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Première édition de leur lettre de nouvelles. Retour d'expérience

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Page 1: Newletter DM-Echange et Mission de Matthieu Lavoyer et Milena Boulianne à Madagascar

Les nouvelles de...

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Matthieu Lavoyer et Milena Boulianne

Enseignants de français, FKJM, Madagascar

septembre 2013 - juillet 2014

Lettre no 1 - Anjozorobe, octobre 2013

Chère famille, chers amis, chers lecteurs d’ici ou d’ailleurs,

Première lettre de nouvelles ! La lettre des pre-mières fois, des premières impressions, des pre-miers étonnements et des premières rencontres.

Un nouveau monde…Cette aventure a commencé sans qu’on n’en

prenne pleinement conscience. Le 24 septembre au soir, nous débarquions un peu hébétés et hésitants sur le tarmac d’Antananarivo après une longue jour-née de voyage. Nous ne distinguions que la piste éclairée par un projecteur, tranchant avec les alen-tours plongés dans l’obscurité. L’atmosphère était humide, mais pas aussi chaude qu’imaginée. Pris en charge dès notre sortie par la directrice natio-nale des écoles FJKM, Mme Prisca Ratsimba, nous avons traversé les faubourgs puis les rues, un brin mystérieuses, de la ville pour rejoindre le petit hôtel qui nous a servi de base la première semaine. Les rencontres avec les partenaires locaux et avec les autres envoyés de DM-échange et mission, la re-cherche des derniers équipements et l’« acclimata-tion » à notre nouveau milieu ont bien occupé nos premiers jours.

La capitale, Antananarivo (heureusement dimi-nuée Tana), est une ville complexe, formée d’une multitude de petites maisons étendues sur douze collines. C’est une grande ville colorée, mais à l’at-mosphère lourde et polluée, parfois difficile à traver-ser. C’était notre premier contact avec Madagascar. On y a découvert un autre univers avec ses règles, ses lieux et ses temps. On y a éprouvé les contrastes qui façonnent son charme et son identité : la ville très animée le jour, devenant déserte dès la tom-bée de la nuit, ses petites ruelles calmes cohabi-tant avec de grandes voies saturées de trafic et de marchands, ses quelques bâtiments défraîchis, mais toujours imposants de l’époque coloniale faisant

face aux petites et élancées maisons traditionnelles malgaches. Puis en la quittant, on a découvert cette nature imposante, cette végétation verdoyante et cette terre ocre.

Au terme des premiers jours d’immersion et de 90 kilomètres de route, nous sommes finalement arrivés au cœur de la région des Hauts-Plateaux, à Anjozorobe (prononcé « Anjouzouroubé » ou «  Annzourrbé »), grand village qui couronne les sommets de plusieurs collines. En contrebas, dans la plaine, coule, imperturbable, la rivière Mananara, flanquée d’une mosaïque de plans d’eau et de ter-rains vert vif. Ces nombreuses rizières témoignent de l’activité essentiellement agricole du lieu. Qu’on ne s’y trompe pourtant pas, Anjozorobe est le chef-lieu de la région et le terminus des transports en provenance de la capitale. Il y a donc dans ses rues de l’activité et de nombreux passants. En particulier en cette période électorale qui ne semble pas même épargner ce coin de brousse. Chants tonitruants en l’honneur des candidats, manifestations et af-fiches animent la vie des habitants, en complément du culte dominical et du grand marché du jeudi. Difficile cependant de s’y retrouver parmi les trente-trois candidats (!) qui briguent la fonction présiden-tielle. Lorsqu’on demande ce qui les distingue, on nous répond qu’on ne sait pas, mais qu’on connaît

La rivière Mananara vue depuis chez nous.

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trée, tardant un peu, nous apprenaient la patience et nous permettaient de prendre le temps de nous installer.

Petit à petit, on a pu préciser notre emploi du temps. Pour Matthieu, ce sera essentiellement l’en-seignement du français à quatre classes lycéennes. Milena, quant à elle, se chargera d’animations en français auprès des classes préscolaires et primaires, soit six classes d’enfants de trois à douze ans, ainsi que la formation des enseignantes de ces classes. En plus, elle prendra quelques heures d’initiation à l’informatique pour pallier l’absence de professeur dans cette branche. Ensemble enfin, nous propose-rons des ateliers de français oral, des cours de sou-tien ainsi qu’un club de français pour les plus moti-vés. Les inscriptions des élèves se faisant dans les quelques jours, si ce n’est heures, avant le début des cours, l’établissement des horaires est un exercice périlleux et perpétuel pour le secrétariat de l’école. Pour ne rien arranger, on nous explique que la crise et la précarité régnante dissuadent souvent les pa-rents de scolariser leurs enfants trop promptement.

