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COUR CANADIENNE DE JUSTICE (En appel de la Cour d’appel fédérale) E N T R E : SA MAJESTÉ LA REINE, LE COMITÉ POUR L’EXCELLENCE DU JOURNALISME ÉLECTORAL, ET LE COMMISSAIRE POUR L’EXCELLENCE DU JOURNALISME ÉLECTORAL Appelants / Intimés au pourvoi-incident - et - SOPHIE BEAULAC Intimée / Appelante au pourvoi-incident MÉMOIRE DES APPELANTS

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Page 1: Énoncé des faits et historique judiciaire - McGill … · Web view. À la demande de Mme Beaulac, le Comité lui a également indiqué qu’il ne réexaminait pas les décisions,

COUR CANADIENNE DE JUSTICE

(En appel de la Cour d’appel fédérale)

E N T R E :

SA MAJESTÉ LA REINE, LE COMITÉ POUR L’EXCELLENCE DU

JOURNALISME ÉLECTORAL, ET LE COMMISSAIRE POUR

L’EXCELLENCE DU JOURNALISME ÉLECTORAL

Appelants / Intimés au pourvoi-incident

- et -

SOPHIE BEAULAC

Intimée / Appelante au pourvoi-incident

MÉMOIRE DES APPELANTS

ÉQUIPE NUMÉRO 15

Page 2: Énoncé des faits et historique judiciaire - McGill … · Web view. À la demande de Mme Beaulac, le Comité lui a également indiqué qu’il ne réexaminait pas les décisions,

TABLE DES MATIÈRES

I. ÉNONCÉ DES FAITS ET HISTORIQUE JUDICIAIRE...............................................3A. FAITS.................................................................................................................................3

i. Le Comité 3ii. L’attribution des laissez-passer 3iii. La demande de Mme Beaulac 4

B. HISTORIQUE JUDICIAIRE....................................................................................................5i. Cour fédérale 5ii. Cour d’appel fédérale 7

II. OBJECTIONS DES APPELANTS....................................................................................9

III. ARGUMENTATION.........................................................................................................10A. APERÇU...........................................................................................................................10B. LE GOUVERNEMENT N’A PAS ENGAGÉ SA RESPONSABILITÉ CIVILE................................10

i. Le cadre d’analyse développé par la CSC délimite adéquatement la responsabilité de l’État 10

a. Une immunité relative protège la décision du gouvernement..................................12b. Le Comité n’a pas commis de faute ou fait preuve de mauvaise foi........................14

ii. Le Comité a pris une décision légale au sens du droit administratif 17a. Le Comité a pris une décision raisonnable...............................................................17

i. La décision fait partie des issues possibles acceptables au regard des faits et du droit....18ii. La décision du Comité fait preuve de justification, de transparence et d’intelligibilité. . .19

b. La décision du Comité respecte l’équité procédurale...............................................20c. Aucune circonstance additionnelle ne justifie l’octroi de dommages-intérêts.........22

C. LA DÉCISION RESPECTAIT LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS..............23i. L’attribution d’un laissez-passer n’est pas un droit protégé par la Charte. 23ii. La décision du Comité n’a pas violé la liberté d’expression de Mme Beaulac 27

a. Le Comité a adéquatement mis en balance la liberté de Mme Beaulac de s’exprimer en français avec l’objectif de sa loi habilitante.......................................................28

b. Le Comité a correctement mis en balance la liberté d’expression liée au contenu avec l’objectif de sa loi habilitante.........................................................................30

iii. L’octroi de dommages-intérêts ne constitue pas une réparation convenable et juste eu égard à la décision du Comité 32

IV. DÉCISIONS RECHERCHÉES........................................................................................34

V. ANNEXE A.........................................................................................................................35

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I. ÉNONCÉ DES FAITS ET HISTORIQUE JUDICIAIRE

a. Faits

i. Le Comité

[1] En 2006, les médias canadiens ont dénoncé l’accès insuffisant aux

politiciens en campagne électorale1. Le gouvernement a donc agi en créant le Comité

pour l’excellence journalistique (le « Comité ») l’année suivante, par un amendement à

la Loi électorale du Canada (« Loi électorale »)2.

[2] Le Comité, en place depuis maintenant deux élections, a remarquablement

bonifié la qualité, la diversité et la profondeur de la couverture journalistique offerte au

public canadien. Les médias ont exprimé leur satisfaction quant au fonctionnement du

programme3.

[3] Le Comité accomplit son rôle en attribuant des « laissez-passer d’accès

illimité » (les « laissez-passer ») à certains journalistes lors des campagnes électorales4.

Ces laissez-passer offrent à leur détenteur un accès considérable à un chef de parti,

supérieur à tout ce qui existait précédemment5.

ii. L’attribution des laissez-passer

[4] Le nombre de laissez-passer accordés est limité. En 2011, seulement 32

laissez-passer ont été attribués pour 187 demandes6. Les ressources budgétaires des partis

politiques et une limitation pratique – un chef de parti ne peut offrir un accès exclusif

1 R. c Beaulac, 2015 FC 87 au para 6 [Beaulac CF].2 Ibid au para 7; Loi électorale du Canada, LRC 2000, c 9 [Loi électorale].3 Beaulac CF, supra note 1 au para 10. 4 Ibid au para 7. 5 Ibid.6 Ibid au para 11.

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généralisé – empêchent le Comité d’attribuer des laissez-passer à tous les demandeurs7.

Le Comité doit donc faire des choix difficiles et écarter plusieurs candidats compétents.

[5] Le Comité détient le pouvoir discrétionnaire d’établir la quantité de

laissez-passer et de définir, modifier et appliquer les critères d’attribution dans le but de

maximiser la qualité et la diversité de la couverture journalistique8. En raison de la courte

durée des périodes électorales, les décisions du Comité sont sans appel9.

[6] Suite à une évaluation interne, le Comité a renouvelé ses critères

d’attribution pour répondre aux préoccupations exprimées par des membres des médias10.

Pour garantir la rigueur et l’objectivité de l’information offerte, le Comité a ajouté « la

profondeur de l’analyse […] et sa contribution à la compréhension du processus politique

par les Canadiens »11 à ses critères. De plus, afin d’assurer la représentation équitable du

français et de l’anglais dans la couverture électorale, le Comité vise désormais une

attribution des laissez-passer proportionnelle au nombre de journalistes travaillant dans

chaque langue au pays12. Le Comité a publié ces changements sur son site web en mars

2015.

iii. La demande de Mme Beaulac

[7] Mme Beaulac (« l’Intimée ») est rédactrice d’un blogue politique13. Lors

des élections de 2008 et 2011, elle a eu le privilège d’obtenir un laissez-passer14. En

2013, Mme Beaulac a décidé d’abandonner le ton journalistique neutre de son blogue

pour adopter un style humoristique15. Elle a présenté une nouvelle demande de laissez-7 Ibid au para 8.8 Ibid aux paras 8 et 10.9 Ibid au para 9. 10 Ibid au para 18.11 Ibid au para 19.12 Ibid au para 18.13 Ibid au para 13.14 Ibid au para 14.15 Ibid au para 13.

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passer en janvier 201516. Malgré la publication des nouveaux critères du Comité deux

mois plus tard, elle n’a pas modifié sa demande au cours des mois suivants,

contrairement à plusieurs candidats qui ont mis à jour la leur sans problème17.

[8] Suite au déclenchement de la campagne électorale en août 2015 et à

l’évaluation des demandes, le Comité a informé Mme Beaulac qu’un laissez-passer ne lui

était pas attribué pour ces élections18. À la demande de Mme Beaulac, le Comité lui a

également indiqué qu’il ne réexaminait pas les décisions, que sa publication purement

satirique n’était pas admissible à un laissez-passer et que les laissez-passer alloués aux

francophones avaient été distribués19.

[9] Mme Beaulac allègue maintenant une perte monétaire qu’elle lie au rejet

de sa demande20. Elle réclame au gouvernement fédéral des dommages-intérêts fondés

sur la responsabilité civile de l’État, ainsi que sur l’article 24(1) de la Charte canadienne

des droits et libertés (la « Charte ») pour avoir enfreint sa liberté d’expression.

b. Historique judiciaire

i. Cour fédérale

[10] En première instance, la Cour fédérale a conclu à l’absence de

responsabilité civile de l’État fédéral. La juge Baker a déclaré que l’obligation de

diligence du gouvernement envers Mme Beaulac devait être niée, notamment parce que

l’élaboration et l’application discrétionnaires des critères du Comité constituent un

exercice fondamentalement politique qui entraine l’immunité21. La Cour fédérale a

16 Ibid au para 15.17 Ibid au para 20.18 Ibid au para 21.19 Ibid au para 22.20 Ibid au para 23.21 Ibid au para 33.

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également invoqué le risque d’une responsabilité indéterminée envers tous les

demandeurs potentiels pour justifier l’immunité accordée à la décision du Comité22.

[11] La Cour fédérale a considéré que la politique linguistique du Comité

constituait une limitation justifiable à la liberté d’expression de Mme Beaulac,

notamment parce que son application n’est pas rigide et qu’elle garantit aux Canadiens

un volume de couverture électorale dans les deux langues officielles23.

