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ATHLETISME LA COURSE D'ELAN E FOSBURY-FLOP PAR T. BLANCON En 1968, lorsque le Fosbury Flop est apparu, cette technique fut mal com- prise. L'originalité du geste nous a désorienté, cependant l'image d'un athlète longiligne franchissant une barre après une prise d'élan courbe, s'est progressivement imposée à nous. Vingt ans après, l'expérience nous a montré que le style dorsal était soumis aux mêmes lois que le saut en longueur, le triple-saut ou encore le saut à la perche. Le Fosbury Flop n'a pas bouleversé les connaissances athlétiques, il a repris des principes fondamentaux et y a ajouté des particularités. La course d'élan en courbe est une de ces particularités. LES ASPECTS COMMUNS A TOUS LES SAUTS Comme nous le rappelle l'entraîneur na- tional Henry Elliot, la course d'élan doit être bâtie de manière à aider le sauteur à effectuer son action de saut : « Ne pas courir pour courir... mais pour sauter ». Les principes techniques généraux de la course à pied sont respectés tout au long de l'élan : - maintenir le centre de gravité du corps le plus haut possible par rapport au sol avec une trajectoire horizontale et rectiligne ; - rechercher l'alignement pied, bassin, épaule à la pose de chaque appui ; - respecter le cycle de jambe (cf. EPS n° 159, G. Guezille, « Une conception du geste athlétique ») ; - synchroniser bras et jambes ; - orienter le corps dans l'axe de déplace- ment : - orienter le regard horizontalement. L'élan est progressivement accéléré de manière à obtenir une vitesse terminale utilisable par l'athlète, un étalonnage pré- cis de la course d'élan doit être déterminé, pour cela deux paramètres entrent en jeu : - l'amplitude de la foulée reste sensible- ment constante tout au long de la prise d'élan, c'est l'augmentation du rythme d'exécution qui produit l'accélération ; - le nombre de foulées utilisées influe di- rectement sur la vitesse terminale recher- chée. On note des modifications de la foulée et 7 Revue EP.S n°220 Novembre-Décembre 1989 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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ATHLETISME

LA COURSE D'ELAN EN FOSBURY-FLOP PAR T. BLANCON

En 1968, lorsque le Fosbury Flop est apparu, cette technique fut mal com­prise. L'originalité du geste nous a désorienté, cependant l'image d'un athlète longiligne franchissant une barre après une prise d'élan courbe, s'est progressivement imposée à nous. Vingt ans après, l'expérience nous a montré que le style dorsal était soumis aux mêmes lois que le saut en longueur, le triple-saut ou encore le saut à la perche. Le Fosbury Flop n'a pas bouleversé les connaissances athlétiques, il a repris des principes fondamentaux et y a ajouté des particularités. La course d'élan en courbe est une de ces particularités.

LES ASPECTS COMMUNS A TOUS LES SAUTS

Comme nous le rappelle l'entraîneur na­tional Henry Elliot, la course d'élan doit être bâtie de manière à aider le sauteur à effectuer son action de saut : « Ne pas courir pour courir... mais pour sauter ». Les principes techniques généraux de la course à pied sont respectés tout au long de l'élan : - maintenir le centre de gravité du corps le plus haut possible par rapport au sol avec une trajectoire horizontale et rectiligne ; - rechercher l'alignement pied, bassin, épaule à la pose de chaque appui ; - respecter le cycle de jambe (cf. EPS n° 159, G. Guezille, « Une conception du geste athlétique ») ; - synchroniser bras et jambes ; - orienter le corps dans l'axe de déplace­ment : - orienter le regard horizontalement. L'élan est progressivement accéléré de manière à obtenir une vitesse terminale utilisable par l'athlète, un étalonnage pré­cis de la course d'élan doit être déterminé, pour cela deux paramètres entrent en jeu : - l'amplitude de la foulée reste sensible­ment constante tout au long de la prise d'élan, c'est l'augmentation du rythme d'exécution qui produit l'accélération ; - le nombre de foulées utilisées influe di­rectement sur la vitesse terminale recher­chée. On note des modifications de la foulée et

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de l'équilibre général du corps sur les trois derniers appuis, au cours desquels la vi­tesse horizontale est transformée en vitesse verticale : - abaissement du centre de gravité sur l'avant-dernier appui ; - prise d'avance des appuis par rapport au bassin et au tronc lors des deux dernières poses de pieds au sol ; - allongement de la dernière foulée ; - actions des bras plus dynamiques.

LES ASPECTS SPÉCIFIQUES DU FOSBURY FLOP La longueur de l'élan est inférieure à celle des autres sauts : 6 à 10 foulées suffisent. La trajectoire de la course d'élan est de forme parabolique (cf. schéma 1).

