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N° 60 Décembre 2014

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N° 60

Décembre 2014

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SOMMAIRE

A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL

3

B - DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATIONS

C - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

9

25

D - ACCORDS COLLECTIFS ET CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL

29

E - REPRÉSENTATION DU PERSONNEL ET ELECTIONS PROFESSIONNELLES

31

F - RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

44

G - ACTIONS EN JUSTICE

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A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU

TRAVAIL

1. Emploi et formation

*Contrats à durée déterminée

Sommaire

Il résulte des dispositions combinées des articles 9 de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986, 24, 1°) et

2°), et 27 de la délibération n° 91-002 AT du 16 janvier 1991 de l’Assemblée territoriale de la

Polynésie française que le contrat à durée déterminée ne peut comporter qu'un seul motif.

Justifie dès lors légalement sa décision, la cour d’appel qui requalifie en contrat de travail à durée

indéterminée le contrat à durée déterminée mentionnant deux motifs successifs de recours à celui-ci.

Soc, 17 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2395 FS-P+B

N° 12-21.147 - C.A. Papeete, 12 avril 2012

M. Frouin, Pt. - M. Ludet, Rap. - M. Liffran, Av. Gén.

*Contrats à durée déterminée dits d’usage

Sommaire

S'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail que

dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu,

certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée

lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la

nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats

à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre

sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en œuvre par la directive

1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus

résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours

à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de

l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

Prive sa décision de base légale la cour d’appel qui se détermine par des motifs tirés de l’aléa sportif

et du résultat des compétitions, sans vérifier si, compte tenu des diverses tâches occupées

successivement par le salarié pendant de nombreuses années au sein du club de football, l'utilisation

de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis

établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

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Soc., 17 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2400 FS-P+B

N° 13-23.176 – C.A. Bastia, 19 juin 2013

M. Frouin, Pt. – M. Flores, Rap. – M. Liffran, Av. Gén.

Note :

Un club de football engage le 1er

février 1993 un salarié en qualité d’employé administratif, puis

renouvelle les contrats à durée déterminée successifs en qualité de formateur, entraîneur, entraîneur

adjoint, entraîneur d’équipe, jusqu’à la fin de la relation de travail le 30 juin 2010.

Tant devant le conseil de prud’hommes que devant la cour d’appel, le salarié demande notamment

la requalification des différents contrats en un contrat à durée indéterminée. Débouté sur ce point, il

forme pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel.

Selon l’article L. 1242-2, 3°, du code du travail, « […] un contrat de travail à durée déterminée ne

peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas

suivants : […]

3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par

décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas

recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du

caractère par nature temporaire de ces emplois ; […] ».

Ces dispositions sont précisées par l’article D. 1242-1 du même code selon lequel « […] les

secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les

emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en

raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont

les suivants : […]

5° Le sport professionnel ; […] »

Longtemps, la jurisprudence a permis la reconduction illimitée de contrats à durée déterminée

successifs pour des emplois à caractère saisonnier ou dans les domaines, définis par décret ou

convention ou accord collectif étendu, où l’usage le permettait (ancien article L. 122-1-1, 3°, du

code du travail). Un contentieux abondant existait cependant, résultant des hésitations des juges du

fond quand la succession de contrats à durée déterminée, notamment d’usage, conduisait à

considérer qu’ils pourvoyaient durablement à des emplois liés à l’activité normale et permanente de

l’entreprise, configuration prohibée par l’article L. 1242-1 du code du travail (ancien article L. 122-

1, alinéa 1er).

Par quatre arrêts de la même date, la chambre sociale, en formation plénière, avait clarifié l’office

du juge en matière de requalification des contrats dits d’usage selon une double caractérisation

(Soc., 26 novembre 2003, pourvois n° 01-44.263, 01-44.381, 01-42.977 et 01-47.035, Bull. 2003, V,

n° 298, publiés au Rapport annuel 2003) : la Cour de cassation contrôlait la recherche effective par

le juge du secteur d’activité, défini par convention ou accord collectif étendu, permettant le recours

au contrat d’usage, et laissait à l’appréciation souveraine du juge du fond l’existence dans ce secteur

d’un usage constant (Soc., 25 mai 2005, pourvoi n° 04-40.169, Bull. 2005, V, n° 178 (2)).

Mais la jurisprudence européenne, relative à l’application de l’accord-cadre sur le contrat de travail

à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil

du 28 juin 1999, a contraint la Cour de cassation à revoir sa position. En effet, selon la clause 1 de

l’accord-cadre, ce dernier a pour objet de « prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou

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de relations de travail à durée déterminée successifs ». La clause 5 invite les Etats, dans ce but, à

introduire diverses mesures dont un contrôle relatif aux « raisons objectives justifiant le

renouvellement » des contrats à durée déterminée.

Intégrant dans sa jurisprudence le but poursuivi par l’accord-cadre, la chambre sociale a jugé utile

de vérifier que « l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l’existence

d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi » (Soc., 23

janvier 2008, pourvois n° 06-43.040 et 06-44.197, Bull. 2008, V, n° 16, publié au Rapport annuel

2008). Ainsi, à la double vérification opérée par le juge du fond, selon les arrêts du 26 novembre

2003, s’ajoute une vérification relative à la nature, temporaire ou non, de l’emploi précisément

pourvu par les contrats successifs.

Une série d’arrêts postérieurs a confirmé l’exigence pour les juges du fond d’effectuer cette

vérification concrète (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-43.529, Bull. 2008, V, n° 174 (1) ;

Soc., 26 mai 2010, pourvoi n° 08-43.050, Bull. 2010, V, n° 110 ; Soc., 30 novembre 2010, pourvoi

n° 09-68.609, Bull. 2010, V, n° 269 (1) ; Soc., 9 octobre 2013, pourvoi n° 12-17.882, Bull. 2013, V,

n° 226 (1), publié au Rapport annuel 2013).

La présente décision se situe dans la droite ligne de cette jurisprudence, et ce d’autant plus que la

cassation est prononcée pour défaut de base légale. La chambre sociale rappelle que « l’accord-

cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en œuvre par la directive

1999/70/CE du 28 juin 1999 […] impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats

successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets

établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ». Cette vérification n’a pas été effectuée

par la cour d’appel, qui a cru pouvoir déduire le caractère temporaire de l’emploi de l’entraîneur à

partir de motifs tirés de l’aléa sportif et du résultat des compétitions, motifs partagés par le secteur

sportif de manière générale, alors qu’elle aurait dû s’attacher à dégager, à partir de motifs

spécifiques à la fonction d’entraîneur, les éléments favorables au caractère temporaire de l’emploi

pourvu.

*CDD – Requalification

Sommaire

La requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne

portant que sur le terme du contrat et laissant inchangées les stipulations contractuelles relatives à la

durée du travail, il appartient au salarié, qui demande le paiement du salaire pendant les périodes

interstitielles, d’établir que pendant ces périodes, il s’est tenu à la disposition de l’employeur.

Viole les articles L.1245-1 et L.1245-2 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1315 du

code civil, la cour d’appel qui, pour allouer un rappel de salaire correspondant à un travail à temps

complet, retient que des contrats de travail signés le jour de l'embauche ne mentionnent pas les

horaires de travail pour chaque journée travaillée, et que, faute de produire un planning prévisionnel

qui aurait été communiqué au salarié, l'employeur ne rapporte pas la preuve que celui-ci n'était pas

placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir

constamment à sa disposition.

Soc., 10 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2299 FS-P+B

N°13-22.422-C.A. Paris, 28 mai 2013

M. Frouin, Pt - M. Ludet, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

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2 - Droits et obligations des parties au contrat de travail

*Harcèlement moral

Sommaire

L’obtention en référé d’une mesure provisoire mettant un terme au harcèlement subi par un salarié,

ne saurait interdire à celui-ci de justifier devant le juge du fond du fait qu’il a dû solliciter cette

mesure en raison d’un harcèlement susceptible d’entraîner la nullité de la rupture effective du

contrat de travail.

Soc, 9 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2273 FP-P+B

N° 13-16.045 - C.A. Paris, 27 février 2013

M. Frouin, Pt – Mme Sabotier, Rap. - M. Aldigé, Av. Gén.

Note :

Engagé par la société EDF le 17 janvier 1979, un salarié, qui exerçait alors en qualité de chef de

projet, avait été mis à disposition de la délégation aux implantations industrielles pour une durée de

3 ans à compter du 1er

janvier 1998. À son retour dans sa direction d’origine, il n’avait été affecté à

aucun emploi défini. Il avait par ailleurs été désigné le 10 octobre 2006 en qualité de représentant

syndical au C.H.S.C.T. et élu délégué du personnel le 29 novembre 2007.

Le 25 septembre 2007, il avait saisi en référé la juridiction prud’homale afin d’obtenir sa mise en

inactivité anticipée, ce dispositif étant régi par le statut du personnel des industries électriques et

gazières. Il devait ensuite saisir le 6 décembre 2007 le conseil de prud’hommes au fond, aux fins

notamment d’obtenir une indemnisation au titre d’un harcèlement moral et d’un licenciement

illicite.

Par ordonnance du 19 février 2008, la formation de référé du conseil avait enjoint à l’entreprise de

notifier au salarié sa mise en inactivité. Celle-ci avait exécuté cette décision et la mise en inactivité

était devenue effective à compter du 1er

juillet 2008.

Sur le fond, le bureau de jugement du conseil avait débouté le salarié de l’ensemble de ses

demandes. La cour d’appel, infirmant partiellement la décision des premiers juges, avait considéré

que la mise en inactivité, étant intervenue dans un contexte de harcèlement moral, devait être jugée

nulle, avec toutes conséquences de droit.

Le point de droit soulevé par le présent pourvoi est le suivant : un salarié, ayant obtenu en référé

qu’il soit enjoint à l’employeur de prononcer sa mise en inactivité anticipée, peut-il ultérieurement

solliciter la nullité de cette rupture, en justifiant devant le juge du fond qu’il avait sollicité cette

mesure dans un contexte de harcèlement moral ?

L’article L. 1152-3 du code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en

méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du même code est nulle.

Il résulte du premier de ces textes qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de

harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail

susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou

de compromettre son avenir professionnel.

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Le second de ces textes dispose en outre qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire

l’objet d’une mesure discriminatoire, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de

harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

La chambre sociale juge, en l’espèce, que rien ne s’oppose à ce que le harcèlement, ayant cessé par

l’effet d’une mesure provisoire ordonnée en référé, soit invoqué par le salarié dans une instance au

fond introduite en vue d’obtenir la nullité de la rupture de son contrat de travail.

L’obtention en référé d’une rupture des relations contractuelles ayant pour effet de soustraire le

salarié à des agissements de harcèlement, ne fait donc pas obstacle à ce que celui-ci, pour remettre

en cause la licéité de cette rupture, justifie devant le juge du fond de la situation de contrainte dans

laquelle ce harcèlement l’a placé.

En conséquence, les juges d’appel avaient à bon droit autorisé le salarié à établir des faits

permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et, ayant fait ressortir au regard des éléments

produits que les agissements reprochés à l’employeur étaient avérés, tiré les conséquences légales

de leurs constatations en faisant produire à la rupture intervenue les effets d’un licenciement nul.

3 - Modification dans la situation juridique de l'employeur

*Transfert d’une entité économique autonome

Sommaire

Les accords prévus aux articles L. 2314-28 et L. 2324-26 du code du travail en cas de transfert

d’entreprise, et ayant pour objet d'aligner la date des élections dans les entités transférées sur celle

de l'entreprise d'accueil, ne sont pas soumis à l’exigence d’unanimité et peuvent être valablement

conclus aux conditions prévues par l'article L. 2232-12 du code du travail.

Soc, 17 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2389 FS-P+B

N° 14-14.917 - T.I. Lyon, 20 mars 2014

M. Frouin, Pt - M. Béraud, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén.

Note :

En l’espèce, un groupe organisé en cinq filiales régionales, disposant chacune de délégués du

personnel et d’un comité d’entreprise, avait fait l’objet d’une réorganisation prenant effet au 1er

août 2013. L’une des sociétés se trouvait alors absorbée par une autre société du groupe, laquelle

recevait en outre, par apport partiel d’actif, un établissement précédemment rattaché à une troisième

société.

Les mandats des représentants du personnel au sein des entités transférées arrivaient à échéance en

2015, alors qu’au sein de l’entité d’accueil, les mandats arrivaient à leur terme au cours de l’année

2014. Divers accords avaient été conclus pour réaménager la représentation du personnel et des

syndicats dans le cadre de cette nouvelle organisation, dans l’attente de nouvelles élections

professionnelles dont le premier tour avait été fixé au 15 avril 2014. L’alignement de la date des

élections dans les entités transférées sur celle de l’entreprise d’accueil conduisait ainsi à une

réduction de la durée des mandats des représentants du personnel des entités absorbées.

L’un des syndicats avait saisi le tribunal d’instance d’une requête tendant à dire nuls ces accords,

faute d’avoir été conclus à l’unanimité des organisations syndicales intéressées.

Par jugement du 20 mars 2014, le tribunal d’instance a fait droit à cette demande.

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Le pourvoi posait en premier lieu la question suivante : à quelle condition les mandats des

représentants du personnel de l’entité transférée subsistent au sein de l’entreprise d’accueil et quel

est l’office du juge d’instance à cet égard ?

Aux termes des articles L. 2324-26, alinéa 1er

, et L. 2314-28, alinéa 1er

, du code du travail, lorsque

survient une modification dans la situation juridique de l’employeur telle que mentionnée à l’article

L. 1224-1 du même code, le mandat des délégués du personnel, des membres élus du comité

d’entreprise et des représentants syndicaux de l’entreprise ayant fait l’objet de la modification

subsiste lorsque cette entreprise conserve son autonomie juridique.

Ces articles sont la transposition en droit français de l’article 6, §1, de la directive 2001/23/CE du

Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives

au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de

parties d’entreprises ou d’établissements.

Par arrêt du 29 juillet 2010, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’une entité

économique transférée conserve son autonomie au sens de l’article susvisé dès lors que les pouvoirs

accordés aux responsables de cette entité, au sein des structures d’organisation du cédant,

demeurent en substance inchangés au sein des structures d’organisation du cessionnaire (CJUE,

arrêt du 29 juillet 2010, UGT/FSP, C-151/09).

Il est à noter que la chambre sociale s’appuie sur cette jurisprudence communautaire pour définir la

notion d’autonomie juridique (Soc., 15 novembre 2011, pourvoi n° 10-23.609, Bull. 2011, V, n°

264).

Dans le présent litige, l’employeur avait fait valoir devant le tribunal d’instance que la société et

l’établissement en cause avaient perdu leur autonomie une fois absorbés par l’entité d’accueil -

l’ensemble des services et fonctions des trois entités ayant été fusionnés et la direction de

l’ensemble se retrouvant confiée à un seul directeur général -, ce dont il se déduisait que les

mandats des représentants du personnel des entités transférées devaient normalement prendre fin le

1er

août 2013.

Le tribunal d’instance n’a pas répondu à cette argumentation et a considéré acquis le maintien de

l’autonomie des entités absorbées.

La chambre sociale juge qu’en ne recherchant pas si les entités transférées avaient, dans le cadre de

cette réorganisation, conservé leur autonomie, alors que cette dernière est la condition de la

poursuite des mandats au sein de l’entreprise d’accueil, le juge d’instance a enfreint les dispositions

légales applicables et méconnu son office.

Le pourvoi soulevait une seconde difficulté tenant à la conclusion des accords eux-mêmes : à

supposer que les entités absorbées aient conservé leur autonomie, et donc leurs salariés élus, quelles

pouvaient être les conditions de signature d’un accord ayant pour effet de réduire la durée de leur

mandat ?

Il résulte des articles L. 2324-26, alinéa 3, et L. 2314-28, alinéa 3, du code du travail que, pour

tenir compte de la date habituelle des élections dans l’entreprise d’accueil, la durée du mandat des

membres élus peut être réduite ou prorogée par accord entre le nouvel employeur et les

organisations syndicales représentatives existant dans le ou les établissements absorbés ou, à défaut,

par accord entre l’employeur et les délégués du personnel ou les membres du comité intéressés.

La chambre sociale a eu l’occasion de juger qu’en l’absence d’un accord unanime de prorogation

des mandats passé entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales représentatives dans

l’entreprise, le renouvellement des institutions représentatives du personnel doit avoir lieu à

échéance (Soc., 12 juillet 2006, pourvoi n° 05-60.331, Bull. 2006, V, n° 259), les dispositions

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relatives à la durée des mandats des représentants du personnel étant d’ordre public (Soc., 26 juin

2013, pourvoi n° 12-60.246, Bull. 2013, V, n° 172).

Dans ces deux affaires, les accords signés avaient pour effet de proroger le mandat des représentants

du personnel ; privant les électeurs de la possibilité de choisir leur élus à l’échéance électorale

normale, ils constituaient une atteinte objective au principe démocratique rendant nécessaire à ce

titre l’adhésion de toutes les organisations syndicales représentant les salariés.

En revanche, dans le présent litige, les droits du corps électoral n’étaient pas altérés, puisqu’au

contraire l’accord avait pour effet de solliciter les électeurs par anticipation et de leur permettre de

réitérer leurs choix initiaux avant le terme initialement fixé.

L’exigence de l’unanimité était-elle en conséquence transposable au cas d’espèce ?

La chambre sociale apporte à cette question inédite une solution dépourvue d’ambiguïté.

Elle juge que les accords litigieux, ayant pour objet d’aligner la date des élections dans les entités

transférées sur celle de l’entreprise d’accueil, pouvaient être valablement conclus aux conditions

prévues par l’article L. 2232-12 du code du travail. Il en résulte que leur validité était subordonnée à

leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant

recueilli au moins 30% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections

professionnelles, et à l’absence d’opposition d’une ou de plusieurs organisations syndicales de

salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections.

En conséquence, en soumettant les accords litigieux à une exigence d’unanimité pourtant non

prévue par les textes, le tribunal d’instance avait ajouté à la loi et rendu une décision nécessairement

vouée à la censure.

B - DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATIONS

1- Durée du travail, repos et congés

*Convention de forfait par jours

Sommaire

Le défaut de respect par l’employeur de ses obligations conventionnelles relatives au compte

épargne-temps, lesquelles n’ont pas pour objet de garantir le respect des durées maximales de

travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, n’est pas de nature à priver d’effet la

convention individuelle de forfait en jours.

Soc., 17 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2407 FS - P+B

N° 13-23.230 – C.A. Douai, 28 juin 2013

M. Frouin, Pt. - M. Florès, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

Note :

Un salarié avait été engagé par une société relevant de la convention collective nationale des

travaux publics, en qualité d’ingénieur. Son contrat prévoyait une clause de forfait en jours de 216

jours travaillés sur l’année. Licencié pour insuffisance professionnelle, il avait saisi la juridiction

prud’homale en contestation du bien fondé de son licenciement mais également en dénonciation de

la convention de forfait.

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Sur ce dernier point, la cour d’appel jugeait que cette convention était inopposable au salarié dans la

mesure où, contrairement aux prescriptions de l’accord national professionnel du 6 novembre 1998

relatif à l’organisation, à la réduction du temps de travail et à l’emploi dans le bâtiment et les

travaux publics, le contrat de travail du salarié ne prévoyait pas la possibilité d’utiliser un compte

épargne-temps et qu’aucun autre avantage de substitution n’était convenu avec l’employeur ; que le

non-respect de l’une des conditions fixées par l’accord collectif suffisait à rendre la convention

individuelle de forfait illicite et inopposable au salarié.

L’employeur, au soutien de son pourvoi en cassation, faisait valoir que sa défaillance dans la mise

en œuvre d’un accord collectif prévoyant la conclusion de conventions de forfait en jours

n’entraînait l’inopposabilité au salarié de cette convention que si elle concernait les dispositions

conventionnelles destinées à assurer la protection de la santé et le droit au repos de ce salarié ; que

les dispositions de l’accord collectif relatives à la création d’un compte épargne temps ou tout

système équivalent, destiné à permettre au salarié d’accumuler des droits à congés supplémentaires

par rapport au congé annuel et, le cas échéant, de les monétiser, ne concouraient pas à assurer

l’effectivité de son droit au repos, ni à la protection de sa santé, de sorte que le défaut d’exécution

par l’employeur de cette exigence conventionnelle ne mettait pas en cause la validité de la

convention de forfait en jours.

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le moyen par substitution

d’un motif de pur droit relevé d’office. Elle conclut donc, comme la cour d’appel, à l’illicéité et

l’inopposabilité de la convention individuelle de forfait, non en raison du défaut de respect par

l’employeur de ses obligations conventionnelles relatives au compte épargne-temps, mais pour deux

autres motifs.

Le premier est un rappel de son arrêt du 11 juin 2014 (pourvoi n° 11-20.985, Bull. 2014, V, n° 137,

voir le commentaire au mensuel du droit du travail de juin 2014), par lequel elle a jugé que les

dispositions du titre III de l'accord national du 6 novembre 1998 relatif à la durée du travail dans les

entreprises de bâtiment et travaux publics, qui se bornent à prévoir que le contrat de travail doit

laisser aux salariés concernés la liberté dans l’organisation d’une partie de leur temps de travail, ne

respectent pas les principes tenant à la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son

droit au repos.

Le second motif tient à ce que la cour d’appel a constaté que les modalités de mise en œuvre de ces

dispositions conventionnelles ont été fixées non par accord collectif, mais par une note de service.

Rappelant la valeur constitutionnelle du droit à la santé et au repos, les directives communautaires

de 1993 et 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ainsi que le

principe selon lequel toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif

dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des

repos, journaliers et hebdomadaires, la chambre sociale conclut à l’illicéité et l’inopposabilité de la

convention de forfait au salarié.

Concernant le compte épargne-temps, elle approuve la motivation du moyen soulevé par

l’employeur : la violation, par l’employeur, de ses obligations relatives au compte épargne-temps

n’est pas de nature à priver d’effet la convention individuelle de forfait en jours car ces obligations

n’ont pas pour objet de garantir le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos

journaliers et hebdomadaires.

En effet, il résulte de l’article L. 3151-1 du code du travail que « le compte épargne-temps permet

au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération,

immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ». Il n’est donc

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pas destiné à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et son omission n’est pas

susceptible de priver d’effet une convention individuelle de forfait en jours.

*Congé parental d’éducation

Sommaire

Lorsqu’un salarié exerce la faculté que lui offre l'article L. 1225-51 du code du travail de

transformer son congé parental en activité à temps partiel, il est en droit de reprendre à temps partiel

son précédent emploi, s'il est disponible, sauf si l'employeur démontre que cet emploi n'est pas

compatible avec une telle activité.

