de celles développées par Célestin Freinet ; il s’agit d’un apprentissage par essais et erreurs. Pédagogie de la découverte : par une démarche inductive, les élèves aidés de l’enseignant découvrent des lois, des concepts, des principes en s’appuyant sur des exemples, des objets, des documents. Cette méthode implique fortement les élèves et favoriserait une mémorisation à long terme. b. Les interactions : à utiliser sans modération En psychologie sociale, l’interaction désigne toute intervention, verbale ou non, qui provoque une réaction de celui à qui elle est destinée et qui a en retour un retentissement sur celui qui l’a initiée. En pédagogie, l’interaction est constamment utilisée comme levier d’apprentissage parce qu’elle est un moyen efficace de déstabiliser les résistances aux savoirs nouveaux.

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4- Projet pédagogique et démarche de projet

Cf. le « learning by doing » de John Dewey

a. Les invariants de la démarche de projet On retrouve dans tout projet pédagogique un certain nombre d’invariants :

- une dimension sociale : un projet confronte à de « vrais » problèmes, ce n’est pas une situation purement scolaire

- une production finale - un certain degré de complexité qui exige de mobiliser des ressources variées - des obstacles à franchir qui nécessitent d’acquérir des savoirs nouveaux - des choix à faire, des décisions à prendre en autonomie par les élèves - des régulations : en fonction des manques constatés par les élèves eux-mêmes ou des difficultés

rencontrées - une dimension coopérative

b. Petit ou grand, le projet pédagogique, ça marche !

Il y a finalisation des tâches (le projet prévoit une production finale) ce qui constitue un levier important. Comme le travail par compétences, la démarche de projet permet de mobiliser des ressources variées en situation complexe. Comme les situations problèmes, elle prévoit aussi des obstacles à franchir. La démarche vise également à développer l’autonomie des élèves ; elle intègre la responsabilisation collective des élèves.

5- Surprendre, diversifier les approches

a. Le cours dialogué : l’essentiel est-il vraiment de participer ?

Dans un cours dialogué, le maître fait progresser le cours par un jeu de questions-réponses plus ou moins préméditées. Il ajuste les questions en fonction des réponses obtenues et prend appui sur elles pour avancer. Il est meneur de jeu et la parole repasse toujours par lui. Le cours dialogué se déroule avec l’appui de deux ou trois élèves seulement qui répondent aux questions de l’enseignant, réponses courtes qui ne donnent pas aux élèves l’occasion de développer leur pensée pour percevoir et exprimer la complexité. Une variante intéressante est le cours dialogué interactif. Ce n’est plus le maître qui valide ou invalide les interventions des élèves ; il les renvoie à l’ensemble de la classe ou vers un autre élève qu’il désigne. Il laisse plusieurs échanges s’effectuer entre les élèves avant de reprendre la parole pour stabiliser ce qui doit l’être.

b. Des cours rythmés et variés Maintenir les élèves en alerte intellectuelle suppose de les surprendre, de les étonner ; c’est aussi une question de rythme. Il faut donc prévoir des changements de tempo, le mode magistral ou le mode dialogué interactif ayant tout à fait leur place à condition de ne pas être uniques ou envahissants. André de Peretti et François Muller ont dressé un « inventaire foisonnant des points d’appui » pour l’enseignant. >>> « Mille et une propositions pédagogiques pour animer son cours et innover en classe » ESF Editeur (2008)

c. L’écrit pour penser : une valeur sûre On écrit très peu à l’école ; on copie et on recopie certes beaucoup mais on écrit peu au sens où écrire signifie produire de la pensée. Elisabeth Bautier souligne l’importance de promouvoir l’écrit intermédiaire ou l’écrit réflexif, par exemple :

- un laps de temps d’écrit au milieu du cours pour donner à chacun le temps de mettre en mots ou de résumer ce qui vient d’être fait ou dit

- en fin de cours, un temps de réorganisation - en début de cours, un temps donné aux élèves pour se mobiliser sur le sujet

d. Bruits et silence : un duo à questionner

Le silence est souvent perçu comme un indicateur de concentration ; c’est pourtant tout autant un signe de rêverie, de passivité ou d’ennui. Il convient donc, si l’on veut effectivement mettre les élèves en action, de ménager au sein de la séance des temps d’échanges en binôme ou en groupe c’est-à-dire créer des espaces (bruyants ?) de réflexion nécessaires à la verbalisation des savoirs et des procédures.

e. Ruser pour rendre attrayants des exercices mécaniques Yves Guégan a listé ces ruses >>> « Les ruses éducatives, 100 stratégies pour mobiliser les élèves » ESF (2008)

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A noter l’intérêt d’avoir recours à une compétition ludique régulée, à de l’affrontement « pour de rire » qui fait oublier aux élèves qu’ils sont en train de travailler. Par exemple, des matchs de tables de multiplication ou des challenges d’orthographe…

6- Re-mobiliser grâce à la pédagogie de contrat

Le contrat permet de délimiter un espace de réussite accessible. Il suppose un ajustement au contexte :

- des objectifs bien ciblés et réalistes (en rapport avec les besoins de l’élève) - l’aide et le soutien des enseignants pour encourager l’élève - des critères et une évaluation permettant de juger de l’atteinte des objectifs fixés.

La formalisation est essentielle : écrire oblige à cerner avec précision les difficultés de l’élève et les moyens de les dépasser et le signer engage les deux parties. Il s’agit d’un moyen pertinent pour sécuriser des élèves en échec massif dépassés par l’énormité des écarts et les progrès à accomplir.

Gérer l’hétérogénéité des élèves Il s’agit de rompre avec « l’indifférence aux différences » (Pierre Bourdieu). L’hétérogénéité n’est pas un accident ou un dysfonctionnement : elle est la traduction de notre diversité. « Lorsqu’un tailleur fait un vêtement, il l’ajuste à la taille de son client et, si celui-ci est gros ou petit, il ne lui impose pas un costume trop étroit sous prétexte que c’est la largeur correspondant dans la règle à sa hauteur. Au contraire, le pédagogue habille, chausse, coiffe tous les esprits de la même façon. Il n’a que du tout fait… Pourquoi n’a-t-on pas pour l’esprit les égards dont on entoure le corps, la tête, les pieds ? » Claparède 1921

1. L’hétérogénéité, obstacle ou atout ?

a. Le point de vue des chercheurs Marie Duru-Bellat et Alain Mingat constatent qu’à niveau de classe équivalent, il vaut mieux être dans une classe hétérogène qu’homogène : « la constitution de classes hétérogènes est sans doute la meilleure façon d’élever le niveau moyen de l’ensemble des élèves, au bénéfice des plus faibles et sans pénalisation notable des plus brillants. » b. La pédagogie différenciée comme réponse à l’hétérogénéité Le concept émerge en 1971 sous l’influence de Louis Legrand. Pour lui, il s’agit d’ « un effort de diversification méthodologique susceptible de répondre à la diversité des élèves ». c. La pédagogie différenciée, ce n’est pas compliqué Philippe Meirieu souligne qu’il n’est « ni possible ni souhaitable d’individualiser complètement le fonctionnement de la classe » et que « la différenciation n’est pas l’atomisation de la classe ou la disparition du cadre scolaire au profit du seul tutorat individuel ».

