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Méthodologie de la recherche Marie-Laure Gavard-Perret, David Gotteland, Christophe Haon, Alain Jolibert ISBN : 978-2-7440-7241-3 Chapitre 1 - Inscrire son projet de recherche dans un cadre épistémologique Complément 1 La science moderne (p. 9) La science qualifiée de moderne est celle qui a succédé à la science de la Renaissance. Dans l’histoire des sciences, une page se tourne à la fin du XVI e siècle. Cette science dite moderne trouve ses fondements d’une part dans les travaux de Galilée en astronomie et dans ceux de Descartes en philosophie et en physique et, dans une certaine mesure d’autre part, dans la relecture d’auteurs anciens comme Platon, qui vont inspirer les réflexions et méthodologies de savants et philosophes célèbres au XVII e siècle. Cette période sera particulièrement prolifique en avancées scientifiques de toutes sortes grâce aux travaux et découvertes de Newton, Leibniz, Boyle ou Huygens par exemple. La remise en cause des modes de pensée de la science antique, et notamment de la « scolastique aristotélicienne » 1 , est en œuvre malgré les obstacles et condamnations qui cherchent à la freiner (en particulier de la part des religieux puisque la connaissance du monde était auparavant largement liée au divin et au religieux). La science moderne a pour ambition, par une approche rationnelle, basée selon les époques soit sur une démarche déductive allant du général au particulier, soit sur une démarche inductive partant du particulier pour établir des connaissances générales unifiées, de s’affranchir de la métaphysique traditionnelle. La science moderne est, pendant longtemps, avant tout science naturelle. Complément 2 Karl Raimund Popper, épistémologue de renom (p. 11) Né en 1902 en Autriche, diplômé en philosophie mais enseignant en mathématiques et physique au début de sa carrière, il se caractérise surtout par son immense curiosité intellectuelle qui le fera, par exemple, hésiter entre une carrière artistique et une carrière scientifique. Engagé politiquement, ayant vécu dans différents pays d’Europe ainsi qu’en Nouvelle-Zélande, il présenta des conférences dans le monde entier. Il prendra finalement la nationalité britannique et sera anobli par la Reine d’Angleterre en 1965. Popper a obtenu les plus grandes distinctions aux quatre coins du monde : Royal Society, British Academy, Institut de France, London School of Economics, American Political Science Association, Austrian Grand Decoration of Honour in Gold, etc. Il est mort à Londres en 1994. Bien qu’ayant eu de nombreuses relations avec le fameux Cercle de Vienne dont Carnap et Neurath furent les figures emblématiques, il n’en fit jamais réellement partie. Partageant le même intérêt pour les questions épistémologiques, Popper s’en distingua cependant par sa critique de l’empirisme logique revendiqué par les fondateurs du Cercle de Vienne. 1 Enseignement de la philosophie (en lien étroit avec la théologie car sous le poids des dogmes religieux) sur la base des textes anciens, en particulier d’Aristote, et sur la seule connaissance livresque. © 2008 Pearson Education France – Méthodologie de la recherche, compléments du chapitre 1

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Méthodologie de la recherche Marie-Laure Gavard-Perret, David Gotteland, Christophe Haon, Alain Jolibert ISBN : 978-2-7440-7241-3

Chapitre 1 - Inscrire son projet de recherche dans un cadre épistémologique Complément 1 La science moderne (p. 9) La science qualifiée de moderne est celle qui a succédé à la science de la Renaissance. Dans l’histoire des sciences, une page se tourne à la fin du XVIe siècle. Cette science dite moderne trouve ses fondements d’une part dans les travaux de Galilée en astronomie et dans ceux de Descartes en philosophie et en physique et, dans une certaine mesure d’autre part, dans la relecture d’auteurs anciens comme Platon, qui vont inspirer les réflexions et méthodologies de savants et philosophes célèbres au XVIIe siècle. Cette période sera particulièrement prolifique en avancées scientifiques de toutes sortes grâce aux travaux et découvertes de Newton, Leibniz, Boyle ou Huygens par exemple. La remise en cause des modes de pensée de la science antique, et notamment de la « scolastique aristotélicienne »1, est en œuvre malgré les obstacles et condamnations qui cherchent à la freiner (en particulier de la part des religieux puisque la connaissance du monde était auparavant largement liée au divin et au religieux). La science moderne a pour ambition, par une approche rationnelle, basée selon les époques soit sur une démarche déductive allant du général au particulier, soit sur une démarche inductive partant du particulier pour établir des connaissances générales unifiées, de s’affranchir de la métaphysique traditionnelle. La science moderne est, pendant longtemps, avant tout science naturelle.

Complément 2 Karl Raimund Popper, épistémologue de renom (p. 11) Né en 1902 en Autriche, diplômé en philosophie mais enseignant en mathématiques et physique au début de sa carrière, il se caractérise surtout par son immense curiosité intellectuelle qui le fera, par exemple, hésiter entre une carrière artistique et une carrière scientifique. Engagé politiquement, ayant vécu dans différents pays d’Europe ainsi qu’en Nouvelle-Zélande, il présenta des conférences dans le monde entier. Il prendra finalement la nationalité britannique et sera anobli par la Reine d’Angleterre en 1965. Popper a obtenu les plus grandes distinctions aux quatre coins du monde : Royal Society, British Academy, Institut de France, London School of Economics, American Political Science Association, Austrian Grand Decoration of Honour in Gold, etc. Il est mort à Londres en 1994. Bien qu’ayant eu de nombreuses relations avec le fameux Cercle de Vienne dont Carnap et Neurath furent les figures emblématiques, il n’en fit jamais réellement partie. Partageant le même intérêt pour les questions épistémologiques, Popper s’en distingua cependant par sa critique de l’empirisme logique revendiqué par les fondateurs du Cercle de Vienne.

1 Enseignement de la philosophie (en lien étroit avec la théologie car sous le poids des dogmes religieux) sur la base des textes anciens, en particulier d’Aristote, et sur la seule connaissance livresque.

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Complément 3 Les limites d’une conception des sciences de gestion selon le modèle de la mécanique rationnelle (p. 12) « Les sciences de gestion, nées tardivement, ont cru obtenir une légitimité et une reconnaissance scientifiques en adhérant, souvent sans précaution, à des principes épistémologiques et méthodologiques forgés pour la mécanique rationnelle ou pour une inquiétante "physique sociale" […] Elles tardent à admettre ce que Bachelard énonçait dès 1934 : "le déterminisme scientifique se prouve sur des phénomènes simplifiés et solidifiés." Encore plus à intégrer les théorèmes d'incomplétude de Gödel et Tarski, la relation d'incertitude d'Heisenberg, la complémentarité des idées contraires de Bohr. Elles auraient évidemment tort de ne pas calculer, mathématiser et donc réduire et disjoindre, lorsque les objets et les intentions de recherche s'y prêtent, comme ce peut être le cas pour certaines questions de finance de marché, de gestion de production ou de comportement du consommateur. Elles gagneraient, en revanche, à être à la fois plus prudentes et plus ambitieuses, plus ouvertes et plus créatrices lorsque l'application systématique de ces méthodes détruit l'objet et "a fortiori", le projet de recherche comme cela risque de se passer en stratégie, management, organisation, entrepreneuriat, marketing industriel et de services... Bref, des domaines où la complexité règne et constitue la raison d'être même des disciplines qui s'y consacrent. » [Martinet (2003), in « Note de lecture à propos de l’ouvrage de E. Morin et Le J.-L. Moigne », L'Intelligence de la Complexité, L'Harmattan, 1999, sur le site : http://mcxapc.org/cahier.php?a=display&ID=331]

Complément 4 Un discours sur la méthode scientifique sera toujours un discours de circonstance (p. 13) « Un des chimistes contemporains qui a mis en œuvre les méthodes scientifiques les plus minutieuses et les plus systématiques, M. Urbain, n'a pas hésité à nier la pérennité des méthodes les meilleures. Pour lui, il n'y a pas de méthode de recherche qui ne finisse par perdre sa fécondité première. Il arrive toujours une heure où l'on n'a plus intérêt à chercher le nouveau sur les traces de l'ancien, où l'esprit scientifique ne peut progresser qu'en créant des méthodes nouvelles. Les concepts scientifiques eux-mêmes peuvent perdre leur universalité. Comme le dit M. Jean Perrin : "Tout concept finit par perdre son utilité, sa signification même, quand on s’écarte de plus en plus des conditions expérimentales où il a été formulé." Les concepts et les méthodes, tout est fonction du domaine d'expérience ; toute la pensée scientifique doit changer devant une expérience nouvelle ; un discours sur la méthode scientifique sera toujours un discours de circonstance, il ne décrira pas une constitution définitive de l'esprit scientifique. » [G. Bachelard, Le Nouvel esprit scientifique, 1934/1978, p. 139]

Complément 5 Éléments fondamentaux du paradigme scientifique des Sciences de la Nature et de la philosophie positive selon Auguste Comte (p. 14) Pour Auguste Comte, il existe deux sortes de sciences naturelles : celles qui sont « abstraites et générales » et sur lesquelles Comte préconise de centrer son attention et qu’il qualifie de « fondamentales », et les autres, « concrètes, particulières, descriptives » et qui ne sont concernées que par l’application à des êtres particuliers des lois et règles générales élaborées par les sciences fondamentales. Pour illustrer son propos, il prend l’exemple de la différenciation à instaurer entre la physiologie générale d’une part, et la zoologie ou la botanique d’autre part, les secondes n’étant considérées que comme des applications particulières des lois de la vie découvertes par la première. À partir du degré d’abstraction, de généralité et de simplicité des phénomènes étudiés, Comte établit un classement des sciences, les « fondamentales », les seules auxquelles il convient de s’intéresser : la mathématique, l’astronomie, la physique, la chimie, la physiologie, et enfin la physique sociale.

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Sa doctrine positiviste est toute entière basée sur les principes suivants : « L'esprit humain reconnaissant l'impossibilité d'obtenir des notions absolues, renonce à chercher l'origine et la destination de l'univers, et à connaître les causes intimes des phénomènes, pour s'attacher uniquement à découvrir, par l'usage bien combiné du raisonnement et de l'observation, leurs lois effectives, c'est-à-dire leurs relations invariables de succession et de similitude. L'explication des faits, réduite alors à ses termes réels, n'est plus désormais que la liaison établie entre les divers phénomènes particuliers et quelques faits généraux dont les progrès de la science tendent de plus en plus à diminuer le nombre. » [A. Comte, Cours de philosophie positive 1re et 2e leçons, disponibles en ligne sur : http://classiques.uqac.ca/classiques/Comte_auguste/cours_philo_positive/cours_philo_pos_1_2.pdf et dans le cadre de la collection « Les classiques des sciences sociales » sur le site : http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html]

Complément 6 Herbert Alexander Simon et les Sciences de l’artificiel (p. 16) La première publication du paradigme des Sciences de l’Artificiel a eu lieu en 1969 dans un ouvrage intitulé The Sciences of the Artificial. Celui-ci a rapidement été traduit dans de nombreuses langues. Deux éditions complémentaires de cet ouvrage (1981 et 1996) développent plus avant certains aspects de cette conceptualisation. Un ouvrage édité à la mémoire de Simon par M. Augier et J.-G. March, qui comprend les contributions de 40 chercheurs éminents parmi lesquels Kenneth Arrow, William Baumol, William Cooper, Gerd Gigerenzer, Daniel Kahneman, David Klahr, Franco Modigliani, Paul Samuelson, et Vernon Smith met bien en perspective diverses contributions majeures de Simon. Malgré cela, « la révolution silencieuse d’Herbert Simon », selon l’heureuse expression du biologiste belge W. Callebaut (2007, p. 76-86), n’a probablement pas encore été appréhendée dans toute son ampleur, notamment en ce qui concerne sa conceptualisation du paradigme des sciences de l’artificiel. Ainsi, par exemple, ni dans l’ouvrage coordonné par Augier et March évoqué ci-dessus, ni dans le dossier constitué par la Revue Française de Gestion (1993), « Herbert Simon, L’homme qui pose les bonnes questions », ne trouve-t-on de référence à ce paradigme. Il en va de même dans la riche présentation que Vandangeon-Derumez (2002) offre des contributions d’Herbert Simon aux sciences de gestion. Si celle-ci rappelle que les travaux de Simon (seul ou avec March) constituent une des références principales dans la recherche en sciences de gestion, la seule mention faite aux sciences de l’artificiel apparaît dans les critiques développées par Sfez (1990) de certains travaux de Simon concernant les processus de décision, critiques auxquelles Simon (1986) a d’ailleurs répondu. [M. Augier, J.-G. March, (2004), Models of a Man, Essays in Memory of Herbert A. Simon, Cambridge, MIT Press. W. Callebaut, « Herbert Simon’s Silent Revolution » Biological Theory, 2(1), 2007, p. 76-86. I. Vandangeon-Derumez , « Herbert A. Simon – Les limites de la rationalité : contraintes et défis », in S. Charreire et I. Huault, Les Grands Auteurs en Management, Paris, EMS, 2002. L. Sfez, Critique de la communication, Paris, Seuil, 1990. Simon H.A. (1986), « Une réponse à L. Sfez », in A. Demailly, J.-L. Le Moigne (éds.), Sciences de l’intelligence, sciences de l’artificiel, Presses universitaires de Lyon, p. 697-698.]

Complément 7 Le paradigme positiviste (p. 21) Le positivisme est fortement associé aux travaux d’Auguste Comte, philosophe français du XIXe siècle issu de l’École polytechnique et généralement considéré comme étant celui qui a introduit la sociologie. Pourtant le terme avait déjà été utilisé avant par d’autres, et notamment Saint-Simon qui inspira beaucoup l’œuvre de Comte. Le positivisme érige en canons absolus de la science les canons des sciences positives, autrement dit des sciences « exactes ». Ce courant épistémologique érige le réalisme, ainsi que la recherche du vrai par l’étude de faits au moyen de méthodes qui visent à situer le chercheur en position d’extériorité par rapport à l’objet de son étude, de manière à assurer son objectivité et sa neutralité, en pierres angulaires de la démarche scientifique, contestant

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ainsi la place des connaissances a priori dans le processus scientifique. Compte-tenu des hypothèses fondatrices de ce courant paradigmatique, certaines sciences apparaissent comme « meilleures » que d’autres car plus à même de respecter les règles du positivisme. Une sorte de classement des sciences est ainsi instauré, plaçant les mathématiques en tête comme cela est évoqué dans le complément 5. D’autres auteurs, comme Mill par exemple, s’inscriront dans les pas de Comte et préciseront certains aspects du paradigme positiviste.

Complément 8 Éléments du célèbre Discours de la Méthode de René Descartes (1637) (p. 22) Dans la Méthode cartésienne – c'est-à-dire proposée par Descartes – il s’agit d’identifier « les longues chaînes de raisons toutes simples et faciles qui assurent que chaque effet est produit par quelque cause, que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes s’entresuivent en même façon, et que, pourvu seulement qu’on s’abstienne d’en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu’on garde toujours l’ordre qu’il faut pour les déduire les unes des autres, il n’y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu’on ne découvre ». Rappelons que pour Descartes le but de la science est de se rendre « maître et possesseur de la nature ».

Complément 9 Le fondement épistémologique constructiviste radical des sciences de l’artificiel (p. 26) Les sciences de l’artificiel, tout comme le paradigme épistémologique constructiviste radical, s’intéressent à la construction d’artefacts façonnés par des humains, plutôt qu’au dévoilement de mécanismes stables, cachés, supposés régir leur fonctionnement. Pareillement, tout comme le paradigme épistémologique constructiviste radical postule l’importance de l’expérience du réel comme source de connaissance, Simon (1989 : 127) attribue un rôle crucial à l’investigation empirique et à l’expérience dans la construction de connaissances : « Dans tous les domaines d’investigation humaine (y compris les mathématiques), l’investigation empirique va main dans la main avec la construction et la mise à l’épreuve d’une théorie. » En précisant dans une note de bas de page « une "théorie" ne se limite pas à ces choses qui peuvent être démontrées formellement – comme étant distinctes de celles qui se vérifient de manière empirique. Les lecteurs peuvent être surpris que j’inclue les mathématiques – et la philosophie sur ce point – dans mon propos. Mais il suffit de se rappeler les milliers d’heures que des géants comme Euler et Newton ont passé à "jouer" avec des nombres dans leur quête de théorèmes dans les domaines de la théorie des nombres et de l’arithmétique combinatoire pour reconnaître à quel point l’investigation empirique avait joué un rôle important dans le développement des mathématiques. » De plus, les investigations empiriques de Simon dans le domaine de l’intelligence artificielle, au cours desquelles il demandait aux participants de verbaliser leurs processus de réflexion et d’action, indiquent qu’il tenait certainement la formation de représentations symboliques de l’expérience humaine pour connaissable (au sens du paradigme constructiviste radical). Les notions de symbole et de représentation sont d’ailleurs centrales dans la conceptualisation des sciences de l’artificiel par Simon : « Les systèmes de symboles sont pratiquement des artefacts quintessentiels, parce que leur adaptabilité à un environnement est leur seule raison d’être. » (Simon 1996 : 22, en français dans le texte). En outre, pour cet auteur, la connaissance s’exprime sous la forme de représentations adaptées à notre expérience et constituent le substrat sur lequel nous raisonnons : « Toute entreprise de résolution de problème doit commencer par la création d’une représentation du problème, autrement dit d’un espace de problème dans lequel la recherche de la solution pourra s’exercer. Bien sûr pour la plupart des problèmes que nous rencontrons dans nos vies quotidiennes, personnelles ou professionnelles, nous récupérons simplement dans notre mémoire une représentation que nous avons déjà utilisée dans une situation précédente et mémorisée. […] Il arrive pourtant parfois que nous rencontrions une situation qui ne semble pas pouvoir s’ajuster aux espaces de problèmes que nous avons rencontrés précédemment, même en les étendant et en les transformant. Nous sommes alors confrontés à une tâche de découverte/invention qui peut être aussi considérable que celle de la recherche d’une nouvelle loi naturelle. Si Newton put découvrir la loi de la gravitation, c’est parce qu’il avait précédemment trouvé un nouveau mode de représentation, le calcul différentiel. […]. La plupart du temps, les problèmes de représentation sont de difficulté intermédiaire entre la simple adaptation d’une représentation connue et l’invention d’un nouveau mode de représentation. » (Simon 1996 : 108).

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En conséquence, pour Simon, les représentations que nous construisons de notre expérience d’une situation, de même que les autres artefacts que nous construisons, dépendent à la fois du but visé par cette construction de représentation (autrement dit, de la manière dont nous avons formulé le problème à résoudre) et du contexte spécifique dans lequel s’inscrit cette construction de représentation (en particulier de la disponibilité en mémoire de représentations fonctionnellement adaptées au problème à résoudre). On retrouve ainsi les termes des hypothèses du paradigme constructiviste radical selon lesquelles la construction de représentations est orientée par la finalité de l’action cognitive de construction effective d’une représentation. De même, soulignant l’importance que des "considérations intrinsèques" ont sur nos processus de représentation de nos perceptions d’expériences présumées "extrinsèques", Simon regrettait que : « Nous avons l’habitude de nous représenter le scientifique comme observant de façon extrinsèque l’état du monde, et non pas son travail d’observation comme faisant partie de l’état du monde de façon intrinsèque. » (1977 : 23 note de bas de page n°2). Autrement dit, pour Simon, nos observations du monde expriment notre expérience du monde, plutôt que l’état du monde tel qu’il est éventuellement en lui-même : l’observation ne peut pas être séparée du système observant (Foerster 1981). Par conséquent, il semble légitime de conclure que les hypothèses du paradigme épistémologique constructiviste radical semblent cohérentes avec la manière dont Simon a conceptualisé les sciences de l’artificiel, même s’il ne l’a jamais exprimé aussi ouvertement. Il a plutôt utilisé l’expression épistémologie empirique (Simon 1989) – probablement en référence à l’empirisme radical de William James (1912/1976) – pour décrire son positionnement épistémologique faisant jouer un rôle central à l’investigation empirique. [H.-A. Simon , « Epistemology: Formal and empirical », in W. Sieg (ed), Acting and reflecting: The Interdisciplinary Turn in Philosophy, Dordrecht, Kluwer, 1989, p. 127-128. H.-A. Simon , The sciences of the artificial, 3rd ed., Cambridge, MIT Press, 1996. H.-A., Models of discovery, Boston, Reidel, 1977. H. Foerster von, Observing systems, Seaside CA, Intersystems, 1981. H.-A., « Epistemology: Formal and empirical », in W. Sieg (ed), Acting and reflecting: The Interdisciplinary Turn in Philosophy, Dordrecht, Kluwer, 1989 p. 127-128.]

