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n°43 - mars

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n°43 - mars

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En ces jours de la mi-mars, alors que le prin-temps pointe le bout de son nez, que la végéta-tion se prépare à un retour flamboyant et que les foules se pressent chez les fleuristes pour acheter des jonquilles, des brassées de branches de mi-mosa et des calceolaria (jetez-y un œil, c’est par-ticulier), Langues zOne ne chôme pas et sort son numéro 43 sur le thème des îles !

Pour commencer, découvrez avec nous par ses détails la splendide Indonésie. Ensuite, plon-gez avec ravissement dans les méandres des théo-ries sur le légendaire continent Mu. Après cela, pour redescendre sur terre, nous vous proposons une excursion dans l’île de Taiwan sous occupa-tion japonaise. Enfin, pour conclure en beauté, venez visiter avec nous un assortiment des îles les plus curieuses !

Après cette débauche de rêves colorés, re-cueillez-vous un instant avec nous en souvenir du dramatique tsunami au Japon le 11 mars 2011 et découvrez l’état des lieux quatre ans après. Puis, changez-vous les idées en suivant à nos côtés l’évolution de l’immense empire mongol fondé par Gengis Khan, avant d’achever votre lecture par l’histoire surprenante de l’architecte autodi-dacte Ferdinand Cheval et notre BD habituelle.

Et si le cœur vous en dit, retournez le journal et regardez-en le dos. Vous voyez ce Wendell sou-riant et potelé ? C’est l’affiche de notre concours de nouvelles qui célèbre les dix ans du journal par son thème « J’AI DIX ANS ». Ne vous contentez pas de regarder, écrivez ! Une page, deux pages, et voilà une nouvelle qui se forme, une vocation qui se crée. Tentez le coup, qui sait où ce concours pourrait vous mener...

Alors c’est décidé, nous attendons vos nou-velles, vos nombreuses, très nombreuses nou-velles à l’adresse [email protected]! Et pour ceux qui voudraient aller plus loin, nos portes sont toujours ouvertes pour de nouveaux rédacteurs ! Écrivez à [email protected], sur fa-cebook ou venez nous voir au local 2.03 !

À bientôt !

Votre dévouée rédactrice en chef,Pauline Ceausescu

Sommaire

Thème : Les Îles

Ces petits détails qui font les souvenirs .......p.3

Îles insolites ......................................................p.4

Taiwan sous l’administration japonaise (1895-1945) .....................................p.6

Mu, ses ruines, ses extraterrestres .................p.8

Hors thème

Tsunami et après ? ........................................ p.10

Au coeur de l’Empire mongol.................... p.12

« Le travail d’un seul homme » ................... p.14

Édito

Dernière miunute: nous dédions ce numéro aux victimes du cyclone Pam dans l’Archipel Vanuatu

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CeS petitS dÉtailS qui font leS SouvenirS

Lorsque vous partez en voyage, vous prévoyez peut-être des visites culturelles, des balades, des découvertes, des photos et éventuel-lement du repos. Cependant les choses qui marqueront le plus votre esprit ne seront peut-être pas forcément ce que vous aviez prévu. Bien au contraire les petits détails, les imprévus, les anecdotes vont laisser de bien plus vives impressions dans votre esprit.

Bien sûr ce phénomène est encore plus ma-nifeste dans un pays comme l’Indonésie si loin de nous géographiquement et culturellement. Je dois dire que cela tombe très bien car justement : c’est de l’Indonésie que je vais vous parler aujourd’hui.

J’ai eu l’occasion d’y mettre un pied, et même deux, et je me propose aujourd’hui de vous faire une petite liste de toutes ces choses qui m’ont marqué plus que les autres pendant mon séjour au bout du monde.

Lors de mon passage dans ce pays j’ai vi-sité deux îles : Java et Bali. Ma première étape a été Jakarta, capitale peu touristique et clivée entre des quartiers modernes et extrêmement riches, et d’autres beaucoup plus pauvres, sans vraiment de classe moyenne. Le deuxième arrêt: Bali, paradis des plongeurs, et où les attrape- touristes cohabitent avec des trésors insoupçon-nés. J’y ai donc vu deux facettes, et donc deux fois plus de ces détails imporbables.

1. Le meilleur restaurant de Jakarta

Visitant la ville avec un natif, mes compagnes de voyage et moi-même lui avions demandé de nous emmener dans le restaurant faisant le meilleur bubur (riz en bouillie) de la ville. Nous nous sommes retrouvées assises à une table basse parmi les quelques autres qui avaient été installées sur le perron d’un grand building et sur le trot-toir attenant, à observer le cuisinier faire ses plats dans sa petite cuisine portative. Autour de nous, il y avait plein de monde à qui il paraissait tout naturel de manger dans un restaurant sans locaux fixes. Et le bubur ? Un délice !

2. Les couleurs

Je vis dans la région parisienne depuis ma naissance et je suis prête à la défendre aveuglé-ment contre n’importe quel détracteur. Pourtant,

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elle m’a parue bien monochrome devant la diver-sité des teintes et des lumières d’Indonésie. Le ciel bleu azur, les plantes vert profond, les fleurs jaune ou rose éclatant, les fruits ayant autant de saveur que de couleur, les vêtements chatoyants, les marchés bariolés. C’est un régal pour les yeux. Cela a enrobé tous mes souvenirs d’un filtre arc-en-ciel.

3. Les offrandes et Vishnu

Si l’Indonésie est un pays principalement musulman, il y a certaines régions comme Bali à majorité hindouiste. En conséquence, il y a très souvent dans les rues, devant les portes, un peu partout des sortes de petits récipients carrés et tressés, remplis de fleurs et d’encens qui sont des offrandes. A côté de ces petites choses qui parsèment le paysage urbain, il y a la monumen-tale statue de Vishnu. Une statue dont il ne reste pourtant qu’une petite partie de ce qu’elle était à l’origine, tellement immense qu’on se demande si ce ne sont pas les dieux eux-mêmes qui l’ont façonnée.

