motivations et justifications du projet -...

33
MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET Chapitre 1 Dans ce chapitre, on se propose de passer en revue les propriétés et les principales applications des matériaux pour lesquels une phase au moins, déterminante pour certaines propriétés, a des dimensions inférieures à 100 nanomètres. Ensuite, les risques et les difficultés d’obtention de telles microstructures sont abordés. Plus spécifiquement, nous nous intéressons aux phénomènes de transformations de phase inhérents à la poudre nanométrique d’alumine de transition, utilisée au cours de cette étude. La maîtrise de la densification d’une telle poudre nécessite l’intégration de nombreux paramètres: les différents états cristallographiques de l’alumine, les caractéristiques des alumines commerciales ainsi que les mécanismes impliqués lors de la transformation de phase.

Upload: doliem

Post on 15-Sep-2018

216 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET

Chapitre

1

Dans ce chapitre, on se propose de passer en revue les propriétés et les principales applications des matériaux pour lesquels une phase au moins, déterminante pour certaines propriétés, a des dimensions inférieures à 100 nanomètres. Ensuite, les risques et les difficultés d’obtention de telles microstructures sont abordés.

Plus spécifiquement, nous nous intéressons aux phénomènes de transformations de phase inhérents à la poudre nanométrique d’alumine de transition, utilisée au cours de cette étude. La maîtrise de la densification d’une telle poudre nécessite l’intégration de nombreux paramètres: les différents états cristallographiques de l’alumine, les caractéristiques des alumines commerciales ainsi que les mécanismes impliqués lors de la transformation de phase.

Page 2: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

SOMMAIRE

MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET ................................................ 3

A Contexte : intérêt et enjeux des céramiques nanostructurées ................................ 5

A.I Potentiels établis et supposés des nano-céramiques........................................ 5 A.II Applications des céramiques nanostructurées............................................... 11 A.III Risques concernant les nanomatériaux................................................... 11 A.IV Problématiques associées à la fabrication de nano-céramiques ............. 12

A.IV.1 Problèmes associés à la poudre nanométrique initiale. .......................... 12

A.IV.1.1 Les méthodes de synthèse des poudres nanométriques................... 12 A.IV.1.2 Les défis posés par les propriétés des poudres nanométriques. ...... 15

A.IV.1.2.1 Problème d’agglomération .......................................................... 15 A.IV.1.2.2 Contamination à l’air libre .......................................................... 16

A.IV.2 Mise en forme d’une poudre nanométrique............................................ 16

A.IV.3 Frittage d’une poudre nanométrique....................................................... 17

B Etude de cas retenue : Élaboration d’une alumine dense ultrafine à partir d’une nano-poudre de transition .......................................................................................... 22

B.I Les différents états cristallographiques de l’alumine .................................... 22

B.II Des alumines de transition vers l’α-Al2O3 .................................................... 24

B.III Elaboration des alumines commerciales................................................. 26

B.IV Etude de transformations de phases et interaction potentielle avec le frittage………………………………………………………………………….27

B.IV.1 Mécanismes impliqués durant la transformation θ vers α-Al2O3. .......... 27

B.IV.1.1 Nucléation-Croissance .................................................................... 27 B.IV.1.2 Réarrangement durant la transformation......................................... 29

B.IV.2 Diminution de la température de transformation de phase..................... 30

B.IV.2.1 Effet de l’introduction des germes d’oxydes métalliques ............... 31 B.IV.2.2 Effet d’un broyage........................................................................... 32 B.IV.2.3 Effet de la pression pendant le frittage............................................ 32 B.IV.2.4 Effet de la densité à cru ................................................................... 33

B.IV.3 Frittage de la poudre d’alumine de transition......................................... 33

C Conclusion ........................................................................................................... 35

4

Page 3: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

A- Contexte : intérêt et enjeux des céramiques nanostructurées

A.I Potentiels établis et supposés des nano-céramiques

Dans le domaine des sciences de la matière, les matériaux nanostructurés, et parmi eux les céramiques nanostructurées, ont connu un essor considérable ces dernières années.

Au sein d’une entité nanométrique, la contribution des couches proches de la surface prend une place de plus en plus importante dans le comportement global du matériau au fur et à mesure que les dimensions du grain diminuent. Plus la taille des grains devient petite, plus grande est la fraction des atomes située aux joints des grains. C’est l’énergie de surface qui a une contribution de plus en plus importante dans l’énergie totale du matériau. Ceci confère aux matériaux constitués d’entités nanométriques des propriétés potentiellement différentes de celles des matériaux conventionnels, dont les principales applications sont rappelées dans la figure 1.

