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UN MAIRE FOU DE THÉÂTRE ET D’OPÉRA

Il était une fois un édile, un maire, un ancien ministre quiaimait le théâtre et l’opéra un peu plus (et même beau-coup plus) que ses égaux en politique. Il s’appelle JeanLeonetti et il pensa, il y a une dizaine d’années, qu’unnouveau théâtre pouvait être construit sur la Côted’Azur, alors que tous les indices économiques ren-voyaient à une crise endémique et que, dans ce typede contexte, tous les projets liés à la culture sont re-poussés aux calendes grecques. Mais ce personnagequi dit volontiers : « Je suis un littéraire qui a mal tourné » – en effet, il a préféré la médecine et la politique ! – s’obs-tina. Il aimait sa ville d’Antibes, l’agglomération de So-phia Antipolis, les gens qui font du théâtre et de l’opéra,les gens qui vont au théâtre et à l’opéra, et les autresgens sans exclusive, et aussi l’idée que les événementsculturels n’avaient pas à se dérouler principalement enété. Il avait l’habitude des combats de terrain. Il avait faitses débuts comme adjoint à la culture et, des annéesplus tôt, avait étudié un dossier (finalement abandonné)qui aurait transformé une partie des chantiers navals enlieu de spectacle.Jean Leonetti est un personnage étonnant. Les mairesdes autres communes qui lui apportèrent leur adhésionet leur soutien le sont aussi. En une autre région, dansune autre imbrication urbaine, l’affaire aurait été miseaux oubliettes. À Antibes, la ville d’Audiberti, Picasso et

de Staël, le nouveau théâtre est né. C’est l’un des plusbeaux et des plus actifs du Sud de la France, c’est, aubout de cinq ans, le plus suivi par le public. Tout celaparce que la passion d’un certain nombre de responsa-bles, réunissant une très grosse enveloppe (30 millionsd’euros), a refusé les bonnes raisons du découragementqui sont, bien entendu, de très mauvaises raisons. Le maire d’Antibes confie qu’il doit beaucoup à l’anti-quaire Jean Gismondi, disparu en 2014. Gismondi a étéun guide, un conseiller de premier plan. Mais, parmi lespersonnes ayant su former Leonetti et nourrir ses ré-flexions, on peut aussi nommer ses parents qui lui don-nèrent le goût de l’opéra, Albert Camus et quelquesautres philosophes. « Le projet de ce théâtre, ce ne pou-vait être que de l’exception sur ce territoire de l’excep-tion, dit-il. Les spectateurs peuvent ne pas aimer maisils doivent avoir le sentiment que rien de médiocre nepeut leur être proposé. »

L E PA R I A U D A C I E U X D ’ U N E V I L L E E T D ’ U N E C O L L E C T I V I T É

Vue de nuit.

NAISSANCE D’ANTHÉA

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DEUX SALLES ET BIEN D’AUTRES ESPACES

Une fois l’ambition précisée, soit un théâtre doté dedeux salles, l’une de 1 200 places, l’autre de 200 places,tout reste à imaginer à partir du lieu qui se déploie lelong de l’avenue Jules-Grec. Premier élément essen-tiel : Anthéa (qui ne s’appelle pas encore Anthéa) nes’inscrit pas dans un tissu urbain, la salle doit montrerses quatre facettes. Mais quel sera le principal conceptdans le choix des formes ? Bénéficiant d’observationssur une terrasse d’un bâtiment de ce quartier, les ar-chitectes voient le Fort carré et imaginent rapidement

que les deux bâtiments vont dialoguer. À la massivitéancienne et de pierre du fort répondra la massivitémoderne en béton du théâtre. Fagnoni souligne combien la pensée a été collective.Les questions à régler sont si nombreuses ! La cage descène, immense, n’est pas simple à concevoir. En de-hors des deux salles, les lieux publics et les bureauxprivés sont aussi à imaginer. Archidev a l’idée de cettesplendide rampe qui relie en une série de courbes lerez-de-chaussée au sommet : des virages rouges dansun espace blanc. « L’idée est qu’on puisse accéder auxétages et aux terrasses de manières différentes, par les