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Complément 10 Exemple de cadre méthodologique pour une recherche abductive (p. 32)

Savoirs locauxSavoirs locaux

Chercheurs Praticiens

Construction

Conceptualisationapprofondissement

amendement,

ouinon

Légitimation supplémentaire

ouinon

Congruence ?

oui

Résultats satisfaisants?

Praticiens concernés

CommunicationActivation en contexte

Communautés académiques

Reconnaissance?

Savoirs enseignables

publiés

Savoirs enseignables

publiés

Organisations diverses

Nouveaux savoirs

Poursuite de la recherche

non

Légi

timat

ion

supp

lémen

taire

Poursuite de la recherche

Vide théorique

Savoirs génériques

Savoirs génériques

Figure 1 : Représentation schématique d’une démarche abductive pour l’élaboration de savoirs génériques* tirant parti de l’expérience de praticiens (tirée de Avenier, 2008) * Étant données les hypothèses fondatrices des paradigmes épistémologiques constructivistes, la généralisation dans ces paradigmes ne peut pas être conçue comme une généralisation horizontale visant l’élaboration de principes universaux valables dans tout contexte. Elle consiste plutôt en une généralisation verticale, par conceptualisation de propositions et de principes génériques qui transcendent le contenu des savoirs locaux élaborés. Les savoirs génériques s’expriment sous la forme de méta-modèles, d’idéaux-types, de configurations, de grilles d’interprétation, etc. Ils présentent ainsi une particularité importante : leur mise en œuvre – appelée dans la figure 1 activation en contexte – exige une reconstruction de leur sens en fonction des spécificités du contexte particulier dans lequel ils seront mis en œuvre. La démarche abductive représentée dans la figure 1 s'articule autour de cinq processus interconnectés, à savoir : conception du canevas de la recherche, construction de savoirs locaux, élaboration de savoirs génériques, communication de savoirs génériques, activation de savoirs génériques dans des organisations intéressées à les mettre en œuvre et/ou à l’épreuve. Dans la figure 1, ces processus sont symbolisés par des ellipses positionnées sur des flèches, à l’exception du processus d’élaboration du canevas de la recherche, qui n’apparaît pas du tout sur la figure pour en favoriser la lisibilité. De fait, dans une représentation antérieure de ce cadre (Avenier, 2007, p. 154), ce processus était représenté par une ellipse englobant tous les autres processus. Le caractère englobant de cette ellipse était destiné à communiquer deux messages : d’une part, que le canevas de la recherche peut continuer à évoluer tout au long de la recherche, et d’autre part qu’un projet de recherche peut être enclenché à partir de n'importe lequel des processus – par exemple par l'activation de savoirs génériques existants, dans le cadre d’une recherche de © 2008 Pearson Education France – Méthodologie de la recherche, compléments du chapitre 1

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type recherche-intervention (David 2000). Comme cette grosse ellipse rendait la compréhension de la figure plus difficile, elle a été supprimée sur ce nouveau schéma. L’encadré 1.7 (p. 32 de l’ouvrage) illustre un exemple de canevas de recherche pour une recherche abductive. M.-J. Avenier, « Une démarche méthodologique pour l’enrichissement réciproque entre pratique et théorie », in D. Alis, A. Desreumaux, P. Louart (eds.), Le partage des connaissances managériales entre chercheurs et praticiens, Vuibert, Paris, 2008. M.-J. Avenier, « Repères pour la transformation d’expérience en science avec conscience », in M-J. Avenier, C. Schmitt (dirs.), La Construction de Savoirs pour l'Action, L'Harmattan, 2007, p. 140-170. A. David, « La recherche-intervention, cadre général pour la recherche en management ? », in A. David, A. Hatchuel, R. Laufer, Les nouvelles fondations des sciences de gestion, Paris, Vuibert, 2000 p. 193-213.

Complément 11 L’inscription du paradigme des Sciences de l’artificiel (Simon, 1969) dans Le Nouvel esprit scientifique (Bachelard, 1934) Ce complément vise à apporter diverses précisions sur la filiation entre le paradigme des Sciences de l’artificiel et Le Nouvel esprit scientifique. Simon a beaucoup insisté sur le caractère contingent des phénomènes artificiels qui soulèvent un problème essentiel, celui de montrer comment des propositions empiriques peuvent effectivement être élaborées sur des systèmes qui, dans des circonstances différentes, peuvent être autres que ce qu’ils sont (voir citation exacte dans le point 2.2 du manuel, p. 16). Cette caractéristique des phénomènes organisationnels fait écho à l’idée de Bachelard de faire passer la raison du « pourquoi » au « pourquoi pas ? ». Bachelard écrit ainsi : « Nous mettrons en évidence une sorte de généralisation polémique qui fait passer la raison du pourquoi au pourquoi pas » et ajoute : « Nous montrerons qu’à l’ancienne philosophie du comme si succède, en philosophie scientifique, la philosophie du pourquoi pas. » (ibid., p. 10-11, surlignés dans l’original) Par ailleurs, l’intérêt particulier que Simon a porté à la conception d’artefacts évolutifs dans sa conceptualisation des sciences de l’artificiel et au rôle essentiel joué par les buts et les intentions du chercheur dans ces sciences peut être rapproché de l’idée de Bachelard selon laquelle « la phénoménologie* scientifique s’instruit par ce qu’elle construit » (Bachelard, 1934 p. 17). Il peut aussi être rapproché de argumentation que Bachelard développe sur le rôle du projet dans toute connaissance scientifique : « Au-dessus du sujet, au-delà de l’objet, la science moderne se fonde sur le projet. Dans la pensée scientifique, la méditation de l’objet par le sujet prend toujours la forme du projet. » (ibid., p. 15) Bachelard a aussi perçu l’importance de ce que Simon appellera en 1989 « l’épistémologie empirique » dans toute recherche, même celles qui paraissent totalement abstraites telles que la recherche mathématique : « on ne tarde pas à s’apercevoir qu’il y a dans l’activité mathématique plus qu’une organisation formelle de schèmes, et que toute idée pure est doublée d’une application psychologique, d’un exemple qui fait office de réalité. […] [Le travail mathématicien] provient toujours d’une extension d’une connaissance prise sur le réel et que dans les mathématiques mêmes, la réalité se manifeste en sa fonction essentielle : faire penser. » (Simon, 1989, p. 8-9) *La phénoménologie selon Husserl prend pour point de départ l'expérience en tant qu'intuition sensible des phénomènes. Bachelard met ainsi en avant l’importance de l’action pratique pour informer l’intuition sensible. H.-A. Simon, The sciences of the artificial, Cambridge, MIT Press, 1969. G. Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, Paris, PUF, 1934. H.-A. Simon « Epistemology: Formal and empirical », 1989 W. Sieg (ed), Acting and reflecting: The Interdisciplinary Turn in Philosophy, Dordrecht, Kluwer, 1989 p. 127-128.

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Chapitre 3 – Collecter les données : l’enquête Complément 1 Bref descriptif de l’entretien directif (p. 90) L’entretien directif se déroule sous la forme d’une succession de questions ouvertes – à l’instar de celles présentes dans un questionnaire (voir chapitre 3, à partir de la page 112). Leur ordre est fixe, leur libellé est formulé à l’avance sans que des relances soit prévues. Les questions sont posées de manière identique à tous les répondants. L’entretien directif dure de 30 à 45 minutes, à un rythme généralement plus soutenu que les autres formes d’entretien. L’animateur a un rôle plus actif. Cette technique ne permet pas de collecter une information en profondeur : le répondant n’a pas le loisir de s’exprimer librement dans le cadre contraint des questions qui lui sont posées. En revanche, elle favorise les comparaisons. Elle est donc recommandée quand le chercheur a clairement délimité les contours de son objet de recherche, en particulier pour : pré-tester des stimuli expérimentaux (collecte des impressions, images mentales et sentiments) ; et/ou obtenir des évaluations sur des stimuli aussi divers que des produits, des annonces publicitaires, une

décision de politique salariale, la mise en place d’un nouvel outil de gestion, d’une réglementation, etc., selon des directions prédéfinies (forme, couleur, packaging, ce qui plait/déplait, améliorations possibles, ressenti émotionnel, évocations, idéal, recommandations, etc.) ;

faire des comparaisons entre des groupes.

Complément 2 Autre exemple de recherche utilisant l’entretien non-directif (p. 91) Cette recherche a pour objet d’apporter des éléments de réponse à la question suivante : « Pourquoi les dirigeants persistent-ils à recourir à cette option [la réduction d’effectifs] plutôt qu’à une autre solution, malgré leur connaissance de l’absence d’effets systématiques sur la performance ? » (p. 18). Plus précisément, elle a pour objectif d’identifier les croyances attachées à la réduction d’effectifs et à montrer comment elles structurent la perception des dirigeants pour gérer les emplois dans leur entreprise. 38 entretiens non-directifs ont été menés. Ils s’appuient sur un guide composé de deux questions seulement : Quelles sont les raisons qui vont ont amené à procéder à une réduction d’effectifs ? Avez-vous envisagé d’autres solutions que la réduction des effectifs pour aboutir au même résultat ? Une analyse de contenu manuelle met en évidence quatre thèmes : l’attention portée à la satisfaction des actionnaires, l’intensité concurrentielle inter-reliée avec la réduction de la bureaucratie et enfin la préservation de l’emploi. Il apparait que la satisfaction des actionnaires, contrairement aux idées reçues, n’est pas dominante, y compris pour les entreprises capitalistiques. Par ailleurs, si les dirigeants affirment que l’environnement de leur entreprise est de plus en plus concurrentiel, ceci ne mène pas forcément à une de réduction de la bureaucratie, ni à une diminution des niveaux hiérarchiques afin d’augmenter la flexibilité et la réactivité comme le suggère la littérature, mais plutôt à une menace pouvant parfois remettre en question la survie même de la firme. Enfin, un © 2008 Pearson Education France – Méthodologie de la recherche, compléments du chapitre 3

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nombre important de dirigeants considèrent que l’entreprise n’a pas d’obligation de stabilisation de l’emploi et que la gestion de leur carrière relève quasi-exclusivement des salariés, « ce qui est en contraste fort avec le "contrat psychologique" classique » (p. 31). [A. Kuhn et Y. Moulin, « Influence des représentations des dirigeants d’entreprises sur la réduction d’effectifs », Revue de Gestion des Ressources Humaines, 60, 2, 2006, p. 19-34.]

Complément 3 Autre exemple de recherche utilisant l’entretien semi-directif (p. 92) Erratum : Page 92, concernant l’encadré 3.2, il convient de lire « L’encadré 3.2 propose un exemple de recherche recourant à des entretiens semi-directifs (au lieu de « non directifs ») Dans une recherche s’intéressant à l’influence de la GRH à la carte sur la fidélité des salariés, l’auteur mène 30 entretiens semi-directifs auprès de cadres afin d’explorer le concept de « GRH à la carte » et ses conséquences, mais également afin de compléter le modèle de la recherche. Une analyse de contenu met en évidence des espaces de choix présents dans la littérature : rémunération, organisation du travail, temps de travail, formation et mobilité. Elle révèle également des thèmes émergents comme l’aménagement de l’espace de travail, la retraite et l’évolution de carrière. Enfin, l’étude exploratoire qualitative permet de faire apparaître le sentiment d’auto-détermination dans la relation entre les espaces de choix et la fidélité des salariés à l’entreprise. Cette variable est intégrée au modèle de recherche. [R. Colle, L’influence de la GRH à la carte sur la fidélité des salariés : le rôle du sentiment d’auto-détermination, thèse de Doctorat, IAE d’Aix-en-Provence, 2005, chapitre 4.]

Complément 4 Le cas particulier de l’entretien individuel en ligne (p. 93) Il est possible de conduire des entretiens individuels comme des entretiens de groupe grâce à Internet, en temps réel ou en différé, auprès d’une population dispersée géographiquement. Dans le cas de l’entretien individuel, le chercheur peut poser des questions, soumettre des documents visuels, sonores ou vidéo et demander au répondant de réagir spontanément (temps réel) ou en prenant son temps (différé) par l’envoi de messages. La première forme s’apparente à bien des égards à un entretien classique, à la différence que les échanges passent par l’intermédiaire de l’ordinateur*. Ainsi, aux limites classiquement associées à la verbalisation s’ajoutent celles relevant de la maîtrise de la machine et de l’écriture. La capacité à écrire rapidement sur ordinateur peut influencer la longueur et donc la profondeur des réponses. Cet inconvénient est partiellement contourné par l’entretien différé. L’utilisation de techniques projectives (voir chapitre 3 à partir de la p. 106) est rendue plus difficile pour celles qui requièrent une interaction mettant en jeu plusieurs modalités sensorielles, par exemple les jeux de rôle. En revanche, pour les compléments de phrases, scénarios, paragraphes ou encore la construction d’histoires à partir d’images ou scènes de BD, la distance entre le répondant et le chercheur peut être facilitatrice (Malhotra et Birks, 2006). Ces données, déjà retranscrites, seront analysées de la même manière que celles collectées à l’aide de techniques classiques (voir chapitre 7 sur l’analyse des données qualitatives). Parfois, elles s’accompagnent d’enregistrement vidéo (webcam) qui permettent de capter les mouvements de la partie supérieure du corps du répondant. Les principaux avantages de ce mode de collecte sont la rapidité, le coût réduit, la possibilité de contacter des personnes éloignées géographiquement, peu mobiles, etc. Toutefois, la médiatisation de la relation par l’ordinateur a des conséquences importantes sur la conduite des entretiens, ainsi que sur la richesse des données collectées. Ainsi, le chercheur est privé du langage du corps pour instaurer et maintenir un climat de confiance (regard, ton de la voix, etc.), encourager le répondant à se livrer (écoute, attitude bienveillante, empathie), etc. Par ailleurs, bien que des données non verbales puissent être collectées, elles n’ont pas la richesse du face-à-face : 1) certains mouvements corporels peuvent passer inaperçus, 2) le chercheur ne perçoit

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son interlocuteur et son environnement que de manière visuelle (et éventuellement auditive dans le cas d’un couplage avec un enregistrement audio) ; or les autres sensations telles que les impressions physiques du chercheur sont riches d’enseignement. De plus, la rationalisation risque d’être encore plus grande de la part du répondant en raison de la nécessité d’un écrit, qui suppose un contrôle plus fort que l’oral. La spontanéité est donc moindre. Le chercheur recourant à cette technique doit être conscient que le matériel collecté est moins profond que celui collecté en face-à-face et doit s’efforcer de compenser les limites induites par l’intermédiation de la machine, notamment par une conduite d’entretien encourageante qui facilite l’expression. * On parle de messages « postés » [N.-K. Malhotra et D.-F. Birks, Marketing Research. An Applied Research, 2e édition, Prentice-Hall, 2006, p. 197.]

Complément 5 Exemple de guide d’entretien semi-directif (p. 93) Ce guide est extrait d’une recherche s’interrogeant sur la mesure dans laquelle un modèle d’innovation distribuée est applicable aux entreprises du secteur de la Défense au regard des évolutions récentes de ce secteur. Il est construit autour de 5 thématiques.

Thématiques Exemples de questions posées

Thématique 1 Présentation de l’entreprise Nom et fonction de l’interlocuteur

CA et effectif salarié

Thématique 2 Le marché de l’entreprise Concurrents de la PME ?

Position de la PME dans la chaîne de valeur ?

Sentiment de l’interlocuteur sur le marché ?

Thématique 3 Les relations de la PME avec ses clients

Sentiment de l’interlocuteur sur le cahier des charges ?

Principales contraintes du cahier des charges ?

Particularité du domaine de la Défense ?

Thématique 4 La PME et l’innovation Pourcentage du CA consacré à l’innovation ?

Incitation du donneur d’ordres à innover ?

Mécanismes de gestion de l’innovation ?

Thématique 5 L’autonomie de la PME dans l’innovation

Marge de manœuvre dans la gestion de l’innovation

L’innovation confère-t-elle une meilleure position face au donneur d’ordres ?

[R. Guichard et S. Tran , « L’innovation distribuée : un modèle organisationnel applicable au secteur de la défense », Revue Internationale PME, 19, 2, 2006, p. 79-99.]

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Complément 6 Apports d’information sur la formulation des consignes (p. 93) Ghiglione et Matalon (1982) soulignent les risques qu’il y a à ne placer la consigne que sur le terrain « linguistique » ou « nominaliste ». Une consigne « réaliste » peut être préférable. En effet, ainsi que l’expliquent ces auteurs : « […] admettre que ce qu’on recherche dans un entretien non directif, ce sont des réactions à des termes, à des mots*, c’est se placer d’emblée et explicitement sur le terrain linguistique, en excluant tout autre point de vue. Cette attitude du chercheur a le mérite d’être claire et rigoureuse, mais peut aussi se révéler inutilement limitative, dans la mesure où le champ qu’on cherche à explorer peut ne pas se résumer en totalité par un petit nombre de termes. » Ils illustrent leur propos à l’aide de l’exemple d’une étude sur la vie de quartier et montrent qu’une consigne linguistique telle que « parlez-moi de votre quartier » va circonscrire les réponses à ce que chaque individu met derrière ce mot. De fait, le champ d’investigation est limité par le terme : les répondants ne parlant pas des éléments de leur environnement non inclus dans ce terme. Une consigne réaliste comme « parlez-moi de la vie ici » serait sans doute plus riche. * Nous avons souligné les mots mis en valeur dans le texte par les auteurs. [R. Ghiglione et B. Matalon , Les enquêtes sociologiques. Théories et Pratiques, Armand Colin, Paris, 1982, p. 83.]

Complément 7 Exemple de guide d’entretien pour l’entretien d’explicitation (Helme-Guizon et alii, 2004) (p. 94) Cette recherche se propose de contribuer à une meilleure connaissance du processus de décision d’achat en ligne du consommateur français et s’intéresse tout particulièrement à un produit d’expérience : un séjour d’une semaine (appartement et/ou forfait pour les remontées mécaniques) dans la station de skis Les Arcs. Le guide d’entretien est conçu de manière à permettre d’identifier le type de motivation et de navigation (dirigé vers un but, contrairement à de l’expérientiel) ainsi que les différentes étapes du processus aboutissant à la réservation en ligne ou par téléphone. Relativement structuré, il indique explicitement le thème abordé et les questions correspondantes. Deux versions ont été crées : une pour les acheteurs en ligne et une pour les autres. Elles sont similaires si ce n’est que le premier comporte en plus des questions relatives aux achats sur Internet. Ce choix a été fait afin de permettre des analyses intra-entretiens. C’est la version la plus complète qui est présentée ci-dessous. Guide d’entretien – acheteurs en ligne Bonjour. Merci d’avoir accepté de nous consacrer un peu de votre précieux temps. Comme vous le savez, nous sommes des chercheurs de l’Université de Grenoble. Nous travaillons en toute indépendance par rapport à l’Office du Tourisme des Arcs. Cet entretien sera analysé avec d’autres et fera l’objet d’un article qui sera présenté vraisemblablement dans une conférence française et américaine. Il pourra également être publié dans une revue. En bref, il ne sera pas fait d’exploitation commerciale des données qui seront collectées au cours de cet entretien. Êtes-vous toujours d’accord pour participer ? Acceptez-vous que nous enregistrions vos réponses ? De façon générale, nous nous intéressons au comportement du consommateur sur Internet. Dans le cas présent, ce qui nous intéresse c’est la façon dont vous avez navigué sur le site des Arcs, depuis la décision de vous connecter jusqu’à la validation de la réservation de votre séjour. Nous allons donc vous poser un certain nombre de questions. Nous vous serions reconnaissants d’y répondre aussi librement que possible et de donner tous les détails que vous jugez utiles. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse.

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Initiation de l’entretien

Vous passez souvent des vacances au ski ?

