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SOMMAIRE Informations en bref Les fougères, des spores et des frondes dans les murets Pierres sèches et petit patrimoine corse Restauration de murets à la Pointe du Raz : de la tradition à l’adaptation Les murets, support d’apprentissages... Les conseils et la formation, expérience de Maisons paysannes de France Informations en bref (suite) n°69 octobre 2010

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SOMMAIRE

Informations en bref

Les fougères, des spores et des frondesdans les murets

Pierres sèches et petit patrimoine corse

Restauration de murets à la Pointe du Raz :de la tradition à l’adaptation

Les murets, support d’apprentissages...

Les conseils et la formation, expérience de Maisons paysannes de France

Informations en bref (suite)

n°69 octobre 2010

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Traces du passé, de pratiques traditionnelles, de modes de vie,

le petit patrimoine bâti constitue souvent une richesse oubliée,

qui tend à disparaître sous la végétation luxuriante...

Découvertes par hasard, ou suite à une recherche active, les

pierres permettent de comprendre une partie importante des

sites, et méritent à ce titre, d’être maintenues, voire restaurées.

Cette restauration ne doit pas oublier les règles de l’art, qui

Informations en bref

de la Culture : l’inventaire du patrimoine archéologique, le développement des recherches régionales, la prise en compte du patrimoine archéologique dans les procédures d’amé-nagement du territoire (plus de 1000 sites concernés par an en Bretagne) ou encore la conservation et la valorisation des “archives du sol” et du patrimoine archéologique plus généralement.Concernant les inventaires, 18000 entités archéologiques sont recensées en Bretagne, cette notion d’entité ayant évolué ces dernières années (identification sur le paysage et les lectures de photographies aériennes actuellement). La prise en compte de ce patri-moine reste difficile dans les PLU. M. Deschamps souligne l’intérêt des échanges avec les gardes, acteurs de terrain (informations mutuelles) dont les missions de protection du patrimoine doivent aussi inté-grer cette dimension archéo-logique.

reposent sur des considérations locales (choix des matériaux,

techniques de pose...), pour que le travail réalisé passe au final

inaperçu. Le présent numéro, qui s’inscrit dans la continuité de

stages régionaux, vous aidera à mieux comprendre les éléments

clés, à découvrir des amoureux de ce patrimoine, afin de vous

aider, demain, à respecter les petites pierres qui participent à

la beauté de nos espaces naturels...

Le patrimoine archéologique en Bretagne

de terres agricoles à reconvertir. Une première tranche d’étude, menée en 2009 sur deux sites (Locmariaquer, Ile aux Moines), devrait aboutir à des expéri-mentations fin 2010/2011 puis être étendue à d’autres sites.Louis Dutouquet, chargé de mission pour les îles et îlots, présente le travail en cours sur l’inventaire relatif à la Doma-nialité, qui prolonge celui mené sur la dératisation. Non tota-lement inondables, beaucoup d’îlots ne relèvent pas du DPM, mais ne sont pas cadastrés, ce qui nécessite un transfert de propriétés de l’Etat pour y avoir des possibilités d’actions. Ces îlots, pour la plupart occu-pés depuis des millénaires par l’Homme, sont des éléments majeurs du patrimoine, archéo-logique en particulier.M. Deschamps, Directeur du Service Régional de l’Archéolo-gie (SRA) de la Direction Régio-nale des Affaires Culturelles (DRAC) présente ensuite les missions de l’établissement, ser-vice déconcentré du Ministère

Organisé début mai dans le Morbihan, le stage breton por-tait sur un thème original, jamais abordé lors des stages, la prise en compte du patrimoine archéologique sur les sites naturels. Plus de 50 partici-pants étaient présents à Saint-Pierre-Quiberon puis sur l’île d’Hoëdic, pour mieux percevoir cette dimension de notre patri-moine et mieux appréhender les demandes des archéologues sur les sites. Le stage débute par quelques informations de la Délégation (Denis Bredin), dont la question de la cession au Conservatoire de phares et balises (12 équi-pements seraient concernés en Bretagne). La tempête Xynthia de février a révélé l’urgence de certaines réparations de digues, qui pourraient incomber au Conservatoire avec des coûts énormes associés, suivant l’in-terprétation donnée aux décrets du 11/12/2007 et du 29/02/2008 (prescriptions relatives à la sécurité et à la sûreté des ouvra-ges hydrauliques). D. Bredin souligne que le pas de temps des tempêtes paraît “normal” (10-15 ans) mais que l’oubli des événe-ments récents est fréquent en matière d’urbanisme, d’où la recrudescence des problèmes. Un projet spécifique à la Déléga-tion Bretagne concerne la mise en œuvre de couverts végétaux favorables à la biodiversité, en particulier lors de l’acquisition

Photo de couverture : muret de pierres sèches, en Corse. Sources : P. Tramoni.

Les gardes sur le site de la Côte sauvage à Saint-Pierre Quiberon

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Les fougères, des spores et des frondes dans les murets...Parmi les nombreux hôtes végétaux des rochers, murets et murs, qualifiés de saxicoles, les fougères occupent une place importante. Suivant la nature du matériau rocheux (calcaire, siliceux), l’exposition, l’hygrométrie ou encore la quantité de matière orga-nique dans les interstices, une diversité plus ou moins importante peut s’exprimer. Parfois, ce sera la rareté des espèces présentes qui sera à identifier et protéger. Petit tour d’horizon dans cet univers des plantes sans fleurs, pionnières de milieux souvent hostiles et témoins des capacités remarquables de colonisation de « milieux vierges » par les êtres vivants....

Quelques mots d’une classification trop peu connue...

est, sur le plan botanique, appelé sporophyte : il porte à sa face inférieure, les sporanges, organes producteurs de spores. Les sporanges sont regrou-pés par quelques dizaines et chaque groupe est protégé par une indusie, sorte d’écaille plus ou moins caduque qui les recouvre. On appelle “sore” l’ensemble formé par un groupe de sporanges et l’indusie qui les protège. On dis-tingue aisément à l’œil nu les sores disposés sur le bord ou la face inférieure des frondes, des pennes ou des pinnules. Les sporanges sont, chez certaines espèces de fougères (ex : Osmonde royale), portés par des frondes spéciales, fertiles, les autres, stériles, assurant uniquement la fonction de pho-tosynthèse. La spore ne donne pas directement naissance à une nouvelle plante. En germant dans le sol, la spore se transforme en une petite lame verte non vasculaire, le prothalle, qui porte en face inférieure les organes mâles et femelles. C’est à partir d’un ovule fécondé (la fécondation dépend beaucoup de la présence d’humidité) que naîtra une nouvelle fougère.

La classification en vigueur des êtres vivants, dite classification phylogénétique, intègre les fougères dans les Filicophytes, groupe unique-ment constitué des fougères véritables, qualifiées auparavant de Ptérophytes et intégrées à l’em-branchement des Ptéridophytes (plantes sans fleurs), regroupant également les prêles, lyco-podes, sélaginelles. Actuellement, on distingue : - les Lycophytes (environ 1275 espèces), qui comportent trois groupes principaux : les lycopodes, les sélaginelles et les isoètes.- les Sphénophytes (20 espèces) représentés actuel-lement par le seul genre Equisetum, les prêles.- les Filicophytes (9 500 espèces). Environ 80 espè-ces sont connues sur le territoire métropolitain.