2. Mettre en œuvre une pédagogie différenciée réaliste au quotidien

Philippe Perrenoud constate que « toute situation didactique proposée ou imposée uniformément à un groupe d’élèves est inévitablement inadéquate pour une partie d’entre eux ». La différenciation pédagogique est donc incontournable !

a. Identifier et combiner des leviers efficaces pour différencier Des leviers :

- la configuration de la classe, son organisation : travail en groupes (groupes de besoin, d’apprentissage, de recherche, de production…), travail en binômes stables ou temporaires

- les situations d’apprentissage : des situations d’apprentissage différentes pour des objectifs identiques - des sollicitations cognitives différentes : méthode déductive, inductive, expérimentale, appel à la

créativité… - la flexibilité des postures du professeur : guidage et étayage variables d’un élève à l’autre en fonction des

besoins - les tâches et les supports : des tâches et des supports différents pour des objectifs identiques - le traitement des erreurs des élèves - l’évaluation formative - les rythmes de travail : des départs échelonnés, une durée plus courte pour faire le même travail - l’anticipation : aider les élèves susceptibles de rencontrer des difficultés avant de démarrer le travail en

classe entière

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- la quantité : une production plus courte pour les uns, plus ambitieuse pour les autres ou résolument différente

- l’entraide entre élèves : tutorat, monitorat - des devoirs à la maison différents selon les élèves - des aides matérielles différenciées : tous les élèves ne disposent pas des mêmes informations pour traiter

les mêmes problèmes

b. Comment s’organiser ? Il existe deux types de différenciation :

- la différenciation successive proposée par André de Peretti : elle consiste à systématiquement proposer plusieurs approches différentes des mêmes notions en faisant varier différents paramètres (méthodes, situations d’apprentissage, supports, démarches…) afin que chaque élève ait le maximum de chance de rencontrer des méthodes qui lui conviennent

- la différenciation simultanée proposée par Philippe Meirieu : elle s’exerce selon deux cas de figure : o les élèves effectuent dans le même temps des activités différentes o les élèves réalisent des tâches identiques mais avec des ressources ou des contraintes

personnalisées

c. Varier systématiquement les approches Il s’agit de compenser la tendance que chaque enseignant a, consciemment ou pas, à considérer que la méthode qui lui convient le mieux est la meilleure pour les élèves. Au contraire, il convient de solliciter les capacités multiples de chacun pour multiplier les points d’accrochage possibles.

Démarches inductives et déductives : - les démarches déductives partent de concepts, principes, règles, définitions déjà connus pour les appliquer

ou raisonner à partir d’eux - les démarches inductives partent de faits, d’exemples, de situations problèmes accessibles aux élèves pour

les amener à dégager des principes, des règles, des définitions, des concepts

Auditifs ou visuels Les apports de la gestion mentale et les travaux d’Antoine de la Garanderie amènent à veiller à associer continuellement oral, écrit et à ne pas oublier les gestes et les mouvements du corps.

Des modes d’encadrement ajustés

Différencier, c’est aussi pour l’enseignant faire varier les postures et les formes de guidage : posture de lâcher prise pour des élèves qui sont déjà très à l’aise mais accompagnement plus ou moins rapproché pour d’autres qui peinent ou se découragent.

d. Proposer simultanément des activités différentes Par exemple, en histoire, le professeur propose des documents différents à étudier permettant à tous les élèves d’aborder le même point du programme, la vie au Moyen-Âge. L’objectif est le même pour tous et chacun pourra avoir un apport spécifique pertinent lors de la synthèse commune. Autre modalité : différencier par les tâches et l’accompagnement proposés. Les mêmes documents seront donnés à tous les élèves mais tandis que certains devront répondre à une ou deux questions ouvertes et se débrouiller seuls, d’autres bénéficieront d’un questionnaire pour les guider, quelques-uns enfin bénéficieront en outre de l’attention spécifique du professeur.

e. Différencier grâce aux situations problèmes et à l’enseignement par compétences La même situation problème peut faire l’objet d’une mise en œuvre différenciée, le maître réservant son aide à ceux qui peinent en fournissant des informations supplémentaires à certains selon un étayage ajusté.

3. Le travail de groupe : un outil privilégié de différenciation

« De l’identique on n’apprend rien : on se conforte dans ses certitudes, on s’admire comme Narcisse dans le miroir de l’autre » Philippe Meirieu

a. Pourquoi ça marche ? Franchir des obstacles qu’on ne pouvait pas dépasser seul Le levier essentiel est d’obliger chaque élève à confronter ses propositions et les procédures dont il dispose à celles des autres.

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Se situer dans la zone de progrès accessible En outre, dans le groupe, chaque élève affronte des contradictions à sa hauteur puisqu’elles émanent d’autres élèves du même âge. Parce que la pensée se construit dans le langage Dans ce type de travail, chacun progresse :

- les plus rapides ou inventifs voient leurs propositions discutées et confortées, ils affinent leurs arguments et développent des compétences argumentatives

- les élèves en difficulté explorent des pistes qu’ils n’auraient pas imaginées mais qui deviennent accessibles parce qu’elles émanent de pairs capables de mobiliser des ressources explicatives auxquelles un adulte n’aurait peut-être pas pensé dans un langage que le maître ne se serait peut-être pas autorisé

La juste posture du professeur Cela ne dispense pas le maître d’un guidage adapté si nécessaire, en particulier si le groupe ne surmonte pas seul les difficultés. Un moyen mais pas une fin Le travail de groupe est un espace de travail, d’apprentissage autant que de mobilisation des acquis mais il ne suffit pas à lui-même.

b. Comment ça marche ? Bruits et désordre Il faut noter que bien des problèmes de « discipline » sont liés à la façon dont les élèves savent ou non s’ennuyer avec discrétion. Pour limiter tout bavardage dans le travail de groupe, on peut demander de désigner en son sein un gardien du sujet. Cette responsabilisation est très efficace, y compris quand elle est confiée à celui qui risque le plus de dévier. Le pilotage du travail doit être précis. Une feuille de route qui récapitule les consignes par écrit peut être utile. Une fois les élèves placés en groupes, les interventions à l’adresse de l’ensemble de la classe sont à éviter. Les problèmes de bruit et de désordre ne surviennent que lors des premiers travaux de groupe. Une fois la pratique complètement banalisée pour les élèves, l’auto-régulation sonore se fait sans problème. Comment être sûr qu’ils travaillent tous ?

- définir une taille de groupe optimale : 3 ou 4 élèves (5 maximum) - responsabiliser pour réguler :

o proposer au plus perturbateur d’être le gardien de la civilité et de l’équilibre des échanges o proposer au plus passif d’être celui qui restituera le travail devant la classe o proposer au rebelle d’être le gardien du temps

- donner un cadre temporel ferme : il convient de bien calibrer le temps accordé aux exigences du travail

Des tâches bien choisies Cette modalité de travail s’inscrit dans la diversification pédagogique : il ne s’agit pas de remplacer un modèle unique de cours (cours dialogué par exemple) par un autre modèle unique et de tout faire en groupe. La tâche doit présenter un degré de complexité tel qu’elle ne doit pas pouvoir être réalisable par un seul élève mais réellement demander élaborat ion et coopération collective.

c. Des configurations nombreuses pour les travaux de groupe - Groupe découverte ou de recherche : approfondir un aspect d’une question sur la base d’un problème

collectif posé à la classe - Groupe de confrontation : confronter des représentations ou des points de vue différents afin de provoquer

leur dépassement - Groupe d’assimilation : laisser le temps à des groupes de se redire avec leurs propres mots une notion qui

vient d’être présentée - Groupe d’entrainement mutuel - Groupe de remédiation et d’approfondissement : reprendre une notion ou son approfondissement en

tenant compte de difficultés précises constatées

d. Le travail en binôme : une variante simple et efficace Le travail en binôme introduit un temps d’échanges à l’intérieur d’un cours, un espace de parole autorisée qui tranche avec un moment d’écoute silencieuse.

e. Les groupes de besoin Cette idée est lancée par Philippe Meirieu en 1980 et s’oppose aux groupes de niveaux homogènes et pérennes qui risquent d’accentuer les écarts au lieu de les réduire.

