n°14 revue du pÔle

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LA REVUE DU PÔLE Patrimoines bâtis, immatériels, culturels et naturels, des Hommes et des savoir-faire. CULTURE & PATRIMOINES L’ÉDITORIALISTE INVITÉ Convergences par Stéphane Krasniewski, Administrateur et programmateur des SUDS, à ARLES Un festival se doit d’être un lieu et un temps de convergences. Convergence des publics, de tous les publics, rassemblés pour vivre une expérience collective grâce à une programmation pensée comme un instantané, un état de la création et de la vita- lité d’un secteur, d’une discipline. Convergence ensuite des regards, grâce aux médias, aux relais d’opinion, aux réseaux, vers un événement et, au-delà, vers le territoire qui le porte et l’inspire. Convergence de volontés également, autour de l’idée que la Culture donne du sens à l’action publique, a un effet structurant sur les terri- toires et, par l’émancipation qu’elle permet, favorise l’épanouissement personnel et donc, le vivre-ensemble. Convergence enfin des tous les acteurs impliqués dans le processus de création pour facili- ter la rencontre de l’artiste avec son public. Si le concert est souvent, pour les musiciens l’achèvement d’un long processus, celui-ci n’est possible que grâce à la mobilisation de toute une filière d’entreprises : organismes de formation, labels, éditeurs, sociétés de location de matériel, salles de répétition et de tous les métiers qu’elles regroupent : techniciens du spectacle (éclairagistes, électriciens, ingénieurs du son, backliners, constructeurs, chauffeurs d’engins…), administrateurs, chargés de com- munication, producteurs, managers, attachés de presse… Le territoire arlésien est riche de toutes ces ressources qui, dans un processus vertueux, nourrissent la multitude de projets qui contri- buent à son dynamisme et à son attractivité. N°14 mars 2018 Ils ont fait de leur passion pour la musique et le son leur métier LES TÉMOIGNAGES Laurent Didailler, l’indépendance pour credo LE PORTRAIT Les chevilles ouvrières des concerts et de l’industrie musicale LE DOSSIER © Stephane Barbier

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Page 1: N°14 REVUE DU PÔLE

LA

REVUE DU PÔLEPatrimoines bâtis, immatériels, culturels et naturels, des Hommes et des savoir-faire.

CULTURE& PATRIMOINES

L’ÉDITORIALISTE INVITÉ

Convergencespar Stéphane Krasniewski, Administrateur et programmateur des SUDS, à ARLES

Un festival se doit d’être un lieu et un temps de convergences.Convergence des publics, de tous les publics, rassemblés pour vivre une expérience collective grâce à une programmation pensée comme un instantané, un état de la création et de la vita-lité d’un secteur, d’une discipline.Convergence ensuite des regards, grâce aux médias, aux relais d’opinion, aux réseaux, vers un événement et, au-delà, vers le territoire qui le porte et l’inspire.Convergence de volontés également, autour de l’idée que la Culture donne du sens à l’action publique, a un effet structurant sur les terri-toires et, par l’émancipation qu’elle permet, favorise l’épanouissement personnel et donc, le vivre-ensemble.Convergence enfi n des tous les acteurs impliqués dans le processus de création pour facili-ter la rencontre de l’artiste avec son public. Si le concert est souvent, pour les musiciens l’achèvement d’un long processus, celui-ci n’est possible que grâce à la mobilisation de toute une fi lière d’entreprises : organismes de formation, labels, éditeurs, sociétés de location de matériel, salles de répétition et de tous les métiers qu’elles regroupent : techniciens du spectacle (éclairagistes, électriciens, ingénieurs du son, backliners, constructeurs, chauffeurs d’engins…), administrateurs, chargés de com-munication, producteurs, managers, attachés de presse… Le territoire arlésien est riche de toutes ces ressources qui, dans un processus vertueux, nourrissent la multitude de projets qui contri-buent à son dynamisme et à son attractivité.