Grands caractères morphologiques et anatomiquesLa feuille de fougère, souvent composée, est appelée “fronde”. Fréquemment découpée, elle peut présenter des formes plus originales (ex : Scolopendre). Les frondes peuvent être pennées une seule fois, comme les capillaires, deux fois (bi-pennées, c’est le cas de la Fougère mâle, ou de la Fougère femelle) voire tri-pennées (Fougère aigle par exemple). La fronde se déploie en crosse lors de la croissance.Les fougères sont, au cours de l’évolution, les premiers végétaux à avoir développé un système vasculaire (du latin “vascellum”, signifiant “le vaisseau”) constitué de tissus conducteurs. Ces vaisseaux conducteurs de sève permettent aux fougères et plantes associées d’atteindre des tailles importantes. Certaines fougères arborescentes tropicales peuvent atteindre plus de 10 m de haut, et au cours de la période carbonifère (il y a entre 345 et 280 millions d’années) il existait des prêles géantes et des lycopodes de la taille des arbres actuels.Le plant de fougère que l’on observe dans la nature

Des milieux de vie originaux, où les fougères font partie detout un écosystème, riche sur le plan écologique et paysager.

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Une occupation variée, parfois en situation extrême !Les fougères inféodées aux murets sont qualifiées de plantes saxicoles (végétaux associés aux milieux rocheux). On peut aussi, avec d’autres (dont cer-taines plantes littorales comme la Criste marine), les qualifier de chasmophytes, au regard de leur association aux fissures de rochers ou de murs.La répartition des fougères saxicoles est liée aux carac-téristiques physico-chimiques du support (substrats acides ou calcicoles), à l’exposition, ou encore au degré d’humidité (situations variées selon les espèces).Leur diversité tient également à leurs capa-cités à coloniser les milieux artificiels : bâti-ments, ruines, vieux murets ou seuils de porte sont autant d’endroits de prédilection cons-

tituant des habitats de substitution d’escar-pements rocheux ou d’éboulis par exemple. Certaines de ces plantes sont capables de se déve-lopper dans des fissures totalement dépourvues de sol organique*, ou presque. C’est surtout le cas dans les parois de montagne et les falaises littorales où elles s’immiscent en pionnières, souvent juste après les lichens ou les mousses. Dans ce cas, elles disposent de systèmes racinaires développés qui ont un double avantage dans ces environnements hostiles : leur assurer une recherche optimale d’eau et de sels minéraux sur de grandes surfaces, mais aussi résister à l’arrachement, en particulier dans les falaises maritimes exposées aux tempêtes.

Des espèces largement répandues sur les murs et murets...Nombreuses sont les fougères capables de coloniser les murets et fissures, l’existence de substrats (roches friables, terre interstitielle) permettant par ailleurs à des espèces de grande taille de s’installer parfois (ex : Dryopteris filix-mas, Phyllitis scolopendrium).La Rue des murailles (Asplenium ruta-mura-ria), l’une des plus courantes, surtout dans les fissures de murs et de rochers calcaires ou les schistes, est considérée comme bio-indicatrice d’une qualité satisfaisante de l’air et disparaî-trait des centres villes pollués. Ses graines, très légères, sont aisément transportées par les vents et s’insinuent facilement dans les fissures rocheuses, d’où sa large répartition française.La Capillaire des murailles (Asplenium trichomanes, 1), fréquente en milieu rocheux (calcaires ou siliceux) est subdivisée en 6 sous-espèces (dont A.t. subsp. quadrivalens et A.t. subsp.trichomanes, les plus fréquentes).La Doradille noire (Asplenium adiantum-nigrum, 2) affectionne les régions à forte humidité atmosphérique, davantage sur substrats siliceux. Ses frondes brillantes et son pétiole sombre très long par rapport au limbe sont caractéristiques.Les polypodes sont aussi des hôtes réguliers des murets mais ils fréquentent aussi largement les sous-bois, les rochers ombragés recouverts de

mousses ou poussent encore en épiphytes sur certains arbres comme les chênes. On citera le Polypode du Pays de Galles (Poly-podium cambricum), répandu sur la façade atlantique et dans le sud, Polypodium inter-jectum et P.vulgare (p lus ac id iphi le ) , fréquents en Breta-gne et Normandie. Signalons enfin le Cété-rach officinal (Cete-rach officinarum, 3), qui apprécie la lumière mais accepte l’ombre sur le pourtour médi-terranéen. De plus, l’espèce est calcicole dans les régions sep-tentrionales et indiffé-rente au substrat dans le sud, montrant que ce sont souvent plusieurs facteurs qui interagissent (séche-resse, chaleur, etc.) dans la répartition des fougères.

* On qualifie de lithosol ou sol squelettique ces fragments de sols sur roche-mère compacte.

Et quelques raretés littorales...méditerranéenne pour la première, surtout atlan-tique pour la seconde, la Doradille des Baléares, (Asplenium balearicum), une rareté de certains rivages corses et de Porquerolles.Dans les autres genres, figurent aussi quelques espèces de Cheilanthès (ex : C. guanchica, C. agrostica), des raretés du pourtour méditerranéen, souvent très localisées et bien discrètes...Soyons donc attentifs à ces milieux de subs-titution que sont les murets. Leur caractère minéral dominant n’est en rien synonyme de pauvreté et nous démontre les exceptionnelles capacités de colonisation par la flore saxicole.

L’inventaire des espèces patrimoniales de fougères françaises serait trop long et doit nous inviter à beaucoup de vigilance lors de nos prospections et surtout à l’occasion de travaux de restauration (murs, murets, petit patrimoine en général).Signalons plusieurs doradilles remarquables des régions littorales : la Doradille marine (Asplenium marinum), typique des falaises de Bretagne et de Normandie, ponctuelle sur les côtes de Médi-terranée, la Doradille de Pétrarque (Asplenium petrarchae), une thermophile méditerranéenne, la Doradille obovale, (Asplenium obovatum susbsp. obovatum, Asplenium obovatum susbsp billotii),

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Muradda doppia, muret à double parement, coiffé de grosses pierres.

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Vues du ciel, les terres de Corse laissent voir une multitude de parcelles tantôt tirées au cordeau, tantôt suivant le relief ou la géographie du paysage. Limites de propriétés, protection contre le bétail, aménagement de terrasses cultivées, ce sont tous ces murets que nous retrouvons aujourd’hui, parfois envahis par le maquis, en état pour d’autres ou réduits à l’état de simples tas de pierres.

Des murets chargés d’histoire...

Pierres sèches et petit patrimoine corse

Les murets, pour la plupart, ont été érigés il y a plusieurs siècles. A l’époque génoise et plus récemment, pour nul seigneur sans titres, il suffisait d’aligner quelques pierres ou graver des croix sur les roches “in situ” pour que le tout devienne une propriété. Mais la Corse était la terre du libre parcours des animaux et il fallait bien trouver un système afin de défendre les semailles, les jardins et les vergers qui étaient dévastés par des hordes d’animaux. Une autre raison fait qu’il y eut obligation d’éle-ver des murs : il fallait séparer les terres issues des partages. L’histoire nous dit qu’il y a juste deux siècles, l’idée de clore les terres à droite et à gauche des chemins ainsi tracés, transformait ces derniers en véritables corridors aussi bien de parcours et servant à la transhumance. La solution permettait aussi de concrétiser la pleine propriété et, de ce fait, de pratiquer l’élevage sans porter préjudice au voisin.

Par Patrick Tramoni, technicien principal, garde particulier et garde du littoral, Département de Corse du Sud

Comment construire des murets : apprentissage sur le tas...

Dans les régions où la pierre abonde...

Au delà d’une certaine distance des villages et en fonction de la qualité des sols, ces murs n’avaient plus de rôle à jouer, sachant que ces terres étaient laissées en indivision afin de faire paître le bétail en hiver.