4. Coconut

L’avantage des pays tropicaux, c’est l’abon-dance de fruits frais et juteux à souhait. Une noix de coco fraîche en Indonésie ça ne coûte presque rien, tout le monde en a dans son jardin. Mais ce qui est le meilleur c’est la façon de la dégus-ter : deux trois coups de machette pour réduire l’épaisseur de la coque, une petite entaille, juste de quoi glisser une paille et vous voilà prêt à vous gorger de son eau.

J’en arrive à la fin, ce n’était que peu de tous les détails qui ont fait mon voyage en Indonésie, j’en au-rais sans doute eu des dizaines d’autres à vous racon-ter mais je vais vous laisser vous faire vous-même vos anecdotes. Allez où vous voulez, profitez ! Voyagez !

Amélie C.

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Îles

mu, SeS ruineS, SeS extraterreStreS

Bien avant les Égyptiens et les Sumériens, une civilisation aussi ancienne que puissante régnait sur une partie de la Terre, construisant villes et palais, développant dans tous les domaines des connaissances qu’elle a légué à ses héritiers sur plusieurs continents. Cette civilisation, ce peuple, vivait sur le continent Mu aujourd’hui englouti par les eaux de l’océan Pacifique.

C’est à cela que se résume l’histoire, mythe pour certains, réalité historique pour d’autres, du continent Mu « découvert » au XIXe siècle par l’historien Brasseur de Bourbourg à la lecture d’un codex maya. Les guillemets sont ici de ri-gueur puisqu’il a été démontré par la suite, après retraduction des glyphes, que son interprétation était erronée et qu’il n’était nulle part fait mention de ces terres. Cependant, le récit de Mu a inspiré l’écrivain James Churchward qui a publié en 1926 un livre décrivant l’histoire et les particularités du continent disparu.

Le livre a enflammé les imaginations comme l’avaient fait avant lui les récits de l’Atlantide. Certains se sont emparés de cette idée et l’ont développée, cherchant à relier les différentes civi-lisations présentes dans cet océan à une ancienne société unique. Par exemple, les légendes com-munes à de nombreuses îles du Pacifique qui ra-content l’existence d’un peuple antique béni des dieux, les similarités des statues sculptées sur des terres séparées par des centaines de kilomètres d’océan sont souvent citées à l’appui de la théorie du continent Mu. Mais les ruines qui parsèment les îles et les eaux du Pacifique constituent des preuves plus concrètes encore.

Pour ce qui est des vestiges terrestres, la cité Nan Madol sur l’île Pohnpei, de l’archipel des îles Carolines dans la Micronésie, vient immédiate-ment à l’esprit. Bâtie en orgues basaltiques sur des îlots artificiels et sillonnée de canaux (qui lui valent, comme de juste, le surnom de « Venise du Pacifique »), elle a servi de capitale à la dynastie des Saudeleur qui a dominé la région de 1100 à 1600 environ. Probablement construite à partir de 1200, elle soulève de nombreuses questions, comme par exemple l’origine des orgues et leur transport ou l’utilité des îlots artificiels. Les dé-fenseurs du continent Mu soutiennent que le site

serait bien plus ancien que la datation officielle ne le dit (quelques dix mille ans au moins). Ils affir-ment de même que les moyens, tout comme les matériaux et même les raisons de la construction d’un tel monument manquaient cruellement aux Saudeleur. Qu’une cité aussi imposante, entourée de remparts épais, formée de pierres extraites de carrières introuvables, ait été fondée sur une île aussi petite (moins de 400 km², environ quatre fois Paris) peut en effet paraître étonnant. En re-vanche, si l’on considère que Nan Madol faisait partie d’un ensemble plus vaste que l’île actuelle, un continent par exemple, la cité semble prendre tout son sens…

Le second lieu qui serait une preuve directe de l’ancienne existence de Mu se situe près de l’île japonaise Yonaguni, à l’extrême pointe Sud des Ryûkyû. Il s’agit d’un site sous-marin immer-gé à près de 20 m sous la surface de l’eau décou-vert en 1985 par le plongeur Aratake Kihachirô. Composé en grande partie de larges pierres rec-tangulaires, il couvre un espace d’environ 150 m de long sur 25 m de haut. Sujet d’études diverses depuis sa découverte, visité par des plongeurs du monde entier, dont Jacques Mayol, il divise la communauté scientifique. Certains, le géologue Kimura Masaaki en tête, affirment qu’il s’agit d’une construction absolument artificielle. Ce

Nan Madol

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serait un temple ou une pyramide à degrés à la façon des monuments Mayas, fondée il y a dix mille ans ou plus et engloutie lors de la mon-tée de eaux à la fin de la période de glaciaire. D’autres, comme le géologue Robert Schoch, ne voient dans la structure sous-marine de Yo-naguni qu’une formation naturelle, les fissures en lignes droites pouvant provenir des mou-vements de sismiques importants de la région. Aujourd’hui, il est généralement considéré que le site de Yonaguni est une formation naturelle travaillée de la main de l’Homme, probable-ment en tant que carrière de pierres. Les traces humaines semblent indéniables, compte tenu du fait que des outils, des stèles gravés de pic-togrammes (encore que d’aucuns y voient des marques naturelles) et même peut être la tête d’une statue de forme humaine ont étés retrou-vés dans le monument de Yonaguni.

L’un et l’autre de ces exemples peut aussi bien servir à prouver l’existence du continent perdu de Mu que n’avoir aucun rapport avec lui. Tout dépend du point de vue. Le professeur Kimura, par exemple, avait conçu une nouvelle théorie selon laquelle Mu ne se trouvait pas au cœur du

Pacifique mais tout près du Japon, Yonaguni en étant un vestige. Pour d’autres, ainsi qu’on peut le voir dans un épisode de la série documentaire américaine Ancient Aliens, l’Atlantide, le conti-nent Mu, le monument de Yonaguni et d’autres sites similaires et bien réels (comme la route de Bimini, la ville sous-marine près de Cuba dé-couverte par Pauline Zalitzki, la cité engloutie de Khambhat près de l’Inde…) sont des traces d’extraterrestres qui auraient visité la Terre il y a plusieurs milliers d’années.