N°14 mars 2018

Ils ont fait de leur passionpour la musique et le son leur métier

LES TÉMOIGNAGES

Laurent Didailler,l’indépendance pour credo

LE PORTRAIT

Les chevilles ouvrières des concerts et de l’industrie musicale

LE DOSSIER

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LES BRÈVES

Travailler dans le secteur musical. Et s’il faut incontestablement être passionné pour évoluer dans ce secteur, les métiers de la musique et du son ne regroupent pas uni-quement des artistes. Ils recouvrent une multitude de fonctions et nécessitent des compétences bien spécifiques que l’on peut exercer localement.

Étude des sarcophages dans la crypte de la basilique de Saint Maximin-la Sainte BaumeMission d’observations et de clichés ciblés

pour donner le maximum d’informations

pour le futur des sarcophages et graffitis de

ce lieu emblématique.

Dirigée par Architecture & Héritage, cette

mission est aussi l’occasion d’une nouvelle

collaboration entre Aslé Conseil et Pano-

vues.com : un œil « matériaux » et un œil

« images ». Belle complémentarité, utile et

efficace au sein du réseau du Pôle Culture

& Patrimoines.

Canopée repense le site de la Tour du Valat

Canopée, agence de design et de commu-

nication depuis plus de 15 ans, a eu pour

mission de réaliser le nouveau site de la

Tour du Valat. Les objectifs étaient clairs :

l’ambition d’un relais externe moderne, va-

lorisant la singularité des actions de la fon-

dation. Le travail en amont de la conception

était d’élaborer une stratégie afin de valori-

ser l’histoire de la fondation, son territoire,

ses actions, avec une mise à l’honneur de

son fondateur Luc Hoffman. L’interface

graphique, aux couleurs de la nouvelle

charte, permet de valoriser les actions de

la fondation, tout en proposant une expé-

rience utilisateur agréable. Une carte géo-

graphique, interactive et dynamique a été

mise en place, prouvant le rayonnement de

la Tour du Valat international. Un beau tra-

vail de collaboration entre deux entreprises

de notre territoire. ▶ tourduvalat.org

L’Atelierre au Qatar

Mireille Porterie responsable de l’Atelierre

au sein d’Archeomed®, s’est vue proposer

par Stéphane Ipert l’opportunité d’aller

animer un stage de restauration à Doha.

Stéphane Ipert, ancien directeur du Centre

Interrégional de Conservation du Livre à

Arles, est depuis 3 ans responsable de la

bibliothèque patrimoniale et du départe-

ment de Restauration – Conservation de

la bibliothèque nationale du Qatar. Six

personnes de nationalités différentes

ont suivi ce stage pendant une semaine

dans le lumineux et spacieux atelier de la

bibliothèque, tout fraîchement équipé du

matériel le plus sophistiqué.

Le sujet : la restauration difficile et délicate

d’ouvrages du XIXe, en utilisant la tech-

nique de restauration au papier japonais.

Le vif intérêt de chacun pour le sujet, les

questions pertinentes, la forte implication

ont permis le déroulement du stage dans

une ambiance studieuse et très chaleu-

reuse... Cette expérience a élargi l’éventail

des solutions d’intervention sur les diffé-

rents types de documents auxquels sont

confrontés les restaurateurs.

Année européenne du patrimoine culturel 2018, le SIPPA labellisé !Le Parlement européen et le Conseil de

l’Union européenne ont proclamé 2018

Année européenne du patrimoine culturel.

Ce label vise à « promouvoir le patrimoine

comme élément central de la diversité

culturelle et du dialogue interculturel,

de valoriser les meilleures pratiques pour

assurer la conservation et la sauvegarde

du patrimoine, de développer sa connais-

sance auprès d’un public large et diversifié,

de sensibiliser à l’histoire et aux valeurs

communes, et de renforcer un sentiment

d’appartenance à un espace européen

commun ».

Du 16 au 18 mai 2018, le Salon Interna-

tionel des Professionnels des Patrimoines à

Arles contribuera à cette promotion. ▶ www.sippa.eu

▶ patrimoineeurope2018.culture.gov.fr

La passion pour la musique nait de l’écoute. En live ou sur un support. Quand cette passion se fait dé-vorante, certains choisissent d’y consacrer aussi leur vie professionnelle. Et si les artistes sont la partie visible de ce secteur d’activité, il existe en coulisses d’autres artistes. Des chefs d’orchestre qui mettent en musique la belle mécanique d’un festival ou prennent en charge la production d’une œuvre. Ces hommes et femmes de l’ombre, dont les noms n’apparaissent pas toujours sur les affiches, sont indispensables à l’indus-trie musicale et au spectacle vivant. Sans eux, point de concerts, point d’enregistrements.