Les murets délimitant les terres sont souvent construits en pierres à doubles parements coiffés de grosses pierres de couverture. Pour réaliser de tels ouvrages, la méthode était la suivante :- dessouchage de l’emprise au sol pour éviter que les repousses n’envahissent l’intérieur d’un muret et ne le détruisent. - creusement d’une sorte de tranchée peu pro-fonde afin de recevoir les plus gros blocs posés à double parement. Parfois, les “murailleurs” utilisaient un cordeau pour la première assise puis continuaient à l’œil. Cette première assise devait être stable, d’une largeur de l’ordre de 70 centimètres. - l’espace resté libre entre les pierres est comblé par d’autres pierres plus petites et de la caillasse. C’est ce qui remplace le liant de “terra rossa” utilisé pour la construction des maisons. - on continuait à aligner les pierres en assises irrégulières au fur et à mesure que celles-ci

Des murets chargés d’histoire, depuis la protection des jardins au partage des terres ou aux besoins liés à la

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étaient ramenées sur le chantier, en respectant un sens de pose immuable et qui était la règle si l’on voulait que l’ouvrage tienne dans le temps. Au final, le muret devait avoir une hauteur comprise entre quatre et cinq pans (1m à 1,25m), auquel il fallait ajouter la pierre de couverture ou “pancula” dans le sud (en Haute Corse, elle s’appelle “i baretti”). Sous la pierre de couverture, le muret avoisinait les quarante centimètres et de ce fait donnait un ouvrage appelé “a campana” : le mur a le même fruit des deux côtés. Cet ouvrage s’appelle “a muradda doppia”, la muraille double.

Les blocs étaient transportés par des bœufs sur le chantier même. Un traîneau sommaire était réalisé à l’aide d’une fourche de jeune arbre auquel on rajoutait quelques planches clouées, le tout étant chargé et traîné à l’aide d’un collier passé au cou du bœuf ou en utilisant le joug.

Ailleurs...

Lorsque sur le terrain la pierre était peu présente ou que les blocs étaient plus importants, on pra-tiquait la construction de murets dit “simples”, muradda anisca en Corse.La technique diffère par le fait que le parement est plus grossier et qu’il n’y a pas de remplis-sage.Après avoir creusé une tranchée, comme pour la muraille double, l’alignement des blocs de fonda-tions est fait sur l’axe du mur. On pose les plus gros blocs en premiers puis on continue par assise irrégulière en terminant par de plus petites pier-res qui égalisent l’ouvrage. Ces murets n’ont pas la même résistance que les murets doubles, et ont tendance à verser d’un côté si le sol bouge.Il arrivait que faute de pierres sur place et en l’absence de clôture de barbelés comme de nos jours, certaines familles aient recours au tailleur de pierres qui travaillait à partir de blocs des qua-drilles tout venant. Les blocs étaient taillés à l’aide de pointes d’acier et de coins d’acier qui étaient forgés dès que l’usure était trop importante.

Une autre technique de construction de murets consistait à tailler des blocs de pierres en lin-teaux et de les ficher en terre les uns contre les autre à la manière de menhirs. Parfois lorsque les linteaux étaient courts, on posait une pre-mière assise en terre, toujours à la verticale et légèrement inclinés les uns contre les autres ; l’égalisation se faisait par des pierres plus peti-tes, le calage étant réalisé par les éclats issus de la retouche de ces blocs de pierres.Au travers de ces murets toute sorte d’éléments étaient incorporés, soit par commodité, soit pour assurer la tenue de l’ouvrage dans le temps.

Des variantes de conception

Si le parement de la muraille double se voit des deux côtés, le muret destiné à soutenir la terrasse, appelé “ricchiata” en Corse, n’offre qu’un seul parement dont les pierres posées avec du fruit vers l’intérieur ne sont pas retouchées, si ce n’est pour corriger l’assise. Le muret de soutènement est composé essentiel-lement de pierres, les plus belles étant posées en parement extérieur et les plus mauvaises servant de blocage intérieur. Les murets de soutènement n’avaient pas forcément de pierres de couverture mais on trouve encore des murets qui supportent de grosses pierres non alignées, issues du défri-chement des sols.Lorsque les murets étaient réalisés en terrain plat ou en pente longitudinale, les parements étaient tous visibles et les pierres de couverture posées. Lorsque le terrain était en pente transversale, le muret aval était construit à la manière d’une “ric-chiata” jusqu’à hauteur du sol et c’est seulement à partir de là que le double parement commençait. Muret simple restauré, un travail d’observation puis de patience...

“Ricchiata”, muret à simple parement, pour soutenir la terrasse.

Muret double en galets de rivière (Borivali).

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0Les aménagements complémentaires

Lorsque le terrain était frappé par de fortes pluies, des barbacanes (“taffona” en Corse) étaient pratiqués pendant la construction des murets afin de permettre l’écoulement des eaux pluviales. Si un ruisseau traversait le chemin, de petits aqueducs construits à l’aide de linteaux recueillaient les eaux naturelles et permanen-tes. Parfois ces portions étaient empierrées à la manière d’une calade (sorte d’espaces pavés grossièrement). La technique valait aussi pour l’aménagement de passages pour les animaux d’un champ vers l’autre, lorsque le chemin cou-pait une grande propriété.Les entrées de champs étaient réalisées dans l’épaisseur de ces murets et étaient travaillées plus finement ; on s’assurait une solidité par l’ap-port de blocs de forme plus quadrangulaire, que l’on pouvait parfois retailler et que l’on croisait. Le support de la barrière qui marquait l’entrée du terrain ou du champ était réalisé dans une pierre monolithe qui était percée à la pointe d’acier. Cette pierre était posée sur le muret et, par-dessus, une autre pierre conséquente venait faire du poids (il est à noter qu’il n’y a aucune utilisation de mortier). Cette pierre, qui s’appelle “apra” correspond à un pivot au travers duquel passait un montant arrondi de la barrière, la partie basse tournant dans une cupule de pierre pouvant être aussi bien naturelle que taillée à la pointe d’acier, de main d’homme. Très souvent tout près des barrières se trouvait une sorte d’échelle extérieure faite de corbeaux de pierres dépassant du parement. Ces corbeaux étaient posés avec un contre poids important afin de ne pas basculer sous l’action des grimpeurs qui, ne l’oublions pas, étaient chargés. La barrière originelle étant très souvent renforcée par des bois ou autres liens pour résister aux animaux, il était plus facile de pénétrer dans le champ en empruntant les corbeaux de pierres.Il est à noter que la pierre des murets était rarement retravaillée sauf pour les angles ou quelques ouvrages nécessitant un ajustage plus perfectionné.

L’outillage indispensable du murailleur était le suivant : la masse, le têtu, la massette, la barre à mine et divers leviers ainsi que quelques pointes d’acier, pioches et pelles et surtout une bonne constitution physique.

Aménagements associés aux murets, adaptés aux besoins et aux conditions locales, avec de haut en bas : Corbeaux et sortie d’eau (Borivoli)Corbeaux et contre poids (Mare e Monti Sud)Entrée de champ et barrière (Borivoli)Pivot de barrière (Capra)

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Le four à painElément du paysage rural corse, le four à pain a longtemps été choyé par les habitants. Et pour cause : il servait à la cuisson de l’élément essen-tiel nécessaire au quotidien ainsi que d’autres mets et friandises aussi bien à Pâques que tout au long de l’année selon que mariage ou fête était de la partie. Dans les villages de montagne, il est un élément clé pour la suite de la récolte des châtaignes. Aujourd’hui, la plupart ne sont plus que ruines, voir un simple tas de pierres pillées par des personnes irrespectueuses de notre passé ou le méconnaissant. La construction nécessitait quelques connaissan-ces techniques :- le choix de l’emplacement : la proximité d’un gros arbre permettait de bénéficier de son ombrage. - on pratiquait une fondation soit en carré soit en demi arrondie, rarement entièrement ronde. - on élevait un mur périphérique fait de pierres, lesquelles étaient retouchées à la pointe d’acier et hourdées à la “terra rossa”. - l’intérieur était remblayé par des pierres et de la terre. Puis venait le travail de la sole faite de grosses dalles de pierres d’épaisseur égale et de qualité identique afin de bénéficier d’une chaleur égale. Ces dalles étaient ajustées afin de laisser le moins de joints possible car la pâte à pain était posée à même la dalle. Sous les dalles était posé un lit de “terra rossa” qui servait également à maçonner ces dernières.- on dessinait la forme arrondie de ce qui serait ensuite l’intérieur du four et on posait à l’emplacement de la porte d’entrée (celle par où est enfourné le pain) deux pierres retravaillées soit deux poteaux soit on maçonnait directement la voute extérieure. - la première assise de la coupole était posée d’aplomb et à partir de la seconde on inclinait les pierres vers l’intérieur à la manière d’une voûte en encorbellement : puis on commençait à travailler les assises extérieures qui compensaient la poussée.- l’intérieur était ensuite rempli de terre ou de tuf auquel on donnait la forme d’un dôme, la porte extérieure étant au préalable fermée avec une planche. Puis sur ce “gabarit”, on continuait à poser les pierres de sorte que la dernière bloque le tout à la manière d’une clé de voûte. Les pierres ainsi posées étaient recouvertes de “terra rossa”, en prenant soin de ménager deux sorties de fumée dans l’épaisseur des murs.