Face à cela, les scientifiques demeurent on ne peut plus sceptiques. Tout d’abord, ils rejettent comme fantaisistes les datations qui font remon-ter Nan Madol ou Yonaguni à plus de 10.000 ou 12.000 ans dans le passé et, sans pouvoir expli-quer tous les détails (la provenance des pierres, la nature du site japonais, restent des mystères), re-placent chacun des sites dans l’histoire connue et établie de sa région. Ensuite, en ce qui concerne le continent Mu, les spécialistes sont très clairs : le sol marin de l’océan Pacifique est le berceau d’une flore et d’une faune très riches qui n’au-raient pu se développer comme elles l’ont fait si elles étaient apparues à la fin de la période gla-ciaire, il y a 10.000 ans. Par ailleurs, cet océan est composé de plaques tectoniques et parcouru de failles toujours en activité qui rendent très impro-bable l’hypothèse d’un antique continent cou-vrant toute cette zone.

En résumé, les mystères des sites découverts sur et sous l’eau du Pacifique demeurent assez obscurs pour permettre toutes sortes d’extrapo-lations sans que l’on puisse rien prouver définiti-vement pour ou contre celles-ci. À découvrir en bloc toutes des controverses qui entourent Yona-guni et, dans une moindre mesure, Nan Modal, un lecteur neutre oscille entre son désir d’ou-verture d’esprit prôné par bien des défenseurs de la légende de Mu et sa crainte d’une naïveté excessive moquée par les scientifiques, la soif de merveilleux et d’inconnu qu’il garde au fond de son âme d’enfant et le cynisme railleur que sa vie d’adulte lui a alloué d’office. Dans le doute, abste-nons-nous d’une conclusion trop tranchée.

Pauline CeausescuYonaguni

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taiwan SouS l’adminiStration japonaiSe(1895 – 1945)

Taiwan a été sous l’administration japonaise durant une période de 50 ans. Cette dernière va fortement influencer l’île d’un point de vue économique, politique mais également culturel. Certains considèrent les Taïwanais comme étant à mi-chemin entre Chine et Japon tant c es deux influences se mêlent à Formose.

Taiwan est passée sous administration japo-naise par le biais d’un traité imposé par le Japon au gouvernement chinois : le traité de Shimono-seki (17 avril 1895). Signé par le Chinois Li Hong Zhang, il fera donc de Taiwan une colonie.

Si le gouvernement japonais avait envie de contrôler Taiwan, les hommes d’affaires japonais eux, ont été un peu méfiants et ont évité d’enga-ger leurs capitaux dans l’île. Il y eu également un débat concernant l’intérêt de garder Taiwan ou de la revendre à un autre pays.

Les relations entre Taiwan et le Japon sont déjà très anciennes à l’époque. Le potentiel agri-cole taïwanais est un élément qui va encourager les capitalistes à suivre leur gouvernement et in-vestir à Formose. Une fois que cette idée d’ex-ploitation du potentiel taïwanais est acquise, le gouvernement japonais va lancer un vaste pro-gramme de développement des infrastructures et de modernisation sur l’île. Ce programme vi-sera tout d’abord à améliorer les conditions sa-nitaires à Taiwan. Quand les Japonais arrivent, celles-ci sont précaires et les conditions d’hygiène très mauvaises. Beaucoup d’expatriés japonais à Taiwan vont mourir de maladies lors des pre-mières années de la colonisation. Dans une zone subtropicale de ce type, les microbes se propa-gent plus vite qu’en climat tempéré et l’hygiène y est encore plus importante. Les Japonais vont ainsi créer un réseau de canalisations afin d’ache-miner de l’eau potable jusque dans les habitations.

Ils vont également développer les infras-tructures médicales et vont notamment créer le premier hôpital public en juin 1895 qui portera le nom d’ « hôpital taïwanais du grand Japon ». Le personnel médical sera formé par les Japonais tout d’abord au sein de cet établissement puis dans une école de médecine du gouvernement colonial.

Le gouvernement japonais va aussi s’attaquer au système éducatif. Celui-ci va être développé à tous les niveaux (de l’école primaire jusqu’à l’uni-versité). Dès juillet 1895 des écoles vont être ou-vertes à Taipei puis dans les principales villes de l’île. Un cursus obligatoire de 6 années d’études va également être mis en place. Ces écoles, pu-bliques, étaient ouvertes aux jeunes Taiwanais, mais les jeunes Japonais suivaient des cours dans des établissements différents. Puisque les Japo-nais prennent possession d’une île où on ne parle pas japonais, la priorité est d’apprendre cette lan-gue aux enfants Taïwanais. On privilégie donc l’apprentissage du japonais. On veut transformer les Taïwanais en bons Japonais.

Les moyens de communication vont être considérablement élargis avec d’abord une liaison maritime régulière entre Taiwan et le Japon. Les Japonais vont également mettre en place une ligne de chemin de fer qui va relier le nord et le sud. Au niveau industriel, les Japonais vont déve-lopper les centrales hydroélectriques (dès 1903). La plus grande sera construite sous le nom de « Sun Moon Lake » et achevée en 1934. Ces cen-trales électriques vont permettre à l’industrie de l’île de décoller.

En septembre 1899, les Japonais vont créer la Banque de Taïwan dont le siège social se trouve au Japon mais qui aura des succursales à Taiwan ainsi qu’à Hong Kong et dans différentes villes du continent chinois.

Ces travaux d’infrastructures vont permettre à Formose de devenir, dès le XIXème siècle, le grenier du Japon. L’île sera donc un lieu de pro-duction de denrées alimentaires, essentiellement du sucre et du riz. Beaucoup de recherches se-ront menées par les Japonais pour améliorer la qualité des denrées alimentaires taiwanaises (riz, thé,…). Taiwan va ainsi très vite devenir rentable

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pour le colonisateur japonais. Dès 1905, le gou-vernement colonial devient indépendant finan-cièrement du gouvernement de tutelle.

