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Nathalie Serrand Les Restes De Mollusques Du Site Saladoïde Moyen-Tardif Du Diamant À Dizac, Martinique (450-700 Ap. J.C.): Une Exploitation Entre Mer Et Mangrove

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Nathalie Serrand

Les Restes De Mollusques Du Site SaladoïdeMoyen-Tardif Du Diamant À Dizac, Martinique(450-700 Ap. J.C.): Une Exploitation EntreMer Et Mangrove

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RésuméLe site Saladoïde moyen-tardif du Diamant (Martinique) a livré 34652 restes (9836 individus) demollusques sur 18 niveaux de décapage. Malgré une diversité spécifique élevée (123 espèces), l’assemblageest largement dominé par les bivalves Donax denticulatus, Lucina pectinata, Tivela mactroides et Anadaranotabilis, les gastéropodes Cittarium pica, Strombus gigas et S. costatus, les polyplacophores et desgastéropodes terrestres du genre Pleurodonte. L’assemblage indique une exploitation à l’interface deplusieurs mil ieux proches du site : les fonds mar ins sableux et sablo-vaseux, lesherbiers et le médiolittoral rocheux de la baie du Diamant et la zone de mangrove,aujourd’hui présente à l ’état rél ictuel à l ’ar r ière du site . D’importantes var iationsstratigraphiques sont obser vées pour les taxons et les milieux exploités avec une possiblecollecte initiale intensive des Donax. Les modalités de consommation et de travail de lacoquille sont brièvement évoquées.

AbstractThe late Saladoïd site of Le Diamant (Martinique) yielded 34652 mollusk remains(9836 individuals) distributed in 18 levels. Despite a high specific diversity (123 species),the assemblage is largely dominated by the bivalves Donax denticulatus, Lucina pectinata,Tivela mactroides and Anadara notabilis , the gastropods Cittarium pica, Strombus gigas,and S. costatus , the chitons, and terrestr ial gastropods of the genus Pleurodonte. Theassemblage indicates a gathering at the interface of several environments close to thesite: the marine sand and mud-sandy bottoms, the seagrass beds and the rocky shores ofthe Diamant Bay, and the mangrove area today limited to the back of the site. Importantstratigraphic var iations of exploited species and environments are obser ved with apossible initial intensive exploitation of Donax. The consumption and shell industr y modesare briefly outlined.

ResumenEl sitio de Le Diamant (Martinique) del Saladoid tardío reveló 34652 restos de moluscos(9836 indivíduos) distr ibuidos en 18 niveles . A pesar de una diversidad de especieselevada (123 especies), la muestra está dominada por las bivalvas Donax denticulatus,Lucina pectinata, Tivela mactroides y Anadara notabilis , los gastrópodos Cittar ium pica,Strombus gigas y S. costatus, chitones y gastrópodos terrestres del género Pleurodonte.La muestra indica una explotación de diferentes ambientes ubicados alrededor del sitio:de los suelos marinos arenosos, fangosos, de las praderas y de las orillas rocosas de laBahía del Diamante, así como del área de manglares hoy en día limitada a la parte traseradel sitio. Se obser van importantes cambios estratigráficos en cuanto a las especies ymedioambientes explotados , así como una utl i l ización muy intensa de Donax. Lasmodal idades de consumo y del trabajo con la concha se descr iben brevemente.

IntroductionLe site du Diamant est localisé sur la côte sud de la Martinique (Fig. 1), région parseméede collines à la végétation sèche, avec un littoral découpé de baies pourvues de plagessableuses. Découver t en 1964 par M. Mattioni, le site a été sondé à plusieurs reprises(Petitjean Roget 1968a, b, c), puis fouillé, entre 1990 et 1992, par Nathalie Vidal. Lors decette opération, une surface de 50 m2 a révélé une occupation Saladoïde tardive(Saladoïde modifié), située entre 450 et 700 après J.C . (Vidal 1992, 1999, à paraître).

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Cette zone a été dégagée par fines passes ar tificiel les en suivant les niveauxarchéologiques, sur 18 décapages représentant une couche d'environ 85 cm d'épaisseur.