Ces deux petites cheminées servaient à évacuer une partie de la fumée, à éviter l’explosion de la maçonnerie et à régler la température en les laissant ouvertes ou fermées par une pierre ou un chiffon mouillé. - le dôme terminé, on égalisait les murs exté-rieurs en laissant sur le devant deux petits renfoncements servant à recevoir le bol à farine qui permet de tester la température du four.Une fois l’égalisation terminée, on peut vider l’intérieur de la terre qui l’occupe. Cette terre servira à recharger le dôme. Une fois le mur terminé, on pose de grosses pier-res plates en débord afin qu’elles éloignent l’eau qui ruissellera du dôme de terre ainsi constitué. Certains utilisaient de la cendre pour recouvrir les pierres de la voûte. Cette pratique n’est pas identique pour toutes les régions. La façade principale du four possède un petit retrait à la manière d’une marche, qui servait à reposer la planche à pain et qui, plus loin, repo-sait sur un bloc naturel ou une pierre taillée. Au pied du four se trouve généralement une cupule en pierre naturelle ou taillée, servant à tremper le balai réservé au nettoyage du four. Lorsque le pain cuisait, la porte était fermée par une grosse planche recouverte d’un sac de jute et trempé : les deux petites cheminées étaient gérées en fonction de la température.

La construction de fours en pierres nécessitait l’utilisation de pierres déjà altérées par le temps car les granits trop durs cassaient sous l’effet de la chaleur. Pour la construction des fours de briques de terre cuite ou séchées au soleil, la technique est similaire si ce n’est la forme intérieure qui ressemble plus à un fer à cheval qu’à un cercle.

Four en pierre, choyé hier, et souvent oublié aujourd’hui, hormis quelques restaurations à signaler...

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La Pointe du Raz et ses environs ont vu la réhabilitation et la création de plusieurs kilomètres de murets de pierres sèches (granit), majoritairement inscrits dans le cadre de l’Opération Grand Site National. Les opérations visaient deux grands axes : d’une part, il s’agissait de constituer des aménagements visant à canaliser le public (aires de stationnement, sentiers piétons...), d’autre part, dans le cadre de la gestion des espaces naturels, d’anciens murets agricoles remis à jour lors d’opérations d’ouvertures de milieux ont nécessité des restaurations ou des reconstructions.

Les opérations visant à canaliser le publicLes contraintes de sécurité (enfants qui mon-tent sur les murets) ou les risques de dégra-dation liés à la proximité de véhicules (voitu-res, camping-cars...) ont imposé d’adapter la technique traditionnelle lors de la création de murets de pierres sèches sur les zones d’accueil.La technique retenue n’a pas été de réaliser une base bétonnée avec un parement de pierres sèches mais bien de reproduire la technique de la superposition de pierres en ne travaillant pas sur l’épaisseur mais uniquement sur les deux façades (murets visibles des deux côtés). Les deux faces sont distantes d’environ 50 cm, afin de respecter l’image des murets traditionnels.L’originalité consistait ici à procéder à un scelle-ment des pierres par l’arrière, par le biais d’un béton maigre et de remplir l’espace situé entre les deux façades par de la terre issue du site, le tout avec un chapeau en pierres. La technique, utilisée en maçonnerie contemporaine, garde ici l’aspect traditionnel et donc l’esprit des murets de parcel-les agricoles, par l’absence de travail du “caillou”. En effet, les pierres ne sont jamais taillées, ce qui permet de garder un aspect assez brut.Une végétalisation permet de donner plus rapi-dement l’aspect d’un muret ancien. Les végétaux pourraient arriver naturellement (mousses, lichens, préparant l’installation des graminées) mais le phénomène reste lent, que ce soit du fait de l’exposition ou de la relative pauvreté de la terre. Il s’en est suivi des transplantations en mottes, avec des espèces de type genêts ou ajoncs à proximité des aires de stationnement, de façon à en favoriser

Restauration de murets à la Pointe du Raz :de la tradition à l’adaptation

Sur la base des échanges avec Julien Martin, communauté de communes du Cap Sizun. Tél. : 02 98 70 16 00

l’intégration pay-sagère, ou avec des végétaux de type bruyères ou armé-rie dans les espaces où les enjeux por-

taient plus sur la stabilisation ou la qualité esthétique.Si la conception a été du ressort d’une entre-prise, l’entretien est à la charge des gardes, qui doivent prévenir la colonisation par les végétaux au système racinaire trop puissant (Dactyle par exemple), les espèces ne menaçant pas la pérennité des murets étant systématiquement maintenues (Jasione, Nombril de Vénus...). Le travail vise essentiellement le pied de muret : la perméabilité des joints entraîne le passage de fines (terre) qui finissent par ruisseler et être stockées en bas du muret, favorisant le dévelop-pement d’une banque de graines, issues de la terre mais aussi amenées par les animaux. Le travail consiste donc à collecter la terre accumu-lée, voire à débroussailler mais aussi à nettoyer les déchets accumulés (proximité de parkings !)...

Les murets dans les espaces agricolesDans les prairies, la restauration de murets existants, en voie d’affaissement, a été menée en respectant les règles de l’art. Les murets de soutè-nement, sur talus, ont été remontés à l’identique, avec récupération de pierres, disposition rang par rang, sur une largeur d’une cinquantaine de centimètres, avec un remplissage de l’intérieur du muret par le biais de l’entrecroisement de pierres

(voir la référence au puzzle en trois dimensions dans l’article relatif aux Glénans). Le travail se devait de respecter un fruit (légère pente), en venant en appui sur le talus. Entre chaque ligne de pierres, un joint terreux constituait le liant. Le haut du muret, de l’ordre d’un mètre environ faisait l’objet d’une végétalisa-tion, avec toujours la transplantation de mottes.

C o u p e d ’ u n muret et vue de face : des prescriptions techniques à préciser

Sources : Conseil général 29

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Dans les anciennes parcelles agricoles restaurées, l’ouverture des milieux embroussaillés a permis de retrouver certains murets plus ou moins dégradés. La particularité tient à la découverte des ancien-nes entrées de champs, marquées par de grandes pierres plates.Les portions affaissées sont remontées dans le respect de la technique traditionnelle, l’originalité tenant à la taille des pierres, celles-ci n’étant pas plus grandes qu’un poing. Une mini-pelle permet de décaisser la fondation sur 50 cm environ, la tranchée visant à assurer la stabilisation du muret. Les précautions à prendre tiennent à la disposition des pierres : celles-ci doivent impéra-tivement être placées en quinconce, afin d’éviter les fissures, qui fragilisent progressivement le muret. Il faut que systématiquement, une pierre soit en contact avec la terre, qui sert toujours de liant, et que les niveaux montent à la façon d’un mur de brique. La différence tient toutefois au fait, qu’en fonction de la taille des pierres, il est possible qu’une pierre occupe plusieurs rangs de pierres voisines. Il faut veiller à ce qu’il n’y ait

pas de passages possibles du haut vers le bas du muret. Sur la partie haute, des pierres plates de couronnement, trouvées sur place, servent à terminer le muret.La reproduction de la technique par les gardes s’est basée en grande partie sur des échanges avec les anciens. En effet, cette source d’information locale fournit une multitude de trucs et astuces, avec la richesse de l’expérience vécue, et tous les souvenirs associés...

