norvège, une expédition photographique dans les fjords

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-1- NORVEGE une expédition photographique dans les fjords

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Imbibés de l’ivresse des libertés, Etienne, Vincent et Perinne partent à la découverte des immensités nordiques. Vallées boisées, falaises embrumées, plaines humides ou dénivelés rocailleux, les paysages qu’ils traversent les amènent plus profond dans la mystique nature scandinave, ainsi que dans la découverte d’eux-mêmes. Confrontant douleur physique, fatigue et mauvaises conditions météorologiques, ils sont fit du confort tant l’aventure leur procure une chaleureuse satisfaction qu’ils savent partager. A travers de magnifiques clichés suspendant le temps, vivant avec justesse les rencontres et racontant avec finesse la musique ventée des fjords norvégiens, l’équipe excelle dans l’art de rapporter leur périple. A travers bien plus que des mots et des images - ils nous font sentir la brume froide du crépuscule traversée par l’odeur d’une truite grillant au feu de bois. Qui mieux qu’eux ont compris que le plus beau des voyages est celui qu’on partage...

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    NORVEGEune expdition photographique

    dans les fjords

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    Nous dcidons de partir pour Bakken, indiqu 7h de marche vers le Nord Est. En ralit, difficile de tenir les temps avec un gros paquetage. Nous navons plus deau mais nous partons quand mme. On descend du plateau pour senfoncer dans la fort sauvage et verdoyante. Cette fort est pleine de vie et peuple de petits oiseaux, nous entendons aussi le bruit des chutes deau environnantes et on observe de multiples mousses , champignons et fleurs sauvages. Leau nest donc plus un problme. On trouve de nombreuses cascades et tienne se baigna dailleurs dans lune delles. Un couple de marcheurs vint mme le rejoindre. On remonte alors sur les plateaux. La roche est tel-lement lisse quelle forme une sorte de colline de pierre parsemes de lacs et de bruyre . Mais ds que lon redescend, on retrouve nos forts de pins et nos cascades.

    On tablit le campement sur la rive dun gros lac et nous pchons quelques truites, ce sont les premires du voyage ! Alors que la nuit tombe, Perrine nous rgale dun mlange de soupe la tomate et ptes. Vincent fait des photos pendant que nous nous rchauffons au coin du feu. La temprature est tombe avec la pnombre mais le vent sest aussi calm. Le lac esttranquille On nentend pas dautres bruits que le crpitement des braises. Cest lheure daller dormir. Il reste 3h de marche demain.Enfin, cest ce que nous pensions

    Quatrime jour :

    La journe a t trs difficile. Elle sannonait pourtant bien. Il ne nous restait que 3 4 heures de marche pour rejoindre Songersand ( un peu aprs Bakken ), mais la route a t plus longue que prvu:

    Nous nous levons vers 8h. Il fait beau, malgr le retour du vent qui stait calm en dbut de soire. Nous rangeons le campement et reprenons la route. Tout le monde est heureux . Le chemin est magnifique. Nous traversons encore de grandes parcelles de fort, passons quelques petits lacs puis nous finissons sur ces fameuses plaines rocailleuses, sorte de petits plateaux vallonns bordant le fjord. Nous passons ainsi de valle en valle longeant toujours leau . Sur les hauteurs, le vent est trs fort, tout comme le dvers de la montagne, que lon devine plonger jusqu leau. Vers midi, nous nen voyons toujours pas la fin. Je regrette davoir un sac aussi lourd. Mes pieds me font souffrir, mais ce nest rien compar ce qui nous attend. En revanche la soif nest plus du tout un problme tellement les cours deau sont nombreux. Nous voyons loin et pourtant je naperois toujours pas de village au bord de leau. Ce que nous pensions tre un village ( Bakken) ntait finalement quun refuge. Ce qui sapa notre moral car nous commenons manquer de nourriture. Le temps de faire un caf et davaler un sachet de pure mousseline sec et nous voil dj repartis. Songersand ne doit plus tre trs loin.

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    Nous trouvons une petite rivire et comme nous nous pensions proche de la fin, nous prenons le temps de pcher. La rivire grouille de truites ! Ds le premier lanc de cuillre , Vincent a une touche. Les truites faisaient environ 15 20 cm. Je les relchais au dbut, tant habitu aux grosses truites des rivires Aveyronaises. Je pensais quelles taient trop petites. Jai appris par la suite que ctait une espce de petites truites et que ctait leur taille adulte dans les petits ruisseaux. Ce sont des truites fario. Voyant quelles faisaient toutes cette taille et que chaque lanc tait fructueux jedcidatout de mme de garder lesplusgrosses. Jen ai donc gard 3 mais il se mit pleuvoir et je navais plus une touche.

    Ce ft ma plus belle partie de pche ! Ce qui devait tre un torrent la fonte des glaces, nest en ralit quune multitude de petits ruisseaux se baladant de trou deau en trou deau entre les normes blocs de granite cette saison. On prend vite got essayer de se cacher de rocher en rocher pour accder au plus gros trou deau et pouvoir y placer sa cuillre sans tre repr. Il faut alors jouer avec le courant, aller le plus lentement possible sans que la cuillre sarrte de tourner en guettant larrive du poisson . Puis la truite se prsente, on acclre alors le rythme pour faire mine de senfuir jusqu ferrer un petit coup au moment o elle se jette sur la cuillre. Ce qui est intressant cest que cette manipulation est trs technique: on voit bien le poisson dans cette eau translucide, tout comme lui nous voit. mes yeux, cela sapparente plus de la chasse qu de la pche classique.