Dans les années 1930 et jusqu’en 1945 Taiwan sera utilisée comme base militaire par le Japon. Des Taïwanais sont aussi envoyés dans les garnisons japonaises, sur le continent chinois ou en Asie du Sud-Est pour y travailler dans tous types de domaines (transport d’armes, construction de ponts, exploitation agricole, ...). À partir du début des années 1940, des Taïwa-nais commencent à être recrutés comme soldats dans les troupes japonaises.

De cette Formose sous administration japo-naise on peut voir des aspects négatifs aussi bien que des aspects positifs.

Les Taïwanais ont été pris dans cette po-litique d’expansion japonaise ce qui a entraîné l’île dans la tourmente de guerre et en particulier contre les Américains. En tant que colonie japo-naise, Taiwan était considérée comme territoire japonais. Environ 30 000 Taïwanais sont morts, enrôlés comme ouvriers militaire ou soldats. Taiwan a été bombardée à partir de novembre 1943 et de façon intensive entre octobre 1944 et août 1945. Le bilan de ces bombardements américains ont été de 6 500 personnes portées disparues ou mortes dont 92 % de Taïwanais. Il y a eu 14 300 blessés dont 60 % de Taïwanais. Jusqu’à 50 % des bâtiments ont été détruit. En raison des conséquences de ces destructions de bâtiments, on estime que 277 400 personnes ont été privées de logement. La conséquence immédiate a été que l’industrie taïwanaise a été ralentie. En mars 1945, la centrale électrique de Sun Moon Lake a été à son tour bombardée. Elle alimentait une grande partie des usines en électricité. À partir de là, l’industrie taïwanaise a eu beaucoup de mal à continuer sa production. Dès le printemps 45, l’industrie devient presque inexistante à Taiwan. Ce fut une période très dif-ficile pour la population.

Au début de l’occupation japonaise la police était omniprésente, réprimant toute résistance. Les chamans, par exemple, étaient obligés de cesser toute pratique rituelle sous peine d’em-prisonnement. Cependant, durant cette période, les Japonais ont modernisé l’île. En 1945, mal-

gré toutes les destructions en raison de bombar-dements, Taiwan restait en avance par rapport à la Chine.

Mais le lien qui s’est créé au niveau écono-mique entre Taiwan et le Japon durant cette pé-riode a perduré bien après le départ des Japonais et le retour de Taiwan à la Chine.

La volonté des autorités chinoises à leur ar-rivée à Taiwan (elles y resteront de 1945 à 1949) était de « déjaponiser » Taiwan avec l’idée que tout ce que les Japonais avaient fait était mal.

Dans les années 1930, 90% du commerce se faisait entre Taiwan et le Japon. Les machines uti-lisées à Taiwan venaient du Japon. Les ouvriers Taïwanais qui travaillaient dans les usines étaient formés aux méthodes japonaises.

En 1945 lorsque Taiwan retourne à la Chine, les relations commerciales entre Taiwan et le Japon sont interrompues. En 1946 et jusqu’en 1949, la Chine devient le partenaire commercial quasi-ex-clusif de Taiwan. En 1949, une césure a lieu entre la RPC et Taiwan qui devient alors nationaliste. Taiwan va devoir se tourner vers le partenaire commercial qui lui est le plus pratique : le Japon (et aussi les États-Unis).

L’influence culturelle japonaise demeure toujours à Taiwan.

Caroline Allart

Îles

Ours de Formose, un des emblèmes de l’île

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Îles

j’irai viSiter deS îleS-ou « à chacun son petit coin de paradis »-

Envie d’une pause après cette rude année à l’INALCO ? C’est peut-être le moment de partir sur une île originale et inconnue ! Voici quelques idées d’escapades paradisiaques qui pourraient vous inspirer pour vos prochaines vacances (ou plutôt vous distraire le temps d’une lecture) !

Vous aimez les reptiles ? Direction Queimada Grande (Brésil) !

À quelques pas de Santos, au Brésil se trouve Queimada Grande. Totalement inhabitée par l’homme, elle est l’unique vivier au monde d’une famille de sauriens des plus redoutables : le Ja-raraca-ilhoa. Connue comme une des espèces les plus mortelles au monde, son venin tue en quelques instants la victime dont l’intérieur fond littéralement… On comprend mieux ce qui a valu à ce petit paradis d’être surnommé « l’île aux serpents »... D’après une histoire locale, décrite dans un documentaire Vice, « chaque année, un groupe de marins s’y rend afin d’y maintenir en état le phare, automatisé depuis les années 1920 après que son gardien est tombé à court de nour-riture et a disparu alors qu’il cueillait des bananes sauvages dans un petit bois près du rivage. La légende raconte que lui et les membres de l’ex-pédition venus le sauver ont disparu les uns après les autres »… Donc si vous avez un amour par-ticulier pour les serpents très sympathiques, une curiosité suicidaire ou un ennemi à faire dispa-raître… Ce charmant endroit est fait pour vous !

Vous aimez les fantômes, les poupées, bref les endroits glauques à souhait?En route pour Hashima (Japon), la Isla de

las Muñecas (Mexique) et Poveglia (Italie) !

À la fin du XIXe siècle, le groupe Mitsubishi achète une petite île (d’environ 6 hectares) au sud du Japon : Hashima. Celle-ci se trouve sur un gisement de charbon que l’industriel compte ex-ploiter. On construit alors une ville sur le caillou : école, hôpital, immeubles et magasins sortent de terre, le tout entouré de grands murs pour pro-téger ses habitants des tempêtes. Pendant la Se-

conde guerre mondiale, la population de mineurs « accueillera » des travailleurs coréens (la Corée étant sous domination japonaise à l’époque), dont 1/8 se tueront à la tâche. Le passage du charbon au pétrole comme source énergétique rendra l’intérêt économique de l’exploitation nulle, les mineurs seront retirés. Cependant les constructions demeurent, abandonnées et enva-hies par la végétation et peut-être par les esprits des mineurs disparus. Hashima est ainsi devenue une des villes fantômes qui ravissent certains tou-ristes aujourd’hui.