Ainsi, le festival de musiques du monde Les Suds, à Arles, qui se déroule chaque été rassemble près de 200 personnes durant la semaine de concerts alors que le reste de l’année l’équipe se compose de cinq permanents et des stagiaires. « On travaille avec un volant important d’intermittents pour la plupart issus du territoire car Arles compte de nombreuses structures culturelles. Certains intermittents sont de l’aventure depuis le début du festival, soit depuis 23 ans », se félicite Marie-José Justamond. La directrice du festi-val est, avec Stéphane Krasniewski, l’administrateur des Suds, à Arles, en charge de la programmation. Un travail de longue haleine qui fait la part belle au ressenti. « Le festival a une très belle image en France et à l’étranger. Nous sommes notamment reconnus pour notre accueil des artistes ou encore la qualité du son. On reçoit énormément de propositions chaque jour. C’est un

peu la rançon du succès. D’autant que des captations télévisuelles sont réalisées chaque année et cela est im-portant pour les artistes et la renommée du festival » explique la directrice, à Arles.

Des spécialistes de la technique

Dans les coulisses du festival, on trouve également des techniciens, dont le savoir-faire est indispensable. Le régisseur son est une de ces chevilles ouvrières. En effet, dans le spectacle vivant, ce professionnel est le responsable général de la sonorisation d’un espace de concert. Il est chargé de préparer et de mettre en place les moyens nécessaires à la réalisation sonore d’un spectacle. Un sonorisateur peut l’aider pour l’ins-tallation du matériel et l’acoustique du lieu. Lors des concerts, le régisseur son règle les effets sonores, on le retrouve donc généralement derrière une console. Il est encadré par un régisseur général, lui-même placé sous l’autorité d’un directeur technique (qui lui participe entre autres à la définition de la politique de production). Le régisseur général est le respon-sable technique de la préparation, de l’exploitation, de la coordination et de l’organisation matérielle, humaine et technico-administrative des spectacles et des manifestations. Il a donc en charge toute la dimension technique de la création (régie son, lumière, plateau...) et administrative du spectacle (planning, location de matériel, gestion des stocks...). Il doit parfaitement connaître ses équipes et avoir une expérience approfondie du plateau car il joue un rôle essentiel d’intermédiaire entre les artistes, les techni-ciens et l’administration. Il a en effet pour mission de rendre compatibles les demandes artistiques avec les moyens techniques. Il fait le lien entre sa direction et les équipes techniques pour garantir le bon déroule-ment du spectacle et est garant de la sécurité.

Dans les métiers techniques, on trouve aussi l’ingé-nieur du son. Ce dernier est responsable de la chaîne de la prise de son et de la fabrication d’un enregistre-

Zoom sur un sarcophage

2 La revue du Pôle N°14 mars 2018 La revue du Pôle N°14 mars 2018 3

LE DOSSIER

La Revue du Pôle Culture & Patrimoines est publiée par le Pôle Culture & Patrimoines.

[email protected] 06 14 89 18 39

17 chemin de Severin -13200 Arles

www.industries-culturelles-patrimoines.fr / N° ISSN: 2555-932X

Éditeur responsable : Jean-Bernard Memet

Comité de rédaction : L. Bertrand, X. Delaporte, S. Dumagel, L. Jarmas-son, M. Lataillade, G. Martinet.

Maquette et mise en page : Agence Canopée

Photographies (sauf mention contraire) : Xavier Delaporte

Texte (sauf mention contraire) : Stéphanie Dumagel

Avec le soutien de nos partenaires :

Les chevilles ouvrières des concerts et de l’industrie musicale

Monteur son et lumière

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LES TÉMOIGNAGES

ment diffusé en direct ou sur un support. De nom-breuses autres compétences techniques sont mobili-sées par des professionnels sur un festival. On peut citer les « roadies » qui manipulent le matériel et l’ins-tallent sur scène ou encore les « scaffers » en charge du pré-montage des structures scéniques en hauteur.