    La petite bruine se transforme en pluie. Nous reprenons la route. Le chemin devient plus difficile. La pente est raide et les gros blocs de granite rencontrs deviennent trs glissants. Parfois, les passages sont tellement engags en raison du prcipice que des chanes sont fixes la roche pour sy retenir. Notre paquetage ne facilite pas les choses. Nous arrivons sur un boulement dnormes blocs de granit. La traverse doit facilement faire 50 mtres, et le flchage du chemin continue travers les blocs comme si de rien ntait. Sauf que mouill, ce nest plus une mince affaire. Dautant que la roche est parfois totalement recouverte de lichen ce qui donne un peu limpression descalader des blocs de glace. La fatigue, le lourd sac que nous portons ,la pluie qui ne cesse et de fortes bourrasques imprvisibles rendent le passage extrmement prilleux.

    Nous continuons car faire marche arrire nous parait totalement impensable, tout comme lide dtablir le campement cet endroit. Je ne peux cependant mempcher de penser que lun de nous va tomber dans le vide ou se casser une jambe. En effet, alors que cet boulement na pas suffit nous dcourager, la dizaine qui suivit nous ananti. Je fais beaucoup derreurs en raison de la fatigue, et le vide ma droite commence mattirer. Ce nest plus mes jambes mais ma tte qui fait avancer moncorpsdouloureux. Japerois enfin une maison au loin. Jutilise mes derniresforces. On touche finalement au but, aprs ce qui restera pendant longtemps la marche la plus difficile de ma vie.

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    Devant nous se trouve un petit champ au bord du fjord. On devine ainsi une route menant un petit embarcadre entour de quelques maisons.

    Je monte ma tente pendant que Vincent et Perrine se rendent lembarcadre en esprant obtenir des vivres du bateau en approche. Sans succs. Ils ont retrouv un groupe dallemands qui campaient au bord du mme lac que nous la veille. Ayant pass les boulis avant la pluie, ils sont arrivs bien avant nous, et sans trop de difficults.

    Les maisons ne sont, pour la plupart, que des refuges ou des maisons de va-cances. Pas de vivres supplmentaires pour nous ici. Cest une mauvaise nouvelle car il ne nous reste que de la pure mousseline et des nouilles 2nok ( soit 0,25 ) qui ne tiennent pas vraiment au corps. Aprs un bol de pure , je veux retourner pcher dans le fjord pour notre survie mais Perrine tient absolument soccuper des normes am-poules que jai aux pieds. En vain car mes chaussures sont mouilles. Je marche pieds nus pour les laisser scher et les pansements partent rapidement dans lherbe humide de la prairie. Pas de poissons en vue.

    Alors que Perrine entame la cuisson de ma prise de laprs midi, la pluie qui stait calme reprend de plus belle et tourne trs rapidement en tempte, avec des bourrasques de vent draciner unefort. Les tentes ne sont pas fires et nous non plus. Jachve la cuisson du poisson sous ma tente alors que Perrine rejoint Vincent sous leurs tentes, en attendant le retour du calme. Ce qui narriva pas.

    Je mange donc mon poisson seul car le temps est si mauvais que chacun refuse de sortir, mme pour partager le repas. Ma tente mono-paroi naime pas beaucoup leau. Les gouttes de pluie, aides par le vent, traversent les coutures. Ma toile de fond tanche serait rapidement devenu une piscine si la mousse de mon matelas de sol navait pas absorb pas toute cette eau. Leau ressort quand jappuie sur le matelas, ce qui me rappelle les mousses colores des plaines humides traverses aujourdhui. Heureusement mon duvet lair totalement impermable donc je vais dormir au sec. Dautant plus que la tempte est passe, ne laissant derrire elle que le bruit des fortes vagues du fjord qui tapent la rive.

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    2 jours plus tt : Les paysages commencent changer, les montagnes sont plus grandes, plus tranchantes, et pourtant plus boises. Les maisons prennent des teintes chaleureuses. Rouges, bleues, vertes, avec ou sans liser aux fentres, toutes les couleurs y passent. Certaines ont mme de lherbe paisse en guise de toiture.

    Un couple dallemands nous a pris en stop en dbut daprs midi. Nous traversons ainsi les valles, longeons les fjords et les lacs , assis sur le lit larrire du van amnag. videm-ment cest bien plus rapide qu pied, mais cest bien plus frustrant aussi. Les paysages dfilent sous nos yeux mais on ne peut pas demander au conducteur de sarrter toutes les 5 minutes pour savourer linstant. Vincent tente pniblement de faire des photos des lacs et rivires que nous croisons. Entre la bue sur la vitre, lautofocus et les arbres le long de la route, je mamuse beaucoup lentendre ronchonner en ratant des photos pleines de potentiel avec un peu plus de temps. Pour ma part, je prfre observer et ancrer le paysage dans ma mmoire.

    En fin de journe, ils nous laissent non loin dune station de ski. Ils se dtournent de la route principale pour trouver un endroit tranquille o dormir. Nous comptons en faire de mme, mais pied les critres pour un bivouac sont un peu diffrents. Nous sommes beaucoup plus haut en altitude. Il pleut et le vent est glacial. Par chance nous trouvons un prau en bois avec une table de pique-nique au pied des pistes. Si lon peut encore les appe-ler ainsi car cette saison ce ne sont que de simples alpages. La station parait dailleurs totalement dserte. On mange quelques pommes de terre et on allume un feu. La temprature baisse encore avec la tombe de la nuit. Nous avons tous mis nos affaires les plus chaudes. Un clair me traverse lesprit. Quelques bananes, des carrs de chocolat, un peu deau dans une petite casserole, le tout chauffer sur le feu et nous voil avec le meilleur dessert de tout ce voyage. Cela devint rapidement un classique.

    Au rveil, il fait toujours froid, toujours ce vent glac et une bruine paisse. Un vrai mauvais temps de montagne. On se remet faire du stop. Rapidement un local nous prend, pcheur qui plus est. On apprend un peu plus tard quil va dans la direction oppose la sienne pour nous. La valle dans laquelle nous arrivons est rpute pour ces nombreuses cascades descendant du haut de ces normes montages pour finalement tomber dans le lac dOdda. Il nous emmne jusquau supermarch de la ville ou nous nous ravitaillons. Nous comprenons rapidement quil ferait le tour de monde pour nous et on dcide donc de le laisser l pour ne pas le dranger davantage.