[12] La juge Baker a finalement considéré que le choix du Comité d’exclure les

contenus satiriques constituait une restriction déraisonnable de la liberté d’expression de

Mme Beaulac24. La juge a affirmé que la demande de Mme Beaulac reposait sur une

liberté fondamentale, sans admettre que l’Intimée demandait l’accès à un régime légal

précis25. La juge a finalement limité sa qualification de l’objectif du programme à un

critère de diversité, sans mentionner la rigueur et l’objectivité journalistiques requises26.

[13] Suite à son application de la méthode de l’arrêt Doré c Barreau du

Québec27, la juge a offert une indemnisation monétaire, une réparation qui n’est soutenue

par aucune jurisprudence, tel qu’elle le souligne elle-même28. La juge Baker a justifié

cette réparation par l’article 24(1) de la Charte sans considérer les facteurs qui font

contrepoids à une telle indemnisation, une considération pourtant essentielle à

l’attribution d’une réparation monétaire en vertu de l’article 24(1) de la Charte29.

ii. Cour d’appel fédérale

22 Ibid au para 36.23 Ibid aux paras 46 et 47.24 Ibid au para 51.25 Ibid au para 50.26 Ibid au para 51.27 Doré c Barreau du Québec, 2012 SCC 12, [2012] 1 RCS 395 [Doré].28 Beaulac CF, supra note 1 au para 53.29 Ibid aux paras 53 et 54; Voir Vancouver (Ville) c Ward, 2012 CSC 27, 2013 2 RCS 458 aux paras 4 et 33 Ward.

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[14] La majorité de la Cour d’appel fédérale a renversé la décision de première

instance et a accordé des dommages-intérêts en vertu de la responsabilité civile de l’État

fédéral. Elle n’a toutefois accordé aucune réparation sous la Charte.

[15] Le juge Du Plessis a erré en appliquant un cadre d’analyse inspiré du

récent arrêt Paradis Honey Ltd c Canada30 pour évaluer la responsabilité civile de l’État

plutôt que celui utilisé par la CSC31. En appliquant ce cadre, le juge Du Plessis a

considéré qu’il était déraisonnable d’exclure les contenus de nature humoristique des

candidatures retenues, malgré la grande discrétion dont bénéficiait le Comité32. Il a

également conclu que la conduite du Comité avait été fautive et que celui-ci avait suivi

une interprétation arbitraire d’une politique interne33.

[16] Le juge Du Plessis a renversé l’attribution de dommages-intérêts en vertu

de la Charte par la Cour fédérale, soulignant que « l’analyse effectuée sous Doré ne nous

permet pas de conclure que les droits garantis par la Charte ont été enfreints ou qu’un

remède prévu par l’article 24 est disponible »34.

[17] Le juge Knight a exprimé son désaccord en affirmant qu’appliquer le

cadre d’analyse de l’arrêt Paradis Honey était « inapproprié »35. Avec égards, le juge a

par contre erré en concluant que le Comité avait refusé d’examiner la demande de Mme

Beaulac et ainsi commis une faute36. En matière de Charte, le juge Knight a déclaré que

la contestation de la politique linguistique ne pouvait justifier la réclamation de

dommages-intérêts, car le préjudice était général37. Finalement, le juge Knight a reconnu

30 Paradis Honey Ltd c Canada, 2015 CAF 89, [2015] ACF 399 [Paradis Honey].31 Beaulac c Sa Majesté la Reine, 2015 FCA 271 au para 5 Beaulac CAF.32 Ibid au para 20.33 Ibid au para 26.34 Ibid au para 30.35 Ibid au para 33.36 Ibid au para 35.37 Ibid au para 39.

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que Mme Beaulac réclamait l’accès à une plate-forme sans y avoir droit, et que la

décision du Comité d’exclure le contenu humoristique n’avait donc pas violé sa liberté

d’expression38.

[18] Le juge Nicholson, appliquant le cadre d’analyse de Paradis Honey, a

déclaré que le Comité n’avait commis aucune faute39. Il a également souligné avec

justesse que « le standard pour conclure à une faute dans ce contexte devrait être très

élevé »40. Le juge Nicholson aurait donc refusé la réclamation en responsabilité civile de

l’Intimée41.

38 Ibid au para 40.39 Ibid au para 45.40 Ibid au para 45.41 Ibid au para 46.

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II. OBJECTIONS DE S APPELANTS

[19] Les appelants s’opposent aux conclusions de la Cour d’appel fédérale et

plaident ce qui suit :

1. L’État n’a pas engagé sa responsabilité civile, puisque les actions du

Comité bénéficiaient d’une immunité relative et n’étaient pas fautives.

2. L’État ne doit pas de dommages-intérêts en vertu de la Charte, puisque :

a. L’attribution d’un laissez-passer n’est pas un droit protégé ;

b. Le Comité a correctement mis en balance les droits de Mme

Beaulac et les objectifs de sa loi habilitante ;

c. L’octroi de dommages-intérêts ne constitue pas une réparation

convenable et juste en l’espèce.

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III. ARGUMENTATION

a. Aperçu

[20] Le présent appel concerne un programme créé par le gouvernement pour

promouvoir l’excellence du journalisme électoral au bénéfice du public canadien. Dans le

cadre de ce programme, le gouvernement sélectionne quelques journalistes pour leur

capacité à enrichir la qualité de la couverture journalistique lors d’une campagne

électorale. Mme Beaulac, rédactrice d’un blogue satirique, n’a pas été sélectionnée lors

de la dernière campagne. Bien que sa déception soit légitime, elle n’est pas suffisante

pour conclure à la responsabilité du gouvernement envers Mme Beaulac pour une

décision prise dans l’intérêt du public canadien.

b. Le gouvernement n’a pas engagé sa responsabilité civile

i. Le cadre d’analyse développé par la CSC délimite adéquatement la responsabilité de l’État

[21] Les juges Du Plessis et Nicholson ont commis une erreur de droit en

utilisant le cadre d’analyse de Paradis Honey42. Ce cadre est contraire à l’avertissement

de la CSC « de ne pas confondre les règles du droit administratif avec celles de la

responsabilité extracontractuelle d’un corps public »43. En responsabilité civile de l’État,

la CSC applique depuis maintenant plus de 30 ans un cadre d’analyse de droit privé

adapté aux actions gouvernementales44. Cette approche permet de baliser l’immunité

étatique, un mécanisme éprouvé qui décrit adéquatement les situations dans lesquelles il

42 Paradis Honey, supra note 30.43 Entreprises Sibeca Inc c Frelighsburg (Municipalité), 2004 CSC 61, [2004] 3 RCS 304 au para 15 [Sibeca].44 Voir Kamloops c Nielsen, [1984] 2 RCS 2, [1984] ACS 29 Kamloops; Cooper c Hobart, 2001 CSC 79, [2001] 3 RCS 537 Cooper; Edwards c Barreau du Haut-Canada, 2001 CSC 80, [2001] 3 RCS 562 Edwards.

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n’est pas souhaitable d’imputer une responsabilité financière au gouvernement45.

L’approche est toujours appliquée en 2015 par la CSC dans l’arrêt Hinse c Canada46.

Paradis Honey, un jugement de la Cour d’appel fédérale, ne saurait renverser la

jurisprudence constante de la plus haute cour canadienne.

[22] La responsabilité civile de l’État fédéral est régie par l’article 3(a)(i) de la

Loi sur la responsabilité de l’État et du contentieux administratif (« L.C.R.E. »)47, qui

assimile l’État à une personne pour le dommage causé par la faute de ses préposés. Dans

la présente affaire, « tous les faits pertinents ont lieu dans la province du Québec »48. Tel

qu’établi par l’arrêt Prud'homme c Prud'homme, la L.C.R.E. interagit avec le régime de

responsabilité civile du Code civil du Québec (« CcQ »)49. L’État est donc soumis aux

règles générales de la responsabilité civile énoncées par l’article 1457 CcQ50. L’article

1376 CcQ précise que d’autres règles de droit peuvent être applicables aux personnes

morales de droit public51. Dans la mesure où ces règles de droit public priment sur les

règles de droit civil, elles modifient le fonctionnement du régime traditionnel de

responsabilité52. En l’espèce, l’immunité relative issue du droit public protège

l’attribution discrétionnaire de laissez-passer du Comité. De surcroit, celui-ci n’a commis

aucune faute durant ce processus. L’État n’a donc pas engagé sa responsabilité civile.

a. Une immunité relative protège la décision du gouvernement 45 Ibid.46 Hinse c Canada (Procureur général), 2015 CSC 35, [2015] 2 RCS 621 [Hinse].47 Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C-50, art 3(a)(i) L.C.R.E..48 Beaulac CAF, supra note 31 au para 7.49 Prud'homme c Prud'homme, 2002 CSC 85, [2002] 4 RCS 663 au para 31 [Prud’homme]; Voir aussi Agence canadienne d'inspection des aliments c Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CSC 66, [2010] 3 RCS 657 aux paras 25-26 ACIA.50 Art 1457 CcQ.51 Art 1376 CcQ.52 Voir par ex Prud’homme, supra notre 49 au para 31; Finney c Barreau du Québec, 2004 CSC 36, [2004] 2 RCS 17 au para 27 Finney; ACIA, supra note 49 aux paras 25-26.