Que recherchez-vous dans ce type de vacances ?

Expérience des séjours (catégorie de produit)

Vous êtes skieur ou surfeur ? Quel est votre niveau ? Expérience du ski (activité)

Est-ce la première fois que vous venez aux Arcs ? Expérience de la station (marque)

Si oui, qu’est-ce qui vous a décidé à revenir ?

Si non, qu’est-ce qui vous a décidé à venir ?

Raisons globales du choix

Achat en ligne

Vous avez réservé votre séjour par Internet, pourquoi avoir fait le choix de ce mode de réservation ?

Expérience avec le Web

Est-ce la première fois que vous réservez un séjour/un forfait en ligne ? Idem

Avez-vous acheté d’autres produits ou services en ligne ? Lesquels ? Combien au cours des 3 derniers mois?

Idem

Processus détaillé de décision d’achat

Je vous propose maintenant de nous focaliser tout particulièrement sur la façon dont vous avez navigué sur le site des Arcs avant de vous décider à réserver un séjour en ligne. Je vous propose donc de commencer par le commencement… Autrement dit, je vous propose de revenir au moment où vous avez commencé à envisager un séjour à la montagne pendant l’hiver 2001-2002…

Prenez le temps de vous replacer à ce moment-là, de vous revoir dans cette situation.

Où ? Quand ? avec Qui ? Quoi ?

Qu’avez-vous fait ?

Reconnaissance du problème

Une fois sur la page d’accueil du site Web, qu’avez-vous fait ? Qu’aviez-vous en tête ?

Qu’est-ce qui a fait que vous avez cliqué sur ?

Qu’est-ce qui a fait que vous saviez que vous aviez trouvé ce que vous cherchiez ?

Initialisation du processus

Action-exécution et action-information

Sur cette page, qu’avez-vous fait ? Qu’est-ce qui a fait que vous avez cliqué sur ?

Qu’est-ce qui a fait que vous saviez que vous aviez trouvé ce que vous cherchiez ?

Relancer autant de fois que possible

Différentes étapes du processus

Action-exécution et action-information

[A. Helme-Guizon, R. Mulhollandet L. Langrandeur, « Web et stations de ski », Organisation et Territoires, 13, 3, 2004.]

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Complément 8 Exemples de guides d’entretien plus ou moins structurés pour un entretien semi-directif (p. 97) Exemple de guide d’entretien semi-directif structuré (Helme-Guizon et Gavard-Perret, 2007) Nous réalisons actuellement une recherche sur le fonctionnement des sites Internet. Nous vous remercions d’avoir accepté de nous parler de votre propre expérience sur internet. 1. pourriez-vous me parler de la manière dont vous naviguez sur Internet Faire préciser : quels sont les sites que vous fréquentez le plus ? à titre personnel ou à titre professionnel ? qu’est-ce qui fait que vous y retournez ? et pour le plaisir ? acheter ?

2. Lorsqu’on parle de personnalisation sur Internet, de quoi s’agit-il selon vous ? 3. Avez-vous déjà rencontré des techniques de personnalisation lors de vos navigations sur Internet ? Faire préciser : pouvez-vous m’en dire davantage sur ces techniques de personnalisation ? dans quelles occasions les avez-vous rencontrées ? sur quels types de sites ? lors de navigation à titre personnel ou à titre professionnel ?

4. Vous est-il déjà arrivé de constater des efforts de personnalisation faits par des sites sans que vous

les ayez demandés ? Faire préciser : quelles sortes de personnalisation ? personnalisation des informations envoyées par le site sous forme par exemple de lettre d’information

personnalisée en fonction de vos centres d’intérêt ? adaptation automatique du contenu du site en fonction de la provenance géographique ou des commandes

antérieures par exemple ? proposition d’offres de produits et services adaptée aux centres d’intérêt ou en fonction de vos commandes

antérieures ? Autre ? 5. Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez été confronté à ces formes de personnalisation non

sollicitées par vous-même ? Faire préciser : satisfaction ? plaisir ? désagrément ? irritation ? pour quelles raisons ?

6. Si ce(s) site(s) aujourd’hui supprimai(en)t cette/ces forme(s) de personnalisation, quelle serait votre

réaction ? Faire préciser : satisfaction ? plaisir ? désagrément ? irritation ? continuerait à aller sur le site ? changerait de site ?

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7. Avez-vous eu plus ou moins envie de revenir sur les sites utilisant ces modes de personnalisation

non demandés par l’internaute ? Faire préciser : pouvez-vous m’en dire davantage ? sur quels sites/types de sites exactement ? pourquoi ces sentiments ?

8. Vous est-il déjà arrivé de conduire vous-même des démarches pour bénéficier d’une forme de

personnalisation sur Internet ? Faire préciser : pouvez-vous m’en dire davantage ? sur quels sites/types de sites exactement ? quelles procédures, actions exactement ? lors de navigation à titre personnel ou à titre professionnel ?

Faire préciser : quelles sortes de personnalisation ? demande par exemple de lettre d’information qui ne fournisse des informations que sur certaines rubriques

choisies ? Demandez des exemples et des précisions. configuration de site à sa convenance comme Ma Fnac ou mon Yahoo ? idem précédemment. configuration personnelle d’un produit comme dans le cas des ordinateurs Dell ou des couteaux Laguiole par

exemple ? idem précédemment. 9. Quel jugement portez-vous sur ces pratiques de personnalisation mises en place par vous-même? Faire préciser : pouvez-vous m’en dire davantage sur ce que vous ressentez par rapport à ces techniques ? pourquoi ?

10. Pensez-vous être plus fidèle aux sites pour lesquels vous avez mis en œuvre des efforts de

personnalisation ? Faire préciser : dans quelle mesure ? pourquoi ?

11. Si ce(s) site(s) aujourd’hui supprimai(en)t la/les possibilité(s) de personnalisation que vous avez

mise(s) en oeuvre, comment réagiriez-vous ? Faire préciser : satisfaction ? plaisir ? désagrément ? irritation ? continuerait à aller sur le site ? changerait de site ?

12. Avant de conclure cet entretien, y a-t-il d’autres choses que vous aimeriez ajouter quant à ces

pratiques de personnalisation ? Permettez-moi pour finir de vous poser quelques questions qui permettront de mieux vous connaître. A. Helme-Guizon et M.-L. Gavard-Perret , « L’analyse de données textuelles avec Sphinx - Une application à la personnalisation sur Internet », ch.5, p. 133-157 in Analyse Statistique de Données Textuelles en Sciences de Gestion – Concepts, Méthodes, Applications, C. Gauzente et D. Peyrat-Guillard (coord.), Coll. Questions de Société, EMS Éditions, Colombelles, 2007.]

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Exemple de guide d’entretien semi-directif peu structuré (à partir de Kapil et alii, 2007) L’objectif de cette recherche est double : premièrement, elle s’attache à mieux comprendre la perception et le rôle de la relation entre les clients et les fournisseurs dans le cas de la conception et de l’implémentation de solutions, ainsi que l’implication des fournisseurs, grâce à la comparaison de la littérature et de la réalité du terrain. Deuxièmement, elle cherche à identifier des variables émergentes susceptibles d’affecter la capacité du fournisseur à proposer une solution performante pour le consommateur. Pour se faire, des entretiens individuels et de groupe sont conduits (pour le détail de la méthodologie, voir l’encadré sur un exemple de recherché combinant les deux formes d’entretien) afin de mieux comprendre les représentations et attentes des fournisseurs et des clients de solutions. Questions pour les fournisseurs de solutions 1. Quels sont les attributs qui vous viennent à l’esprit quand vous pensez aux solutions que vous

offrez ? Qu’est-ce qui fait la différence entre une solution et un package (bundle) ? 2. Pensez à différents types de solutions. Qu’est-ce qui les différencie ? 3. Quelles sont les raisons qui ont poussé votre entreprise à fournir des solutions ? 4. Quels sont les enjeux du développement de solutions ? Quels sont les facteurs critiques pour la

réussite dans le développement de solutions ? 5. Si vous repensez aux échecs que votre entreprise a connus dans le développement de solutions, à

votre avis, quels sont les facteurs qui pourraient expliquer ces échecs ?

Questions pour les clients de solutions 1. Selon vous, qu’est-ce qu’une solution? 2. Quelles sont vos attentes par rapport à une solution ? Comment évaluez-vous une solution ? 3. Comment évaluez-vous les offres alternatives de fournisseurs ? 4. Quelles sont aujourd’hui les insuffisances rencontrées dans les solutions délivrées par les

fournisseurs ? Comment pourrait-on y remédier ? 5. Qu’est-ce qui vous fait penser que certains fournisseurs de solutions sont meilleurs que d’autres ? 6. Quel est le rôle joué par le client dans le processus de développement d’une solution ?

[R. Kapil Tuli, K. Ajay Kohli et G. Sundar Bharadwaj, « Rethinking customer solutions: from product bundles to relational processes », Journal of Marketing, 71, 3, 1-17, 2007.]

Complément 9 Erreurs à ne pas commettre dans la conduite d’entretiens (p. 97) Imposer son propre rythme et la séquence des thèmes abordés ; ne pas respecter les temps de silence

nécessaires au répondant pour réfléchir ; couper la parole. Exprimer ses opinions, interpréter, émettre des jugements de valeur. Ne pas avoir une attitude favorisant l’établissement d’un climat de confiance. Omettre de questionner sur des faits et des détails concrets. Ne pas aller suffisamment en profondeur dans l’expression des faits, attitudes, opinions, comportements, etc. Monopoliser le temps de parole. Ne pas tester des idées ayant émergé des entretiens précédents. Ne pas contrôler auprès du répondant la justesse de ses interprétations.

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Complément 10 Apports d’information sur différents types d’entretiens de groupe (p. 100) 1- le groupe de créativité Le type le plus courant de groupe de créativité est le brainstorming ou remue-méninges qui repose sur la dynamique des groupes de Levin et a été formalisé par Osborn. Il s’agit de faire produire par le groupe un maximum d’idées. Il faut donc placer le groupe dans une configuration d’esprit et une ambiance favorables à l’expression d’idées, même farfelues. La règle majeure est de ne pas s’autocensurer, ni de critiquer les idées des autres. En général, l’animateur s’efforce dans un premier temps de mettre le groupe à l’aise, de favoriser une certaine désinhibition afin qu’il puisse libérer toute sa créativité. Cela peut passer par des jeux, des exercices d’imagination, des mises en situation inhabituelles, etc. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’il demandera aux participants de produire la plus grande quantité possible d’idées, mais sur la base d’une question et d’un objectif clairement précisés. Pour stimuler le processus de création d’idées, renforcer la dynamique de groupe, maximiser les synergies entre les individus présents, l’animateur peut recourir à des outils et techniques spécifiques qui amènent les participants à penser autrement, ou qui les mettent en situation ou les incitent à explorer plus systématiquement certaines idées ou certains aspects d’un problème. Par exemple, il peut utiliser des techniques projectives, le rêve éveillé, le psychodrame, les associations, l’analyse morphologique ou fonctionnelle, la synectique de Gordon, des démarches combinatoires, etc. Selon les objectifs, le type de groupe de créativité et la procédure employée, l’animateur peut aussi demander au groupe, dans un troisième temps, de faire le tri parmi les idées émises. Mais ce n’est pas obligatoire. Le tri des idées peut aussi être confié à une équipe de l’entreprise par exemple ou c’est le chercheur lui-même qui le fera. 2 - Les tables rondes Le tableau suivant est inspiré du recensement par Malhotra et Birks des avantages (les 10 S’s) et inconvénients (les 5 M’s) des tables rondes.

Avantages Inconvénients

Synergie (synergy) : l’interaction favorise la production d’information, d’idées, de pensées personnelles, etc.

Boule de neige (snowballing) : les répondants rebondissent sur les idées des autres ; ainsi se crée une chaine de réactions qui facilite la production d’idées justifiées et évaluées

Stimulation (stimulation) : le groupe incite les répondants à vouloir exprimer leur opinion

Sécurité (security) : le fait que d’autres partagent les mêmes idées ou sentiments incite les répondants à se livrer

Spontanéité (spontaneity) : en l’absence d’un questionnement, la parole est plus spontanée, moins conventionnelle et donc plus créative

Sérendipité * (serendipity) : des thèmes non prévus par le chercheur peuvent émerger et être discutés ; les participants peuvent aborder des thèmes que le chercheur avait laissé de côté (car peu pertinents, avec lesquels il est mal à l’aise, etc.)

Rapidité (speed) : rapidité de collecte d’information puisque plusieurs personnes sont interrogées en même temps

Mauvaise interprétation (misjudgement) : les résultats obtenus sont davantage susceptibles d’être biaisés en raison de directions différentes prises par le groupe

Modération (moderation) : le rôle de l’animateur est essentiel mais parfois difficile face à un élément perturbateur

Matériau collecté complexe (messiness) : les données collectées, par définition non structurées, sont difficiles à coder, analyser et interpréter. Les comparaisons sont peu aisées. Il est indispensable, soit de disposer d’un cadre théorique fort sur lequel s’appuyer lors de la construction de la grille de codage dans une démarche structurée, soit à l’inverse, d’adopter une approche de type théorie enracinée (grounded theory) qui permet l’exploration de thèmes émergents

Représentativité (misrepresentation) : la focalisation sur un petit nombre de groupes, souvent contrastés les uns par rapport aux autres, limite les possibilités de généralisation

Recrutement (meeting) : il est difficile de réunir au même endroit et au même moment des répondants professionnels (cadres, managers, médecins, avocats, profils rares, etc.).

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* « La sérendipité est la caractéristique d'une démarche qui consiste à trouver quelque chose d'intéressant de façon imprévue, en cherchant autre chose, voire rien de particulier. », (Wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9rendipit%C3%A9) [N.K. Malhotra et D.F. Birks, Marketing research. An applied research, 2e edition, Prentice-Hall, 2006, p. 162-163.] 3 - Quelques autres formes d’entretiens non présentées dans l’ouvrage Mini-groupes, dyades, triades Les mini-groupes sont des groupes de 3 à 5 personnes, pour une durée d’entretien d’une heure environ. Certains auteurs comme Courtier et Miquel (2007) leur reprochent de n’avoir ni les avantages de l’entretien individuel (analyse en profondeur) ni ceux de l’entretien de groupe de taille plus grande (effet de dynamique de groupe). Ces mêmes auteurs reconnaissent cependant que des dyades ou triades peuvent être intéressantes lors d’entretiens avec des enfants qui seront ainsi plus en confiance et plus à l’aise dans le cadre du groupe familial restreint que dans celui d’un entretien individuel ou au sein d’un groupe plus large . Ils présentent aussi l’avantage d’être faciles à organiser et à mettre en place et il est donc possible de les multiplier assez aisément. Ils sont également assez économiques, relativement simples à animer et peuvent s’avérer plus créatifs dans la mesure où chaque participant a la possibilité de s’impliquer fortement. Groupes Delphi autres que groupes d’experts On a vu récemment apparaître, par le biais d’Internet notamment, des groupes intitulés Delphi-leaders qui font participer des leaders d’opinion pour une catégorie de produits/services donnée. Groupes d’experts autres que Delphi : Dupuich-Rabasse (2008) fait référence à des groupes d’experts fondés sur des méthodologies autres que Delphi. Peuvent ainsi être mentionnés les groupes basés sur la méthodologie Prodin proposée par Bergadaà (1999) et sur la méthodologie PM dévelppée par Boyer et Scouarnec (2005). La première (Prodin) renvoie à « Prospective Dialectic Interpersonal Method » et est expliquée de la manière suivante par l’auteur : « Il s’agit ici d’obtenir un nombre de propositions suffisant pour se prêter aux analyses, mais pas trop important pour ne pas perdre en représentativité qualitative ce qui serait gagné en représentativité strictement numérique. Un nombre d’experts entre quinze et vingt s’est avéré, à l’expérience, adapté au type de réflexion prospective conduite. » La seconde (PM pour Prospective Métier) est présentée par Dupuich-Rabasse (2008) de la façon suivante : « [elle] repose avant tout sur la représentation que se font des acteurs – des experts – d’une situation de gestion donnée. » Elle a été développée par Boyer et Scouarnec dans le cadre de l’analyse prospective des compétences et des métiers et repose sur six étapes : 1) une analyse documentaire ; 2) des entretiens en profondeur avec des « acteurs-experts » ; 3) une analyse de contenu et la rédaction d’un questionnaire envoyé ensuite aux acteurs-experts ; 4) une analyse des résultats du questionnaire ; 5) une journée de travail avec les acteurs-experts en tables rondes et séance plénière ; 6) une phase d’intégration, construction d’un modèle général et validation des propositions issues de la phase précédente. Autres : Il existe aussi des formes de groupes assez peu connues et utilisées, parfois fortement contestées, comme les groupes conflictuels qui consistent à réunir les « pro » et les « anti » sur un sujet donné en misant sur leur opposition. Des auteurs comme Couratier et Miquel (2007) les considèrent comme peu fiables et peu sérieux et estiment qu’il est tout à fait possible d’arriver à collecter les mêmes informations en passant par des entretiens de groupes plus classiques. Gauthy-Sinéchal et Vandercammen (2004) mentionnent aussi les groupes de modification du comportement qu’ils définissent de la manière suivante :« Les consommateurs sont privés des produits qu’ils utilisent pour évaluer la valeur que ceux-ci ont à leurs yeux. Inversement, on peut demander au consommateur d’utiliser de façon expérimentale un produit pour voir comment celui-ci s’adapte à l’environnement social. » [C. Couratier et C. Miquel, Les études qualitatives : théorie, applications, méthodologie, pratique, L'Harmattan, 2007. M. Gauthy-Sinéchal et M. Vandercammen , Études de marchés : méthodes et outils, De Boeck Université, 2004. F. Dupuich-Rabasse, Management et gestion des compétences, L'Harmattan, 2008. M. Bergadaà, « Strategic Decisions and Implementation : PRODIN™, a Prospective Dialectic Interpersonal Method », Journal of Business Research, 45, 2, 1999, p. 211-220. L. Boyer et A. Scouarnec, L'observatoire des métiers - Concepts et pratiques, EMS, 2005.]

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Complément 11 Le cas particulier des tables rondes en ligne (p. 101) Le développement des tables rondes en ligne est lié à la croissance du taux d’équipement des ménages en ordinateur et des connexions ADSL. Comme pour les entretiens individuels, les entretiens de groupe en ligne peuvent être conduits soit en temps réel soit en différé. Dans les tables rondes en temps réel, les répondants se connectent tous en même temps et interagissent avec les propositions de l’animateur et les opinions, attitudes, idées, etc. des autres participants au fur et à mesure qu’ils s’affichent sur leur écran, en temps réel (c’est-à-dire dès qu’ils sont postés). L’interaction en temps réel permet des débats animés, voire passionnés. Toutefois, dans la mesure où le principe propre à la table ronde « classique » de prise de la parole une fois que l’autre a terminé n’est pas respecté, les données collectées sont parfois moins riches, les possibilités de rebondir sur les propos d’autrui étant réduites. Le chercheur doit dès le début de l’entretien préciser très clairement les règles du jeu et les rappeler le cas échéant (il peut « poster » un message à un participant sans que les autres ne le voient). Cette forme d’entretien de groupe s’apparente au fonctionnement des discussions en messagerie instantanée*. Dans le cas de table ronde en ligne en différé, les répondants se connectent à une plate-forme quand ils le souhaitent et s’expriment sur la question posée. Ils ont la possibilité de lire les avis « postés » par les autres participants et d’y réagir. Les données collectées sont moins spontanées, plus construites que dans les tables rondes en temps réel. Cependant, elles peuvent émaner d’une plus grande variété de personnes : diversité internationale supérieure en raison de la disparition de la contrainte liée au décalage horaire, participation plus forte de ceux qui sont moins compétents dans l’utilisation du clavier en raison du temps dont ils peuvent disposer pour s’exprimer, etc. * Ou chat Comme toute technique de collecte de données, les tables rondes en ligne présentent des avantages et des inconvénients. Certains d’entre eux sont spécifiques à l’entretien de groupe (interactions et ses conséquences) alors que d’autres relèvent des caractéristiques communes aux techniques de collecte en ligne (avantages/inconvénients d’Internet) [voir p. 101].