    Un petit tour loffice de tourisme - o ils font, parat il, le meilleur caf de la rgion - et nous voil dans le bus pour Skjegedal. Nous planifions daller Trolls Tongua: 8 10 heures de marche aller-retour pour monter 1200 mtres. Seulement avec nos normes sacs cest le temps que nous prend seulement lascension. On rencontre des franais dans le bus. Louis et Tho venant de Lyon. Nous montons le camp ensemble et on discute tranquillement au coin du feu. La bonne ambiance rgne. Cela fait plaisir de retrouver des franais.

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    La marche commence par 2 3 km o lon grimpe 80% du dnivel du parcours. Cela ressemble souvent plus de lescalade qu de la randonne. On arrive alors sur le plateau, plein de lacs et de verdure. La vgtation tourne au bordeaux, avec des plantes oranges, jaunes, et un lichen vert fluo recouvrant la roche majoritairement gris clair. La zone est plutt humide et chaque petit marais se voit orn de fleurs blanches cotonneuses. Quand elles nont pas t massacres par le vent cela forme une boule parfaite de duvet au bout dune fine tige verte. Et on peut en voir des parterres entiers.

    Nous nous sommes arrts vers 15h pour faire des nouilles dans une cabane pleine de poubelles et de bric brac que les norvgiens nomment refuge. Puis nous avons recrois nos amis de la veille, chang quelques photos et tabli notre campement au bord dun petit lac 1km de l ou jcris. Ce soir, cest sardine la tomate et pure au fromage!

    Neuvime jour: En me rveillant ce matin je pensais avoir un nouvel habitant dans ma tente. En ralit le rongeur courait en longeant la toile, mais lextrieur. Je suis tonn que de petits rongeurs arrivent survivre dans ce milieu plutt hostile. Ce matin nous avions planifi de faire des photos du lever de soleil sur Troll Tonga mais le temps ntait pas trs propice raliser de beaux clichs. Le vent est toujours aussi glacial, et les nuages bas opaques bouchent totalement la vue. Les touristes affluent rapidement sur le site. Arrivs tard la veille, nous navions pas eu droit cet attroupement. Vu la longueur du trek jesprais que le site serait un peu moins frquent que Preikestolen. Malheureusement les gens font dj la queue pour faire leur selfie sur la langue de roche. Cela ne nous intresse pas. Un norme bloc surplombe cette attraction et offre la vue la plus dgage sur le lac. Jy rejoins Vincent et Perrine qui tentent pniblement de faire chauffer de leau en plein vent. Jai pour ma part prpar le caf au campement et nai plus qu sortir mon thermos et contempler la vue. Je mdite un peu puis nous nous mettons en route pour rentrer. La descente est assez longue mais reste bien plus agrable que la monte! Aprs de longues heures de marche nous arrivons au pied du trek. Le bus de 16h pour Odda vient de partir. Le prochain est 20h et loffice de tourisme sera ferme. On dcide de faire du stop, mais nous finissons rapidement dans un mini bus officieux 50 nok pour rejoindre la ville. Di-rection loffice de tourisme. Malheureusement, un homme met dj la clef dans la serrure au moment o nous arrivons.

    Sur le banc devant lentre se trouve un homme fort, barbu, avec une chemise carreaux paisse, en train de se faire un petit stock de cigarettes. Les roulant les unes aprs les autres. Je sympathise rapidement avec lui pendant que les autres partent faire les courses. Cest une personne extrmement intressante. Il me raconte quil est venu en Norvge pour un festival de musique. Il est donc musicien me dis-je. Et bien non, cest une passion dvorante, mais travers ces multiples voyages il a appris plus de 4 langues et il est devenu interprte. Il propose daller faire du camping sauvage cot du glacier, et nous y voil donc.

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    Il joue dune guitare 12 cordes avec beaucoup de dextrit une symphonie magnifique. Derrire nous leau arrivant du glacier voisin forme des torrents tellement puissants quils couvrent tout autre bruit. Nous campons au pied du gla-cier de Buer, non loin dOdda, en compagnie de ce guitariste, nomm Stephano, et de 3 allemands fort intressants rencontrs sur place.

    Au matin Stephano nous ramne en voiture jusqu Odda pour continuer notre voyage. Le ciel est parfaitement bleu et il fait bien chaud. On coute des chansons Corse en avanant paisiblement dans la campagne norvgienne.

    Aprs un petit caf loffice de tourisme, notre nouvel ami nous quitte. Quand nous, cela fait 4 jours que nous navons pas vu un savon alors que nous avons march des dizaines de kilomtres dans la montagne, et principalement sous la pluie. Toute nos affaires sont sales et je nai plus de batterie pour lappareil photo depuis la veille. 30 nok la douche, mais tout le monde y passe. Puis de nouveau 30 nok pour la machine laver cette fois-ci. Il y a une petite place entre le lac et loffice. On y tend une corde entre deux poteaux pour tendre nos affaires. Les passants nous regardent comme des extraterrestres. Une mamie nous achte mme une deuxime corde pour tendre plus daffaires, et nous remercie damener un peu danimation dans sa ville quelle juge un peu monotone.

    Une fois les affaires sches, les batteries pleines et une gaufre 20 nok dans lestomac, nous voil de nouveau en marche. Nous sommes rapidement pris en stop par un professeur avec un gros monospace. Il va un peu plus au nord pour voir des amis. Parlant trs bien franais, il nous explique tout ce que lon croise, apparemment assez heureux de pouvoir travailler un peu notre langue.

    Il y a de nombreux marachers le long du fjord. Ceux-ci laissent une petite partie de leurs rcoltes en vidence le long de la route, avec une pancarte pour indiquer le prix, et une boite pour dposer largent. Inimaginable en France. Tout le monde se servirait sans payer, et pour peu que quelquun paye, le suivant se servirait dans la caisse. En discutant un peu des diffrences de systme social on comprend vite que la stabilit de la Norvge et la confiance que les habitants se portent mutuellement tient principalement de leur trs faible taux de population. En effet la police est pratiquement inexistante, mais tout le monde se connat. Ils sont un peu plus de 5 millions dans toute la Norvge, soit moins de la moiti de la population de lagglomration de Paris. a vous donne un ordre dide.