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[23] La doctrine de la suprématie du Parlement établit depuis longtemps que

l’État bénéficie d’une immunité dans le cadre de ses fonctions législatives53. Lorsque les

élus adoptent une loi créant un organisme chargé de mettre en œuvre des orientions

politiques, les cours confèrent aussi à celui-ci une certaine immunité54. La jurisprudence

canadienne avait développé une méthode permettant de cerner cette immunité, soit la

distinction entre un acte politique et un acte opérationnel55. En 2011, la CSC a reformulé

cette méthode d’évaluation de l’immunité dans l’arrêt R. c Imperial Tobacco Canada

Ltée en indiquant que les actes de « politique générale fondamentale » sont protégés par

une immunité relative56. La Cour écrit :

« Je conclus que les décisions de « politique générale fondamentale » du gouvernement à l’égard desquelles ce dernier est soustrait aux poursuites se rapportent à une ligne de conduite et reposent sur des considérations d’intérêt public, tels des facteurs économiques, sociaux ou politiques, pourvu qu’elles ne soient ni irrationnelles ni prises de mauvaise foi. »57

[24] Cette immunité relative issue du droit public trouve application au

Québec. En 2012, la Cour d’appel du Québec a reconnu l’incorporation en droit civil

québécois du principe d’Imperial Tobacco58. Similairement, en 2015 dans l’arrêt Hinse,

la CSC confirme que l’immunité relative pour les décisions de politique générale

fondamentale est applicable au Québec et commande l’élévation de la norme de faute59.

53 Voir Ex parte Gould, 1854 2 RJRQ, 376 (CS); Henri Brun et al, Droit constitutionnel, 6e éd., Montréal, Yvon Blais, 2014 Brun.54 R. c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, [2011] 3 RCS 45 [Imperial Tobacco CSC].55Voir Kamloops, supra note 44; Just c Colombie-Britannique, [1989] 2 RCS 1228, [1989] ACS 121 Just; Brown c Colombie-Britannique (Ministre des Transports et de la Voirie), [1994] 1 RCS 420, [1994] ACS 20 Brown; Cooper, supra note 44 au para 38; Edwards, supra note 44 au para 5.56 Imperial Tobacco CSC, supra note 54 aux paras 74 et 90. 57 Ibid au para 90.58 Canada (Procureur général) c Imperial Tobacco Ltd, 2012 QCCA 2034, [2012] RJQ 2046 au para 106 Imperial Tobacco CA Qc. 59 Hinse, supra note 46 au para 24.

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[25] En l’espèce, la décision du Comité était de politique générale

fondamentale et bénéficie de l’immunité relative. L’autorisation administrative du

Comité exigeait de soupeser des facteurs économiques, sociaux et politiques, en plus

d’être un acte de nature discrétionnaire.

[26] Les décisions du Comité sont fondées sur une multitude de facteurs

économiques, sociaux et politiques afin que les laissez-passer attribués contribuent à

améliorer la couverture journalistique électorale. Économiquement, le Comité doit

considérer les ressources budgétaires des partis politiques60, les sources de financement

des médias61 et la valeur pécuniaire importante des laissez-passer62. Au plan social et

politique, le Comité considère la diversité des candidats, notamment aux niveaux

géographique63 et linguistique64. Il évalue aussi leur impact social et politique sur le

public, soit leur « contribution à la compréhension du processus politique par les

Canadiens »65. On aurait donc tort de voir la tâche du Comité comme une simple

application mécanique des critères à une série de candidatures. Chaque décision

individuelle ne peut être dissociée d’un processus multifactoriel et de son impact social et

économique sur les médias, les partis politiques, le gouvernement et le public. La

décision se compare à celle en cause dans Deniso Lebel Inc c Cie Price, où le refus

d’autoriser le transfert de concessions forestières individuelles constituait une décision

politique immunisée, car elle demandait de choisir « entre des projets mutuellement

exclusifs pour assurer le meilleur usage de ces ressources »66, en se fondant sur l’examen

60 Beaulac CF, supra note 1 au para 8.61 Ibid au para 16.62 Ibid au para 11.63 Ibid au para 16.64 Ibid au para 18.65 Ibid au para 19.66 Deniso Lebel Inc c Cie Price, [1996] RJQ 2085, [1996] JQ 1956 au para 97 [Deniso-Lebel].

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d’impacts économiques et environnementaux67. L’attribution de laissez-passer par le

Comité demande similairement de distribuer des ressources limitées pour atteindre la

meilleure couverture médiatique possible pour les citoyens canadiens. Le travail du

Comité constitue donc un acte de politique générale fondamentale qui doit être protégé

par une immunité relative.

[27] La CSC ajoute que le caractère discrétionnaire d’une décision est un

indice utile pour déceler la présence d’une décision de politique générale fondamentale68.

La Loi électorale confère explicitement au Comité la discrétion d’élaborer et de modifier

ses critères69. Le Comité avait donc le pouvoir de choisir entre plusieurs cours d’action70.

Considérant les facteurs sociaux, économiques et politiques en jeu, cette discrétion

confirme que les décisions du Comité sont de politique générale fondamentale et que

l’État bénéficie d’une immunité relative pour celles-ci71.

b. Le Comité n’a pas commis de faute ou fait preuve de mauvaise foi

[28] L’arrêt Imperial Tobacco précise que l’immunité étatique est applicable en

l’absence de décisions irrationnelles ou de mauvaise foi72. Au Québec, l’immunité

relative s’intègre en amont de l’analyse traditionnelle de la responsabilité prévue par

l’article 1457 CcQ73. Le seuil de la mauvaise foi est établi par la jurisprudence

québécoise et permet de définir la portée de l’immunité de l’État74. Le Comité a rempli

67 Ibid.68 Voir Imperial Tobacco CSC, supra note 54 aux paras 84 et 88.69 Beaulac CF, supra note 1 au para 8.70 Voir Imperial Tobacco CSC, supra note 54 au para 88.71 Voir Hinse, supra note 46 au para 31.72 Imperial Tobacco CSC, supra note 54 au para 90.73 Voir Imperial Tobacco CA Qc, supra note 58 au para 124.74 Voir Laurentide Motels Ltd c Beauport (Ville), [1989] 1 RCS 705, [1989] ACS 30 Laurentides; Prud’homme, supra note 49; Sibeca, supra note 43; Imperial Tobacco CA Qc, supra note 58; Hinse, supra note 46.

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son mandat d’octroyer des laissez-passer sans commettre de faute, ni faire preuve de

mauvaise foi à l’égard de Mme Beaulac.

[29] Le Comité n’a commis aucune faute. La violation d’une loi n’est pas

suffisante pour déterminer la faute d’un organe public : celui-ci doit aussi violer une

norme de conduite75. En l’espèce, le Comité n’a pas enfreint sa loi habilitante : il a établi

des critères et octroyé des laissez-passer, tel que l’autorise la Loi électorale76. De plus, le

Comité a agi avec diligence. Dans l’élaboration de ses critères, comme dans la décision

destinée à Mme Beaulac, il a tenu compte de considérations sociales, politiques et

économiques visant l’amélioration de la couverture journalistique électorale, soit la

raison même de son existence77. Dans un contexte de ressources limitées, le refus de

certaines demandes est inévitable afin d’assurer un accès exclusif aux chefs de partis. Le

programme n’a pas été créé dans l’objectif de maximiser les bénéfices économiques de

tous les journalistes, mais bien pour augmenter la qualité de la couverture médiatique

électorale et en faire bénéficier les Canadiens.

[30] De plus, le Comité a agi raisonnablement en excluant la demande de Mme

Beaulac en raison de la nature satirique de son blogue. En évaluant la demande de Mme

Beaulac parallèlement à celles de tous les autres journalistes francophones, le Comité a

jugé qu’un contenu humoristique n’était pas la meilleure façon de répondre au critère de

profondeur de l’analyse78. En effet, la CSC indique que la fonction du satiriste « n’est pas

tant de faire progresser le débat public que d’exercer le droit démocratique de se moquer

des gens qui protestent dans l’arène publique »79. De plus, dans l’affaire Bou Malhab c

75 Voir notamment La Reine c Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 RCS 205, 1983] ACS 14 Saskatchewan.76 Beaulac CF, supra note 1 aux paras 7 et 8.77 Ibid au para 6.78 Ibid au para 19.79 WIC Radio Ltd c Simpson, 2008 CSC 40, [1970] ACS 25 au para 48 WIC Radio.

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Diffusion Métromédia CMR inc, une poursuite en diffamation, la CSC affirme que des

propos possédant « a satirical style », n’ont pas un caractère vraisemblable aux yeux du

citoyen ordinaire80. L’exagération, et non l’information, est donc à la base d’une

expression humoristique, satirique et caricaturale. Compte tenu de la divergence entre

l’humour et l’objectif d’information rigoureuse, le Comité a agi comme une personne

raisonnable selon un critère servant l’objectif de la loi.