L’administration, rouage indispensable

Les équipes administratives sont aussi indispensables au succès d’une manifestation. « L’administrateur doit assurer la gestion administrative et financière de la structure, s’occuper du montage des dossiers de subven-tions... Il faut avoir une bonne formation complète et surtout une solide expérience », note Marie-José Justa-mond. La communication est aussi un volet important dans le secteur de la musique et du son. Chargé de communication, attaché de presse, graphiste, rédac-teur, community manager... autant de professionnels qui ont en charge la promotion de l’événement auprès des médias et du public. En lien justement avec les publics, se trouve la médiation. Elle regroupe l’en-semble des projets qui visent à établir un dialogue entre la culture, une production ou une manifestation artistique, ou un objet patrimonial et le public. Le médiateur culturel a donc pour mission d’élaborer des actions culturelles axées sur l’échange et la rencontre entre les citoyens et les milieux artistiques. Proche de ce métier, on trouve celui de chargé des relations avec le public. Ce dernier propose et met en place des actions pour toucher et connaître le public, pour le fidéliser, l’élargir et le renouveler.

L’édition musicale

Hormis le spectacle vivant, on retrouve les pro-fessionnels de la musique et du son dans l’édition musicale, autrement dit dans les maisons de disques. Une maison de disque ou un label édite et diffuse un catalogue d’œuvres. Pour cela, différentes com-pétences et métiers se complètent, que ce soit dans le domaine de l’artistique (directeur artistique, pro-ducteur exécutif), de la promotion et du marketing (chef de produit, responsable marketing, attaché de presse...), du juridique pour tout ce qui concerne la gestion des contrats et de la distribution et diffusion auprès des enseignes spécialisées et des plates-formes numériques (responsable commercial...). Considé-ré comme la plus ancienne profession commerciale liée à la musique, l’éditeur musical travaille en étroite collaboration avec les auteurs car son rôle est de tra-duire leurs œuvres sous une forme graphique selon les modalités prévues au contrat avec l’auteur. L’éditeur

musical accompagne le travail de création en amont et le suit, le développe d’un point de vue commercial. Il assure toute la dimension administrative et juridique de la gestion et l’exploitation de l’œuvre : il se charge de déposer les œuvres, de gérer les droits d’auteurs, de la rémunération, et s’occupe de la mise en rela-tion avec l’ensemble du monde professionnel et des médias. En tant que représentant des auteurs et/ou compositeurs qu’il a à son catalogue, l’éditeur musical est un intermédiaire spécialisé entre les créateurs et le marché en développant l’utilisation de l’œuvre à des fins commerciales. Il doit parfois trouver des labels partenaires pour assurer la fixation de l’œuvre et sa commercialisation, un tourneur pour l’exploitation live mais aussi des possibles adaptations, reprises ou des exploitations audiovisuelles et publicitaires. L’éditeur musical a un rôle de « développeur d’artistes ». En effet, il repère les auteurs et travaille ensuite à la struc-turation de leur répertoire. Si des écoles existent pour préparer les jeunes à ces métiers de l’édition musi-cale, certaines structures comme la maison de disque indépendante Pias ont fait le choix de former leurs collaborateurs. « Il n’y a rien de mieux que d’apprendre au sein d’une maison de disque. Nous prenons régu-lièrement des stagiaires et nous les formons. Cela leur permet de découvrir l’ensemble de nos métiers et d’avoir une base solide. Derrière, ils trouvent rapidement un emploi » note Laurent Didailler. Mais le directeur général de Pias France peine aujourd’hui à trouver des stagiaires. « On recherche des stagiaires dans la production, les métiers du disque, la distribution et le commercial », ajoute Laurent Didailler qui estime que le pré-requis indispensable pour s’épanouir et réussir dans ces métiers reste bien évidemment la passion de la musique.

Au-delà de la passion, ces professionnels de la mu-sique et du son, qu’ils évoluent dans l’édition musicale ou dans le spectacle vivant, ont la transmission chevil-lée au corps. « La transmission est essentielle dans nos métiers », précise Marie-José Justamond. « Nous ne sommes que les représentants du travail des artistes pour le transmettre au public », conclut Laurent Didailler.