Les restes de mollusques, ramassés à la fouille et tamisés (à 5 mm), ont été étudiés entre2001 et 2003 dans le cadre du Projet Collectif de Recherche Le Néolithique de laMar tinique dans son contexte antillais, dirigé par Benoît Bérard (Giraud et Bérard 1999,Bérard 2000). Ce PCR a pour objectif l’établissement d’un cadre chronologique, culturel etenvironnemental pour l’occupation amérindienne, en par ticulier Saladoïde , de laMartinique. La publication des fouilles de N. Vidal et de l’étude des matériels du Diamantpar une équipe pluridisciplinaire2 (cf. Grouard, ce volume) en constitue un volet important.Cette communication présente donc les résultats préliminaires de l’étude des restes demol lusques qui seront détai l lés dans la publ icat ion monographique du s ite .

Le matériel et son contexteLes 18 niveaux de décapage du Diamant ont livré un total de 34 652 restes de mollusquesmarins et terrestres et de balanes, tous en très bon état, qui correspondent à au moins 9836 individus. Ces restes appar tiennent à 123 espèces de mollusques marins. Il s’agit de76 espèces de gastéropodes (avec notamment les strombes Strombus gigas, S. costatuset le burgo Cittarium pica ; Fig. 2), 42 espèces de bivalves (avec notamment Donaxdenticulatus, Lucina pectinata, Tivela mactroides, Anadara notabilis ; Fig. 2) et cinqespèces de polyplacophores (chitons). S’y ajoutent au moins trois espèces degastéropodes terrestres du genre Pleurodonte (Fig. 2) et deux espèces de balanes.

L’un des intérêts du site du Diamant, de par sa localisation et le matériel faunique qu’il alivré, est sa relation avec la mangrove. Les mangroves, bien qu’en diminution enMar tinique, couvrent encore environ 1,5% de la surface de l’île (Fig. 1). Elles sontconcentrées dans sa par tie sud, avec un faciès discontinu sur la façade atlantique du faitdes côtes découpées. Ces mangroves constituent un lieu de vie, de reproduction, denurserie et de nutrition pour une faune variée, marine et terrestre (oiseaux sédentaires etmigrateurs, crustacés, poissons et mollusques) dont les amérindiens ont pu tirer par ti.

Or, le site du Diamant est localisé en bordure de mer, en haut d’une plage sableuse, ausein d’une forêt littorale sèche jouxtant une ancienne mangrove. Celle-ci n’est aujourd’huiplus que résiduelle et limitée à une frange longeant la Baie du Diamant. Or, l’assemblagede mollusques du site comprend des espèces directement associées à la mangrovecomme les huîtres de palétuviers Crassostrea rhizophorae (Fig. 2), les coques médianesAmericardia media ou les chaubettes Anomalocardia brasiliana. L’assemblage comprendaussi des espèces comme la mélongène des Antilles Melongena melongena, la grandemélongène chevelue Pugilina morio ou encore les soudons de Mar tinique Asaphisdeflorata et les arches rayées Arca zebra issues de milieux marins légèrement vaseux,présents sans doute aux marges de la mangrove. Ces taxons ne sont toutefois pasmajoritaires dans l’assemblage (9,6% NR ; 7% NMI ; cf. infra et Fig. 4).

Espèces et biotopes exploitésDe fait, sur l’ensemble de la zone fouillée, dix taxons dominent en totalisant à eux seuls85% des restes et 80,6% des individus (Fig. 3). Ce sont Donax denticulatus (NR = 13 310,38,4% ; NMI = 5 488 ; 55,8%), Cittarium pica (NR = 4 369, 12,6% ; NMI = 631 ; 6,4%),

2 B. Bérard (technologie lithique, étude céramique, analyse spatiale), S. Grouard (matériel osseux), D.Laporal (technologie céramique), N. Serrand (matériel coquillier),N. Vidal (étude céramique, analyse spatiale). B.Bérard et N. Vidal assurent la coordination du projet.