[31] L’utilisation d’une proportion linguistique n’a pas été déterminante pour la

décision concernant Mme Beaulac et n’était donc pas fautive81. C’est plutôt le contenu

satirique qui a rendu Mme Beaulac inadmissible au laissez-passer : lorsque le Comité a

informé Mme Beaulac que tous les laissez-passer réservés aux francophones étaient

attribués, sa demande avait déjà été considérée inadmissible82.

[32] En présence d’une immunité relative, seule la mauvaise foi peut entrainer

la responsabilité de l’État. Puisque le Comité n’a pas commis de faute, il n’a pas non plus

fait preuve de mauvaise foi. Les arrêts Finney c Barreau du Québec et Entreprises

Sibeca Inc c Frelighsburg définissent la mauvaise foi en droit civil comme étant une

faute intentionnelle ou une «insouciance ou incurie grave ou déréglée»83. Ce seuil très

élevé est incompatible avec l’action du Comité. Le juge Nicholson le confirme avec

justesse : « Rien dans les circonstances présentes ne me permet de conclure que le

Comité a cherché intentionnellement à nuire à l’intimée ni qu’il a agi de mauvaise foi. »84

Au contraire, la décision est compréhensible, basée sur les critères dirigeant l’attribution

80 Bou Malhab c Diffusion Métromédia CMR inc, 2011 CSC 9, [2011] 1 RCS 214 aux paras 89-90 [Bou Malhab].

81 Beaulac CF, supra note 1 au para 22.82 Ibid au para 22.83 Finney, supra note 52 au para 39; Sibeca, supra note 43 au para 26.84 Beaulac CAF, supra note 31 au para 45.

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de laissez-passer et assure la qualité de la couverture médiatique. Le Comité n’a pas

commis de faute, et n’a conséquemment pas agi avec mauvaise foi ou insouciance grave.

ii. Le Comité a pris une décision légale au sens du droit administratif

[33] Le cadre d’analyse approprié pour déterminer la responsabilité de l’État

est défini par la CSC depuis des dizaines d’années et a été exposé ci-dessus85. Les juges

Du Plessis et Nicholson ont donc erré en utilisant le cadre l’arrêt Paradis Honey, jamais

appliqué par la CSC86. Toutefois, le résultat d’une telle analyse demeure le même: l’État

fédéral n’a pas engagé sa responsabilité civile.

[34] Selon l’arrêt Paradis Honey, une réparation monétaire pour une décision

administrative peut être accordée si la décision est « illégale » – c’est-à-dire

déraisonnable au sens du droit administratif – et si des circonstances additionnelles

justifient l’octroi de dommages-intérêts discrétionnaires87.

a. Le Comité a pris une décision raisonnable

[35] Le juge Du Plessis a erré en concluant que la décision du Comité était

« déraisonnable et donc illégale »88. La décision faisait partie des issues possibles

acceptables en plus d’être justifiée, transparente et intelligible89.

[36] La norme de la décision raisonnable en contrôle judiciaire issue de l’arrêt

Dunsmuir v New Brunswick90 et utilisée dans Paradis Honey est applicable à la décision

du Comité. En effet, l’arrêt Baker c Canada établit que les décisions discrétionnaires –

comme celles du Comité, autorisées par la Loi électorale91 – sont contrôlées sous la

85 Voir la section III(b)(i) ci-dessus.86 Beaulac CAF, supra note 31 aux paras 5 et 44; Voir le para 21 ci-dessus.87 Paradis Honey, supra note 30 au para 132.88 Beaulac CAF, supra note 31 au para 24.89 Voir Dunsmuir v New Brunswick, 2008 SCC 9, [2008] 1 RCS 190 au para 47 [Dunsmuir].90 Ibid.91 Beaulac CF, supra note 1 aux paras 8-9.

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norme de la raisonnabilité, qui exige une grande déférence envers les décideurs

administratifs92.

i. La décision fait partie des issues possibles acceptables au regard des faits et du droit

[37] La décision du Comité était acceptable parmi le grand nombre d’issues

possibles raisonnables dans cette situation. Selon la CSC, « La raisonnabilité constitue

une norme unique qui s’adapte au contexte. »93 et « le caractère raisonnable n’existe pas

dans l’absolu »94. Ici, la raisonnabilité doit être évaluée en considérant le contexte

décisionnel unique du Comité: celui-ci compare les qualifications de près de 200

demandeurs et octroie une trentaine de laissez-passer aux candidats permettant d’assurer

la meilleure couverture journalistique95. Il n’appartient pas à la Cour de substituer sa

vision à celle du Comité, qui bénéficie d’une vision globale des demandes présentées96.

[38] De plus, selon l’arrêt Paradis Honey, une décision imprégnée de

subjectivité, de discrétion et de considérations pour des facteurs de politique générale

commande une large marge d’appréciation, c’est-à-dire qu’elle permettra la coexistence

de plusieurs décisions raisonnables différentes97. C’est le cas en l’espèce : en plus d’être

des actes de politique générale fondamentale, les décisions du Comité ont « des

répercussions sur l’ensemble de la collectivité »98. Le Comité pouvait donc attribuer les

laissez-passer aux journalistes de plusieurs manières différentes raisonnables.

92 Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 RCS 817, 174 DLR (4th) 193 [Baker].93 Voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 au para 59 [Khosa].94Voir Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée 2013 CSC 34, [2013] 2 RCS 458 au para 74, citant Caimaw c. Paccar of Canada Ltd, [1989] 2 RCS 983, [1989] ACS 107 au para 43.95 Beaulac CF, supra note 1 aux paras 9 et 11.96 Ibid au para 9.97 Paradis Honey, supra note 30 au para 136.98 Voir Catalyst Paper Corp c North Cowichan (District), 2012 SCC 2, [2012] 1 RCS 5 au para 19 [Catalyst Paper]; Voir la section III(b)(i)(a) ci-dessus.

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[39] Pour reprendre le langage de la CSC dans l’arrêt Alberta c Alberta

Teachers' Association, il y a un « fondement raisonnable »99 dans la décision du Comité

de considérer la nature du contenu journalistique présenté par Mme Beaulac. La décision

du Comité est en ligne avec l’objet de sa loi habilitante. Dans Agraira c Canada,

l’interprétation d’un Ministre de « l’intérêt national » comme ayant trait à la sécurité

publique est jugée raisonnable, car elle est en ligne avec le guide opérationnel et les

objectifs de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés100. De même, refuser

une publication humoristique et satirique est en lien avec l’objectif d’assurer la meilleure

qualité et profondeur d’analyse journalistique au public canadien101. De plus, tel que

mentionné ci-dessus, l’utilisation d’une proportion linguistique n’était pas un fondement

de la décision du Comité102.

[40] Il pourrait être allégué que des valeurs protégées par la Charte doivent être

considérées dans l’analyse de la raisonnabilité de la décision. Pour les raisons exposées

plus bas, aucun droit protégé par la Charte n’est engagé par la décision du Comité103.

ii. La décision du Comité fait preuve de justification, de transparence et d’intelligibilité

[41] Un observateur objectif peut rationnellement comprendre la décision du

Comité de ne pas octroyer de permis à l’Intimée. Le Comité a motivé son refus par la

nature humoristique et satirique du blogue de Mme Beaulac, jugée ne pas être la

meilleure manière de contribuer à la compréhension du processus politique par les

99 Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers' Association, 2011 SCC 61, [2011] 3 RCS 654 au para 56 [Alberta Teachers]. 100 Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 RCS 559 [Agraira]; Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.101 Voir le para 30 ci-dessus.102 Voir le para 31 ci-dessus.103 Voir la section III(c)(i) ci-dessous.

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Canadiens104. Le refus était intelligible au regard des critères du Comité. L’arrêt

Dunsmuir indique que l’analyse du critère raisonnable passe par les motifs qui sont

donnés ou qui pourraient être donnés pour justifier une décision105. La qualification de

publication « purement satirique » par le Comité était rationnellement en lien avec le

critère de « la profondeur de l’analyse et … sa contribution à la compréhension du

processus politique par les Canadiens »106. De plus, l’arrêt Newfoundland and Labrador

Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador confirme qu’il n’est pas nécessaire pour les

décideurs de fournir un raisonnement explicite pour chacun des motifs de la décision107.

Il était raisonnable pour le Comité de donner seulement le motif général du contenu

satirique à Mme Beaulac108. Conséquemment, et pour toutes les raisons exposées, la

décision du Comité était légale, soit défendable et acceptable au sens du droit

administratif109.

b. La décision du Comité respecte l’équité procédurale

[42] Le juge Nicholson a considéré l’équité procédurale dans l’analyse de la

légalité de l’arrêt Paradis Honey, car celle-ci est fondée sur les principes de révision

judiciaire en droit administratif. Des garanties procédurales très faibles étaient dues à

l’Intimée en l’espèce, et le Comité les a respectées.