Soc., 10 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2301 FS - P+B

N° 13-22.135 – C.A. Aix-en-Provence, 30 mai 2013

M. Frouin, Pt. – Mme Corbel, Rap. – Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

Note :

Un salarié qui bénéficiait d’un congé parental d’éducation a demandé à son employeur de reprendre

ses fonctions à temps partiel. Considérant que l’emploi qu’il occupait précédemment ne pouvait être

exercé qu’à temps plein, l’employeur lui a proposé un autre poste à temps partiel. Le salarié ayant

refusé cette proposition, l’employeur l’a licencié pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la justice prud’homale de diverses

demandes au titre de la rupture et d’un rappel de salaire.

La cour d’appel a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur au

paiement de diverses sommes. Les juges du fond ont considéré qu’il résulte du code du travail

« qu'à l'issue du congé parental d'éducation le salarié doit retrouver son précédent emploi ou un

emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ». Ils ont, en outre, estimé que

l’employeur n’avait pas démontré que le précédent poste occupé par le salarié, qui était disponible

au moment où le salarié avait fait sa demande de reprise de son activité à temps partiel, demandait

une disponibilité à temps plein.

La question posée était ainsi de savoir si un salarié qui transforme, au cours de la période allant

jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant, son congé parental d’éducation en activité à temps

partiel peut exiger de bénéficier de cette possibilité, prévue par l’article L. 1225-51 du code du

travail, sur le poste qu’il occupait avant son congé parental.

L’article L. 1225-47 du code du travail permet à tout salarié, justifiant d’une ancienneté minimale

d’une année à la date de naissance de son enfant ou de l’arrivée au foyer d’un enfant de moins de 16

ans, de bénéficier soit d’un congé parental d’éducation, soit d’une réduction de sa durée de travail,

lesquels, selon les termes de l’article L. 1225-48 du code du travail, ont une durée initiale d’un an et

peuvent être prolongés deux fois pour prendre fin au plus tard au troisième anniversaire de l’enfant.

L’article L. 1225-51 du code du travail offre, en outre, à l’occasion de chaque prolongation, la

possibilité de transformer son congé parental en reprise d’activité à temps partiel et inversement.

Précisément, sur le droit du salarié d’exercer cette option permise par le législateur de transformer

son congé parental en reprise d’activité à temps partiel au cours de la période fixée par l’article L.

1225-48 du code du travail, la chambre sociale a déjà jugé que « le salarié qui, à l'issue de son

congé parental, demande à l'employeur de reprendre ses fonctions à temps partiel, ne fait

qu'exercer une faculté que la loi lui réserve et il ne peut être licencié pour ce motif » (Soc., 1er

juin

2004, pourvoi n° 02-43.151, Bull. 2004, V, n° 145 (2)).

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Par le présent arrêt, la chambre sociale se prononce sur les modalités de cette reprise à temps partiel

et sur la question de savoir si le salarié peut exiger qu’elle soit exercée dans l’emploi précédent.

La chambre sociale entérine le raisonnement et la décision de la cour d’appel, et rejette le pourvoi

formé par l’employeur. Elle juge que, dès lors que l’emploi précédemment occupé par le salarié est

disponible et que l'employeur ne démontre pas son incompatibilité avec l’exercice d’une activité à

temps partiel, celui-ci ne peut lui imposer la reprise de son activité à temps partiel dans un autre

emploi. Il en résulte que le refus du salarié de se voir imposer une reprise de son activité à temps

partiel dans un autre emploi n’est pas fautif et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et

sérieuse.

La chambre sociale, s’agissant d’un salarié en congé parental souhaitant reprendre une activité à

temps partiel et ce dans la situation spécifique prévue à l’article L. 122-28-2 ancien devenu L. 1225-

52 du code du travail, c'est-à-dire en cas de décès de l’enfant ou de diminution importante des

ressources du ménage, avait déjà posé le principe selon lequel le salarié, qui demande à reprendre

son activité à temps partiel, retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une

rémunération au moins équivalente. (Soc., 13 novembre 2002, pourvoi n° 00-46.503).

Sur le principe d’une reprise d’activité sur le poste précédemment occupé, le présent arrêt, qui

tranche un litige d’une transformation du congé parental en reprise d’activité à temps partiel au

cours de la période allant jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant, s’inscrit dans la lignée de la

jurisprudence antérieure dégagée sur la reprise d’activité à l’issue du congé parental. En la matière,

la chambre sociale avait ainsi déjà décidé qu'à l'issue du congé parental, le salarié doit retrouver son

emploi précédent ou à défaut un poste similaire. Elle avait dès lors cassé l'arrêt de la cour d’appel

qui, pour débouter le salarié de ses demandes, avait retenu que l'employeur lui avait proposé un

emploi similaire alors que le salarié soutenait que son précédent emploi était disponible (Soc., 27

octobre 1993, pourvoi n° 90-40.226, Bull. 1993, V, n° 253). Aussi, par un arrêt récent, la chambre

sociale tranchait que « selon les dispositions de l'article L. 1225-55 du code du travail, à l'issue du

congé parental d'éducation, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti

d'une rémunération au moins équivalente. Il en résulte que la réintégration doit se faire en priorité

dans le précédent emploi, de sorte que lorsque l'emploi précédemment occupé par le salarié est

disponible, celui-ci doit retrouver son poste, peu important la stipulation d'une clause de mobilité

dans le contrat de travail» (Soc., 19 juin 2013, pourvoi n° 12-12.758, Bull. 2013, V, n° 157). Ces

deux arrêts posaient ainsi déjà la condition de la disponibilité de l’emploi antérieur pour

l’application de ce principe.

Le présent arrêt, qui tranche une question de reprise à temps partiel, ajoute la condition de la

compatibilité de l’emploi précédent avec l’exercice d’une activité à temps partiel et se prononce sur

la charge de la preuve de cet élément.

Cette règle exigeant qu’un salarié en congé parental reprenne son activité prioritairement sur le

précédent poste sauf si le poste est indisponible est appliquée pour les reprises à la suite d’autres cas

de suspension du contrat de travail, comme un congé maternité (Soc., 25 mai 2011, pourvoi n° 09-

72.556). La chambre sociale a aussi décidé, s’agissant de la reprise d’activité d’un salarié dans le

cadre d’un mi-temps thérapeutique après un arrêt maladie, qu’ « une cour d'appel, qui a estimé que

l'employeur ne justifiait pas de l'impossibilité de maintenir à mi-temps la salariée à son poste initial

(…) et fait ressortir que le licenciement de l'intéressée était hâtif et prématuré a, par ce seul motif,

sans modifier l'objet du litige, légalement justifié sa décision [condamnant l’employeur à payer une

indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ] . » (Soc., 29 mai 2013, pourvoi n° 12-

13.530).

*Heures complémentaires

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Sommaire

En application de l'article L. 3123-17 du code du travail, lorsque le recours à des heures

complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d’un salarié à temps partiel au niveau de

la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la

première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein.

Soc, 17 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2408 FS-P+B

N° 13-20.627 - C.A. Bourges, 12 octobre 2012

M. Frouin, Pt – Mme Ducloz, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

Note :

L’arrêt rendu par la chambre sociale le 17 décembre 2014 aborde la question de la date de prise

d’effet de la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps

complet lorsque, au cours de la relation contractuelle, la durée du travail du salarié à temps partiel a

été portée au niveau de la durée légale ou conventionnelle du travail.

En l’espèce, la salariée avait été engagée le 25 mai 2005 en qualité de chauffeur à temps partiel,

dans le domaine des transports scolaires et périscolaires. Elle avait ponctuellement effectué un

travail à temps plein au cours du mois de juin 2007. Les relations contractuelles avaient pris fin par

le licenciement économique de la salariée en date du 9 décembre 2008, le préavis s’étant achevé le

9 janvier 2009.

Celle-ci avait saisi la juridiction prud’homale de demandes de requalification de son contrat de

travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein et en paiement d’un rappel de salaire à

ce titre pour la période allant du 25 mai 2005 au 9 janvier 2009.

Par arrêt infirmatif, les juges d’appel avaient dit n’y avoir lieu à requalification du contrat de travail

à temps partiel en contrat de travail à temps complet.

C’est contre cette décision que la salariée a formé pourvoi.

L’article L. 3123-17 du code du travail limite, dans des proportions qu’il détermine, le nombre

d’heures complémentaires pouvant être effectuées par un salarié travaillant à temps partiel, et pose

le principe selon lequel les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée

du travail accomplie au niveau de la durée légale du travail ou de la durée fixée

conventionnellement.

La chambre sociale juge sur le fondement de ce texte, que lorsque le recours à des heures

complémentaires a eu pour effet de porter la durée du travail d’un salarié à temps partiel au-delà de

la durée légale, le contrat de travail de l’intéressé doit être requalifié en un contrat à temps complet ;

l’employeur doit être condamné au paiement d’un rappel de salaire calculé sur cette base et ce,

même si le dépassement a eu lieu une seule fois et sur une période limitée (Soc., 12 mars 2014,

pourvoi n° 12-15.014, Bull. 2014, V, n° 78).

Sont ainsi systématiquement censurées les décisions qui rejettent la demande de requalification du

salarié lorsque le volume des heures complémentaires a atteint ou excédé la durée légale (Soc., 13

mars 2013, pourvoi n° 11-27.233), étant précisé que les limites légales à leur accomplissement ne

peuvent être tenues en échec par le recours à des avenants au contrat de travail (Soc., 5 avril 2006,

pourvoi n° 04-43.180, Bull. 2006, V, n° 143 ; Soc., 16 novembre 2007, pourvoi n° 06-40.987 ; Soc.,

8 avril 2009, pourvoi n° 07-43.343).

La requalification repose sur deux idées essentielles: d’une part, elle est la sanction du non-respect

par l’employeur de dispositions d’ordre public destinées à protéger le salarié à temps partiel, d’autre

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part elle présente un caractère automatique, quand bien même un seul dépassement de la durée

légale ou conventionnelle serait-il constaté.

Plus inédite en revanche est la question posée par le présent pourvoi : la requalification doit-elle,

comme cela était soutenu par son auteur, affecter l’ensemble de la relation contractuelle et produire

ses effets à compter de l’embauche, ou bien ne peut-elle produire ses effets qu’à compter de la

première irrégularité intervenue ?

Des éléments de réponse peuvent être puisés dans deux décisions rendues par la chambre sociale.

Celle-ci a tout d’abord approuvé les juges du fond, dans le cas de l’atteinte de la durée légale

organisée par plusieurs avenants, d’avoir accédé à la demande de requalification du salarié, et

d’avoir en conséquence fait droit à sa demande de rappel de salaire sur la base d’un travail à temps

plein à compter du premier avenant irrégulier (Soc., 9 décembre 2009, pourvoi n° 08-42.831).

Il est cependant à noter que le salarié avait lui-même défini cet avenant comme point de départ de sa

demande de rappel de salaire et que, sauf à statuer ultra petita, les juges du fond ne pouvaient fixer

pour la requalification une date de prise d’effet antérieure.

Elle a ensuite cassé une décision d’appel qui avait fixé le point de départ de la requalification à

compter du mois d’octobre 2003, alors que dès le 31 juillet 2000 avait été signé un avenant

irrégulier portant le temps de travail à un temps complet (Soc., 24 mars 2010, pourvoi n° 08-

42.186).

Cette solution est explicitement réaffirmée dans le présent arrêt.

La chambre sociale juge au visa des articles L. 3123-17 et L. 3123-14 du code du travail que

lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d’un

salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps

partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein.

La requalification étant la sanction d’un acte irrégulier de l’employeur, il y a lieu en conséquence de

fixer sa date de prise d’effet au jour de l’irrégularité commise et, en cas d’une pluralité

d’irrégularités, au jour de la première d’entre elles.

Dans le cas d’espèce, le salarié était ainsi fondé à solliciter un rappel de salaire afférent au contrat

requalifié à compter du mois de juin 2007.

*Heures supplémentaires

Sommaire

Un accord collectif ne peut limiter les droits du salarié au bénéfice des dispositions légales relatives

au paiement des heures supplémentaires.

Justifie sa décision la cour d’appel qui, pour accueillir la demande d’un salarié au titre des heures

supplémentaires qu’il a accomplies, écarte les dispositions d’un accord collectif ne rémunérant de

telles heures, alors que l’indemnité compensatrice qu’il prévoyait avait un autre objet, que par la

majoration applicable aux heures supplémentaires.

Soc, 17 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2405 FS-P+B

N° 13-13.640 - C.A. Colmar, 5 janvier 2012 et 24 janvier 2013

M. Frouin, Pt – Mme Mariette, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

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Note :

En l’espèce, un salarié exerçait les fonctions d’électricien dans une société au sein de laquelle avait

été conclu le 19 juin 2000 un accord-cadre relatif à l’aménagement, l’organisation et la réduction du

temps de travail.

Cet accord d’entreprise prévoyait la réduction du temps de travail de 39 heures à 35 heures et le

versement d’une indemnité compensatrice de réduction du temps de travail (ICRTT) dite

“indemnité compensatrice de salaire”, égale à 4/39ème du salaire mensuel de base.

Ce dispositif permettait au salarié de percevoir pour 35 heures de travail, salaire et indemnité

cumulés, une somme équivalente à celle qui lui était octroyée auparavant pour 39 heures de travail.

Concernant le paiement des heures supplémentaires, l’article V-B-3 dudit accord stipulait :

“ - Cas des salariés avec indemnité compensatrice de salaire : Lors du calcul des heures

supplémentaires, les heures effectuées entre 35 et 40 heures donneront droit à la bonification (ex :

10 ou 25%), les heures effectuées au-dessus de 39 heures donneront droit à un paiement majoré

égal à 125 ou 150% (selon le cas)...”.

Faisant valoir que les heures qu’il avait accomplies de la 36ème à la 39ème heure de travail

incluses n’avaient pas été intégralement payées, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale

d’une demande de paiement d’un rappel de salaires.

Les premiers juges avaient jugé que le différentiel entre la 35ème et la 39ème heure était déjà réglé

par l’ICRTT et que, afin de ne pas “sur-majorer” cette indemnité, il n’y avait lieu d’octroyer au

salarié que la seule majoration de 25% des heures accomplies dans cet intervalle.

Les juges d’appel n’avaient pas partagé cette analyse, estimant que le paiement du salaire de base

majoré de l’ICRTT ne pouvait correspondre qu’au paiement de 35 heures de travail par semaine et

que, dans ces conditions, l’employeur ne pouvait se contenter de payer une majoration de 25%.

En conséquence, infirmant le jugement qui lui était déféré, la cour d’appel avait jugé que les heures

accomplies entre la 35ème et la 39ème heure de travail devaient entraîner l’octroi tant du salaire que

de sa majoration.

Le pourvoi, formé par la société, posait la question suivante : les dispositions conventionnelles

réduisant la durée du travail de 39 heures à 35 heures et prévoyant le versement d’une ICRTT,

peuvent-elles valablement prévoir que cette indemnité assurera le paiement des 4 premières heures

supplémentaires, effectuées de la 36ème à la 39ème heure incluses, seule restant due pour ces

heures la majoration de 25% ? autrement dit, l’accord peut-il stipuler que le salarié, qui a travaillé

dans cet intervalle, est rempli de ses droits par le seul paiement de l’indemnité différentielle et de la

bonification pour heures supplémentaires ?

En vertu de l’article L. 3121-22 du code du travail, constituent des heures supplémentaires toutes

les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de travail, fixée par l’article L.

3121-10 du même code à 35 heures par semaine civile, lesquelles s’entendent d’heures de travail

effectif ou d’heures assimilées à du temps de travail effectif par des dispositions légales ou

conventionnelles (Soc., 1er décembre 2004, pourvoi n° 02-21.304, Bull. 2004, V, n° 318).

Il résulte du même texte que l’accomplissement d’heures supplémentaires donne lieu à une

majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures supplémentaires (soit de la

36ème à la 43ème heure incluse) et que les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50%

(soit à compter de la 44ème heure).

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou

d’établissement peut prévoir un taux de majoration différent, à condition toutefois que ce taux ne

soit pas inférieur à 10%.

Ce taux minimal était en l’espèce respecté par l’accord litigieux, qui prévoyait selon les cas une

majoration de 10, de 25 ou de 50%.

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La chambre sociale a déjà été amenée à statuer sur l’incidence que peut avoir l’attribution d’une

indemnité différentielle sur la rémunération des heures accomplies au-delà du seuil de 35 heures.

Elle a tout d’abord jugé dans un arrêt du 4 juin 2002 qu’en l’état d’un accord collectif fixant la

durée du travail à 35 heures et prévoyant le versement d’une ICRTT pour maintenir le salaire à son

niveau antérieur, les salariés qui ont continué à travailler pendant 39 heures par semaine ont droit à

cette indemnité et au paiement des heures accomplies au-delà de 35 heures majorées de la

bonification alors applicable (Soc., 4 juin 2002, pourvoi n° 01-01.318, Bull. 2002, V, n° 193 et Soc.,

20 septembre 2006, pourvoi n° 04-10.765, Bull. 2006, V, n° 278).

L’arrêt rendu en l’espèce par la Cour de cassation se situe dans la droite ligne de cette

jurisprudence.

La finalité de l’ICRTT étant d’assurer le maintien du salaire à son niveau antérieur et non de

rémunérer les heures effectuées de la 36ème à la 39ème heure, l’accord collectif ne pouvait prévoir

leur rémunération à hauteur de la seule bonification. Décider du contraire aurait conduit à autoriser

un paiement, non pas majoré, mais fortement minoré de ces heures supplémentaires.

C’est en conséquence à bon droit que la cour d’appel avait écarté l’application des dispositions

conventionnelles litigieuses et jugé que les heures accomplies de la 36ème à la 39ème heure de

travail devaient être payées par le salaire de base, complété par l’ICRTT et la majoration de 25% du

taux horaire.

Sommaire

Il résulte de la combinaison des articles L. 3122-9 et L. 3122-10 du code du travail, dans leur

rédaction alors applicable, qu’un accord d’entreprise ne peut fixer, comme seuil de déclenchement

des heures supplémentaires, un plafond supérieur à 1607 heures par an.

Doivent en conséquence être qualifiées d’heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de la

1607ème

heure annuelle, la fixation d’un seuil de déclenchement supérieur à 1607 heures n’affectant

pas, à elle seule, la validité de l'accord.

Soc, 17 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2409 FS-P+B

N° 13-13.502 à 13-13.505 - C.A. Paris, 23 janvier 2013

M. Frouin, Pt - Mme Ducloz, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

Note :

Quatre salariés avaient été embauchés en qualité d’agents de sécurité incendie par une société de

gardiennage, au sein de laquelle avait été signé le 22 juillet 2000 un accord prévoyant une

modulation du temps de travail. Cet accord, ultérieurement précisé par un avenant en date du 27

avril 2009, stipulait notamment : “La durée d’une période de référence est de 52 semaines, soit

1820 heures (pour un salarié à temps plein). Il sera pratiqué un lissage de la rémunération du

salarié sur la période de référence. Au terme de la période de référence seront calculées les heures

supplémentaires éventuelles (au-delà de 1820 heures pour un salarié à temps plein)”.

Contestant la validité de l’accord, les salariés avaient saisi la juridiction prud’homale d’une

demande tendant au paiement d’heures supplémentaires.

Par arrêts infirmatifs, la cour d’appel avait fait droit à leur demande.

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Le présent pourvoi, formé par l’employeur, posait tout d’abord la question de la fixation, par un

accord d’entreprise, d’un seuil de déclenchement des heures supplémentaires supérieur au seuil

légal.

La notion d’heure supplémentaire s’entend de toute heure de travail effectif accomplie au-delà de la

durée légale du travail, fixée par l’article L. 3121-10 du code du travail à 35 heures par semaine

civile.

Le législateur est venu préciser à quelle condition une convention ou un accord collectif peut

instaurer une modulation de la durée hebdomadaire du travail.

À cet égard, l’article L. 3122-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux litiges, disposait

en ses deux premiers alinéas : “Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une

convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire

du travail peut varier sur tout ou partie de l’année à condition que, sur un an, cette durée n’excède

pas un plafond de 1607 heures. La convention ou l’accord peut fixer un plafond inférieur”.

L’article L. 3122-10-II du même code, alors applicable, énonçait quant à lui que “Constituent des

heures supplémentaires auxquelles s’appliquent les dispositions relatives au décompte et au

paiement des heures supplémentaires, au contingent annuel d’heures supplémentaire et au repos

compensateur obligatoire : (...) 2° Les heures effectuées au-delà de 1607 heures ou d’un plafond

inférieur fixé par la convention ou l’accord (...)”.

Il est à noter que ces articles devaient par la suite être abrogés par la loi n° 2008-789 du 20 août

2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, l’objectif du

législateur étant d’instaurer un dispositif unique d’aménagement du temps de travail sur l’année

venant se substituer aux dispositifs existants.

La chambre sociale juge que les signataires d’une convention ou d’un accord collectif peuvent, en

même temps qu’ils définissent une durée du travail inférieure à la durée légale, déterminer un seuil

de déclenchement des heures supplémentaires inférieur au seuil légal de 1607 heures annuelles.

En l’absence de fixation par la convention ou l’accord collectif d’un seuil de déclenchement

inférieur à 1607 heures, seules les heures effectuées au-delà de ce seuil constituent des heures

supplémentaires. Doit en conséquence être cassée la décision d’appel qui, en l’absence de fixation

d’un seuil conventionnel de déclenchement des heures supplémentaires, définit comme telles les

heures effectuées par le salarié au-delà du plafond de 1470 heures annuelles prévu par l’accord

collectif (Soc., 13 novembre 2014, pourvoi n° 13-10.721, Bull. 2014, V, en cours de publication).

Cette solution se situe dans le prolongement d’une décision rendue antérieurement à l’entrée en

vigueur des lois Aubry I et II (Soc., 10 février 1998, pourvoi n° 95-42.334, Bull. 1998, V, n° 75 (3)).

A l’inverse, la chambre sociale juge qu’un accord d’entreprise ne peut fixer, comme seuil de

déclenchement des heures supplémentaires, un plafond supérieur à 1607 heures de travail par an,

nonobstant l’existence, dans son secteur d’activité, d’horaires d’équivalence (Soc., 26 septembre

2012, pourvoi n° 11-14.083, Bull. 2012, V, n° 251).

Cette règle s’impose à l’employeur, quand bien même le salarié n’aurait pas acquis l’intégralité de

ses droits à congés payés au titre de la période de référence prévue par l’accord (Soc., 14 novembre

2013, pourvoi n° 11-17.644, Bull. 2013, V, n° 270).

L’arrêt rendu le 17 décembre 2014 s’inscrit dans cette ligne jurisprudentielle.

La chambre sociale rappelle, au visa des articles L. 3122-9 et L. 3122-10 précités, qu’un accord

d’entreprise ne peut fixer, comme seuil de déclenchement des heures supplémentaires, un plafond

supérieur à 1607 heures par an.