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Avantages Inconvénients

Infrastructure Légère : pas besoin de salle de réunion

Demande une logistique informatique assez lourde et parfois un logiciel propriétaire à installer sur l’ordinateur des participants

Recrutement de l’échantillon

Recrutement national voire international plus facile et plus rapide

Possibilité de recruter des personnes peu disponibles (notamment professionnels) ou peu mobiles

Possibilité de réunir les participants de façon régulière (étude longitudinale)

Pas de contrôle de l’identité de la personne connectée

Pas de maîtrise des éléments de l’environnement dans lequel se trouve le répondant

Avantages Inconvénients

Animation Possibilité de présenter toutes sortes de stimuli

Moins de risque de domination par un participant

Climat de confiance plus difficile à installer

Distribution du temps de parole, incitation à participation rendue plus difficile par le fait que l’animateur ne dispose que du texte (et non pas du non-verbal également efficace) comme outil de gestion du groupe

Risque de prise de « parole » supérieure de la part de ceux qui ont une meilleure maîtrise du clavier

Qualité des données collectées

Une plus grande facilité à s’exprimer sur des sujets difficiles (en raison de l’anonymat)

Des contributions moins nombreuses mais plus focalisées sur le sujet de discussion

Risque de réactions extrêmes sous couvert de l’anonymat

Une interaction moins riche entre les participants (absence du non-verbal)

Et donc moins de solidarité et de convivialité

L’effet rassurant du groupe ne se manifeste pas

Les participants sont moins satisfaits de la communication avec les autres et des résultats du groupe

Enregistrement Les données textuelles sont déjà retranscrites

Enregistrement vidéo (ou observation du comportement) plus difficile (sauf à utiliser des webcams) et donc perte de l’information non-verbale pourtant si précieuse au moment de l’analyse

Exemple de recherche utilisant les tables rondes en ligne À partir de Kenny et Duckett, 2005 La table ronde en ligne est actuellement utilisée surtout par les instituts d’études marketing. Pourtant, son utilisation pourrait se révéler pertinente dans le cadre de recherches pour lesquelles l’interaction physique avec les autres participants n’est pas fondamentale (recherche d’idées, délimitation des frontières d’un concept, etc.) mais également lorsque qu’elle peut constituer un frein à l’expression libre de chacun (situation de négociation, enjeux de pouvoir, etc.). La recherche présentée ci-dessous utilise la technique de la table ronde en ligne. L’objectif de cette recherche est d’explorer les raisons qui poussent les infirmiers en milieu rural à participer à des programmes de formation leur permettant de passer du niveau 2 au niveau 1. Une table ronde en ligne a réuni, sur une période de deux mois, 38 infirmiers exerçant à Victoria (Australie) et inscrits dans un programme de reconversion. Les participants sont âgés de 20 à 40 ans, 30 % sont des hommes et ont en moyenne 9 années d’expérience. Sur un site dédié à la table ronde, 263 sujets ont été « postés » par les chercheurs et ont donné lieu à plus de 2 000 réponses en retour. Les résultats soulignent que les deux principales motivations pour se reconvertir sont une désillusion quant au métier d’infirmier (sous-évaluation du travail accompli, absence de reconnaissance) et l’ambigüité de ce rôle lié au fait que d’autres personnels moins qualifiés accomplissent aujourd’hui une partie des tâches qui incombaient jusqu’à lors aux infirmiers. Deux autres motivations sont identifiées : la reconnaissance au travers d’un diplôme du savoir-faire acquis par l’expérience, ainsi que le moyen

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de faire face à l’accroissement de l’éventail des interventions en milieu rural. Enfin, les répondants sont motivés par le manque d’infirmiers de niveau 1 et les perspectives d’embauche. [A.-J. Kenny et S. Duckett, « An online study of Australian enrolled nurse conversion », Journal of Advanced Nursing, 49, 4, 2005, p. 423-431.]

Complément 12 Améliorer le recrutement, l’animation et l’analyse des entretiens de groupes (p. 101) D’après Herbert, 2004 Ainsi que nous l’avons indiqué dans l’ouvrage, il peut être difficile de recruter des répondants pour un entretien de groupe, notamment lorsque ce sont des professionnels aux emplois du temps chargés. Nous avons également vu que les désistements peuvent être très nombreux. Il peut donc être utile d’envisager les moyens d’améliorer la participation aux entretiens de groupe (Frisch, 1999). Nous avons noté que différents types de motivations peuvent être à l’origine de cette participation (Herbert, 2004). Des motivations « tangibles » tout d’abord : la rémunération, l’intérêt personnel pour le thème, mais aussi des motivations intangibles :

1 valorisation égoïste (c’est-à-dire par rapport à soi) ; 2 valorisation sociale.

Or, à chacun de ces deux besoins de valorisation, il est possible d’associer des bénéfices intellectuels (A) émotionnels (B).

L’identification des motivations et leur combinaison permettent de créer 4 profils dont la connaissance peut se révéler utile au moment du recrutement des participants, de l’animation des entretiens de groupe et de l’analyse des données collectées. Cependant, cela implique de créer et d’administrer au préalable un questionnaire (nécessairement court) à destination des participants potentiels. Quatre profils sont mis en évidence : type A : le « consciencieux » qui prend son « travail » très à cœur : il « vient pour produire des résultats,

donner son avis, prodiguer des conseils ». Il aime à se sentir utile : « il vit sa participation comme un acte citoyen » (p. 32).

type B : le « sociable » motivé avant tout par l’ambiance, la distraction, l’expression en toute liberté. Il est créatif, enthousiaste envers les taches proposées… à condition que le thème l’intéresse et que l’atmosphère soit conviviale.

type C : le « poids mort » qui est surtout motivé par la rémunération. Peu impliqué, il peut soit ne participer que peu, soit au contraire intervenir fréquemment afin de tromper l’ennui.

type D : le « curieux » qui est motivé par la découverte du sujet, du protocole ou encore de ses propres réactions face à un groupe. Ainsi, il se tient en retrait le plus souvent.

À partir de ces profils et des motivations sous-jacentes, il est possible de suggérer des recommandations pour : Améliorer le taux de recrutement

En prenant en compte les besoins tangibles : présenter la rémunération comme la contrepartie d’une participation valorisée ; préciser aussi explicitement que possible le thème de l’entretien (c’est important pour ceux que les résultats motivent).

En intégrant les besoins intangibles (reconnaissance et valorisation sociale) : créer des consignes indiquant qu’il s’agit d’un moment où l’individu peut être actif, participer à un événement important et s’exprimer librement et sans contraintes (en toute confidentialité).

En intégrant dans la composition des groupes surtout des profils de type A et B : les « sociables » contribuant à installer et maintenir la convivialité et les « consciencieux » menant la réflexion.* Mieux animer le groupe

La connaissance des profils permet d’actionner les leviers motivationnels correspondants et ainsi faciliter la participation, la créativité et au final la richesse des données. Relativiser les réactions collectées par l’examen de l’écart entre les attentes et le vécu au moment de l’entretien de groupe.

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* Il faut se garder de caricaturer : il s’agit de tendances dominantes. Par ailleurs, les autres profils, plus difficiles à gérer ne doivent pas être exclus, car ils apportent une diversité, des points de vue contrastés qui contribuent à la richesse de l’échange. [M. Herbert, « Réunion de consommateurs : comprendre les motivations de la participation », Décisions Marketing, 36, 20004, p. 27-38. F. Frisch, Les études qualitatives, Éditions d’Organisation, 1999, p. 48-54.]

Complément 13 Exemples de complémentarité entre différents types d’entretiens (p. 105) Exemple de recherche combinant entretiens individuels et de groupe auprès de professionnels À partir de Kapil et alii, 2007 L’objectif de cette recherche est double :

1 Mieux comprendre la perception et le rôle de la relation entre les clients et les fournisseurs dans le cas de la conception et de l’implémentation de solutions, ainsi que l’implication des fournisseurs, grâce à la comparaison de la littérature et de la réalité du terrain.

2 Identifier des variables émergentes susceptibles d’affecter la capacité du fournisseur à proposer une solution performante pour le consommateur. Des entretiens individuels (d’une durée de 21 à 95 minutes) sont effectués auprès de 49 managers travaillant dans des sociétés dont l’activité consiste à acheter, déployer et/ou utiliser des solutions (entreprises clientes) et auprès de 55 managers travaillant dans des sociétés dont l’activité consiste à vendre, développer, déployer et/ou assurer le support de solutions (fournisseurs). Par ailleurs, deux tables rondes ont réuni 21 managers d’entreprises fournisseurs pendant une cinquantaine de minutes. L’échantillon présente une variété de fonctions, de niveaux hiérarchiques et de secteurs mais tous les participants ont une expérience significative. Les résultats montrent que les fournisseurs sont centrés sur le produit : pour eux, une solution est un ensemble intégré et personnalisé de biens et services, alors que les clients sont plutôt attentifs à la relation avec le fournisseur : la solution est un ensemble plus large de relations clients-fournisseurs dynamiques impliquant la définition du besoin du client, la personnalisation et l’intégration de biens et/ou de services, leur déploiement et le support après le déploiement. Cette différence de perspectives se traduit par des ventes perdues, des clients pas ou peu satisfaits et une rentabilité moindre. La solution réside dans la fourniture de solutions centrées sur le produit dans le cadre d’une relation dynamique. D’un point de vue plus académique, les résultats soulignent l’importance du client dans le développement d’une solution performante et mettent en évidence des déterminants liés au client, comme sa volonté de s’adapter à l’offre du fournisseur et de l’aider à comprendre les spécificités de son environnement politique et opérationnel. Du côté des fournisseurs, les résultats mettent en lumière deux variables absentes de la littérature : la hiérarchie contingente au projet et la stabilité de la relation avec le client. [R. Tuli Kapil, K. Kohli Ajay et G. Bharadwaj Sundar, « Rethinking customer solutions : from product bundles to relational processes », Journal of Marketing, 71, 3, 1-17.] Exemple de recherche combinant entretiens individuels et de groupe auprès d’individus et les mettant en situation* Dans une recherche portant sur l’influence de la structure familiale (traditionnelle, recomposée, mono-parentale) sur le processus de prise de décision familiale, des entretiens individuels permettent de collecter les perceptions des différents membres de la famille alors que les entretiens de groupe sont l’occasion de les mettre en situation de décision d’achat : après leur avoir présenté les photos de 3 à 5 produits d’une même catégorie, on leur demande de se mettre d’accord sur le choix d’un seul. L’analyse comparée du processus d’achat observé, de l’analyse des verbatims collectés en groupe et individuellement permet une appréhension plus fine des éléments sous-jacents au comportement de chacun au sein de la famille. On met notamment en évidence des différences entre le comportement déclaré individuellement et la réalité observée en situation de groupe. Ainsi, par exemple, on observe que les parents dans les familles traditionnelles qui affirment des principes éducatifs forts (consommation alimentaire équilibrée, valeur des choses, etc.) et un consensus lors de la prise de la décision sont finalement assez flexibles pour des produits peu importants (principalement l’alimentaire) mais imposent leur choix pour des produits implicants comme les loisirs, le multimédia ou l’automobile.

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* Recherche non publiée conduite par A. Helme-Guizon, 2008.

Complément 14 Le TAT : une recherche célèbre de Haire (1950) (p. 106) Dans cette recherche publiée en 1950, Haire part du constat du faible apport explicatif d’une enquête par questionnaire réalisée pour Nescafé afin de comprendre ce qui déplaisait aux individus interrogés dans la consommation de café instantané. Il propose donc une autre approche, indirecte cette fois, reposant sur la présentation de deux listes de courses en tous points identiques, sauf que l’une comporte du café instantané Nescafé et l’autre du café traditionnel Maxwell House. Chacun des deux groupes interrogés (50 personnes par groupe) n’est exposé qu’à une seule liste et ignore tout de l’autre liste. La consigne donnée aux participants est * de « lire la liste de courses » et « d’essayer de se projeter autant que possible dans la situation jusqu’à ce qu’il soit possible de caractériser plus ou moins la personne qui a acheté ces produits d’épicerie ». Il est alors demandé au sujet « d’écrire une brève description de la personnalité et du caractère » de cette acheteuse et, « dans la mesure du possible, d’indiquer des facteurs qui ont influencé le jugement » du sujet. Les réponses des sujets indiquent un jugement beaucoup plus négatif pour l’acheteuse de la liste avec Nescafé que pour celle avec Maxwell House. Elle apparaît, pour un grand nombre de sujets, comme paresseuse, qui ne sait pas bien planifier ses achats, n’est pas une bonne épouse alors que l’acheteuse Maxwell apparaît beaucoup plus comme une bonne épouse, économe, ce qui conduit Haire à dire en conclusion que ** : 1. « des mobiles existent qui se situent en-dessous du niveau de verbalisation car ils sont socialement

inacceptables, difficiles à verbaliser de manière pertinente ou méconnus ; 2. ces mobiles sont intimement liés à la décision d’acheter ou de ne pas acheter, et ; 3. il est possible d’identifier et d’évaluer de tels mobiles en les approchant indirectement. » Bien que largement répliquée depuis, cette étude a cependant été critiquée par Anderson (1978) pour son manque de validité. En effet, Anderson souligne le fait que les impressions des participants pour un produit donné étaient dépendaient de l’interaction entre les différents produits portés sur la liste de courses. * Traduction libre de : «Read the shopping list below. Try to project yourself into the situation as far as possible until you can more or less characterize the woman who bought the groceries. Then write a brief description of her personality and character. Wherever possible indicate what factors influenced your judgement. » ** Traduction libre de : « (1) Motives exist which are below the level of verbalization because they are socially unacceptable, difficult to verbalize cogently, or unrecognized. (2) These motives are intimately related to the decision to purchase or not to purchase, and (3) It is possible to identify and assess such motives by approaching them indirectly. » [M. Haire, « Projective techniques in marketing research », Journal of Marketing, 14, 5, 1950, p. 649-656. J.-C. Anderson, « The Validity of Haire's Shopping List Projective Techniques », Journal of Marketing Research, 15, 4, 1978, p. 644-649.]

Complément 15 Les principaux éléments d’une recherche utilisant des techniques projectives non verbales (p. 107) À partir de Goudey, 2007 Cette recherche se propose d’avancer, sur la base de la littérature relative aux interactions musique – consommateur sur le point de vente, en publicité, en téléphonie et sur internet dont les résultats convergent peu, un nouveau cadre conceptuel autour de la mesure de l’influence du timbre et du tempo sur l’image de marque évoquée. Le protocole utilisé a permis de collecter 1 000 dessins issus de méthodes projectives non verbales auprès de 220 sujets.

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Les résultats de cette recherche montrent un effet de la musique sur le dessin : par exemple, plus le tempo est élevé et plus le trait est épais et dynamique mais plus la cohérence du dessin est faible. Ces caractéristiques du

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dessin se retrouvent dans les évocations de la marque : un tempo rapide est associé à une marque dynamique, efficace et rapide. De même, le timbre de la musique influence l’image de marque : le violon renvoie à un univers plus dynamique, plus majestueux, la flûte à un univers davantage centré sur la nature, la verdure et la santé alors que le piano évoque un univers plus aquatique (p. 196). [A. Goudey, Une approche non–verbale de l’identité musicale de la marque : influence du « timbre » et du « tempo » sur l’image de marque évoquée, thèse de doctorat en sciences de gestion, université Paris-Dauphine, EDOGEST (DRM-DMSP), 2007.]

Complément 16 Exemple de recherche utilisant les associations (p. 108) À partir de de Kircher et Silvanna de Rosa, 1998 Dans le cadre de cette recherche, il a été demandé à 82 adolescents d’exprimer des associations avec les mots « moi » et « Benetton ». Puis, une des trois affiches sélectionnées parmi les dernières campagnes publicitaires de Benetton leur a été montrée : « scène d’entretien » (homme à terre en état d’arrestation et journaliste avec un microphone), « HIV positif » (bras tatoué) et « fille albinos ». Les répondants devaient alors indiquer les associations qui leur venaient à l’esprit et évaluer leur valence (positive, négative ou neutre). Pour chacun des stimuli (mots et images), les auteurs ont calculé un indice de polarité (différence entre le nombre d’associations positives et négatives, relativement au nombre de mots par personne), un indice de neutralité (nombre total de mots neutres par rapport au nombre de mots par personne), un indice de positivité et un indice d’émotions. Des ANOVA (voir chapitre 8, à partir de la p. 284) ont permis de mettre en évidence des différences significatives entre les annonces publicitaires. Précisément, il apparaît que les associations à soi ou à Benetton sont plus positives que celles relatives aux affiches, particulièrement pour les images « scène d’entretien » et « HIV positif ». Puis, les auteurs ont classé les associations en fonction de leur contenu et de leur charge émotionnelle (neutres vs chargées). Par exemple, le groupe des associations chargées émotionnellement comprend 9 catégories dont la peur, l’attention, le désespoir, l’espoir, la violence, etc. alors que le groupe des émotions neutres se compose de 7 catégories : l’entreprise Benetton, la description des affiches publicitaires montrées, la drogue, d’autres associations « froides », etc. Ces catégories d’associations ont ensuite été regroupées en fonction de leur polarité (positives/négatives) et de l’objet sur lequel elles portent (société Benetton/personne(s) représentée(s)/spectateur). Une analyse des correspondances permet de représenter les catégories d’associations ainsi que les indices de polarité pour les trois affiches en même temps. Enfin, les auteurs étudient la séquence d’associations et montrent des différences selon les affiches : ainsi « HIV positive » crée des émotions fortes qui ne diminuent qu’avec l’exposition prolongée. Dans cette recherche, l’utilisation de réseaux d’associations permet de mettre en évidence l’effet différencié des annonces publicitaires. [E. de Kircher et A. Silvanna de Rosa, « Analyse de l’effet des messages publicitaires grâce aux réseaux d’associations », Recherches et Applications en Marketing, 13, 1, 1998, p. 35-49.]

Complément 17 Exemples de recherches utilisant les techniques des phrases à compléter et des scénarios (p. 108) 1 - Technique des phrases à compléter Pellemans (1999) donne l’exemple de l’utilisation de la technique des phrases à compléter dans le cadre d’une recherche sur les raisons qui poussent les individus à continuer de fumer alors qu’ils estiment que c’est un comportement à risque. Un questionnement direct permet de mettre en évidence qu’ils sont assez satisfaits de leur situation et que leur motivation principale est le plaisir. L’utilisation, dans un second temps, de phrases à compléter comme : « les gens ne fumant pas sont… » ou « les jeunes qui fument sont… » révèle que « le fumeur est anxieux, mécontent de lui-même, mal dans sa peau, tourmenté par son habitude ». La technique des phrases à compléter permet de mettre à jour les motivations profondes.