[43] L’arrêt Baker énonce les cinq facteurs pertinents pour déterminer le

contenu de l’obligation d’équité procédurale, soit la nature de la décision, le régime

104 Beaulac CF, supra note 1 au para 22.105 Dunsmuir, supra note 89 au para 48; Voir également Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 SCC 62, [2011] 3 RCS 708 au para 16 [Newfoundland Nurses].106 Beaulac CF, supra note 1 au para 19.107 Newfoundland Nurses, supra note 105 au para 16.108 Beaulac CF, supra note 1 au para 22.109 Voir Dunsmuir, supra note 89 au para 47; Voir Paradis Honey, supra note 30 au para 134.

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législatif, l’importance de la décision pour la personne concernée, les attentes légitimes

des parties et le choix de procédure du décideur110.

[44] Le facteur le plus important en l’espèce est la nature de la décision. Le

processus décisionnel du Comité est loin d’un processus judiciaire, car il n’est pas dans

la fonction du Comité de prévoir des audiences ou un processus adjudicatif ni

d’appliquer des règles de droit. Tel qu’expliqué précédemment, la décision était de

politique générale fondamentale et affecte l’ensemble du public canadien111. La décision

est « de nature discrétionnaire et en fonction d’une politique » et requiert donc de très

faibles garanties procédurales, tel que souligné par la CSC dans Martineau c. Comité de

discipline de l'Institution de Matsqui112.

[45] De plus, l’intérêt de Mme Beaulac ne concerne pas sa vie, sa liberté ou sa

sécurité comme dans les cas assurant de hautes garanties d’équité procédurale aux

justiciables113. En l’espèce, seul l’intérêt économique de Mme Beaulac était en jeu. Pour ces

raisons, la décision du Comité donnait lieu à de faibles garanties d’équité procédurale.

Dans un contexte de prise de décision rapide où les candidats sont des professionnels avisés

du fonctionnement du Comité, la publication des critères sur le site web du Comité et la

transmission de motifs étaient des garanties d’équité procédurale suffisantes.

c. Aucune circonstance additionnelle ne justifie l’octroi de dommages-intérêts

110 Supra note 92 aux paras 21-28.111 Voir la section III(b)(i)(a) ci-dessus.112 Martineau c Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 RCS 602, [1979] ACS 121 à la p 629 [Martineau]; Voir également Canada (Procureur général) c Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2 RCS 735, [1980] ACS 99 à la p 736; Wells c. Terre-Neuve, [1999] 3 R.C.S. 199, [1999] ACS 50 au para 61.113 Supra note 92; Voir Singh c Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 RCS 177, [1985] ACS 11; Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté de l'Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 RCS 3; Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 RCS 350.

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[46] Le juge Du Plessis n’a identifié aucune circonstance supplémentaire

justifiant l’octroi de dommages-intérêts selon l’arrêt Paradis Honey114. En référant au

Comité, le juge a affirmé que « lorsque ces décisions sont prises illégalement, je pense

qu’il est juste que la société dans son ensemble, c’est-à-dire l’État, assume les

conséquences de cette erreur »115. Cela va à l’encontre des enseignements de la CSC dans

Holland c Saskatchewan: « le droit ne reconnait pas, à l’heure actuelle, l’action pour

manquement par négligence à une obligation légale »116. L’illégalité de la décision n’est

pas suffisante pour conclure à une faute.

[47] En l’espèce, aucune circonstance additionnelle n’est présente dans la

conduite du Comité. Ce dernier n’a pas abusé de son pouvoir ni agi de mauvaise foi117.

La décision n’est pas comparable à celle dans Roncarelli c Duplessis où la révocation de

permis d’alcool était clairement dans le but de nuire au tenancier d’un bar en raison de sa

religion118 ou à une fouille à nu abusive comme dans l’arrêt Vancouver c Ward 119, deux

cas cités dans Paradis Honey pour exemplifier un comportement de l’administration

justifiant l’attribution de dommages-intérêts120. Le Comité n’a commis aucune action

malicieuse permettant de renverser la présomption qu’il agit de bonne foi121.

[48] De plus, accorder une indemnisation à Mme Beaulac exposerait l’État à

une cascade de litiges en responsabilité civile et ce, non seulement pour des demandes de

permis refusées mais pour tout justiciable alléguant avoir subi une perte économique

114 Beaulac CAF, supra note 31 au para 25.115 Ibid.116 Holland c Saskatchewan, 2008 CSC 42, [2008] 2 RCS 551 au para 9 [Holland]. Voir également Saskatchewan, supra note 75.117 Paradis Honey, supra note 30 au para 142.118 Roncarelli c Duplessis, [1959] RCS 121, 16 DLR (2d) 689 [Roncarelli]. 119 Vancouver (Ville) c Ward, 2010 CSC 27, [2010] RCS 28 [Ward].120 Paradis Honey, supra note 30 au para 145.121 Finney, supra note 52; Art 2085 CcQ.

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dans une situation où aucun droit ne lui est garanti, comme pour Mme Beaulac122. En

plus d’imposer un fardeau sur le système de justice, l’État s’exposerait à une

responsabilité indéterminée123.

[49] Somme toute, bien que le cadre d’analyse de l’arrêt Paradis Honey ne soit

pas approprié, celui-ci permet d’atteindre la bonne conclusion : l’État fédéral n’a pas

engagé sa responsabilité et ne doit pas de dommages-intérêts à l’Intimée.

c. La décision respectait la Charte canadienne des droits et libertés

[50] L'intimée allègue qu’il y a eu violation de sa liberté d’expression garantie

par la Charte lors du processus d’attribution des laissez-passer. Or, l’accès aux laissez-

passer ne constitue pas un droit protégé par la Charte124. Même si ce droit était protégé, la

décision du Comité ne constitue pas une violation, car celui-ci a correctement mis en

balance la liberté d’expression de Mme Beaulac et l’objectif de la loi. Finalement,

l’octroi de dommages-intérêts n’est pas une réparation juste et convenable en l’espèce.

i. L’attribution d’un laissez-passer n’est pas un droit protégé par la Charte.

[51] L’expression journalistique est un fondement de notre démocratie que

protège l’article 2(b) de la Charte125. C’est pour répondre à la demande des journalistes et

pour bonifier leur travail qu’a été créé le Comité126. Le programme qu’il administre a

permis une amélioration de « la qualité, la diversité et la profondeur de la couverture des

enjeux électoraux »127. Le travail du Comité que dénonce Mme Beaulac contribue en fait

à enrichir l’expression journalistique en campagne électorale.

122 Voir Design Services Ltd c Canada, 2008 CSC 22, [2008] 1 RCS 737.123 Cooper, supra note 44.124 Beaulac CF, supra note 1 au para 40.125 Voir par exemple Société Radio-Canada c Canada (Procureur général), 2011 CSC 2, [2011] 1 RCS 19 au para 2.126 Beaulac CF, supra note 1 aux paras 6-7.127 Ibid au para 10.

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[52] Le Comité favorise la production d’un type de contenu journalistique sans

restreindre l’expression des journalistes qui n’ont pas de laissez-passer. Le programme

du Comité ne limite pas une activité expressive qu’on pourrait autrement exercer sans

appui du gouvernement, comme c’était le cas dans Irwin Toy Ltd c Québec où une loi

interdisait certains types de publicité128 ou dans Montréal c 2952-1366 Québec Inc où un

règlement municipal interdisait un type de bruit129. Sans laissez-passer, Mme Beaulac

peut continuer à commenter la vie politique librement comme la majorité des journalistes

au pays. Lorsque le Comité a refusé la demande de Mme Beaulac, ni l’objet ni l’effet de

l’action gouvernementale en cause n’était de restreindre la liberté d’expression, et celle-

ci n’est donc pas en cause130.

[53] Sauf circonstances exceptionnelles, l’article 2 de la Charte n’impose pas

d’obligation positive au gouvernement131. Comme l’a résumé la CSC dans l’arrêt Haig c

Canada : « la garantie de la liberté d’expression énoncée à l’al. 2b) interdit les bâillons

mais n’oblige pas à la distribution de porte-voix »132. L’accès à un régime législatif

destiné à favoriser l’expression n’est donc pas protégé par la Charte133. Dans Baier c

Alberta, la Cour a considéré que l’accès à un poste élu de conseiller scolaire, créé par la

loi et refusé à certains groupes, ne constituait pas un droit protégé134. De façon similaire,

l’accès à un laissez-passer créé en vertu de la Loi électorale n’est pas un droit protégé,

mais bien un privilège.

128 Irwin Toy Ltd c Québec (Procureur général), [1989] 1 RCS 927, [1989] ACS 36 [Irwin Toy]. 129 Montréal (Ville) c 2952-1366 Québec Inc, 2005 CSC 62, [2005] 3 RCS 141.130 Supra note 128.131 Voir Baier c Alberta, 2007 CSC 31, [2006] 2 RCS 673 au para 25 [Baier].132 Haig c Canada (Directeur général des élections), [1993] 2 RCS 995, [1993] ACS 84 à la p 1035 [Haig].133 Baier, supra note 131 au para 26; Voir aussi Haig, supra note 132; Assoc. des femmes autochtones du Canada c Canada, [1994] 3 RCS 627, [1994] ACS 93; Siemens c Manitoba (Procureur général), 2003 CSC 3, [2003] 1 RCS 6; Delisle c. Canada (Sous-procureur général), [1999] 2 RCS 989, [1999] ACS 43.134 Baier, supra note 131 au para 36.

