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26 Québec Science | Décembre 2013 S p é c i a l t e mp s d e s f ê tes minuit, chré l’aigu fatidi

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26 Québec Science | Décembre 2013

Spécial temps des fêtes

minuit, chrét l’aigu fatidiq

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ous les 24 décembre, elle re-vient, cette «heure solen nelle».Plutôt que d’inspirer le respect,elle provoque parfois le rire.Les fidèles réunis à l’église du

village – les moins fidèles aussi qui ontsorti leurs beaux atours pour l’occasion –semblent écouter le Minuit, chrétiens avecun pieux recueillement. En réalité, toussont crispés en attendant le moment fati-dique. Celui où le ténor du coin entamerala fin du morceau, poussant le dernier«Noëëëëëëëël» en s’égosillant pour attein-dre la note la plus aiguë. Sera-t-elle fausse? «Votre paroisse n’héberge probablement

pas Placido Domingo! Alors, vous avezcertainement entendu cet air chantépar des amateurs», rigole Robin Whee-ler, professeur à la faculté de musiquede l’Université de Montréal et directeurde l’Atelier d’opéra de cette institution.

«Le Minuit, chrétiens n’est pas facilesi on le compare à d’autres chants de Noël,comme Les anges dans nos campagnes,dit-il. L’étendue du registre exige d’allerchercher des notes basses au début, puisde lancer des aiguës en finale. Ça prendun bon entraînement pour y arriver.» Cependant, s’entraîner ne suffit pas tou-

jours. Pour certains, ce serait même peineperdue, révèlent les travaux de Sean Hut-chins, chercheur postdoctoral au RotmanResearch Institute de l’hôpital Baycrest,à Toronto. Cet expert en neurosciencesétudie depuis des années la façon dont

notre cerveau traite les informations mu-sicales. Il s’intéresse tout particulièrementà la voix, et aux raisons pour lesquelleselle sonne si rarement juste.«Le chant, c’est comme le tir à l’arc, il-

lustre le scientifique. Il faut maîtriser troisétapes pour l’exécuter correctement. Àl’arc, on doit d’abord repérer la cible àatteindre. Ensuite, orienter son arme dansla bonne direction. Finalement, exécuterle mouvement. Pour chanter juste, il fautpremièrement être capable d’entendre lahauteur de la note qu’on veut reproduire.Notre cerveau doit ensuite la traduire,c’est-à-dire la convertir en note chantée.Enfin, il faut savoir contrôler les musclesdu larynx et ceux de la respiration pourémettre correctement le son.»Dans le cadre d’une étude qu’il a réalisée

au centre de recherche BRAMS, à l’Uni-versité de Montréal, Sean Hutchins a re-cruté des individus sans formation musicalepour tester leur capacité à entendre et àreproduire exactement des notes. Selonses résultats, seulement 3% de la popu-lation éprouverait un problème de per-ception – la première des trois étapes.«Avec ceux-là, il n’y a pas grand-chose àfaire, estime le chercheur. Ils ne distinguentpas le ré d’un si. Ils n’entendent mêmepas qu’ils chantent faux.»Chez 35% des personnes étudiées, c’est

la deuxième étape qui cloche. Lorsqu’ellesentendent un ré chanté, elles arrivent à lereproduire sans trop de mal. Mais si la

même note est jouée au piano ou au saxo-phone, leur cerveau n’arrive pas à laconvertir pour la reproduire vocalement. Enfin, près de 20% des personnes testées

entendent la note, arrivent à la traduire,mais sont incapables d’utiliser correc -tement leurs muscles et de fournir le soufflenécessaire pour émettre le son adéquat.«Ce sont elles qu’on peut entraîner le plusaisément», affirme le neuroscientifique.Rosemarie Landry, une soprano d’ori -

gi ne acadienne qui dirige aujourd’hui leprogramme de chant à la faculté de mu-sique de l’Université de Montréal, apoussé le Minuit, chrétiens à quelquesreprises dans la petite église de sa villenatale, Caraquet. «Eh oui, il y a desfemmes qui le chantent !» dit-elle de savoix envoûtante. «Si l’interprète force trop la voix dans

les premières minutes, pour donner duvolume et épater la galerie, il ne pourrapas tenir jusqu’au bout de manière à at-teindre les aigus de la fin, explique la can-tatrice. Sa voix va casser. En plus, la notela plus haute survient sur le “ëëëëëëëë”de Noël. Il faut ouvrir la bouche largementet le son s’échappe sur les côtés. Ce n’estpas comme le O, qui est poussé en avant.»Selon Robin Wheeler, la peau de banane

est particulièrement glissante quand ils’agit du Minuit, chrétiens. «Tout lemondeconnaît ce cantique par cœur et attendl’aigu fatidique. Alors, si la voix casse, çane passe jamais inaperçu!» �QS

Le Minuit, chrétiens chanté à la messe de Noël nous écorche parfois les oreilles. Certains interprètes, pourtant fort bien intentionnés, n’arrivent pas à le chanter juste. Mais pourquoi?

Par Dominique Forget

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