Mais si Hashima vous semble trop fade, vous pouvez vous tourner vers l’île mexicaine des pou-pées : « la Isla de las Muñecas ». Dans les années 1950, Julián Santana Barrera décide de se retirer en ermite dans cette île. Il y découvre alors le cadavre d’une fillette, noyée dans un canal. Pour honorer l’esprit de l’enfant, il va collectionner inlassable-ment des poupées et les attacher aux arbres de l’île. Ces jouets, abimés, mutilés, démembrés par les in-tempéries et le temps se décomposent désormais lentement dans la végétation. L’histoire ne s’arrête pas là. En 2001, le corps de Julián Santana Barrera est retrouvé noyé… Il aura passé la majeure par-tie de sa vie seul sur son île. Vraiment seul ? À en croire les superstitions, on pourrait pourtant voir les poupées bouger quand vient la nuit… Elles ont perdu leur papa, donc si vous avez l’âme à chou-chouter des poupées moisissantes, n’hésitez pas à vous diriger vers cette adorable île mexicaine. Une occasion à saisir.

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Îles

Et si, toujours insatisfait, vous voulez du bon gros macabre, du classiquement horrifique et de l’effroyablement malsain, rendez-vous à Pove-glia. Tout proche du romantisme et de la dou-ceur de vivre si ennuyante de Venise se trouve ce lieu mortifère. Zone de quarantaine aux XIVe, XVIIe et XVIIIe siècles pour les malades la Peste noire, Poveglia et ses neufs hectares auront ainsi vu plus de 160 000 personnes finir sur des bû-chers géants, souvent brûlés vifs… Et comme le glauque apparemment n’a pas de limite, en 1922 on y construisit un asile psychiatrique (évidem-ment)… On raconte que le médecin se livrait à des expériences mystérieuses sur ses patients, et qu’il se jeta finalement du haut du clocher de l’hô-pital (ben voyons)… L’asile fut fermé en 1968 et l’île fut rapidement vidée. Mais aujourd’hui bien que le clocher n’ait plus ses cloches, certains pê-cheurs disent pourtant l’entendre encore parfois dans la brume de la lagune vénitienne… Tout ce joli curriculum en fait sans surprise un lieu hanté par une foule d’esprits torturés. Si vous avez donc envie de voir un asile laissé à l’abandon sur une île de mort (et d’ailleurs interdite au public)… Ce havre de paix n’attend que vous !

Vous aVez toujours rêVé d’aller sur mars ?

Socotra (Yémen) vous tend les bras !

Dans un tout autre registre maintenant, tour-nons-nous vers l’île extraterrestre. Véritable terre de science-fiction, Socotra s’offre à nous comme le paysage lunaire aux yeux de Neil Armstrong (les arbres en plus). Détachée du continent africain il y a 6 millions d’années, son isolement géologique a donné naissance à une flore phénoménale sur l’île. Un tiers des plantes de Socotra sont endémiques, dont « l’arbre concombre » (si si ça existe), le fi-guier de Socotra (qui ressemble à un pied d’élé-phant fleuri), et le dragonnier de Socotra (une sorte de pin parasol étrange). Cette île, aussi belle qu’improbable est à couper le souffle et garantit un dépaysement total aux pauvres terriens que nous sommes. Pour une escapade à moindre coup sur Mars optez donc pour Socotra!

Vous aimez les chats et/ou comme moi Vous aVez besoin de réconfort après les

trois îles macabres :Choisissez Aoshima (Japon) !

Finissons sur une note agréable (à moins d’être allergique aux poils bien sûr…) : un tour sur l’île aux chats d’Aoshima. Tout est dans le titre. L’île présente une densité de félidés par humains pour le moins impressionnante : 120 boules de poils pour 1 homo sapiens sapiens. Principalement compo-sée de retraités, la population humaine baisse dou-cement, quand celle de leurs compagnons explose ! Les chats prennent peu à peu la place de l’homme ! Cela a fait de cette île une nouvelle destination touristique pour amateurs de chats et curieux de voir une telle chatière. Alors si vous allez au Japon et que vous sentez que les Neko Cafe (oui ces bars où vous payez pour caresser des chats - ce qui n’est pas vraiment de la prostitution de félidés, enten-dons-nous) ne sont pas assez visionnaires, faites un détour à Aoshima, vous aurez votre dose de chats pour les dix années à venir ! (Et sans les payer en plus ! La concurrence est déloyale, non ?)

C’est sur cette dernière île que ce fini cet ar-ticle… Pourtant il en reste encore bien d’autres, mais il a fallu faire un choix ! Il ne tient qu’à vous de trouver de nouveaux endroits tout aussi déran-geants/surprenants/dépaysants que ceux-ci (par exemple il existe une île d’Australie - l’île Christmas - qui connaît chaque année une invasion de crabes rouges, aussi impressionnante qu’inoffensive...) ! Cherchez en d’autres sans complexe, la découverte est à vous !

… Mais l’île de la Cité c’est bien aussi…Lise M.

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tSunami, et aprèS ?Il y a quatre ans, un tsunami ravageur s’abattait sur le Japon, faisant suite à un tremblement de terre de ma-gnitude 9 et provoquant la catastrophe nucléaire de Fukushima. Comment s’est organisée l’aide aux victimes ces dernières années ? Qu’est-ce qui est fait, que reste-t-il à faire ?

Les traces

Août 2013, Tôhôku, préfecture d’Iwate, ville de Miyako. Mon amie japonaise m’em-mène en voiture chez une de ses connaissances de la coopérative qui propose de m’héberger quelques jours chez elle pour me montrer l’ampleur des dégâts causés par la vague deux ans et demi plus tôt. Après avoir longé une rivière qui a remonté son cours vers l’amont jusque 5 kilomètres dans les terres le jour de la catastrophe, la route débouche sur une plaine se jetant dans la mer. Plus on s’approche, plus je me rends compte qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond au milieu des herbes folles: nous ne sommes pas sur une route, mais dans une rue, et sur les bords devraient se dresser des maisons dont il ne reste que les fondations. On voit çà et là des bouquets de fleurs, hom-mages à ceux qui n’ont pas pu s’échapper. Je n’ai plus de mots. Nous remontons une rue grimpant dans la montagne, et la voiture s’ar-rête devant la maison où je vais loger. À ce niveau, les habitations ont l’air intactes. Mme Fukushi, mon hôte, m’explique que le jour du tsunami la vague s’est arrêtée à la porte. Elle a eu de la chance, contrairement à ses voisins, en bas de la rue. Je regarde ce qu’elle me montre, et en effet, deux ou trois maisons plus loin, des chantiers prouvent que l’urgence est pour certains plus importante que la sécurité dans la durée (car de tels séismes sont rares, mais reviennent un jour ou l’autre), et après ces chantiers, il y a les ruines dans lesquelles nous étions plus tôt.

