ni capitalisme ni centralisme : indépendance et socialisme

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FACE LA CRISE Ni centralisme, ni capitalisme, Indépendance et socialisme ! eWDWV FRPSOLFHV GH OD FULVH ¿QDQFLqUH et mobilisations indépendantistes L e 11 septembre, une manifestation pour l’indépendance de la Catalogne a réuni près de 2 millions de personnes à Barcelone, onze jours plus tard une marche était organisée à Edimbourgh pour annoncer le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse qui aura lieu en 2014. Durant l’été c’était le Syndicat Andalou des Travailleurs qui se portait en pointe du combat social européen en organisant des ré- appropriations collectives et des occupations lors de marches ouvrières intitulées «Andalou- sie debout !». De même au Québec, les élec- tions organisées à la suite du mouvement so- cial étudiant ont vu le gouvernement de droite libéral se faire éjecter par les indépendantistes. E n Ecosse, au Québec, en Catalogne, au Pays Basque, en Galice et même en An- dalousie les politiques budgétaires antisocial- es des gouvernements centraux renforcent la revendication du droit à l’autodétermination comme alternative face à la crise économ- ique. La désillusion est complète sur les gou- vernements des Etats occidentaux qui ont préféré sauver les banques en 2008-2009 plutôt que de défendre leur peuple face aux spécula- WLRQV GHV ¿QDQFLHUV $SUqV O¶pPHUJHQFH SXLV OH déclin d’un «mouvement des indignés» qui n’a SDV VX GRQQHU GH SHUVSHFWLYHV VXI¿VDQWHV DX[ peuples d’Europe, le réveil de certaines nations sans Etat se regarde différemment à travers le prisme d’une crise qui s’installe durablement. N ous le savons, les politiques économiques antisociales imposées par l’Union Europée- nne, depuis Maastricht et jusqu’au TSCG, ont participé à une montée des extrêmes droites nationalistes en même temps que les peuples perdaient peu à peu tout illusion d’une Europe symbole de fraternité et de justice sociale. Il peut paraître en ce sens déplorable que les organi- sations de gauche françaises n’offrent aucune analyse quant aux 2 millions de catalans (dont des ressortissants français) qui se sont mobili- sés ces dernières semaines dans les rues de Barcelone, ou pire, qu’avec certains médias, ils y voit un «repli identitaire égoïste comparable en temps de crise à ce qui s’est passé dans le nord de l’Italie ou en Slovénie». Il nous parait ici nécessaire de rappeler dans quel mesure ces mobilisations participent du mouvement Manifestation du 11 septembre à Barcelone. Marche pour l’indépendance de l’Écosse (22/09/12). 06/10/2012

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Texte d'analyse de la Gauche Indépendantiste Bretonne (Breizhistance IS) à propos des mobilisations à construire face à la crise financière.

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Page 1: Ni capitalisme ni centralisme : indépendance et socialisme

FACE À LA CRISE Ni centralisme, ni capitalisme,Indépendance et socialisme !

eWDWV�FRPSOLFHV�GH�OD�FULVH�¿QDQFLqUH�et mobilisations indépendantistes

Le 11 septembre, une manifestation pour l’indépendance de la Catalogne a réuni près

de 2 millions de personnes à Barcelone, onze jours plus tard une marche était organisée à Edimbourgh pour annoncer le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse qui aura lieu en 2014. Durant l’été c’était le Syndicat Andalou des Travailleurs qui se portait en pointe du combat social européen en organisant des ré-appropriations collectives et des occupations lors de marches ouvrières intitulées «Andalou-sie debout !». De même au Québec, les élec-tions organisées à la suite du mouvement so-cial étudiant ont vu le gouvernement de droite libéral se faire éjecter par les indépendantistes.

En Ecosse, au Québec, en Catalogne, au Pays Basque, en Galice et même en An-

dalousie les politiques budgétaires antisocial-es des gouvernements centraux renforcent la revendication du droit à l’autodétermination comme alternative face à la crise économ-ique. La désillusion est complète sur les gou-

vernements des Etats occidentaux qui ont préféré sauver les banques en 2008-2009 plutôt que de défendre leur peuple face aux spécula-WLRQV�GHV�¿QDQFLHUV��$SUqV�O¶pPHUJHQFH��SXLV�OH�déclin d’un «mouvement des indignés» qui n’a SDV�VX�GRQQHU�GH�SHUVSHFWLYHV�VXI¿VDQWHV�DX[�peuples d’Europe, le réveil de certaines nations sans Etat se regarde différemment à travers le prisme d’une crise qui s’installe durablement.