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    Onzime jour: Dans la nuit, jentends des personnes sapprocher de notre campement. Il y a dj des gens ici tu vois, sexclama une voie fminine. Ne dormant pas encore, je rpondis instantanment: on ne mort pas! Vous pouvez vous installer cot de nous. Trop heureux de rencontrer des franais, et des filles de surcrot. Rapidement elles installent leurs tentes, alors que je sors la tte de la mienne pour les accueillir.

    Elles taient Oslo le matin mme et partent en direction de Bergen. Pour elles, le stop fut facile et il fait super beau. Je leur raconte un peu nos galres quotidiennes, certainement par jalousie. Au rveil, on djeune ensemble et elles repartent rapidement pour atteindre leur objectif le plus tt possible.

    On se remet en route pour Vik. Aprs un peu de marche, et dattente, deux jeunes locaux dans un camion dcor la mode des pays de lest nous embarquent. lintrieur cest siges en cuir bordeaux, moquette au sol, petits rideaux, des bouis-bouis partout, avec plein de lumires et une bonne sono. Ils lont achet comme a sexpliquent ils. Ils coutent du Bonobo, ce qui nous ravi Vincent et moi mais nous rappelle le trip de lan-ne passe avec une certaine dose de nostalgie.

    Nous atterrissons ensuite dans une caravane dallemands. Il y a vraiment beaucoup de touristes allemands en Norvge. Jai souvent limpression den croiser plus que des norvgiens! Nous sommes confortablement installs larrire, sur les banquettes, autour dune petite table. Ils sont adorables et leur rythme est parfait pour nous. Ils sarrtent boire un caf pour prendre des photos dans les coins sympas et nous em-mnent mme avec eux voir lglise en bois de Vik datant du XI me.

    On passe la majorit de la journe avec eux et ils deviennent notre deuxime famille. Ils nous nourrissent de ptes la bolognaise en attendant le ferry quils payent dailleurs pour nous. a commenait faire beaucoup, nous tions un peu gns. Nos routes se sparent la sortie du ferry. Ils partent lOuest, vers Bergen, et nous au Nord vers Alesund. On leur laisse un petit mot et de largent pour le ferry cach dans le camping car. De nouveau sur le bord de la route, on se sent seuls aprs les avoir laisser partir.

    Comme nous sommes la sortie dun ferry, on ne croise que quelques voitures toutes les demi-heures et seulement une ou deux partent dans notre direction. On avance jusquau soir et on campe derrire les broussailles entre le fjord et la route. Depuis la descente du ferry il ne sest plus arrt de pleuvoir. Tout le monde est fatigu et cette pluie fine qui rend tout humide nous dprime. La mauvaise humeur rgne. On a mang des ptes aux poivrons ce soir l! a nous change un peu.

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    Douzime jour: Au rveil il ne pleut plus. Pour la premire fois jessaie les mueslis dans de leau avec du lait en poudre. a vous parait peut tre anodin. Mais quand cela fait 10 jours que vous mangez des mueslis secs tout les matins a parat dlicieux! On marche encore et toujours. Cette route est vraiment peu frquente. Certainement la moins frquente de tout le voyage. Cest un vrai problme car la grosse route est 30km plus lest et le premier village 50km au nord de notre position actuelle.

    On dcide de viser la grande route. Aprs quelques km plutt paisibles longer le fjord, une voiture allemande sarrte. this is the end of the road nous dit-il. Incomprhension totale. On dplie la carte avec lui et , en effet, notre petite route, en y regardant de plus prs, est coupe sur quelques millimtres sur notre carte. Panique! Il faut faire marche arrire. Finalement il nous emmne chez lui. Il est photographe et sappelle Apo shamp. Il nous fait visiter sa maison et nous montre de magnifiques photos de la rgion, prises par ses soins. Il nous emmne alors un camping 40 km plus au nord.

    Notre conducteur pte la forme pourtant il 81 ans. La route monte dans la montagne travers la fort et japerois des autocollants de marques de longboard sur les panneaux indiquant des virages serrs. Nous regrettons de ne pas avoir nos planches car cette route est magique! La rgion est vraiment trs sauvage. On arrivent rapidement sur un plateau plein de lacs puis on redescend le long dune grosse rivire entoure de fort sur tapis de mousses paisses. La vue est trs dgage et je mattend voir un lan ou un ours tellement lendroit est recul. Et pourquoi pas un Hobbit tant donn latmosphre trange qui rgne sur ces lieux. La rgion est assez marcageuse mais la mousse trs are recouvre la majorit des parties humides.

    On fait nos adieux Apo et on sinstalle au bord de leau sur un tapis de mousse pais en essayant dviter les champignons tranges parpills un peu partout. Je cueille quelques champignons et je retourne au camping d cot pour demander son avis au grant. Je suis sr que ce sont de bons cpes, mais pas lui. Ils nont pas lair de manger de champignons en Norvge. Cest dommage , il y en a partout. Je commence discuter avec un local plant l et il me raconte que pour rien au monde il ne bougerait dici. La rivire est gorge de truites mexplique t il.

    Dans la suprette du camping on achte ce qui ressemble une boite de viande pour agrmenter nos ptes. Cela eut plutt le got dune boite pour chien. Il sest remis pleuvoir donc pas une touche. Nous verrons demain si notre pcheur local disait vrai.