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Ils ont fait de leur passionpour la musique et le son leur métier

THIBAULT VERDRON, designer sonore et audiovisuel d’espaces

L’enceinte audio c’est un peu l’objet fétiche de Thibault Verdron. Son métier : designer sonore et au-diovisuel d’espaces. Autrement dit, il choisit, installe des enceintes très performantes et détourne la tech-nologie à des fins artistiques. Ce qui le conduit parfois « à faire des choses improbables dans des endroits impro-bables ». C’est ainsi, qu’il y a deux ans, il a réalisé toute l’installation sonore du show d’ouverture de la bou-tique Hermès à Moscou. « La soirée a duré seulement deux heures. Ils ont fait appel à moi car ils voulaient ra-conter une histoire. À partir de leur matériel sonore, j’ai décidé quelles enceintes utiliser, où les placer et com-ment le son serait diffusé ». Manipuler les enceintes et la technologie au service du spectacle, voilà le métier de Thibault. « Avec des parents musiciens amateurs et passionnés de musique ancienne et baroque, j’ai baigné dans cet univers depuis tout petit. J’ai toujours voulu travailler dans la musique mais ce qui m’intéressait avant tout c’était le spectacle ». Originaire de Saint- Rémy de Provence, Thibault passe son bac au lycée de Tarascon mais peine ensuite à trouver la bonne forma-tion. « Il y a 20 ans c’était plus difficile qu’aujourd’hui ». Voulant approfondir ses connaissances théoriques après une formation accélérée d’un an au Centre de formation professionnel aux techniques du spectacle de Bagnolet, Thibault réussit le concours de l’Ecole nationale supérieure des arts et techniques du théâtre et obtient son diplôme (bac + 5) dans la section « réalisateur sonore ». « À l’issue de mes études, je n’ai pas eu de mal à trouver du travail car je travaillais déjà tous les week-ends lorsque j’étais à l’école ». Intermit-tent du spectacle, Thibault fait ses premières armes en s’occupant du son lors des concerts du groupe arlésien Fatche deux, puis en tant que régisseur son du théâtre d’Arles tout en réalisant des enregistre-ments de musiques acoustiques. Mais Thibault a une spécialité peu exploitée dans l’univers du design sonore : il utilise les enceintes en tant qu’outils ar-

tistiques. « La technologie me passionne. Je fais de la création sonore avec un média sonore. Toutes mes créa-tions sont liées à des dispositifs de diffusion. Ce qui me plait c’est d’associer la création sonore à un lieu ». Cette spécificité amène le designer à travailler sur de beaux projets comme la salle des musiciens du Musée Grévin à Paris. Aujourd’hui, il travaille avec de nom-breux acteurs culturels locaux : le Cargo, le festival de jazz du Méjan, la Fondation Luma ou encore les Rencontres de la photographie. « Ce qui m’intéresse, c’est la diffusion du son et l’émotion que cela procure au public. J’aime raconter une histoire et la faire vivre juste avec le média sonore. Les techniciens oublient parfois qu’on ne travaille pas pour nous mais pour les gens qui sont venus voir un spectacle. Ce qui est im-portant c’est que le spectateur se dise qu’il a vécu un super moment ». Et pour Thibault, tout est prétexte pour faire du son. L’homme a fait parler des pierres, utilisé des conduits de cheminée dans ses créations... « Je veux que les gens ne remarquent pas qu’il y ait du son mais se disent que l’expo qu’ils sont venus voir était incroyable. S’ils arrivent à ressentir des choses sans les associer aux sons qu’ils ont entendus alors c’est gagné » explique le designer sonore qui sait aussi faire bon usage du silence. « Le silence est très important dans la création sonore. C’est aussi un son ».

Ils ne sont pas forcément musiciens mais ils vivent la musique et le son au quotidien. Mieux ils en vivent. Sur une scène ou en studio, la musique fait partie de leur vie. Thibault, designer sonore, Etienne, régisseur de scènes de concert et Christian, producteur de label, témoignent de leur métier, de leur passion.