Le présent pourvoi posait ensuite la question des conséquences à tirer de la méconnaissance, par les

signataires de l’accord, d’une telle impossibilité.

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La chambre sociale a jugé inopposable à un salarié la modulation du temps de travail mise en œuvre

dans l’entreprise sans information préalable de l’ensemble du personnel, en l’état d’un accord de

branche stipulant que la mise en place de cette modulation devait s’effectuer après consultation du

comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, en cas d’absence de ces institutions

représentatives, après information des salariés concernés (Soc., 6 mai 2009, pourvoi n° 07-40.235,

Bull. 2009, V, n° 125).

De même, est privée d’effet la modulation mise en place en l’absence de programme indicatif de la

répartition de la durée du travail, en l’état d’un accord d’entreprise imposant à l’employeur

l’établissement annuel de cette programmation indicative, et sa communication aux salariés après

consultation des représentants du personnel.

Il en résulte qu’en pareil cas, le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires

décomptées sur la base de 35 heures hebdomadaires (Soc., 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-14.216,

Bull. 2014, V, n° 173).

Elle a enfin jugé inopposable au salarié la clause de son contrat d’accompagnement dans l’emploi

prévoyant une variation de la durée hebdomadaire du travail sur tout ou partie de la période

couverte par le contrat, alors que les dispositions légales applicables n’autorisaient pas l’employeur

à procéder à une telle modulation.

Il en résulte que, du fait de cette inopposabilité, le salarié est fondé à obtenir un décompte de ses

heures de travail par semaine conformément aux dispositions du code du travail sur la durée du

travail (Soc., 25 janvier 2012, pourvoi n° 09-42.985, Bull. 2012, V, n° 26).

C’est dire que le salarié peut se prévaloir de l’inopposabilité de la modulation irrégulièrement mise

en œuvre, et sur ce fondement revendiquer un retour au droit commun de décompte hebdomadaire

du temps de travail.

Cette solution ne devait pas être contredite dans le cadre du présent litige.

L’accord de modulation ne pouvant fixer qu’un seuil de déclenchement des heures supplémentaires

inférieur au seuil légal, le seuil conventionnel de 1820 heures ne pouvait pas en l’espèce recevoir

application et le seuil légal devait lui être substitué.

En conséquence, il y avait lieu de faire droit aux demandes des salariés et de qualifier d’heures

supplémentaires les heures effectuées au-delà de la 1607ème

heure annuelle.

Ce faisant, la chambre sociale apporte une importante précision sur l’étendue de la sanction à mettre

en œuvre, en jugeant que si celle-ci réside dans l’inopposabilité de la clause conventionnelle illicite

aux salariés et dans l’application corrélative des règles légales, l’irrégularité commise n’affecte pas,

à elle seule, la validité de l’accord.

C’est donc à tort que les juges d’appel avaient déclaré écarter l’accord d’entreprise du 22 juillet

2000, au motif qu’il était contraire à la loi.

*Modulation du temps de travail

Sommaire

Selon les articles L. 3122-9 et suivants du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n°

2008-789 du 20 août 2008, la modulation du temps de travail sur l'année peut être mise en place par

une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise

ou d'établissement qui fixe notamment le programme indicatif de la répartition de la durée du

travail, les conditions de changement des calendriers individualisés et les contreparties dues au

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salarié en cas de réduction du délai de prévenance de sept jours préalable à tout changement des

horaires de travail.

Justifie sa décision de déclarer illicite la mise en place, unilatéralement par l’employeur, d'une

modulation sur l'année la cour d'appel qui, retenant que les dispositions d'une convention collective

relatives à l'organisation du travail sur une base annuelle ou inférieure à l'année ne comportent pas

de programme indicatif et renvoient à la négociation d'accords d'entreprise la définition des

conditions précises d'une telle organisation, en déduit que ces dispositions conventionnelles, n'ayant

pas été conclues en application de l’article L. 3122-9 du code du travail, ne sont pas restées en

vigueur conformément à l'article 20 V de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et qu'en l'absence

d'accord collectif, l'employeur n'avait accès qu'à un dispositif permettant d'aménager le temps de

travail sur une période pluri-hebdomadaire limitée à quatre semaines, en application des articles L.

3122-2 et D. 3122-7-1 du code du travail.

Soc., 17 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2406 FS-P+B

N° 13-19.834 – C.A. Metz, 5 mars 2013

M. Frouin, Pt. – Mme Mariette, Rap. – Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

Note :

Une société d'exploitation de magasins d'alimentation, soumise à la convention collective nationale

du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, a conclu quatre

accords d'aménagement et de réduction du temps de travail, pour les secteurs vente en magasin,

administration, entrepôt et expédition, et pour les adjoints des chefs de magasin. Tous ces accords

ont été dénoncés et la société employeur a établi par notes de service un régime de modulation du

temps de travail sur l'année. Les syndicats ont saisi le tribunal de grande instance aux fins

d'annulation de ces notes de services, et ont obtenu gain de cause en première instance puis en

appel. La société employeur a alors formé pourvoi.

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 a simplifié l'aménagement du temps de travail en substituant un

nouveau dispositif à l'organisation ancienne en cycle (ancien article L. 3122-3 du code du travail),

modulation (ancien article L. 3122-9 du même code), jours de réduction du temps de travail sur

l'année (ancien article L. 3122-19 du même code) et temps partiel modulé (ancien article L. 3123-25

du même code). Selon l'article L. 3122-2 du code du travail issu de la loi de 2008, « un accord

collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut

définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du

travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année.[...] »

Cependant, l'article 20 V de la loi précitée dispose que « les accords conclus en application des

articles L. 3122-3, L. 3122-9, L. 3122-19 et L. 3123-25 du code du travail ou des articles L. 713-8

et L. 713-14 du code rural dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent

en vigueur ».

Cet article 20 V institue donc un dispositif de sécurisation juridique : il permet que les accords

conclus antérieurement à la loi du 20 août 2008, notamment sur le fondement de l'article L. 3122-9

(modulation) alors en vigueur, continuent à être applicables, à la condition que ces accords

répondent aux critères de l'article précité.

Or la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire

du 12 juillet 2001, dans la section « Aménagement du temps de travail », et précisément dans

l'article 5.6.7. intitulé « Organisation du travail sur une base annuelle ou inférieure à l'année »,

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prévoyait que « les établissements commerciaux, entrepôts, magasins et annexes […] pourront par

accord fixer les conditions d'une organisation du travail sur tout ou partie de l'année dans les

conditions prévues par l'article L. 3122-9 du code du travail dans sa version en vigueur avant la

loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ». La convention ne comportait pas de « programme indicatif de la

répartition de la durée du travail ni la définition des contreparties dues au salarié en cas de réduction

du délai de prévenance de sept jours préalable à toute modification du programme indicatif » et

renvoyait donc à la négociation d'accords d'entreprise ou d'établissement pour l'aménagement du

temps de travail sur tout ou partie de l'année. De telles dispositions, qui n'étaient pas contraignantes,

ne pouvaient donc survivre à l'entrée en vigueur de la loi de 2008.

À défaut d'accord collectif conclu sur le fondement des dispositions nouvelles de l'article L. 3122-2

du code du travail, ou à défaut d'aménagement du temps de travail sur une durée pluri-

hebdomadaire de quatre semaines, conformément au décret n° 2008-1132 du 4 novembre 2008 et à

l'article D. 3122-7-1 du code du travail, l'employeur ne pouvait pas organiser la modulation

annuelle par notes de service.

C'est par cette motivation purement juridique, substituée à celle de l'arrêt déféré, que la chambre

sociale rejette le pourvoi.

La motivation de pur droit que substitue la chambre sociale est dans la droite ligne de sa

jurisprudence antérieure. En effet, par deux arrêts du 13 juin 2012 (Soc., pourvoi n° 11-12.192 et

pourvoi n° 11-17.110, Bull. 2012, V, n° 186), la Cour avait jugé qu'un accord-cadre antérieur à la loi

du 20 août 2008, qui n'était pas contraignant et qui laissait ouvertes d'autres possibilités

d'aménagement du temps de travail que l'organisation par cycle, ne bénéficiait pas du dispositif de

sécurisation juridique de l'article 20 V de la loi précitée.

*Répartition et aménagement des horaires de travail

Sommaire

En l’absence d’accord collectif prévu par l’article L. 3122-2 du code du travail, issu de la loi du 20

août 2008, le décret n° 2008-1132 du 4 novembre 2008 et l’article D. 3122-7-1 du code du travail

donnent la possibilité à l’employeur, d’organiser la durée du travail sous forme de périodes de

travail, chacune d’une durée de quatre semaines au plus.

Justifie dès lors sa décision la cour d’appel, qui, après avoir relevé à juste titre que l’accord-cadre

du 17 février 1999 qui n’a pas été conclu en application de l’article L. 3122-3 ancien du code du

travail, n’était pas resté en vigueur et que la nouvelle organisation du travail était soumise aux

dispositions des articles L. 3122-2 et D. 3122-7-1 du code du travail, a retenu par une appréciation

souveraine que La Poste avait de bonne foi engagé une négociation avec les organisations

syndicales, et en a exactement déduit que l’organisation du travail sur une période pluri-

hebdomadaire n’excédant pas quatre semaines au sein de la plate-forme départ courrier du 6ème

arrondissement de Paris pouvait être mise en place unilatéralement par l’employeur.

Soc., 16 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2366 FS-P+B

N°13-14.558-C.A. Paris, 10 janvier 2013

M. Frouin, Pt - M. Chauvet, Rap. - Mme Robert, Av. Gén.

*Convention de forfait jours

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Sommaire

L'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ainsi que l'article 151 du Traité sur

le fonctionnement de l'Union européenne qui se réfère à la Charte sociale européenne ainsi qu'à la

Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, garantissent le droit à la

santé et au repos de tout travailleur.

En application de l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°

2008-789 du 20 août 2008, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord

collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi

que des repos, tant journaliers qu'hebdomadaires, telles que définies par le code du travail et selon

les Directives communautaires, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité

et de la santé des travailleurs.

Répond à de telles exigences un accord d’aménagement et de réduction du temps de travail dans le

secteur des banques imposant notamment à l’employeur de veiller à la surcharge de travail et d’y

remédier, de sorte qu’il permet de garantir aux salariés soumis à une convention de forfait en jours

le respect d’une durée maximale raisonnable de travail.

Soc., 17 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2402 FS - P+B

N° 13-22.890- C.A. Paris, 12 juin 2013

M. Frouin, Pt - Mme Goasguen, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

Note :

Un salarié engagé en qualité de fondé de pouvoir par une société bancaire, au sein de laquelle il a

occupé en dernier lieu la fonction de sous-directeur, a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale afin d'obtenir,

outre la reconnaissance du caractère non sérieux de son licenciement, le paiement des jours de

travail effectués au-delà de la convention de forfait annuel en jours à laquelle il était soumis. Il

considérait que cette convention était illicite, au motif qu’elle n’aurait pas été prise conformément à

un accord collectif interne ni à une convention collective de branche étendue prévoyant un dispositif

de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une

bonne répartition, dans le temps, du travail des salariés astreints à un forfait annuel en jours, et donc

à assurer le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé de ces

salariés ainsi que de leur droit à la santé et au repos qui est au nombre des exigences

constitutionnelles.

La cour d’appel, faisant droit à la demande du salarié, a jugé que la convention de forfait en jours

devait être considérée comme illicite au motif que les stipulations contractuelles mentionnent que

« l’organisation du travail de Monsieur X [le salarié] fera l’objet d’un suivi régulier avec sa

hiérarchie afin que la durée minimale de repos quotidien soit respecté et que le nombre de jours

travaillés ne soit pas dépassé. En cas de surcharge de travail, Monsieur X [le salarié] devra

informer dès que possible sa hiérarchie ». Elle a ainsi estimé que ces dispositions, prises en

application de l’accord professionnel d’aménagement et de réduction du temps de travail dans le

secteur des banques en date du 29 mai 2001 qui prévoit en son article 6.2 que « l’organisation du

travail de ces salariés devra faire l’objet d’un suivi régulier par la hiérarchie qui veillera

notamment aux éventuelles surcharges de travail », ne sont pas de nature à assurer la protection de

la sécurité et de la santé du salarié.

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A l’occasion de ce pourvoi, la chambre sociale était saisie de la question de la validité de la

convention de forfait en jours prise en application de l’accord professionnel d’aménagement et de

réduction du temps de travail dans le secteur des banques en date du 29 mai 2001. Cette question

nécessitait de déterminer si l’accord collectif instituant la convention de forfait contenait des

garanties propres à assurer le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos,

journaliers et hebdomadaires.

Par le présent arrêt, la chambre sociale censure l’arrêt d’appel au visa de l’alinéa 11 du préambule

de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union

européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits

sociaux fondamentaux des travailleurs, de l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction

antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17, § 1 et 4 de la

directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive

2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte

des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'article 6-2 de l'accord d'aménagement

et de réduction du temps de travail dans le secteur des banques du 29 mai 2001. Elle juge que les

dispositions de cet accord professionnel « répondent aux exigences relatives au droit à la santé et

au repos » en ce qu’elles imposent notamment à l’employeur « de veiller à la surcharge de travail

et d’y remédier, de sorte qu’est assuré le contrôle de la durée maximale raisonnable de travail. »

Il en résulte que la convention de forfait en jours doit être considérée comme licite.

La Cour de cassation censure, en outre, le raisonnement de la cour d’appel qui ne s’est référée qu’au

contrat de travail : il convient, en effet, de se référer à l’accord collectif et non pas exclusivement à

la convention individuelle de forfait pour vérifier la conformité aux exigences de protection de la

santé et du repos des salariés.

Le présent arrêt fait suite à de nombreux arrêts rendus récemment. Depuis un arrêt rendu le 29 juin

2011 (pourvoi n° 09-71.107, Bull. 2011, V, n° 181), la chambre sociale exerce un contrôle des

dispositions conventionnelles relatives aux modalités de suivi de l’amplitude de la journée d’activité

et de la charge de travail des salariés soumis au régime du forfait en jours sur l’année. Depuis lors,

elle juge que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les

stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail et des repos, tant

journaliers qu’hebdomadaires, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité

et de la santé des travailleurs.

Ainsi, lorsque l’employeur ne respecte pas les stipulations de la convention ou de l’accord collectif

destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, la convention de forfait en

jours doit être déclarée privée d’effet (réaffirmé récemment par Soc., 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-

11.940, Bull. 2014, V, n° 172) en sorte que le salarié peut prétendre au paiement d’heures

supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre.

La chambre sociale juge, en outre, qu’est entachée de nullité la convention de forfait en jours

conclue dans le cadre de stipulations de conventions ou d’accords collectifs ne présentant pas de

garanties suffisantes en termes de protection de la sécurité et de la santé du salarié (concernant

l'accord-cadre du 8 février 1999 sur l'organisation et la durée du travail dans l'industrie chimique :

Soc., 31 janvier 2012, pourvoi n° 10-19.807, Bull. 2012, V, n° 43, publié au Rapport annuel ;

concernant la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets

d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 : Soc., 24 avril 2013, pourvoi

n° 11-28.398, Bull. 2013, V, n° 117 ; concernant la convention collective nationale des cabinets

d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 : Soc., 14 mai 2014,

pourvoi n° 12-35.033, Bull. 2014, V, n° 121 ; concernant les dispositions du titre III de l’accord

national du 6 novembre 1998 relatif à la durée du travail dans les entreprises de bâtiment et travaux

publics : Soc., 11 juin 2014, pourvoi n° 11-20.985, Bull. 2014, V, n° 137 et Soc., 17 décembre 2014,

pourvoi n° 13-23.230, Bull. 2014, V, en cours de publication ; sur la convention du notariat : Soc.,

13 novembre 2014, pourvoi n° 13-14.206, Bull. 2014, V, en cours de publication).

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Les dispositions conventionnelles doivent , en effet, organiser et définir un dispositif de contrôle de

l’amplitude et de la charge de travail ainsi qu’un suivi régulier par l’employeur de l’organisation du

travail du salarié.

Par le présent arrêt, la chambre sociale juge que les dispositions de l'accord d'aménagement et de

réduction du temps de travail dans le secteur des banques du 29 mai 2001 sont conformes aux

exigences précitées.

Elle s’est attachée à relever les éléments mettant en évidence la conformité des dispositions

conventionnelles avec les exigences tenant à la protection de la santé et du droit au repos du salarié :

- « Le décompte des journées et demi-journées travaillées se fait sur la base d'un système

auto-déclaratif »,

- « l'organisation du travail de ces salariés devra faire l'objet d'un suivi régulier par la

hiérarchie qui veillera notamment aux éventuelles surcharges de travail »,

- « dans ce cas, il y aura lieu de procéder à une analyse de la situation, de prendre le cas

échéant toutes dispositions adaptées pour respecter, en particulier, la durée minimale du repos

quotidien prévue par l'article L. 220-1 du code du travail et de ne pas dépasser le nombre de jours

travaillés, et ce dans les limites prévues au dernier alinéa de l'article L. 212-15-3-III dudit code »,

- « "La charge du travail confiée et l'amplitude de la journée d'activité en résultant doivent

permettre à chaque salarié de prendre obligatoirement le repos quotidien visé ci-dessus »,

- et « la durée minimale de ce repos est fixée légalement à 11 heures prises d'une manière

consécutive et, le cas échéant, selon les modalités de l'article 63 de la convention collective de la

banque».

Cet arrêt met ainsi en évidence le degré de précision que doit présenter l’accord collectif quant aux

mécanismes de suivi et de contrôle permettant à l’employeur de vérifier la charge de travail et de

réagir en temps utile.

*Repos hebdomadaire et jours fériés

Sommaire

L’employeur n’est tenu d’une obligation de négocier qu’en cas de fixation de la journée de

solidarité à un autre jour que celui fixé par la loi au lundi de Pentecôte.

Viole l’article L. 212-16 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-351 du 16

avril 2008, la cour d’appel qui, pour condamner l’employeur au paiement d’une rémunération au

titre de la journée de solidarité, retient que l’employeur a méconnu les dispositions légales en fixant

unilatéralement la journée de solidarité au lundi de Pentecôte.

Soc., 9 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2272 FP-P+B

N° 13-21.766.- C.A. Rouen, 28 mai 2013

M. Frouin, Pt - Mme Wurtz, Rap. - M. Aldigé, Av. Gén.

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2- Rémunérations

*Primes

Sommaire

Constitue, nonobstant son caractère forfaitaire, un remboursement de frais qui n’entre pas dans

l’assiette de l’indemnité de congés payés, l’indemnité de repas prévue par l’article 3 du protocole

annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de

transports routiers dont l’objet est de compenser le surcoût du repas consécutif au déplacement.

Soc., 17 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2403 FS-P+B

N° 13-14.855 et 13-14.935 – C.A. Paris, 29 janvier 2013

M. Frouin, Pt. – Mme Aubert-Monpeyssen, Rap. – Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

Note :

Deux salariés d’une entreprise soumise à la convention collective nationale des transports routiers et

activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 exercent un emploi de démarcheur-livreur.

Ils saisissent le conseil de prud’hommes de demandes relatives à des rappels de salaires, ainsi que

d’une demande tendant à l’intégration de l’indemnité de repas dans l’assiette de calcul des congés

payés. En appel, ils obtiennent gain de cause sur ce dernier point, la cour d’appel leur allouant un

rappel de congés payés sur les indemnités repas pour la période de juin 2004 à mai 2011.

L’employeur forme pourvoi contre les deux arrêts, par un moyen unique selon lequel la cour

d’appel a violé tant l’article L. 3141-22 du code du travail que le protocole du 30 avril 1974 et

l’avenant n° 34 du 22 mai 1995, en jugeant que les primes de repas versées ne correspondaient pas à

des remboursements de frais réellement exposés par les salariés, mais visaient uniquement à

indemniser les sujétions liées à l’organisation du travail de sorte qu’il s’agissait d’un complément

de rémunération entrant dans l’assiette de calcul des congés-payés.

La question soumise à la chambre sociale était ainsi de savoir si l’indemnité forfaitaire prévue par

l’article 3 de l’annexe I du protocole du 30 avril 1974 entrait dans l’assiette de calcul de l’indemnité

de congés payés.

Aux termes de cet article, « le personnel ouvrier qui se trouve, en raison d’un déplacement impliqué

par le service, obligé de prendre un ou plusieurs repas hors de son lieu de travail, perçoit pour

chacun des repas une indemnité de repas dont le taux est fixé par le tableau joint au présent

protocole.

Est réputé obligé de prendre son repas hors du lieu de travail le personnel qui effectue un service

dont l’amplitude couvre entièrement les périodes comprises soit entre 11h45 et 14h15, soit entre

18h45 et 21h15 ».

L’article 2 de ladite annexe définit l’indemnité de repas comme la « somme forfaitaire allouée par

l’employeur au salarié en déplacement, en complément de ce que celui-ci aurait dépensé s’il avait

pris son repas à son domicile ou à son lieu de travail ».

Dans des arrêts non publiés, la chambre sociale a décidé, à propos d’une prime de panier de nuit,

que cette prime étant attribuée à chaque salarié sur la base d’une heure et demie de salaire, il en

résultait « que, ne correspondant pas à des frais réellement exposés, celle-ci constituait un

complément de rémunération versé à l’occasion du travail, devant être inclus dans l’assiette de

calcul de l’indemnité de congés payés » (Soc., 21 juin 2005, pourvoi n° 03-42.439).

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De même en 2008, elle a jugé que « l'indemnité de casse-croûte, qui bénéficiait aux salariés

effectuant leur service journalier en une seule séance et dont le montant était fixé forfaitairement

par la convention collective applicable, ne correspondait pas à des frais exposés par les salariés et

avait été mise en place pour tenir compte de la nature et des conditions particulières de travail dans

l'entreprise », et a approuvé la cour d’appel d’avoir dit que « cette indemnité constituait un

complément de salaire et devait être incluse dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés

payés » ( Soc., 12 novembre 2008, pourvoi n° 07-41.348).

Dans un arrêt de 2011, enfin, elle a rappelé, à propos d’indemnités de repas, que « les indemnités

correspondantes ont été mises en place pour tenir compte de la nature et des conditions

particulières de travail dans l'entreprise », et « qu'il s'agissait d'un complément de rémunération

ayant pour objet d'indemniser les salariés des sujétions liées à l'organisation du travail qui devait

être inclus dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés » (Soc., 4 mai 2011, pourvoi n°

10-10.654).

Il pouvait se déduire de cette jurisprudence que les sommes destinées à compenser forfaitairement

une sujétion liée à l’organisation de l’emploi étaient comprises comme un complément de salaire,

entrant dans l’assiette de calcul des indemnités de congés payés, en vertu des dispositions de

l’article L. 3141-22 du code du travail.