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Strombus gigas (NR = 4 147, 12% ; NMI = 82 ; 0,8%), Lucina pectinata (NR = 1 967,5,7% ; NMI = 420 ; 4,3%), Tivela mactroides (NR = 1 862, 5,4% ; NMI = 478 ; 4,9%),les Pleurondonte terrestres (NR = 1 463, 4,2% ; NMI = 216 ; 2,2%), les chitons (NR = 1 364,3,9% ; NMI = 163 ; 1,7%) et Anadara notabilis (NR = 1000, 2,9% ; NMI = 448 ; 4,6%).

Les mollusques du Diamant indiquent une exploitation à l’interface de milieux variés,directement accessibles à proximité du site (Fig. 4). Une zone de collecte impor tantecorrespond à la zone de battement des vagues de la plage sableuse du Diamant (A =38,4% NR ; 55,8% NMI) d’où proviennent, essentiellement, les bivalves dominants Donaxdenticulatus et Tivela mactroides. Une autre zone correspond aux fonds sableux et sablovaseuxdes premiers mètres d’eau (B = 23,8% NR ; 14,3% NMI) où les bivalves Anadaranotabilis et Lucina pectinata, notamment, ont pu être collectés. Les strombes Strombusgigas et S. costatus, la palourde Codakia orbicularis, les astrées Astraea caelata, A. tuber,A. tecta et A. phoebia et les turbos Turbo castanea et T. canaliculatus ont également puêtre prélevés sur ces mêmes fonds pourvus d’étendues d’herbiers en zones calmes. Denombreuses autres espèces ont aussi pu être collectées sur ces fonds, dans les zonesintermédiaires associant sables, poches d’herbiers et coraux épars. Une autre zone decollecte correspond au littoral rocheux (C = 20% NR ; 18,6% NMI), localisé aux extrémitésde la baie du Diamant, où Cittarium pica, les nérites, les polyplacophores et nombre depetits gastéropodes ont pu être ramassés. Viennent ensuite les diver s mil ieuxintermédiaires de zones sablo-vaseuses à vaseuses (D = 9,6% NR ; 7% NMI)correspondant aux transitions littorales vers la mangrove (avec des espèces commeCrassostrea rhizophorae , Anomalocardia brasil iana ou Melongena melongena) et,accessoirement, vers le littoral rocheux (espèces comme Tectarius muricatus ou Littorinaziczac présentes sur les rochers littoraux comme sur les racines des mangroves littorales).Les espèces de la mangrove ou de ses marges confirment la présence de ce biotope àproximité du site, suggèrent qu’il était sans doute plus étendu qu’actuellement et indiquentque les occupants du site y ont, au moins occasionnellement, prélevé des mollusques,peut-être en parallèle à l’exploitation d’autres ressources comme les crabes terrestres (cf.Grouard ce volume). Enfin, les zones terrestres (E = 4,2% NR ; 2,2% NMI), sans doute enforêt littorale, ont également été exploitées comme en témoignent les pleurodontes(essentiellement P. discolor et accessoirement P. obesa) qui ont pu être collectés en même tempsque d’autres ressources animales (cf. Grouard ce volume) ou végétales.

Evolution stratigraphique du spectreL’observation de la répar tition spatiale des restes de mollusques sur les 50 m2 fouillés etpour chaque niveau de décapage n’est pas achevée. En revanche, l’analyse stratigraphique livre déjàdes résultats (Fig. 5). La séquence stratigraphique des 18 niveaux montre une concentration desrestes de mollusques (28% NR) dans les niveaux inférieurs 18, 17 et 16 puis, à nouveau, à partirdu niveau 6 et dans les niveaux supérieurs (42% NR ; Fig. 5). L’évolution en NR et NMI des grandesclasses de restes sur cette stratigraphie (Fig. 5) indique, en début de séquence, une forte représentationde Donax, (plus de 80% NMI dans les niveaux 18 à 16). Les fréquences de ce taxon diminuentensuite sensiblement (dès le niveau 15) au profit des strombes et des autres bivalves(en par ticulier Lucina pectinata, Tivela mactroides et Anadara notabilis). Après une légèrehausse (niveaux 9 et suivants: aux environs de 70% NMI), les fréquences de Donax enregistrent ànouveau une baisse (niveaux 5 et suivants) au profit, cette fois-ci des gastéropodes, en particulierde Cittarium pica et des gastéropodes terrestres.