La participation des entreprises : le cadrage des modes opératoiresLe cahier des charges à destination des entrepri-ses (cahier des clauses techniques particulières) mérite d’intégrer un certain nombre de points : - la provenance de la pierre : il est capital de s’assurer de l’utilisation de la ressource locale, le granit ocre clair dans le présent cas, par ailleurs le moins cher, en refusant l’apport de pierres d’autres chantiers, et en visant l’approvisionnement dans des carrières locales. Il est bon de rappeler que les pierres étaient souvent récupérées dans les fondations des fermes et bâtiments lors des cons-tructions de murets...- l’emploi de béton maigre (voir ci-contre) - les prescriptions quant au traitement et à l’agen-cement des pierres : la pierre se doit d’être utilisée brute, sans taille préalable, avec un agencement aléatoire (ou apparaissant aléatoire dans son résultat).- l’allure générale du muret se doit de présenter un léger fruit, avec une forme globale de trapèze en vue de côté.- en cas de transplantation, des précautions sont également à signaler quant à l’origine des mottes, de la terre...Un point complémentaire, qui peut être spécifié dans tout cahier des charges à destination d’une entreprise de travaux publics ou d’espaces verts intervenant en milieu naturel est le lavage systé-matique des engins et matériels avant l’accès aux sites. Il s’agit ici de limiter les risques de pollution par les espèces invasives ; même si les résultats ne peuvent être garantis, la précaution mérite d’être prise.

Sur le secteur, la participation des gardes et des entreprises devrait être complétée, dans les années à venir, par une implication d’associations et d’autres partenaires, l’élargissement du champ d’intervention du garde en matière de préserva-tion d’espaces naturels devant se traduire par la mise à jour de nombreux murets à préserver et à restaurer...

Extrait d’un CCTP (sources : Conseil général 29, en lien avec la création de murets et talus muretés traditionnels sur la Pointe du Van) Pour le muret de clôture

Hauteur de muret : 0,60 m.Base : 0,50 m.Béton maigre dosé à 300kg/m3 de CPA, 0,400m3 de sable ,0,800 m3 de gravillons.Matériaux utilisés : du granit du Cap Sizun. Maçonnerie : 1/3 de tout venant. 2/3 de pierre triée. Couverture : pierres plates de largeur 0,60m.

Pour la reprise du talus de couronnement

Le prix comprend le prélèvement dans la parcelle voisine drrière le talus de mottes enherbées d’herbe la plus rase possible de 10 cm d’épaisseur, 50 cm de long, 30 cm de large et leur pose en couches de niveau en couronnement du muret sur une épaisseur de 30 cm. Les couches de mottes seront soigneusement tassées à chaque couche. Fruit du talus : 30%.Retrait de la première couche de mottes de 5 cm par rapport au haut du muret pour maintenir un léger rebord de muret.

Muret découvert sous une friche.

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La restauration du patrimoine traditionnel demande l’investissement de professionnels, qui méritent par ailleurs d’être sensibilisés aux exigences qu’impose en complément la préservation du patrimoine naturel sur des sites sensibles, notamment littoraux. La démarche engagée par le Lycée agricole et horticole/Centre de Formation d’Apprentis de l’Artisanat de Kerplouz (Auray) s’inscrit pleinement dans ce cadre, avec par ailleurs, une approche permettant de révéler les personnalités des acteurs impliqués...

Cadre de l’interventionC’est par hasard qu’Olivier Lecocq, formateur en construction paysagère, est informé par une collègue professeur en BTS GPN, du sou-hait du lycée qu’un professionnel encadre des élèves pour un chantier sur les Iles Glénans, et ceci, à la demande du Conser-vatoire du littoral. Il s’agit de restaurer et construire des murets de pierre sèche à proximité de l’école de voile afin de pro-téger des zones de nidification du passage particulièrement dérangeant des utilisa-teurs du site (notamment les enfants).L’équipe s’est constituée, regroupant une quarantaine de personnes : le projet a associé les BTS GPN aux stagiaires du Certificat de Qualification Professionnelle (CQP) en construction d’ouvrages paysa-gers (seule formation de ce type en Breta-gne, où le travail de la pierre, notamment taillée, est prépondérant) pour la restauration des murets de pierres sèches. L’opération de terrain menée en juin 2009 a été reconduite en 2010.

Les murets, support d’apprentissages...

GPN : Gestion et Protection de la NatureCQP : spécialisation post BEP, baccalauréat ou BTS, menée sur 10 mois.

Le concret de la restauration

Avec le concours essentiel d’Olivier Lecocq, formateur en construction paysagère au CFAA de Kerplouz - Auray (56). Qu’il en soit vivement remercié...

Les Iles Glénans (sources : Google map).

Les deux s e u l s modes de transport : le tracteur et le petit bateau...

L’intervention sur les îles implique 3 jours de vie collective, sur les îles. Le groupe est hébergé sur place, dans un bâtiment équipé pour la vie en collectivité (cuisine, grande salle), associé à des bâtiments annexes pour 5 à 6 personnes. Les déplacements entre îles se font par des petits bateaux, alors que sur les îles, le tracteur est l’unique véhicule de transport... L’électricité est d’origine éolienne, l’eau provient de citernes.Le chantier s’installe, avec des équipes qui se constituent : pré-paration des repas, entretien, démontage, transport et remontage des murets sont autant de postes à pourvoir, avec une répartition en fonction des affinités...

Les modalités pratiques...Après un travail préalable du formateur sur photographie aérienne, permettant de localiser les différents linéaires de murets, son passage sur le terrain a permis de vérifier la technique employée (qu’il connaissait par ailleurs) et de localiser les zones à couvrir. L’observation est le maître mot de ce type de chantier qui vise à reproduire le travail réalisé par les anciens au sein des exploitations agricoles.Certains murets de pierres sèches sont à res-taurer, d’autres, en revanche méritent d’être construits. La principale difficulté est liée à la nécessité de collecter des matériaux sur place. Cela passe donc par le démontage de murets dégradés et n’ayant plus d’utilité, pour récupérer les pierres, les transporter (à la brouette ou grâce au tracteur !) vers les secteurs retenus. Les pier-res sont bien évidemment utilisées en l’état, c’est à dire sans nettoyage préalable ou traitement d’aucune sorte, permettant aux lichens et autres colonisateurs de se développer rapidement. Par ailleurs, les pierres sont utilisées à l’état brut,

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En lien avec la conception d’un sentier sur le DPM, une digue en pierres doit être restaurée sur 100 ml entre Fouesnant et Bénodet (Mer blanche). Les compagnons bâtisseurs ne peuvent inter-venir, les chantiers d’insertion ne semblent pas suffisamment solides actuellement pour s’engager sur ce type d’opération. Il reste les gardes et les services techniques de la Ville mais ils ont besoin de manœuvres, pour amener les matériaux et assurer la continuité et l’efficacité du chantier... Vous avez une idée, une solution ? Contactez Michel Le Page, à la Maison des Marais, à Fouesnant au 06 85 71 64 76.