Cependant, dans un arrêt récent non publié, mais concernant l’application des mêmes articles de la

convention collective du 21 décembre 1950 et du protocole du 30 avril 1974, la chambre sociale a

approuvé la cour d’appel d’avoir décidé « que cette indemnité constituait, nonobstant son caractère

forfaitaire, un remboursement de frais qui n’entre pas dans l’assiette de l’indemnité de congés

payés » (Soc., 22 octobre 2014, pourvoi n° 13-21.147).

C’est cette même interprétation qu’elle reprend dans la présente décision -qui fait en outre l’objet

d’une publication-, au motif que la définition donnée par l’article 2 du protocole du 30 avril 1974

précise que l’indemnité a pour objet de compenser le surcoût du repas consécutif au déplacement.

C - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

2- Protection du salarié malade ou victime d’un accident du travail

2 -1 - Protection contre le licenciement

*Nécessité de remplacer définitivement le salarié absent pour maladie

Sommaire

Il résulte des articles Lp. 122-6 et Lp. 122-7 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ainsi que de

l'accord interprofessionnel territorial du 27 juillet 1994 que la lettre de licenciement d'un salarié en

arrêt maladie prolongé non lié à un accident du travail ou à une maladie professionnelle doit

énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l’entreprise et la nécessité de

pourvoir au remplacement du salarié absent, dont le caractère définitif doit être vérifié par les juges

du fond.

A défaut de ces énonciations, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

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26

Soc, 2 décembre 2014 Cassation partielle partiellement sans renvoi

Arrêt n° 2244 FS-P+B

N° 13-10.176 - C.A. Nouméa, 5 juillet 2012

M. Frouin, Pt – Mme Deurbergue, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén.

Note :

En l’espèce une salariée, engagée en qualité de comptable en février 2002, avait été placée en arrêt

de travail à compter du 18 mai 2005 ; elle ne devait plus reprendre par la suite son activité

professionnelle. Consécutivement à une visite médicale effectuée le 31 juillet 2008 par le médecin

du service médical interentreprises du travail à la demande de l’employeur, elle avait été déclarée

inapte temporaire avec une reprise impossible dans les trois mois à venir.

Elle devait in fine être déclarée invalide catégorie II (cette classification correspondant aux

invalides incapables d’exercer une activité rémunérée) par la caisse de protection sociale de

Nouvelle-Calédonie à compter du 1er

novembre 2008, et être licenciée par lettre en date du 8

octobre 2009 dans les termes suivants : “Suite à l’entretien préalable du 30 septembre 2009, nous

vous confirmons la résiliation de votre contrat de travail du fait de votre arrêt de travail en date du

18 mai 2005 et de votre mise en invalidité par la C.A.F.A.T. à compter du 1er

novembre 2008,

comme indiqué par le document C.A.F.A.T. (...) que vous nous avez fourni”.

Le tribunal du travail de Nouméa avait jugé ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

faute pour l’employeur d’avoir satisfait à l’exigence légale de motivation de la lettre de

licenciement. Les juges d’appel avaient toutefois jugé la rupture du contrat de travail comme

reposant sur une cause réelle et sérieuse.

C’est contre cet arrêt que la salariée a formé un pourvoi, auquel s’appliquent les dispositions du

droit du travail territorial de la Nouvelle-Calédonie.

Aux termes de l’article Lp. 122-6 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie (partie législative)

issu de la loi de pays n° 2008-2 du 13 février 2008, “l’employeur énonce le ou les motifs du

licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l’article Lp. 122-5".

L’article Lp. 122-7 du même code dispose quant à lui que “la suspension du contrat de travail

n’autorise pas l’employeur à rompre le contrat sauf s’il justifie, soit d’une faute grave du salarié,

soit de l’impossibilité où il se trouve pour un motif extérieur à la cause de la suspension, de

maintenir le contrat, soit en cas de maladie excédant une durée fixée par la réglementation ou par

voie conventionnelle, de la nécessité qui lui est faite de remplacer le salarié absent”.

Cette disposition s’articule avec celles de l’accord interprofessionnel territorial (A.I.T.) de la

Nouvelle-Calédonie réactualisé du 27 juillet 1994, dont l’article 76 bis, intitulé “Maladies

prolongées ou invalidité” stipule que “la prolongation de l’indisponibilité au-delà d’une période de

6 mois, due soit à une maladie soit à une invalidité non liée à un accident du travail ou à une

maladie professionnelle, peut entraîner un licenciement du salarié si l’intérêt de l’entreprise le

justifie, en particulier lorsque le remplacement du salarié absent est devenu nécessaire en raison de

la perturbation apportée à la bonne marche de l’entreprise (...)”.

La chambre sociale n’a jusqu’à présent jamais été amenée à se prononcer sur la régularité d’un

licenciement au regard des dispositions susvisées.

Toutefois, son interprétation des dispositions de droit commun (c’est-à-dire les articles L. 1132-1 et

L. 1232-6 du code du travail, non applicables à la Nouvelle-Calédonie) peuvent à cet égard s’avérer

éclairantes.

En effet, la Haute juridiction juge que si l’article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de

licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ce texte ne

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s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation

objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les

absences répétées du salarié ; toutefois, le licenciement n’est possible que si les perturbations

entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder au remplacement définitif du salarié par

l’engagement d’un autre salarié (Soc., 15 janvier 2014, pourvoi n° 12-21.179, Bull. 2014, V, n° 17),

ce remplacement devant être effectué dans un délai raisonnable (Soc., 12 octobre 2011, pourvoi n°

10-15.697).

La chambre sociale apporte par ailleurs des précisions notables sur l’office du juge en cas de

contestation.

Les juges du fond, chargés d’apprécier le bien-fondé du licenciement intervenu, doivent non

seulement vérifier la réalité des conditions sus-décrites (Soc., 20 février 2013, pourvoi n° 11-

30.388), mais également examiner la motivation même de la lettre de rupture, qui doit en faire

mention expresse (Soc., 14 décembre 2005, pourvoi n° 04-41.398 ; Soc., 12 octobre 2011, pourvoi

n° 10-15.697, précité; Soc., 23 janvier 2013, pourvoi n° 11-28.075).

Dans le cas d’espèce, la lettre de licenciement n’énonçait ni les perturbations dans le

fonctionnement de l’entreprise dues à l’absence prolongée, ni la nécessité de remplacer

définitivement la salariée absente.

Les juges d’appel pouvaient-ils toutefois dispenser l’employeur d’une telle justification, et partant

considérer le licenciement causé, au motif notamment que l’arrêt de travail de la salariée avait duré

plus de 4 ans et que cette dernière, bénéficiaire d’une pension d’invalidité au taux de 100%, ne

pouvait envisager aucune reprise de son activité professionnelle ?

Une telle analyse ne pouvait qu’être censurée.

La chambre sociale juge, au visa des textes susvisés spécifiques à la Nouvelle-Calédonie, que la

lettre de licenciement doit, dans le cas d'un salarié en arrêt maladie prolongé non lié à un accident

du travail ou à une maladie professionnelle, expressément mentionner les perturbations

occasionnées par cette absence au fonctionnement de l’entreprise et la nécessité de procéder au

remplacement définitif de ce salarié.

Cette obligation légale de motivation de la lettre de licenciement s’impose à l’employeur, quand

bien même la rupture lui paraîtrait-elle évidente ou inéluctable, et il entre dans l’office du juge de

rechercher en toute hypothèse cette justification.

En conséquence, cassant la décision sans procéder à un renvoi de ce chef, la chambre sociale juge le

licenciement intervenu dépourvu de cause réelle et sérieuse.

2-2 Intervention du médecin du travail

*Recours contre l’avis d’inaptitude

Sommaire

Il résulte des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail qu'en l'absence de recours, exercé

devant l'inspecteur du travail, contre les avis du médecin du travail, ceux-ci s'imposent au juge.

Viole ce texte la cour d'appel qui, pour déclarer opposable à une association interentreprises de

médecine du travail sa décision sur le licenciement d'un salarié, retient que l'avis d'inaptitude émis

par le médecin du travail était inopérant dès lors que cette association l'ayant mandaté ne

bénéficiait pas de l'agrément de ses secteurs médicaux par le directeur régional du travail, de

l'emploi et de la formation professionnelle.

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Soc, 17 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2397 FS-P+B

N° 13-12.277 - C.A. Orléans, 18 décembre 2012

M. Frouin, Pt. - Mme Vallée, Rap. - M. Liffran, Av. Gén.

NOTE :

Il résulte de l'article L. 4624-1 du code du travail que le médecin du travail est habilité à proposer

des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des

considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et

mentale des travailleurs. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en

cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de

difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du

travail. Ce recours est formé dans un délai de deux mois suivant l’avis (article R. 4624-35 du code

du travail).

Il est de jurisprudence constante, depuis un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 2

février 1994 (Soc., 2 février 1994, pourvoi n° 88-42.711, Bull. 1994, V, n° 43) que seul un recours

administratif devant l'inspecteur du travail est possible à l'encontre de l'avis du médecin du travail.

En l’absence de recours, l’avis du médecin du travail s’impose aux parties (Soc., 22 octobre 1996,

pourvoi n° 93-43.787, Bull. 1996, V, n° 337 ; Soc., 9 octobre 2001, pourvoi n° 98-46.144, Bull.

2001, V, n° 313 ; Soc., 10 novembre 2009, pourvoi n° 08-42.674, Bull. 2009, V, n° 253, publié au

rapport) et au juge judiciaire, qui ne peut substituer son appréciation à celle du médecin du travail

sur l’inaptitude d’un salarié à occuper un poste de travail (Soc., 10 novembre 2009, pourvoi n° 08-

42.674, précité), ni ordonner une expertise pour en contrôler le bien-fondé (Soc., 2 février 1994,

pourvoi n° 88-42.711, précité), ni se prononcer sur le respect par le médecin du travail de son

obligation de procéder à une étude de poste et des conditions de travail dans l’entreprise (Soc., 19

décembre 2007, pourvoi n° 06-46.147, Bull. 2007, V, n° 222).

Dans la présente affaire, un salarié, victime de plusieurs accidents du travail et maladies

professionnelles, avait été déclaré inapte en 2008 à tous postes dans l’entreprise au terme de deux

examens médicaux effectués par le médecin du travail d’une association interprofessionnelle de

médecine du travail. Il avait ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant la validité de l’avis du médecin du travail en raison du défaut d’agrément de l'association

par le directeur régional du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DIRECCTE), le

salarié avait saisi la juridiction prud’homale. En effet, en vertu de l’article D. 4622-36 du code du

travail, dans sa version alors applicable au litige, tout service de santé au travail devait faire l’objet

d’un agrément pour une période de 5 ans, délivré par le DIRECCTE après avis du médecin

inspecteur du travail (actuellement article D. 4622-48 du code du travail). Or, au jour de l’avis

définitif d’inaptitude rendu par le médecin du travail de l’association, cette dernière ne disposait pas

de l’agrément requis pour exercer dans le secteur géographique du salarié.

La cour d’appel, pour décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, avait

retenu que l’association de médecine du travail n’ayant sollicité l’agrément de ses secteurs

médicaux que postérieurement aux visites médicales effectuées auprès du salarié, la déclaration

d’inaptitude du salarié par le médecin du travail s’avérait inopérante.

La question posée à la chambre sociale de la Cour de cassation était donc la suivante : le juge

judiciaire peut-il déclarer sans effet l'avis du médecin du travail au motif qu'il appartenait, le jour de

l’avis d’inaptitude, à un service de santé au travail interentreprises dépourvu d'agrément ?

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Elle y répond par la négative en rappelant que, par application de l’article L. 4624-1 du code du

travail, les avis du médecin du travail s’imposent au juge en l’absence de recours devant

l’inspecteur du travail. Ainsi, quel que soit le motif, le seul recours possible contre un avis du

médecin du travail est le recours devant l'inspecteur du travail.

En l'espèce, les parties n'ayant à aucun moment contesté le défaut d'agrément du service de santé au

travail interentreprises devant l'inspecteur du travail, l'avis d'inaptitude s'imposait au juge.

D - ACCORDS COLLECTIFS ET CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL

1- Accords et conventions collectives

*Accords collectifs et conventions collectives divers

Sommaire

Les dispositions de l'annexe III de la convention collective nationale de la distribution directe du 9

février 2004 renvoient, pour des poignées d’un poids supérieur à 500 grammes, à la mise en place

de tournées spécifiques, sans prévoir le pouvoir unilatéral de l’employeur de fixer les cadences de

distribution et la rémunération.

Justifie dès lors sa décision de condamner l’employeur à payer au salarié des sommes en

conséquence de la violation de cette convention collective, la cour d’appel qui, après avoir relevé

l’absence d’accord d’entreprise, constate l’exercice par l’employeur d’un tel pouvoir unilatéral.

Soc., 17 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2401 FS-P+B

N° 13-21.077 et 13-21.078 – C.A. Riom, 14 mai 2013

M. Frouin, Pt. – M. Ballouhey, Rap. – Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

Note :

La convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004, étendue par arrêté du

16 juillet 2004, prévoit dans son annexe III intitulée « Rémunération minimale des distributeurs »

les différents critères concourant à la détermination de la rémunération des salariés, et comporte

notamment une grille de cadence des distributions en fonction du secteur (urbain, suburbain, rural)

et du poids des poignées de prospectus à distribuer.

S'agissant des poignées d’un poids supérieur à 500 grammes, cette convention impose l'organisation

de « tournées spécifiques ».

L’employeur, auteur du pourvoi, soutenait qu’il était possible de faire des tournées de distribution

de documents d’un poids supérieur à 500 grammes à condition qu'elles fassent l'objet d'un

traitement particulier, et que pour ce faire il avait mis en place une grille spécifique avec des

cadences plus faibles, de sorte que cette grille impliquait une rémunération des distributeurs

meilleure que pour les poignées de moins de 500 grammes.

La cour d’appel a cependant jugé que ce procédé contrevenait aux dispositions de la convention qui

avait exclu de la grille de détermination des cadences de distribution toute poignée d'un poids

supérieur à 500 grammes, faute d'un accord d'entreprise sur ce point.

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La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve l’interprétation des juges

du fond, la mise en place de tournées spécifiques par l’employeur, même si elles comportaient des

cadences plus faibles et une rémunération qu’il estimait adaptée, contrevenant à la convention

collective qui ne prévoyait pas un tel pouvoir unilatéral de la part de l’employeur.

*Nullité

Sommaire

Viole le principe selon lequel ce qui est nul est réputé n’avoir jamais existé, la cour d’appel qui,

après avoir constaté l’annulation d’un accord collectif instituant une prime d’assiduité, condamne

l’employeur à payer aux salariés des sommes à ce titre et le déboute de sa demande en restitution

des sommes versées en application de l’accord collectif nul, au motif du caractère successif des

obligations nées de cet accord.

Soc., 9 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2272 FP-P+B

N° 13-21.766.- C.A. Rouen, 28 mai 2013

M. Frouin, Pt - Mme Wurtz, Rap. - M. Aldigé, Av. Gén.

Note :

Une société a conclu avec deux syndicats un protocole d’accord instituant une prime d’assiduité

visant à récompenser la présence des salariés au cours de chaque trimestre. Cet accord collectif a été

annulé.

Dans ce contexte, plusieurs salariés de cette société ont saisi la juridiction prud’homale pour obtenir

notamment le paiement de primes ou de rappels de primes d’assiduité.

La cour d’appel, après avoir constaté que l’accord collectif avait été annulé, a considéré que compte

tenu du caractère successif des obligations nées de l'accord collectif, la nullité n'avait pas d'effet

rétroactif. Elle a ainsi condamné l’employeur à payer aux salariés des sommes à titre de rappel de

primes d’assiduité et l’a débouté de sa demande reconventionnelle en restitution des sommes

versées.

La Haute juridiction, qui était saisie de la question relative à la portée de l’annulation d’un accord

collectif à exécution successive instituant une prime d’assiduité, censure l’arrêt d’appel. Au visa

du principe selon lequel ce qui est nul est réputé n’avoir jamais existé, elle juge qu’« un accord nul

ne peut produire aucun effet. »

La chambre sociale applique ainsi ce principe juridique, impliquant un anéantissement rétroactif, à

un accord collectif à exécution successive. Elle censure la position des juges du fond qui avaient

retenu que l’annulation d’un accord collectif à exécution successive ne pouvait avoir d’effet que

pour l’avenir, les parties ne pouvant être replacées dans leur situation antérieure et devant donc être

indemnisées des prestations fournies ainsi que des conséquences des fautes commises par l’un au

préjudice de l’autre.

Par deux arrêts rendus le 9 novembre 2005 (arrêt n° 1, pourvoi n° 03-43.290, Bull. 2005, V, n° 320

et arrêt n° 2, pourvoi n° 03-45.774, Bull. 2005, V, n° 320, publiés au Rapport annuel), la chambre

sociale a posé le principe selon lequel un accord annulé ne peut produire aucun effet. Il s’agissait

néanmoins d’une solution dégagée en matière d’accord de substitution. Elle a décidé que

l’annulation d’un tel accord équivaut à une absence d’accord, et qu’en l’absence d’un autre accord

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conclu, les avantages individuels acquis sont maintenus. La chambre sociale avait ainsi censuré les

arrêts d’appel ayant considéré que l’annulation n’avait d’effet que pour l’avenir.

Un arrêt rendu en 2008 (Soc., 17 avril 2008, pourvoi n° 07-41.465, Bull. 2008, V, n° 96), toujours

dans un litige relatif à l’annulation d’un accord de substitution, a non seulement confirmé cette

position mais a également tranché la question des conditions de remise en état au regard des primes

payées. Il était ainsi jugé que des « salariés ne sont pas fondés à reprocher à la cour d'appel de les

avoir condamnés au remboursement des primes perçues en application de l'accord de 1993, dont ils

invoquaient la nullité sans revendiquer alors de créance de même nature sur le fondement de

l'accord de 1947. » Il en résulte, tout en précisant que cet arrêt ne visait pas à poser un principe

général de restitution, que l’obligation de restituer les sommes perçues en application de l’accord

annulé est la conséquence de l’annulation.

Par le présent arrêt, la chambre sociale transpose la jurisprudence dégagée par les arrêts de 2005

relative aux accords de substitution aux accords collectifs à exécution successive instituant une

prime d’assiduité. S’agissant de la portée de l’annulation rétroactive décidée et sur les conditions de

remise en état initial au regard des primes payées et de leur éventuelle contrepartie, la chambre, en

cassant l’arrêt d’appel, juge que l’employeur n’avait pas à verser aux salariés les sommes dues au

titre de la prime d’assiduité et que ce dernier n’avait pas à être débouté de ces demandes en

restitution des sommes versées en application de l’accord collectif nul.

La chambre sociale a déjà eu l'occasion de se prononcer en faveur de la restitution des sommes

versées en application d'un accord annulé. Elle a ainsi déjà tranché que la nullité d’un plan de

sauvegarde de l’emploi oblige les salariés à restituer les sommes perçues en exécution de ce plan,

lesquelles viennent en déduction de la créance à titre de dommages-intérêts qui leur est allouée

(Soc., 28 mars 2012, pourvoi n° 11-30.034, Bull. 2012, V, n° 111 (2)). En matière de transaction, la

chambre sociale est sur la même ligne : la restitution des sommes versées en exécution de la

transaction est la conséquence nécessaire de sa nullité (Soc., 10 juillet 2002, pourvoi n° 00-40.301,

Bull. 2002, V, n° 249 ; Soc., 10 novembre 2009, pourvoi n° 08-43.805, Bull. 2009, V, n° 251).

E - REPRÉSENTATION DU PERSONNEL ET ELECTIONS

PROFESSIONNELLES

1- Elections professionnelles

*Election des représentants au CHSCT

Sommaire

Tout salarié employé par une entreprise dont l’effectif est au moins égal à cinquante salariés doit

relever d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Soc, 17 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2391 FS-P+B+R

N° 14-60.165 - T.I. Lure, 21 janvier 2014

M. Frouin, Pt - Mme Sabotier, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén.

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Note :

À quelques mois d’intervalle, la chambre sociale a été saisie de deux pourvois portant sur la

détermination du périmètre d’implantation du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de

travail (CHSCT) dans des entreprises dispersées sur plusieurs sites (Soc., 19 février 2014, pourvoi

n° 13-12.207, Bull. 2014, V, n° 63 et Soc., 17 décembre 2014, pourvoi n° 14-60.165), ici

commentés.

Dans la première affaire, l’entreprise employait plus de mille salariés répartis dans différents lieux.

Elle était dotée d’un comité d’entreprise unique et souhaitait n’implanter un CHSCT que dans le

seul site où travaillaient au moins cinquante salariés.

Dans la seconde, l’entreprise employait environ cent-quarante salariés répartis sur plusieurs sites

dont un seul employait au moins cinquante salariés. Seul cet établissement était doté d’un comité

d’entreprise et l’employeur entendait n’implanter un CHSCT que dans cet établissement.

Dans les deux cas, les tribunaux d’instance avaient annulé les élections de la délégation du

personnel au CHSCT. Ces décisions pouvaient-elles être approuvées ?

La première option, privilégiant la proximité entre le CHSCT et les salariés, devait conduire à

approuver l’implantation du CHSCT sur le seul périmètre des sites employant cinquante salariés et

plus et constituant un établissement distinct au sens du CHSCT. La justification de cette solution

pouvait être recherchée dans le texte même de l’article L. 4611-1 du code du travail, qui prévoit

qu’un CHSCT « est constitué dans tout établissement d’au moins cinquante salariés » et correspond

à la position de l’administration qui tend à retenir une définition fonctionnelle de l’établissement

pour la mise en place du CHSCT (voir à cet égard la circulaire n° 93/15 du 25 mars 1993 relative à

l’application de la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 modifiée par la loi n° 91-1414 du

31 décembre 1991, et du décret n° 99-449 du 23 mars 1993, p. 9).

La seconde option consistait à retenir que tous les salariés de l’entreprise, et pas seulement ceux

travaillant dans des établissements d’au moins cinquante salariés, devaient être « couverts » par un

CHSCT. Cette solution pouvait s’appuyer sur la jurisprudence de la chambre sociale, qui, au cours

des dernières années, a paru considérer que l’établissement distinct au sens de la mise en place du

CHSCT était le même que l’établissement distinct au sens de la mise en place du comité

d’établissement ou du comité d’entreprise (Soc., 17 juin 2009, pourvoi n° 08-60.438, Bull. 2009, V,

n° 157, commenté au Rapport de la Cour de cassation 2009, p. 351), institutions dont on sait

qu’elles ne doivent laisser aucun salarié en dehors du champ de la représentation du personnel.