Figure 1 : céramiques techniques [PALMONARI 1986]

5

Page 4: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

Ce monde des nanomatériaux concerne aussi bien celui de la matière molle que celui de la matière solide et les champs d’applications sont extrêmement vastes puisqu’ils s’étendent de l’optoélectronique aux biomatériaux. Kamigaito [KAMIGAITO 1991] a suggéré que l’obtention des microstructures nanocristallines peut entrainer une amélioration des propriétés d’un matériau quand la taille est inférieure à une certaine valeur (tableau 1).

Tableau 1 : différentes tailles particulières pour des changements des propriétés [KAMIGAITO 1991] Taille prévue au-deçà de

laquelle des propriétés seront améliorées (nm)

Activité catalytique <5 Elaboration des matériaux magnétiques doux <20 Production d’un changement de l’indice de réfraction <50 Production des phénomènes super paramagnétisme et électromagnétique

<100

Modification de la dureté, plasticité <100 Modification de la résistance, la ténacité <100

Ces changements potentiels dans les propriétés ont suscité l’intérêt de nombreuses recherches, ayant pour but l’amélioration des performances des matériaux, telles les propriétés mécaniques qui seront détaillées par la suite.

Les propriétés mécaniques des matériaux céramiques sont liées à la microstructure. Les défauts préexistants dans les matériaux peuvent sous l’effet d’une contrainte mécanique ou thermique conduire à une fissuration et une rupture des pièces.

La première approche suivie pour décrire le comportement des matériaux céramiques est fondée sur le critère de Griffith, reliant la résistance à la rupture à la taille de défauts. Des microstructures de plus en plus fines ont été développées, afin de diminuer la taille et la répartition des défauts préexistants qui sont à l’origine de la rupture.

La deuxième démarche consiste à développer des microstructures qui permettent d’augmenter la ténacité des matériaux en introduisant des mécanismes de renforcement. L’amélioration des propriétés mécaniques est ainsi obtenue dans les céramiques composites. Selon la classification de Niihara [NIIHARA 1991], on distingue pour les nano-composites (figure 2), les composites de type intra-granulaire, inter-granulaire, ou mixte (dans ces trois cas, on se réfère à la distribution d’une phase nanométrique minoritaire vis-à-vis d’une phase majoritaire micrométrique), et en outre

6

Page 5: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

les composites entre deux phases d’échelle nanométrique pour lesquelles il peut y avoir ou non percolation.

Figure 2 : Classification des composites nanostructurés, selon Niihara [NIIHARA 1991].

En extrapolant à l’échelle du nanomètre des lois de comportement des matériaux à gros grains, d’intéressants comportements mécaniques peuvent être envisagés pour les nanomatériaux.

Propriétés élastiques :

La limite d’élasticité est reliée à la taille des grains par l’équation (Hall-Petch) suivante :

21

0

−×+= dKRR ee

Re0 est la limite élastique du monocristal, K est une constante et d est la taille du grain. La limite d’élasticité augmente donc quand la taille de grains diminue.

Cette croissance de la limite élastique lorsque la taille du grain décroît s’accompagne d’un déplacement vers les hautes températures de la transition fragile-ductile. Le phénomène a été décrit par Cottrell [COTTRELL 1958] comme étant la conséquence de l’interaction des dislocations avec les joints de grains qui constituent un obstacle à leur propagation ; des empilements de dislocations se forment jusqu’à ce que la dislocation en tête de l’empilement soit soumise à une contrainte seuil lui permettant de se transmettre au grain voisin.

Le comportement en d-0.5 est bien établi dans tout le domaine qui s’étend du millimètre au micromètre. Cependant, pour les cristaux de taille nanométrique un

7

Page 6: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

autre phénomène devient important plus la taille des grains diminue et agit en sens inverse. Ce phénomène est la diffusion aux joints de grains Ds, appelé fluage de Coble [COBLE 1963] qui peut s’exprimer selon la relation :

TKdDVB

B

je

⋅⋅

⋅⋅⋅=

3

σε

Avec est la vitesse de déformation, σ la contrainte appliquée, V volume atomique, e épaisseur du joint de grains, D

ε

j coefficient de diffusion aux joints, KB constante de Boltzmann, T température, d diamètre du grain. Il s’agit d’un fluage de type newtonien (proportionnel à σ). Ce phénomène ne doit cependant pas être significatif à température ambiante dans les céramiques.

Un autre effet conduit également à un adoucissement relatif du matériau pour des tailles des grains nanométriques : le déplacement des dislocations n’est plus limité par le cisaillement de la forêt de dislocations (c’est-à-dire l’intersection par une dislocation mobile des autres dislocations existantes considérées comme fixes) car le contournement d’Orowan devient plus facile du fait de la réduction de la portée à grande distance (limitée par la taille des grains) du champ élastique des dislocations. L’ensemble de ces considérations est en accord avec les observations expérimentales qui donnent, pour les cristaux nanométriques, des valeurs plus faibles, voire dans certains cas négatives du coefficient K de la loi de Hall-Petch.