Ces fluctuations des fréquences relatives du bivalve dominant Donax denticulatuss’accompagnent de variations de la taille moyenne des individus de ce taxon et de lastructure de la ou des population(s) exploitée(s) (Fig. 6). A la base de la séquence,

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Donax domine avec plus de 80% des individus, une taille moyenne d’individus stable et élevée(15,7 mm) et une population équilibrée. Dans le niveau 15, les fréquences relativesd’individus commencent à chuter en même temps que leur taille moyenne enregistre unenette baisse (14,8 mm). La population apparaît déséquilibrée avec de nombreux individusde petite tail le . Toutefois, dans les niveaux suivants, si la baisse des fréquencesd’individus se confirme (sous les 70%) et si la par t des petits individus reste importante, lataille moyenne augmente à nouveau (avec des valeurs proches de 16 mm dans les niveaux 11 et10) et la population, bien que toujours déséquilibrée, comprend progressivement moins d’individusde petite taille. Dans les niveaux suivants 9 à 6, les fréquences d’individus augmentent légèrement.La taille moyenne des individus, elle, enregistre une nouvelle chute dans le niveau 9 (15 mm) avantd’augmenter à nouveau mais plus légèrement, avec une population plus équilibrée. Enfin, à partirdu niveau 5, les fréquences de Donax diminuent à nouveau (sous les 70%) en même temps quela taille moyenne. Le niveau 1 n’est pas considéré dans la mesure où il a livré des valves en bonétat qui semblent être des éléments de plage récents.

Les tendances observées, assez cohérentes, indiquent une baisse globale de la représentation desDonax, des fluctuations importantes de la taille moyenne des individus et un déséquilibre de la/despopulation(s) exploitée(s) avec, toutefois, un épisode intermédiaire de relatif rétablissementcorrespondant aux niveaux 9 à 5. Ces tendances pourraient refléter : 1 - une exploitation intensivedes Donax en début de séquence (plausible puisque leur collecte, dans la zone des vagues au pieddu site, est aisée) ayant affecté la(les) population(s) exploitée(s) au point d’en rendre la collecteplus irrégulière par la suite ; 2 - ou un phénomène lié à une forme de saisonnalité, soit des populationsde Donax selon leur cycle annuel de vie, soit des modalités de la collecte. Il est difficile de trancherdans la mesure où ni l’ampleur temporelle de l’occupation ni la valeur temporelle des différentsniveaux ne sont connues. Cependant, rappelons que, dans les niveaux où les Donax sont moinsreprésentées (et où la/les population(s) apparaî(ssen)t altérée(s) =taille moyenne faible, déséquilibresdes classes de tailles), on observe un changement de cibles (Fig. 5): au profit, d’abord, de taxons deplus grande taille comme les strombes et des bivalves accessibles au large de la zone de collectedes Donax ; puis, après l’épisode de reprise des Donax et leur nouvelle diminution, au profit degastéropodes du médiolittoral rocheux (dont Cittarium pica) et des gastéropodes terrestres.

L’obser vation de l ’exploitation des grandes zones de collecte sur la séquencestratigraphique (Fig. 7) complète ces données. Le début de la séquence montre uneexploitation importante (proche de 70% NMI) de la zone de battement des vagues en hautde la plage sableuse d’où proviennent les Donax et accessoirement Tivela mactroides.Cette zone est moins exploitée ensuite au profit des zones plus au large comprenantfonds sableux, herbiers et poches coralliennes et, dans une moindre mesure, au profit deszones médiolittorales rocheuses et de celles liées à la mangrove. Après une légère reprisede l’exploitation de la zone de battement et des Donax, la collecte est ensuite plus cibléesur les zones médiolittorales rocheuses, les transitions littorales avec la mangrove, lamangrove elle-même (avec sur tout les huîtres de palétuviers Crassostrea rhizophorae) etl’arrière côte avec les gastéropodes terrestres.