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ETIENNE ESNAULT, régisseur de scènes musicales

Etienne Esnault ne se destinait pas à jouer les chefs d’orchestre en coulisses avant, pendant et après les concerts. Son bac en poche, Etienne se rêvait infirmier mais après deux ans d’études, il abandonne pour deve-nir animateur de quartier à Dijon. Une expérience de deux années. « Dans la maison de quartier où je travail-lais, il y avait une petite scène, avec trois projecteurs et deux enceintes, sur laquelle se produisaient des groupes de hip hop ». Il découvre l’arrière salle d’un concert et cela lui plait. Des amis lui parlent d’une formation à la régie de 6 mois sur Dijon. Il en sortira régisseur spécialisé dans le son et la lumière de plateau. « J’ai débuté avec Zutique production qui produisait des ar-tistes des musiques du monde et du jazz ». Etienne s’est également occupé de toute la distribution électrique du Garance Reggae Festival de Bagnols-sur-Cèze. « Au départ, j’aimais beaucoup le son mais je préfère la lumière car j’ai davantage l’impression de créer quelque chose ». Il a travaillé pour le théâtre d’Arles et a été ré-gisseur pour les Nuits Blanches à Paris. « Je travaille à 90 % sur Arles. Il y a une offre énorme. On peut travailler pour des expositions, pour le théâtre, pour des scènes ». Etienne est arrivé à Arles en 2000. « À l’époque, tout renaissait culturellement parlant. En 2001, le théâtre a rouvert et j’ai travaillé pendant trois ans pour le Méjan. Puis, j’ai fait, visiter la chapelle du Méjan au régisseur des Rencontres qui m’a embauché. J’ai également tra-vaillé pour les Escales du Cargo en tant que technicien plateau, pour Luma, le musée Réattu ou encore pour la Fondation Van Gogh ». Aujourd’hui grâce à son réseau, Etienne enchaîne les missions et est notamment ré-gisseur de la scène des Forges pendant le festival Les Suds, à Arles. « Chaque nouveau projet est un nouveau défi et je travaille avec des gens que j’apprécie. Les ren-contres sont très plaisantes dans ce métier. Parfois on ne voit les gens qu’une fois par an mais on se fait plein de copains. Je ne me verrai pas faire autre chose ». Être régisseur nécessite d’être très disponible, très organisé

et d’avoir un bon relationnel. « Le régisseur est présent avant le montage de la scène, pendant le concert et du-rant le démontage des installations ». C’est en quelque sorte la cheville ouvrière de tout ce qui relève de la technique. « Sous la direction du régisseur en chef, on veille à ce que le planning mais aussi le plan de sécurité, de prévention et d’évacuation du public soit respecté. On s’assure également que les prestataires (son, lumière, structure...) respectent le cahier des charges. On fait en sorte que les loges soient prêtes et que les clauses du contrat entre les artistes et la direction du festival soient respectées. On vérifie aussi les instruments de musique et le plan de scène. Et en cas d’incident majeur, le régis-seur est le dernier à partir ». Le régisseur a également en charge le bon accueil du public. Il est aussi le ré-férent pour tout ce qui concerne le placement sur site des dispositifs de communication. Après le spectacle, Etienne est toujours sur le pied de guerre. « Je suis responsable du démontage de la scène.Il faut être hyper rigoureux car on doit organiser les accès des camions sur le site surtout aux Forges où en même temps se déroulent des expositions. Je travaille en étroites relations avec les régisseurs de Luma et des Rencontres pour que tout se passe sans encombre. Je suis présent sur le site jusqu’au départ du dernier camion ». Etienne ne compte pas ses heures et ne boude pas son plaisir à exercer ce métier.