besoin impératif d’observation préalable des murets existants. En reproduisant la méthode du passé, on en favorise le maintien pour les générations futures, ceci, à la condition de bien reproduire la technique mais aussi d’entretenir le patrimoine.Il faut en effet souligner la nécessité d’une sur-

c’est à dire sans taille préalable, ce qui peut paraître relativement simple pour des maçons en formation où la taille de la pierre est assez marquée.Les équipes s’organisent en fonction des tâches (démontage, transport, construction) : un maçon (ou une maçonne) pilote un groupe de 2 ou 3 BTS, anticipant par la même son rôle prochain de chef d’équipe. Il s’agit pour lui de mener son équipe, en présentant d’abord la technique à mettre en œuvre, en fournissant les consignes (“elles sont essentielles pour la maîtrise de la technique”, précise le professionnel), puis en contrôlant et ajustant le travail réalisé. Il faut préciser que les maçons en formation avaient reçu une formation théorique puis expérimenté la technique préalablement lors d’essais au lycée, à partir d’un stock de pierres. L’opération est le moyen de favoriser le transfert de connaissances, de compétences, à l’image de ce qui attendra le maçon dans le monde professionnel. Sur le plan technique, l’opération constitue un véritable puzzle en trois dimensions, ce qui, aux dires du professionnel, “n’est pas une technique compliquée”. Il est vrai que pour des maçons travaillant à la conception d’ouvrages à base de pierres généralement taillées, le principe peut paraître assez sommaire ; il s’agit d’utiliser la technique de pierre en tenaille : les pierres, de taille suffisante, s’entrecroisent en utilisant des calages par des pierres plus petites, le tout sans utiliser aucun liant. Le muret s’élève sur environ 60 cm de haut pour une épaisseur de l’ordre de 60 à 80 cm. Le succès de l’opération tient non seulement à la pierre utilisée mais aussi à la technique mise en œuvre et donc au temps passé sur l’ouvrage, à l’ex-périence du poseur et à sa personnalité. Il est certain que la technique présente une spécificité régionale, ce qui exige une adaptation au cas par cas, avec un

veillance régulière des ouvrages, se traduisant par la remise en place des pierres tombées, accidentel-lement, par le biais de quelque épisode météorolo-gique ou plus fréquemment, du fait des escalades des enfants sur les murets, afin d’éviter la fragi-lisation voire la disparition totale des murets...Au final, ce sont plus de 130 ml qui ont été remon-tés en 2009, sous l’œil bienveillant et surtout avec l’aide des gardes, qui doivent aussi apprendre la technique pour procéder à l’entretien régulier... En 2010, l’opération a été reconduite, avec quel-ques ajustements d’organisation ; le retour sur le terrain a permis de vérifier que les goélands ont pris possession du secteur.

Une opération aux multiples bénéficesIl est certain que le travail réalisé permet de garder les traces d’une technique traditionnelle, et donc d’en perpétuer l’emploi dans les décennies à venir, par le biais du transfert de connaissances et de compétences. Sur le plan humain, même si la technique peut paraître rudimentaire pour des professionnels en formation, elle permet d’exprimer les personnali-tés des uns et des autres : il est aisé d’identifier rapidement quelles sont les personnes à même de mener une équipe ; il est facile de montrer l’importance de la communication dans une tech-nique où la qualité du résultat tient en grande partie au respect des consignes (celles-ci méritent donc d’être clairement énoncées...)... Côté nature, l’attitude des participants montre aussi très vite l’attention portée au patrimoine naturel. C’est ainsi que certains privilégient les jumelles et pros-pectent dans les recoins de murets à la recherche du moindre signe de biodiversité, ou profitent

des paysages exceptionnels des Glénans quand d’autres arborent ostensiblement leur téléphone portable... De même, le travail et la vie en collec-tivité permettent de découvrir des traits de carac-tère, et ce pour les autres comme pour soi-même, ce qui est d’autant plus riche d’enseignement quand on rappelle que rares sont ces occasions pour des jeunes adultes...

La restauration de murets de pierres sèches, une opération minutieuse mais sans technicité excessive (sources : O. Lecocq).

Une digue qui a besoin de mains...

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Les conseils et la formation, expérience de Maisons paysannes de France...

La préservation des sites littoraux vise en premier lieu la biodiversité, mais “l’esprit des lieux” inscrit généralement également le patrimoine bâti dans la démarche. Sur ce point, le caractère traditionnel mérite d’être respecté, ce qui nécessite non seule-ment le maintien des bâtisses, des ouvrages, mais aussi souvent la restauration de ce patrimoine qui porte en lui les marques de l’histoire... Maisons paysannes de France œuvre à l’échelon national pour que la restauration et l’entretien du bâti traditionnel respectent l’identité propre de chaque région, sur le plan technique et paysager.

Une association investie sur des bases anciennes...Créée en 1965, l’association vise la sauvegarde du patrimoine rural, en appliquant les techniques uti-lisées par les anciens afin de les perpétuer pour les générations futures. L’association, reconnue d’uti-lité publique, compte aujourd’hui 85 délégations départementales couvrant 85% du territoire natio-nal (le littoral est couvert dans son ensemble, la Bretagne faisant l’objet d’une étroite collaboration entre Maisons paysannes de France et Tiez Breiz

- Maisons et Paysages de Bretagne), et servant de relais locaux. Elle cible les différents acteurs impliqués sur le sujet : particuliers, agriculteurs, associations, collectivités territoriales mais aussi artisans et architectes... L’association repose sur différents piliers : des ressources documentaires, centralisées à Paris ou détachées par délégations, complétées par des formations afin de sauvegarder un savoir-faire et la mémoire des gestes.

Des conseils en matière de préservation et de restauration du patrimoine. Exemple de la Charente MaritimeLe regard de la déléguée de Charente-Maritime apporte une lecture fine de différentes construc-tions littorales, en montrant toute l’importance de travailler sur les matériaux mais aussi les techniques...Sur le littoral, le patrimoine bâti, riche et diversi-fié, se trouve largement lié aux usages et activités anciennes. Les cabanes ostréicoles, le long des chenaux, étaient à l’origine des constructions sur pilotis, sur des bases en bois ou en pierre, avec une ossature bois. Les colorations restaient simples, souvent tournées vers le bleu ou le noir (coaltar, goudron de houille) pour les murs, tranchant avec l’aspect orangé des tuiles plates. Les ouvertures étaient assez limitées. Les besoins des ostréicul-teurs ayant évolué, ils ont délaissé ou réaménagé leurs cabanes : les matériaux se sont tournés vers la brique ou le parpaing, les ouvertures se sont agrandies... Les anciennes cabanes ont désormais trouvé d’autres fonctions, certaines étant rachetées par les collectivités, d’autres par les particuliers, avec un intérêt des artistes pour ce type de bâti qui doit dans tous les cas rester à usage ponctuel, eu égard au manque de commodités (problème d’assainissement à signaler).Les carrelets, sortes de passerelles en bois mon-tées sur des échasses (pilotis), sont typiques du littoral charentais et de l’estuaire de la Gironde.

Le bâti traditionnel est confronté aux besoins actuels des ostréiculteurs. Quel compromis trouver ?

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Un grand merci à J.M.Vincent, Vice-Président de Maisons Paysannes de France, à J. Fortin, déléguée pour la Charente-Maritime, J. Peyzieu, délégué-adjoint pour le Languedoc-Roussillon, à A. Pédrot, chargée de communication à l’Association et Monsieur Sicaud, maître-artisan pour leur aimable contribution à cet article.Pour plus de renseignements, consultez : http://www.maisons-paysannes.org/

Elles se distinguent des cabanes tchanquées (du gascon “chancas”, signifiant échasse), emblème de l’Ile aux Oiseaux, de taille beaucoup plus grande. Les cabanes des anciens marais salants (cabanes de sauniers), présentent un autre type de patrimoine

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bâti, avec leurs branches et leurs roseaux... Dans tous les cas, les constructions ont été étudiées pour faire face aux contraintes extérieures (vent, soleil,

eau), la force de la mer et de ses marées jouant un rôle essentiel dans les aménagements, avec l’impor-tance de la technique sur pilotis.

