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Spécial Enveloppe du bâtiment Bilan exemplaire pages 14-21 Parlement vaudois, Lausanne Démocratie en chantier pages 23-33 Fête fédérale de lutte, Estavayer-le-Lac Vive le roi! pages 44-45 Spécial Machines Urban style pages 34-43 Le magazine des professionnels du Bâtiment et des Travaux Publics - 45 e année - 544 e parution N o 7 • septembre 2016 - www.chantiers.ch

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Spécial Enveloppe du bâtimentBilan exemplaire pages 14-21

Parlement vaudois, Lausanne Démocratie en chantier pages 23-33

Fête fédérale de lutte, Estavayer-le-Lac Vive le roi! pages 44-45

Spécial Machines Urban style pages 34-43

Le magazine des professionnels du Bâtiment et des Travaux Publics - 45e année - 544e parution

No 7 • septembre 2016 - www.chantiers.ch

No 7 • septembre 2016 23

REPORTAGE

RESTAURATION

Parlement vaudois et château Saint-Maire, Lausanne

Démocratie en chantierLes flammes et les années ont mis à mal les lieux de la démo-cratie vaudoise. Le Parlement et le château sont tous deux en chantier. Le chef du Départe-ment des finances et des rela-

tions extérieures, Pascal Brou-lis, a pris ces dossiers en main avec passion et nous fait visiter deux bâtiments qu’il connaît dans les moindres détails.

Par Massimo Simone

1. Pascal Broulis, chef du Département des finances et des relations extérieures du Canton de Vaud, se réjouit de voir les lieux du pouvoir remis à neuf.2. Le Parlement se fait remarquer sans détonner.

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C’est un Pascal Broulis inattendu que l’on rencontre sur l’esplanade de la

Cité. Passionné et parfaitement à l’aise au milieu des gravats, agile sur les échafau-dages comme il l’est avec les chiffres. Le patron des Finances vaudoises a repris le dossier de la reconstruction du Parlement alors que celui-ci était pratiquement dans l’impasse pour cause de refus populaire de la nouvelle architecture, et en particu-lier de la toiture, proposée par le premier projet. L’homme a su remettre tout le monde autour d’une table et, arrondissant les angles (un peu) et redimensionnant le toit (surtout), il a évité que le site ne reste en friche encore plus longtemps et que les parties historiques pouvant encore être

sauvées ne soient définitivement perdues. Le chantier est aujourd’hui bien avancé et l’inauguration approche à grands pas.

Dans le respect des institutions, la rénova-tion centenaire du château Saint-Maire pré-vue de longue date, était mise en attente. «Il aurait été mal venu, explique Pascal Brou-lis, que l’on rénove le château avant d’avoir trouvé la solution pour le Parlement. Dès que la situation s’est débloquée, nous avons pu voter le crédit pour le château avec des projets quasi définitifs.» Aujourd’hui, le site de Perregaux, la butte qui domine la colline de la Cité et qui donne appui à ces deux bâtiments emblématiques de la démocratie vaudoise, est un vaste chantier.

Toit tais-toi!Pendant trop longtemps, palissades, étais de sécurisation et herbes folles ont occupé le site du Parlement. Après les flammes de la nuit du 13 au 14 mai 2002, la ruine est restée à l’abandon durant près de quinze ans.

À l’effroi des premiers jours ont succédé les rassurantes envies de reconstruction à l’identique et les ambitions de tabula rasa et de modernité. Puis, est venu le temps du concours et de son projet lauréat contesté pour une toiture jugée par beaucoup comme trop imposante, disproportionnée, disgra-cieuse et non intégrée, en particulier à cause du revêtement métallique proposé par les concepteurs. De consultations en polém-iques, de comités de défense patrimoniale en choux gras médiatiques, la reconstruction était de nouveau en stand-by. Ce n’est qu’en ramenant le toit à un style et à une volumé-trie plus traditionnels que le débat se tait et que les travaux démarrent. Des découvertes historiques, en particulier une magnifique fresque de deux étages, imposent un bref nouvel arrêt et un remaniement de quelques espaces techniques.

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2 3 1 à 4. La nouvelle entrée est animée par un escalier monumental.

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La date choisie pour l’inauguration du nou-veau Parlement est symbolique puisqu’elle correspond à la séance d’entrée du Canton dans la Confédération tenue le 14 avril 1803; 214 ans plus tard, au printemps 2017, le nou-veau Parlement sera officiellement opération-nel. Les travaux du château, quant à eux, se prolongeront jusqu’à l’été 2018.