Dans les jours qui suivent, Mme Fukushi me fait visiter les environs. La ville voisine de Tarô, sur une petite baie, avait investi dans une gigantesque digue de béton armé très élabo-rée lui permettant de gagner des terres et de se protéger d’un éventuel tsunami. La vague l’a emporté sans grande difficulté, et les restes

d’un hôtel de 5 étages nous renseignent sur la puissance de la marée ce jour-là : le bâtiment est à l’état de carcasse jusqu’au 3e étage. Une vidéo amateur filmée ce jour-là depuis le der-nier étage montre une personne âgée sortie trop tard de chez elle. L’auteur de la vidéo lui hurle d’aller le rejoindre au plus vite. On ne l’a jamais revue.

Mme Fukushi me raconte aussi l’histoire d’une de ses amies habitant à Rikuzentakata, 8 kilomètres plus loin, qui était allée se réfugier dans l’abri qui lui était assigné en cas de ca-tastrophe, c’était un gymnase municipal, censé être sûr donc. Personne n’en est ressorti vivant. Personne n’avait prévu une catastrophe d’une telle ampleur.

La solidarité

Au Japon, il existe un système de coo-pératives à l’anglo-saxonne, extrêmement développé et structuré. Cela consiste en un groupe de consommateurs se réunissant de manière bénévole et regroupant des fonds pour investir dans des produits sains et sûrs. On y adhère à l’année, et on a un pouvoir d’action dans les décisions prises. La face la plus visible de ces coopératives est évi-demment le supermarché où sont vendus les produits, mais les adhérents bénéficient d’un éventail de produits assez incroyable, du forfait téléphonique au mazout pour le chauffage, des légumes frais et sains à la prise en charge des funérailles. En plus de cela, il y a une vie associative très active et les femmes (la société japonaise étant telle que si la population active est majoritairement masculine, cela ne signifie pas que ces der-nières restent toute la journée à la maison: beaucoup d’entre elles s’engagent dans l’as-sociatif) organisent toutes sortes d’activités : sorties, tables-rondes, etc.

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Les coopératives des régions touchées par le tsunami ont été très actives dans l’après 11 mars. En plus de s’organiser pour fournir en urgence des produits de première nécessité, il fallait s’assurer de pouvoir aider les popula-tions sinistrées sur le long terme.

Camions-épiceries desservant les nou-veaux villages de préfabriqués (où les gens vi-vent encore aujourd’hui, très souvent faute de moyens), vente de produits fabriqués par les personnes sinistrées, organisation de visites des villes côtières pour faire de la prévention sur les mesures à prendre en cas de catas-trophe, sont autant d’actions organisées par la coopérative d’Iwate.

Bien sûr, il n’y a pas que les coopératives qui ont apporté leur aide aux victimes de la catas-trophe ! De mon expérience, je peux dire que l’Unicef par exemple a organisé (et continue à organiser) des activités pour les enfants ayant vécu ce traumatisme, permettant de garder un lien social dans des régions où depuis, les fa-milles se sont dirigées vers les grandes villes. Non seulement les infrastructures (écoles, etc.) ont été mobilisées pendant de longs mois après la catastrophe pour l’hébergement d’ur-gence, où à cause de leur destruction, mais la perspective de grandir dans une ville en ruines où tant de gens que l’on connaissait sont morts n’est pas très réjouissante. Les enfants s’y font rares, donc.

Il existe du coup énormément de petites structures pour les seniors, leur permettant de se retrouver, de parler, et d’arrondir leurs fins de mois en créant et vendant des objets: colliers en nacre, napperons et autres créations. Ces as-sociations sont nées après la catastrophe d’un besoin vital de retrouver une vie « normale » malgré les malheurs des décès, de l’habitat pré-caire, des besoins financiers et des déceptions politiques (M. Abe n’est pas très populaire par-mi les gens que j’ai pu rencontrer).

et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, les villes se reconstruisent petit à petit. Tout le monde ne comprend pas pourquoi, car dans un siècle, leurs descendants

risquent de connaître un destin similaire. Du coup, à Rikuzentakata, par exemple, on crée des monticules artificiels pour surélever les prochaines constructions. D’un point de vue écologique et esthétique, c’est discutable, sans parler du problème de l’accessibilité dans des villes où la moyenne d’âge est montée considé-rablement. Cependant, c’est facile d’un point de vue si lointain de juger négativement.

Les victimes déplacées vivent encore en grande majorité dans des maisons préfabri-quées, et la promesse de retrouver un loge-ment durable est sans arrêt retardée. Tokyo se prépare aux Jeux Olympiques de 2020, donc la main d’œuvre se fait plus rare, et la recons-truction prendra plus de temps que prévu. Les Jeux ont été accordés au Japon pour donner une impulsion à l’économie d’un pays qui était particulièrement affaibli, mais finalement les populations qui ont le plus besoin d’aide sont oubliées dans la frénésie de la préparation…

Pourquoi je n’ai pas parlé de la catastrophe nucléaire ? Ici, le 11 mars 2011 n’est resté qu’à cause de Fukushima, mais là-bas, c’est le jour où 18 000 personnes ont trouvé la mort. Pen-sons aux victimes du tsunami de 2011, mais aussi du typhon Haiyan de 2013, du tsunami de 2004, de l’ouragan Katrina en 2005, et à tous les autres dont la mort fut aussi tragique.