Une complémentarité indispensable avec les professionnelsLa pierre calcaire de Charente-Maritime a été employée dans diverses constructions (bâtisses, fours, lavoirs, moulins à eau...) que le temps a pu fragiliser... J.C. Sicaud, basé en Charente-Maritime, fait partie de ces artisans, passionnés par leur métier lié à la restauration du bâti traditionnel, et qui s’appliquent à reproduire le travail des anciens sans le trahir, en respectant les techniques que l’Association “Maisons paysannes de France” diffuse auprès d’un public de professionnels et de particuliers. En premier lieu, le choix des matériaux est primordial : que ce soit pour les liants (joints) ou les enduits, le sable et la chaux sont les uniques constituants qu’il utilise pour restaurer les murs et murets. Le sable doit provenir de carrières locales, avec un grain qui doit être adapté aux opérations visées ; pour la chaux, seule la chaux aérienne CL90 est à utiliser du fait de son caractère très pur (proscrire toute chaux associée à du ciment...). La présence de moins de 10% d’impu-retés dans la chaux permet de constituer une pellicule dure en surface grâce au calcium, l’étanchéité se faisant alors directement. Pour une utilisation en en extérieur, le mélange chaux-sable de 1 pour 2 est requis, rappelle le pro-fessionnel, avec un ajout de chanvre en intérieur, afin d’éviter que l’enduit ne craque (en extérieur, le chanvre risquerait de griser...).Dans le travail de restauration, une première opération vise à décrépir le mur ou le muret jusqu’au mortier de pose, avec éventuellement une reprise des joints. Si le mur était initialement enduit, il est impératif de remettre cette couche de protection, la pierre n’ayant pas naturellement constitué sa propre protection. L’enduit est alors posé à la truelle (ou à la machine), en veillant à maintenir l’aspect bosselé, c’est à dire en suivant la forme des pierres, sans chercher à aplanir la surface (ce qui risquerait de faire craquer l’enduit et amènerait des différences de couleurs...).Plusieurs corps de métiers peuvent intervenir en association, même si un artisan impliqué dans la restauration du bâti traditionnel doit être capable d’intervenir sur plusieurs volets (menuiserie, taille de pierres...). Comment juger de la qualité des opérations ? Une restauration bien menée doit, au final, rester invisible...

La pérennisation des pratiques traditionnelles. Cas du Languedoc-Roussillon

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Par délégations ou à l’échelle nationale, des jour-nées d’initatition ou des formations plus pointues sont organisées quant à la restauration du patri-moine et à l’utilisation de matériaux locaux. En Languedoc-Roussillon par exemple, la Délé-gation a construit des journée de visites dans le Gard autour de deux modes d’utilisation de la pierre : la pierre porteuse maçonnée et la pierre sèche. Ces journées de sensibilisation, à destina-tion des particuliers, s’inscrivent dans le cadre de partenariats variés : la Chambre de commerce et

d’industrie de Nîmes pour un centre de formation pour adultes, une municipalité, Marguerittes, pour un centre d’interprétation de la garrigue, une autre association pour un parcours sur la pierre sèche, ou encore un carrier pour la visite d’une exploitation de pierres de construction. En 2010, une journée d’initiation à la pierre sèche a été organisée à Vil-leveyrac (34). Elle impliquait, comme c’est souvent le cas dans les stages, un artisan (ici, spécialiste de la pierre sèche), mais aussi une autre association travaillant sur le même thème.

Une implication sur le terrain et au-delàMaisons Paysannes travaille aussi sur la formation des professionnels et des règles qui régissent leur pratique. Au delà de la sauvegarde d’un bâtiment ancien, l’Association cherche à sauvegarder un savoir-faire et une mémoire des gestes. C’est dans cet esprit qu’ont été mis en place des programmes de formation et de perfectionnement. Ces programmes sont construits chaque année, en se basant sur des stages théoriques ou pratiques dans lesquels des mises en pratique sur chantier sont proposées (ex : vocabulaire descriptif du patrimoine bâti, la chaux et le bâti ancien, enduits extérieurs et enduits décoratifs intérieurs à la chaux, entretien et res-tauration du patrimoine en pierre sèche...). Ils sont organisés par les délégations, avec d’autres parte-

naires (artisans, Parcs Naturels Régionaux...).Un autre objectif de Maisons Paysannes de France est d’obtenir des pouvoirs publics toutes les mesures législatives ou réglementaires visant la restauration des maisons anciennes, le caractère et l’implantation des constructions nouvelles mais aussi la préservation des paysages. C’est le cas notamment en matière d’isolation des bâtiments anciens en application des recommandations du Grenelle (programme BATAN ou projet ATHEBA, qui a donné lieu à des fiches pédagogiques à desti-nation du grand public et des professionnels pour mieux connaître le bâti ancien et appréhender les opérations visant les économis d’énergie et la réduc-tion des émissions de gaz à effet de serre).

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Une visite de terrain l’après-midi permet de visualiser plusieurs sites archéologiquesu sur Saint-Pierre-Quiberon ainsi que les amé-nagements mis en œuvre par le Syndicat Mixte Gâvres-Quiberon, gestionnaire du site de la Côte sau-vage. Départ pour l’Ile d’Hoëdic ensuite où, après une soirée très conviviale, des visites sur plusieurs secteurs permettent la découverte des richesses archéologiques qui jalonnent ces somptueux rivages. Deux archéologues guident les gardes et les sensibilisent aux multiples traces de vie humaine des rivages d’Hoëdic. Jean-Marc Large, de l’Inspection d’Académie de Vendée, présente ses travaux sur les îles du Morbihan, précisant que leur intérêt est immense du fait de l’influence négligeable de l’agriculture au cours du temps (perturbations moindres et donc meilleure conservation). Sur le terrain, l’archéologue montre de nombreux indices, évidents pour un œil initié, comme des reliefs de repas ou des alignements aux symboliques nombreuses. Coïnci-dence, la tempête Xynthia avait récemment érodé et découvert un pied de dune, où apparaissaient un foyer et des restes de repas.Marie-Yvane Daire, chargée de recherche au CNRS et Prési-dente de l’AMARAI (Associa-tion Manche Atlantique pour la Recherche Archéologique dans les Iles) présente les grandes lignes du travail réalisé, avec des intérêts multiples : archéo-zoologie, paléoécologie (paysages ancestraux), étude des modes de vie à travers les temps... Ce patri-moine fragile et menacé trouve différentes réponses en Europe. Pour les anglais et écossais, le concept “preservation by record” consiste à collecter l’information par différents moyens et assurer la conservation par la connais-sance, même si le site est appelé à disparaître physiquement. Pour la France, les recherches se veulent soit ciblées (thématiques), soit glo-bales (systématiques). Un recours important aux anciens documents permet aussi de se référer à des fouilles anciennes, un tel travail permettant d’évaluer certaines

priorités d’intervention.La présentation du projet ALERT (Archéologie Littorale Et Réchauf-fement Terrestre) permet de découvrir une méthode, en voie de finalisation, assurant l’analyse de la vulnérabilité des sites archéo-logiques, standardisant le recueil de données, donnant une grille d’observation des sites et de leur sensibilité. Cette méthode peut être une réponse plus adaptée que les fouilles archéologiques proprement dites, qui peuvent se heurter à de nombreuses difficul-tés (coûts, accessibilité, logistique des chantiers). Des partenariats

diversifiés se mettent en place, se traduisant notamment par le développement des modes de surveillance et une rapidité (et une souplesse) d’interventions visant à assurer la conservation du plus grand nombre de sites archéologiques. La sensibilisation offerte aux gardes entre dans cette optique, leur regard ayant sans doute changé au cours de ces journées sur ce patrimoine parfois discret mais pourtant si essentiel de notre histoire. Un stage qui restera pro-bablement dans la mémoire de ses participants.

u Retrouvez plus d’informations et des photos à l’adresse suivante :alfa.desfossez.net/revue/stage2010.htm