Les problèmes posés par cette forme d'élan Suivre une trajectoire parabolique impose à l'athlète une inclinaison plus ou moins prononcée de l'axe longitudinal du corps vers l'intérieur du virage. L'équilibre du corps ainsi modifié est générateur de nom­breuses fautes techniques. Nous en avons dressé une liste afin de faciliter l'observa­tion de l'éducateur : - abaissement marqué du centre de gravité durant toute la courbe pour résister aux forces, aux pressions créées par le virage ; - accentuation du recul du bassin par rap­port aux pieds et aux épaules (« corps cassé en deux ») à l'approche de la barre ; - le sauteur incline la tête vers le centre du virage mais pas le reste du corps, ou vice et versa ;

- difficultés à conserver un cycle de jambe parfait, surtout pour la jambe extérieure au virage : - pose anormale des appuis (le pied exté­rieur au virage se pose en pointe, alors que le pied d'appel se place en rotation ex­terne) ; - les appuis ne sont pas alignés l'un devant l'autre (les pieds se placent trop à gauche ou à droite de la ligne fictive matérialisant la trajectoire de course) ; - rotations anticipées indésirables des épaules ou du bassin au cours des derniers appuis (la verticalité de l'impulsion s'en trouve altérée) ; - difficultés à contrôler l'impulsion et à la diriger vers le haut ; - faible amplitude du mouvement du bras avec, souvent, un balancé du bras intérieur à la course moins amplifiée que celui du bras extérieur.

Les mesures préconisées sur ce schéma peuvent être modifiées en fonction des qualités physiques de l'athlète.

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LES INCIDENCES PÉDAGOGIQUES

Maîtriser la technique de course Comme pour les sauts à dominante hori­zontale, l'éducation d'un jeune sauteur en hauteur passe par l'apprentissage d'une bonne technique de course. Les gammes d'exercices classiques, par exemple les montées de genoux, talons-fesses, foulées bondissantes et foulées tractées, doivent faire l'objet d'un travail constant. Ces exercices sont réalisés en ligne droite mais aussi en courbe ; les exigences tech­niques sont identiques dans les deux cas. Du petit matériel (lattes, plots, cerceaux) est utilisé pour concevoir des situations éducatives. Les courbes, elles, sont maté­rialisées par des traits de craie au sol ; ou encore par les tracés d'un terrain de sport (rond central d'un terrain de football, cer­cle situé dans la raquette d'un terrain de basket-ball).

Appliquer la technique de course dans des situations spécifiques de saut

Situation 1

But : visualiser le trajet à parcourir et l'orientation du corps dans le sens du déplacement. Tâche : courir sur des lignes tracées à la craie sur le sol, prendre l'impulsion et franchir la barre (cf. schéma 2). Consignes : accélérer tout au long de l'élan, ne pas se pencher en avant. Variables : les chemins tracés au sol pour­ront avoir des formes variées (droite, semi-circulaire, en forme de slalom, puis parabolique).

Evaluation/observation • Les pieds doivent se poser sur la ligne et avoir la même direction qu'elle. • Vu de dessus, l'axe passant par les deux acromions ainsi que l'axe passant par les deux crêtes iliaques doivent rester à cha­que instant perpendiculaires à la ligne dessinée au sol.

Situation 2

But : apprendre à courir et à sauter avec une inclinaison prononcée du corps vers l'intérieur du virage. Tâche : courir en spirale à partir d'un point situé au centre du sautoir, prendre l'impul­sion et franchir la barre (cf. schéma 3). Consignes : démarrer très lentement, puis accélérer progressivement. Ne pas se pen­cher en avant. Variables : le chemin à parcourir peut être représenté par un trait de craie ou par des lattes disposées en progression arithméti­que. Après compréhension de l'exercice, augmenter l'espace entre chaque latte pour trouver l'amplitude optimale de chaque individu.

Evaluation/observation : les points techni­ques énoncés dans le chapitre « les pro­blèmes posés par cette forme d'élan » doivent s'observer au cours de tout le déplacement, à la suite duquel, le sauteur doit être capable d'effectuer une impulsion verticale. Propositions pour enrichir la situation : ef­fectuer les deux tiers de l'élan en cloche-pied ou en sauts pieds joints. • Ajouter un travail de renforcement mus­culaire à l'exercice.

• Réaliser le dernier tiers de l'élan à partir d'une attitude inconfortable et peu équili­brée.

Situation 3

Buts : mettre en évidence la qualité du cycle de jambe de l'athlète et le dynamisme de ses appuis ; apprendre à déclencher une impulsion à partir d'une attitude de course efficace.

EPS № 220 NOVEMBRE DECEMBRE 1989 9 Revue EP.S n°220 Novembre-Décembre 1989 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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Tâche : courir en posant un appui entre chaque obstacle (exemple : carton à chaus­sures, croisillon, d'une hauteur maximale de 25 cm, les trois derniers obstacles n'ont pas d'épaisseur pour gêner le sauteur dans la pose des trois derniers appuis), prendre l'impulsion et franchir la barre (cf. schéma 4). Consignes : accélérer les trois derniers ap­puis sans avancer les épaules en avant du bassin. Variables : • Prendre une trajectoire rectiligne, puis parabolique. • Accroître les écarts inter-obstacles pour obtenir l'amplitude optimale de chaque athlète. • Enlever les trois lattes après compréhen­sion de l'exercice afin de ne pas habituer le sauteur à regarder le sol.

La qualité d'un saut dépend, en partie, de la précision avec laquelle il est exécuté. Une bonne course d'élan est déterminante pour l'impulsion ; elle doit donc être l'ob­jet d'un travail attentif où les principes fondamentaux, évoqués dans cet article, doivent toujours passer en priorité.

Thierry Blancon Conseiller Technique

Régional d'Athlétisme DESSINS : ERIC RETOUT - PHOTOS : TEMPSPORT

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