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[P. Pellemans, Recherche qualitative en marketing. Perspective psychoscopique, De Boeck Université, Paris, Bruxelles, 1999, p. 101.] 2 - Technique des scénarios (2 exemples) Exemple 1- L’objectif de cette recherche (Howden et alii, 2003) est d’explorer le quotidien dans un environnement professionnel de personnes atteintes d’une maladie chronique (non-cancéreuse) c’est-à-dire, leurs croyances, attitudes, expériences, etc. et d’identifier les facteurs susceptibles d’affecter leur maintien dans l’entreprise. Dans un premier temps, 6 entretiens individuels non-directifs auprès de personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde ont permis de bâtir des cas. Parmi eux, 3 ont été retenus. Ils constituent des scenarios illustrant des situations variées d’emploi (travailleur indépendant, retraite anticipée pour raisons médicales, cessation d’activité 4 ans après le déclenchement de la maladie) qui ont été soumis, dans un deuxième temps, à 15 personnes, également atteintes de polyarthrite rhumatoïde au cours d’entretiens individuels semi-directifs conduits à domicile, et d’une durée moyenne d’une heure. Les résultats indiquent que les facteurs liés à l’emploi (manuel vs intellectuel) et l’environnement de travail (flexibilité, pénibilité, autonomie, etc.) ont fortement influencé leur capacité à continuer de travailler. De même pour les réseaux sociaux qui facilitent le travail au quotidien quand ils sont développés. Enfin la motivation à travailler influence fortement le maintien. Au-delà de la contribution théorique, cette recherche montre l’intérêt de la technique des scénarios qui a favorisé l’expression de personnes interrogées sur un sujet difficile les touchant directement. Elle a aussi permis révéler des facteurs comme le réseau social. [S. Howden, D. Jones, D. Martin et M. Nicol, « Employment and chronic non-cancer pain: Insights into work retention and loss, Work, 20, 3, 2003, p. 199-205.] Exemple 2 - Cette autre recherche (Robertson et Anderson, 1993) a pour objectif d’examiner les effets du système de contrôle et des dimensions relatives à l’environnement de la tâche de travail sur les jugements éthiques des vendeurs industriels, dans la mesure où les forces de vente dans les secteurs industriels sont susceptibles de rencontrer des conflits éthiques dans leurs transactions quotidiennes avec les clients, les concurrents et même leur propre encadrement. La manière dont les vendeurs industriels résolvent ces conflits est vue comme une fonction à la fois de leurs caractéristiques individuelles et de facteurs inhérents à la situation. Les auteurs de la présente recherche focalisent leur attention sur des facteurs situationnels, en particulier le système de contrôle adopté par l’entreprise et l’environnement de l’activité de travail. Pour collecter les données, ils développent, à partir de la littérature sur les conflits éthiques rencontrés par les forces de vente, 14 scénarios de vente liés à des considérations éthiques et font évaluer ces scénarios par des vendeurs industriels à l’aide de questionnements projectifs permettant de voir comment les vendeurs réagissent à ces scénarios. Pour maximiser l’opération de projection, il est demandé aux répondants de se placer dans la situation où ils auraient à conseiller un collègue sur le fait de mettre ou non en œuvre l’action suggérée dans le scénario. Les auteurs recourent à des techniques projectives car ils soulignent le fait que* : « L’une des principales difficultés dans l’étude du comportement et des attitudes éthiques est de dépasser le désir du répondant de donner une réponse socialement acceptable plutôt qu’une réponse sincère. » Les résultats montrent que la forme de structuration de l’organisation influence le comportement que le vendeur considère comme étant approprié pour affronter des conflits éthiques. * Traduction libre de : « One of the principal difficulties in studying ethical attitudes and behavior is overcoming the respondent's desire to give a socially acceptable answer rather than a candid answer. » [D.-C. Robertson et E. Anderson, « Control system and task environment effects on ethical judgment : an exploratory study of industrial salespeople », Organization Science, 4. 4, 1993, p. 617-644.]

Complément 18 Exemples de recherche utilisant la technique de réponse aux images (p. 108) Exemple 1 : Dans cette recherche (Neeley, 1973) portant sur le besoin de satisfaction dans le travail, l’auteur teste deux hypothèses issues de la littérature sur le sujet, et évalue les besoins psychologiques d’employés au sein de petites institutions rurales d’enseignement. Pour cela, il a recours à un questionnaire administré en sessions de groupes incluant une mesure de trois besoins par le biais d’histoires écrites par les sujets en réponse à des cartes qui leur sont présentées (TAT). Il est également demandé aux sujets de rédiger des histoires

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d’incidents critiques afin de déterminer quels éléments de leur travail leur apportent des satisfactions ; même chose pour les insatisfactions. Les résultats obtenus ne permettent de confirmer aucune des deux hypothèses. [J.-D. Neeley, « A test of the need gratification theory of job satisfaction », Journal of Applied Psychology, 57, 1, 1973, p. 86-88.] Exemple 2 : Dans cette autre recherche (Greenberg, 1959), cette fois en marketing, l’auteur présente successivement 4 photos de femmes qui correspondent à 4 stéréotypes : la « femme mûre », la « bourgeoise », la « jeune mariée » et le « mannequin ». Il demande aux 250 répondants de les associer à 4 marques de déodorants. Dans un deuxième temps, 8 stéréotypes sont lus aux répondants (4 qui correspondent aux 4 images et 4 qui servent de distraction). Le chercheur montre que les associations sont les mêmes entre les stéréotypes visuels/verbaux et la marque dans 3 cas sur 4, mais qu’elles diffèrent significativement pour la « bourgeoise ». Les auteurs soulignent l’importance du choix du format du stimulus puisque visuel et verbal ne sont pas substituables. [A. Greenberg , « Pictorial stereotypes in a projective test », Journal of Marketing, 4, 2, 1959, p. 72-74.]

Complément 19 Exemple de recherche utilisant des techniques d’expression (p. 109) L’objectif de cette recherche (Braun-LaTour et alii, 2007) est d’explorer le rôle des souvenirs originels (early memories : EM) et des souvenirs d’adolescence (defining memories : DM) et de montrer leur rôle dans la construction des représentations relatives à une marque d’automobile. Les auteurs développent une méthode de collecte de données combinant le questionnement direct et les techniques projectives. Assis à même le sol sur des coussins et des couvertures, les répondants sont invités à pratiquer des exercices de respiration et de visualisation, une étape préliminaire à l’accession à un « parcours mémoriel » (memory walk) tout au long duquel des éléments-clés de l’environnement de l’enfance sont sollicités comme moyen de se replonger dans le passé. Les répondants doivent écrire ou dessiner les souvenirs d’enfance en lien avec le produit ou la marque. Pour que la méthode soit efficace, il importe qu’il y ait un délai entre la prise de contact et l’entretien : pendant cette période « leur “synapses” commencent à “réchauffer” les associations à leur enfance » (p. 57). Cette technique est une forme particulière de technique projective. Elle se fonde sur les imperfections de la mémoire tant au point de vue de l’encodage que de l’extraction. Précisément, les individus, incapables de se souvenir de manière complète et détaillée d’événements qui se sont produits avant l’âge de 10 ans (EM) ou même de 17 ans (DM), complètent leurs souvenirs afin de les rendre cohérents. De ce fait, ils y projettent leur personnalité et leur style de vie et relèvent d’eux-mêmes davantage que de ce qu’ils pensent, surtout parce qu’ ils ne sont pas conscients de la manière dont leurs souvenirs ont été façonnés. Les données sont codées et analysées par deux chercheurs expérimentés afin de repérer de manière systématique les thèmes génériques (60 EM et 60 DM), de montrer leur singularité/récurrence, d’identifier les personnes impliquées et de les mettre en lien avec l’âge du répondant et les émotions ressenties. Par ailleurs, la similarité de structure des récits (intra et inter-générations) a été étudiée afin de mettre en évidence des mythes (et potentiellement des archétypes). [K.-A. Braun-LaTour, M.-S. LaTour et G.-M. Zinkhan, « Using childhood memories to gain insight into brand meaning », Journal of Marketing, 48, 3, 2007, p. 45-60.]

Complément 20 Exemples de recherches fondées sur le portrait chinois et la transposition (p. 110) 1 - Technique du portrait chinois L’objectif de cette recherche (Boulaire et Ballofet, 1999) est d’identifier les principaux freins et motivations des non-utilisateurs d’Internet, encore à ses débuts en 1999. Le caractère exploratoire de la recherche a conduit les auteurs à adopter une approche qualitative. 34 entretiens individuels ont été menés, mêlant un questionnement

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direct et indirect au travers du portrait chinois. Cette technique fondée sur le langage métaphorique est « susceptible de supplanter en partie le langage littéral puisqu’il permet souvent de mieux saisir les émotions et significations » (p. 29). Il était posé aux répondants les questions suivantes : « si la technologie informatique était une ville, un pays, un continent, ce serait… » ? Chacun devait choisir 6 catégories parmi les 7 suivantes : 1) ville/pays/continent ; 2) animal/légume ou plante ; 3) plat cuisiné/aliment/boisson ; 4) sport ou manifestation sportive ; 5) automobile ou moyen de transport ; 6) couleur ou matière ; 7) type, interprète ou groupe de musique. Les données collectées permettent d’identifier les représentations de l’outil Internet et de prédire son adoption dans un futur proche. Par exemple, Internet est d’une façon générale associé à la jeunesse, la nouveauté, la mode, au style de vie américain (qui séduit par son insouciance, son dynamisme, le culte de la jeunesse, etc.). C’est quelque chose de cool : « la Californie ; parce que c’est là que tout se passe, que c’est l’fun, c’est une nouvelle façon de faire, c’est l’avenir. » [C. Boulaire et P. Ballofet, « Freins et motivations à l’utilisation d’Internet : une exploration par le biais de métaphores », Recherches et Applications en Marketing, 14, 1, 1999, p. 21-39.] 2 - Technique de la transposition Dans le cadre de la mise au point d’une échelle de mesure de l’authenticité perçue par le consommateur (Camus, 2004), au cours de la phase de définition du construit, partant du constat que « l’authenticité mobilise davantage l’imagination que la pensée rationnelle et objective […], afin de saisir les images, les représentations mentales des individus » (p. 44), l’auteur a utilisé la technique projective de la transposition. Ainsi, il a demandé aux répondants de décrire un objet authentique qui se transforme en une région inconnue, une personne, une ambiance puis un style. Imaginer une région et une personne permet de déceler des traits physiques, psychologiques et intellectuels ou encore relationnels et sociaux, alors que se figurer une ambiance et un style permet de capter des images d’ordre plutôt sensoriel. Les résultats obtenus ont permis de caractériser les dimensions de l’authenticité et de produire 71 items. [S. Camus, « Proposition d’échelle de mesure de l’authenticité perçue d’un produit alimentaire », Recherches et Applications en Marketing, 19, 4, 2004, p. 39-63.]

Complément 21 Quelques questions pour vérifier le bon usage des techniques projectives (p. 111) Le chercheur maîtrise-t-il les techniques de collecte mais également d’interprétation d’un matériel qui peut

apparaître comme un amas d’informations peu utilisables, voire contradictoires ? Le chercheur sait-il créer des conditions facilitant la spontanéité du répondant et son expression en toute

liberté ? Les questions sont-elles posées de manière ambigüe et l’objet de la recherche est-il caché au répondant (qui

ne peut pas le deviner) ?

Complément 22 Remarques et considérations, notamment éthiques, à prendre en compte lors du choix d’un mode de questionnement plus ou moins direct (p. 111) Questionnement direct ou indirect ? Un compromis entre richesse de l’information et éthique Inspiré de N.K. Malhotra et D.F. Birks, 2006 Les techniques utilisées pour collecter les données reposent sur un questionnement plus ou moins direct, allant de l’entretien directif (direct) aux techniques projectives sophistiquées comme la transposition ou le jeu de rôle (indirect). Leur utilisation comporte une double implication pour le chercheur : Richesse de l’information collectée : dans quelle mesure le fait qu’un répondant connaisse l’objet de l’étude

l’amène à être moins ouvert d’esprit ou à brider sa créativité ? le conduise à s’exprimer de manière plus conventionnelle ? l’empêche de sortir de sa « coquille sociale » et de s’exprimer sincèrement sur des sujets délicats dont il n’a parfois pas vraiment conscience ?

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Éthique de la recherche : peut-on impunément cacher l’objet d’une recherche ? que se passe-t-il si le sujet le devine ? aura-t-il le sentiment d’avoir été trompé voire même abusé ? un répondant aurait-il accepté de participer si l’objet de l’étude avait été dévoilé ?

Il serait trop simple de répondre à ces questions en décidant de ne pas utiliser ces techniques. La réponse est propre à chaque recherche. Deux règles semblent incontournables : 1) ne pas mettre le sujet dans une situation embarrassante et 2) ne pas enregistrer (audio et/ou vidéo) une personne ou l’observer au travers d’un miroir sans tain sans avoir obtenu au préalable son accord explicite. [N.K. Malhotra et D.F. Birks, Marketing research, An applied research, 2e édition, Prentice-Hall, 2006, p. 159 et p. 173.]

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Chapitre 4 – La planification stratégique Complément 1 Récit issu d’observations par lampes de poche (p. 170) La séquence présentée s’étale sur deux heures ; elle est tirée du suivi de l’activité d’un chef d’exploitation entre 13 h 25, moment de sa prise de quart avec briefing de relève, et 15 h 30. Un des quatre ventilateurs (DVN) d’un local du bâtiment des auxiliaires nucléaires (BAN) est tombé en panne pendant la nuit. L’équipe de quart a fait une demande de réparation à la maintenance. La demande a été discutée et acceptée à la réunion conduite/maintenance de 8 heures du matin, qui regroupe des représentants de l’équipe de conduite du matin, des représentants de la maintenance et du service de la planification. La réparation a été programmée pour le début d’après-midi, juste après le passage de la relève entre les équipes de conduite du matin et de l’après-midi. L’équipe de conduite du matin est relevée par l’équipe de l’après-midi à 13 h 25. Le chef d’exploitation (CE) du matin explique le problème à son collègue de l’après-midi. La discussion se focalise sur deux points : premièrement la situation n’est pas dangereuse (en effet, le taux de dilution des particules assuré par les autres ventilateurs reste supérieur au minimum requis par les règles d’exploitation), deuxièmement, le chef d’exploitation du matin estime qu’il faut réparer le ventilateur au plus vite. Il justifie son point de vue en invoquant un principe de sûreté qui stipule qu’il ne faut pas laisser les installations dans une situation dégradée. Le chef d’exploitation du matin résume finalement la situation : il s’agit d’une simple réparation consécutive à un événement fortuit, puisque l’arrêt du ventilateur était involontaire. Mais, pendant cette discussion, le chef d’exploitation de l’après-midi émet des doutes sur les modalités de la réparation. En effet, pour réparer le ventilateur défaillant, il faudrait peut-être arrêter volontairement les trois autres. Cela changerait alors la nature du problème, car l’arrêt volontaire des trois autres ventilateurs ne serait pas un événement fortuit, il serait provoqué. Or, l’arrêt provoqué de l’ensemble des ventilateurs DVN correspondrait à une mise en indisponibilité volontaire d’un matériel important pour la sûreté (Io de groupe 1), ce qui serait considéré, en interne, comme un manquement aux règles de sûreté et, en externe, comme un « incident » par l’autorité de sûreté. La responsabilité de l’équipe de l’après-midi serait alors mise en cause. Le chef d’exploitation du matin ne partage pas cet avis. Pour lui, on reste dans le cadre d’un événement fortuit et il insiste sur le fait qu’il ne faut pas laisser les installations dans une situation dégradée : « C’est très clair dans ma tête, on n’a pas le choix, il faut réparer. » N’arrivant pas à se mettre d’accord, les deux chefs d’exploitation regardent ce que disent les règles générales d’exploitation (RGE) sur le sujet, mais, trop vagues, elles ne permettent pas de trancher. Les CE contactent alors l’ingénieur sûreté (jeune cadre) par téléphone pour lui demander son avis. Le téléphone est sur haut-parleur, les deux chefs d’exploitation exposent leurs points de vue. L’ingénieur sûreté (IS) donne raison au chef d’exploitation du matin. Il pense qu’il faut réparer au plus vite, que cela ne pose pas de problème vis-à-vis des règles de sûreté : comme la panne du ventilateur est fortuite, l’arrêt des trois autres ventilateurs, pour réparation du quatrième, ne devrait pas être considéré comme la déclaration volontaire d’une indisponibilité d’un matériel important pour la sûreté (Io de groupe 1). Une fois la relève terminée, le chef d’exploitation de l’après-midi, qui n’a pas été convaincu par les arguments de ses collègues (CE du matin et ingénieur sûreté), décide seul de bloquer la réparation : il veut se donner plus de temps pour réfléchir et discuter avec les experts concernés par le problème. Il demande à son équipe de ne pas délivrer l’autorisation d’intervention à la maintenance lorsqu’elle se présentera en salle de commande. Il apprend

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que l’équipe est déjà là, prête à intervenir. Mais il ne modifie pas sa décision pour autant (alors qu’il sait que cela peut provoquer des tensions entre l’équipe de maintenance et l’équipe de conduite). Le chef d’exploitation contacte l’ingénieur du service technique en charge des relations avec l’autorité de sûreté. Il apprend qu’il faut faire une demande de dérogation pour couper les quatre ventilateurs (ce qui permet de sortir des règles générales d’exploitation sans risquer l’incident). Il suffit pour cela d’envoyer un télex à l’autorité de sûreté et d’attendre leur réponse. Dans l’instant suivant, le chef d’exploitation est contacté par l’ingénieur sûreté : celui-ci a changé d’avis, après en avoir parlé autour de lui. Il pense maintenant qu’il y a bien un risque de non-conformité à la sûreté en cas d’arrêt volontaire des quatre ventilateurs. Il confirme la nécessité d’une demande de dérogation aux règles générales d’exploitation. Après tous ces échanges téléphoniques, le chef d’exploitation et l’ingénieur sûreté décident de se rencontrer pour aller voir l’ingénieur du service technique chargé des relations avec l’autorité de sûreté afin de décider du contenu à donner au télex. Dans l’intervalle, de 14 h 15 à 14 h 30 environ, le chef d’exploitation passe dans les salles de commande des deux tranches qui sont sous sa responsabilité. Il discute du problème avec les opérateurs et justifie l’ordre de ne pas laisser la maintenance effectuer la réparation. Le chef d’exploitation et l’ingénieur sûreté se retrouvent dans le bureau de l’ingénieur du service technique chargé des relations avec l’autorité de sûreté vers 14 h 45. Ils s’aperçoivent qu’ils ne peuvent pas formuler leur demande de dérogation car ils n’ont pas assez d’informations sur la façon dont la réparation se déroulera ni sur le temps qu’elle prendra. Le chef d’exploitation et l’ingénieur sûreté décident d’aller chercher des compléments d’information auprès du responsable de la maintenance. Une fois sur les lieux, ils apprennent par un chargé de travaux qui se trouvait là qu’il faudra tout arrêter pendant quatre heures, pour changer les courroies. Le chef d’exploitation dit que cela change toutes les données du problème car on sort complètement des spécifications techniques d’exploitation (STE) qui fixent la durée maximale d’arrêt des ventilateurs à une heure (passé ce délai, il faudra arrêter la centrale, sinon la situation sera considérée comme « incidentelle »). Devant l’embarras du chef d’exploitation et de l’ingénieur sûreté, le chargé de travaux contacte le responsable de la maintenance par téléphone. Mise sur haut-parleur, la liaison téléphonique permet d’engager une discussion. Le responsable de la maintenance explique que « si les courroies ont lâché, c’est qu’il y a quelque chose ». Il faut donc expertiser, ce qui demande environ deux heures, « mais comme en cas de dépassement on se fait engueuler, on préfère se donner de la marge en demandant à intervenir quatre heures ». Une discussion s’engage pour savoir si le changement de toutes les courroies entre dans le cadre d’une action de maintenance curative ou préventive. La question n’est pas tranchée. Le responsable de la maintenance dit qu’il arrive. Une fois dans son bureau, le responsable de la maintenance commence par dire aux autres qu’il n’a eu que tardivement la confirmation qu’il serait nécessaire d’arrêter tous les ventilateurs : le problème n’avait pas été clairement abordé à la réunion de demande d’intervention qui s’est tenue à 8 heures ce matin. Lui-même s’était interrogé sur ce point et avait même contacté le constructeur. Ce dernier pensait pouvoir intervenir sur le ventilateur défectueux sans arrêter les autres. Mais c’était négliger le fait que pour accéder au ventilateur défectueux il faut de toute façon entrer dans le « plénum », ce qui est impossible lorsque les autres ventilateurs fonctionnent : on ne peut ouvrir la porte à cause de la dépressurisation du local. Par ailleurs, le responsable de la maintenance apprend au chef d’exploitation et à l’ingénieur sûreté qu’en réalité on ne connaît pas l’origine exacte de la panne. On suppose que l’arrêt du ventilateur est dû à un problème de courroies, mais il faudra expertiser. Le problème peut être plus grave que prévu. Dans ce cas, il faudra peut-être plusieurs jours pour réparer. Mais, quoi qu’il en soit, le responsable de la maintenance s’engage à rendre les installations au bout de quatre heures. Tout le monde est finalement d’accord pour suivre le plan suivant : on arrête les ventilateurs quatre heures, on change les courroies et on expertise, puis on voit ce qu’il en est. L’ensemble de la manœuvre doit être couvert par une demande de dérogation adressée à l’autorité de sûreté. Mais chacun a conscience que l’autorité de sûreté peut ne pas accorder la dérogation, d’autant plus que la demande comporte en fait une double dérogation : l’une portant sur l’arrêt volontaire de trois ventilateurs et l’autre sur le dépassement du délai d’une heure avant le passage obligatoire de la tranche en état de repli. À 15 h 10, l’ingénieur sûreté et le chef d’exploitation retournent dans le bureau de l’ingénieur chargé des relations avec l’autorité de sûreté pour rédiger le télex. La difficulté à faire accepter la double dérogation pousse le chef d’exploitation et l’ingénieur chargé des relations avec l’autorité de sûreté à trouver une solution qui ne réclamerait pas de dérogation : il suffirait de faire passer l’intervention sur les ventilateurs à l’occasion d’une opération de maintenance préventive programmée sur le système DVN. À 15 h 15, le chef de la maintenance « bipe » le chef d’exploitation pour lui dire qu’il a trouvé une autre solution technique qui permettrait d’arrêter les ventilateurs seulement deux fois trente minutes. Le chef d’exploitation en prend bonne note, mais il conserve l’idée d’éviter toute demande de dérogation. Il estime qu’en l’absence de danger immédiat on peut se permettre d’attendre. L’ingénieur chargé des relations avec l’autorité de sûreté se charge de faire le tour des services pour voir quand la prochaine opération de maintenance préventive est programmée.