Enfin, le premier « vrai » jour d’école est arrivé, avec ce spectacle qui deviendra notre quotidien. Habillés de leur tunique bleue, les élèves se mettent en rang avec une précision martiale. Puis, c’est le le-ver du drapeau rouge, blanc et vert, le tout accom-pagné de l’hymne national et d’un soleil radieux. Nous avons assisté au rassemblement avec curio-sité et une pointe d’émotion. En discutant avec l’un de nos collègues professeurs, nous lui confions que nous ne pratiquons pas tellement – ou plus telle-ment - ce genre de rituel en Suisse. L’homme nous demande alors avec une simplicité déconcertante : « Mais alors comment les gens savent-ils qu’ils ap-partiennent à un pays ? ».

ce qui les unit : « une même ambition ». Évoquer ces élections d’octobre1 qui doivent offrir un nouveau départ à l’île et à ses habitants, suscite un étrange mélange de résignation et d’espoir chez les gens. Derrière une mobilisation populaire et bon enfant, on ressent la tension cumulative et grave d’une crise qui n’a que trop duré.

Revenons à notre humble niveau. En bordure d’une colline, face à l’ouest, la maison où nous lo-geons est confortable. La cour, animée de toute une basse-cour, est partagée avec le sympathique pro-priétaire, Monsieur Nasolo, également professeur de philosophie et d’histoire. Grâce aux récents tra-vaux, on est mieux lotis que les précédents envoyés – qu’on salue au passage -, puisqu’on dispose de toi-lettes et d’une douche dans la cour. Il n’y a toutefois pas l’eau chaude et l’eau/l’électricité que par inter-mittence. On retrouve alors des réflexes d’antan. Mais ce prix à payer est largement compensé par la magnifique vue, les couchers de soleil et surtout la voûte étoilée dont nous ne nous lasserons certaine-ment pas.

… à découvrir

Sous l’égide du directeur du lycée où nous ensei-gnons, Monsieur Jean-Baptiste, un homme discret et attentif, nos premiers jours ont été consacrés à la rencontre des différents partenaires et des auto-rités locales. À l’occasion d’une fête, d’une réunion de parents ou de visites de « courtoisie » empreintes d’une certaine solennité, nous avons alors été pré-sentés et bien reçus par la communauté locale. En parallèle, les formalités administratives et la ren-

1 L’incertitude règne, mais en principe, au moment où vous lirez ces lignes, les élections auront eu lieu le 25 octobre. Un second tour est prévu pour décembre.

Un taxi-brousse au « centre-ville » d’Anjozorobe.

Le rassemblement du lundi matin au lycée FJKM.

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Chiffres en vracMine plus ou moins riche

d’information, un jeu lors de notre prise de contact avec les classes de lycée nous a permis de mieux connaître nos élèves et leur réalité. Ainsi, sur une classe de 40 élèves, on apprend que :

• Un seul dispose d’internet à la maison.

• Aucun n’est enfant unique.• Au moins 30 ont des parents

cultivateurs.• Une dizaine voudrait faire

toute sa vie à Anjozorobe.• La moitié souhaite accéder à

l’université.• Une dizaine a déjà entendu

parler de Barack Obama, alors que presque tous connaissent Céline Dion !

On peut mettre en écho ces résultats avec d’autres de na-ture plus officielle. Madagascar, c’est 21 millions d’habitants ré-partis en 18 groupes ethniques principaux. Selon les critères onusiens, 80% de la population vivrait sous le seuil de pauvreté. L’espérance de vie y est de 57 ans et 45% de la population a moins de 15 ans. Un tiers des personnes de plus de 15 ans est analphabète. On y produit 40% de la vanille mondiale et on y recense 85% d’espèces endémiques, faune et flore confondues !