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Les groupes de besoin sont constitués en fonction des besoins des élèves, à un moment donné, sur des objectifs précis. Ils ne peuvent constituer des regroupements durables. Ils sont orientés vers des activités :

- de remédiation : retour sur des apprentissages pas ou mal consolidés - d’approfondissement : pour des élèves ayant acquis les apprentissages considérés comme prioritaires

La mise en œuvre des groupes de besoin impose d’identifier en amont et avec pertinence des « besoins ».

f. Comment évaluer un travail de groupe ? Il s’agit principalement d’évaluer grâce à la présentation des résultats : ce moment de restitution devant l’ensemble de la classe peut paraître délicat du point de vue de l’attention des élèves. Il convient donc de le dynamiser par exemple en confiant l’évaluation à tour de rôle à un autre groupe qui doit se prononcer en fonction de critères explicités avant la mise en œuvre.

4. Gérer des rythmes différents

a. Des départs et des arrivées échelonnés ?

Pourquoi les élèves qui ont compris du premier coup devraient-ils différer le passage à l’action ? On peut imaginer facilement un départ échelonné, il suffit de doser la quantité d’exercices. Ce type d’organisation convient bien aux exercices d’entraînement ou d’application. Des fiches autocorrectives sont très utiles également, ainsi que le travail sur ordinateur. Faut-il vraiment corriger collectivement un exercice que tout le monde a réussi ? Pourquoi ne pas s’appuyer sur les élèves les plus rapides et les plus à l’aise pour superviser la validité du travail des autres (le professeur n’intervenant que pour trancher des désaccords) ?

b. Oser dispenser des élèves de certaines activités Pourquoi ne pas dispenser certains élèves des activités pour lesquelles ils sont déjà experts ? L’enfant de CP qui lit couramment prendre un album ou un livre pendant que d’autres travailleront les combinatoires.

c. Prévoir des ateliers permanents Des espaces dédiés à une activité spécifique sont organisés de façon stable dans l’espace de la classe. Les élèves s’y rendent en autonomie dès qu’ils le peuvent. Il s’agit d’activités proposées par l’enseignant ou des espaces de réalisation de projets personnels.

d. Prendre aussi en charge les différences de ces enfants qu’on dit « surdoués »… Contrairement à l’idée communément répandue, l’excellence produit elle aussi de la souffrance scolaire, au point de fabriquer de l’échec et de provoquer un gâchis humain et intellectuel qui, à lui seul, devrait suffire à attirer l’attention sur l’intérêt d’une pédagogie différenciée qui répondre aux besoins de ces enfants. Le concept de dyssynchronie éclaire le vécu particulier de ces enfants intellectuellement précoces : ils présentent fréquemment un développement affectif et une maturation psychomotrice moins en avance que leur développement intellectuel (dyssynchronie interne). Par ailleurs, l’école, les camarades et parfois les parents n’attendent d’eux qu’un comportement conforme à la norme de leur âge (dyssynchronie sociale). Des difficultés, notamment au niveau de leur insertion scolaire et familiale, peuvent résulter de ce développement hétérogène et de l’incompréhension du milieu. La pédagogie différenciée s’adresse aussi bien à l’excellence qu’à la grande difficulté et c’est un devoir de l’école publique de prendre en charge toutes les différences. Certains outils s’imposent pour les enfants intellectuellement précoces :

- oser un rythme radicalement différent - dispenser de certaines activités pour en proposer d’autres spécifiques - utiliser toutes les ressources humaines de l’établissement pour un accompagnement personnalisé

L’approche par compétences

1. Compétence : un concept pas si flou qu’on le dit

a. Histoire du mot et du concept

Le mot « compétence » désigne aujourd’hui la mobilisation d’un ensemble de savoirs dans l’action.

b. Le concept de compétence en sciences de l’éducation Tout le monde s’accorde sur trois invariants qui caractérisent aujourd’hui le concept :

- la compétence est tournée vers l’action adaptée à un contexte, action à prendre au sens large : « s’adapter, résoudre des problèmes et réaliser des projets » (Marc Romainville)

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- la compétence met en jeu des connaissances de tous ordres : « conceptuelles, procédurales » (Pierre Gillet), « savoirs, savoir-faire, savoir-être et savoir-devenir » (Marc Romainville), « connaissances, aptitudes (capacités) et attitudes » (Parlement européen), « connaissances, capacités à les mettre en œuvre et attitudes » (socle commun français)

- la compétence à un champ d’application délimité plus ou moins étendu : ce sont les « familles de situation » (Philippe Perrenoud) ou « le contexte donné » (Guy Le Boterf)

c. Compétence et capacités : vrais ou faux débats ?

Le vocabulaire auquel on se trouve confronté est foisonnant : capacités, aptitudes, attitudes, domaines, items… et il n’est pas facile de s’y retrouver. Sur le fond, ce foisonnement de vocabulaire est un phénomène normal : lorsqu’un concept émerge, on assiste toujours à un tâtonnement avant qu’une terminologie commune s’impose et cela n’est possible que lorsque l’analyse a été suffisamment approfondie. Loin d’être une preuve de faiblesse du concept, il s’agit bien au contraire des traces de la pensée en action qui essaie de pénétrer la boîte noire d’un processus. Concrètement, sur le terrain, il serait néanmoins dommage de jeter le bébé avec l’eau du bain en attendant un consensus sur les moindres détails ! L’important, c’est la démarche, une démarche qui tourne résolument le dos à une pédagogie exclusivement centrée sur la transmission des savoirs pour promouvoir une pédagogie qui se préoccupe du transfert des connaissances dans l’action.

2. « L’irrésistible ascension de la notion de compétence » (Marc Romainville)

a. Un enseignement tourné vers l’action

Une compétence est considérée acquise si elle permet la réussite d’un certain nombre de performances dans un contexte inédit. C’est donc un enseignement qui s’oppose à l’accumulation de « savoirs morts » selon l’expression de Jules Ferry, savoirs déconnectés de toute utilisation personnelle, qu’il s’agisse de la vie sociale ou professionnelle ou d’ouvrir des porte vers d’autres acquisitions. La question du transfert des savoirs est au cœur de l’approche par compétences. L’exemple de l’orthographe est caricatural : beaucoup d’élèves sont capables de réussir tous les exercices d’application de type Bled mais continuent néanmoins, lorsqu’ils rédigent spontanément un texte, à confondre « à » et « a »… Ce n’est donc pas la connaissance qui fait défaut mais sa mobilisation à l’impromptu dans un contexte nouveau dont la complexité exige que d’autres savoirs soient également activés. L’activité de l’élève est depuis longtemps au cœur des méthodes efficaces d’apprentissage mais jusqu’ici, l’accent était surtout mis sur la nécessité de faire agir les élèves en phase d’apprentissage. Dans l’approche par compétences, l’action est aussi au cœur du processus d’évaluation : c’est la réussite d’une tâche complexe qui permettra de valider la compétence.

b. Favoriser la gestion des rythmes différents des élèves Raisonner en termes de compétences permet d’élargir le regard. Les limites ne sont plus tel ou tel contenu de programme jugé inaccessible ou non acquis mais un regard plus global sur les compétences en œuvre selon un continuum qui laisse place à des rythmes différents et ne coïncide pas avec un découpage annuel ou purement disciplinaire. La validation institutionnelle du socle de compétences ne prévoit que trois échéances (fin de CE1, fin de CM2 et fin de 3ème).

c. Respecter les cheminements individuels La compétence n’est visible qu’à travers des performances. Peu importent donc les cheminements effectués du moment que cette réussite est constatée. Cette démarche a l’avantage de respecter les procédures individuelles et les méthodes différentes mises en œuvre par chacun.

d. Une place pour les savoirs de l’école et hors de l’école L’approche par compétences qui prévoit des situations complexes face auxquelles l’élève devra mobiliser des ressources variées permet de mettre en synergie les apports scolaires attendus et des apports personnels singuliers propres à chaque individu.

e. Préserver le sens des apprentissages La définition même de la notion de compétences inclut la finalisation des savoirs acquis dans la réalisation de tâches complexes. Cette dimension est l’une des réponses à la préoccupation des enseignants de préserver le sens des apprentissages.