Résistance à la rupture :

La contrainte de rupture σR d’un matériau est reliée à sa ténacité et à la taille de défauts c, par la relation :

cyK IC

R =σ

La résistance à la rupture est fortement influencée par la porosité du matériau. La porosité, en augmentant la taille des défauts critiques, diminue la contrainte à la rupture d’une façon considérable.

D’autre part, la variation de la résistance à la rupture n’est pas liée directement à la taille de grains mais plutôt à la taille du défaut critique. En outre, lorsque la taille de grain (d) décroit, la résistance à la rupture croit car la taille des défauts (c) a tendance à varier comme la taille des grains. La corrélation entre les paramètres (taille de défauts, taille de grains et porosité) dépend des conditions d’élaboration.

8

Page 7: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

Pour une alumine conventionnelle de haute pureté, la résistance à la rupture est de l’ordre de 400 à 500 MPa après un frittage naturel et de 500 à 600 MPa pour un frittage sous charge. Pour des alumines submicroniques, la résistance à la rupture est généralement plus importante et peut atteindre 1300 MPa [KRELL 1996]. Pour une même technologie d’élaboration, l’augmentation de σR résultant d’une réduction de la taille moyenne de grains de 2-5 µm à 0.4-1.5 µm ne dépasse pas 150 MPa, alors qu’une augmentation de plus de 400 MPa peut être obtenue en améliorant le procédé d’élaboration de façon à réduire la taille des défauts, leur distribution et leur croissance sous critique qui dépend des contraintes résiduelles [KRELL 1996].

L’ajout de nanoparticules d’une seconde phase dans une matrice alumine permet d’augmenter la résistance à la rupture en réduisant le grossissement des grains. Dans le cas de nano-composites Al2O3/SiC frittés sous charge, une dispersion de 5% vol de particules de SiC conduit généralement à une amélioration sensible de la résistance à la rupture.

Les résultats obtenus sur les composites Si3N4-SiC, où Si3N4 est la phase majoritaire, avec une taille de grain de l’ordre de 1 µm, et où SiC se présente à la fois sous la forme de cristallites d’environ 0,3 µm aux joints de grains, et de nanoparticules cohérentes à l’intérieur des grains de Si3N4, sont particulièrement éclairants [NIIHARA 1990] : la ténacité et la contrainte à la rupture sont environ 1,5 fois plus élevées que pour les matériaux Si3N4 ayant une taille de grain analogue. Selon les cas, les particules agissent soit comme déviateurs de fissure (particules intra granulaires) et ont pour effet d’accroître KIC, soit comme réducteurs de la taille de grain, donc du défaut critique (nanoparticules inter granulaires).

Dureté :

La dureté (H) d’un matériau est définie par le rapport entre la force (F) appliquée sur un poinçon et l’empreinte (A) résiduelle laissée dans le matériau après le retrait de l’indenteur :

AF

Cette caractéristique mécanique mesurée le plus communément sur un nanomatériau, est intrinsèquement relié à la capacité du matériau à se déformer plastiquement. Elle peut en première approximation être reliée à la contrainte d’écoulement (σy) d’un matériau par la relation empirique :

yH σ∗= 3

9

Page 8: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

Dans le cas des matériaux à gros grains, la déformation plastique se traduit par la nucléation et/ou la mise en mouvement de lignes de dislocations dans le matériau. La contrainte nécessaire pour activer une telle source dépend de la distance séparant les deux points d’ancrage d’une dislocation. On comprend donc aisément que la diminution de la taille des grains induit une réduction de la distance entre points d’ancrage et donc une augmentation de la limite d’élasticité. La relation empirique de Hall-Petch rend compte de ce phénomène.

Ténacité :

La ténacité, définie comme l’énergie unitaire de propagation de fissure caractérise la résistance d’un matériau à la propagation brutale de fissure. Elle est fortement influencée par la microstructure du matériau et peut être améliorée en favorisant des mécanismes de renforcement tels que la transformation de phase, la microfissuration ou le pontage (par grains ou par des particules d’une seconde phase), qui absorbent une partie de l’énergie disponible pour propager les fissures.

L’effet de la taille de grains sur la ténacité est dû aux ponts formés par des grains qui restent intacts derrière le front de fissure. De tels ponts peuvent se former du fait du branchement de la fissure ou de la microfissuration. La ténacité augmente avec la taille de grain (en fonction de d1/2) comme cela est observé pour une alumine et des composites alumine–whiskers SiC. De plus, on observe un accroissement de la résistance à propagation de fissure quand la taille de grain augmente. D’où, la diminution de la taille de grain n’est généralement pas favorable si une bonne ténacité du matériau est recherchée.