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Finalement, ils découvrent qu’une opération de maintenance préventive pour graissage des ventilateurs est programmée dans quinze jours. C’est la solution qui a finalement été retenue ce jour-là. Source : Journé B., Les organisations complexes à risques. Gérer la sûreté par les ressources, études de situations de conduite de centrales nucléaires, thèse de doctorat, École Polytechnique, Paris, 1999.

Complément 2 Exemple d’usages de la vidéo (p. 170) La technique de l’enregistrement vidéo a été mise en œuvre par une équipe de chercheurs pour étudier la gestion de la fonction d’« accueil des voyageurs » de la SNCF. Il s’agissait de définir, caractériser et comprendre la nature des activités des « agents d’accueil » de la gare du Nord à Paris qui avaient pour mission officielle de faciliter l’orientation des voyageurs. Des voyageurs et des agents d’accueil ont été filmés pendant leurs trajets dans la gare. Les résultats de cette étude permettent d’envisager de nouveaux critères d’évaluation de la fonction d’accueil et plus largement de la « qualité du service » propre à la famille des métiers d’accueil. L’instrumentation technique était constituée d’un caméscope et de micros-cravates portés par les agents d’accueil et par des voyageurs volontaires. « Comme nous étions intéressés, au-delà de la seule observation morphologique des cheminements, par le sens que les sujets donnent aux indications signalétiques, à la topographie et à l’architecture, la prise de vues devait être complétée par un dispositif leur permettant de fournir des explications sur leur conduite. La caméra étant trop éloignée pour capter les paroles, nous avons enregistré au magnétophone (avec un micro-cravate) les commentaires que le voyageur avait pour consigne de verbaliser pendant le déroulement du cheminement. Après la prise de vues, la bande-son du magnétophone a été recopiée et synchronisée sur la piste sonore de la bande-vidéo, donnant ainsi un produit vidéo complet. Pour les agents, nous avons procédé de la même manière en ajoutant une deuxième phase où l’agent visionne le film de son trajet et fait des commentaires, selon la technique de l’auto-confrontation, bien connue en ergonomie. Trois agents ont été filmés pendant 45 minutes pour deux d’entre eux, 70 minutes pour le troisième, pendant qu’ils effectuaient une "tournée" (selon leurs propres termes) dans la gare banlieue. Pendant la prise de vues, ils portaient également un micro-cravate et un magnétophone de poche enregistrant leurs interactions verbales avec les personnes rencontrées : voyageurs, autres agents, commerçants, etc., mais il ne leur était pas possible de commenter leur activité en direct car cela aurait trop perturbé leur travail. C’est pourquoi, après avoir réalisé la synchronisation de la bande-son du magnétophone sur la bande-vidéo, nous avons eu recours à des séances d’auto-confrontation un ou deux jours après la prise de vues. Le dispositif d’aut-oconfrontation doit également être décrit car le produit vidéo est assez particulier. La vidéo résultant de l’étape précédente, après montage de la bande-son, est utilisée comme support de verbalisation. L’agent se voit donc par l’œil de la caméra, le son qu’il entend étant celui qui correspond à sa propre activité et à ses interactions verbales. L’auto-confrontation est enregistrée en vidéo, la caméra étant dirigée sur l’écran où est projeté le trajet de l’agent, et le micro captant les commentaires faits à ce propos. La caméra enregistre donc la projection de la bande-vidéo telle qu’elle se déroule pendant l’auto-confrontation, y compris les pauses (arrêts sur image) introduites pour permettre à l’agent de commenter à loisir. L’enregistrement vidéo de l’auto-confrontation est ainsi un moyen essentiel pour établir la correspondance entre les commentaires et les scènes qui les suscitent. » (p. 76-77). Cette recherche montre combien l’usage de la caméra ne fait pas que produire un film, mais bien une pluralité de documents qui formeront le corpus de données des chercheurs et dont il faudra ensuite organiser l’articulation pour instruire la question de recherche. « L’observation des agents produit donc plusieurs documents :

la vidéo du trajet, avec le son pris par la caméra ; le son pris auprès de la personne observée ; une vidéo synchronisant les images du trajet et le son pris auprès de la personne grâce au port du micro-

cravate ; une vidéo sonore de l’auto-confrontation, montrant le film du trajet interrompu par des arrêts sur image et

restituant les commentaires. » (p. 77) Les contraintes techniques liées à l’observation d’activités itinérantes, qui ont obligé les chercheurs à recueillir séparément les images et les sons, ont le mérite de montrer clairement les limites des seules images. Elles soulignent parallèlement l’importance de la collecte des échanges verbaux (par micro-cravate) et des intentions des acteurs (par auto-confrontation) pour comprendre l’activité des personnes observées.

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« Pour le chercheur, ces documents présentent une progression saisissante dans la compréhension du cheminement de l’agent. Un sens de plus en plus riche se dévoile à chaque étape. Le trajet "brut", vu depuis la caméra sans entendre les interactions verbales, montre l’activité de l’agent mais ne permet pas de comprendre ce qu’il fait ni où il va, ce qui lasse vite l’attention. Les échanges verbaux découverts au montage de la bande-son sur la bande image expliquent les grandes lignes du trajet de l’agent mais ne permettent pas de comprendre ce que l’agent a l’intention de faire lorsqu’il chemine. Seule l’autoconfrontation est capable de révéler l’intense activité mentale de l’agent pendant qu’il marche, observant une foule d’éléments de l’environnement et en tirant des conclusions sur l’état des équipements, les mesures à prendre, etc. » (p. 77) Les données construites par l’observation permettent de comprendre l’activité des personnes observées, dans toute leur complexité et d’en souligner des dimensions jusqu’alors peu connues et peu reconnues : « On découvre ainsi que l’agent ne fait pas que renseigner les voyageurs ; il est aussi celui qui veille au grain du système de la gare, aux défaillances d’escalators, d’automates, écrans vidéo et autres télé-afficheurs indispensables, et qui organise la circulation des flux de voyageurs entre les trains en correspondance […] L’agent d’accueil est particulièrement attentif à toute anomalie qui gênerait les voyageurs dans leurs trajets en gare. » (p. 77) Cet exemple fournit un éclairage très intéressant sur la manière de déployer l’observation vidéo, en même temps qu’il souligne la diversité des questions de recherche que cette technique permet d’instruire. Le même dispositif d’observation a permis en effet à chacun des trois chercheurs, Denis Bayart, Anni Borzeix et Michèle Lacoste, d’utiliser les données filmées pour travailler des objets théoriques différents bien que complémentaires. Denis Bayart utilise les données d’observation pour alimenter une réflexion sur le concept de « cheminement » des agents d’accueil. Michèle Lacoste exploite le même corpus de données pour se concentrer sur la nature des interactions que l’agent d’accueil entretient avec les voyageurs. La finesse des données permet de décomposer les signes qui révèlent les différentes manières que les personnes ont d’aborder, d’être abordées et de se faire aborder dans la gare. Anni Borzeix s’appuie sur les données de l’auto-confrontation pour analyser notamment la façon dont les agents d’accueil interprètent les situations dans lesquelles ils évoluent et, en particulier, comment ils repèrent les « appels du regard » des voyageurs en demande d’aide. Sources : D. Bayart, A. Borzeix et M. Lacoste, « Les traversées de la gare : filmer des activités itinérantes », Champs visuels, 6, septembre 1997, p. 75-90.

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Chapitre 7 – Le changement et l’innovation Complément 1 Exemple d’analyses de matériels iconiques (p. 251) 1 - Analyse d’évocations graphiques À partir de Demory et Lancestre, 1983 Les évocations graphiques analysées par les auteurs ont été produites à l’aide du terme « assurances ». Les auteurs s’attachent à interpréter et donner du sens aux dessins réalisés par les sujets. Ainsi, selon eux, « l’assurance apparaît comme une puissance dédaigneuse et redoutable face à laquelle le client se sent angoissé et accablé ». À titre d’illustration, ils donnent quelques exemples de dessins qui expriment ces idées : « un aigle emportant dans ses serres un mouton du troupeau, des immeubles géants et inhumains, un nuage pesant sur les "pauvres humains", etc. ». Dans ce même travail, les auteurs analysent les évocations graphiques portant cette fois sur le « courtier d’assurances ». Il ressort des dessins du groupe des perceptions majoritairement négatives du courtier qui s’expriment graphiquement par des représentations telles que : « des doigts aux ongles crochus ». [B. Demory et A. Lancestre (1983), Le marketing qualitatif – Des produits nommés désirs, Paris, Chotard et associés.] 2 - Analyse sémiotique de publicités À partir de Zhao et Belk, 2008 Les auteurs de cette recherche utilisent une approche sémiotique afin d’examiner les rapports entre globalisation et localisme dans la publicité chinoise des années 1930, période qui, pour ces chercheurs, correspond aux premières confrontations du local avec le global à Shanghai. Les supports étudiés sont les calendriers publicitaires, les Yuefenpai, très populaires dans ce pays. Ils ont recours aux principes de la rhétorique visuelle et de la sémiologie Saussurienne. Ils s’attachent donc à comprendre le processus de construction du sens à partir des signes contenus dans ces compositions publicitaires. Comme dans le cas d’une analyse de contenu classique, les deux auteurs ont procédé à une analyse individuelle avant de comparer leurs résultats. Le premier niveau d’analyse considéré est le niveau de la dénotation. Il s’agit alors de rechercher la représentation de la globalisation d’une part et du localisme d’autre part. Le second niveau est celui de la connotation, au travers des styles, idées, valeurs symboliques exprimés par les signes visuels et linguistiques. À ce niveau, l’attention est également orientée sur la composition et la rhétorique des images. [X. Zhao et R.W. Belk, « Advertising consumer culture in 1930s Shanghai – Globalization and localization in Yuefenpai », Journal of Advertising, 37, 2, 2008, p. 45-56.]

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Complément 2 Conditions préalables à une bonne analyse quali (p. 255) Préalablement à l’analyse à proprement parler, le chercheur doit :

faire le choix des matériels qui formeront le corpus à analyser ; établir des hypothèses/objectifs ; formuler des indicateurs qui rendront possible l’interprétation terminale et qui serviront de base à la définition

d’un ensemble de règles de découpage du corpus tout d’abord, puis de catégorisation et codage. À ce stade, certaines conditions doivent être respectées afin d’améliorer la qualité de l’analyse qualitative et, plus largement, celle de la recherche concernée. Ainsi, il est nécessaire de prendre en compte de façon exhaustive l’ensemble des composants du corpus retenu, et ce sans a priori aucun. Le respect de cette condition permettra de garantir l’exhaustivité du matériel analysé, et donc une rigueur scientifique supérieure. Imaginons un chercheur en stratégie des entreprises, désireux d’analyser les visions stratégiques de ces dernières, telles qu’elles apparaissent au travers de leur discours contenu dans le rapport annuel d’activités. Il doit donc commencer par définir, en fonction de son objectif de recherche, l’envergure à donner à son corpus et le type de matériaux à réunir de façon pertinente. En l’occurrence, il peut vouloir focaliser son attention uniquement sur les entreprises qui affichent les meilleures performances sur un territoire national donné. Cela le conduira alors à délimiter son corpus aux rapports d’activités des 100 entreprises classées comme les plus performantes en France par un journal économique reconnu. Dans certains cas, il est possible de déroger à cette condition d’exhaustivité en ne considérant qu’un échantillon du champ d’origine, mais en veillant cependant à ne pas enfreindre la règle de la non-sélectivité qui consiste à s’assurer de réunir tous les éléments qui correspondent aux critères de constitution définis par le chercheur de façon rigoureuse. Ainsi, notre chercheur pourrait, soit de manière aléatoire, soit sur la base de quotas déterminés au vu des qualités possédées par les 100 entreprises considérées (effectifs, C.A., secteur d’activité, etc.), réduire son analyse à un échantillon représentatif de la population concernée. Dans la situation de recherche décrite, le chercheur respectera aussi la condition d’homogénéité, puisqu’il ne regroupera au sein de son corpus que des documents de même nature et donc comparables. Il serait problématique par exemple que certaines entreprises soient décrites par le biais de leurs rapports d’activités alors que d’autres le seraient au travers d’un entretien avec leur dirigeant*. * Ce qui ne signifie pas qu’un corpus ne peut pas compter différentes sources d’informations. Par exemple, le corpus pourrait tout à fait comprendre (de façon systématique) un entretien du dirigeant et le rapport d’activités par entreprise concernée.

Complément 3 Débat sur la terminologie relative à la catégorisation des données (p. 256) Pour Bardin (2003), il s’agit d’une part des « unités d’enregistrement » ou unités élémentaires de signification qu’il faudra coder, catégoriser et, si besoin, décompter et, d’autre part, des « unités de contexte ». L’unité de contexte renvoie, pour cet auteur, à « l’unité de compréhension pour coder l’unité d’enregistrement ». Autrement dit, il faut choisir cette unité de contexte de telle manière que l’unité d’enregistrement garde du sens relativement à son contexte d’utilisation, ce qui suppose une unité de contexte suffisamment englobante, mais, dans le même temps, il ne faut pas non plus trop élargir l’unité de contexte car des unités trop larges sont plus chronophages en termes de traitement car elles supposent une prise de connaissance plus longue du contexte pour chaque unité d’enregistrement considérée. Ainsi, l’analyste peut faire le choix d’unités d’enregistrement plutôt fondées sur des critères de signification, comme le thème par exemple, ou plutôt fondées sur des critères linguistiques, comme le mot par exemple. Il est cependant souvent difficile de distinguer précisément ce qui relève uniquement de la sémantique de ce qui relève uniquement de la linguistique, les deux étant étroitement liés au sein d’une communication quelle qu’elle soit. La phrase peut aussi bien être considérée comme composant linguistique que comme structure de sens. Pareillement, la phrase peut, selon les objectifs du chercheur, les spécificités du corpus, le genre d’analyse développée, aussi bien être traitée comme l’unité d’enregistrement au sein d’unités de contexte plus vastes que sont les paragraphes, que comme unité de contexte pour l’unité d’enregistrement « mot ». Ces choix ne sont pas sans conséquences dès lors qu’on procède à des comptages sur les unités considérées.

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Ainsi, Blanchet et Gotman (2001) évoquent, eux, la notion « d’unité de découpage » définie comme « le fragment de discours portant une signification » et qui, dans le cas d’une analyse thématique (voir partie suivante), correspond au fragment de discours porteur d’un thème. Nous verrons d’ailleurs dans la partie suivante que certaines formes particulières d’analyses recourent à des modes de découpage spécifiques (par exemple, l’analyse propositionnelle du discours ou APD). Ladwein (1996), lui, distingue les « unités de production » (par exemple les entretiens retranscrits) des « unités de traitement » ou « items » (mots, thèmes). Quant à Saunders (2003), il mentionne des « unités d’information »* dont il précise qu’elles correspondent à des bribes (bits) ou à des morceaux plus gros (chunks) de données, pertinents et qui seront attachés aux catégories définies. De même, les notions de codes, mais plus encore de catégories, ainsi que d’une manière générale tous les types d’annotations/classements qui peuvent être opérés sur un corpus, font l’objet d’un vocabulaire mal stabilisé entre les auteurs, ce qui conduit Paillé et Mucchielli (2003) à déclarer que : « Il est bien difficile, à l’heure actuelle, de s’y démêler, particulièrement en ce qui concerne le type et le niveau des annotations utilisées par les analystes, les chercheurs n’ayant pas de langage commun sur cette question. » Ainsi, alors que Bardin (2003) dit des catégories qu’elles sont « des rubriques ou classes qui rassemblent un groupe d’éléments (unités d’enregistrement dans le cas de l’analyse de contenu) sous un titre générique, rassemblement effectué en raison des caractères communs de ces éléments » et ne semble donc aucunement distinguer la rubrique de la catégorie, Paillé et Mucchielli (2003), eux, instaurent une nette différence entre ces deux notions. En effet, pour ces derniers, « la rubrique renvoie à ce dont il est question dans l’extrait du corpus faisant l’objet de l’analyse mais ne renseigne en aucune façon sur ce qui a été dit à ce propos », alors que la catégorie peut prendre deux sens distincts. Elle peut être entendue dans un sens très général (« générique »), celui d’une classe regroupant des objets de même nature et ils considèrent que, dans ce cas, sa définition se rapproche de celle de la rubrique ou du thème, ou dans un sens beaucoup plus étroit, inspiré notamment par le courant de recherche de la théorie enracinée (grounded theory), qui correspond alors à la « désignation substantive d’un phénomène ». Ils font le choix de ne retenir que ce sens spécifique et utilisent autrement les termes « rubrique » ou « thème », considérant que « la catégorie se situe, dans son essence, bien au-delà de la simple annotation descriptive ou de la rubrique dénominative. Elle est l’analyse, la conceptualisation mise en forme, la théorisation en progression ». Ils parlent alors plus précisément de « catégories conceptualisantes ». Weber (1990), bien que n’instaurant pas cette différenciation entre catégorie générique/ catégorie conceptualisante, précise qu’une catégorie peut être composée d’une ou plusieurs unités ayant un sens similaire et que cette similarité peut aller d’une totale synonymie à une similarité plus basée sur des connotations communes.) * Traduction libre de « units of data » [L. Bardin, L’Analyse de contenu, PUF, Paris, 2003. A. Blanchet et A. Gotman, L’Enquête et ses méthodes : l’entretien, Nathan Université, Paris, 2001. Ladwein R., Les Études marketing, Économica, Paris, 1996. M. Saunders, P. Lewis et A. Thornhill, Research methods for business students, Essex, Pearson Education, 2003. P. Paillé et A. Mucchielli, L’Analyse qualitative en sciences humaines et sociales, Armand Colin, Paris, 2003. R.-P. Weber, Basic content analysis, Sage Publications, Newbury Park, 1990.]