Par un arrêt du 19 février 2014, confirmant une solution déjà retenue par un précédent arrêt (Soc.,

29 janvier 2003, pourvoi n° 01-60.802, Bull. 2003, V, n° 35), la chambre sociale a opté pour la

seconde solution, considérant que, dans une entreprise dotée d’un comité d’entreprise unique, il

devait y avoir un CHSCT unique, ou plusieurs CHSCT en fonction des secteurs d’activité, mais

couvrant tous les salariés de l’entreprise.

Par un arrêt du 17 décembre 2014, cette solution a été étendue au cas d’une société dotée d’un

comité d’entreprise ne couvrant qu’un établissement.

La raison en est simple. La chambre sociale juge en effet que lorsqu’une société est composée de

plusieurs unités, situées dans des villes différentes, dont l’une comprend plus de cinquante salariés

et les autres moins, les salariés employés dans ces dernières doivent participer aux élections du

comité d’entreprise de la société (Soc., 10 janvier 1989, pourvoi n° 87-60.274, Bull. 1989, V, n° 5 ;

voir également CE, 23 mars 1994, n°94679 et 94680, mentionné aux tables du Recueil Lebon).

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33

Autrement dit, s’agissant de la seconde affaire, tous les salariés de l’entreprise auraient dû relever

d’un comité d’entreprise unique ou de comités d’établissements rassemblant l’ensemble du

personnel disséminé. Tous les salariés devaient de la même manière relever d’un CHSCT, dès lors

que l’effectif de l’entreprise était au moins égal à cinquante salariés. Les attributions actuelles du

CHSCT ne sont plus compatibles avec une implantation parcellaire de l’institution.

*Opérations électorales

Sommaire n° 1

A moins qu’elles soient directement contraires aux principes généraux du droit électoral, les

irrégularités commises dans l’organisation et le déroulement du scrutin ne peuvent constituer une

cause d’annulation que si elles ont exercé une influence sur le résultat des élections.

Justifie légalement sa décision le tribunal qui, pour rejeter la demande d’annulation des élections,

constate que l’irrégularité de la composition d’un bureau de vote ayant seulement un président et un

assesseur n’a pas eu d’incidence sur le résultat du scrutin.

Sommaire n° 2

Si l’absence de mention des heures d’ouverture et de clôture du scrutin contrairement aux

prescriptions de l’article R. 57 du code électoral est de nature à affecter la sincérité des opérations

électorales et, s’agissant des principes généraux du droit électoral, constitue une irrégularité

justifiant à elle seule l’annulation des élections, cette mention peut être effectuée sur un document

annexé au procès-verbal et établi concomitamment.

Soc, 17 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2393 FS-P+B

N° 14-12.401 - T.I. Dunkerque, 6 février 2014

M. Frouin, Pt - Mme Salomon, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén.

2 - Représentation du personnel

2.2 Institutions représentatives du personnel

*Délégué syndical

Sommaire n° 1

L’annulation par le tribunal d’instance de la désignation d’un délégué syndical, quel qu’en soit le

motif, n’ayant pas d’effet rétroactif, ne prive pas le salarié de son statut protecteur.

Sommaire n° 2

Le salarié ayant sollicité sa réintégration par une déclaration enregistrée au greffe du conseil de

prud’hommes avant l’expiration de sa période de protection, pouvait prétendre, non seulement aux

indemnités de rupture et à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à six mois de

salaire, mais également au versement de l’indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur,

égale aux salaires dus entre son éviction de l’entreprise et le prononcé de la résiliation de son

contrat de travail.

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Soc, 16 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2367 FS-P+B

N° 13-15.081 - C.A. Versailles, 31 janvier 2013

M. Frouin, Pt - Mme Sabotier, Rap. - M. Richard de la Tour, Av. Gén.

Note :

En l’espèce, engagé le 3 décembre 2007 en qualité de directeur d’agence au sein d’une entreprise de

nettoyage, un salarié avait été désigné en qualité de délégué syndical par une lettre du 4 octobre

2008, reçue par l’employeur le 6 octobre 2008. Il avait été licencié pour faute grave par une lettre

du 13 novembre 2008 sans qu’ait été sollicitée l’autorisation de l’inspection du travail.

Le salarié avait saisi le conseil de prud’hommes le 24 décembre 2008 afin notamment d’obtenir

l’annulation de son licenciement et sa réintégration sous astreinte dans l’entreprise. Par jugement du

6 janvier 2009, le tribunal d’instance avait annulé la désignation du salarié en qualité de délégué

syndical. Par décision en date du 9 mai 2011, la juridiction prud’homale avait jugé nul pour

violation du statut protecteur le licenciement intervenu et ordonné la réintégration du salarié dans

ses fonctions de directeur d’agence, et ce sous astreinte. Ce licenciement avait également été jugé

nul par les juges d’appel lesquels, ajoutant au jugement compte tenu du refus de la société de

procéder à ladite réintégration, avaient prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux

torts de cette dernière à la date du 31 janvier 2013.

C’est contre cette décision que l’employeur a formé pourvoi.

Par le présent arrêt, la Cour de cassation vient préciser deux points de droit.

1/ sur les conséquences de l’annulation de la désignation d’un délégué syndical par le tribunal

d’instance

Aux termes de l’article L. 2411-1-1° du code du travail, le salarié investi d’un mandat de délégué

syndical bénéficie d’une protection contre le licenciement. L’article L. 2411-3 dispose que “le

licenciement d’un délégué syndical ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du

travail” et qu’“elle est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l’employeur la

désignation du délégué syndical a été reçue par l’employeur (...) avant que le salarié ait été

convoqué à l’entretien préalable au licenciement”.

Il est de jurisprudence constante que les dispositions relatives au licenciement des salariés investis

de fonctions représentatives instituent au profit de ces salariés une protection exceptionnelle et

exorbitante de droit commun qui interdit à l'employeur de rompre le contrat de travail sans respecter

le dispositif destiné à garantir cette protection.

La sanction du licenciement d’un salarié protégé intervenu en violation de son statut protecteur est

la nullité de ce licenciement. Cette solution a été affirmée pour la première fois par la chambre

sociale dans un arrêt du 3 juin 1948 et n’a pas été remise en cause depuis (Soc., 3 juin 1948,

pourvoi n° 5630, Bull. 1948, III, n° 557). Ce licenciement nul ouvre droit, pour ce salarié, à sa

réintégration s’il l’a demandée (Soc., 12 février 1991, pourvoi n° 88-41.339, Bull. 1991, V, n° 64).

Il convient en outre de noter qu’en vertu de l’article L. 2431-1 du code du travail, le fait de rompre

le contrat de travail d’un délégué syndical en méconnaissance des dispositions relatives à la

procédure d’autorisation administrative constitue une infraction pénale, punissable d’une peine

d’emprisonnement et d’une peine d’amende.

La difficulté de la présente espèce tient au fait que la désignation du salarié en qualité de délégué

syndical avait été annulée par le juge d’instance en cours de procédure prud’homale.

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La chambre sociale juge à cet égard que la perte de la qualité de salarié protégé intervient à la date à

laquelle le jugement d’annulation est prononcé (Soc., 28 novembre 2000, pourvoi n° 98-42.019,

Bull. 2000, V, n° 396) ; la désignation d’un délégué syndical est donc présumée régulière jusqu’à ce

qu’un tribunal en prononce l’annulation, et le salarié doit bénéficier de son statut protecteur tant

que celle-ci n’est pas intervenue.

En conséquence, lorsque l’annulation de la désignation du salarié en qualité de délégué syndical et

de représentant syndical au comité d’établissement est antérieure à l’envoi de la lettre de

licenciement, celui-ci ne peut bénéficier de la procédure spéciale de licenciement et sa demande de

réintégration dans l’entreprise ne peut qu’être rejetée (Soc., 3 décembre 2002, pourvoi n° 99-

44.583, Bull. 2002, V, n° 363).

En revanche, est prononcé en violation du statut protecteur le licenciement du salarié protégé

intervenu sans autorisation administrative avant l’annulation de sa candidature à une fonction

représentative du personnel (Soc., 28 novembre 2000, pourvoi n° 98-42.019, précité) ou de son

mandatement en qualité de délégué syndical (Soc., 28 février 2007, pourvoi n° 05-42.553, Bull.

2007, V, n° 36), le salarié devant se voir reconnaître le bénéfice du statut protecteur pour la période

antérieure à l’annulation de son mandat (Soc., 4 mars 2009, pourvoi n° 08-41.408, Bull. 2009, V, n°

63).

La chambre sociale s’inscrit en l’espèce dans cette ligne jurisprudentielle, en jugeant que

l’annulation par le tribunal d’instance de la désignation d’un délégué syndical, quel qu’en soit le

motif, n’a pas d’effet rétroactif sur le statut protecteur.

En conséquence, ayant relevé que le salarié avait été licencié sans autorisation administrative le 13

novembre 2008, alors que l’annulation de sa désignation par le tribunal d’instance n’était intervenue

que le 6 janvier 2009, la cour d’appel avait tiré les conséquences légales de ses constatations en

décidant que le licenciement litigieux avait été prononcé en violation du statut protecteur.

2/ sur l’indemnisation du salarié licencié en violation de son statut protecteur

La présente affaire pose en outre la question de l’étendue de l’indemnisation du salarié, dont le

licenciement a été jugé nul en raison de la violation de son statut protecteur.

À cet égard, force est de constater que la jurisprudence opère une distinction selon que le salarié

sollicite, ou non, sa réintégration dans l’entreprise.

Lorsque le salarié protégé, licencié sans qu’ait été sollicitée l’autorisation administrative préalable,

n’a pas demandé sa réintégration, la chambre sociale juge qu’il a droit à la réparation, tant du

préjudice né du licenciement nul que du préjudice consécutif à la violation du statut protecteur

(Soc., 28 novembre 2000, pourvoi n° 98-42.019, précité).

L’indemnisation de la violation du statut protecteur est forfaitaire et correspond dans ce cas au

montant de la rémunération due entre l’éviction du salarié de l’entreprise et l’expiration de sa

période de protection (Soc., 22 juin 2004, pourvoi no 01-41.780, Bull. 2004, V, n° 179).

Lorsque le salarié a demandé sa réintégration, la chambre sociale procède à une sous-distinction en

fonction du moment de sa demande.

Si le salarié a sollicité sa réintégration après l’expiration de la période de protection sans justifier de

motifs qui ne lui soient pas imputables, l’indemnisation qui lui est due au titre de la violation du

statut protecteur est fixée par le juge en fonction du préjudice subi (Soc., 11 juin 2013, pourvoi n°

12-12.738, Bull. 2013, V, n° 150).

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Si le salarié a sollicité sa réintégration avant l’expiration de sa période de protection et que cette

dernière est ensuite effective, il a droit à une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur

correspondant au montant des rémunérations dues entre son éviction de l’entreprise et sa

réintégration (Soc., 12 février 1991, pourvoi n° 88-41.339, précité).

En revanche, s’il a obtenu en justice une réintégration à laquelle l’employeur fait toujours obstacle,

et a par suite formulé une demande liée à sa prise d’acte ou une demande de résiliation judiciaire, il

a droit à une indemnité forfaitaire correspondant aux salaires dus entre son éviction de l’entreprise

et la prise d’acte ou le prononcé de la résiliation judiciaire (Soc., 25 janvier 2006, pourvoi n° 04-

40.789, Bull. 2006, V, n° 28).

Cette indemnisation se cumule dans ce dernier cas avec la réparation de tous les autres chefs de

préjudice.

En conséquence, lorsque l’employeur s’oppose à la réintégration du salarié dont le licenciement a

été annulé, celui-ci a droit au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue

jusqu’à ce que, renonçant à la réintégration, il prenne acte de la rupture de son contrat de travail ou

que le juge prononce la résiliation du contrat, outre le paiement d’indemnités de rupture et d’une

indemnité pour licenciement illicite, au moins égale à celle prévue par l’article L. 1235-3 du code

du travail (Soc., 29 mai 2013, pourvoi n° 11-28.734, Bull. 2013, V, n° 136).

Telle est la solution retenue en l’espèce par la chambre sociale.

Constatant, d’une part, que le salarié avait sollicité sa réintégration par une déclaration enregistrée

au greffe du conseil de prud’hommes le 24 décembre 2008, soit avant l’expiration de sa période de

protection, et, d’autre part, que celui-ci avait présenté une demande de résiliation judiciaire en

raison du refus de l’employeur de le réintégrer, la chambre sociale énonce qu'il est bénéficiaire

d’une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur égale au montant des rémunérations

dues entre son éviction de l’entreprise et le prononcé de la résiliation judiciaire.

Cette indemnité ne réparant toutefois pas l’intégralité du préjudice subi, cette dernière a vocation à

se cumuler avec les indemnités de rupture et avec une indemnité pour licenciement illicite au moins

égale à 6 mois de salaire.

En conséquence, en condamnant l’employeur à payer au salarié les indemnités sus-énoncées, les

juges d’appel avaient légalement justifié leur décision, et le pourvoi ne pouvait qu’être rejeté.

Sommaire

Le délégué syndical, représentant de droit le syndicat au comité d’entreprise, réintégré dans

l’entreprise après l’annulation de l’autorisation donnée en vue de son licenciement, sans avoir pu

retrouver son mandat du fait de la disparition de ce comité d’entreprise, bénéficie de la protection

complémentaire de six mois suivant sa réintégration.

Soc, 16 décembre 2014 Cassation

Arrêt n° 2368 FS-P+B

N° 13-21.203 - C.A. Paris, 16 mai 2013

M. Frouin, Pt - Mme Sabotier, Rap. - Mme Robert, Av. Gén.

Note :

En l’espèce, un salarié avait été engagé en 1990 en qualité d’agent d’accueil transfériste par une

société exerçant une activité de voyagiste. Le salarié étant titulaire d’un mandat de délégué syndical

et de représentant syndical au comité d’entreprise, son licenciement pour motif économique lui

avait été notifié par une lettre du 10 décembre 2010, après autorisation du ministre du travail. Par

jugement du 23 novembre 2011, le tribunal administratif avait annulé la décision ministérielle

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d’autorisation et le salarié avait été réintégré à compter du 22 janvier 2012 dans un emploi

“temporaire” d’agent d’accueil des étudiants. L’employeur invoquant une “ impossibilité matérielle

effective de maintenir la réintégration”, le salarié devait faire l’objet d’un nouveau licenciement par

lettre en date du 22 mai 2012.

Il est important de préciser que, parallèlement au litige sur le licenciement, la situation des

institutions représentatives du personnel au sein de l’entreprise avait connu une évolution, le comité

d’entreprise ayant disparu à compter de l’année 2010 en raison de la diminution des effectifs en-

deçà du seuil de 50 salariés.

Le salarié avait saisi la juridiction prud’homale en sa formation de référé d’une demande tendant à

voir prononcer la nullité de plein droit du licenciement pour violation de son statut protecteur. Le

conseil de prud’hommes avait dit n’y avoir lieu à référé, et sa décision avait été confirmée en cause

d’appel au motif que, aux termes de l'article L. 2422-2 du code du travail, le membre du comité

d'entreprise dont l'autorisation de licenciement a été annulée est réintégré dans son mandat si

l'institution n'a pas été renouvelée et, dans le cas contraire, bénéficie pendant une durée de 6 mois à

compter de sa réintégration de la protection prévue à l'article L. 2411-5 du même code.

C’est contre cet arrêt que le salarié a formé pourvoi.

Le présent pourvoi posait la question suivante : le délégué syndical, dont l’article L. 2143-22 du

code du travail énonce qu’il est de droit représentant syndical au comité d’entreprise dans les

entreprises de moins de 300 salariés, bénéficie-t-il toujours de son statut protecteur lorsque, au

moment de sa réintégration dans l’entreprise, le comité au sein duquel il exerçait son mandat a cessé

d’exister ?

La chambre sociale a été amenée à se prononcer sur les conditions de mise en œuvre de la

réintégration des délégués syndicaux.

Elle juge à cet égard que si le salarié protégé dont l’autorisation de licenciement est annulée peut

demander sa réintégration dans l’entreprise, il doit faire l’objet d’une nouvelle désignation par son

organisation syndicale pour être rétabli dans le mandat qu’il exerçait avant son licenciement ; c’est

dire que la réintégration dans l’entreprise n’entraîne pas de plein droit le rétablissement du salarié

dans son mandat (Soc., 24 janvier 1990, pourvoi n° 89-60.004, Bull. 1990, V, n° 31 ; Soc., 22

janvier 2002, pourvoi n° 00-60.356, Bull. 2002, V, n° 28).

Le syndicat est en droit, si l’intéressé demande sa réintégration dans l’entreprise à la suite de

l’annulation de la décision administrative autorisant son licenciement, de le désigner de nouveau en

qualité de délégué syndical (Soc., 14 novembre 2013, pourvoi n° 13-11.301, Bull. 2013, V, n° 263).

Lorsque le délégué syndical représente également le syndicat au comité d’entreprise, l’article L.

2422-2 du code du travail dispose : “le délégué du personnel ou le membre du comité d’entreprise

dont la décision d’autorisation de licenciement a été annulée est réintégré dans son mandat si

l’institution n’a pas été renouvelée.

Dans le cas contraire, il bénéficie pendant une durée de six mois, à compter du jour où il retrouve

sa place dans l’entreprise, de la protection prévue à l’article L. 2411-5 [relatif à l’autorisation

préalable de licenciement par l’inspecteur du travail]”.

Le législateur a donc mis en place un système binaire, consistant à distinguer le cas du

renouvellement de l’institution (dans lequel l’ancien délégué du personnel ou membre du comité

d’entreprise ne retrouve pas son mandat mais bénéficie d’une protection complémentaire) de celui

de son non-renouvellement (permettant à ce dernier de retrouver son mandat et son statut

protecteur).

En revanche, le texte ne prévoit pas le cas spécifique de la disparition de l’institution représentative,

et la circulaire d’application de la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 relative au développement des

institutions représentatives du personnel, en date du 25 octobre 1983, ne dégage pas davantage de

ligne directrice.

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Dans le silence des textes et par son caractère inédit, la décision rendue le 16 décembre 2014 par la

chambre sociale se révèle particulièrement riche d’enseignement.

La Haute juridiction juge en l’espèce que le délégué syndical, représentant de droit le syndicat au

comité d’entreprise, réintégré dans l’entreprise après l’annulation de l’autorisation administrative de

licenciement sans avoir pu retrouver son mandat du fait de la disparition de l’institution

représentative, bénéficie de la protection complémentaire de 6 mois suivant sa réintégration.

C’est dire que la protection complémentaire s’applique, tant dans l’hypothèse du renouvellement

que de celle de la disparition de l’institution représentative du personnel.

En conséquence, en énonçant que le salarié n’était pas en droit de se prévaloir de l’article L. 2422-2

du code du travail pour bénéficier du statut de salarié protégé, la cour d’appel avait enfreint les

dispositions légales et rendu une décision encourant la cassation.

Sommaire

Si un délégué syndical ne peut présenter de liste de candidats au nom de son syndicat que lorsqu’il a

expressément reçu mandat à cette fin, ce mandat peut être verbal.

Soc, 10 décembre 2014 Cassation

Arrêt n° 2267 F-P+B

N° 14-60.447 – T.I. Asnières-sur-Seine, 17 février 2014

M. Béraud, f.f. Pt – Mme Salomon, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén.

Note :

Dans le cadre de l’organisation d’élections professionnelles partielles dans son entreprise, un

délégué syndical avait présenté sa candidature sur la liste de son syndicat pour les sièges de membre

titulaire au comité d’entreprise (collège employés), membre suppléant au comité d’entreprise

(même collège) et délégué du personnel titulaire (même collège).

Au terme de ce scrutin, il avait été élu membre titulaire du comité d’entreprise au sein du collège

sus-indiqué.

La société avait saisi le juge d’instance d’une demande d’annulation de sa candidature aux élections

au comité d’entreprise et d’une demande d’annulation de son élection en sa qualité de membre

titulaire, en faisant valoir qu’il s’était présenté sur la liste du syndicat sans en avoir reçu le mandat.

Le tribunal d’instance, statuant sur renvoi après cassation, a annulé sa candidature aux premier et

second tour des élections au comité d’entreprise et, par conséquent, annulé son élection en qualité

de membre titulaire de l’institution représentative.

C’est contre cette décision que le salarié a formé pourvoi.

Il résulte de la combinaison des articles L. 2324-4 et L. 2324-22 du code du travail que les élections

des représentants du personnel au comité d’entreprise reposent sur un scrutin de liste à deux tours,

et que, au premier tour de scrutin, chaque liste de candidats est déposée par des organisations

syndicales satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance,

légalement constituées depuis au moins 2 ans et dont le champ professionnel et géographique

couvre l’entreprise ou l’établissement concernés.

La chambre sociale juge à cet égard que l’organisation syndicale est le seul interlocuteur de

l’employeur pour les candidatures au premier tour des élections professionnelles dans l’entreprise

(Soc., 30 octobre 2013, pourvoi n° 12-29.952, Bull. 2013, V, n° 258), et que la présentation d’une

liste de candidats au nom d’un syndicat est un pouvoir conféré par la loi au syndicat lui-même, et

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non à la section syndicale d’entreprise (Soc., 1er

juin 1976, pourvoi n° 75-60.198, Bull. 1976, V, n°

340).

Il en résulte que le salarié qui dépose une liste de candidats sous une étiquette syndicale doit

disposer d’un mandat pour agir au nom du syndicat concerné.

Dès lors, lorsqu’une organisation syndicale déclare à l’employeur que le salarié a procédé au dépôt

de la liste sans en avoir reçu le mandat et qu’elle-même ne présente pas de candidat aux élections,

l’employeur est fondé à ne retenir aucune candidature pour cette organisation sans avoir à saisir

préalablement le tribunal d’instance de cette difficulté (Soc., 30 octobre 2013, pourvoi n° 12-

29.952, précité).

La jurisprudence pose par ailleurs clairement l’exigence d’un mandat exprès et spécial de

l’organisation syndicale (Soc., 15 juin 2011, pourvoi n° 10-25.282, Bull. 2011, V, n° 157).

Enfreint dès lors les dispositions légales le tribunal d’instance qui estime régulière la présentation

d’une liste de candidats par un délégué syndical, au motif que son syndicat lui avait donné le

mandat de signer le protocole d’accord en vue des élections et que ce salarié avait obtenu la

confiance renouvelée des membres de la section syndicale pour procéder au dépôt litigieux (Soc.,

1er

juin 1976, pourvoi n° 75-60.198, précité).

Il est toutefois à noter que l’employeur qui, chargé de l’organisation des élections, n’a pas réclamé

ce mandat lors du dépôt de la liste de candidatures, ni contesté le dépôt de cette liste, ne peut

remettre en cause sur ce motif la validité de la liste après le déroulement du scrutin (Soc., 26

septembre 2012, pourvoi n° 11-25.544, Bull. 2012, V, n° 237).