L’image qui se dégage suggère donc que l’exploitation, d’abord ciblée sur les zonesmarines les plus proches du site et sur les Donax en par ticulier, a été réorientée ensuite,peut-être à la suite d’un changement dans l’accessibilité des Donax lié à leur exploitationinitiale intensive, sur d’autres zones, plus éloignées du site mais plus diversifiées, et ceéventuellement en deux phases (exploitation du large puis du littoral).

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Aperçus des autres données du siteEn complément de ces données préliminaires montrant une évolution de l’exploitation auxenvirons du site du Diamant durant son occupation, on ne pourra ici évoquer quesuccinctement quelques autres aspects des modes d’utilisation des mollusques sur le site.

Tout d’abord, de nombreux mollusques montrent des traces liées à la consommationalimentaire. Ce sont, d’une par t, l’orifice ménagé au niveau de la spire des strombes (Fig.8a) pour faciliter l’extraction de l’animal ; et des encoches ventrales fréquentes,notamment, sur les donax et les tivèles qui pourraient témoigner de l’ouverture des valves.L’observation macroscopique ne permet pas d’affirmer que ces bivalves ont été cuits aupréalable, mais des traces de brûlures, souvent légères, ont été notées, le plus souventsur le bord ventral ou le crochet. Elles suggèrent que ces bivalves ont pu être consommésaprès une cuisson cour te ou sans exposition directe au feu ayant facilité leur ouver ture.

Par ailleurs, de nombreux éléments du matériel témoignent du travail de la coquille. C’estle cas d’une cinquantaine de valves de Tivela mactroides qui présente des tracesd’abrasion sur la face externe du crochet (Fig. 8b). Cette abrasion, en aboutissant aupercement du test, produit un orifice permettant sans doute la suspension de la valve.Quelques autres bivalves (Trachycardium sp., Anadara notabilis) présentent égalementdes percements au niveau du crochet, par abrasion ou, pour les plus grossiers, peut-êtrepar percussion. Quelques autres taxons ont aussi été utilisés occasionnellement :coquilles d’Oliva reticularis à la spire abrasée présentant un percement sur le dernier tour ;valves de Pinctada imbricata perforées ; et plusieurs coquilles de divers taxons de taillemoyenne, parmi lesquels la mélongène Melongena melongena, dont la columelle por teune encoche (Fig. 8c). La signification de ce stigmate n’est pas connue mais il déjà étéobser vé sur d’autres sites (notamment à Hope Estate, St Mar tin ; Serrand 2002).

Enfin, l’utilisation du lambi Strombus gigas est attestée par la présence d’individus adultesdont le labre a été débité et de fragments de dernier tour, d’épaule et de labre quicorrespondent typiquement à des déchets de débitage ou de façonnage du labre (Fig. 8d).On peut noter que le débitage semble, le plus souvent, avoir été opéré au plus près de lapor tion désirée. Néanmoins, peu de labres travaillés ont été observés dans le matérielhormis quelques préformes et des fragments d’outils tranchants (Fig. 8d). Le labre maisaussi d’autres portions de la coquille du lambi ont également été utilisés pour la productiond’objets variés comme en témoignent, par exemple, un disque épais perforé et un zemi(Fig. 8d). Le strombe laiteux Strombus costatus, représenté par une cinquantained’individus, a lui aussi été exploité (Fig. 8e) : plusieurs labres semblent avoir été débitéstandis que plusieurs spécimens dépourvus de leur spire ont pu être utilisés comme‘conques sonores’ bien qu’il reste délicat de l’attester.

ConclusionLes données sur les restes de mollusques du site du Diamant n’ont été qu’esquissées.Elles seront détaillées dans la publication monographique du site. La richesse du matérielpermet d’observer l’exploitation des mollusques à la fois pour la consommation et pour letravail de la coquille. Une première approche de l’évolution du spectre en stratigraphiemontre des variations non négligeables de l’exploitation des principaux taxons, dont lesdonax, corrélées avec des changements dans les zones de collecte exploitées. Ceschangements semblent refléter une réorientation de la collecte, peut-être en conséquencede l’exploitation initiale intensive des Donax. Il reste toutefois à comprendre la significationréelle de ces changements en relation avec les modalités d’occupation du site et lesautres données matérielles, en particulier celles de la faune de vertébrés.