Complément 4 Les différentes formes de catégorisation (p. 258) Un premier cas de catégorisation correspond à la simple affectation des unités d’enregistrement dans des catégories préalablement identifiées et qui renvoient à des classifications théoriques déjà constituées. Bardin (2003) intitule cette manière de faire : « procédure par boîtes ». Le chercheur a alors surtout à déterminer quels sont les indices, représentatifs d’une catégorie particulière, sur lesquels il devra s’appuyer pour opérer l’attribution des unités d’enregistrement dans les catégories adéquates. Il doit aussi veiller à ce que chaque catégorie soit précisément définie et que soit parfaitement clarifié ce qu’elle comprend et ce qu’elle ne comprend pas. Cette situation peut être rapprochée de ce que certains auteurs nomment « codage a priori » (Stemler, 2001). Stemler considère qu’il y a codage a priori dès lors que « les catégories ont été établies préalablement à l’analyse sur la base d’une quelconque théorie »*. Il indique qu’il est nécessaire qu’un accord soit obtenu quant aux catégories avant que les données ne soient codées à partir de la liste des catégories définies. Il souligne le fait qu’un travail de révision des catégories peut être effectué au fur et à mesure du codage, de telle manière que ces dernières soient améliorées et tendent vers l’idéal d’exclusion (ou exclusivité) mutuelle et d’exhaustivité prescrit par divers auteurs, dont Weber notamment. En effet, si les catégories se chevauchent, les codeurs risquent de faire des erreurs d’affectation. À ce sujet, Bardin (2003) parle d’exclusion mutuelle, alors que Ladwein (1996) parle, lui, © 2008 Pearson Education France – Méthodologie de la recherche, compléments du chapitre 7

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d’exclusivité mutuelle. Concernant l’exhaustivité, préconisée particulièrement par Berelson (1952), de nombreux auteurs ont depuis relâché la contrainte. Ladwein (1996) par exemple explique que « comme cette condition est difficile à réaliser […] on accepte souvent une catégorie par défaut (la catégorie « divers ») à condition que ce soit la catégorie dans laquelle on classe le moins d’items », quand Blanchet et Gotman (2001) considèrent que : « Une analyse de contenu doit pouvoir rendre compte de la quasi-totalité du corpus (principe d’extension). » Un deuxième cas de catégorisation consiste, à partir des données qualitatives et par une description minutieuse, proche du contenu explicite, à s’attacher à nommer ce dernier. Cette approche correspond à ce que Paillé et Mucchielli (2003) appellent « description analytique » : « L’appellation de la catégorie ne contient aucun ajout de nature conceptuelle par rapport à l’expérience rapportée ou observée. Le niveau d’inférence de la catégorie est donc peu élevé. » Le codage ne s’appuie donc pas sur des catégories pré-existantes, il émerge des données, d’où l’appellation « codage émergent » ou « procédure par tas » pour Bardin (2003). À un second stade cependant, l’activité peut devenir plus interprétative, dans la mesure où le chercheur peut vouloir déterminer, – par des rapprochements/regroupements entre les catégories, la création de « méta-catégories », la mise en perspective avec des connaissances scientifiques existantes, etc. –, les explications théoriques du contenu qu’il a catégorisé pour pouvoir lui donner du sens. On se situe alors dans le cadre d’une « déduction interprétative » pour reprendre les termes de Paillé et Mucchielli (2003). Un troisième cas de catégorisation consiste, toujours en partant des données collectées, à chercher à en induire une interprétation pour dégager une théorisation possible. Cette configuration d’analyse est qualifiée « d’induction théorisante » par Paillé et Mucchielli (2003). La détermination des catégories se fait en restant proche du contenu du corpus et de sa structuration, mais en tentant de faire apparaître une conceptualisation des propos tenus, des expériences décrites, des phénomènes dévoilés, sans s’appuyer sur des constructions théoriques établies. Paillé et Mucchielli (2003) parlent alors de « construction discursive originale ». C’est ce type de conceptualisation, induite par les données, qui est à l’œuvre dans le cas des approches de « théorie enracinée » (grounded theory). * Traduction libre de : the categories are established prior to the analysis based upon some theory [L. Bardin, L’Analyse de contenu, PUF, Paris, 2003. S. Stemler, An overview of content analysis, Practical Assessment, Research & Evaluation, 7, 17, 2001, disponible sur http://PAREonline.net/getvn.asp?v=7&n=17 R.-P. Weber, Basic content analysis, Sage Publications, Newbury Park, 1990.] B. Berelson, Content analysis in communication research, Free Press, New York, 1952. Ladwein R., Les Études marketing, Économica, Paris, 1996. A. Blanchet et A. Gotman, L’Enquête et ses méthodes : l’entretien, Nathan Université, Paris, 2001. P. Paillé et A. Mucchielli, L’Analyse qualitative en sciences humaines et sociales, Armand Colin, Paris, 2003.]

Complément 5 Codage dans le cas d’une approche de théorie enracinée (grounded theory) (p. 258) Lors d’un codage qui s’inscrit dans une perspective de théorie enracinée (grounded theory), trois formes de codage apparaissent (Strauss et Corbin, 1990 ; Lincoln et Guba, 1985) :

le codage ouvert (open coding) ; le codage axial (axial coding) ; le codage sélectif (selective coding).

Le codage ouvert permet, ainsi que nous l’avons mentionné précédemment, de catégoriser les phénomènes conformément à ce qu’indiquent les données brutes du corpus. À ce niveau, les catégories correspondent à des concepts regroupés et catégorisés, c’est-à-dire au premier stade de construction d’une théorie enracinée. Ensuite, le chercheur procède à un codage axial qui cherche à établir des connexions entre une catégorie particulière et des sous-catégories qui peuvent lui être attachées et qui renvoient à des dimensions, caractéristiques, propriétés de la catégorie. Enfin, l’analyste réalise un codage sélectif qui a pour but de mettre en relation les différentes catégories obtenues de façon à pouvoir les articuler autour d’une ou deux catégories centrales et formuler des propositions théoriques. Il s’agit d’une phase d’intégration destinée à structurer un cadre théorique.

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[A. Strauss et J. Corbin, Basics of qualitative research : Grounded theory procedures and techniques, Sage, London, 1990. Y.-S. Lincoln et E.-G. Guba, Naturalistic Inquiry, Sage, Beverly Hills, 1985.]

Complément 6 Extrait d’une grille de codification relative à des rapports d’activité (p. 259)

Extrait Énoncé Rubrique Code Catégorie Code

« Financièrement, nous avons renforcé nos marges de manœuvre. Le chiffre d'affaires consolidé, de 45 milliards d'euros, augmente de 7,4 %. Cette croissance est surtout organique : en France, où le marché a pourtant connu une nouvelle étape d'ouverture à la concurrence, les recettes croissent de 5 %. Hors de France, la croissance à périmètre et change constants atteint 16,4 % en Europe et 11 % dans le reste du monde, témoignant d'investissements passés pertinents et de synergies effectives. La rentabilité du Groupe s'améliore fortement, puisque le résultat net courant passe de 0,2 à 1 milliard d'euros. EDF enregistre ainsi un bénéfice net de 857 millions d'euros, après avoir intégré le surcoût de plus de 300 millions d'euros dû aux achats d'électricité pendant la canicule, ainsi que les intérêts attachés au paiement à l'État d'un impôt relatif au réseau d'alimentation générale, demandé par la Commission européenne. »

EDF enregistre des résultats satisfaisants en France comme à l’international.

Résultats RESUL

Le succès des choix stratégiques

SUCC_STRAT

La stratégie du Groupe a pour objectifs :

- le développement de ses activités d'exploration et de production ;

- le renforcement de sa position parmi les leaders sur les marchés du gaz naturel et du GNL de par le monde ;

- la consolidation de ses parts de marché dans le marketing en Europe, tout en se développant sur les marchés en croissance rapide du Bassin méditerranéen, d'Afrique et d'Asie ;

- la rationalisation de son portefeuille Chimie en donnant la priorité à l'amélioration de la rentabilité, au développement des activités pétrochimiques et de spécialités, et à la constitution en octobre 2004, d'une nouvelle entité décentralisée comprenant les Produits Vinyliques, la Chimie Industrielle et les Produits de Performance.

Total s’appuie sur différentes stratégies de croissance pour consolider et développer ses positions dans le monde et sur la rationalisation de ses activités pour améliorer sa rentabilité.

Stratégie STRAT

Leviers stratégiques utilisés

LEV_STRAT_UTIL

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Le 1er extrait est tiré du rapport d’EDF et le second du rapport de Total (données collectées par les auteurs du présent chapitre mais n’ayant pas encore donné lieu à publication).

Complément 7 Exemple d’utilisation des verbatim (p. 260) Extrait de l’article de Charles-Pauvers et alii (2007) à propos de la gestion des ressources humaines dans les centres d’appels : « La première mission avancée spontanément par les salariés est l’apport d’une réponse à un client qui appelle : ils considèrent réaliser une mission de prise d’appel (apporter une réponse au client et le conseiller) et, pour certains, un diagnostic. "… Concrètement, c’est réceptionner des appels des clients et voir les demandes des clients en fonction de leur dossier, en fonction de leur forfait ou factures plus souvent ; et répondre et rechercher la réponse dans leur dossier par rapport au problème qu’ils posent." La seconde mission, vente de services et développement de l’usage, plus récente, est vue comme une mission commerciale. Ce double aspect est ressenti comme une contradiction et le conseiller éprouve une difficulté à "se positionner" face à son client et face à sa mission. "…c’est un métier pénible psychiquement, je veux dire, on peut s’user au bout de trois quatre ans quoi. [Vous la sentiez, vous cette usure-là, au téléphone ?] Ouais ça se sent, c’est-à-dire que, il faut être disponible vraiment à fond tout le temps et on peut pas prendre un appel comme ça, quand on appelle un service comme ça ; ou un CAP, ou une administration, on a l’impression d’être le premier mais en réalité, la personne en est peut-être à son centième appel, faut toujours faire comme si on ne… voilà et ça ouais, ça prend, faut prendre sur soi et qu’à la fin, je crois qu’on s’use quasiment… on peut pas faire ça toute une carrière, c’est certain". » [B. Charles-Pauvers, C. Urbain et E. Le Quentrec, « Pratiques de gestion des ressources humaines et performance commerciale - Le cas d’un centre d’appels », Revue Française de Gestion, 33, 176, 2007, p. 21.]

Page 263 – Voir complément 1, exemple 2

Page 264 - Voir compléments 10 et suivants

Complément 8 Différences majeures entre les logiciels Spad-T, Lexica, Alceste (p. 266) À partir de Helme-Guizon et Gavard-Perret, 2004 Sphinx lexica et Spad-T reposent sur une classification ascendante hiérarchique.

Ces logiciels partent des mots => la construction des catégories est fonction des cooccurrences. Alceste fonctionne sur la base d’une double classification descendante hiérarchique.

Ce logiciel part du texte global => il procède par partitions successives du corpus et met ainsi au jour des classes de mots. Alceste, du fait de la méthode de classification adoptée (descendante), tend à maximiser les différences à

l’intérieur d’un corpus, mais ne garantit pas une totale homogénéité des classes obtenues. Spad-T et Lexica, du fait de la méthode de classification adoptée (ascendante) maximisent l’homogénéité des

catégories obtenues, mais au détriment des différences inter-catégorielles. Alceste cherche avant tout à « rendre compte de l’organisation interne d’un discours plutôt que rendre compte

de différences statistiques entre les divers textes d’un corpus » (Reinert).

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Ce logiciel est donc plus pensé dans une logique d’analyse du discours que dans une logique de statistique lexicale, mais il nécessite un corpus homogène. Ce critère d’homogénéité conduit à délaisser une partie du corpus et l’on peut perdre ainsi le vocabulaire rare. Spad-T ne comporte ni dictionnaire par défaut, ni lemmatisation, ni découpage automatisé du texte.

Il est donc difficilement utilisable pour des corpus complexes comme des corpus d’entretiens car cela suppose de lourdes opérations manuelles (de regroupement de mots d’une même famille, de construction de dictionnaires de mots outils, etc. et de pré-découpage du texte. Alceste peut convenir pour une recherche sans a priori dans laquelle le chercheur n’a pas d’objectif précis

d’analyse ni de stratégie particulière d’analyse du contenu, puisque, dans tous les cas et sans paramétrages ou choix particuliers de l’analyste, il proposera des classes. Charge ensuite à l’analyste d’essayer de les interpréter et de leur donner du sens ! Sphinx Lexica et surtout Spad-T supposent une stratégie de recherche préalable car les possibilités d’action,

les choix à faire et les manipulations sont nombreuses (création de variables ; regroupements ; suppression ; etc.). Sans intention particulière et sans procédure d’analyse en tête, le chercheur peut se perdre dans la masse des données et la palette des fonctionnalités offertes ou, ne pas réussir à « faire parler » le corpus sur la seule base des statistiques lexicales (qui, elles, requièrent relativement peu d’initiatives).

Complémentarités possibles :

Alceste permet de faire émerger des classes rapidement et Lexica de les préciser au moyen de la statistique lexicale et des comptages sur les individus. Avec Alceste, on peut ainsi poser rapidement des hypothèses interprétatives à partir des structures textuelles dévoilées, tandis que Spad-T ou Lexica apporteront une vérification de ces hypothèses à la lumière de la statistique lexicale. Mais Lexica peut aussi être utilisé en premier afin de « dégrossir » l’analyse, alors qu’Alceste, plus précis en

matière de classification, affinera ce premier travail. Lexica s’avère utile également pour intervenir sur ce qu’ Alceste a ignoré et parfaire ainsi l’analyse. [A. Helme-Guizon et M.-L. Gavard-Perret , « L’analyse automatisée de données textuelles en marketing : comparaison de trois logiciels », Décisions Marketing, 36, n° spécial « Études Qualitatives », 2004, p. 75-90.]

Complément 9 Choix de la structuration du corpus, conséquences du formatage retenu et extraits de corpus correspondant à différents formatages (p. 268) Choix de formatage et conséquences Le fichier contenant les données textuelles à analyser à l’aide du logiciel Sphinx doit être un fichier « texte » (.txt). Il est possible également de travailler à partir de fichiers Excel ou Access. En revanche, on ne peut pas importer directement un ficher de type Word (traitement de texte). Il est conseillé de passer son fichier au correcteur orthographique avant de l’importer dans Sphinx Lexica, car un mot mal écrit sera traité comme une forme graphique spécifique par le logiciel et ne sera donc pas compté avec la forme graphique correspondant à ce même mot correctement écrit (sauf si on tient à conserver les mots exacts utilisés par les répondants, même s’ils comptent des fautes, parce que c’est important pour le type d’analyse envisagé). Il faut aussi veiller à ne pas utiliser certains paramètres et fonctions des traitements de texte qui introduisent des caractères spéciaux dans le corpus, caractères que le logiciel Sphinx Lexica ne sait pas reconnaître ou remplace automatiquement par d’autres de manière pas toujours satisfaisante. Formatage par annotations Les textes annotés conviennent très bien au traitement de collections d’articles, de bases de données bibliographiques, de chapitres d’un livre, etc. Dans ce cas, au début de chaque texte considéré, une annotation (le jalon) va préciser le nom du texte et ses caractéristiques, comme l’indiquent les exemples ci-après. Ainsi, dans le premier exemple qui concerne un corpus constitué de rapports d’activité, le jalon (J) mentionne le nom de l’entreprise, son secteur industriel et l’année du rapport. Dans le deuxième exemple, on pourrait procéder de cette manière pour une collection d’articles, si aucune information particulière relative à l’article n’était intéressante pour l’analyste. Dans le troisième exemple, il pourrait s’agir d’articles, de références bibliographiques, d’entretiens, etc. identifiés par le nom auquel chacun d’entre eux se rattache. [J = Rhodia, chimie, 2004]

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ou [J = article 1] ou [J = JOLIBERT] L’analyste peut aussi ajouter une marque (M) pour distinguer différents niveaux de fragments à l’intérieur d’un même document délimité par les jalons (par exemple les questions des réponses). Ainsi, dans le cas d’une utilisation pour des entretiens, on pourrait avoir la structuration suivante : [J= DUPONT, F, 32, employée] [M = q] et [M = r] La table qui serait constituée par le logiciel sur la base de ces indications serait la suivante :

Entretien Texte Statut

DUPONT, F, 32, employée AZERTYUIOPQSDFGHJKLMWXCVBN ?.

NBVCXWMLKJHGFDSQPOIUYTREZA.

Q

R

L’analyste dispose par conséquent d’une variable texte et de deux variables signalétiques. Il ne pourra pas (sans manipulation spécifique et création de nouvelles variables) examiner l’effet du genre de la personne, par exemple sur les propos tenus, puisque le genre n’est pas mentionné comme un repère particulier susceptible de donner lieu à la constitution d’une variable. Il en va de même dans cet exemple pour l’âge ou la catégorie socioprofessionnelle du répondant. A contrario, si l’analyste fait le choix de baliser le corpus, il pourra agir de la manière suivante. Formatage par balises Le balisage convient mieux à des documents ou entretiens pour lesquels des données de contextualisation sont importantes ou dont le découpage en rubriques, thèmes, etc. est indispensable. Ainsi, si l’on reprend l’exemple indiqué ci-dessus, l’analyste introduira les balises suivantes : <Entretien> DUPONT <Sexe> F <Age> 32 <CSP> EMPLOYEE <Q> AZERTYUIOPQSDFGHJKLMWXCVBN ? <R> nbvcxwmlkjhgfdsqpoiuytreza. Grâce à cet ensemble de balises, la table suivante sera constituée.

Entretien Sexe

Âge CSP Q R

DUPONT F 32 employée AZERTYUIOPQSDFGHJKLMWXCVBN ?

nbvcxwmlkjhgfdsqpoiuytreza.

L’analyste a alors à sa disposition deux variables texte et quatre variables signalétiques. Il pourra ainsi aisément confronter les discours des hommes à ceux des femmes (idem en fonction de l’âge ou de la CSP). Extraits de corpus de rapports d’activité formaté soit avec annotations, soit avec balises sous Sphinx Lexica Formatage par annotations [JT= A1, Total, Industrie_pétrochimique] « Stratégies - En 2003, le Groupe, qui a pris le nom de Total, a été l'un des acteurs les plus dynamiques et les plus performants de l'industrie pétrolière mondiale. En l'espace de quatre ans, la production d'hydrocarbures du Groupe a crû de 23 %. Cette progression s'appuie sur une stratégie clairement définie et des perspectives visant à concilier l'amélioration des performances et le respect des engagements pris par le Groupe en faveur d'un développement responsable et durable.

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La stratégie du Groupe a pour objectifs : […] […] L'objectif est de former un nouveau groupe chimique ayant vocation à devenir indépendant et qui, doté d'une structure financière solide, puisse s'assurer un développement pérenne. » [JT= A2, Vivendi_universal, Communication] […] Formatage par balises <extrait> A1 <entreprise> Total <secteur> Industrie_pétrochimique <T1> « Stratégies. En 2003, le Groupe, qui a pris le nom de Total, a été l'un des acteurs les plus dynamiques et les plus performants de l'industrie pétrolière mondiale. En l'espace de quatre ans, la production d'hydrocarbures du Groupe a crû de 23 %. Cette progression s'appuie sur une stratégie clairement définie et des perspectives visant à concilier l'amélioration des performances et le respect des engagements pris par le Groupe en faveur d'un développement responsable et durable. La stratégie du Groupe a pour objectifs : […] […] L'objectif est de former un nouveau groupe chimique ayant vocation à devenir indépendant et qui, doté d'une structure financière solide, puisse s'assurer un développement pérenne. » <extrait> A2 <entreprise> Vivendi_universal <secteur> Communication <T2> Vivendi Universal, ayant maintenant assaini sa situation de trésorerie, peut mettre en œuvre une stratégie de (…) Exemple de formatage de corpus pour le logiciel Alceste L’exemple est extrait de la recherche menée par les auteurs relativement à la personnalisation sur Internet. 0001 *age_35 *sexe_masc *CSP_cadre *étude_bac *exp_+5a *duree_-2h *typ_ADSL *lie_dom *nbrha_1a2 *type_prdtcult *typ_voy *Q_0 Personnalisation... C’est-a-dire ? Est-ce que ca peut être euh... Personnalisation c’est, en fonction du but recherche, euh... lors de consultations sur Internet, c’est d’avoir le service que l’on recherche dans le meilleur délai. 0001 *age_35 *sexe_masc *CSP_cadre *étude_bac *exp_+5a *duree_-2h *typ_ADSL *lie_dom *nbrha_1a2 *type_prdtcult *typ_voy *Q_1 Oui, tout à fait. Sur des sites..., des sites par exemple basés sur le euh... sur le commerce en ligne, donc une fonctionnalité avec une convivialité d’utilisation, avec euh... services complémentaires de mémorisation des commandes passées ; donc c’est vraiment adapté pour que l’internaute revienne sur ce site. 0001 *age_35 *sexe_masc *CSP_cadre *étude_bac *exp_+5a *duree_-2h *typ_ADSL *lie_dom *nbrha_1a2 *type_prdtcult *typ_voy *Q_2 Les deux, navigation à titre personnel et à titre professionnel. 0001 *age_35 *sexe_masc *CSP_cadre *étude_bac *exp_+5a *duree_-2h *typ_ADSL *lie_dom *nbrha_1a2 *type_prdtcult *typ_voy *Q_3 Non, j'ai jamais constaté des efforts de personnalisation faits par des sites sans que je les aies demandés ; non parce qu’en général, les sites que je consulte, je les consulte dans un objectif bien déterminé, donc je prends pas le temps vraiment de... de regarder l’architecture du site, mais simplement d’aller à l’essentiel, là où je souhaite aller. Et donc, lors de euh... Comment dire... lors de recherches sur ces critères là, si le site ne répond pas dans un délai bref à ce que je recherche et bien, je le quitte et je vais prendre le suivant. La ligne, dite étoilée, permet de caractériser les différents fragments composant le corpus. Plus précisément : 0001 signifie qu’il s’agit du premier entretien ; pour le 2e entretien, on indiquera 0002

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*age_35 indique que le répondant a entre entre 35 et 49 ans ; les autres modalités sont *age_18 (âge compris entre 18 et 24 ans), *age_25 (âge compris entre 25 et 34 ans), * age_50 (âge au delà de 50 ans) *sexe_masc indique que le répondant est de sexe masculin (vs féminin : *sexe :fem) Et ainsi de suite pour les autres *CSP_cadre (CSP) *étude_bac (niveau d’études) *exp_+5a (nombre d’années depuis lesquelles le répondant navigue sur Internet) *duree_-2h (durée hebdomadaire de connexion) *typ_ADSL (type de connexion) *lieu_dom (lieu de connexion) *nbrha_1a2 (nombre de produits achetés en ligne au cours des 3 derniers mois *type_prdtcult (type de produits achetés- culturels) *typ_voy (type de produits achetés- voyages) *Q_2 (question) Le nombre de variables illustratives n’est pas limité. Il a été fait le choix d’identifier les questions auxquelles les réponses se rapportent Q_0, Q_1, Q_2 etc. Ce parti pris de recherche s’est révélé pertinent car il nous a permis de déceler que les individus parlaient de personnalisation passive (e-mails sollicités, pubs, spams, etc.) alors qu’il leur était posé une question sur la personnalisation active (produit, page web, etc.). Et vice-versa. Nous en avons déduit une certaine confusion quant à l’objet de la recherche. Ceci nous a suggéré d’adopter une autre approche d’analyse que celle initialement envisagée selon la comparaison personnalisation active/passive.