Le Canton de Vaud vit donc la rare situation de la rénovation simultanée des deux princi-

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4. Le grand foyer attend son sol en galets du lac.5. Les anciennes tuiles sont triées, récupérées et seront mélangées à des nouvelles afin de compléter la couverture.

symbolique, tout en affirmant l’intervention actuelle et en assurant les fonctionnalités attendues.

La rue médiévale qui mène du château à la cathédrale, la rue Cité-Devant, longe le groupe de bâtiments qui compose aujourd’hui le Par-lement et son administration. C’est là qu’une façade sans valeur particulière laisse place à un pan vitré qui fait office d’entrée monu-mentale. Un nouveau mur en béton brut fait

paux lieux de pouvoir. Les deux bâtiments étant voisins, cela a l’avantage d’optimiser les installations de chantier, les espaces de stoc-kage et les équipements; une unique grue des-sert par exemple les deux chantiers.

Le projet final du nouveau Parlement allie avec élégance l’ancien et le moderne. Ce dia-logue fin est dicté par la volonté de conserver et de restaurer toutes les parties historiques dans le respect de leur valeur patrimoniale et

face à l’une des plus anciennes maisons de Lausanne. Un escalier de métal et de bois, à la géométrie travaillée, ajoute force et ascension à ce vaste volume de transition, fermé mais non chauffé, évidé sur une triple hauteur.

Une buvette, des salles de réunions (anciennes salles de réceptions de l’évêque) s’ouvrant sur une courette/jardin ainsi que des locaux de service, composent le niveau bas. Ici, une importante reprise en sous-œuvre rend encore plus suggestif le dialogue béton/briques renaissance. À mi-hauteur, une petite galerie permettra d’admirer la fresque sur toute sa hauteur.

1 21, 2 et 3. La salle du Parlement: une organisation efficace, une lumière solennelle.

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Le grand escalier mène au niveau princi-pal. Passé les surfaces administratives, deux espaces majeurs sont ici présents, le grand foyer et la salle du Parlement.

Le premier s’ouvre sur la petite esplanade qui unit le Parlement au château. C’est une vaste pièce aux allures de salle de bal dont les murs avaient passablement souffert. D’importantes reprises ont été effectuées pour restaurer l’aspect de la façade origi-nelle. Pierres anciennes, petites balustres classiques et autres colonnes sont autant d’éléments d’ornement. Mais c’est surtout le magnifique sol en galets du lac, dont la mosaïque dessine une étoile, qui marque le

lieu. Un nouveau toit en béton, aux arêtes travaillées ajoute au caractère.

Puis l’on pénètre enfin dans la salle du Par-lement. Le plan est pratiquement carré et quelques gradins dessinent l’hémicycle. Les cent cinquante parlementaires auront chacun leur place nominative (bureau, tiroir fermé à clé et une chaise volante) et un contact visuel direct avec la présidence, placée au centre.

Le bois est omniprésent. Claire, lumineuse, douce, même en chantier, la salle respire déjà l’harmonie. Les ouvertures offrent de magni-fiques points de vue sur la ville et la verrière centrale promet une lumière zénithale saisis-sante.

Le toit, bien que réduit de 30% par rapport aux dimensions du projet du concours, est une nouveauté technologique intéressante, fruit d’un long travail de recherche et Déve-loppement mené conjointement par l’Atelier Volet et l’EPFL.

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1 et 5. Bien qu’intéressantes du point de vue historique, les pièces du château sont parfois difficiles à utiliser dans leur affectation actuelle.2 à 4. Le château attendait une rénovation majeure depuis une septantaine d’années.

«fonctionnels et efficients, ces lieux ont aussi

une dimension fortement symbolique»

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Cette pyramide tronquée d’une quinzaine de mètres de haut est composée de grands panneaux en bois préassemblés. La charge est distribuée sur toute la surface du toit et non sur des points comme c’est le cas avec une toiture classique; ici il n’y a ni poutres, ni chevrons. L’habillage métallique imaginé par les architectes laisse la place à une cou-verture de tuiles traditionnelles.

Vie de châteauConstruit dès l’an 1396, le château Saint-Maire est à son origine un lieu de défense et d’habitation à l’usage des évêques. En forme de grand cube (25 x 23 mètres pour une hau-teur de 25 mètres), la bâtisse aux dimensions humaines et compactes, est classée en tant que bien culturel d’importance nationale.

L’intervention actuelle est dictée par la vétusté. En effet, aucune rénovation majeure n’a été réalisée depuis une septantaine d’années.