UN ARCHITECTE ATTACHÉ AUX RÈGLES D’OR

Des maîtres d’œuvre devaient être trouvés. Au concoursde l’appel d’offres, ce fut le cabinet Archidev qui l’em-porta. Archidev avait du répondant dans ses archives :le cabinet avait restauré le théâtre des Célestins à Lyon,construit une vingtaine de théâtres dont ceux de Valen-ciennes et de Bourg-en-Bresse. Et il sut présenter lemeilleur projet. Archidev, c’est une équipe d’architectesavec, à leur tête pour Anthéa, Patrick Fagnoni. Ces hom-mes de l’art sont aussi des poètes, comme on ne l’ima-gine pas. Pour s’en convaincre, il suffit de lire un fragmentdu projet :« Lecture architecturale.Un style paradoxal : brutalisme et subtilité. Brutalisme :une architecture massive en béton. Subtilité : lissage,matriçage et traitement lasuré. Matériaux : omniprésence du béton. Décliné sous dif-férents aspects par lissage ou matriçage. Traité par unelasure afin de prendre les reflets du soleil et d’offrir desambiances différentes au fil des saisons.Opposition : diversité d’autres matériaux (béton, verre,aluminium, acier…).

Formes : dominance des courbes. Courbes, retraits, rampehélicoïdale. Opposition : ouvertures orthogonales. Couleurs : oppositions de valeurs (gris) et de couleurs.Dominance de gris à l’extérieur du bâtiment et dans lesespaces intérieurs de circulation. Dominance des cou-leurs vives dans les salles de spectacle (référence auxthéâtres à l’italienne) : un bâtiment de béton et de lu-mière. Lasures pour accrocher les reflets du soleil, lesvariations avec la lumière. Ambiances différentes au fildes saisons. Puits de lumière dans la cage de la ramped’accès.Relation à l’environnement construit : un dialogue archi-tectural avec le Fort carré. La forme du bâtiment a étéinspirée par le Fort carré d’Antibes et construit en écho.“C’est en découvrant le Fort carré qu’est née l’idée d’unbâtiment en dialogue avec cet édifice majeur.”Rapport au site et au paysage : une terrasse sur le pay-sage. Vue sur les montagnes de l’arrière-pays, les col-lines de Sophia Antipolis, le phare de la Garoupe et lelittoral jusqu’à Vintimille d’un côté, le Fort carré, le portet le vieil Antibes de l’autre. Relation intérieur/extérieur : écho des formes courbeset des retraits de l’extérieur du bâtiment avec la ramped’accès centrale. »Tous les écrivains ne manient pas aussi bien les motsque ces architectes-là !

Montage lumière, salle Pierre Vaneck.

Détail latéral.

Vue du parvis.

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Antibes, Anthéa, Daniel, et voilàque le théâtre me plaît. Le texteme plaît, la mise en scène me plaît.Comment le public va-t-il réagir àce seul-en-scène ? J’ai le trac. Uneseule actrice dans un train, pourun voyage à travers l’histoire duRemplaçant, d’un déporté qui n’estjamais revenu. Mais comment lepublic va-t-il répondre ? L’équipedu théâtre me réconforte. Elleconnaît son public qui, fidèle, a sus’ouvrir à des univers différents. Un mois de représentations et je ne veux plus arrêter de jouer. Je me sens là où j’aime être, sans l’avoir jamais su : l’univers du théâtre comme je l’aime, sansartifice mais avec tant d’humanité,d’émotions partagées.

Sylvie Testud

Je suis né au théâtre et à la merMéditerranée à Toulon, parce quemon père servait dans la Marinenationale de notre République. Il n’est pour moi rien de plusprécieux que le lien profond et mystérieux qui unit l’Artdramatique et la Grande Bleue et qui remonte aux origines duthéâtre. À Antibes, il y a un miraclede ce genre, qui a vu le jour il y aquelques années sous l’impulsionde quelques élus inspirés et d’un artiste qui se bat depuislongtemps pour que l’art duthéâtre résonne dans tous lescœurs. J’ai pu goûter chaque fois que j’ai joué à Anthéa cesavoureux mélange de sel et desueur que l’on ne peut ressentirqu’en fréquentant la magnifiquebâtisse qui surplombe le port et qui abrite ce théâtre unique.

Charles Berling

J’ai de merveilleux souvenirs au théâtre Anthéa. J’y ai dansél’année dernière avec monspectacle Déesses et Démoneset j’y ai présenté ROBOT en 2014.Chacun de mes passages dans cebeau théâtre reste pour moi unehistoire magnifique. Mon équipeet moi avons chaque fois eu lachance de profiter de plusieursjours sur place, de flâner dans les rues d’Antibes et de nousressourcer près de la mer avant de revenir au théâtre. Anthéa estun lieu dans lequel on se sentbien, l’équipe est accueillante etefficace, le public est connaisseur,à l’écoute et visiblemententhousiaste. Il faut dire que lasalle et le plateau sont superbes,ce qui ravit autant les artistes que le public.