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RemerciementsMerci à Benoît Bérard et Nathalie Vidal qui nous ont permis de travailler sur le matériel duDiamant dans les meilleures conditions dans le cadre du Projet Collectif de Recherche LeNéolithique de la Mar tinique dans son contexte anti l lais dir igé par B . Bérard.

Références bibliographiquesGIRAUD J.-P. et B. BERARD (Cord.), 1999- Le Néolithique de la Mar tinique dans soncontexte antilais. Rappor t Biannuel pour les années 1998 et 1999, Projet Collectif deRecherche, Programme 32, 90 p.BERARD B. (Cord.), 2000- Le Néolithique de la Mar tinique dans son contexte antilais.Rappor t intermédiaire pour l’année 2000 (autorisation 2000-2002), Projet Collectif deRecherche, Programme 32, 64 p.PETITJEAN ROGET J., 1968a - Méthodes suivies pour la différentiation des niveaux auDiamant: quelques mots sur la typologie . Proceedings of the 2nd InternationalCongress for the Study of Pre-Columbian Cultures in the Lesser Antilles. St. Ann'sGarrison, Barbados, 1967. Barbados : Barbados Museum, p. 1-8.PETITJEAN ROGET J., 1968b- Etude d'un horizon Arawak et proto-Arawak à laMar tinique à par tir du niveau II du Diamant. Proceedings of the 2nd InternationalCongress for the Study of Pre-Columbian Cultures in the Lesser Antilles. St. Ann'sGarrison, Barbados, 1967. Barbados : Barbados Museum, p. 61-68.PETITJEAN ROGET J., 1968c- Etude d'un horizon Caraibe à la Mar tinique à par tir duniveau III du Diamant. Proceedings of the 2nd International Congress for the Study ofPre-Columbian Cultures in the Lesser Antilles. St. Ann's Garrison, Barbados, 1967.Barbados : Barbados Museum, p. 125-133.SERRAND, N., 2002- Exploitation des inver tébrés marins et terrestres par les populationsSaladoïdes et Post-Saladoïdes du Nord des Petites Antilles (≈ 500 B.C .-1200 A.D.).Étude de cas et comparaisons. Par is : Thèse de doctorat de l’Université Par is IPanthéon-Sorbonne, Préhistoire-Ethnologie-Anthropologie, 1318 p.VIDAL, N., 1992- Les fouilles archéologiques du site Précolombien de la Plage de Dizac,le Diamant, Mar tinique. Paris : Maîtr ise, de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne.VIDAL, N., 1999- Le site précolombien de la Plage Dizac au Diamant, Mar tinique.Proceedings of the 16th International Congress for Caribbean Archaeology. Basse-Terre, Guadeloupe : Conseil Régional de la Guadeloupe, Mission Archéologique et duPatrimoine, p. 7-16.VIDAL N. - à paraître - Le site précolombien de la plage de Dizac au Diamant. inArchéologie et peuplement du milieu insulaire, Actes du 123ème Congrès National desSociétés Historiques et Scientifiques, Fort de France 1998.

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Figure 3: Fréquences relatives de restes (%NR) et d’individus (%NMI) des principales espèces de l’assemblagedu Diamant (fouille Vidal)Figure 4: Fréquences relatives d’individus (%NMI) des principales zones de collecte représentées dans l’assemblagedu Diamant (fouille Vidal)Figure 5: Evolution des fréquences relatives de restes (%NR) et d’individus (%NMI) des principaux taxonssur la séquence du Diamant (fouille Vidal)

Figure 6 : Fréquences relatives d’individus (%NMI), longueur moyenne (mm) et répartition en classes de longueur (mm) des individusde Donax denticulatus sur la séquence du Diamant (fouille Vidal)Figure 7 : Evolution des fréquences relatives de restes (%NR) et d’individus (%NMI) des principales zones de collecte sur la séquencedu Diamant (fouille Vidal)

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Figure 8 : Exemples de modes d’utilisation des mollusques sur le site du Diamant

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