Élisabeth Richard

Miyako, août 2013

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au Coeur de l’empire mongol

Gengis Khan et Kubilaï Khan, deux noms qui résonnent vaguement aux oreilles des Occidentaux, notamment grâce aux écrits de Marco Polo, qui rédigea le Devisement du monde à la fin du XIIIe siècle. Pourtant, l’Empire mongol en tant que tel, qui contrôla l’Asie de 1206 à 1368, est relativement peu connu en Europe.

Deux chiffres peuvent en résumer le carac-tère exceptionnel : 30 millions et 140 000. 30 millions, c’est le nombre de kilomètres carrés que compta l’Empire à son apogée, en 1279, sous Kubilaï Khan. Aucun Empire, qu’il fût plus ancien, comme celui d’Alexandre le Grand (7,5 millions), ou plus récent, comme celui de la Reine Victoria (26 millions) n’atteignit une telle superficie de toute l’Histoire de l’humani-té. Il s’étendait du littoral pacifique à la Turquie et de la Sibérie aux frontières de l’actuelle Inde. 140 000, c’est le nombre de soldats que Kubi-laï Khan mobilisa lors de la deuxième tentative d’invasion du Japon, en 1281. Toujours à titre de comparaison, les puissances occidentales ne purent rassembler une armée d’une telle ampleur avant le XIXe siècle. Même la célèbre Grande Armée napoléonienne comptait « seu-lement » 100 000 hommes.

Deux noms peuvent également résumer le caractère visionnaire de l’Empire mongol : Gengis Khan et Kubilaï Khan, son petit-fils.Le premier, que peu connaissent sous son nom de naissance, Temudjin, fut un dirigeant hors-norme sous bien des aspects. Ce fut lui qui, au prix de nombreuses et sanglantes luttes, parvint à unifier les tribus d’Asie centrale – les Mongols, Keraït, Naïman du Nord, Ongut et

Merkit, entre autres – pour former les bases de son Empire, qui s’étendait déjà sur une superfi-cie équivalente à quatre fois la France en 1206. Toutefois, sa population n’en a jamais été très nombreuse – probablement moins d’un mil-lion de personnes – car l’Empire était consti-tué de nomades. Gengis Khan était d’ailleurs partisan d’une extermination totale des séden-taires, qui se serait peut-être traduite par une invasion de l’Europe s’il avait été au pouvoir ne serait-ce que dix ans plus tôt – mais cela, nous ne le saurons jamais. Gengis Khan n’au-rait pas conquis des pays aussi puissants que la Chine s’il n’avait pas été un audacieux stratège. L’une de ses décisions les plus en avance sur son temps fut d’articuler son armée de ma-nière décimale – les armées occidentales n’en feraient pas de même avant plusieurs siècles : une escouade de dix hommes était comman-dée par un harban-ou noyan, un escadron de dix escouades par un dja’oun-ou noyan, un régiment de dix escadrons par un migghan-ou noyan. En outre, pour diriger un Empire aussi étendu, Gengis Khan gouverna de manière centralisée, à partir de la ville de Qaraqorum.

Le second est également connu en Eu-rope car c’est lui qui établit le contact avec les frères Maffeo et Nicolò Polo, puis le fils de ce

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dernier, le célèbre Marco. Il est lui-même le fils de Toloui, dernier fils de Gengis Khan, et de Sorghaqtani. Contrairement à son grand-père, Kubilaï Khan était plus enclin au dialo-gue avec les sédentaires. Ayant plus d’affinités avec les Chinois, il quitta Qaraqorum pour s’installer à Shangdu, ce qui décentralisa les pouvoirs. Il a une image de pacifiste, mais en réalité il mena de nombreuses guerres d’ex-pansion, qui ne réussirent pas toutes. On re-tiendra les deux tentatives d’invasion du Ja-pon en 1274 et 1281, chacune repoussée par un typhon. Kubilaï Khan était très tolérant en matière de religion, contrairement à beaucoup de dirigeants européens de la même époque et plus récents. Ainsi, il dialogua avec des re-présentants de l’islam, du confucianisme, du bouddhisme et même du catholicisme – il tenta d’établir le contact avec le Pape grâce à l’aide de Marco Polo. On peut également voir en lui un précurseur du socialisme puisqu’il organisait des soupes populaires – en période de famine, 20 000 bols de riz par jour étaient distribués à Beijing.

Pour un Occidental moyen, l’Empire mon-gol se caractérise également par de nombreuses zones d’ombre. Ainsi, comme les tribus d’Asie centrale étaient nomades, on a du mal à appré-hender leur mode de vie. Les Mongols étaient des cavaliers hors-pair et élevaient du bétail, dont un centième était remis au khan, comme une sorte d’impôt.

La trouble période de succession entre Gengis Khan et Kubilaï Khan est très peu connue en Europe. À la mort du fondateur de l’Empire mongol en 1227, son fils Toloui lui succéda comme régent, suivi d’Ogödäi, que Gengis Khan avait désigné comme succes-seur. Mais il mourut terrassé par l’alcool une quinzaine d’années plus tard après des projets de guerres contre la Chine et l’Europe – cette dernière n’aurait probablement pas survécu aux assauts d’Ogödäi. Sa mort fut suivie par la régence de sa veuve Törägänä pendant quatre ans, entre 1242 et 1246. Elle parvint à mainte-nir la cohésion de l’immense empire et même à lancer des attaques de faible ampleur, notam-ment contre le sultanat musulman de Delhi,

avec l’aide de ses généraux. La suite s’avéra compliquée, avec la guerre de succession entre Batou, Mongka, Chirémön et Guyuk. Fina-lement c’est Mongka qui monta sur le trône avant de céder la place à Kubilaï Khan en 1259. Ces trois décennies furent très confuses et fra-gilisèrent légèrement l’Empire mongol, qui au-rait pu s’étendre de manière encore plus spec-taculaire si la succession n’avait pas été rendue difficile par les conflits d’intérêts.