CHRISTIAN GIRARDIN, directeur du label Harmonia Mundi

Dénicher de nouveaux talents et les accompagner tout au long de leur carrière, produire leurs enregistrements et les promouvoir. Voilà le métier de Christian Girar-din, directeur du label Harmonia Mundi. Plus qu’un métier, une passion. Après des études de musicologie et un passage par le Conservatoire supérieur de Paris pour y approfondir sa connaissance de l’histoire de la musique, Christian Girardin passe l’agrégation et se destine à enseigner la musique à des collégiens. En parallèle, le pianiste amateur, fondu notamment de musique classique et de jazz, exerce sa plume dans des revues spécialisées. « Mon truc c’était le disque. À la fin des années 80 et au début des années 90, le Compact Disque audio vit son âge d’or ». L’objet gui-dera son orientation professionnelle. « L’enseignement n’était pas fait pour moi. Et puis un jour, j’ai vu une an-nonce dans Le Monde : Eva Coutaz d’Harmonia Mundi recherchait un assistant de la direction de production ». Christian n’a jamais exercé une telle fonction mais il est pris. Au début, il exerce des fonctions éditoriales puis petit à petit il propose des projets spécifiques, des coffrets, des anthologies. Au cœur de la produc-

tion, il peut assouvir sa passion de la musique et du disque. « C’est un rapport quasi sentimental, sensuel avec l’objet. Dans l’univers classique, le CD était im-portant. On avait quasiment les larmes aux yeux quand on achetait un disque. Aujourd’hui avec le digital les jeunes n’ont plus la culture autour du disque. Il y a un rapport mémoriel à la production qui dépasse la stricte fréquence commerciale. Dans la musique classique, on a des rapports sentimentaux avec les références ». Son métier, Christian Girardin l’a appris de manière em-pirique. « Pour faire ce travail, il faut être dingue, être prêt à sacrifier beaucoup de sa vie professionnelle. Cela nécessite une grande disponibilité : aller aux concerts, accepter que les artistes vous appellent à n’importe quel moment ». Le label Harmonia Mundi s’occupe d’une quarantaine d’artistes principaux et a sorti l’an dernier 52 nouveautés. « Nous sommes une structure de pro-duction qui planifie, budgétise, contractualise des en-registrements, les organise, les finance et les publie ». Un métier qui demande d’avoir du flair pour détec-ter les talents et d’être suffisamment astucieux pour bien promouvoir les albums auprès des médias et du public. Christian Girardin se doit d’être à l’écoute de ses musiciens. « Les artistes sont des êtres sen-sibles, fragiles car ils doutent en permanence. Mon rôle est de leur dire quand ça va et quand ça ne va pas. Ils attendent aussi de moi que je leur dise non, que je leur résiste sinon je ne suis pas crédible. Ils attendent de ma part un contact humain de qualité pour les accompagner dans leur projet ». Un directeur de label doit donc nouer de fortes relations avec ses talents,

être doté d’un bon feeling « sinon ça ne dure pas ». « La satisfaction du producteur est d’accompagner un artiste sur le long terme, le voir s’épanouir ». Pour Chris-tian Girardin, « l’écoute d’un master est addictive ». « Il faut en permanence avoir ses antennes grandes ouvertes. C’est faux de croire que les musiciens nous envoient leurs enregistrements par la Poste ! Dans ce métier, c’est par le réseautage, le bouche-à-oreille, la cooptation, les liens avec les agents et parfois le hasard qu’on découvre de nouveaux talents ». Avec l’arrivée du digital dans l’industrie musicale, l’objet disque se raré-fie. Un nouveau challenge pour le directeur de label. « Avec le digital, il faut penser autrement, trouver une nouvelle manière de raconter une histoire. Car ce qui compte c’est la narration ». Et porter par sa passion pour la musique, Christian Girardin et ses équipes écrivent à chaque nouvelle rencontre, à chaque nou-vel enregistrement une histoire, celle de leur label.

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Page 5: N°14 REVUE DU PÔLE

La musique fait partie de lui. Il la vit au quotidien, la fait vivre, partager au plus grand nombre. Laurent Didail-ler n’est pas musicien. Il est le direc-teur général du label musical PIAS

France, filiale du groupe PIAS, 1er distributeur indé-pendant de musique du monde. Implanté à Paris et à Arles, PIAS (acronyme de Play It Again Sam, célèbre réplique d’Ingrid Bergman dans le film Casablanca) découvre les talents de demain, produit des artistes, les distribue, représente sur le marché français ou in-ternational d’autres labels et assure la promotion et le marketing des artistes. Laurent Didailler est en quelque sorte le chef d’orchestre de PIAS France. Originaire d’un village de Haute-Savoie, ce passionné de musique se destinait à une carrière de scientifique. Après des études en mathématiques, il quitte sa région natale et monte à la capitale. « Je voulais aller à Paris car, à l’époque, beaucoup de groupes ne jouaient qu’à Paris. Pour moi, c’était une chance de me rapprocher de la musique ».