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[54] Dans de rares situations, il est possible de créer une exception à la règle

générale et d’imposer au gouvernement une obligation positive en vertu de l’article 2 de

la Charte135. L’arrêt Dunmore c Ontario indique trois conditions qui doivent être

remplies pour parvenir à une telle exception136. L’arrêt Baier a interprété ces critères dans

le cadre de la liberté d’expression137.

[55] En premier lieu, la demande doit reposer sur des libertés fondamentales

garanties par la Charte plutôt que sur l’accès à un régime légal précis138. Ce critère n’a

pas été satisfait dans Baier, où les appelants exigeaient de pouvoir briguer un poste de

conseiller scolaire créé par un régime légal précis139. En voulant être admissible pour

l’attribution d’un laissez-passer, Mme Beaulac réclame l’accès au régime légal créé par

la Loi électorale plutôt qu’à une liberté fondamentale.

[56] À la deuxième étape, Mme Beaulac doit démontrer que l’exclusion du

régime légal entrave substantiellement l’exercice de l’activité protégée, ou que l’objet de

l’exclusion est de faire obstacle à une telle activité140. Ni l’un ni l’autre ne peut être

démontré en l’espèce.

[57] D’abord, en ce qui concerne l’entrave substantielle, l’arrêt Baier place la

barre très haute en exigeant que l’exclusion d’un régime légal rende impossible

l’expression sur un sujet donné141. Le refus d’accorder un laissez-passer ne rend pas

impossible l’expression de Mme Beaulac sur les enjeux électoraux. Le laissez-passer

donne un accès privilégié à un chef de parti, ce qui ne constitue qu’une des nombreuses

135 Voir Dunmore c Ontario (Procureur général), 2001 CSC 94, [2001] 3 RCS 1016 [Dunmore].136 Ibid.137 Baier, supra note 131.138 Voir Dunmore, supra note 135 au para 24.139 Baier, supra note 131 au para 44.140 Voir Dunmore, supra note 135 au para 25.141 Baier, supra note 131 au para 48.

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façons de couvrir une campagne électorale. Jusqu’en 2007, les laissez-passer n’existaient

pas, et cela ne constituait certainement pas un bâillon au travail des journalistes.

[58] Ensuite, l’objet de l’exclusion n’est pas de faire obstacle à l’expression

journalistique de Mme Beaulac. La quantité de laissez-passer est limitée d’abord pour

des raisons budgétaires142. Elle l’est aussi pour des raisons pratiques. Si tous les

demandeurs avaient obtenus un laissez-passer lors du dernier cycle électoral, les quatre

principaux chefs de partis auraient dû diviser leur temps entre plus de 45 journalistes

chacun et l’accès privilégié aurait été impossible dans ces conditions.143. Pour atteindre

son objectif, le Comité doit se montrer sélectif et exclure de nombreux candidats

méritoires. Les critères d’attribution et les motifs donnés à Mme Beaulac démontrent que

l’objet de l’exclusion est de promouvoir la qualité de la couverture médiatique tout en

respectant des contraintes pratiques et budgétaires.

[59] Finalement, le troisième critère de Dunmore requiert que l’État puisse être

tenu responsable de l’incapacité d’exercer une liberté fondamentale144. En réalité, Mme

Beaulac est la principale responsable de son exclusion. Alors que le Comité lui avait

attribué un laissez-passer lors des deux cycles électoraux précédents, elle a ensuite

modifié la nature de son blogue en adoptant un style humoristique145. Malgré un critère

mentionnant explicitement « la profondeur de l’analyse et … sa contribution à la

compréhension du processus politique par les Canadiens », Mme Beaulac n’a pas ajusté

sa demande au Comité146. Somme toute, ne pas correspondre au profil recherché par le

142 Beaulac CF, supra note 1 au para 8.143 Ibid au para 11.144 Dunmore, supra note 135 au para 26.145 Beaulac CF, supra note 1 au para 13.146 Ibid au para 20.

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Comité était la conséquence d’un choix de Mme Beaulac et cela a vraisemblablement été

la cause principale de son exclusion.

[60] Pour constituer un droit protégé par la Charte, l’accès au laissez-passer

que réclame Mme Beaulac devait satisfaire chacun des trois critères de Dunmore. Il n’en

satisfait aucun. La décision n’a donc enfreint aucun droit protégé par la Charte.

ii. La décision du Comité n’a pas violé la liberté d’expression de Mme Beaulac

[61] Les juges Baker et Knight ont erré en examinant la constitutionalité du

critère linguistique selon la grille de R. c Oakes 147. Si le droit à la liberté d’expression de

Mme Beaulac était protégé par la Charte, une violation devrait être évaluée en observant

directement la décision rendue plutôt que les critères du Comité.

[62] Dans Little Sisters Book and Art Emporium c Canada, la CSC a déterminé

qu’un énoncé de politique – le mémorandum qu’utilisaient les autorités douanières – ne

pouvait constituer en lui-même une privation d’un droit constitutionnel148. Il en est de

même pour les critères du Comité qui, à titre de textes non règlementaires, ne pourront

être attaqués que lors de leur application dans le cadre d’une décision149.

[63] De surcroit, même si les critères étaient des textes de loi, leur

inconstitutionnalité ne procurerait pas à Mme Beaulac le remède recherché. La CSC a

établi que le remède approprié pour un texte de loi violant la Charte est une déclaration

d’inopérabilité en vertu de l’article 52, à laquelle un remède individuel sous l’article

24(1) ne peut habituellement pas être joint150. 147 R. c Oakes, [1986] 1 RCS 103, [1986] ACS 7; Beaulac CF, supra note 1 au para 41; Beaulac CAF, supra note 31 au para 38.148 Little Sisters Book and Art Emporium c Canada (Ministre de la Justice), 2000 CSC 69, [2000] 2 RCS 1120 aux paras 83-85 [Little Sisters]. 149 Ibid au para 85; Voir également Timberwest Forest Corp. c Canada, 2007 CAF 389, [2007] ACF 1649.150 Voir notamment Schachter c Canada, [1992] 2 RCS 679, [1992] ACS 68 à la p 720; Guimond c Québec (Procureur général), [1996] 3 RCS 347, [1996] ACS 91 au para 19; Mackin c Nouveau-Brunswick

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[64] Il y a donc lieu d’évaluer directement la constitutionnalité de la décision

affectant Mme Beaulac selon le cadre d’analyse qu’a récemment instauré la CSC dans

l’arrêt Doré : « lorsque nous nous demandons si une décision en matière contentieuse

viole la Charte, [...] il s’agit alors de déterminer si le décideur a restreint le droit protégé

par la Charte de manière disproportionnée et donc déraisonnable »151.

[65] Le cadre de l’arrêt Doré demande de mettre en balance le droit en cause et

l’objectif de la loi152. En prenant sa décision, le Comité a correctement mis en balance la

liberté d’expression et l’objectif du programme établi par la Loi électorale153. Selon Mme

Beaulac, la liberté d’expression en cause se décline en deux aspects distincts : la liberté

de s’exprimer dans la langue de son choix et la liberté d’expression d’un contenu

particulier de type satirique.

a. Le Comité a adéquatement mis en balance la liberté de Mme Beaulac de s’exprimer en français avec l’objectif de sa loi habilitante

[66] La Loi électorale créant le Comité a comme objectif d’améliorer et de

diversifier la couverture journalistique des campagnes électorales. En cherchant une

représentation linguistique proportionnelle, le Comité s’assure qu’une couverture

médiatique convenable soit offerte au public canadien dans les deux langues officielles,

une garantie qui n’existait pas avant l’application du critère linguistique. Il s’agit du

même objectif que vise par exemple une politique du CRTC imposant un pourcentage

minimal de contenu francophone à certaines stations de radio154.

(Ministre des Finances), 2002 CSC 13, [2002] 1 RCS 405 para 81.151 Doré, supra note 27 au para 6.152 Ibid.153 Loi électorale, supra note 2.154 Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Avis public de radiodiffusion CRTC 2006-158, en ligne: CRTC http://www.crtc.gc.ca/fra/archive/2006/pb2006-158.htm.

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Page 29: Énoncé des faits et historique judiciaire - McGill … · Web view. À la demande de Mme Beaulac, le Comité lui a également indiqué qu’il ne réexaminait pas les décisions,

[67] De surcroit, l’attribution proportionnelle vise la représentation linguistique

équitable des journalistes, une préoccupation exprimée par des membres des médias.