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    Treizime jour:

    Au rveil, une lgre claircie me pousse accrocher mon duvet , mon matelas

    de sol et mes chaussettes un arbre pour les faire scher. Mauvaise ide! Il se remet

    rapidement pleuvoir, et grosses gouttes cette fois-ci. Au final mes affaires sont

    plus mouilles quavant. Un peu plus tt, jentrepris de laver ces fameuses chaussettes

    dans la rivire et en perdis une dans le courant. Je couru le long du cours deau,

    attrapant une branche la vol, pour finalement rcuprer la chaussette 50 mtres

    plus bas. Cela fit videment beaucoup rire Vincent. Ce matin il est de trs bonne

    humeur. Moi beaucoup moi. Nous nous sommes levs tard ce qui signifie que lon va

    encore devoir marcher toute la journe et je ne supporte plus ce temps pourri.

    On retourne lentre du camping d cot. Le grant lair svre. En fait jai

    surtout limpression quil est sur la dfensive le temps de nous cerner. Les 70 ans passs,

    ces traits sont marqus et il porte une longue barbe grisonnante. Laccueil est une

    petite pice chaleureuse comportant un fauteuil et un comptoir. Derrire celui-ci, on

    trouve quelques cuillres de pche et une bibliothque improvise. On aperoit aussi

    des grosses piles de couvertures dans larrire boutique et il y a des dessins denfants

    accrochs plein les murs, dont quelques uns du vieil homme. Cest ce qui me fait dire

    quil ne doit pas tre si mchant. Il nous laisse dailleurs utiliser ces sanitaires et sont

    wi-fi alors quil sait trs bien que lon dort dans une tente cot pour ne pas payer le

    camping.

    On se remet marcher. 11 km jusquau prochain village et cela fait longtemps

    que je nespre plus tre pris en stop ici. Le ciel sest enfin dgag. Il y a un grand soleil

    et plus de vent. Voil un vrai temps dt! On admire le paysage avec la rivire qui

    serpente de cascades en cascades non loin de la route, tout en mangeant des framboises

    sauvages dans le bas cot. Finalement cette journe ne sannonce pas si mal.

    14 me jour:

    Nous voil installs dans une magnifique BMW, nos sacs pniblement entasss dans le coffre, en compagnie dun homme dune quarantaine dannes, bien habill avec une magnifique montre. Le contraste est dautant plus difiant que nous ne sommes plus notre premier jour de route. Et cela se voit sur nos visages et nos vtements. Au dpart il nous proposait de nous emmener pour quelques kilomtres, faisant mine de ne pas allez beaucoup plus loin. Finalement il avoue que sa destination finale est Alesund et se propose de nous y emmener. Nous avons dj aval une grande partie des 190 km qui nous sparaient de cette ville. Notre conducteur travaille dans une grosse boite de logi-ciel norvgien.

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    On parle de voyage aux quatre coins du monde: Chine, Japon, Las Vegas, Paris Il a lair de plutt bien gagner sa vie. Cest un grand citadin mais il est trs ouvert. De ce fait notre mode de voyage lintrigue beaucoup et il hallucine que lon planifie de rentrer en France en stop.

    Il pleut pendant tout le trajet et quand on arrive Alesund , cela na pas chang. Un tour loffice de tourisme pour poster quelques photos et prendre des nouvelles de la famille et nous voil la recherche dun petit camping non loin du centre ville. Alors que Perrine achte un crabe, avec Vincent on craque et on rentre dans un Mcdo. En passant la porte le mal est dj fait. On ne peut plus rsister. Je culpabilise, Vincent pas du tout. On arrive rapidement au camping. 100 NOK par jour. Cest plutt pas cher. Trop heureux davoir un coin chaud, on joue aux cartes dans le hall de rception jusqu la fermeture. Dehors il pleut toujours alors on se dlocalise dans la petite cuisine commune juste cot de nos tentes.

    Quinzime jour:

    Ce matin cest la panique ! La pluie sest beaucoup intensifie dans la nuit et ma tente mono paroi montre ses limites. La toile de fond tanche sest remplie deau petit petit. Je me rveil donc dans 5cm deau. Le duvet est intgralement tremp. Je crois quil ny a pas pire rveil. Je suis bien videmment toujours fatigu car il est trs tt mais ce nest juste pas possible de dormir ainsi.

    Me voil retranch dans la fameuse cuisine essorer mon duvet. Heureusement que nous sommes au camping car cette histoire aurait rapidement tourne au drame quelques jours plus tt, en pleine cambrousse. Mon duvet sche tranquillement sur une chaise et je vois que je ne suis pas le seul avoir des problmes dtanchit. Un nor-vgien sche ses chaussures au sche cheveux et le hollandais rencontr la veille a tendu toutes ses affaires. Son paquetage minterpelle. Alors que je trimbale quotidiennement plus de 22kg de matriel, et que je narrive pas dormir au sec, Son sac ne dpasse pas les 10 kg et lui nest pas tremp. Je lui ai pos la question la veille, il met son duvet et son ma-telas dans un sur duvet tanche et place le tout sous une bche tendue avec ses btons de marche en guise de piliers centraux.

    Les autres se lvent et la pluie sarrte. Il est temps de partir en ville. Cest le dernier jour de Perrine demain. Contrairement nous elle rentre en avion donc nos chemins vont se sparer Alesund.

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    Dix-septime jour:

    Notre campement, install sur lherbe frachement coupe sur la bordure extrieur dun stade de foot municipal, se voit rveill par le cours d EPS des lves de lcole voisine. Nous remballons nos affaires et retournons faire du stop larrt de bus de cette fameuse cole.

    La recration sonne rapidement et une foule de petit troll des montagnes inonde la cour. Nous sommes clairement lattraction majeure de cette matine. Un simple grillage plac quelques mtres peine nous spare de cette assemble en dlire. Nous sommes deux btes tranges, venues dune contre lointaine avec notre maison sur le dos, et parlant un dialecte autochtone des plus inconnus. Je me souviens mme mtre amus sauter de roche en roche sous leurs yeux pour observer leurs ractions. Cela les amuse beaucoup, et il en va de mme pour nous..