f. Développer l’adaptabilité Habituer les élèves à gérer la complexité de situations inédites contribue à développer adaptabilité et réactivité. Mais le risque est réel de favoriser un nouvel élitisme. Marcel Crahay dénonce l’interprétation abusive de la notion de complexité inédite ; si celle-ci est érigée en norme et conduit à exclure toute activité de restitution ou d’exécution, on risque un excès d’ambition et une inflation du niveau d’exigences. Selon cette logique extrémiste, « un chirurgien, qui réussit pour la quarantième fois une transplantation cardiaque, ne fait pas preuve de compétence » ; or l’exemple est biaisé puisque le

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contexte inédit est justement celui de chaque patient, unique et singulier, et que la compétence réside bien dans ce « savoir-mobiliser » à bon escient. Il faut donc veiller à une évaluation raisonnable et raisonnée des compétences.

g. Abolir des frontières

Travailler par compétences permet de travailler sur les invariants repérables au-delà du cloisonnement de chaque discipline.

h. L’approche par compétences et la liberté pédagogique L’expression « pédagogie par compétences » peut laisser penser qu’il s’agit d’entrer dans un système pédagogique spécifique. Il n’en est rien. Il s’agit de « travailler à développer des compétences ». A noter que la définition même de la compétence rejoint nombre de points forts des théories d’apprentissage socioconstructivistes. Par contre, l’approche par compétences s’oppose clairement à toute démarche purement transmissive et s’inscrit dans la logique des acquis de la pédagogie.

Évaluer pour faire progresser

1. L’évaluation : des avancées indéniables

Jusque dans les années 1970 et ce, malgré des précurseurs dont la voix reste sans écho véritable, l’école n’évalue pas mais se contente de noter.

a. De la notation à l’évaluation

« L’évaluation n’est ni un jugement de valeur, ni de l’étiquetage, ni de la catégorisation réactive, émotive, l’évaluation est une réflexion juste sur la valeur de l’activité de l’élève et non pas sur la valeur de l’élève » Anne Jorro Jean-Marie de Ketele propose la définition suivante : « L’évaluation est le processus qui consiste à recueillir un ensemble d’informations pertinentes, validées et fiables, puis à examiner le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères choisis adéquatement en vue de fonder la prise de décision ».

b. L’évaluation formative : une pratique incontournable

C’est avant tout une démarche visant à aider l’élève à apprendre et à progresser. Elle s’effectue en cours d’apprentissage et suppose des phases de réajustement et de régulation. Elle sert à informer l’élève autant que l’enseignant sur le degré de maîtrise des objectifs fixés mais vise aussi à former et à éduquer.

Philippe Perrenoud remarque : « mieux vaudrait parler d’observation formative, davantage que d’évaluation, tant ce dernier mot est associé à la mesure, aux classements, aux carnets scolaires, à l’idée d’informations codifiables, transmissibles, comptabilisant les acquis et les lacunes. »

Les principes de l’évaluation formative :

- prendre des informations en cours d’apprentissage - agir pour répondre aux difficultés identifiées (cf. Linda Allal)

o des régulations rétroactives : au terme d’une séquence d’apprentissage, un retour sur les nœuds de difficultés identifiés, les points restés obscurs (principe de remédiation)

o des régulations interactives : en continu, tout au long du processus d’apprentissage o des régulations proactives : elles visent la consolidation ou l’approfondissement différencié en

fonction des itinéraires des élèves au cours de la séquence o des régulations anticipatrices : prévention des difficultés au moment où l’élève doit s’engager

dans une activité nouvelle

c. L’évaluation sommative : des malentendus On oppose couramment évaluation sommative et évaluation formative, ce qui peut laisser penser que l’évaluation sommative n’est pas une bonne pratique ou que l’une exclut l’autre. Il s’agit d’un malentendu. L’évaluation sommative a du sens chaque fois qu’il s’agit de faire un bilan. Des temps de bilan sont utiles et nécessaires, mais ils doivent être clairement identifiés et surtout distincts des temps d’apprentissage qui eux, s’articulent avec l’évaluation formative. L’évaluation sommative reste souvent envahissante. Comme le souligne Jean-Pierre Astolfi, « les fonctions d’entraîneur et d’arbitre sont trop souvent confondues. C’est toujours celle d’entraîneur dont le poids est minoré. On peut se demander quand les élèves peuvent véritablement apprendre. »

d. L’évaluation diagnostique : une prise de repères très utile Il s’agit d’une évaluation intervenant au début, voire au cours d’un apprentissage, qui permet de repérer et d’identifier les difficultés rencontrées par l’élève afin d’y apporter des réponses pédagogiques adaptées. Il s’agit donc d’une des modalités d’une démarche d’évaluation formative, destinée à mieux ajuster les activités des élèves à leurs besoins.

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e. L’évaluation des compétences : une avancée dans un contexte difficile

Depuis 2006, l’évaluation officielle se libère de la note chiffrée et de la notion de moyenne. L’harmonisation est également en marche puisque l’évaluation des compétences est co-assumée par plusieurs enseignants.

2. Bien évaluer, c’est aussi une question de posture

a. Des gestes professionnels ajustés pour bien évaluer

Anne Jorro définit cinq gestes professionnels spécifiques de l’évaluateur : - Définition de l’objet : spécification la plus précise possible de l’objet à évaluer (ce qui permet de rendre

public l’objet en question) - Référentialisation : l’évaluateur doit se poser la question du souhaitable par rapport à un référentiel. Il ne

vise pas la perfection mais une confrontation réaliste entre la réalité et un référentiel d’évaluation. - Interprétation : l’évaluateur doit interpréter en se basant sur les critères et les indicateurs. La partie

technique ne doit pas occulter les aspects subjectifs - Conseil : il s’agit d’alerter l’évalué et de lui permettre de réguler ou de réajuster son action. L’exhaustivité est

impossible donc l’évaluateur doit faire des choix réalistes en fonction du contexte. - Communication : il s’agit d’instaurer un dialogue autour de l’action qui a été évaluée, ce pour favoriser

l’évolution On insistera particulièrement sur les gestes de conseil et de communication. Ils s’opposent radicalement à la réprimande, à la sanction et à l’humiliation. Ils sont tournés vers l’avenir et donnent des pistes à l’évalué pour que celui-ci puisse réellement faire évoluer ce qu’il a produit. Ils ne se limitent pas à des simples constats de ce qui a dysfonctionné.

b. Du bon usage de la correction de copies

L’écriture évaluative sur les copies suppose de faire des choix : oser ne pas tout corriger, renoncer au pointage exhaustif des erreurs, privilégier un ou deux conseils réellement applicables. Elle implique aussi de s’adresser au vrai destinataire, l’élève, avec d’authentiques conseils compréhensibles. Enfin, le geste de conseil sera beaucoup plus efficace s’il intervient au moment où l’élève peut encore intervenir sur son travail.

c. « L’ami critique » : une posture d’évaluation efficace Anne Jorro définit la posture d’ami critique (cf Macbeath « the critical friend »). Elle mobilise deux attitudes :

- la bienveillance : celle d’un regard, d’une écoute, d’une parole, un œil extrêmement attentif (ce qui ne veut pas dire complaisance ou démagogie)

- l’exigence : rappel des critères, rappel des exigences de la tâche et compréhension des raisonnements, des processus, des stratégies mises en œuvre par les élèves

3. Des outils et des critères pour mieux évaluer

a. L’évaluation objective est-elle possible ? André de Peretti rappelle « qu’il ne s’agit pas d’évacuer la subjectivité mais plutôt de faire avec ». La quête indispensable d’objectivité suppose l’utilisation d’outils et de critères. Un critère d’évaluation est un élément de jugement qui permet d’apprécier ce que l’on veut évaluer, de décider ce qui est réussi et ce qui ne l’est pas. L’outil est un moyen utilisé pour recueillir les informations dont on a besoin. Les outils supposent un choix raisonné car la fiabilité de l’évaluation en dépend. L’indicateur est ce que l’on peut réellement observer. Les indicateurs sont souvent difficiles à déterminer et nombre d’évaluations s’en passent, ce qui conduit à un flou évident. Mais inversement, des indicateurs en nombre trop limité ou privilégiant les détails observables au détriment de l’essentiel peuvent fausser l’évaluation.