Mme Beaulac prétend être défavorisée par ce principe directeur. Or, le risque de

restreindre injustement l’expression d’un groupe linguistique était bien plus grand sans

celui-ci. L’utilisation du principe directeur protège en fait les groupes linguistiques en

empêchant la réduction disproportionnée de la représentation de chacun. L’utilisation

d’une proportion pour protéger et promouvoir les langues officielles a aussi été retenue

par la CSC dans le contexte scolaire : «  La constante dans tout régime acceptable de

représentation de la minorité sera toutefois l’octroi d’une représentation proportionnelle

au nombre d’élèves de la minorité linguistique »155.

[68] D’autre part, la liberté de Mme Beaulac de s’exprimer dans la langue de

son choix n’a pas été limitée. La langue d’expression n’a vraisemblablement même pas

influencé la décision du Comité, puisque la demande de Mme Beaulac a été considérée,

puis rejetée en raison du contenu satirique. D’autres demandes de candidats francophones

ont été retenues. Lorsque le Comité a indiqué que « tous les laissez-passer réservés aux

candidats francophones ont déjà été attribués », la demande de Mme Beaulac était déjà

refusée et non révisable. On aurait donc tort d’y voir un motif de refus.

[69] Il est possible que Mme Beaulac ait autrefois été favorisée par la

combinaison des anciens critères et d’un certain bassin de candidats. Lui retirer cet

avantage pour établir une proportion plus équitable constitue une atteinte justifiée à sa

liberté d’expression. Dans l’arrêt Ford c Québec, la CSC a affirmé qu’il peut être justifié

en vertu de la Charte d’imposer la prédominance de la langue française dans l’affichage

155 Voir Mahe c Alberta, [1990] 1 RCS 342, [1990] ACS 19 au para 66.

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Page 30: Énoncé des faits et historique judiciaire - McGill … · Web view. À la demande de Mme Beaulac, le Comité lui a également indiqué qu’il ne réexaminait pas les décisions,

au Québec156. Appliquer une proportion assurant la représentation suffisante des deux

langues officielles en journalisme est donc aussi justifié en vertu de la Charte.

[70] Somme toute, l’utilisation du principe directeur protège représente une

mise en balance adéquate des droits linguistiques des deux groupes, tout en assurant une

couverture diversifiée pour le public et un processus équitable pour les journalistes.

b. Le Comité a correctement mis en balance la liberté d’expression liée au contenu avec l’objectif de sa loi habilitante

[71] L’objectif d’amélioration de la qualité journalistique justifie l’exclusion de

certains contenus. Par exemple, le Comité pourrait vraisemblablement rejeter la

candidature d’un journaliste sportif car le contenu en question n’améliore pas la

couverture des campagnes électorales. L’objectif de diversité ne doit pas être considéré

de façon isolée et mener à un résultat incompatible avec l’objectif d’amélioration de la

compréhension des enjeux électoraux. Le nom même du « Comité pour l’excellence du

journalisme électoral »157 suggère que la qualité de l’information est l’objectif premier de

celui-ci. Il est en ce sens justifié d’exclure certains contenus en appliquant le critère de

« la profondeur de l’analyse [...] et sa contribution à la compréhension du processus

politique par les Canadiens »158.

[72] Il est raisonnable de considérer qu’une publication humoristique contribue

de façon moindre à la qualité de la couverture électorale. Le journalisme politique a

comme objectif de débusquer la vérité en confrontant les politiciens à des faits. Il vise à

informer et faire progresser le débat public autour d’enjeux sélectionnés avec rigueur et

traités avec neutralité. En revanche, la fonction du satiriste, dans les mots de la CSC, «

n’est pas tant de faire progresser le débat public que d’exercer le droit démocratique de 156 Ford c Québec (Procureur général), [1988] 2 RCS 712, [1988] ACS 88 [Ford].157 Beaulac CF, supra note 1 au para 7.158 Ibid au para 19.

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Page 31: Énoncé des faits et historique judiciaire - McGill … · Web view. À la demande de Mme Beaulac, le Comité lui a également indiqué qu’il ne réexaminait pas les décisions,

se moquer des gens qui protestent dans l’arène publique »159. Le satiriste veut d’abord

faire rire et s’écarte à cette fin de la neutralité journalistique et de la contribution au débat

public.

[73] Selon la CSC, « Ce sont les médias qui, en réunissant et en diffusant les

informations, permettent aux membres de notre société de se former une opinion éclairée

sur les questions susceptibles d'avoir un effet important sur leur vie et leur bien-être. »160

Elle ajoute dans l’arrêt Grant c Torstar Corp: « Il est capital que les médias se

conduisent de façon responsable lorsqu’ils couvrent des faits concernant des questions

d’intérêt public et qu’ils se conforment aux normes les plus exigeantes du

journalisme. »161 Les enjeux électoraux sont des questions d’intérêt public capitales pour

un pays. Dans ce contexte, il est justifié que le Comité donne priorité à l’analyse

journalistique rigoureuse, qui à son avis contribue mieux à l’amélioration de la

couverture électorale. Les laissez-passer étant peu nombreux, cet établissement de

priorité prend la forme d’une exclusion des contenus satiriques. Ce choix relève de

l'expertise particulière du Comité en matière d’excellence du journalisme électoral et la

Cour ne devrait pas facilement y substituer son opinion.

[74] La liberté de Mme Beaulac de produire un contenu humoristique n’est

limitée que dans un cadre bien précis : celui du programme des laissez-passer qui vise

l’amélioration de la couverture électorale. Dans l’affaire Canadian Arab Federation c

Canada, le non-renouvellement du financement d’un organisme a été considéré une

atteinte mineure à sa liberté d’expression puisque sans financement, l’organisme pouvait

159 WIC Radio, supra note 79 au para 48.160 Voir Société Radio-Canada c Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1991] 3 RCS 459, [1991] ACS 88 au para 31.161 Grant c Torstar Corp., 2009 CSC 61, [2009] 3 RCS 640 au para 53 [Grant].

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Page 32: Énoncé des faits et historique judiciaire - McGill … · Web view. À la demande de Mme Beaulac, le Comité lui a également indiqué qu’il ne réexaminait pas les décisions,

encore exprimer ses opinions politiques162. Pareillement, Mme Beaulac peut tout à fait

continuer à publier du contenu humoristique à propos des élections, comme elle l’aurait

fait sans l’existence du programme des laissez-passer.

[75] Le programme est fortement compétitif. Si Mme Beaulac obtenait un

permis, cela serait aux dépends d’un journaliste proposant une analyse rigoureuse. La

CSC reconnait que certaines formes d’expression sont moins au cœur de la liberté

d’expression que d’autres et qu’il est plus facile de justifier leur restriction163. Pour

atteindre sa mission d’excellence du journalisme électoral, le Comité a déterminé qu’il

était plus important de ne pas restreindre l’expression journalistique sérieuse que

l’expression humoristique. Le Comité a donc convenablement soupesé l’objectif de la loi

et le droit de Mme Beaulac d’exprimer un contenu humoristique.

iii. L’octroi de dommages-intérêts ne constitue pas une réparation convenable et juste eu égard à la décision du Comité

[76] L’article 24(1) de la Charte indique que la victime d’une violation d’un

droit garanti par celle-ci « peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la

réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances »164.

Comme l’ont souligné les juges Baker et Du Plessis, la méthode de l’arrêt Doré a été

employée pour évaluer la légalité d’une décision administrative, mais jamais pour donner

droit à des dommages-intérêts en vertu de l’article 24(1) de la Charte165. L’arrêt Ward

dicte qu’une telle réparation sera disponible uniquement dans certains cas limités et en

162 Canadian Arab Federation c Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2015 FCA 168, [2015] ACF 957 au para 25.163 Voir notamment R. c Sharpe, 2001 CSC 2, [2001] 1 RCS 45 au para 23; Rocket c Collège royal des chirurgiens dentistes d'Ontario, [1990] 2 RCS 232, [1990] ACS 65 à la p 247.164 Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 24(1) [Charte].165 Doré, supra note 27; Voir Beaulac CF, supra note 1 au para 53; Beaulac CAF, supra note 31 au para 30; Evan Fox-Decent et Alexander Pless, « The Charter and Administrative Law » dans Colleen M. Floor et Lorne Sossin, Administrative Law in Context, Toronto, Emond Montgomery, 2013 à la p 435.

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Page 33: Énoncé des faits et historique judiciaire - McGill … · Web view. À la demande de Mme Beaulac, le Comité lui a également indiqué qu’il ne réexaminait pas les décisions,

balise les conditions d’accès166. L’application de ce cadre d’analyse démontre que l’octroi

de dommages-intérêts ne constitue pas une réparation « convenable et juste »167 en

l’espèce.

[77] La première étape de Ward exige de démontrer la violation d’un droit

protégé168. Dans le cas de M. Ward, la violation était flagrante : une fouille à nu non

autorisée. Dans le cas du refus d’attribuer un laissez-passer à Mme Beaulac, il n’y avait

pas de droit protégé et la liberté d’expression de Mme Beaulac a été correctement mise

en balance avec les objectifs de la loi169. Il n’y a donc pas eu de violation.