Complément 10 Présentation et comparaison de différentes catégories de lexiques (p. 269) Comparaison des lexiques brut, réduit et lemmatisé pour le corpus des réponses à la question ouverte : « Si vous gagniez au loto ? » (990 réponses) [Sphinx Développement, http://www.lesphinx-developpement.fr/]

Lexique Lexique réduit Lexique lemmatisé

je

j

de

une

en

à

le

des

un

maison

1182

653

613

566

464

412

385

362

362

355

maison enfants voiture voyage

ferais

voyages

achèterais

famille

argent

acheter

355

286

196

192

182

158

150

122

118

115

maison faire acheter

voyage

enfant

placer

voiture donner voyager

aider

363

357

350

311

288

237

197

187

147

122

Le lexique réduit aux seuls mots pleins permet très rapidement de repérer les idées majeures exprimées par les sujets et leurs intentions principales (maison, voyage, voiture) mais aussi les bénéficiaires de ces projets (enfants, famille). Le lexique lemmatisé précise encore le sens de certaines formes graphiques et permet de faire des comptages plus justes. Ainsi, le mot « maison » passe de 355 occurrences à 363, soulignant le fait que le mot était utilisé au singulier mais aussi au pluriel. Pareillement, le verbe « acheter » révèle toute sa puissance une fois toutes ses formes conjuguées regroupées. De même, d’autres formes graphiques élémentaires qui ne faisaient pas partie des 10 premières dans le lexique réduit atteignent les premières places dans le lexique lemmatisé (placer, donner, aider). Il est important de souligner qu’avec ces 10 mots, on arrive à refléter pratiquement le tiers du corpus.

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Taille de corpus et de lexique pour deux corpus de nature différente

Corpus de slogans publicitaires (Gavard-Perret et alii, 1995) et entretiens non directifs sur les transports (Durrande-Moreau, 1994)

Taille du corpus total

Taille du lexique total

Taille du corpus réduit

Taille du lexique réduit

Corpus slogans (23 78 observations)

15 610 2 440 7 422 2 314

Corpus entretiens non-directifs sur les transports

(10 observations)

59 282 3 626 22 893 3 417

[M.-L. Gavard-Perret, J. Moscarola et P. Domenjoz, « Langage publicitaire et contexte d’émission et de diffusion. Analyse d’annonces publicitaires imprimées de langue anglaise », Actes du XIe congrès de l’Association Française du Marketing, 11, Reims, 11-12 mai, 1995, p. 1245-1274. A. Durrande-Moreau , Qualité de service et perception du temps : l'attente, propositions théoriques et étude empirique, Thèse, Université de Grenoble II, 1994.] Les lexiques catégorisés issus du corpus des réponses à la question ouverte : « Si vous gagniez au loto ? » (990 réponses) [Sphinx Développement, http://www.lesphinx-developpement.fr/]

Noms Verbes Adjectifs

maison

voyage

enfant

voiture

argent

famille

monde

vacances

don

placement

354

310

259

194

118

117

81

79

75

71

acheter

placer

donner

voyager

aider

partir

travailler

profiter investir changer

350

195

187

148

122

91

91

81

76

63

beau

petit

humanitaire

grand

bon

immobilier

tout

nouvel

personnel

gros

72

41

32

29

26

19

13

12

11

8

Ainsi, le lexique des 10 verbes les plus occurrents fait nettement ressortir différents groupes d’actions envisagées : celles qui se rattachent à l’acte de consommer de façon hédoniste (acheter, voyager), celles qui ont trait à l’acte de tirer des profits des sommes gagnées (placer, investir) ou encore celles qui se réfèrent plutôt à un acte altruiste (donner, aider). Un autre groupe renvoie à l’idée de modifier son existant (changer, partir). D’autres verbes, en revanche, nécessitent d’être précisés (notamment par leur contexte d’utilisation dans la phrase ; nous verrons ce point ultérieurement) pour qu’on puisse leur conférer un sens sans ambiguïté ni contresens. C’est le cas des verbes « profiter » (s’agit-il de profiter de la vie, de faire profiter son argent ou encore de faire profiter ses enfants des gains acquis ?). Il en est de même pour « travailler » dont le sens reste encore incertain. Enfin, si le verbe « changer » exprime clairement l’idée générale de modification, il mérite néanmoins d’être précisé afin de connaître l’objet ou le sujet de cette envie de changer (la maison, la voiture, le travail, son style de vie, son époux ou épouse, etc. !). Le lexique des 10 noms communs les plus fréquents fait apparaître différents groupes « d’objets » : ceux sur quoi s’appliqueront les actions projetées tout d’abord (vacances/voyage ; voiture ; maison ; placement ; don) et ceux qui bénéficieront des actions (enfant ; famille). Quelques mots ne sont pas suffisamment explicites pour pouvoir être cernés immédiatement (« argent » : sera-t-il donné, investi, dépensé, etc. ?; « monde » : est-ce l’intention de donner de l’argent à tout le monde, d’aider son petit monde personnel, de faire le tour du monde, etc. ?).

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Quant au lexique des 10 adjectifs les plus cités, c’est indéniablement le plus équivoque car, par sa nature même, l’adjectif se rapporte à un nom commun et, sans ce nom, son sens devient ambigu. Seul un petit nombre d’adjectifs garde une signification suffisante pour pouvoir être interprété en première lecture : « humanitaire », « immobilier » et dans une certaine mesure « nouvel » qui évoque sans nul doute l’idée de changement, de renouvellement (il restera à préciser à quoi il s’applique cependant : vie, maison, voiture, travail, etc.). Les autres supposent forcément une mise en contexte pour reprendre tout leur sens, d’autant que plusieurs d’entre eux pourraient voir leur signification changer radicalement s’ils étaient associés à une négation.

Complément 11 Lexiques de segments répétés et de formes graphiques les plus occurrentes (p. 269) Lexique des 8 segments répétés les plus occurrents du corpus des réponses à la question ouverte : « Si vous gagniez au loto ? » (990 réponses) [Sphinx Développement, http://www.lesphinx-developpement.fr/]

Les 8 segments répétés les plus occurrents

acheter maison

placer argent

faire voyage

arrêter travailler

tour monde

faire profiter

donner enfant

acheter voiture

140

59

55

52

50

44

40

37

L’exemple précédent montre bien qu’avec les huit segments répétés les plus occurrents, il est possible de cerner assez précisément les idées clés du corpus et de lever certaines incertitudes mentionnées précédemment. Il devient clair par exemple que « monde » prend surtout son sens au travers du « tour du monde » rêvé par les répondants. Un sens principal du mot « travailler » s’éclaire : il s’agit « d’arrêter de travailler » ! Pareillement, « profiter » se précise : pas seulement profiter égoïstement ou faire profiter son argent, mais aussi et surtout « faire profiter » d’autres personnes de son gain et notamment « donner à ses enfants ». Lexique des 15 formes graphiques les plus fréquentes et lexique des 15 segments répétés les plus fréquents (corpus « Personnalisation sur Internet », Helme-Guizon et Gavard-Perret) Cet exemple est développé plus précisément dans le chapitre de A. Helme-Guizon et M.-L. Gavard-Perret, « L’analyse de données textuelles avec Sphinx - Une application à la personnalisation sur Internet », in Analyse Statistique de Données Textuelles en Sciences de Gestion – Concepts, Méthodes, Applications, dirigé par C. Gauzente et D. Peyrat-Guillard, Éditions EMS, 2007.

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Les 15 mots les plus fréquents Les 15 segments répétés les plus fréquents

euh 969 Peut-être 131

site 756 ça peut 39

ça 753 ça va 27

d 557 centres d'intérêt 22

j 533 titre personnel 22

l 432 aujourd’hui 22

personnalisation 390 techniques de personnalisation 19

m 217 efforts de personnalisation 19

information 195 e-mail 19

exemple 188 Ça peut être 18

chose 162 personnalisation non 18

s 137 veux dire 18

n 118 personnalisation sur Internet 18

page 111 peut être 18

temps 104 partir du moment 17

* avant lemmatisation et réduction Le corpus concerné comprend 24 entretiens réalisés sur le thème de la personnalisation sur Internet. Alors que le lexique des 15 formes graphiques les plus occurrentes ne nous apprend rien ou fort peu de choses sur le corpus, le passage au lexique des 15 segments répétés les plus fréquents s’avère beaucoup plus intéressant. Le mot « personnalisation » renvoie à différentes catégories d’idées : les techniques de personnalisation ; les efforts de personnalisation, la personnalisation sur Internet (peut-être par différenciation/opposition avec la personnalisation dans le monde réel ?), de même qu’une autre distinction se fait jour avec « à titre personnel » par rapport vraisemblablement à « à titre professionnel ». De plus, le segment « personnalisation non » mérite une attention particulière puisqu’il souligne le fait que les répondants ont insisté sur la « personnalisation non … sollicitée, demandée, voulue, etc. ». Enfin, l’incertitude et les doutes des répondants sur ce qu’est réellement la personnalisation sur Internet transparaissent nettement de ces quelques segments répétés : « peut-être », « ça peut », « ça va », « peut être », « ça peut être », « veux dire ».

Complément 12 Les concordances et lexiques relatifs pour le mot « politique » (exemples tirés du site Sphinx Développement ) (p. 270)

Concordances pour l’adjectif « politique »

plus que ne l'imaginent les acteurs politiques, les responsables économiques, les intellectuels,

je constate que les rouages politiques, économiques et sociaux de notre pays sont atteints

le milieu politique donne aux français le spectacle d'un interminable

volontiers tous les responsables politiques dans le même panier

l'existence d'une alternative politique

ce peu de marge à la décision politique

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Extrait du lexique relatif au mot-pivot « politique » (à partir du lexique lemmatisé)

pivot –2 à –1

261 mots, 355 occurrences

pivot +1 à +2

150 mots, 351 occurrences

être-V 17 être-V 13

volonté-N 7 économique-A 11

Europe-P 5 avoir-V 7

pouvoir-N 5 commun-A 6

action-N 4 social-A 6

décision-N 4 contractuel-A 5

responsable-N 4 étranger-A 4

véritable-A 4 européen-A 4

pouvoir-V 4

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Complément 13 Caractérisation statistique de corpus de natures différentes (p. 270) Adapté de M.-L. Gavard-Perret et J. Moscarola, « Enoncé ou énonciation? Deux objets différents de l'analyse lexicale en marketing », Recherche et Applications en Marketing, 13, 2, 1998 p. 31-47.

Nombre observations

Taille corpus total

Taille lexique brut

Répétition Taille corpus réduit

Taille lexique réduit

Répétition

Corpus de type « discours »

Résumés scientifiques

90 10 352 2 378 4,35 5 208 2 220 2,35

Tracts de communication aux élections européennes 1994

6 3 479 1 065 3,26 2 884 1 017 2,83

Entretiens non directifs sur les transports

10 59 282 3 626 16,35 22 893 3 417 6,70

Corpus de type « phrases »

Slogans publicitaires de Wellhoff

2 378 15 610 2 440 6,4 7 422 2 314 3,21

Corpus de type « mots »

Le vendeur en quelques mots

370 1 454 460 3,16 1 171 401 2,92

Le vendeur idéal en quelques mots

370 2 121 485 4,37 1 487 420 3,54

Adjectifs associés à des sportifs

43 195 98 1,99 191 95 2,01

Adjectifs associés à des marques sponsors

43 158 114 1,39 150 107 1,4

Il apparaît nettement que la répétition des formes graphiques diminue fortement dès lors que l’émetteur fait un choix réfléchi (et/ou contraint) de ses mots. Si le répondant à un entretien s’exprime de façon fort répétitive du point de vue des mots utilisés (et donc peut-être des idées émises), ce n’est pas le cas pour les hommes politiques ni pour les publicitaires qui choisissent avec soin les mots, respectivement, de leur profession de foi et de leur slogan, ni pour le chercheur qui doit résumer son article en un nombre limité de mots. De même, les protocoles d’association de mots conduisent à des choix de mots peu redondants. Si l’on considère la lexicalité, (c’est-à-dire le rapport entre les mots pleins, appelés aussi mots lexicaux ou mots signifiants, et le nombre total de mots d’un corpus) et que l’on ne considère que les corpus de discours et de phrases, on peut alors opposer la faible lexicalité (38 %) des entretiens par rapport à la forte lexicalité des slogans publicitaires (47 %) et des résumés scientifiques (50 %). Alors que dans ces deux derniers cas, l’expression est particulièrement riche en mots pleins avec un mot plein sur deux mots (ou quasiment pour les slogans), celle des entretiens est moins « lexicale ».

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Complément 14 Spécificités lexicales dans le cas du corpus « Personnalisation sur Internet » pour la variable « Nombre d’achats sur internet au cours des 3 mois ayant précédé l’entretien »

(p. 270) À partir de A. Helme-Guizon et M.-L. Gavard-Perret, « L’analyse de données textuelles avec Sphinx - Une application à la personnalisation sur Internet », in Analyse Statistique de Données Textuelles en Sciences de Gestion – Concepts, Méthodes, Applications, dirigé par C. Gauzente et D. Peyrat-Guillard, Éditions EMS, 2007.

+6 achats 3_5 achats 1_2 achats 0 achat

+énervant +gagner_du_temps – énervant +pratique

+servir_rien +pratique +agréable +agréable

+ennuyeux +sympa +gagner_du_temps

+perdre_temps +perdre_temps +appréciable

+avoir_n_besoin* +utile +servir_rien

– perdre_temps -énervant – avoir_n_besoin – énervant

– sympa -appréciable – pratique – sympa

– gagner_du_temps – avoir_n_besoin*

NB : seules les formes graphiques spécifiques au sens du Chi Deux ont été conservées dans ce tableau. Le signe positif ou négatif indique s’il s’agit d’une spécificité positive ou négative (pour plus de précisions sur la notion de Chi Deux, voir le chapitre 8). * la mention _n_ indique la forme négative du verbe dans le lexique lemmatisé Par ce calcul de spécificités lexicales, le logiciel dévoile une différence essentielle entre les internautes les plus expérimentés (+ 6 achats) et ceux n’ayant jamais fait d’achat sur Internet. Alors que les premiers semblent avoir perdu toute illusion sur les bénéfices possibles des actions de personnalisation sur Internet, les seconds, a contrario, semblent encore assez séduits par ces dernières.

Complément 15 Les intensités lexicales des thèmes de campagne (p. 271) À partir de M.-L. Gavard-Perret et J. Moscarola, « Enoncé ou énonciation? Deux objets différents de l'analyse lexicale en marketing », Recherche et Applications en Marketing, 13, 2, 1998 p. 31-47.

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Les thèmes de la campagne

Europe/ens/ennes France/ais/aises Emploi chômage travail

Société social

Vote élection

Économie entreprise

Baudis 9,91 5,66 0,94 0,47 1,42 0

Rocard 5,48 1,44 1,73 4,9 0,86 0,29

Tapie 8,03 2,92 0,73 0,73 1,46 0

Villiers 7,27 2,73 1,21 0,61 0,91 0,91

Le Pen 4,14 6,51 1,78 0,3 2,07 0,59

Wurtz 3,19 1,14 3,86 1,14 0,91 0,23

Ensemble 6,34 3,4 1,71 1,36 1,27 0,34

NB : les valeurs en caractères gras indiquent une intensité lexicale qui présente un écart statistiquement significatif par rapport à la moyenne.

Complément 16 L’utilisation des pronoms personnels, du nom du parti et du nom de la tête de liste selon les candidats caractérisée par le calcul d’intensités lexicales (p. 271)

Vote Vote Liste

Baudis 2,83 2,36 2,18 0,73

Rocard 4,32 0,29 1,19 0,3

Tapie 8,76 2,19 1,02 1,02

Villiers 6,06 2,12 0,9 0,9

Le Pen 4,44 2,96 1,57 2,19

Wurtz 0,91 2,51 1,13 0,25

Ensemble 4,55 2,07 1,33 0,9

Les intensités lexicales sont exprimées en %. Les valeurs en gras signalent un écart significatif à la moyenne.

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Complément 17 Mise en évidence d’associations au travers d’une ACP et d’une AFCM (p. 271) Associations thématiques et stylistiques au travers d’une ACP sur des intensités lexicales (corpus élections européennes)

Associations entre le nombre d’achats sur Internet et les évaluations portées sur les techniques de personnalisation sur Internet à l’aide d’une AFCM

+6achats

0achat

1_2achats

3_5achats#agréable

#appréciableavoir_n_besoin

#énervant

#ennuyeux

#gagner_du_temps

n_agréable

#perdre_temps

pratique servir_rien

sympa

#utile

Axe 1 (6.95%)

Axe 2 (6.80%)

NB : le symbole # indique que plusieurs formes graphiques ont été regroupées car synonymes.

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Page 50: Méthodologie de la recherche - Pearson Schweiz AG...Méthodologie de la recherche Marie-Laure Gavard-Perret, David Gotteland, Christophe Haon, Alain Jolibert ISBN : 978-2-7440-7241-3

Complément 18 Extrait du code book réalisé pour le corpus Loto (p. 272)

Complément 19 Le Kappa de Cohen (p. 273) La formule de calcul est la suivante : K = PA – PC / 1 – PC Où : PA est la proportion d’unités sur laquelle les codeurs sont d’accord ; et PC est la proportion d’unités pour laquelle l’accord est attendu par effet du hasard uniquement. Plus on obtient un K proche de 1, et plus la fiabilité entre les codeurs est élevée. Toutefois, des discussions ont eu lieu entre les chercheurs afin de déterminer à partir de quel niveau le coefficient Kappa de Cohen pouvait être considéré comme satisfaisant ou non. Par exemple, Landis et Koch (1977) proposent les repères suivants pour interpréter le coefficient de Kappa (tableau suivant) : Repères pour interpréter le coefficient Kappa de Cohen

Kappa de Cohen

Fiabilité de l’accord

<0.00 mauvais

0.00-0.20 faible

0.21-0.40 modéré

0.41-0.60 moyen

0.61-0.80 important

0.81-1.00 quasiment parfait

[J.-R. Landis, G.-G. Koch : The Measurement of Observer Agreement for Categorical Data, Biometrics, 33, 1977, p. 159-174.]

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