Blanca Li

Je me souviens de deux soiréestellement belles au théâtreAnthéa, avec Novecento. C’était en 2015. C’était hier. Je serais bienresté à bord du Virginian pour y sentir aussi longtemps quepossible la chaleur du publicantibois. L’invitation dans cemajestueux port, la grandeur et la beauté des lieux, l’accueil de la salle ne me donnent qu’uneenvie : vous retrouver très vite. Un grand salut à tous.

André Dussollier

L’immense Laurent Terzieff disait :« Le théâtre, ce n’est pas ceci oucela, c’est ceci et cela. » DanielBenoin a fait sien ce manifeste :outre ses créations, ce metteur en scène, cet animateur culturelinfatigable, accueille dans ce beau paquebot tout ce qui fait lespectacle vivant de notre pays. J’aieu le bonheur d’être invité à jouersur la grande scène. Si le plateauest immense, l’acoustique estparfaite et le rapport au public est étonnamment intime etchaleureux pour les acteurs. Et quel public ! Toujours plusnombreux et fidèle. Sans compterqu’on peut aussi se rassasierautour de bons vins au bar ou sur la magnifique terrasse, quandle soleil se couche… J’y retournebientôt. Comme on part encroisière… Longue vie à Anthéa, àson capitaine et à son équipage !

Gérard Jugnot

Je tiens à remercier mon amiDaniel Benoin, pour l’accueilinoubliable qu’il a toujours réservéaux comédiens qu’il a reçus dansson magnifique théâtre.

Michel Bouquet

LES ARTISTES PARLENT D’ANTHÉA

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LES CRÉATIONS : LE MOTEUR D’ANTHÉA

La capacité de créer, c’est-à-dire de produire, est es-sentielle. En France, avec la crise frappant des pans en-tiers de la société et la prudence pratiquée dans lesinstitutions, le volume du financement culturel stagneou décroît. L’entrée d’Anthéa dans le jeu régional etnational, à partir de 2013, a eu tout de suite un effetbienfaisant, qui se prolonge et se renouvelle. Un ma-gnifique théâtre se met à vivre, engage des comé-diens, des chanteurs, des danseurs, des techniciens,et donne à voir des spectacles souvent inédits ! C’estimportant dans le paysage du spectacle vivant. Lescréations proprement dites, produites uniquement parAnthéa sans apports extérieurs, sont au nombre dequarante. Soit huit par an, ce qui met le théâtre d’An-tibes à peu près au niveau des centres dramatiquesnationaux. « C’est bien la politique de création qui estle moteur de ce nouveau lieu », dit Daniel Benoin.

LE SOUPER : UNE PIÈCE CULTE REVISITÉE

Au premier plan de ces productions se place Le Sou-per de Jean-Claude Brisville. La première a eu lieu endécembre 2014. Le spectacle a bénéficié d’une belleexploitation à Antibes, il a fait l’objet d’une reprisespectaculaire à Paris, au théâtre de la Madeleine, puisil est parti en tournée à travers la France. L’événementfut important car la pièce, qui est l’une des œuvres ma-jeures du répertoire contemporain, n’avait pas été re-prise avec des comédiens de cette dimension depuissa naissance : à l’invitation de Daniel Benoin, NielsArestrup et Patrick Chesnais s’appropriaient les rôlescréés par Claude Brasseur et Claude Rich, dans lespersonnages de Talleyrand et de Fouché. L’auteur faitdialoguer ce duo d’ambitieux, qui sont des ogres ma-lins. Ils cachent leurs griffes, dévoilent leurs projets,laissent entrevoir le chantage qu’ils pourraient mettreen place pour écraser l’autre, négocient, s’emparentde la France après le dessert…Daniel Benoin a changé la perspective qui figurait dansla mise en scène originelle de Jean-Pierre Miquel etdans le film d’Édouard Molinaro. Cela reste un repasde fauves, mais l’intimité de chacun prend de l’impor-tance : l’un et l’autre viennent de la souffrance ; ils ontsubi des échecs. Ils ont une revanche à prendre sur la

L E S C R É A T I O N S : L E M OT E U R D ’A N T H É A

CRÉATIONS ET ACCUEILSLA PLEINE DIVERSITÉ DU SPECTACLE VIVANT

Les Noces de Figaro, W. A. Mozart, G. Ráth, D. Benoin, création 2018.

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Carmen, G. Bizet, N. Krüger, D. Benoin,

création 2017.

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