Surgissent les premiers questionnements

De manière générale, le fonctionnement scolaire - comme so-cial d’ailleurs – a des aspects plus « traditionnels » que celui que nous connaissons. Plus marquant encore, ce qu’on pourrait appe-ler les conditions cadres de l’enseignement diffèrent fortement. On est peu habitués en Suisse à des classes aussi nombreuses (de 40 à 50 élèves dans notre cas), à des niveaux et des tranches d’âge si hétéroclites au sein d’une même classe, à des professeurs vêtus de blouses blanches et dispensant des cours essentiellement « ex cathedra ». On réalise peut-être encore moins ce que peut signi-fier un certain dénuement matériel en milieu scolaire. Le papier et plus encore les livres deviennent des produits de luxe réservés aux grandes occasions. Dans ces conditions, le principal support pédagogique - pour ne pas dire le seul – est alors le tableau noir. Et gare à l’enseignant qui a oublié d’apporter sa craie personnelle !

A Madagascar, maintenir un enseignement de qualité est un défi quotidien et pourtant crucial pour les jeunes générations et celles qui suivront. On est heureux de mettre « la main à la pâte » et d’essayer de contribuer à cela, bien qu’on ait aussi dû accepter la limite de nos forces et de notre action. Les attentes envers nous sont immenses, et le choc culturel parfois important. Débarquer et s’adapter à de nouvelles règles, à de nouveaux lieux, à de nouvelles temporalités ne sont pas chose facile… même pour les citoyens du monde que nous croyons être ! On se résout à ne pouvoir traiter tous les problèmes ainsi qu’à devoir dire parfois non avec diploma-tie aux demandes matérielles. Autre réalité à intégrer, le fait d’ap-partenir à une minorité visible. Les gens que nous croisons dans la rue se montrent très intrigués. Nous ne sommes pourtant pas les premiers envoyés à Anjozorobe, mais nous sommes les seuls occi-dentaux, vazaha comme on dit ici, actuellement dans la région. Les rencontres quotidiennes peuvent déboucher sur des discussions fort sympathiques comme sur des incompréhensions, certains ne parlant que malgache.

Village avoisinant à l’architecture emblématique des Hautes-Terres.

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4DM-échange et mission / Ch. des Cèdres 5 / CH - 1004 Lausanne / +41 21 643 73 73 / [email protected] / www.dmr.ch / CCP 10-700-2

Cette lettre de nouvelles de Matthieu et Milena vous

est adressée par DM-échange et mission, service des

Eglises protestantes romandes.

Pour soutenir leur travail au sein du Lycée FKJM d’Anjo-

zorobe à Madagascar, utilisez le bulletin de versement

joint (CCP 10-700-2, projet no 148.7141).

D’avance un grand merci!

Matthieu Lavoyer et

Milena Boulianne

Lycée FKJM d’Anjozorobe

Paositra Malagasy

Anjozorobe – 107

Madagascar

[email protected]

tages d’expérience ou des moments de détente fraternelle. L’apprentissage du malgache, les nou-velles rencontres, les possibilités de belles randon-nées dans la région, de petits rituels à instaurer, tout cela nous aide à construire nos propres réponses à ces nouveaux défis et à aménager activement notre quotidien pour l’année à venir.

Voilà pour les premières nouvelles. On va donc bien et on espère qu’il en est de même pour vous. D’ores et déjà, on se réjouit de vous partager la suite de nos aventures, mais aussi d’avoir de vos nouvelles.

Salutations amicales et anjozorobesques,

P.S. Vous voulez en savoir plus sur DM-échange et mission, l’organisme qui nous envoie ? Participez aux festivités des 50 ans les 22-23-24 novembre à Lausanne. Plus d’infos sur www.dmr.ch, rubrique « 50 ans ».

Nous nous appliquons dès lors à trouver des approches adéquates et pertinentes dans notre nouveau contexte. Les élèves parlant peu et étant d’une grande timidité, les cours d’expression orale font appel à toute notre créativité ! Comprendre les besoins des élèves et les attentes des profes-seurs nous prendra encore un certain temps. On pourra, dans les mois qui viennent, préciser notre apport, construire un lien de confiance et se faire une place, tout en poursuivant notre découverte de la culture malgache. Fort heureusement, nous ne sommes pas partis sans bagages ni sans ressources, notamment grâce aux formations de DM-échange et mission suivies avant le départ ainsi que les ren-contres avec les envoyés de retour. On profite aussi de rencontrer d’autres envoyés déjà sur place, mais stationnés dans différentes régions, pour des par-

Scène de lessive au milieu des rizières.