La question posée par le présent pourvoi était inédite, dans la mesure où elle avait trait à la forme du

mandat donné par l’organisation syndicale.

Le silence des textes issus du code du travail invite à rechercher des éléments de réponse dans le

droit des contrats spéciaux.

En particulier, l’article 1985, alinéa 1er

, du code civil dispose que “Le mandat peut être donné par

acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné

verbalement, mais la preuve testimoniale n’en est reçue que conformément au titre : “Des contrats

ou des obligations conventionnelles en général””.

En l’espèce, le salarié soutenait avoir bénéficié d’un mandat verbal régulier, dont il justifiait par une

attestation du secrétaire général de l’union locale concernée, aux termes de laquelle il avait été

autorisé à négocier le protocole d’accord et à présenter la liste des candidats au nom du syndicat

pour le premier et le second tour des élections.

Dans sa décision du 10 décembre 2014, la chambre sociale valide la thèse du demandeur au

pourvoi, en jugeant, au visa des articles L. 2324–22 du code du travail et 1985 du code civil

précités, que le mandat donné au délégué syndical pour présenter une liste de candidats au nom de

son syndicat en vue des élections professionnelles peut être un mandat verbal.

Est par ailleurs réaffirmée la nécessité d’un mandat exprès de l’organisation syndicale à cet égard.

Devait en conséquence être cassée la décision du tribunal de renvoi qui, motif pris de l’insuffisance

du mandat verbal, avait annulé la candidature et l’élection de l’intéressé en qualité de membre

titulaire du comité d’entreprise.

*Syndicat - Droits syndicaux

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Sommaire

Un syndicat n’a pas qualité, sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail, à agir aux

lieu et place du comité d’entreprise pour que celui-ci bénéficie des informations qui lui sont

destinées en application de l'article L. 2323-57 du code du travail, ou d'un accord d'entreprise.

Doit en conséquence être censuré l’arrêt qui, pour déclarer l’action d’un syndicat recevable, retient

que celui-ci a qualité et intérêt à demander que le comité d'entreprise bénéficie de ces informations,

alors que ce dernier n’en sollicitait pas la communication et ne s’était pas associé à cette demande.

Soc., 16 décembre 2014 Cassation sans renvoi

Arrêt n° 2365 FS - P+B

N° 13-22.308 – C.A. Riom, 21 mai 2013

M. Frouin, Pt. – Mme Lambremon, Rap. – Mme Robert, Av. Gén.

Note :

Un accord de branche du 15 novembre 2006 en matière bancaire prévoit l’établissement chaque

année d’un rapport sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

À cette fin, la Banque populaire du Massif central –BPMC- a signé en 2008 un accord collectif sur

la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences qui oblige la banque à fournir

annuellement aux représentants du personnel les données relatives aux rémunérations hommes /

femmes pour chaque métier-repère.

Soutenant que la BPMC manquait à son obligation de délivrer de telles informations, en refusant de

communiquer au comité d’entreprise les éléments de rémunération hommes / femmes ventilés par

métier-repère, un syndicat a saisi le tribunal de grande instance pour qu’il soit ordonné à la banque,

sous astreinte, de produire la grille des rémunérations.

Un arrêt du 21 mai 2013 de la cour d’appel de Riom a fait injonction à la BPMC, sous astreinte, de

communiquer cette grille au comité d’entreprise.

La BPMC a formé pourvoi contre cette décision en faisant grief à l’arrêt de déclarer recevable la

demande du syndicat. L’arrêt déduisait en effet des dispositions de l’article L. 2323-57 du code du

travail in fine, selon lesquelles « les délégués syndicaux reçoivent communication de ce rapport

dans les mêmes conditions que les membres du comité d’entreprise » , que le syndicat avait qualité

et intérêt à ce que le comité d’entreprise, qui ne s’était cependant pas associé à la procédure,

bénéficie des informations prévues par ce texte.

La chambre sociale de la Cour de cassation casse sans renvoi l’arrêt déféré, au visa de l’article L.

2132-3 du code du travail. Selon cet article, inséré au chapitre troisième (statut juridique, ressources

et moyens) du livre premier (les syndicats professionnels) de la deuxième partie (les relations

collectives de travail), « les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile

concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession

qu’ils représentent ».

Au visa de ce même article, la chambre sociale a déjà rendu un arrêt (Soc., 11 septembre 2012,

pourvoi n° 11-22.014, Bull. 2012, V, n° 226 (1)) selon lequel, « si les syndicats professionnels

peuvent devant toutes les juridictions, en application de l'article L. 2132-3 du code du travail,

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exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou

indirect à l'intérêt de la profession qu'ils représentent, notamment en cas de défaut de réunion,

d'information ou de consultation des institutions représentatives du personnel lorsqu'elles sont

légalement obligatoires, ils ne sont pas recevables à agir pour demander communication à leur

profit de documents qui, selon eux, auraient dû être transmis au comité d'entreprise. »

Le présent arrêt confirme donc cette jurisprudence, qui sanctionne par l’irrecevabilité de l’action du

syndicat une demande de communication de documents destinés au comité d’entreprise, ledit

comité ne s’étant pas joint à la demande, tant dans la présente espèce que dans la procédure ayant

abouti à l’arrêt du 11 septembre 2012.

2-3 Exercice du mandat de représentation

* Heures de délégation

Sommaire

Si le représentant du personnel ou du syndicat ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de

l’exercice de son mandat, le nombre d’heures de délégation légalement fixées au profit des salariés

investis de mandats représentatifs ne peut être augmenté que par un usage ou un accord collectif.

N’a pas un tel objet, un accord sur la réduction du temps de travail assimilant à un travail effectif la

durée des pauses accordées aux salariés en situation de travail.

Soc., 9 décembre 2014 Cassation

Arrêt n° 2269 FP - P+B

N° 13-18.005 – C.P.H. Châteauroux, 26 mars 2013

M. Frouin, Pt. – Mme Lambremon, Rap. – M. Aldigé, Av. Gén.

Note :

Un salarié exerçant plusieurs mandats représentatifs au sein de son entreprise disposait à ce titre de

50 heures mensuelles de délégation. Un accord de réduction du temps de travail, signé dans cette

société, assimilait les temps de pause à du temps de travail effectif et prévoyait une rémunération en

conséquence. Ainsi, concernant les salariés en situation de travail, une journée de 8 heures

correspondait à 7h20 minutes entrecoupées de 2 pauses de 20 minutes chacune. Mais concernant le

salarié représentant du personnel, lorsqu'il prenait une journée de délégation, la société calculait un

nombre d'heures de délégation de 8 heures, alors que le salarié n'en comptait que 7h20. Cette

différence de calcul aboutissant à un dépassement mensuel du crédit d'heures de délégation,

l'employeur retenait sur sa rémunération ce qu'il estimait être des dépassements, aucune

circonstance exceptionnelle n'étant invoquée par le salarié.

Le salarié avait donc saisi le conseil de prud'hommes, reprochant à son employeur de ne pas lui

appliquer l'accord de réduction du temps de travail en opérant des retenues illicites sur son salaire

correspondant à des temps de pause.

La juridiction prud'homale avait fait droit à sa demande au motif qu'au vu de cet accord, les

retenues sur salaires pratiquées par la société correspondaient au temps de pause dont le salarié ne

bénéficiait plus durant ses heures de délégation et qu'il s'agissait d'une discrimination. Les juges du

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fond avaient, par ailleurs, retenu que la société avait agi en violation des articles L. 2143-17 et L.

2315-3 du code du travail. L'employeur a formé un pourvoi contre cette décision.

La question soumise à la chambre sociale de la Cour de cassation concernait donc l'application d'un

accord collectif sur la réduction du temps de travail aux heures de délégation.

Les représentants syndicaux et élus du personnel disposent, afin d'accomplir au mieux leur mandat,

d'un crédit d'heures, dites heures de délégation dont la loi fixe le nombre (articles L. 2143-13, L.

2315-1 et L. 2325-6 du code du travail). Ces heures sont de plein droit considérées comme temps de

travail et payées à l'échéance normale (articles L. 2143-17 et L. 2315-3 du code du travail). En cas

de dépassement du crédit d'heures, le salarié élu s'expose au non-paiement de ces heures ainsi qu'à

des sanctions disciplinaires (CE, 16 avril 1982, n° 19530, publié dans les tables du Recueil Lebon).

Toutefois, le nombre d'heures légalement fixé peut être augmenté dans 3 cas :

- en cas de circonstances exceptionnelles, c'est-à-dire une activité inhabituelle entraînant

temporairement un surcroît extraordinaire de travail (Crim., 7 janvier 1981, pourvoi n° 79-94.255,

Bull. crim. 1981, n° 5 (3) ; Soc., 28 octobre 2003, pourvoi n° 02-42.067, Bull. 2003, V, n° 265).

- en cas d'usage : un usage de dépassement peut s'être valablement instauré dans l'entreprise,

l'employeur acceptant le paiement des heures excédentaires. L'employeur peut toujours revenir sur

cet usage sous réserve de respecter un délai de préavis suffisant pour permettre des négociations

(Soc., 11 juin 1981, pourvoi n° 78-41.841, Bull. 1981, V, n° 533 ; Soc., 7 mars 1989, pourvoi n° 84-

44.378, Bull. 1989, V, n° 183).

- en cas d'une convention collective ou d'un accord collectif. De nombreuses conventions

collectives prévoient un crédit d'heures supérieur au crédit légal. La chambre sociale de la Cour de

cassation a rappelé que l'accord collectif qui a pour objet d'améliorer le fonctionnement des

institutions représentatives dans l'entreprise a force obligatoire (Soc., 23 juin 1999, pourvoi n° 96-

44.717, Bull. 1999, V, n° 302 ; Soc., 29 mai 2001, pourvoi n° 98-23.078, Bull. 2001, V, n° 185).

Par le présent arrêt, la Cour de cassation rappelle, en préambule, le principe selon lequel le

représentant du personnel ou du syndicat ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de

l'exercice de son mandat (Soc., 14 mars 1989, pourvoi n° 86-41.648, Bull. 1989, V, n° 212 ; Soc., 2

juin 2004, pourvoi n° 01-44.474, Bull. 2004, V, n° 160 (2)). Elle décide ensuite que l'accord sur la

réduction du temps de travail , assimilant à un temps de travail effectif la durée des pauses

accordées aux salariés en situation de travail, n'a pas pour objet d'augmenter le nombre d'heures de

délégation accordées au salarié représentant du personnel.

Elle casse donc la décision du conseil de prud'hommes qui avait donné à l'accord collectif en cause

une portée qu'il n'avait pas. Seul un accord collectif ayant pour objet le fonctionnement des

institutions représentatives peut venir augmenter le nombre d'heures de délégation et non un simple

accord sur la réduction du temps de travail.

Sommaire

En l'absence de prévision contraire par la loi, un usage ou un engagement unilatéral de l'employeur,

le temps de trajet pris pendant l'horaire normal de travail en exécution des fonctions représentatives

s'impute sur les heures de délégation.

Soc., 9 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2270 FP-P+B

N° 13-22.212 – C.A. Douai, 31 mai 2013

M. Frouin, Pt. – Mme Lambremon, Rap. – M. Aldigé, Av. Gén.

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Note :

Un salarié, employé par une société régie par la convention collective nationale des entrepôts

d'alimentation du 29 mai 1969, est également délégué syndical, membre du CHSCT et conseiller

prud'hommes.

Il saisit le conseil de prud'hommes aux fins de paiement de rappels de salaire au titre des paniers

repas, des demi-pauses dues en cas de panier repas, de temps de trajet et d'heures de délégation.

La cour d'appel confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande relative à

l'indemnisation du temps de trajet, en application du « principe selon lequel le temps de trajet

exécuté en application de fonctions représentatives n'a lieu d'être indemnisé que s'il est pris en

dehors de l'horaire normal de travail et qu'il dépasse en durée le temps normal de déplacement

entre le domicile et le lieu de travail ».

Le salarié forme pourvoi contre cette décision.

Antérieurement à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale,

le code du travail était muet sur l'imputation ou non des temps de trajet pour les nécessités du

mandat sur les heures de délégation. La jurisprudence décidait que « le temps de trajet effectué par

un représentant du personnel pour l'exercice de ses fonctions représentatives doit être rémunéré

lorsqu'il est pris en dehors de l'horaire normal de travail et qu'il dépasse, en durée, le temps normal

de déplacement entre le domicile et le lieu de travail » (Soc., 30 septembre 1997, pourvoi n° 95-

40.125, Bull. 1997, V, n° 299 ; Soc., 5 novembre 2003, pourvoi n° 01-43.109, Bull. 2003, V, n° 275

(3) ; Soc., 10 décembre 2003, pourvoi n° 01-41.658, Bull. 2003, V, n° 315 (1)).

La loi du 18 janvier 2005, précitée, a modifié l'article L. 212-4, alinéa 4, devenu l'article L. 3121-4

du code du travail, en disposant que «le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le

lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif ».

Par deux arrêts du 12 juin 2013, la chambre sociale a précisé qu'en ce qui concerne le représentant

syndical au comité d'entreprise ou le délégué du personnel, « le temps de trajet, pris en dehors de

l'horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré

comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le

domicile et le lieu de travail » (Soc., 12 juin 2013, pourvoi n° 12-15.064, Bull. 2013, V, n° 154 ;

Soc., 12 juin 2013, pourvoi n° 12-12.806, Bull. 2013, V, n° 155). Dans le commentaire publié sous

ces deux arrêts au Bulletin mensuel de droit du travail, la Cour précisait qu'elle visait les articles

spécifiques à certains salariés titulaires de mandat, et qu'elle étendait ainsi « le régime du temps

d'exercice du mandat lui-même au temps de déplacement lié au mandat et [soulignait] ainsi le

statut spécifique du salarié élu qui ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de l'exercice

de sa mission » (Soc., 29 mai 2001, pourvoi n° 98-45.758, Bull. 2001, V, n° 187 ; Soc., 26 juin

2001, pourvoi n° 98-46.387, Bull. 2001, V, n° 232) . Il s'agissait non pas de qualifier ce temps de

temps de travail effectif, mais de le rémunérer comme temps de travail effectif.

Qu'en est-il pour un temps de trajet effectué en exécution des fonctions représentatives pendant

l'horaire normal ? C'est la question que posait le pourvoi ; la chambre y répond en précisant que « le

temps de trajet, pris pendant l'horaire normal de travail en exécution des fonctions représentatives,

s'impute sur les heures de délégation », sauf disposition contraire résultant de la loi, d'un usage ou

d'un engagement unilatéral de l'employeur.

Cette solution découle logiquement du principe qui veut que le représentant du personnel ne subisse

aucune perte de rémunération du fait de l'exercice de son mandat, et que les heures de délégation

soient payées comme du temps de travail effectif ; les heures de déplacement s'imputent donc sur

les heures de délégation et sont rémunérées à ce titre. Elles sont ainsi décomptées du crédit d'heures

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alloué au représentant du personnel. Une solution différente amènerait à dépasser les crédits

d'heures prévus par la loi, en dehors de toute circonstance exceptionnelle, cas prévu par l'article L.

2143-13 in fine du code du travail pour le délégué syndical, par l'article L. 2315-1 pour le délégué

du personnel, et par l'article L. 4614-3 pour le représentant au CHSCT.

F - RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

2 - Licenciements

2.1- Mise en œuvre

Sommaire

Le médecin du travail licencié sans autorisation administrative et qui ne demande pas sa

réintégration, a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu’il

aurait dû percevoir entre son éviction et la fin de la période de protection, dans la limite de trente

mois, durée de la protection minimale accordée aux représentants du personnel.

Soc, 15 décembre 2014 Saisine pour avis

Avis n° 15013 P+B+R+I

N°14-70.009. C.P.H. Boulogne-Billancourt,

M. Louvel, P. Pt - Mme Sabotier, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

Note :

Par cette demande d’avis, la Cour de cassation était invitée à se prononcer sur « la durée de

protection permettant de calculer le montant de l’indemnité pour violation du statut protecteur du

médecin du travail licencié sans autorisation administrative ».

C’est la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale qui a aligné la protection dont

bénéficient les médecins du travail sur celle des représentants syndicaux et du personnel. Leur

licenciement est ainsi subordonné, dans tous les cas, à l’autorisation préalable de l’inspecteur du

travail.

À propos du statut protecteur des médecins du travail, la chambre sociale a jugé, en 2011, que les

dispositions de l’article L. 4623-5 du code du travail instituent au profit du médecin du travail, en

raison des fonctions qu’il exerce dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs, une protection

exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit à l’employeur de rompre le contrat de

travail sans obtenir l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail (Soc., 6 juillet 2011, pourvoi

n° 10-13.805, Bull. 2011, V, n° 189).

En 2014, la chambre sociale a jugé que « le médecin du travail [...] peut prétendre, lorsqu’il ne

demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu, à une indemnité au titre de

la méconnaissance du statut protecteur » (Soc., 5 mars 2014, pourvoi n° 12-28.127).

Il était en quelque sorte demandé à la Cour, à travers cette saisine pour avis, de parachever la

construction jurisprudentielle en cours d’élaboration relative au licenciement du médecin du travail

sans autorisation. Dès lors que le législateur n’a pas envisagé l’hypothèse où le licenciement d’un

salarié protégé intervient sans autorisation administrative mais seulement celle où l’autorisation

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délivrée par l’administration du travail est ultérieurement annulée, il convenait inévitablement de se

référer à ce que juge la chambre sociale pour les autres salariés protégés.

Fidèle au raisonnement suivi par la chambre sociale depuis l’arrêt du 27 mai 1970, qui concernait

un délégué du personnel, élu à l’époque pour un mandat de deux ans (Soc., 27 mai 1970, pourvoi

n° 69-40.070, Bull. 1970, V, n° 362), la Cour de cassation commence par rappeler que « le médecin

du travail licencié sans autorisation administrative et qui ne demande pas sa réintégration, a droit

à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir

entre son éviction et la fin de la période de protection ».

La protection du médecin du travail est liée à son contrat de travail. Aussi, la fin de la période de

protection peut tout à la fois être le terme de son contrat de travail à durée déterminée, ou, dans le

cadre d’un contrat à durée indéterminée, la date à laquelle ce médecin peut faire valoir ses droits à

la retraite.

En fonction de la date à laquelle intervient le licenciement dans la carrière du médecin du travail,

celui-ci pourrait donc prétendre à une indemnité équivalente à de nombreuses années de salaires.

Aussi, convenait-il − au demeurant de la même manière que pour tous les autres salariés protégés –

d’envisager une limite à cette durée d’indemnisation.

La Cour a fait le choix de la fixer à trente mois, durée de la protection minimale légale accordée aux

représentants du personnel.

La chambre sociale a appliqué cette limitation, qui pouvait dès lors apparaître comme une sorte de

référence « de droit commun », aux conseillers prud’hommes pourtant élus pour une durée de cinq

années (Soc., 28 mars 2000, pourvoi n° 97-44.373, Bull. 2000, V, n° 134 ; Soc., 2 mai 2001, pourvoi

n° 98-46.319, Bull. 2001, V, n° 147 ; Soc., 30 novembre 2004, pourvoi n° 01-44.739, Bull. 2004,

n° 309), aux administrateurs d’un organisme du régime général de sécurité sociale (Soc.,

22 juin 2004, pourvoi n° 01-41.780, Bull. 2004, V, n° 179), ainsi qu’aux administrateurs de mutuelle

(Soc., 1er

juin 2010, pourvoi n° 09-41.507, Bull. 2010, V, n° 123).

Il convient à cet égard de relever que la portée de cette dernière décision dépasse le cas des seuls

administrateurs de mutuelle. En effet, la chambre sociale était saisie d’un moyen tiré de l’entrée en

vigueur de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, qui a

porté la durée du mandat des représentants du personnel à quatre ans, ce dont le moyen déduisait

que l’indemnisation maximale devait désormais être équivalente à cinquante-quatre mois de salaire.

Or la chambre sociale a maintenu à trente mois de salaire le plafond de l’indemnisation due en cas

de violation du statut protecteur, en se fondant sur la possibilité de réduire à deux ans par accord

collectif la durée des mandats (voir sur ce point le commentaire de cet arrêt au BICC n° 730,

1re

novembre 2010, n° 1642). Elle en a conclu que la durée minimale légale de protection des

représentants du personnel était toujours de trente mois.

Dans son avis, la Cour retient donc cette durée de trente mois aussi pour le médecin du travail. Elle

écarte ainsi la référence à la jurisprudence relative aux délégués syndicaux, aux termes de laquelle

le salarié, délégué syndical, licencié sans autorisation de l’inspecteur du travail, qui ne demande pas

sa réintégration dans l’entreprise, a droit, au titre de la violation du statut protecteur, à une

indemnité égale aux salaires qu’il aurait perçu pendant la période légale de protection, soit douze

mois à compter de son éviction de l’entreprise (Soc., 6 juin 2000, pourvoi n° 98-40.387, Bull. 2000,

V, n° 218 ; Soc., 27 octobre 2004, pourvoi n° 01-45.902, Bull. 2004, V, n° 275).

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Cette solution est en effet fondée sur la protection complémentaire dont bénéficie le délégué

syndical. Or le médecin du travail ne bénéficie pas d’une telle protection complémentaire.

En outre, l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la

démocratie sociale et réforme du temps de travail ayant conduit la chambre sociale à juger que « le

mandat de délégué syndical prenant fin lors du renouvellement des institutions représentatives dans

l’entreprise, la désignation, à l’issue de ces nouvelles élections, d’un délégué syndical, fait courir à

compter de la date de cette désignation le délai prévu par l’article R. 2324-24 du code du travail

même si le salarié désigné exerçait déjà cette mission avant le nouveau scrutin » (Soc.,

22 septembre 2010, pourvoi n° 09-60.435, Bull. 2010, V, n° 188), il pourrait en résulter que, le

mandat du délégué syndical n’étant plus à durée indéterminée, il soit désormais, pour

l’indemnisation de ce salarié protégé, fait référence à l’expiration de sa période de protection avec

détermination d’une limite, ce qui aurait au surplus pour conséquence d’unifier les règles

d’évaluation de l’indemnité due pour violation du statut protecteur lorsque le salarié protégé ne

demande pas sa réintégration.

*Formalités conventionnelles préalables

Sommaire

Dès lors que le salarié dont le licenciement disciplinaire était envisagé a été mis en mesure de

désigner trois représentants pour composer le conseil de discipline et n’a demandé ni à en choisir un

autre en remplacement du représentant indisponible ni à reporter la réunion de ce conseil et que la

parité de l'instance à été respectée par le retrait d'un représentant de la direction, l’employeur a

satisfait aux exigences de l’article 90 de la convention collective nationale des sociétés d’assurance

du 27 mai 1992.