b. La grille d’évaluation : une valeur sûre Les critères doivent être indépendants les uns des autres. De plus, l’exhaustivité est à rejeter absolument. Il est raisonnable de ne dépasser 5 ou 6 critères. Cela oblige à trier et à déterminer des priorités, par exemple en personnalisant les grilles en phase d’apprentissage (la grille devient alors un outil pour une pédagogie différenciée). L’évaluation critériée est une évaluation qui explicite ses critères, ce qui permet de les partager avec d’autres évaluateurs, avec les élèves, les parents, l’équipe éducative… Les critères peuvent être imposés mais aussi élaborés, négociés, discutés avec les évalués pour qu’ils puissent se les approprier.

c. Les notes : en finir avec la « constante macabre » Dans les années 1960, des travaux sur la docimologie ébranlent définitivement le respect jusque-là accordé aux notes. Difficile désormais de défendre sérieusement la fiabilité des notes et cela quelles que soient les disciplines (cf. Charles Hadji).

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Au début des années 2000, André Antibi met en évidence la tendance pour les enseignants à se conformer à un modèle de répartition des notes implicite qui consiste à mettre un certain pourcentage de mauvaises notes et cela quel que soit le profil des classes. C’est ce qu’il nomme la « constante macabre ». Sous la pression sociale, les enseignants se sentent obligés inconsciemment d’attribuer un pourcentage de mauvaises notes pour être crédibles. La question des notes reste cependant un tabou professionnel fort : on ne les discute pas alors que les travaux scientifiques montrent qu’elles sont justement discutables, au sens positif du terme, c’est-à-dire qu’une note n’a de sens que référée à un système dont les fondements et les repères varient. Tout se passe comme si les notes relevaient de la sphère privée de chaque enseignant alors qu’il s’agit de la partie la plus publique du métier !

d. Des alternatives aux notes : oser la variété - les systèmes de cotation à 5 échelons (ABCDE par exemple) mais ils ne font que reproduire les échelles

de notation sur 10 ou 20 - les systèmes qui rompent avec une échelle à 5 niveaux : supprimer par exemple la lettre C dans ABCDE

permet d’éliminer toute référence à une moyenne refuge - les ceintures de compétences (calquées sur les couleurs des ceintures de judo), issues de la pédagogie

institutionnelle : cet outil à 7 échelons peut cependant devenir lourd à gérer - les systèmes de cotation ternaires (acquis, non acquis, en voie d’acquisition) : ils peuvent ne faire que

reproduire, sous une forme adoucie, le schème puissant dénoncé par Antibi, celui d’une répartition en trois tiers, les bons, les moyens et les faibles

- le système binaire (acquis / non-acquis) : il est plus intéressant car il interroge les repères inconscients des enseignants et les obligent à clarifier les critères de réussite

- les cibles d’évaluation : très utilisées en formation d’adultes, elles sont peu exploitées à l’école ; elles permettent une visualisation immédiate des points forts et des points faibles

e. Le portfolio : un outil qui gagnerait à être mieux connu

Il désigne un dossier rassemblant tous les travaux finalisés ou non dans un domaine donné. Il s’inscrit dans une pédagogie centrée sur le développement des compétences. C’est un outil d’autoévaluation pour l’élève qui peut concrètement visualiser son évolution. C’est aussi un outil d’évaluation particulièrement utile pour les compétences transversales à plusieurs disciplines (l’élève pouvant y regrouper des productions issues de diverses disciplines ou encore de travaux personnels). C’est enfin un outil de formation : son usage prévoit de favoriser le commentaire par l’élève lui-même de ses travaux, de ses tâtonnements, de ses erreurs… Il peut également jouer le rôle d’outil de (re)mobilisation scolaire.

f. L’évaluation par contrat de confiance Cette méthode a été développée par André Antibi. Elle s’appuie sur deux dispositifs avant « contrôle » :

- l'annonce du programme : une semaine avant chaque « contrôle », l’enseignant donne aux élèves une liste de questions ou d’exercices déjà traités et corrigés en classe. Certains seront donnés sans modification lors de l’évaluation. Ils représenteront entre 12 et 16 points sur 20. Le reste de la note sera affecté à une ou des questions en dehors de la liste

- une séance de questions/réponses pré-contrôle : les élèves peuvent poser toutes les questions qu’ils désirent pour éclaircir des points mal maîtrisés dans le programme annoncé par l’enseignant

4. Les élèves évaluateurs : des pistes de travail prometteuses

a. L’évaluation formatrice : pour une plus grande implication des élèves

Elle a été proposée par Georgette Nunziati. L’idée clé est d’impliquer chaque élève dans le processus d’évaluation formative pour que celle-ci ne soit pas subie. Cela suppose

- de favoriser l’appropriation des critères d’évaluation par les élèves (clarifier les attentes et installer un langage partagé entre professeur et élèves)

- d’habituer l’élève à autogérer ses erreurs (l’autocorrection étant évidemment l’une des modalités possibles, surtout si elle s’accompagne de la confrontation avec l’évaluation du professeur)

- de rendre l’élève capable d’autoréguler ses apprentissages (l’entretien d’explicitation étant un outil privilégié)

b. Co-évaluation : partager ou inverses les rôles

Quelques exemples… - déléguer tout ou partie de l’évaluation de l’oral aux élèves - faire évaluer un premier brouillon par un autre élève (ce qui est aussi formateur pour l’auteur que pour le

correcteur)

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Pour une aide efficace aux élèves en difficulté

1. Bousculer quelques idées reçues

a. Les limites d’une aide purement quantitative

« On fait plus de la même chose alors que c’est autre chose qu’il faudrait faire, on se fixe sur le combien pour éviter de s’interroger sur le comment. » Philippe Meirieu

b. Anticiper l’aide au lieu d’agir après-coup Comme le dit l’adage, « mieux vaut prévenir que guérir ». Mais en France, à l’école, la culture de l’aide est dominée par le principe de rétroaction décalée dans le temps. Pourtant, des pistes fructueuses consistent à anticiper l’aide au lieu de la proposer après-coup :

- si un élève manque toujours de temps, pourquoi ne pas essayer de lui faire prendre un peu d’avance sur les autres, par exemple en lui proposant avant le texte qui servira de support à toute la classe

- avant d’aborder une nouvelle notion, pourquoi ne pas organiser un travail de groupe avec quelques élèves et leur accorder un temps spécifique pour travailler les conceptions préalables qui peuvent faire obstacle

- pour des élèves qui ont du mal à entrer dans l’abstraction, on peut aussi favoriser des manipulations concrètes

Le succès de ce type de stratégie réside dans le fait de donner la possibilité à ceux qui peinent d’ordinaire de se trouver pour un temps en position forte dans le groupe-classe.

2. Intervenir lorsque la difficulté surgit

a. Médiations et médiateurs : les passeurs de savoirs

La médiation désigne toutes les formes d’aide possibles en cours d’apprentissage. Jérôme Bruner illustre la juste distance du médiateur par l’exemple de la maman qui, passant près du berceau de son enfant, le voit essayer d’attraper un jouet pourtant inaccessible :

- si la maman donne le jouet à l’enfant, elle a agi à sa place et celui-ci n’a rien appris ; - si elle passe sans rien faire en négligeant les efforts de son enfant, elle rate une occasion de le faire

progresser - la maman bonne médiatrice rapproche l’objet sans le donner et encourage l’enfant jusqu’à la réussite

b. Le tutorat ou le monitorat entre élèves : une ressource pédagogique sous-exploitée

« Le tutorat entre pairs est ce système d’enseignement au sein duquel les apprenants s’aident les uns les autres et apprennent en enseignant » Goodlad et Hirst L’intérêt est double

- celui qui aide à l’occasion de mettre à l’épreuve ses connaissances. C’est ce travail de retour sur les savoirs acquis que l’on nomme métacognition.