Nous le savons, les politiques économiques antisociales imposées par l’Union Europée-

nne, depuis Maastricht et jusqu’au TSCG, ont participé à une montée des extrêmes droites nationalistes en même temps que les peuples perdaient peu à peu tout illusion d’une Europe symbole de fraternité et de justice sociale. Il peut paraître en ce sens déplorable que les organi-sations de gauche françaises n’offrent aucune analyse quant aux 2 millions de catalans (dont des ressortissants français) qui se sont mobili-sés ces dernières semaines dans les rues de Barcelone, ou pire, qu’avec certains médias, ils y voit un «repli identitaire égoïste comparable en temps de crise à ce qui s’est passé dans le nord de l’Italie ou en Slovénie». Il nous parait ici nécessaire de rappeler dans quel mesure ces mobilisations participent du mouvement

Manifestation du 11 septembre à Barcelone.

Marche pour l’indépendance de l’Écosse (22/09/12).

06/10/2012

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social contre l’austérité, et sont l’opposé d’un nationalisme fermé. A ce titre nous ne serons que conseillé le texte de Neal Baxter, militant indépendantiste galicien, envoyé en guise de réponse à un article paru dans le Tout est nous n°159 (organe du NPA)

Bien sûr Arthur Mas, à la tête du gouvernement catalan, qui a convoqué de nouvelles élec-

tions pour novembre et dans lesquelles la question du droit à l’autodétermination sera centrale, et Alex Salmond, premier ministre du gouvernement écossais, sont loin d’être de fé-rus anticapitalistes. Néanmoins leurs discours sur la question nationale se base clairement sur une aspiration populaire à une politique de justice sociale face à l’austérité. Pour le cas d’Arthur Mas, il y est même contraint par les mobilisations sociales et nationales. Lors de la marche du 22 septembre à Edimbourgh, la mobilisation s’est clairement faite sur des mots d’ordre d’opposition à la politique d’austérité du Royaume-Uni. Alex Salmond y a pris la parole en déclarant que l’indépendance avait SRXU�VLJQL¿FDWLRQ�©O¶DUUrW�GHV�FRXSHV�VRFLDOHV��empêcher les écossais d’aller à la guerre qu’ils ne veulent pas et éliminer les armes nucléaire du pays». Le leader du Parti Vert, Patrick Har-vie, appelait à une indépendance «qui casse les pouvoirs des multinationales et des banquiers.», pendant que Denis Canavan, ancien unioniste, disait lui, qu’en tant qu’internationaliste il voyait l’indépendance comme un moyen d’atteindre la justice sociale.

De même les mobilisations et grèves contre les politiques d’austérité qui ont eu lieu cette

semaine dans l’Etat Espagnol posaient claire-ment la question du droit à l’autodétermination en Galice, en Andalousie, en Catalogne et

notamment en Pays Basque. Près de 150 000 personnes se sont mobilisées dans les rues du pays Basque le 26 septembre à l’occasion d’une grève générale à l’appel de l’ensemble des syndicats indépendantiste. Celles-ci avec une requête adressée directement aux autori-tés locales et demandant à passer du «j’ ap-plique la réforme du gouvernement central parce que c’est obligatoire» au «je ne peux pas l’appliquer parce que la société du Pays Basque l’a refusée». Pendant ce temps, au sud de la péninsule, les réappropriations collectives de terres agricoles se déroulent toujours sous les couleurs blanches et vertes du drapeau an-dalou.

Ce constat d’interpénétration entre revendi-cation nationale et revendication sociale

pourrait être aussi fait pour le Quebec, qui après plusieurs mois d’une mobilisation contre la réforme de l’université imposée par Ottawa et le gouvernement Québecois néo-libéral, a débouché sur une victoire et le retour en avant de la revendication indépendantiste, avec la construction d’un bloc de gauche radical in-dépendantiste (Quebec Solidaire) s’installant durablement dans le pays.

C’est bien le dynamisme social des in-dépendantistes comme force progressiste

défendant le droit de la majorité sociale de chaque nation, qui permet d’expliquer pour-quoi les gouvernements centraux remettent en cause l’autonomie des pouvoirs locaux et régionaux au Québec ou en Catalogne. Qui croirait, au vue de l’assujettissement de gou-YHUQHPHQWV�FHQWUDX[�j�OD�¿QDQFH��TX¶LO�V¶DJLW�LFL�d’équité territoriale à l’intérieur de ces Etats ?

Marche ouvrière andalouse (08/09/12).