Doit, en conséquence, être cassé l’arrêt qui énonce que l’employeur devait inviter le salarié à choisir

un autre représentant et que le licenciement, prononcé après consultation des avis du conseil de

discipline composé de deux représentants du personnel et de deux représentants de la direction, est

dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Soc., 16 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2369- FS-P+B

N°13-23.375- C.A. Douai, 28 juin 2013

M. Frouin, Pt - Mme Duvallet, Rap. - Mme Robert, Av. Gén.

Sommaire

Une cour d’appel, qui a constaté que les fonctions de responsable chargé de l’instruction du dossier,

telles que prévues par l’article 24 de l’accord collectif local intitulé « Convention collective du

transport aérien - tronc commun- » avaient été assurées par le président du conseil de discipline

désigné par l’employeur, en a exactement déduit que le licenciement, intervenu en l’absence de la

garantie d’impartialité de cet organisme et partant en violation de la garantie de fond prévue par la

convention collective, était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Soc., 17 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2396 FS-P+B

N° 13-10.444 – C.A. Papeete, 11 octobre 2012

M. Frouin, Pt. - M. Mallard, Rap. - M. Liffran, Av. Gén.

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Note :

Un salarié, soumis au régime de l’accord collectif local intitulé « Convention collective du transport

aérien-tronc commun » du 14 octobre 1994 a été convoqué à un entretien préalable au licenciement

dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

Conformément aux dispositions de la convention collective précitée, le salarié a, en outre, été

convoqué devant le conseil de discipline, qui s’est abstenu d’émettre un avis sur la mesure du

licenciement. Licencié ensuite pour cause réelle et sérieuse, il a contesté devant la juridiction

prud’homale cette décision et sollicité le paiement de dommages-intérêts.

L’article 24 de l'accord local précité prévoit qu’« un conseil de discipline constitué de représentants

de la direction et de représentants du personnel est saisi de toutes propositions de sanction

susceptible d’être supérieure à l’avertissement ». Cet article prévoit également que le conseil de

discipline se compose d’un « président désigné par la direction » et d’une « délégation de salariés

pris dans la mesure du possible en dehors du service, auquel est affecté l’intéressé, tirés au sort en

présence des délégués du personnel du collège concerné :

- Entreprise ayant entre 5 et 50 salariés : 2 salariés,

- Entreprise ayant entre 51 et 250 salariés : 3 salariés (1 par collège),

- Entreprise ayant plus de 250 salariés : - 3 issus du collège de l’agent,

- 2 issus des autres collèges. »

Cet article précise aussi que « sont obligatoirement convoqués :

- L’intéressé accompagné, s’il le souhaite, d’un délégué du personnel ou d’un délégué syndical de

son choix,

- Le responsable, chargé de l’instruction du dossier. »

La cour d’appel a jugé que la procédure de licenciement était « affectée d’une irrégularité de

fond qui rend le licenciement […] dénué de cause réelle et sérieuse ».

Les juges du fond ont d’abord rappelé qu’il résultait des dispositions de la convention collective que

la tenue d’un conseil de discipline était obligatoire avant tout licenciement disciplinaire et que cette

« mesure protectrice des droits des salariés » constituait « une garantie de fond dont la violation

rend le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ». Ils ont ensuite relevé que si le conseil de

discipline s’était bien réuni en présence d’un président et de deux salariés, aucun responsable

chargé de l’instruction n’avait été convoqué. La cour d’appel a considéré que « le président du

conseil de discipline et le responsable chargé de l’instruction ne pouvaient être la même

personne » ; qu’en effet « si le premier représente l’employeur, le second a pour mission de

procéder à une instruction objective et impartiale des faits reprochés au salariés. »

L’employeur, faisant grief à l’arrêt de dire que le licenciement du salarié était dépourvu de cause

réelle et sérieuse, a formé un pourvoi en cassation. A l’occasion de ce pourvoi, la chambre sociale

était saisie de la question de la violation d’une formalité conventionnelle imposée lors de la mise en

œuvre par l’employeur de son pouvoir disciplinaire, et des effets de cette violation sur le

licenciement prononcé pour motif disciplinaire.

La chambre sociale entérine le raisonnement de la cour d’appel et rejette le pourvoi. Elle rappelle,

dans un premier temps, que « la consultation d’un organisme chargé, en vertu d’une disposition

conventionnelle, de donner un avis sur une mesure envisagée par l’employeur, constitue une

garantie de fond et que le licenciement prononcé sans que le conseil ait été consulté et ait rendu son

avis selon une procédure régulière ne peut avoir de cause réelle et sérieuse.» (Voir en ce sens, Soc.,

23 mars 1999, pourvoi n° 97-40.412, Bull. 1999, V, n° 134 ; Soc., 28 mars 2000, pourvoi n° 97-

43.411, Bull. 2000, V, n° 136 (2) ; Soc., 11 juillet 2000, pourvoi n° 97-45.781, Bull. 2000, V, n°

272 ; Soc., 16 janvier 2001, pourvoi n° 98-43.189, Bull. 2001, V, n° 9 ; Soc., 29 juin 2005, pourvoi

n° 03-44.376, Bull. 2005, V, n° 221 (1)).

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Elle relève, dans un second temps, qu’il résulte de l’article 24 de l’accord collectif local précité que

« les membres du conseil de discipline ne peuvent être chargés de l’instruction du dossier et

intervenir en cette qualité devant lui. »

Par cet arrêt, la chambre sociale décide que la cour d’appel, qui avait relevé que « les fonctions de

responsable chargé de l’instruction du dossier avaient été assurées par le président du conseil de

discipline désigné par l’employeur », en a exactement déduit que « le licenciement, intervenu en

l’absence de la garantie d’impartialité de cet organisme et partant en violation de la garantie de

fond prévue par l’accord collectif local, était dépourvu de cause réelle et sérieuse. »

Le présent arrêt étend le champ d’application du principe dégagé par la chambre sociale en 1999

(Soc., 23 mars 1999, pourvoi n° 97-40.412, Bull. 1999, V, n° 134 précité) à la composition régulière

du conseil de discipline en se fondant sur l’exigence d’impartialité.

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence, protectrice des droits du salarié soumis à

une procédure disciplinaire.

La chambre sociale a déjà décidé, par exemple, que le licenciement prononcé sans que le salarié ait

été avisé qu'il pouvait saisir le conseil de discipline, institué par des dispositions conventionnelles,

ne peut avoir de cause réelle et sérieuse (Soc., 31 janvier 2006, pourvoi n° 03-43.300, Bull. 2006, V,

n° 45) ; que le licenciement prononcé alors que la lettre de convocation à l'entretien préalable à un

licenciement pour faute ou pour insuffisance professionnelle ne mentionnait pas la faculté du salarié

de demander la réunion d'un "conseil paritaire" et du délai impératif dans lequel cette faculté peut

être exercée est dénué de cause réelle et sérieuse, cette exigence constituant une garantie de fond

(Soc., 18 octobre 2006, pourvoi n° 03-48.370, Bull. 2006, V, n° 310) ; que l’avis au délégué du

personnel ou au président de la commission de conciliation, mis à la charge de l’employeur par des

dispositions conventionnelles, constitue une garantie de fond dont la méconnaissance prive le

licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc., 21 janvier 2009, pourvoi n° 07-41.788, Bull. 2009, V,

n° 17).

Par deux arrêts récents, la chambre sociale a eu l’occasion de préciser encore sa jurisprudence : le

salarié qui n'a pas reçu, avant l'entretien préalable au licenciement, notification des motifs du

licenciement disciplinaire envisagé, exigence résultant des dispositions conventionnelles, voit son

licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (Soc., 9 janvier 2013, pourvoi n° 11-25.646, Bull.

2013, V, n° 1) ; l’inobservation du délai de notification de la décision de licenciement, imposé par

des dispositions conventionnelles et constituant une garantie de fond, prive le licenciement de cause

réelle et sérieuse (Soc., 27 mars 2013, pourvoi n° 11-20.737, Bull. 2013, V, n° 86).

Sommaire

Prive le licenciement de cause réelle et sérieuse la méconnaissance par l’employeur de l’obligation

prévue à l’article 26 de la convention collective nationale de la banque disposant qu’avant

d’engager la procédure de licenciement pour un motif non disciplinaire, l’employeur doit avoir

considéré toutes solutions envisageables, notamment recherché le moyen de confier au salarié un

autre poste lorsque l’insuffisance résulte d’une mauvaise adaptation de l’intéressé à ses fonctions.

Soc., 17 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2402 FS-P+B

N° 13-22.890 - C.A. Paris, 12 juin 2013

M. Frouin, Pt - Mme Goasguen, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

*Motifs de licenciement

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49

Sommaire

Il résulte de l'article L. 313-26 du code de l'action sociale et des familles qu'au sein des

établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1 du même code, lorsque les personnes ne

disposent pas d'une autonomie suffisante pour prendre seules le traitement prescrit par un médecin à

l'exclusion de tout autre, l'aide à la prise de ce médicament constitue une modalité

d'accompagnement de la personne dans les actes de la vie courante et que l'aide à la prise des

médicaments peut, à ce titre, être assurée par toute personne chargée de l'aide aux actes de la vie

courante dès lors que, compte tenu de la nature du médicament, le mode de prise ne présente ni

difficulté d'administration ni apprentissage particulier.

Ayant constaté qu’un salarié, engagé comme agent de service de salle à manger, distribuait les

médicaments et assistait les résidents à la prise de médicaments lors des repas, conformément à sa

fiche de poste, mais qu'après que certains de ces repas avaient été servis dans les chambres, il avait

refusé de remettre à leurs destinataires les piluliers nominatifs placés sur les plateaux repas qu'il

distribuait, une cour d'appel en a exactement déduit que le salarié avait commis une faute.

Soc., 2 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2245 FS - P+B

N° 13-28.505 C.A. Limoges, 26 février 2013

M. Frouin, Pt - M. Maron , Rap. - M. Weissmann, Av. Gén.

Note :

Une salariée, engagée en qualité d’agent de service affectée dans un établissement d’hébergement

pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), s’est vue notifier une mise à pied pour avoir refusé de

distribuer des médicaments aux résidents, puis a été licenciée pour avoir, après une formation

pratique sur ce sujet, refusé d’effectuer pareille distribution.

Après avoir notamment relevé que le rôle attribué à la salariée constituait « une simple aide aux

actes de la vie courante », la cour d’appel a jugé que la mise à pied ne constituait pas une sanction

abusive et que le licenciement reposait bien sur un comportement fautif caractérisant une cause

réelle et sérieuse.

La salariée a formé un pourvoi en cassation soutenant qu’ayant été engagée en qualité d’agent de

service, son refus d’effectuer la distribution des médicaments, lors des repas pris en chambre, ne

pouvait constituer une faute professionnelle.

Le présent pourvoi soulevait la question de la qualité des personnes habilitées pour l’aide à la prise

de médicaments, et la nature des actes pouvant être effectués.

L’article R. 4311-5 du code de la santé publique qui réglemente l’exercice de la profession

d’infirmier prévoit que l’infirmier accomplit notamment les soins tenant à l’aide à la prise de

médicaments présentés sous forme non injectable et à la vérification de leur prise. Il est en outre

prévu par l’article R. 4311-4 du même code que « lorsque les actes accomplis et les soins dispensés

relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à

caractère sanitaire, social ou médico-social, l'infirmier ou l'infirmière peut, sous sa responsabilité,

les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médico-

psychologiques qu'il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait

de leur formation. Cette collaboration peut s'inscrire dans le cadre des protocoles de soins

infirmiers mentionnés à l'article R. 4311-3. »

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Si la préparation des médicaments relève de la seule compétence des infirmiers, la loi n° 2009-879

du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a

modifié l’article L. 313-26 du code de l’action sociale et des familles et a ainsi expressément

autorisé toute personne chargée d’assurer l’aide aux actes de la vie courante à intervenir dans la

distribution des médicaments. Cet article dispose en effet qu’ « Au sein des établissements et

services mentionnés à l'article L. 312-1, lorsque les personnes ne disposent pas d'une autonomie

suffisante pour prendre seules le traitement prescrit par un médecin à l'exclusion de tout autre,

l'aide à la prise de ce traitement constitue une modalité d'accompagnement de la personne dans les

actes de sa vie courante.

L'aide à la prise des médicaments peut, à ce titre, être assurée par toute personne chargée de l'aide

aux actes de la vie courante dès lors que, compte tenu de la nature du médicament, le mode de prise

ne présente ni difficulté d'administration ni d'apprentissage particulier. »

La chambre sociale rejette le pourvoi de la salariée après avoir rappelé les dispositions de ce texte.

Elle entérine le raisonnement de la cour d’appel qui, « ayant constaté que la salariée, engagée

comme agent de service de salle à manger, distribuait les médicaments et assistait les résidents à la

prise de médicaments lors des repas, conformément à sa fiche de poste, mais qu’après que certains

de ces repas avaient été servis dans les chambres, elle avait refusé de remettre à leurs destinataires

les piluliers nominatifs placés sur les plateaux repas qu’elle distribuait », en a déduit que « la

salariée avait commis une faute » et a décidé « que le licenciement était fondé sur une cause réelle

et sérieuse. »

Il en résulte que la tâche consistant à apporter aux résidents, dans leurs chambres, des médicaments

préparés par le personnel médical dans des piluliers nominatifs déposés sur des plateaux

individuels, constitue une modalité d’accompagnement de la personne dans les actes de sa vie

courante et peut être accomplie, conformément aux dispositions de l’article L. 313-26 du code de la

santé publique, « par toute personne chargée de l’aide aux actes de la vie courante ».

Sur l’aide à la prise de médicament, le Conseil d’État a eu l’occasion de rendre une décision

concernant un aide-soignant titulaire qui avait refusé d’obéir à l’ordre donné aux aides-soignants

d’assurer pour partie la distribution et l’administration des traitements aux résidents d’une maison

de retraite. Le Conseil d’Etat, visant notamment le code de la santé publique, avait considéré, pour

caractériser un manquement du fonctionnaire à ses obligations professionnelles, que « l’aide

apportée aux résidents empêchés temporairement ou durablement d’accomplir les gestes

nécessaires pour prendre les médicaments qui leur ont été prescrits constitue l’une des modalités de

soutien qu’appellent, en raison de leur état, certains malades pour les actes de la vie courante et

relève donc en application des dispositions précitées du rôle de l’aide-soignant » (C.E., 22 mai

2002, n° 233939, inédit au Recueil Lebon).

2.4 Licenciement économique

*Licenciement prononcé par le liquidateur

Sommaire

La cour d'appel, qui a relevé que le motif économique de licenciement, non critiqué par le salarié

victime d'une maladie non professionnelle, ressortissait à la cessation totale de l'activité de

l'entreprise n'appartenant à aucun groupe, ce dont il résultait la suppression de tous les postes de

travail et l'impossibilité du reclassement de ce salarié, dont le contrat de travail n'était plus suspendu

à la suite d'une visite de reprise, a pu décider que le liquidateur, tenu de licencier le salarié dans le

délai prévu par l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail, ne pouvait plus être tenu d'organiser un

second examen médical avant de procéder au licenciement.

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Soc., 9 décembre 2014 Rejet

Arrêt n° 2271 FP-P+B

N° 13-12.535 – C.A. Aix-en-Provence, 20 décembre 2012

M. Frouin, Pt. – Mme Vallée, Rap. – M. Aldigé, Av. Gén.

Note :

Une entreprise de transports recrute le salarié le 10 août 2009 en qualité de conducteur grand

routier. Le contrat de travail est suspendu à compter du 30 juin 2010 en raison d’une maladie non

professionnelle du salarié. À l’issue de la visite de reprise du 8 novembre 2010, celui-ci a été

déclaré inapte temporaire à son poste de travail, et le 29 novembre 2010, l’entreprise a fait l’objet

d’un jugement prononçant sa liquidation judiciaire. Le salarié est alors convoqué par le liquidateur à

l’entretien préalable de licenciement le 7 décembre 2010, licenciement qui lui est notifié pour motif

économique par lettre du 10 décembre 2010.

En saisissant le conseil de prud’hommes, le salarié demandait que son licenciement soit reconnu

nul, comme intervenu pendant une période de suspension du contrat de travail et avant la deuxième

visite médicale de reprise, et en tout état de cause déclaré sans cause réelle et sérieuse, comme

n’ayant été précédé d’aucun reclassement préalable.

Antérieurement au décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012, l’article R. 4624-21 du code du travail,

applicable au cas d’espèce, disposait que « le salarié bénéficie d’un examen de reprise de travail

par le médecin du travail : […]

4° Après une absence d’au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d’accident non

professionnel ; […]».

L’inaptitude du salarié ne peut quant à elle être constatée qu’au terme de deux examens médicaux

espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, d’examens complémentaires selon l’article

R. 4624-31 du code du travail, dans sa version alors applicable.

En cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail, le salarié est protégé du licenciement

pour motif économique dès la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail (Soc., 7 mars 2007,

pourvoi n° 05-43.872, Bull. 2007, V, n° 45). La chambre sociale a ainsi jugé que « la cessation

d’activité ou tout autre motif économique ne libère pas l’employeur de son obligation de respecter

les règles particulières aux salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie

professionnelle ».

Cette solution a été étendue postérieurement au cas d’avis d’aptitude provisoire lors de la visite de

reprise (Soc., 29 mai 2013, pourvoi n° 12-15.313, Bull. 2013, V, n° 134). La visite de reprise

mettant fin à la période de suspension du contrat de travail, le contrat est censé reprendre tous ses

effets ; l’employeur est tenu de suivre le régime de protection résultant de l’aptitude ou de

l’inaptitude physique du salarié, donc d’organiser une seconde visite médicale, et le cas échéant,

selon l’avis émis par le médecin, de proposer au salarié un poste de reclassement. Le licenciement

pour motif économique intervenu avant l’organisation d’une seconde visite médicale est sans cause

réelle et sérieuse.

Cependant, la chambre sociale a admis la licéité d’un licenciement économique pendant la période

de suspension du contrat de travail après un accident du travail, au cas de cessation d’activité de

l’employeur dans cette période (Soc., 15 mars 2005, pourvoi n° 03-43.038, Bull. 2005, V, n° 87) :

« Dès lors que la cessation d’activité est réelle et qu’elle rend impossible la poursuite du contrat de

travail, la résiliation de ce contrat n’est pas contraire aux dispositions de l’article L. 122-32-2 du

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52

code du travail relatives au licenciement d’un salarié pendant une période de suspension

consécutive à un accident du travail ». Il faut souligner que cette jurisprudence, réaffirmée par la

suite (Soc., 16 mai 2007, pourvoi n° 05-45.728), est subordonnée à la cessation totale d’activité

économique, et non à la seule liquidation judiciaire de l'employeur, qui n'entraîne pas

nécessairement l'arrêt total et définitif de l'activité.

La situation diffère-t-elle quand la maladie n'est pas d’origine professionnelle ?

Par un arrêt du 5 décembre 2012 (Soc., 5 décembre 2012, pourvoi n° 10-24.204, Bull. 2012, V, n°

321 (2)), la chambre sociale a statué sur l’obligation pour l’employeur de faire passer la visite de

reprise au salarié placé en arrêt pour maladie non professionnelle, alors que l’employeur avait eu

connaissance du classement en invalidité du salarié au moment d’engager une procédure pour

licenciement économique dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Cette décision

s’inscrit dans un courant jurisprudentiel qui fait prévaloir le régime de protection du salarié inapte

sur le régime de rupture du contrat. L’employeur qui, avant de licencier le salarié pour motif

économique, lui avait fait une offre de reclassement sans que le médecin du travail ait pu se

prononcer sur son aptitude ou son inaptitude, avait ainsi manqué à ses obligations. En effet, les

règles qui gouvernent l’inaptitude du salarié ont un caractère d’ordre public, et l’employeur, en

toute hypothèse, ne saurait les éluder.

Dans l’espèce ici commentée, il s’agissait d’examiner la licéité du licenciement pour motif

économique d’un salarié déclaré inapte temporaire par le médecin du travail après la visite de

reprise consécutive à une maladie non professionnelle. La visite de reprise avait certes mis fin à la

suspension du contrat de travail, mais la situation de l’employeur se présentait d’une manière

différente, puisque l’entreprise, qui n'appartenait à aucun groupe, étant placée en liquidation

judiciaire et cessant totalement son activité, aucun reclassement n'était envisageable ; le liquidateur

était tenu de licencier les salariés dans un délai de quinze jours en vertu de l’article L. 3253-8, 2°,

du code du travail, sous peine d'engager sa responsabilité du fait de la privation de la garantie de

l'AGS accordée au salarié.

La Cour tire toute conséquence de cette situation : le liquidateur n’était pas tenu de poursuivre le

processus des règles protectrices du salarié inapte en organisant un second examen médical. Le

licenciement pour motif économique avait donc une cause réelle et sérieuse.

8- Rupture d’un commun accord

8-1 Rupture conventionnelle homologuée

Sommaire

L'absence de demande en annulation de la rupture conventionnelle et partant d'invocation de

moyens au soutien d'une telle demande, n'interdit pas au salarié d'exiger le respect par l'employeur

des dispositions de l'article L. 1237-13 du code du travail relatives au montant minimal de

l'indemnité spécifique d'une telle rupture.

Soc., 10 décembre 2014 Cassation

Arrêt n° 2298 FS - P+B

N° 13-22.134- C.A. Saint-Denis de la Réunion, 30 avril 2013

M. Frouin, Pt - M. Chollet, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, Av. Gén.

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Note :

La rupture conventionnelle est un mode autonome de rupture du contrat de travail créé par la loi n°

2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail qui a transposé l’accord

national interprofessionnel du 11 janvier 2008. Cette faculté de résiliation amiable du contrat de

travail, formalisée par une convention signée par les parties, est régie par les dispositions L. 1237-

11 à L. 1237-16 du code du travail qui visent, selon les termes de l’article L. 1237-11, « à garantir

la liberté du consentement des parties. »

Cette rupture est soumise à des conditions de forme et de fond imposées par la loi. L’article L.

1237-13, alinéa 1er

, du code du travail dispose en effet que « La convention de rupture définit les

conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle

qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 [l’indemnité de

licenciement]. »

C’est précisément à propos de cet article que la chambre sociale est saisie. En l’espèce, une salariée

et son employeur ont conclu un premier accord de rupture conventionnelle dont l’homologation a

été refusée par la direction du travail en raison du non-respect du délai de rétractation et du montant

de l’indemnité spécifique de rupture. Une seconde demande d’homologation, prévoyant le

versement d’une indemnité conventionnelle calculée sur la base d’une ancienneté de neuf mois et

donc non conforme aux dispositions de l’article L. 1237-13 du code du travail, a été accueillie par la

direction du travail.

La salariée a saisi la juridiction prud’homale pour contester le montant de cette indemnité de

rupture et obtenir le paiement d’une somme égale à l’indemnité légale de licenciement ainsi que des

dommages et intérêts.