Le toit du Parlement, redimensionné et habillé de tuiles vaudoises traditionnelles, pourrait presque passer inaperçu. Pour-tant, il concentre moult innovations. La salle du Parlement qu’il chapeaute offre près de 300 m2 de surface. Le toit, haut d’une quinzaine de mètres, est un assem-blage de grands panneaux de bois entre-croisés et superposés. La structure en résulte remarquablement robuste et l’es-pace perdu est minimisé.

Cette innovation est le fruit des dévelop-pements menés au sein du Laboratoire de construction en bois de l’EPFL. Les grands panneaux préassemblés consti-tuent à la fois la surface et sa structure. Ces éléments supportant la charge, il est possible de répartir l’ensemble des forces le long de la surface entière du toit, plutôt

que de la concentrer dans des points spé-cifiques.

Ce système de toit sans poutraison est rendu possible par le développement de panneaux à stratification croisée, une inno-vation majeure dans la technologie du bois. En collant les éléments de bois de manière que la direction de leurs fibres alterne couche après couche, les panneaux offrent une rigidité élevée, même quand il s’agit de panneaux très minces. Le toit est fabriqué à base de matière première issue exclusive-ment des forêts du canton; quelque 1000 m3 de grumes des bois du Jorat travaillés dans la région. Le traitement final est réa-lisé dans le sud de l’Allemagne.

Une tour temporaire de prépose a été ins-tallée pour le montage. Haute de douze

mètres, elle a permis de travailler de manière optimale. Elle sert en effet d’appuis provi-soire pour les pièces en phase de montage. Des ferrures de base sont fixées aux murs porteurs, puis les panneaux multiplis qui forment les pans de la toiture sont mis en place. La partie supérieure est composée de panneaux longs de 9,6 m et larges de 2,5 m. Des arêtes longues d’une vingtaine de mètres complètent le tout.

Des panneaux de fibre de bois font office d’isolation thermique alors que les lattages et contre-lattages sont eux aussi préassem-blés en panneaux puis posés à l’aide de la grue. Des tuiles vaudoises spécialement choisies pour s’intégrer harmonieusement dans le quartier historique de la Cité (tuile plate cannelée traditionnelle de taille stan-dard) viendront habiller le tout.

Toit du Parlement

L’innovation habillée par la tradition

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11 et 2. La charpente est mise à nu et assainie ponctuellement.

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Principaux intervenants

Maître d’ouvrageÉtat de Vaud

Département des finances et des relations extérieures

Service Immeubles, Patrimoine et Logistique, Lausanne

ArchitectesAtelier Cube & Bonell i Gil, Lausanne

Ingénieurs civilsBureau d’études Weinand, Liège

Maçonnerie, béton arméADV Constructions SA, Penthaz

MaçonnerieCamandona SA, Crissier

CharpenteAtelier Volet SA, Saint-Légier

Ingénieurs CVSE (Parlement)

AZ Ingénieurs, Bulle

Étanchéité (Parlement)

Groupe Georges Dentan SA, Renens

Ingénieurs civils (Château)

AIC Ingénieurs conseils SA, Lausanne

Ingénieurs électricité (Château)

Thorsen Sàrl, Échandens

Tous les réseaux (électricité, sanitaire, chauf-fage) sont à remettre entièrement à neuf. Un ascenseur est créée dans une épaisseur de mur. Des nouvelles salles de réunions sont aména-gées et des accessibilités supplémentaires sont créées, notamment au niveau du parking et de la cour. Le bâtiment, forteresse à son ori-gine, devient un peu plus ouvert et sa richesse intérieure, faite de molasse, de briques renais-sance, de boiseries travaillées et surtout de nombreuses peintures, est mise en valeur.

Le Conseil d’État, la Chancellerie d’État et l’état-major du Département de l’intérieur ont leur siège ici. Bien que les grandes salles per-mettent un aménagement intéressant, certains espaces, exigus et peu éclairés, restent difficiles à utiliser dans leur affectation actuelle.

La structure primaire est parfaitement saine. La rénovation jongle avec les centimètres: murs rénovés, peintures protégées, sols ravi-vés et récentes découvertes historiques se che-vauchent continuellement. La charpente est mise à nu et assainie ponctuellement. Les nou-velles isolations et étanchéités seront habillées d’un mix de tuiles anciennes et actuelles. Là aussi le chantier se veut exemplaire, avec une sélection minutieuse et une récupération pièce par pièce. •

REPORTAGE

Les deux principaux lieux de pouvoir du canton de Vaud sont simultanément en rénovation. Lieux hautement symboliques, ils seront bientôt rendus à leur noble fonction.