    Alors que le soleil arrive son apoge, nous traversons enfin le fjord. Nous ne sommes maintenant plus trs loin de lobjectif. Un camping-car finlandais sarrte. On trouve son bord le propritaire -un homme fort dune trentaine dannes lair retenu et mme lgrement craintif- ainsi quune auto-stoppeuse franaise!

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    Cette petite femme au caractre vif sappelle Nathalie. Elle porte de petites lunettes rondes dignes de John Lennon et une chevelure chtain frisant jusquaux paules. La bonne ambiance rgne.

    Nous djeunons en leur compagnie et arrivons seulement quelques minutes plus tard Geiranger. Pour tre honnte cette ville pue le tourisme de masse. Avec seulement 250 habitants fixes contre 500 000 personnes en transit lt, on y trouve plein dattractions comme des tours en kayak ou encore des tours spcial pche et mme de petites croisires. Les rues sont pleines de glaciers et de boutiques souvenirs dcores par des statues grandeur nature de lemblme de la rgion : le troll. Le seul avantage mon sens dans cette ville est que pour une fois nous trouvons facilement des toilettes et qui -comble de lironie- ne sont pas payantes.

    Heureusement pour nous il y a trop de facilit ici pour que tous ces vacanciers partent pied dans la montagne voisine et montent en haut du mont Keipane, dautant que le trac est noir soit une difficult extrme rserve aux experts de la discipline. Bien videmment ce code couleur sert avertir les touristes qui nauraient jamais fait une marche de plus de 30 minutes en terrain vallonn et viter les chutes mortelles qui touchent encore une bonne dizaine de personnes par an en Norvge.

    Mais en tant bien quip et avec une forme physique correct il ny a aucune difficult. Il est possible de prendre un ferry pour rejoindre le point de vue sur les trois surs -une triple cascade sur la rive oppose du fjord- mais on peut aussi y accder par un sentier longeant le bord du fjord sur 8km. Cest ce que nous dcidons de faire. De l ,nous pourrons rejoindre le mont Keipane si cela nous chante.

    Durant lascension, on traverse une vielle fort de feuillus pose sur dnormes roches que lon devine tombes des hauteurs plusieurs sicles auparavant. Le dcors est magnifique. On monte rapidement au dessus du fjord sur un petit chemin fait de grosses dalles de pierre patines par le temps, brillantes et aussi atrocement glissantes. Parfois le vide nest qu quelques centimtres mais les gardiens de ces mont nous tendent toujours leurs bras protecteurs pour nous assurer, bien que nous crasions continuel-lement leurs pieds noueux et lisss par plusieurs gnrations de marcheurs. On arrive ensuite sur une fort de bouleaux trs lumineuse avec un sol de bruyres et de mousses vertes fluo, trs humide, parseme dnormes champignons.

    On aperoit en face une cascade voisine des trois surs. Le ciel sest un peu cou-vert mais le soleil laisse passer quelques uns de ses rayons en direction de la cascade for-mant un arc en ciel vertical dans leau de celle-ci. Je nai jamais vu cela auparavant. Nous avons tent une photo pour immortaliser linstant mais la cascade est atrocement loin et nous manquons de matriel cette distance.

  • On arrive ensuite sur une fort de bouleaux trs lumineuse avec un sol de bruyre, de mousse verte fluo, trs humide, parsem dnormes champignons

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    Nous tombons ensuite sur deux maisons basses aux toits de mousses et dherbes sauvages parfaitement intgres leur petite clairire. A quelques mtres seulement se trouve une vaste tendue de framboisiers. Cest tellement dense quil faut se satisfaire de ce quil est possible dattraper au bord. Jen ai probablement mang un kilo. Ces framboises sont fraches, fermes mais extrmement sucres et parfumes. Le problme cest quil serait possible den manger pendant plusieurs semaines alors quand on tombe dedans il est impossible de sarrter.

    Un homme avec le profil typique du hollandais rvant des magnifiques sites de grimpe de Fontainebleau sapproche de nous. Jai vis juste. Petites lunettes, une barbe de 3 jours, les yeux bleus et une queue de cheval blonde. Il est assez grand, fin, mais avec une musculature dalpiniste confirm. Passionn de photo et descalade , il revient des les Lofoten mais vit Londres. Il nous explique tre friand dun style de rando trs engag qui sapparente de lescalade mais ne ncessite pas de matriel dalpinisme, avec son niveau en tout cas. Il nous quitte et on continue lascension.

    On tombe sur deux tentes alors on installe le campement un peu plus loin. Nous sommes arrivs sur le plateau et la vue est extraordinaire. Il ny a plus darbre seule-ment de grandes tendues de mousses et de petits arbustes avec des baies rouges, noires, bleues, jaunes.

    Il se remet pleuvoir. On se jette alors sous la tente et cette promiscuit me fait prendre conscience de notre tat dhygine dplorable. Mes habits sont sales, uss, mes chaussures ne schent plus laissant ainsi macrer un jus des plus dgotant et lactivit physique continuelle avec ce taux dhumidit nous fait constamment sentir la sueur. Voici lun des moments de laventure o lon regrette un peu le confort dun toit.

    Dix-huitime jour:

    Vers 6h 30, je pars seul en direction du mont Keipane , point culminant de la rgion, 1300 mtres daltitude. Lobjectif se trouve 1h 30 de marche bonne allure. Le chemin longe dabord un petit ruisseau, avant de monter sur la colline voisine et se transforme rapidement en chemin de crte. A cet endroit, le granit trs fonc est recouvert de lichen blanc et vert.. La terre est noire et la mousse brune, abondante, tend vers lorang et le jaune.

    Il plane dans lair une atmosphre de civilisation perdue. Cest trs particulier. Il ny a pourtant aucune trace du passage de lhomme lexception de ce petit chemin mais jai la sensation de traverser des ruines antiques, charges dhistoires et de mystres.