- celui qui est aidé à l’occasion d’entendre des explications dans un langage souvent plus proche du sien que celui du professeur (ce sera ensuite au professeur de s’assurer de formulations scientifiquement correctes)

3. Des stratégies d’aide mobilisables au quotidien dans l’urgence

a. L’étayage didactique : pour une aide ajustable à chacun

Etayer consiste au quotidien dans le tissu du cours à apporter une aide aux élèves. Dominique Bucheton a établi une typologie des postures adoptées par les enseignants. Ce modèle théorique fournit un outil d’une incontestable efficacité pour comprendre, conscientiser et améliorer l’exercice quotidien du métier. Trop d’aide peut devenir contre-productif ; il faut donc veiller à supprimer les aides au bon moment (c’est le désétayage). Le surétayage consiste à trop épauler les élèves, à ne pas laisser s’effectuer les tâtonnements indispensables et donc à freiner les apprentissages. Poussé à l’extrême, le surétayage conduit à empêcher les élèves d’apprendre : c’est le contre-étayage. Pour Philippe Meirieu, la dialectique étayage/désétayage doit être accompagnée en permanence des activités de métacognition (le repérage de ce que l’on utilise, les appuis dont on a besoin et en même temps les marges d’initiative dont on peut disposer).

b. « La métacognition, ce n’est pas une affaire compliquée » « C’est le fait d’effectuer un retour sur son propre processus d’apprentissage et d’interroger, de l’extérieur en quelque sorte, avec l’aide de ses pairs, de ses maîtres et des supports culturels nécessaires, la dynamique même du transfert de connaissances » - Philippe Meirieu

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Aider les élèves au quotidien, c’est ménager des moments de retours réflexifs, collectifs ou individuels sur ce que l’on a fait et comment on l’a fait. Cela passe par des questions ouvertes : « Qu’avez-vous appris ? », « Comment avez-vous fait ? », « Que retenez-vous d’important ? » Le travail de groupe autour d’une situation problème est un lieu privilégié pour des activités de métacognition. Ainsi, Michel Grangeat explique que l’élève confronté à des conceptions différentes des siennes, « surtout s’il est enclin à gommer les contradictions dans ses propres représentations ou à rester figé dans ses perceptions initiales – se trouve forcé d’admettre que certains de ses pairs, ne pensent pas comme lui à chaque instant et que d’autres n’utilisent pas les mêmes démarches, tout en atteignant des buts identiques. Ainsi, il est amené à s’intéresser à des stratégies qui ne lui sont pas spontanées et c’est alors que les procédures plus canoniques ou classiques, apportées par l’enseignant, peuvent être plus facilement appropriées ». Les bilans de savoirs constituent des outils pertinents pour des activités de métacognition. Ils ont été développés par l’équipe Escol (Bernard Charlot). Il s’agit de demander aux élèves de faire par écrit le bilan de ce qu’ils ont appris à l’école. Pour les élèves, ces bilans de savoirs permettent d’identifier, de nommer et d’organiser les savoirs acquis, de mesurer le chemin parcouru et de prendre l’habitude de faire un retour réflexif sur ce qu’ils ont fait. Pour les enseignants, ils fournissent d’utiles indications sur le rapport que les élèves entretiennent avec le savoir. Ils constituent aussi un utile outil d’évaluation et de régulation pour un enseignement plus efficace.

c. Reformuler - faire reformuler C’est un geste professionnel simple d’aide, mobilisable à tout moment :

- le professeur reformule ce que vient de dire un élève et s’en sert comme point d’appui (il valorise ainsi la parole de cet élève ; il propose une syntaxe sans erreur et un lexique précis)

- le professeur reformule ce que vient de dire un élève et le soumet à discussion

il évite ainsi une perte d’information en maintenant les élèves en alerte et en assurant une meilleure circulation de la parole

il installe ainsi une relation au savoir efficace : le professeur n’est plus le détenteur unique de la vérité, il est celui qui organise la co-construction des savoirs

ensuite, l’enseignant reprend la parole pour stabiliser sans ambiguïté ce qui est conforme aux savoirs visés

- le professeur fait reformuler par un ou des élèves ce qui vient d’être dit (par exemple les consignes)

cela fournit un marche-pied pour réduire l’écart entre le message du professeur et l’élève qui n’a pas compris

cela permet à l’enseignant d’évaluer la réception de ce qu’il a dit et de réajuster si nécessaire avant que ne s’enkystent les malentendus

4. Les erreurs : un irremplaçable vivier pour ajuster l’aide

« Lorsqu’un mathématicien devient professeur, il doit soulever cette scotomisation1 pour retrouver la mémoire de ses propres erreurs » et comprendre celles des élèves et cela n’est pas facile. Guy Brousseau

a. Réduire le nombre d’erreurs sans écraser le maître de travail

Faut-il traiter toutes les erreurs ? Non, bien sûr. On peut traiter prioritairement - les « erreurs de bonne foi », - celles qui sont répandues chez un nombre important d’élèves - celles qui ont des conséquences importantes sur la suite des apprentissages - celles qui se reproduisent fréquemment - celles pour lesquelles il existe une réponse pédagogique efficace déjà disponible

Que faire des « fautes d’inattention » ? La catégorie « faute d’inattention » est souvent un fourre-tout commode pour élèves et enseignants. Guy Brousseau souligne cependant que le traitement d’erreurs pour lesquelles « il ne peut être établi aucun rapport entre elles et la connaissance en construction (qu’elles soient dues à des circonstances périphériques ou à un engagement superficiel) non seulement n’apporte rien, mais encore prend du temps et détourne le processus. » Le statut de l’erreur « Parce que comprendre est plus important que réussir, l’école est un lieu où l’on doit pouvoir se tromper sans risque » précise Philippe Meirieu. Et pourtant, un modèle pédagogique implicite encore très prégnant fait de l’erreur une faute, un raté punissable. Les perspectives constructivistes considèrent, elles, l’erreur comme inhérente au processus même d’apprentissage.

1 Scotomisation (vocabulaire psychanalytique) : refoulement de quelque chose comme un réalité pénible

C Naudin – CPC Royan – Mars 2014

Guy Brousseau souligne que l’erreur peut avoir, selon les phases de l’apprentissage, des statuts différents dans une même classe pour un même professeur et les mêmes élèves : essai, erreur, échec à un exercice, échec d’un apprentissage, faute… « Le statut des erreurs peut se modifier à l’insu des acteurs. L’élève croyait pouvoir faire un essai, le professeur le reprend comme s’il avait commis une erreur dans un exercice, et si cette décision ignore un enseignement avéré, c’est même une faute, voire une offense au professeur ! »

b. Des pistes pour comprendre les erreurs des élèves Jean-Pierre Astolfi propose une typologie qui, loin d’être exhaustive, montre une diversité de directions dans lesquelles l’enseignant peut chercher :

- difficultés liées à la compréhension des consignes ou des attentes - erreurs liées à des conceptions erronées préexistantes qui n’ont pas été ébranlées par les activités ou

conceptions issues d’une discipline et non pertinentes dans une autre - erreurs sur les opérations intellectuelles impliquées ou sur les démarches - erreurs liées à la surcharge cognitive ou à la complexité de l’activité

5. Des dispositifs spécifiques d’aide personnalisée

a. L’atelier dirigé pour un accompagnement sur mesure

C’est un dispositif qui permet à l’enseignant de s’occuper d’un petit groupe pour un accompagnement rapproché. Il s’inscrit dans un ensemble de dispositifs en atelier :