Un dernier aspect peu connu concernant l’Empire mongol concerne son délitement. En effet, beaucoup de gens pensent qu’il a im-plosé à la mort de Kubilaï Khan en 1294, mais en réalité il se poursuivit encore sur plusieurs décennies, jusqu’en 1368, date qui correspond à l’avènement de la dynastie Ming en Chine. Ainsi, le petit-fils de Kubilaï, nommé Témur Oldjäitu, continua sur la lancée de son grand-père, notamment à travers le dialogue avec le christianisme et l’Europe. En 1307 lui succéda Qaïchan, qui fut lui-même suivi par Toghan-té-mur, le dernier Empereur mongol, en 1333. Ce dernier dut essuyer simultanément les ravages de la peste, qui tua près de trente millions de personnes à travers l’Asie, et les révoltes des Chinois. Quant aux territoires vassaux de l’Empire, à savoir les khanats perse et russe, ils s’affranchirent de l’autorité mongole peu de temps après la mort de Kubilaï Khan.

L’histoire de l’Empire mongol s’étale sur environ un siècle et demi, de 1206 à 1368, mais ne saurait se résumer aux simples noms de Gengis Khan et Kubilaï Khan. Si certains événements avaient tourné autrement – si par exemple les tribus d’Asie centrale s’étaient uni-fiées plus rapidement ou s’il n’y avait pas eu de guerres de succession chez les Empereurs mongols –, l’Europe n’aurait pas résisté à la puissance dévastatrice de cette armée – dont l’armement pourrait pourtant être aujourd’hui qualifié de « primitif » – et la face du monde aurait été changée. Mais comme on dit, « avec des si, on mettrait Paris en bouteille. »

Clément dupuis

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« travail d’un seul homme »« Un jour du mois d’avril 1879, en faisant ma tournée de facteur rural à un quart de lieue avant d’arriver à Tersanne. Je marchais vite, lorsque mon pied accrocha quelque chose qui m’envoya rouler quelques mètres plus loin. Je voulus en connaître la cause. Je fus très surpris de voir que j’avais fait sortir de terre une pierre à la forme si bizarre, à la fois si pittoresque que je regardais autour de moi. Je vis qu’elle n’était pas seule. Je la pris et l’enveloppait (sic) dans mon mouchoir de poche et je l’apportais soigneusement avec moi me promettant bien de profiter des moments que mon service me laisserait libre pour en faire provision. »

Lettre de Cheval à l’archiviste départemental André Lacroix

C’est par ce simple geste, par cette simple étincelle de fantaisie surgie dans un jour routinier et prévisible que commence l’incroyable histoire du Facteur Cheval.

Né en 1836 dans la Drôme, Ferdinand Che-val a brièvement exercé le métier de boulanger avant de devenir facteur à Hauterives en 1869. Durant son service, il effectuait une tournée de plus de 30 kilomètres à pieds qui l’amena un jour, comme il l’explique dans sa lettre, à trouver une pierre à la forme si étrange qu’elle éveilla en lui le souvenir des merveilles que son esprit avait créés au cours de ses longues marches solitaires. Il dé-cida alors de construire le palais fabuleux qu’il avait rêvé et se mit au travail.

33 ans durant, il a patiemment ramassé les pierres qu’il trouvait durant ses tournées et les a transportées sur son dos ou dans sa brouette, le soir après son service, jusque son jardin. Là il a bâti, seul, sans aide aucune et sans formation (on suppose seulement que son expérience de boulan-ger l’a aidé pour ce travail manuel) un immense bâtiment qu’il finit par baptiser le « Palais Idéal ».

Il est pratiquement l’unique exemple d’archi-tecture naïve et, entouré de verdure, avec ses toits granuleux et étirés, sa profusion de statues, le Pa-lais rappelle à première vue la cité cambodgienne d’Angkor. En réalité ce sont plutôt les civilisations égyptiennes et indiennes qui auraient influencé le Facteur, lequel les découvrait semble-t-il à travers les cartes postales (popularisés à partir de 1873) qu’il distribuait dans ses tournées. Le Palais est peuplé de statues et d’animaux divers, des plus exotiques (lions, crocodiles, boas) aux plus habi-tuels (ours, cerf), il abrite un temple hindou, un château médiéval, un chalet suisse, une grotte de la Vierge Marie avec les quatre évangélistes ou encore un tombeau égyptien où Cheval comptait

se faire inhumer…Œuvre impressionnante par sa taille (26m de

longueur et 12 de hauteur), son histoire et son imagination, le Palais Idéal du Facteur Cheval fut longtemps la risée de ses voisins, malgré même les visiteurs qui affluèrent du vivant du constructeur. Les autorités suivirent l’exemple des villageois de Hauterives et nombreux sont ceux qui dénigrè-rent les créations de Cheval. Il fallut un André Malraux pour le classer finalement Monument Historique en 1969. Ce n’est qu’en 2011 que son petit frère l’a rejoint sur cette liste. Il s’agit de la deuxième construction du Facteur, « le tombeau du silence et du repos sans fin » qu’il a construit en 8 années (commençant à 78 et finissant à 86 ans) dans le cimetière du village après s’être vu refuser le droit d’être enseveli dans le tombeau égyptien du Palais. Ferdinand Cheval y a été en-terré en 1924, deux ans après l’avoir achevé.

Malgré certains problèmes d’entretien liés aux matériaux de construction utilisés (qui s’abî-ment sous les intempéries et avec le passage du temps), l’œuvre du Facteur Cheval, cette œuvre extraordinaire « d’un seul homme » défie tou-jours l’imagination des visiteurs dans le jardin de la maison de son créateur à Hauterives.

Reine Marchand

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Ne jette pas le journal, passe-le à ton voisin quand t’as fini !

Langues zOne n° 43Rédacteur en chef : Pauline Ceausescu

Textes : Caroline Allart, Pauline Ceausescu, Amélie C., Clément Dupuis, Lise M., Reine Marchand, Elisabeth RichardGraphismes et illustrations : Pauline Ceausescu, Mathilde Escoffier, Kao

Mise en page : Pauline CeausescuÉditeur : Langues zOne (association loi 1901) – Imprimeur : INALCO, 65 rue des Grands Moulins, 75013 Paris – D’après la loi

de 1957, les textes et illustrations publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. L’envoi de textes, photos ou documents implique leur libre utilisation par le journal. La reproduction des textes et dessins publiés est interdite. Ils sont la propriété exclusive

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