La cour d’appel a débouté la salariée de ses demandes aux motifs qu’elle ne réclamait pas la nullité

du contrat ni ne démontrait qu’elle avait été victime d’une erreur ou que son consentement à

l'accord de rupture, tel qu'il avait été établi et adressé à l'inspection du travail, avait été obtenu par

dol ou violence.

A l’occasion de ce pourvoi, la chambre sociale était saisie d’une question inédite relative à

l’application de l’article L. 1237-13, alinéa 1er,

, du code du travail : un salarié est-il fondé à agir

pour demander le respect par l'employeur des dispositions du code du travail relatives au montant

minimal de l'indemnité spécifique d'une telle rupture, ou doit-il nécessairement, comme le juge la

cour d’appel, agir en nullité de la convention en rapportant la preuve d’un vice de consentement ?

Au visa de l’article précité et après avoir posé le principe selon lequel « la convention de rupture

définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture

conventionnelle qui ne peut être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 », la

chambre sociale décide que le salarié est fondé à saisir la juridiction prud’homale d’une demande

tendant à exiger le respect par l’employeur des dispositions relatives au montant de l’indemnité

spécifique de rupture conventionnelle, sans qu’il lui soit nécessaire de demander la nullité de la

convention signée en invoquant des moyens au soutien d’une telle demande.

Il en résulte que si le montant de l’indemnité minimale n’a pas été respecté, et ce, alors même que la

convention de rupture a été signée et homologuée, le salarié est fondé à agir en justice d’une

demande tendant à régulariser le manquement. Cette action en justice n’a pas à s’inscrire dans une

action en annulation de la convention de rupture, si l'intéressé ne souhaite pas remettre en cause le

principe de la rupture du contrat de travail. Le salarié doit néanmoins agir dans un délai de douze

mois à compter de la date d’homologation de la convention, conformément aux dispositions de

l’article L. 1237-14 du code du travail.

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G - ACTIONS EN JUSTICE

*Compétence judiciaire

Sommaire

Le litige né de la rupture de la relation de travail entre l’agent contractuel et le territoire des Terres

australes et antarctiques françaises, qui l’a engagé en qualité de contrôleur de pêche, relève de la

compétence de la juridiction judiciaire.

Soc., 2 décembre 2014 Cassation

Arrêt n° 2246 FS-P+B

N° 13-21.373- C.A. Saint-Denis de La Réunion, 28 août 2012

M. Frouin, Pt - Mme Sabotier , Rap. - M. Weissmann, Av. Gén.

Sommaire

Le juge de l'ordre judiciaire est compétent pour trancher un litige relatif à la procédure de

consultation préalable d’un comité d’entreprise ou d’un CHSCT institué dans un établissement

public administratif lorsque le projet ne tend pas à affecter directement l’organisation du service

public.

Doit en conséquence être censuré l’arrêt qui déclare incompétent le juge judiciaire au profit du juge

de l’ordre administratif pour connaître d’un tel litige, alors que, selon ses constatations, le projet

soumis à la consultation préalable du comité d'établissement et du CHSCT avait pour objet

l'organisation, les rattachements hiérarchiques et le mode de management de la direction générale

adjointe des services d'information de Pôle emploi, ce dont il résultait que n’était pas en cause une

décision relative à l’organisation ou au fonctionnement du service public de l'emploi dans ses

relations avec les usagers.

Soc., 16 décembre 2014 Cassation partiellement sans renvoi

Arrêt n° 2364 FS-P+B

N° 13-20.443- C.A. Paris, 25 mars 2013

M. Frouin, Pt - Mme Lambremon, Rap. - Mme Robert, Av. Gén.

Note :

Pôle Emploi est un établissement public créé par la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la

réforme de l’organisation du service public de l’emploi qui a fusionné l’ANPE, les ASSEDIC et

l’UNEDIC. Ce service public de l’emploi est régi par les dispositions L. 5311-1 et suivantes du

code du travail.

En application de l’article L. 5312-9 du code du travail qui dispose que « les règles relatives aux

relations collectives de travail prévues par la deuxième partie du présent code s’appliquent à tous

les agents de l’institution, sous réserve des garanties justifiées par la situation particulière de ceux

qui restent contractuels de droit public », un comité central, des comités d’établissement (CE) et

des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont été mis en place au sein

de cette institution nationale publique.

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En l’espèce, le comité d’établissement et le CHSCT de la direction générale adjointe des systèmes

d’information de Pôle emploi, estimant ne pas avoir été suffisamment informés à l’occasion de la

mise en place d’un projet de réorganisation de la direction, ont saisi le juge des référés du tribunal

de grande instance afin de faire constater l’irrégularité de la procédure d’information/consultation et

d’obtenir la suspension du projet en cause.

La direction générale adjointe des systèmes d’information de Pôle emploi a contesté la compétence

de la juridiction judiciaire, estimant que le projet de réorganisation portait sur l’organisation du

service public et relevait du juge administratif.

Par une ordonnance de référé, le tribunal de grande instance a fait droit à l’exception

d’incompétence soulevée par Pôle emploi. La cour d’appel a confirmé cette ordonnance au motif

que le projet en cause, qui « s’inscrit dans le processus de réorganisation du service public de Pôle

emploi consécutif à la création de Pôle emploi, à la suite le la fusion entre l’ANPE, l’ASSEDIC et

l’UNEDIC, constitue par son objet, une mesure d’organisation structurelle du service de l’emploi ;

qu’il en résulte que, malgré la soumission au droit du travail des relations entre Pôle emploi et les

institutions représentatives de son personnel, les litiges relatifs à l‘information et à la consultation

de ces institutions sur de tels projets sont de la compétence des juridictions administratives ».

Le présent pourvoi soulevait la question de la juridiction compétente pour connaître du litige relatif

à la consultation des institutions représentatives du personnel à l’occasion d’un projet de

réorganisation au sein d’un établissement public administratif : la cour d’appel avait-elle justement

attribué la compétence de ce litige à la juridiction administrative ?

La chambre sociale répond par la négative. Au visa du principe de la séparation des pouvoirs, de la

loi des 16-24 août 1790 ensemble les articles L. 5312-1, L. 5312-3 et L. 5312-9 du code du travail,

elle censure l’arrêt qui avait constaté que « le projet soumis à la consultation préalable du comité

d’établissement et du CHSCT avait pour objet l’organisation, les rattachements hiérarchiques et le

mode de management de la direction générale adjointe des services d’information » pour dire que

la décision envisagée était « une mesure d’organisation structurelle du service de l’emploi » et juger

que les litiges relatifs à la consultation des institutions représentatives sur de tels projets relèvent de

la compétence administrative.

La chambre sociale juge que, s’agissant de la nature ou de l’objet du projet de réorganisation, « la

décision envisagée ne se rapportait pas à l’organisation ou au fonctionnement du service public de

l’emploi dans ses relations avec les usagers », et qu’ainsi le litige relatif à cette décision relève de la

compétence des juridictions judiciaires.

Cet arrêt s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence dégagée par la Cour de cassation et le Tribunal

des conflits sur cette question.

Un arrêt rendu par la chambre sociale en 2007 à propos de l’établissement public industriel et

commercial chargé de la gestion du service public EDF-GDF a posé, pour la détermination de

l’ordre juridictionnel compétent, le principe suivant : « si le juge de l'ordre administratif est

compétent pour trancher un litige relatif à une procédure de consultation préalable du comité mixte

à la production lorsqu'est en cause une décision relative à l'organisation des services publics de

distribution d'énergie assurés par les établissements EDF et GDF, lesquels, en devenant des

sociétés commerciales en application de la loi du 9 août 2004, ont conservé leurs missions de

service public, c'est, en revanche, le juge judiciaire qui est compétent pour trancher un tel litige

lorsque la décision de réorganisation n'est pas de nature à affecter directement le service public de

distribution d'énergie. » (Soc., 16 mai 2007, pourvoi n° 06-13.044, Bull. 2007, V, n° 80).

Récemment, la chambre sociale a réaffirmé le principe selon lequel le juge administratif est

compétent lorsqu’est en cause une décision relative à l’organisation du service public, et le juge

judiciaire compétent lorsque la décision de réorganisation ne tend pas à affecter directement le

service public concerné (Soc., 10 juillet 2013, pourvoi n° 12-17.196, Bull. 2013, V, n° 187).

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En outre, l’institution de l’établissement public administratif Pôle emploi, à la suite de la loi de

2008, a donné naissance à plusieurs litiges tranchés par la Cour de cassation et le Tribunal des

conflits, les deux juridictions s’étant appliquées à reprendre le principe dégagé en 2007.

La chambre sociale a ainsi visé le principe selon lequel « le juge de l'ordre administratif est seul

compétent pour trancher un litige relatif à la procédure de consultation préalable des institutions

représentatives du personnel, lorsqu'est en cause une décision portant sur l'organisation du service

public », et considéré que tel est le cas des décisions de Pôle emploi, organisme public, relatives à la

mise en place de "sites mixtes" qui s'inscrivent dans le processus de réorganisation du service public

de l'emploi consécutif à la création de Pôle emploi, en vue d'assurer les services d'indemnisation et

de placement des demandeurs d'emploi, pour juger que le juge judiciaire est dès lors incompétent

pour statuer sur la régularité de la procédure de consultation du comité d'établissement et du

CHSCT (Soc., 5 janvier 2011, pourvoi n° 10-21.445, Bull. 2011, V, n° 5).

Le Tribunal des conflits a, quant à lui, jugé que « la mise en place de sites mixtes de l'institution

publique Pôle emploi et l'ouverture de nouveaux sites à destination des usagers constituent, par

leur objet, des mesures d'organisation du service public de l'emploi ; qu'il en résulte que,

nonobstant la soumission au droit du travail des relations entre Pôle emploi et les institutions

représentatives de son personnel, les litiges relatifs à l'information et à la consultation de ces

institutions sur de tels projets sont de la compétence des juridictions administratives. » (Tribunal

des conflits, 17 octobre 2011, Bull. 2011, T. conflits, n° 27).

*Mesures d’instruction

Sommaire

L’appréciation de la faute reprochée à un salarié protégé et dont le licenciement est envisagé

relevant de l’autorité administrative, l’action en nullité d’une expertise ordonnée en référé ou sur

requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile exercée à titre principal est

recevable lorsque la mesure est destinée à établir si le grief est fondé.

Soc, 2 décembre 2014 Cassation

Arrêt n° 2248 FS-P+B

N° 13-24.029 - C.A. Colmar, 12 avril 2013

M. Frouin, Pt – Mme Salomon, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén.

Note :

En l’espèce, un employeur avait obtenu du président du tribunal de grande instance, sur requête

fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, une ordonnance désignant un expert, afin de

déterminer par quels moyens un délégué syndical central et d’autres salariés avaient pu détourner

sur le réseau informatique interne certaines informations confidentielles qui ne leur étaient pas

destinées.

Cette expertise avait été complétée par une autre ordonnance et, sur recours du délégué syndical,

confirmée en appel, les modalités d’exécution de la mission de l’expert ayant été précisées pour

notamment garantir l’exercice du droit syndical.

Le délégué et son organisation syndicale avaient ensuite assigné la société à jour fixe devant le

tribunal de grande instance, afin qu’il prononce la nullité de l’ensemble des opérations déjà menées

par l’expert judiciaire en ce qu’elles portaient atteinte aux droits de la défense de l’intéressé.

Il avait par ailleurs été demandé aux juges de redéfinir, le cas échéant, cette mission d’expertise.

Le tribunal et la cour d’appel avaient considéré cette demande irrecevable.

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C’est contre l’arrêt confirmatif que le délégué syndical et sa fédération ont formé pourvoi.

Celui-ci posait la question suivante : la demande en nullité d’une expertise ordonnée sur le

fondement de l’article 145 du code de procédure civile doit-elle être formée dans le cadre de

l’instance sur le fond, lorsque l’expertise concerne un salarié protégé ?

L’article 145 du code de procédure civile dispose que “S’il existe un motif légitime de conserver ou

d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les

mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout

intéressé, sur requête ou en référé”.

Par ailleurs, aux termes de l’article 175 du même code, “La nullité des décisions et actes

d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité

des actes de procédure”.

La 2ème

chambre civile de la Cour de cassation juge que « l’exception tirée de la nullité du rapport

déposé par un expert désigné sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile doit être

soulevée dans l’instance au fond dans la perspective de laquelle la mesure d’instruction a été

ordonnée, et qu’une action en nullité du rapport d’expertise exercée à titre principal n’est pas

recevable » (2e Civ., 2 décembre 2004, pourvoi n° 02-20.205, Bull. 2004, II, n° 513).

Ce principe a-t-il toutefois vocation à s’appliquer lorsque, comme dans le cas d’espèce, le fond du

litige est de nature à relever, du moins en partie, de la compétence du juge administratif ?

Il sera à cet égard brièvement rappelé qu’aux termes des articles L. 2411-1-1° et L. 2411-2 du code

du travail, le délégué syndical bénéficie d’une protection contre le licenciement, lequel, en vertu de

l’article L. 2411-3 du même code, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.

Saisi d’une demande d’autorisation du licenciement d’un délégué syndical, l’inspecteur du travail

doit d’une part vérifier la réalité des faits fautifs invoqués et leur imputabilité au salarié concerné, et

d’autre part rechercher si ces faits constituent une faute d’une gravité suffisante pour justifier son

licenciement.

Un pouvoir d’annulation de la décision intervenue est reconnu au ministre du travail dans le cadre

d’un recours hiérarchique, et au juge administratif dans le cadre d’un recours contentieux.

La question posée doit ainsi être analysée à l’aune du principe de séparation des pouvoirs qui,

résultant de l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790, est mis en œuvre de façon constante par la

Cour de cassation.

La Haute juridiction juge que, aussi provisoires soient-elles, les ordonnances de référé n'en

constituent pas moins des décisions émanant d'une juridiction, et que l'intervention du juge des

référés ne saurait en conséquence échapper à la règle de la séparation des pouvoirs.

Aussi a-t-il été jugé que la compétence du juge des référés de l’ordre judiciaire est restreinte aux

litiges dont la connaissance appartient, quant au fond, aux juridictions du même ordre (1re

Civ., 10

janvier 1990, pourvoi n° 88-12.904, Bull. 1990, I, n° 13) ; en conséquence, s’il est compétent dès

lors que la connaissance du litige relève au fond du juge répressif, qui appartient au même ordre de

juridiction (1re

Civ., 17 décembre 2002, pourvoi n° 00-18.708, Bull. 2002, I, n° 307), il est en

revanche incompétent pour exercer un contrôle réservé à la seule autorité administrative et dont le

contentieux relève des juridictions administratives (Soc., 10 janvier 1980, pourvoi n° 78-15.601,

Bull. 1980, V, n° 35 ; Soc., 17 mai 2011, pourvoi n° 10-15.577, Bull. 2011, V, n° 112).

En l'espèce, les juges d'appel avaient déclaré irrecevable la demande d'annulation des opérations

d'expertise formée par le salarié, au motif que la nullité de l'expertise ordonnée sur requête ou en

référé ne pouvait être soulevée que dans l'instance au fond en vue de laquelle la mesure d'instruction

avait été prescrite. Or, il résulte du principe de séparation des pouvoirs que l’autorité administrative,

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chargée d’apprécier la faute reprochée au salarié protégé dans le cadre d’une demande

d’autorisation de licenciement, ne peut examiner une demande d’annulation d’une expertise

ordonnée sur requête ou en référé par le juge judiciaire.

La solution énoncée par la cour d'appel avait donc pour conséquence concrète de priver les parties

de toute contestation des opérations d'expertise.

La chambre sociale se démarque en l’espèce de la solution édictée dix ans plus tôt par la 2ème

chambre civile, par une décision rendue au visa de l'article 175 du code de procédure civile et de la

loi des 16-24 août 1790.

Elle relève que l'inspecteur du travail, s'il était saisi d'une demande d'autorisation de licenciement

du délégué syndical, aurait pour tâche d'apprécier le bien fondé du grief formulé à son encontre, en

l'occurrence les faits de détournement d'informations confidentielles sur le réseau informatique de

l'entreprise. La mesure d’instruction ayant été ordonnée en vue d'établir si ce grief était ou non

fondé, les conclusions du rapport seraient donc essentielles à l’autorité administrative pour fonder

sa décision. Partant, il serait nécessaire que la contestation sur le rapport d’expertise soit éteinte.

En conséquence et compte tenu du lien entre l'objet de l'expertise et l'office de l'autorité

administrative, il y avait lieu de déclarer recevable l'action en nullité du rapport d'expertise

diligentée à titre principal devant le juge civil et de casser la décision d'appel qui en avait, à tort,

limité l'exercice.

*Syndicat -droit d’action

Sommaire

Si les salariés engagés à durée déterminée peuvent seuls agir devant le juge prud’homal en vue

d’obtenir la requalification de leurs contrats en contrats à durée indéterminée, les syndicats ont

qualité pour demander au juge d’instance, juge de l’élection, que les contrats de travail soient

considérés comme tels s’agissant des intérêts que cette qualification peut avoir en matière

d’institutions représentatives du personnel et des syndicats, notamment pour la détermination des

effectifs de l’entreprise.

Soc, 17 décembre 2014 Cassation partielle

Arrêt n° 2390 FS-P+B

Nos

14-13.712 et 14-60.511 - T.I. Pointe-à-Pitre, 28 février 2014

M. Frouin, Pt - Mme Sabotier, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén.

Note :

Un syndicat avait saisi le tribunal d’instance afin qu’il détermine, dans un contexte de négociation

préélectorale, les effectifs réels de l’entreprise. Il avait notamment été demandé au tribunal de

requalifier, du fait de leur irrégularité, certains contrats de travail à durée déterminée en contrats de

travail à durée indéterminée et d’en tirer toutes conséquences en termes de décompte des effectifs.

L’article L. 1111-2 du code du travail conduit en effet à distinguer les salariés titulaires d’un contrat

de travail à durée indéterminée et ceux titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée pour le

calcul des effectifs de l’entreprise.

L’employeur avait soulevé in limine litis une exception d’incompétence, faisant valoir que seul le

conseil de prud’hommes, juge du contrat de travail, pouvait être saisi d’une demande de

requalification des contrats à durée déterminée en contrats de droit commun et qu’au surplus, un

syndicat n’avait pas qualité pour élever une telle prétention.

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Le juge d’instance avait rejeté l’exception d’incompétence, fixé l’effectif de l’entreprise à plus de

500 salariés et invité l’employeur à rouvrir les négociations préélectorales, celles-ci ayant par deux

fois échoué.

C’est contre cette décision que l’entreprise a formé pourvoi.

L’article L. 1245-1 du code du travail énumère les irrégularités pouvant entraîner la requalification

d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée. Le texte

suivant énonce que la demande de requalification est portée directement devant le bureau de

jugement du conseil de prud’hommes.

Concernant l’auteur de la demande, la chambre sociale juge que les dispositions relatives au contrat

de travail à durée déterminée ayant été édictées dans un souci de protection du salarié, seuls ce

dernier, et l’AGS dans le cas précis de la fraude, peuvent se prévaloir de leur inobservation (Soc.,

19 mai 1998, pourvoi n° 95-45.575, Bull. 1998, V, n° 267 ; Soc., 7 avril 2004, pourvoi n° 02-

40.231, Bull. 2004, V, n° 106). Il en résulte que l’employeur ne peut exercer l’action en

requalification (Soc., 13 février 1991, pourvoi n° 87-44.303, Bull. 1991, V, n° 70) et que le juge

prud’homal ne saurait requalifier d’office la relation contractuelle en contrat de travail à durée

indéterminée (Soc., 30 octobre 2002, pourvoi n° 00-45.572, Bull. 2002, V, n° 332 ; Soc., 20 février

2013, pourvoi n° 11-12.262, Bull. 2013, V, n° 45).

La compétence exclusive du conseil de prud’hommes pour connaître des contestations relatives au

contrat de travail peut cependant se heurter à un principe général de procédure civile, dicté par la

nécessité d’éviter une dispersion des contentieux.

En effet, si le tribunal d’instance est bien le juge des élections professionnelles, celles-ci peuvent

l’amener à se prononcer sur des questions relevant initialement de la compétence d’une autre

juridiction. En application du principe “le juge de l’action est le juge de l’exception”, la

jurisprudence reconnaît au juge d’instance, saisi d’une contestation en matière électorale, le pouvoir

de se prononcer sur la nature ou l’existence même du contrat de travail, dès lors que cette question

est directement en lien avec celle des élections professionnelles.

La chambre sociale juge en effet que le tribunal d’instance, juge de l’action, étant compétent en

dernier ressort pour apprécier si le demandeur remplissait les conditions nécessaires pour être

électeur, l’est également pour déterminer, par voie d’exception, l’existence à cette date du contrat de

travail de l’intéressé en vue de se prononcer sur son électorat (Soc., 8 avril 1992, pourvoi n° 91-

60.250, Bull. 1992, V, n° 262 ; Soc., 8 février 2012, pourvoi n° 11-14.802, Bull. 2012, V, n° 60 (2)).

Dans cette même optique, il a compétence pour statuer, par voie d’exception, sur le caractère à

durée déterminée ou indéterminée du contrat de travail de l’intéressé (Soc., 27 mai 1987, pourvoi n°

84-12.670, Bull. 1987, V, n° 346), étant précisé qu’a été admise la demande de requalification de

contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet émanant d’un syndicat

(Soc., 5 juillet 2000, pourvoi n° 99-60.241).

La décision rendue en l’espèce par la chambre sociale s’inscrit dans la continuité de cette

jurisprudence qui reconnaît au juge électoral une très large compétence de principe.

Si le tribunal d’instance, juge de l’action, est compétent pour fixer l’effectif de l’entreprise à

prendre en compte pour l’élection, il l’est également pour déterminer, par voie d’exception, la

nature des contrats de travail des salariés. Le juge d’instance ne répondant qu’à une demande bien

précise tenant au décompte des effectifs de l’entreprise, les salariés concernés demeurent libres

d’agir à titre individuel devant le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la requalification de leur

contrat de travail.

La chambre sociale énonce par ailleurs que la qualité à demander la requalification devant le juge

électoral n’est pas réservée au seul salarié. Dans la mesure où le syndicat a qualité pour contester le

décompte des effectifs de l’entreprise, il a nécessairement qualité pour demander au juge électoral

de se prononcer sur la nature des contrats, compte tenu de l’importance de cette qualification au

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regard de la détermination des effectifs et plus généralement de l’intérêt qu’elle présente en termes

d’institutions représentatives du personnel.

Devait en conséquence être approuvé le tribunal d’instance qui, sur demande du syndicat, avait

procédé à un examen des contrats litigieux, et procédé à un décompte des effectifs intégrant les

requalifications opérées.

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