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    Les 50 derniers mtres sapparentent plus de lescalade qu de la randonne. Il faut gravir de gros blocs de granit glissants avec un vide de 100m en arrire plan. La sensation de vide menvahit par moment et les bourrasques de vent, imprvisibles, naugmentent pas mon assurance. De l il semble quil ny ait quun petit mtre carr rellement plat au somment et cela ne me rassure pas davantage. Arriv en haut jai limpression davoir ralis un petit exploit. Le haut est beaucoup plus dgag quil nen a lair et il est tout fait possible de se dplacer sans danger.

    Le soleil nest pas encore trop haut quand jarrive au sommet et les nuages se ba-ladent mi hauteur entre le fjord et ma position. Jai une vue 360 degr sur les monts lointains parsems de neige. Aprs avoir bien profit de la vue et ralis une belle srie de photos, je dcide de redescendre au campement pour reprendre des forces et dormir un peu tant que le soleil est au znith et ne permet donc pas de belles photos. Je croise Vincent sur le chemin et nous dcidons de rester jusquau lendemain afin de profiter du coucher de soleil.

    Plus tard au campement, japerois un homme qui se balade en hors piste au loin. Il arrive finalement notre niveau alors nous engageons la conversation. Comme le courant passe bien il dcide dinstaller son campement cot du notre et nous repar-tons ensemble au sommet du mont. Jespre toujours faire des photos du coucher de soleil mais le temps change rapidement. Les nuages sinstallent, le vent se met souffler et la pluie menace. Vers 20h30 Vincent et notre compagnon dcident de redescendre. Jattends seul au sommet esprant dsesprment que le temps samliore mais je me retrouve rapidement bloqu dans les nuages avec une forte pluie. Cest peine perdue. La dscente est alors extrmement prilleuse et jarrive au campement tout juste avant que la nuit noire. Vincent eu une exprience similaire en hors piste dans les alentours et a lui aussi pein pour retrouver le campement dans ce brouillard pais.

    Dix-neuvime jour:

    Le retour Geiranger a un petit got amer pour moi. Le temps sest un peu amlior et malgr quelques belles photos, jai limpression davoir rat lessentiel. La dscente est bonne enfant. Il fait bon et lon mange des pommes directement tombes de larbre le long du fjord. Arriv Geiranger, jentame la cuisson du riz tout en faisant scher mes affaires, pendant que Vincent part faire du change. Malgr le soleil tout refuse de scher. Nous sommes installs sur une table de pique-nique la sortie dune suprette et les touristes nous regardent dun air trange.

    Aprs tre retourns loffice de tourisme profiter du wi-fi, nous tombons sur un petit concert au bord de leau. Il est temps pour nous de repartir faire du stop. Nous faisons nos adieux notre nouvel ami et prparons les pancartes en partant vers la sortie du village.

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    En quelques minutes, un vieux combi allemand sarrte. A son bord quatre jeunes lair fort sympathique nous proposent de faire un bout de chemin avec eux et nous embarquons avec plaisir.

    Il y a du gazon synthtique sur tout le tableau de bord et du bordel un peu partout, avec notamment une norme chicha qui manqua de tomber louverture de la porte latrale. Cette atmosphre nous est bien familire et nest pas sans nous dplaire. Partir pied a ses avantages mais ce confort, bien que maigre, tombe pique.

    Nous sommes donc maintenant 6 bord et le combi peine monter cette cte interminable qui serpente inlassablement pour nous extraire de la valle. Arrivs sur le plateau, nous longeons une rivire bleu azur, borde dune fort de pins trs dense.

    Lun de nos compagnons de route sort dune petite bote mtallique ce que je pensais tre des sachets de th. Mais il sagit en ralit dune sorte de tabac chiquer qui se place entre la gencive et la joue et que lon peut laisser la plusieurs heures. Vincent test et a dailleurs trouv a plutt bon.

    Aprs quelques heures de route il nous laisse finalement sur une aire darrt au bord de leau. En partant ils tiennent absolument nous faire goutter un schnaps de chez eux, et impossible de refuser. Bien quils nous prviennent que cest un peu pic, jai limpression de boire une marinade de piment dans de lalcool brler. Aprs avoir beaucoup ri, ils partent finalement, et nous laisse la, au milieu de rien, sans eau, et la bouche en feu.

    Devant nous se dresse un petit restaurant qui vante les mrites dun burger la viande dlan avec une photo reprsentant lanimal qui couvre lensemble de la faade. Cela nous aurait bien tent mais ils sont ferms jusqu la saison prochaine.

    Il se remet pleuvoir et il est dj 18 heures alors nous dcidons de camper l pour la nuit. Des allemands tentent de faire un feu quelques mtres de notre campement. Nous sympathisons rapidement. Japprends quils viennent de Berlin et sont eux aussi sur la route du retour. A leur cot se trouve un chien, plutt gentil mais assez craintif. Il adopte donc une position plutt dfensive et aboie beaucoup.

    On commence parler de pche et du mauvais temps qui rgne sur la fin de notre sjour. Vincent leurs offre une cuillre de pche en gage damiti et ils nous invitent boire lapro ensemble. Malgr la pluie, nous passons un trs bon moment. Tous rient autour du feu et il me semble que nous nous connaissons depuis plusieurs annes. Nous dgustons ensuite une truite saumone pche sur linstant. Les pauvres navaient pas encore got une truite norvgienne ! Nous ne pouvions donc pas laisser passer cela.

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    Le ventre plein, nous partons nous coucher. Cest alors que commena une guerre impitoyable entre hommes et moustiques. Puisquils sont tous colls notre tente, lenjeu est de pouvoir y entrer sans quils puissent nous suivre. Cela savra trs dlicat et mme si peu russirent passer, nous avions dj bien assez de piqre pour la nuit !

    Vingtime jour: Aujourdhui jai le mal du pays, la famille me manque et nos conditions de vie commencent peser sur mon moral. Pourtant ce nest pas le temps qui influe sur mes penses. Il fait trs beau et il ny a pas de vent. En revanche, les moustiques sont toujours pr-sents. Ils sont petits mais ils forment des nuages trs dense, tel point quil marrive den avaler au abords de la tente. Nous avont du mal profiter du soleil tellement la zone est infecte.