À la tête de PIAS France

L’homme commence alors à tracer son sillon dans l’univers musical en tant que responsable du rayon musique internationale à la Fnac. Puis il tra-vaille deux ans à New Rose, un label et distributeur indépendant français, « ce qui était rare à l’époque ». Cette indépendance, la liberté qu’elle procure, lui plait. Alors quand il ren-contre Kenny Gates et Michel Lambot, les deux fon-dateurs de PIAS, il veut être de l’aventure. Et c’est ainsi que le 1er avril 1994, PIAS France voit le jour avec Laurent Didailler à sa tête. Après la Belgique, les Pays-Bas et l’Angleterre, l’Hexagone est le qua-trième territoire conquis par le label indépendant. « Aujourd’hui PIAS compte 350 personnes dans le monde et 16 filiales dans les plus grands pays », souligne Laurent Didailler. Une filiale dont le champ d’activité va de la musique classique au pop rock en passant par le jazz et les musiques urbaines et qui s’occupe de nombreux talents français tels que Miossec, Abd Al Malik, Alain Chamfort, Eiffel, Radio Elvis, Jean-Louis Murat, Pony Pony Run Run… mais aussi in-ternationaux comme Texas, Offspring, Baxter Dury, Arctic Monkeys, Agnès Obel... en représentant les labels de ces artistes et groupes internationaux.

« Au sein de PIAS, on exerce tous les métiers en lien avec ce que la musique peut engendrer en termes de droits » explique Laurent Didailler. Très attaché à res-ter indépendant dans l’univers de l’industrie musicale, ce passionné de musique est fier d’avoir racheté Har-monia Mundi qui est désormais un des quatre labels de PIAS France. « C’est une marque belle et forte qui a été créée avec une valeur d’indépendance. Les gens d’Harmonia Mundi sont véritablement passionnés par la musique et leur métier. C’était une trop belle maison et on ne voulait pas qu’elle soit mangée par une multi-nationale. Depuis que nous l’avons repris, aucun artiste n’est parti et de nouveaux talents sont arrivés. Un de nos musiciens, le violoncelliste Bruno Philippe, a été récom-pensé lors des dernières victoires de la musique classique dans la catégorie révélation soliste ».

Ancrage arlésien avec Harmonia Mundi

Désormais PIAS France a donc un ancrage arlésien. Très vite, Laurent Di-dailler rencontre les nombreux acteurs du tissu culturel local et souhaite rappro-cher les locaux de PIAS du centre-ville. « On a racheté l’activité musicale d’Har-monia Mundi pas les magasins et il était important d’exister au cœur de la ville ». Aujourd’hui installée au Médiapôle Saint-Césaire, PIAS France multiplie les collaborations avec les autres structures culturelles arlésiennes. « C’est important

pour nous de travailler transversalement avec les acteurs culturels arlésiens et les institutions. Cela crée une dy-namique locale ». Le label a même clamé son amour pour Arles l’an dernier en créant en partenariat avec le Cargo de nuit une soirée PIAS aime Arles avec sur scène des artistes du label. Une belle expérience qui devrait être renouvelée. D’autres collaborations ont vu le jour. « Sam Stourdzé, le directeur des Rencontres d’Arles, nous a permis d’ouvrir une boutique éphémère de vinyles ». Depuis des mois ses équipes planchent sur un projet qui lui tient à cœur : le festival Har-monia Mundi de musique classique dont la première édition aura lieu le 1er et le 2 juin 2018. « C’est pour nous l’occasion de fêter les 60 ans du label. Et puis les artistes d’Harmonia Mundi sont fiers de cette marque et veulent venir jouer au festival », ajoute Laurent Didail-ler qui souhaite pérenniser ce rendez-vous arlésien en l’étoffant d’année en année et ancrer un peu plus dans le territoire camarguais les racines de PIAS France.

Laurent Didailler l’indépendance pour credo

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