Début juin, le magnifique Mas de la Bélugue a accueilli une tren-taine de gardes du littoral PACA pour deux journées consacrées aux suivis naturalistes des sites. Lors d’une troisième journée, la plupart des partenaires du Conservatoire (près de 90 personnes) ont reçu diverses informations d’ordre national ou régional sur la vie de l’Etablissement et des sites.Plusieurs intervenants, chargés pour la plupart de suivis diversi-fiés, voire de programmes à grande échelle géographique se succèdent. Nicolas Sadoul (Marais du Viguei-rat) présente les grands axes du programme de suivi des laro-limi-coles de Méditerranéeu. Il met en évidence différentes méthodes mises en œuvre avec une recher-che permanente de limitation des biais méthodologiques, courants dans ce type de suivis (détection des nids notamment). La standar-disation des suivis dans le temps et l’espace est un atout majeur de ces programmes à territoire géo-graphique étendu, impliquant de multiples partenaires locaux et con-

cernant par ailleurs des espèces aux comportements parfois différents (colonies, espèces solitaires). Voir le numéro 70 pour plus de détails.Julie Delauge du CEEP (Centre d’Etudes des Ecosystèmes de Pro-vence) décrit quant à elle les suivis mis en œuvre dans l’archipel de Riouu (RNN) près de Marseille sur le Puffin cendré, le Goéland leucophée, la fréquentation par le public... Quelques conclusions de grand intérêt en ressortent : cibler précisément son suivi par rapport aux enjeux et aux moyens à disposition, adapter les proto-coles aux conditions locales, être présent sur le terrain et prendre des notes. J. Delauge présente aussi aux agents la base de données SILENE (Système d’Information et de Localisation des Espèces Natives et Envahissantes)u, qui revêt un grand intérêt en région PACA pour la compilation des informations naturalistes. Amine Flitti, responsable de projet à la LPO PACA, prolonge cette pré-sentation sur les bases de données relatives aux oiseauxu (voir aussi

Les suivis naturalistes en Camargue

Page 16: n°69fichiers.alfa-environnement.fr/revue/revue69.pdfTraces du passé, de pratiques traditionnelles, de modes de vie, le petit patrimoine bâti constitue souvent une richesse oubliée,

Revue éditée par le Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres27, rue Blanche - 75 009 Paris - [email protected] Corderie Royale - BP 10 137 - 17 306 Rochefort cedexDirecteur de publication : Y. ColcombetRédaction : P. Desfossez/B. Lefèvre.A.L.F.A. : 2, résidence l'orée du bois - 62 360 La Capelle (Tél: 03.21.30.53.01 ; Fax: 03.21.30.53.02 ; E.mail: [email protected] ; alfa.desfossez.net/revue)

Fin septembre, les désignations ont pu être closes. Seuls les votes de Mayotte et du Nord sont encore en “stand-by”. Le Nord, faute de candidats (ce qui ne devrait pas durer) et Mayotte suite à un problème de courrier et de diffusion des bulletins. Voici donc la liste de vos représentants 2010-2013 :Normandie : Michel DAVID et Yann MOUCHEL (SyMEL)Bretagne : Gwénaël GUILLOUZOUIC (Clohars-Carnoët) et Annaïg POSTEC (Guissény)Centre-Atlantique : Christian DUPONT (Saint-Brévin-Les-Pins)Aquitaine : Pascal QUADRIO (Andernos-les-Bains) et Peio LAMBERT (Biganos)Languedoc-Roussillon : Gérard ZAPATA (Lattes) et Laurent WOOCK (EID)Provence - Alpes-Côtes d’Azur : Luc BRUN (SIBOJAÏ) et Marie LAMAZE-GALLO (Saint-Cyr-Sur-Mer)Corse : Paul POLI (Conseil Général de Haute-Corse)Martinique : Sylviana STEFEN-FORTUNEGuadeloupe : Modeste SALIGNAT (Parc national de Guadeloupe) et Philippe de Proft (Terre-de-Haut)Guyane : Charles BERGERE (Sinnamary).Une réunion est programmée mi-décembre avec l’ensemble de vos représentants afin d’établir le plan de travail pour les années à venir.

u Retrouvez plus d’informations et des photos à l’adresse suivante : alfa.desfossez.net/revue/stage2010.htm

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à contacter l’équipe de Rivages de France, à Paris (Tél. 01 44 24 00 81) : Vincent Jolivet, directeur ([email protected]) et Gaëlle Moreau, chargée de mission Gardes ([email protected]).

Elections des représentants régionaux des gardes du littoral - suite et presque fin !

www.atlas-ornitho.fr, qui traduit les avancées d’un atlas évolutif sur les oiseaux nicheurs de France métropolitaine).Sur le site de Fangassier avec sa célèbre (et unique en France) colonie de Flamant rose, Arnaud Béchet (Tour du Valat), avec Gaël Hémery (PNR Camargue), guide le groupe. Il présente les travaux de protection et de gestion et les suivis menés sur la population de flamants (plus de 10 000 couples en 2010). Le spectacle est grandiose et met en évidence l’importance majeure d’un tel site, maintenant acquis par le Conservatoire et géré par le PNR de Camargue en colla-boration avec la Tour du Valat. Les exposés reprennent le second jour avec Leïla Debiesse (Marais du Vigueirat) qui expose une partie des nombreux suivisu mis en place sur le site, comme par exemple le suivi hydraulique, mis en lien avec les conditions de pluviométrie, le suivi des populations de Lapin de garenne, le suivi de l’impact d’une ouverture de sentier sur les passe-reaux ou encore l’impact potentiel d’une éolienne sur les oiseaux et les chauve-souris. Le site s’inscrit aussi dans plusieurs programmes de recherche (ex : dynamique de la Sar-

celle d’hiver en Camargue). Toutes ces expériences sont rigoureusement suivies et font appel à des compéten-ces variées, trouvées tant en interne qu’en externe. Ces suivis répondent à des objectifs précis, utiles pour évaluer l’atteinte ou non d’objectifs de gestion mais peuvent avoir aussi un rôle plus large d’acquisitions de connaissances.Jean-Claude Briffaud (La Palis-sade) insiste ensuite sur la notion de registre et de calendrier de suivis. Avec les 39 suivis mis en œuvre sur le Domaine, il est indis-pensable de vérifier régulièrement leur cohérence et l’absence de redondance ou évaluer leur faisa-bilité par rapport à la charge de travail et les compétences requises. Comment assurer aussi le transfert des savoirs, échanger, transmettre la mémoire du site ? Un problème potentiellement important concerne aussi la conservation des données, les supports informatiques pouvant réserver quelques surprises avec le temps. Ce suivi des suivis montre finalement tout son intérêt.Luc Brun (étang de Bolmon) apporte son expérience, invitant à bien réflé-chir aux besoins liés à la gestion du site. De nombreuses questions méri-tent d’être posées, sur l’utilité des suivis notamment, sur la complexité

des méthodes à mettre en œuvre, la “simplicité” (relative) pouvant parfois s’avérer suffisante. Brigitte Poulin (Tour du Valat) termine ces riches exposés par une présentation de haut niveau scientifiqueu sur la recherche des impacts éventuels de la démoustication sur les popula-tions d’Hirondelle de fenêtre. Une courte démonstration de relevés sur le terrain complète ce propos mon-trant tout l’intérêt des liens entre recherche et conservation.Lors du débat, quelques idées fortes sont ressorties : le besoin de bien cibler les suivis sur les problémati-ques du site, l’intérêt des collabora-tions avec différents partenaires, le besoin de valoriser les études mises en place et d’échanger entre sites, de bâtir une culture commune (suivis de base sur les sites). Au final, le thème a suscité des réactions plutôt positives chez de nombreux partici-pants, même si certains ont pu res-sentir quelques appréhensions au regard du niveau scientifique appa-remment requis pour ces suivis.Il est important de rappeler que des protocoles simples sur certains indicateurs sont accessibles sans connaissances trop approfondies. Un accompagnement scientifique doit pouvoir être sollicité pour aider chacun à s’investir.