- les ateliers Freinet : les élèves effectuent des tâches différentes au service d’un projet collectif - les ateliers à l’école maternelle : à chaque groupe correspond une activité et souvent un type de guidage

différent - l’atelier dirigé : l’enseignant prend en charge un petit groupe pendant que les autres font autre chose. A la

différence des autres travaux de groupe, ce type d’atelier est dirigé par l’enseignant qui régule les interventions de chacun. La tâche est la même pour tous mais chacun bénéficie des apports du groupe pour mener à bien sa production personnelle (cf. Dominique Bucheton)

b. L’entretien d’explicitation : un outil privilégié de l’aide personnalisée

C’est Pierre Vermersch qui a théorisé la méthode dans les années 1990. Le principe est simple : il s’agit de faire verbaliser par l’élève la façon dont il a agi pour produire telle ou telle réponse, effectuer tel ou tel exercice. En verbalisant les procédures qu’il a utilisées, l’élève en prend conscience et peut les réajuster si nécessaire. L’enseignant, lui, peut identifier des nœuds de résistance insoupçonnés. La méthodologie de l’entretien d’explicitation

- un support scolaire indispensable : l’entretien se déroule en face à face entre un professeur et un élève sur un travail déjà effectué par l’élève. La présence d’un objet d’apprentissage déjà travaillé par l’élève est indispensable. Toutes les questions partent de ce support et y reviennent. Cet objet médium est un rempart contre tout risque de dérive

- un type de questionnement réfléchi : il vise à atteindre le « comment » : « comment as-tu fait ? », « comment as-tu su que… ? »

- une posture d’écoute : l’enseignant s’interdit de faire des suggestions à l’élève - un point clé : ne pas se contenter d’une première réponse mais relancer suffisamment l’entretien jusqu’à

atteindre la finesse des choix effectués

Métier professeur : développer des compétences professionnelles L’enseignant est constamment pris dans une double tension, celle de la planification et celle de l’incertitude. Il est aussi constamment soumis à une dynamique d’évolution parce que la société change, les élèves aussi. Néanmoins, l’enseignant d’aujourd’hui bénéficie de points de repères précis issus des travaux de la recherche.

1. Le professeur, les élèves, le savoir

a. Le triangle pédagogique

Ce concept a été défini par Jean Houssaye dans les années 1980. Il montre que la relation pédagogique se situe dans une tension irréductible entre trois pôles qui dessinent les trois sommets d’un triangle : le professeur, l’élève et le savoir.

S (savoir)

P (professeur) E (élève)

2 sujets

1 mort ou 1 fou

C Naudin – CPC Royan – Mars 2014

Une tension exclusive entre deux pôles conduit à neutraliser le troisième : - « enseigner » privilégie l’axe professeur-savoir - « former » privilégie l’axe professeur-élève - « apprendre » privilégie l’axe élève-savoir

Il faut donc sans cesse interroger ces tensions pour une relation pédagogique équilibrée.

b. Un rapport au savoir sacralisé fait obstacle Une tension excessive entre le professeur et les savoirs exclut les élèves. C’est une posture encore très fréquente, liée souvent à un choix professionnel guidé par l’amour des savoirs et d’une discipline en particulier. Pourtant, l’un des enjeux est bien pour le professeur d’accepter la dévolution des savoirs aux élèves, c’est-à-dire de consentir à se dessaisir de l’apport des savoirs en toute-puissance, mais d’assumer en revanche l’organisation de situations didactiques qui permettront à l’élève de se les approprier.

c. Pour une juste distance dans la relation maître-élève Le risque existe de voir les savoirs disparaître ou se diluer pour un exercice du métier qui se préoccupe avant tout de la relation avec les élèves. La question vive « pourvu qu’ils m’écoutent » menace parfois d’occulter complètement une autre question pourtant fondamentale « pourvu qu’ils apprennent ». Pour assumer convenablement sa mission d’enseignant, il faut également se libérer de l’idée d’une relation fondée sur l’affectif (qui ressemble à une captation narcissique). Philippe Meirieu utilise la métaphore de Frankenstein pédagogue pour mettre en garde : l’élève n’est pas la créature du maître.

d. Les élèves et le savoir : créer les conditions de la rencontre L’axe privilégié de l’apprentissage est l’axe élève – savoir, à condition toutefois que le maître assume activement son rôle de tiers médiateur.

2. Adopter la bonne posture professionnelle : « une petite révolution » (Anne Jorro)

On s’est longtemps contenté de considérer qu’enseigner était une question de talent personnel. Cette conception, qui peut s’avérer terriblement culpabilisante et destructrice, est aujourd’hui considérée comme erronée.

a. Être un « bon enseignant » ne relève pas de l’inné

Les travaux menés par Anne Jorro, Dominique Bucheton et leurs équipes permettent de raisonner en termes de postures consciemment assumées.

b. Enseigner, c’est se situer dans un contexte

« La posture déplace de façon opportune la question de l’identité de métier, en intégrant d’autres paramètres tels ceux qui ont trait au contexte éducatif, à la présence d’élèves en difficulté, à la question de leur rapport au savoir, au projet d’action (…) Désormais, il s’agit moins de se définir que de se situer. C’est une petite révolution pour la pensée ! La priorité est donnée au contexte et les interactions deviennent des clés de lecture de la situation. Connaissant les spécificités de la situation, le praticien ajuste son intervention. » Anne Jorro

c. Une typologie des postures professionnelles Chaque posture a des effets différents et il importe de les identifier, d’en mesurer les conséquences pour une adéquation à chaque situation. On est loin des jugements de valeur ; il s’agit au contraire de fournir des éléments permettant d’assumer consciemment les bons choix aux bons moments. Les postures d’étayage de l’enseignant (Dominique Bucheton) :

- posture d’accompagnement : le maître pointe les difficultés, oriente vers les ressources disponibles pour les surmonter, laisse du temps pour réfléchir et échanger, évite d’évaluer en juste et faux

- posture de contrôle : tout passe par le maître qui distribue la parole, explique les erreurs et les corrige, vérifie et valide - posture de lâcher prise apparent : le maître laisse les élèves travailler en autonomie, isolément ou en groupe - posture d’enseignement : le maître fait nommer les savoirs et réfléchir sur ce qui s’est joué pendant les phases d’activité

antérieures, sur ce que les élèves ont fait, compris, appris - posture du magicien : la dominante est ludique ou théâtrale, les savoirs sont devinés plus que réfléchis

Dominique Bucheton pointe une corrélation entre les postures des enseignants et celles des élèves. Par exemple, une posture de contrôle excessif d’un maître entraîne une dépendance des élèves qui ne réfléchissent pas, ne pensent pas mais guettent seulement les signes d’approbation. A l’opposé, une posture d’accompagnement de l’enseignant favorise une attitude réflexive.

d. Une flexibilité de postures Toutes les postures ne se valent pas mais il n’existe pas une posture idéale. Exercer son métier, c’est être capable de flexibilité et ajuster sa posture en fonction du contexte et des besoins.

C Naudin – CPC Royan – Mars 2014

3. Comment tout faire en même temps dans l’urgence et l’incertitude

a. Le multi-agenda de l’enseignant

Il s’agit d’un ensemble complexe de préoccupations enchâssées : - le savoir - le pilotage des tâches : tout ce qui concerne la conduite et l’avancée des tâches, les instruments

nécessaires, les déplacements - l’atmosphère : l’ensemble des conditions sociales et psycho-affectives, les échanges, l’attention… - le tissage : tout ce qui donne du sens à la situation d’apprentissage et aux savoirs visés - l’étayage : tout ce qui concerne l’aide et le soutien apportés aux élèves

Interroger ces cinq composantes chez un enseignant en action constitue un puissant outil de réajustement. Des questions simples permettent alors de prendre des repères et de réajuster les pratiques. Par exemple :

- les savoirs ne disparaissent-ils pas au profit du seul pilotage des tâches et du maintien de l’atmosphère ? - quelle est la nature des gestes d’étayage ? Quel espace laissent-ils à l’élève ? Sont-ils uniformes et collectifs

ou différenciés selon des profils d’élèves différents ? - quant aux gestes destinées à tisser le sens des tâches, existent-ils, tout simplement ? Quelle part des

échanges langagiers occupent-ils ?