    En faisant le point sur notre voyage, je me rend compte que jai pris quatre douches en vingt jours et la dernire remonte au camping dAlesund il y a dj plusieurs jours. Mais ou-blions tout cela, il est temps de faire du stop et ces penss ngatives ne nous ferons pas avancer.

    Un routier polonais avec un norme semi remorque Scania sarrte. Il peut nous emmener jusqu Hammer. Faire la route en camion nous change un peu. Comme il ny a que deux places, je suis assis au milieu sur la couchette. Nous sommes beaucoup plus haut quen voiture, ce qui nous donne une magnifique vue panoramique sur ce qui nous entoure. Le terrain saplanit et le ciel est toujours bleu azur.

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    Notre chauffeur ne parle pas trs bien anglais mais on arrive se comprendre avec quelques mots simples et surtout beaucoup de mimes. Un raton laveur en peluche muni de ventouses aux pattes sagrippe comme il le peut au pare-brise. Malheureusement pour moi, il se trouve pile en face et je ne vois que lui au milieu du paysage.

    On sarrte aprs une heure de route car le chauffeur doit prendre sa pause. Ce soir il aura fait 1500km dans la journe ! En guise de repas, il nous donne des tomates de son jardin et un gnreux bout de saucisson. Fini la pause on repart.

    Il nous laisse finalement au bord de la E6 sur un petit parking car il change de direction lintersection suivante. Cest le dbut de la galre pour nous. On fait du stop pendant 30 minutes mais personne ne semble vouloir sarrter. On marche donc derrire la barrire de scurit sur 500 mtres pour rejoindre la sortie. Mais l-bas, ce nest pas beaucoup mieux... Heureusement on finit par nous emmener un peu plus loin, une grosse station service, o il est plus simple de trouver des gens qui vont en direction dOslo, nous dit-on. Malheureu-sement cette station cest encore compliqu. On en profite quand mme pour remplir nos poches deau, chaude, puisquil ny a que a. Personne ne semble vouloir de nous. Les gens sont beaucoup moins avenant que dans les fjords.

    Nous dcidons de partir dici. On marche quelques centaines de mtres sur une petite route au milieu des champs de bl, frl par les camions qui passent toute vitesse. Je com-mence dsesprer de quitter cette endroit aujourdhui. Il se remet pleuvoir. Nous trouvons refuge sous un arrt de bus.

    Alors que nous ne faisons plus de stop, une voiture pleine de bordel attele dune remorque vide sarrte. Le chauffeur, un peu mal ras, avec de petites lunettes et les cheveux grisonnants, entame de nettoyer le sige avant pour que lon puisse monter bord.

    Jentrevois quelques gteaux crass, pleins demballages et une pince coupante. A mes pieds se trouvent du matriel lectrique, des gants de jardinage et un pack de sopalin. Notre sauveur parle trs bien anglais et sa compagnie est trs agrable. Il nous parle de politique, de la construction de lautoroute et de ses voyages en Asie, au Vietnam et en Inde notamment. Il nous raconte son service militaire. Quand il a rencontr des antisnippers de la lgion trangre franaise. Il est technicien lectrique pour la prospection ptrolire en mer. Il a fabriqu des kayak et son premier bateau 18 ans !

    Ce fut une rencontre extrmement enrichissante. Malheureusement il doit nous laisser sur une air dautoroute aprs Oslo car nos chemins se sparent. Il nous laisse 240 Nok et un gros pot de yaourt. Le souvenir ce cet homme restera grav dans ma mmoire.

    Grce largent quil nous laiss, nous achetons manger la station, puis nous instal-lons les duvets pour dormir dans un coin dherbe cot du parking camion.

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    Mon rcit sarrte ici. Je ne vous raconterai pas notre retour en stop, vous ny trouverez pas grand chose dintressant et je prfre clturer ce voyage sur une note positive.

    Sachez seulement que nous sommes rentrs dOslo Paris, en stop, par les autoroutes Europennes. Nous sommes passs par la Sude puis nous avons pris un bateau pour le Danemark . Sur cette partie personne ne voulait nous prendre except les camionneurs des pays de lest. Et il sont nombreux, puisque beaucoup de plateformes de distribution pour lEurope sont implants en Sude et en Norvge. Nous sommes ensuite passs par lAllemagne et la Belgique. Le retour a pris 5 jours. Nous avons souvent dormi sur les aires dautoroute et nous avons parfois eu beau-coup de difficult pour changer de direction sur ces grands axes. Le retour en Europe nous a ramen la ralit avec ses villes surcharges, son air pollu et ces gens mfiants.

    Nous retiendrons seulement la gnrosit des gens que nous avons rencontr. Ces moments de partages que lon sait phmres, puisque lon ne se reverra peut tre ja-mais. Et pourtant, nous en garderons jamais une trace en nous, et chaque partie sort grandie de cette change.

  • tout droit reservs: Etienne Panissi - Vincent Mcclure

  • Imbibs de livresse des liberts, Etienne, Vincent et Perinne partent la dcouverte des immensits nordiques. Valles boises, falaises embrumes, plaines humides ou dnivels rocailleux, les paysages quils traversent les amnent plus profond dans la mystique nature scandinave, ainsi que dans la dcou-verte deux-mmes. Confrontant douleur physique, fatigue et mauvaises condi-tions mtorologiques, ils sont fit du confort tant laventure leur procure une chaleureuse satisfaction quils savent partager.

    A travers de magnifiques clichs suspendant le temps, vivant avec justesse les rencontres et racontant avec finesse la musique vente des fjords norvgiens, lquipe excelle dans lart de rapporter leur priple. A travers bien plus que des mots et des images - ils nous font sentir la brume froide du crpuscule traverse par lodeur dune truite grillant au feu de bois.

    Qui mieux queux ont compris que le plus beau des voyages est celui quon partage...

    Camille Nappez