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La revendication indépendantiste bretonne au service du mouvement social

De la même manière qu’il est acquis que revendications écologistes et revendica-

tions sociales se sont interpénétrées pour élargir et renforcer la palette de l’opposition à l’ordre capitaliste, la revendication du droit à l’autodétermination comme légitimité dé-mocratique pour s’opposer aux réformes néo-libérales et l’ordre économique, doit pénétrer le mouvement social en Bretagne. Elle donne clairement plus de force à nos revendications et dame le pion à l’extrême droite sur le plan identitaire. Cette conscience permet de ne pas attendre sans cesse des directives de centrales parisiennes mollassonnes et bureaucratiques, d’organiser la lutte localement quand de tous les côtés les plans sociaux se multiplient.

C’est d’ailleurs ce que nous mettions en avant au moment des grèves en Martinique et en

Guadeloupe en 2009. L’aspiration indépendan-tiste, par sa non-sujétion au pouvoir centrale, y a permis l’émergence d’une revendication et d’un mouvement social mené localement et à OD�EDVH�� WHUULEOHPHQW�SOXV�HI¿FDFH�TXH� OHV� WUD-ditionnels rendez-vous syndicaux hexagonaux.

Malheureusement, les organisations syn-dicales françaises, comme le Front de

gauche, ou dans une moindre mesure le NPA, voient toutes constructions de dynamique à tra-vers la seule échelle étatique et dans le cadre d’accord entre organisations centralisées. Priv-ilégiant ainsi le jeu électoral, parfois utile, mais au détriment du travail extraparlementaire et de la remise en cause des institutions central-

istes françaises (présen-tées comme le nec plus ultra tricolore de l’égalité sociale face à la méchan-te Europe). Elles militent de facto pour le maintien des institutions françaises qui n’ont jamais garanti l’équité territoriale et un égal accès aux biens et services publics. Alors qu’un «acte III de la dé-centralisation» est annoncé prochainement, en même temps qu’une réforme territoriale qui laissera entrevoir le discours austère du traité budgétaire européen, nous pouvons craindre une certaine nullité en terme de revendications GpPRFUDWLTXHV��/H�PDQTXH�GH�UpÀH[LRQ�GHV�RU-ganisations syndicales et politiques de gauche sur la question du droit à l’autodétermination des peuples de l’hexagone, risque d’y asso-cier thème de la «démocratie locale» et de la «décentralisation» à celui d’«austérité», sans TX¶RQ� \� UHFRQQDLVVDQFH� OD� MXVWL¿FDWLRQ� G¶XQH�revendication nationale des peuples sans Etat sous domination française dans le combat pour la justice sociale et l’environnement.

Combien de temps allons nous encore at-tendre que les grands syndicats de Paris

nous proposent une autre journée d’action (9 octobre 2012) ou que les grands partis de la gauche pas trop radicale tentent de nous emmener dans des processions préélectorales qui se déroulent à Paris (cf 30 septembre 2012) ? Alors qu’il faut construire ici des cadres de résistance pour défendre nos conditions de vie impliquant le plus grand nombre, au plus prés de la réalité sociale et ne cherchant pas le coup de comm’ du 20 heures ou un hypothétique cadre de négociation avec la nouvelle gauche plurielle de Paris

C’est bien l’auto-organisation du peuple bre-ton et des forces sociales qui le compose,

comme lors de la lutte contre le CPE (contrat première embauche ) avec l’exemple du LKP en Guadeloupe ou des actions ouvrières andal-ouses, qui permettra de résister directement et ici aux politiques d’austérité, et de construire les alternatives sociales au service des class-es populaires et du plus grand nombre. D’une

Mobilisation en Gwadloup

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part en faisant vivre des solidarités concrètes et des reven-dications : droit au logement et donc le droit de légiférer lo-calement contre la spéculation immobilière et les résidences secondaires, accès à l’énergie, aux soins, à l’éducation, aux loisirs, éradication de la précarité et du chômage par une ré-duction massive du temps de travail, … Ainsi qu’en menant des expérimentations sociales de rupture : réappropriation des outils de travail, occupations des terres, coopératives d’achats en circuits courts, régies publiques autogérées de production et de distribution de l’énergie, transports publics de proximité gratuits, monnaies de substitution… C’est ces pratiques qui nous amèneront à la revendication d’une souveraineté popu-laire en Bretagne s’exprimant en faveur d’un parlement et du droit à l’autodétermination. C’est ce type d’initiatives que nous proposons et soutiendrons partout en Bretagne.