On s’aperçoit que les gestes d’étayage et de tissage sont souvent peu présents ou trop collectifs, qu’un débutant aura souvent tendance à se consacrer au pilotage et à l’atmosphère au détriment des savoirs. Autant de pistes fécondes pour faire évoluer les pratiques.

b. Schèmes et habitus pour comprendre la grammaire de nos actions Philippe Perrenoud dans « Enseigner, agir dans l’urgence, décider dans l’incertitude » propose de prendre conscience que l’improvisation ne l’est sans doute pas tant que cela et repose sur des formes préconstruites immédiatement disponibles. Dans l’urgence, nous appliquons des procédures stéréotypées relativement conscientes mais non réfléchies. Nous mobilisons aussi des schèmes d’action préconstruits. Pierre Bourdieu va jusqu’à parler de « l’illusion de l’improvisation » et montre que chaque individu a « un petit lot de schèmes » qui constituent son « habitus » et fournissent le canevas de la plupart de ses actions.

c. Les gestes professionnels ou « le gain discret de la pratique » (Anne Jorro) Anne Jorro distingue

- les gestes de métier : ils sont fortement codifiés et inscrits dans l’histoire et la culture de la profession. Ce sont par exemple le cours magistral, le travail en projet, la dictée…

- les gestes professionnels : ils intègrent des dimensions singulières à chaque individu, en s’intéressant à la mise en œuvre concrète à l’échelle quasiment microscopique de l’instant. Le geste professionnel est adressé aux élèves : c’est une action verbale ou non verbale pour faire agir ou réagir l’autre en fonction de préoccupations professionnelles. Le langage en est l’instrument principal mais les dimensions verbale et non verbale sont indissociables >>> Anne Jorro - Professionnaliser le métier de l’enseignant – ESF 2002 >>> Anne Jorro – Evaluation et développement professionnel – L’Harmatan 2007 >>> Dominique Bucheton (dir.) – L’agir enseignant, des gestes professionnels ajustés – Octarès 2009

d. Quels gestes professionnels pour répondre à l’imprévu ? Les gestes d’ajustement permettent de réagir à l’imprévu, de s’adapter au contexte dans l’instant :

- agir ou pas - différer pour se donner du temps - renvoyer vers le groupe (« Qui peut réexpliquer à votre camarade ? ») et vers des ressources disponibles

(« Je vais me renseigner et je te répondrai demain ») - transformer l’imprévu en événement : un simple aléa devient un événement si l’enseignant lui donne de

l’importance et le traite collectivement - jouer sur le non-verbal (regard, froncement de sourcil, sourire, mimique… constituent des régulations

individuelles)

4. Réfléchir sur l’action

a. L’inconscient pratique

Philippe Perrenoud propose de développer la réflexion sur l’action. « Alors qu’on peut substituer un programme à un autre dans la mémoire d’un ordinateur, il en va autrement dans l’esprit humain : l’effacement des routines anciennes prend du temps : les schèmes ne disparaissent pas de notre « mémoire inconsciente », ils sont plutôt désavoués, censurés, inhibés. C’est pourquoi ils peuvent resurgir en situation d’urgence ou de stress et entrer en conflit avec les apprentissages plus récents. »

C Naudin – CPC Royan – Mars 2014

b. Identifier des « savoirs d’action » Pour que chacun puisse identifier les procédures efficaces qu’il met en jeu, la réflexion permet de transformer un simple savoir-faire qui ne s’exprime que dans l’action en un savoir d’action, c’est-à-dire un savoir transférable, réutilisable, mobilisable consciemment (car formalisé par la verbalisation ou l’écriture).

c. Des espaces, des supports et des outils pour réfléchir sur l’action Faute de formes accompagnées officielles, on reste souvent dans le bricolage. Quelques supports :

- des enregistrements de cours - des analyses de cours décryptées à la loupe

… Des groupes d’analyse de pratiques existent mais toujours à la marge du système ou carrément extérieurs (car ils supposent une livre participation).

5. Les gestes professionnels d’une autorité réfléchie

a. Vrais et faux problèmes d’autorité

Le substrat de l’autorité est d’abord une façon de concevoir l’activité et l’évaluation des élèves. La prévention des débordements de tous ordres redoutés par les enseignants passe par le quotidien du travail pédagogique. Bruno Robbes, dans « L’autorité éducative », dénonce « le mythe de l’autorité naturelle », non seulement parce qu’une telle conception est culpabilisante pour les professeurs confrontés à des difficultés en classe, mais aussi parce qu’elle occulte la question de l’autorité effective, celle qui justement s’apprend.

b. Des gestes et des outils spécifiques - éviter à tout prix l’escalade

le calme ferme, une parole maîtrisée ont un impact plus grand sur un enfant agité que des cris

annoncer sur le coup de l’émotion une sanction non réfléchie ou très lourde de conséquences peut entraîner des débordements encore plus grand

- différer et s’informer

affirmer « ce que tu as fait n’est pas admissible, on se voit à la fin du cours » permet de ne pas perdre la face devant les élèves ; le délai permet à chacun de retrouver un peu de calme

un entretien différé hors de la présence des autres élèves modifie le rapport de force

commencer l’entretien en redonnant la parole à l’élève : « explique-moi ce qui s’est passé »

l’annonce de la sanction gagne toujours à être réfléchie et pourquoi pas, en cas de difficulté, renvoyée vers l’équipe

- ne pas rester isolé

c. Le « corps parlant » Anne Jorro développe l’idée que le corps est un médiateur ignoré ou tout au moins sous-estimé. « Pour les enseignants novices, cette médiation est problématique : bien des malentendus, des quiproquos sont dus au corps parlant de l’enseignant. Un discours explicatif est brouillé quand les nombreux va-et-vient de l’enseignant témoignent de son dilemme, de la recherche d’une solution » Elle oppose « le corps hésitant du maître débutant » et « le corps instituant du maître chevronné ». Dans la pratique, l’occupation de l’espace est signifiante. Si un élève est en train de perdre le contrôle, rester à distance, rester calme sans mouvement brusque du corps est une façon d’exclure toute velléité d’affrontement physique. Le positionnement dans l’espace participe des gestes d’ajustement. Toucher le corps de l’autre, c’est entrer dans l’espace intime. Les relations sociales ont codifié la façon dont les corps se touchaient : poignée de main… Chaque culture a ses rituels. En dehors de ceux-ci, toucher le corps de l’autre, c’est entrer dans la sphère intime, une zone interdite de la mission de l’enseignant.

Pour conclure Enseigner est un métier à part entière dont un exercice efficace ne peut se passer d’un étayage théorique fort. Dans la confrontation continuelle entre théorie et action, des lignes de force se sont dessinées, les réussites constatées permettent d’oser affirmer que toutes les pratiques ne se valent pas et, qu’à l’opposé d’un discours défaitiste, il y a à l’école des pratiques professionnelles identifiables et transférables qui permettent de faire réussir les élèves. Enseigner au XXIe siècle implique de renoncer à certaines méthodes qui ont pu séduire autrefois parce que l’école fonctionnait selon un modèle d’exclusion et éliminait impitoyablement tous ceux qui n’entraient pas dans le moule. Assumer résolument la diversité des élèves aujourd’hui suppose des évolutions pédagogiques majeures. L’accès de tous à des études plus longues n’est pas seulement une nécessité économique liée aux exigences de la poussée des technologies, c’est un idéal humaniste et démocratique.