[78] La deuxième étape de Ward demande d’identifier une justification

fonctionnelle à l’attribution de dommages-intérêts, et à la troisième étape, on considère

les facteurs faisant contrepoids à l’indemnisation170. L’efficacité gouvernementale fait

contrepoids à l’indemnisation et justifie de ne pas attribuer de dommages-intérêts en

l’espèce. Le Comité a été créé et mis en place pour répondre aux préoccupations des

journalistes et a permis d’améliorer la qualité et la diversité de la couverture électorale171.

Lorsque le Comité prend ses décisions, il doit examiner concurremment près de 200

candidatures et soupeser des considérations économiques, sociales et politiques pour

atteindre son objectif172. Pour chaque demande acceptée, quatre ou cinq seront refusées.

Le Comité prend une décision polycentrique, en tenant compte à la fois des intérêts du

public, des médias et de ressources limitées. Exposer le Comité à des demandes

d’indemnisation individuelles pour ses choix complexes nuirait à l’exercice de sa

166 Ward, supra note 119.167 Charte, supra note 164.168 Ward, supra note 119 au para 23.169 Voir la section III(c)(i)(ii) ci-dessus.170 Ward, supra note 119 au para 27.171 Beaulac CF, supra note 1 aux paras 6 et 10.172 Ibid au para 11.

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Page 34: Énoncé des faits et historique judiciaire - McGill … · Web view. À la demande de Mme Beaulac, le Comité lui a également indiqué qu’il ne réexaminait pas les décisions,

discrétion dans son mandat législatif légitime. Cet effet néfaste sur l’efficacité

gouvernementale découragerait les gouvernements de créer de tels programmes qui

bénéficient au public canadien.

[79] Finalement, l’arrêt Ward indique que « les seuils et les moyens de défense

issus du droit privé peuvent aider à déterminer si l’octroi de dommages-intérêts en vertu

du par. 24(1) est “convenable et juste” »173. Puisque la décision en l’espèce bénéficie

d’une immunité relative en droit privé tel qu’exposé ci-haut174, il ne serait pas juste et

convenable d’octroyer des dommages-intérêts en vertu de la Charte.

IV. Décisions recherchées

[80] Pour ces raisons, les appelants demandent à la Cour canadienne de justice de :

ACCUEILLIR l’appel principal et annuler l’attribution des dommages-intérêts par la Cour d’appel fédérale ;

REJETER l’appel incident et maintenir la décision de la Cour d’appel fédérale liée à la responsabilité de l’État sous la Charte canadienne des droits et libertés.

LE TOUT, RESPECTUEUSEMENT SOUMIS, le 25e jour de janvier 2016.

_________________________ _________________________Plaideur #1 Plaideur #2Sandrine Raquepas Michel Bélanger-Roy

173 Ward, supra note 119 au para 43.174 Voir la section III(b)(i) ci-dessus.

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V. ANNEXE A

Législation

Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11.

Code civil du Québec, RLRQ, c C-1991.Loi électorale du Canada, LRC 2000, c 9.Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C-

50, art 3.Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

Jurisprudence

Agence canadienne d'inspection des aliments c Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CSC 66, [2010] 3 RCS 657.

Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 RCS 559.

Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers' Association, 2011 SCC 61, [2011] 3 RCS 654.

Assoc. des femmes autochtones du Canada c Canada, [1994] 3 RCS 627, [1994] ACS 93.

Baier c Alberta, 2007 CSC 31, [2006] 2 RCS 673.Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 RCS 817, 174

DLR (4th) 193.Beaulac c Sa Majesté la Reine, 2015 FC 87.Beaulac c Sa Majesté la Reine, 2015 FCA 271.Bou Malhab c Diffusion Métromédia CMR inc, 2011 CSC 9, [2011] 1 RCS 214.Brown c Colombie-Britannique (Ministre des Transports et de la Voirie), [1994] 1 RCS

420, [1994] ACS 20.Caimaw c Paccar of Canada Ltd, [1989] 2 RCS 983, [1989] ACS 107.Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339. Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c Southam Inc, [1997] 1 RCS 748, [1997]

ACS 116. Canada (Procureur général) c Imperial Tobacco Ltd, 2012 QCCA 2034, [2012] RJQ

2046.Canada (Procureur général) c Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2 RCS 735, [1980]

ACS 99.Canadian Arab Federation c Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2015

FCA 168, [2015] ACF 957.Catalyst Paper Corp c North Cowichan (District), 2012 SCC 2, [2012] 1 RCS 5.Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 RCS 350.Cooper c Hobart, 2001 CSC 79, [2001] 3 RCS 537.Delisle c Canada (Sous-procureur général), [1999] 2 RCS 989, [1999] ACS 43.Deniso Lebel Inc c Cie Price, [1996] RJQ 2085, [1996] JQ 1956 (CA Qc).

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Design Services Ltd c Canada, 2008 CSC 22, [2008] 1 RCS 737.Devine c Québec (Procureur général), [1988] 2 RCS 790, [1988] ACS 89.Doré c Barreau du Québec, 2012 SCC 12, [2012] 1 RCS 395.Dunmore c Ontario (Procureur général), 2001 CSC 94, [2001] 3 RCS 1016.Dunsmuir v New Brunswick, 2008 SCC 9, [2008] 1 RCS 190. Edwards c Barreau du Haut-Canada, 2001 CSC 80, [2001] 3 RCS 562.Entreprises Sibeca Inc c Frelighsburg (Municipalité), 2004 CSC 61, [2004] 3 RCS 304.Ex parte Gould, [1854] 2 RJRQ, 376 (CS).Finney c Barreau du Québec, 2004 CSC 36, [2004] 2 RCS 17.Ford c Québec (Procureur général), [1988] 2 RCS 712, [1988] ACS 88.Grant c Torstar Corp., 2009 CSC 61, [2009] 3 RCS 640.Guimond c Québec (Procureur général), [1996] 3 RCS 347, [1996] ACS 91.Haig c Canada (Directeur général des élections), [1993] 2 RCS 995, [1993] ACS 84.Hinse c Canada (Procureur général), 2015 CSC 35, [2015] 2 RCS 621. Holland c Saskatchewan, 2008 CSC 42, [2008] 2 RCS 551.Irwin Toy Ltd c Québec (Procureur général), [1989] 1 RCS 927, [1989] ACS 36. Just c Colombie-Britannique, [1989] 2 RCS 1228, [1989] ACS 121.Kamloops c Nielsen, [1984] 2 RCS 2, [1984] ACS 29.La Reine c Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 RCS 205, [1983] ACS 14.Laurentide Motels Ltd c Beauport (Ville), [1989] 1 RCS 705, [1989] ACS 30.Little Sisters Book and Art Emporium c Canada (Ministre de la Justice), 2000 CSC 69,

[2000] 2 RCS 1120. Mackin c Nouveau-Brunswick (Ministre des Finances), 2002 CSC 13, [2002] 1 RCS 405.Mahe c Alberta, [1990] 1 RCS 342, [1990] ACS 19.Martineau c Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 RCS 602, [1979]

ACS 121.Montréal (Ville) c 2952-1366 Québec Inc, 2005 CSC 62, [2005] 3 RCS 141.Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du

Trésor), 2011 SCC 62, [2011] 3 RCS 708. Paradis Honey Ltd c Canada, 2015 CAF 89, [2015] ACF 399.Prud'homme c Prud'homme, 2002 CSC 85, [2002] 4 RCS 663.R. c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, [2011] 3 RCS 45.R. c Oakes, [1986] 1 RCS 103, [1986] ACS 7. R. c Sharpe, 2001 CSC 2, [2001] 1 RCS 45.Rocket c Collège royal des chirurgiens dentistes d'Ontario, [1990] 2 RCS 232, [1990]

ACS 65.Roncarelli c Duplessis, [1959] RCS 121, 16 DLR (2d) 689. Schachter c Canada, [1992] 2 RCS 679, [1992] ACS 68.Siemens c Manitoba (Procureur général), 2003 CSC 3, [2003] 1 RCS 6.Singh c Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 RCS 177, [1985] ACS 11.Société Radio-Canada c Canada (Procureur général), 2011 CSC 2, [2011] 1 RCS 19.Société Radio-Canada c Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1991] 3 RCS 459,

[1991] ACS 88.Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté de l'Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1

RCS 3.Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c

Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, [2013] 2 RCS 458.

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Timberwest Forest Corp. c Canada, 2007 CAF 389, [2007] ACF 1649.Vancouver (Ville) c Ward, 2010 CSC 27, [2010] RCS 28.Wells c Terre-Neuve, [1999] 3 RCS 199, [1999] ACS 50.WIC Radio Ltd c Simpson, 2008 CSC 40, [2008] 2 RCS 420.

Sources secondaires

Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Avis public de radiodiffusion CRTC 2006-158, en ligne: CRTC http://www.crtc.gc.ca/fra/archive/2006/pb2006-158.htm.

Evan Fox-Decent et Alexander Pless, « The Charter and Administrative Law » dans Colleen M. Floor et Lorne Sossin, Administrative Law in Context, Toronto, Emond Montgomery, 2013.

Henri Brun et al, Droit constitutionnel, 6e éd, Montréal, Yvon Blais, 2014.

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