Superplasticité :

La réduction de la taille de grain est également de nature à induire un comportement superplastique, c’est-à-dire des déformations sans rupture de l’ordre de 100 %, voire 1 000 %. La superplasticité est, en effet, un comportement pour lequel le glissement aux joints de grains, accompagné, pour éviter la formation de pores aux points triples entre grains, de diffusion aux joints et à proximité des joints, l’emporte sur la déformation plastique intra-granulaire. Elle est donc favorisée par une croissance du rapport surface sur volume des grains. Le fait d’avoir une superplasticité à des températures faibles et une vitesse de déformation élevée par rapport aux céramiques submicroniques conventionnelles rend la mise en forme des céramiques nanostructurées plus facile. Par exemple, la mise en forme superplastique d’une

10

Page 9: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

zircone yttriée (3 mol %) nanométrique (150nm) a été réalisée à 1550°C [VAβEN 1999].

A.II Applications des céramiques nanostructurées

On peut trouver des céramiques nanocristallines de dureté élevée, ductiles, parfois superplastiques à des températures relativement basses assurant une meilleure performance que les céramiques conventionnelles/ microcristallines dans différentes applications. Ces caractéristiques conduisent à des hautes performances mécaniques et à des facilités d’usinage, et confèrent ainsi aux nanomatériaux une portée technologique immédiate.

Une résistance à l’abrasion élevée rend ces matériaux bons candidats pour des applications d’usure. Pour les grains abrasifs, l’alumine est généralement utilisée pour le faible coût de sa production. Tandis que le nitrure de bore cubique (c-BN) et le diamant possèdent une meilleure performance mais un coût de production plus élevé. Pour ces motifs, Al2O3/SiC nano composite peut être utilisé comme grains abrasifs avec une performance et un coût compétitif par rapport à l’alumine, le c-BN et le diamant.

Une meilleure performance tribologique (résistance à l’usure) permet une durée de vie plus longue pour les céramiques nanostructurées. Par conséquence de leurs propriétés mécaniques améliorées et de leur biocompatibilité, les céramiques nanostructurées sont de bons candidats pour des applications biomédicales, où elles entrent dans la composition de prothèses particulièrement durables.

A.III Risques concernant les nanomatériaux

Les nanomatériaux ont donc potentiellement un impact positif fort sur les propriétés et pourraient à l’avenir se développer considérablement. Toutefois, cette croissance suscite de nombreuses prises de conscience qu’on ne peut pas ignorer. On s’interroge en particulier sur l’impact des nanoparticules produites en masse qui pourraient se répandre dans l’environnement. Il y a déjà un exemple connu : les particules produites par la combustion qui sont associées aux pollutions urbaines. Selon certaines études, les nanoparticules sont en partie responsables, par exemple, de l’augmentation des maladies cardio-vasculaires dans le cas des populations exposées à la pollution atmosphérique [OMS 2005].

11

Page 10: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

Si les quantités de nanoparticules manufacturées mises sur le marché à l’heure actuelle restent très limitées, des applications massives comme celles discutées ci-avant changeraient cet état de fait.

En effet, d’éventuelles interactions non maîtrisées des nanoparticules avec l’homme ou l’environnement, en particulier la chaîne alimentaire sont encore méconnues. Deux de leurs caractéristiques les distinguent des matériaux massifs et rendent leur comportement unique vis-à-vis du vivant :

Leur surface spécifique : Une surface spécifique élevée augmente d’autant les possibilités de contact et d’interaction directe avec des éléments biologiques de taille comparable (membranes, protéines, ADN...) ;

Leur très petite taille favorise leur transport car elles ne sont pas arrêtées par les barrières épithéliales (alvéolaires ou intestinales) et peuvent passer dans la circulation sanguine. Cela en fait potentiellement de dangereux vecteurs de polluants.

Pour cela, un développement rapide des recherches dans le domaine des nanomatériaux doit obligatoirement s’accompagner d’une prise en compte des problèmes éventuels de toxicité et de dispersion dans l’environnement [www.nanosafe.org].

A.IV Problématiques associées à la fabrication de nano-céramiques

L’intérêt des propriétés des céramiques ayant une structure nanométrique a suscité le développement de différentes méthodes permettant d’élaborer des céramiques avec de telles nanostructures. Les céramiques nanocristallines sont généralement fabriquées par le traitement d’une poudre ultrafine. Pour la production de la céramique nano-structurée, plusieurs étapes sont à respecter : de la synthèse d’une poudre nanométrique, à sa mise en forme jusqu’au frittage.

A.IV.1 Problèmes associés à la poudre nanométrique initiale

A.IV.1.1 Les méthodes de synthèse des poudres nanométriques

Etant une étape essentielle dans la fabrication des composés nanostructurés, des efforts ont été réalisés pour assurer la production d’une poudre tout en faisant un contrôle approprié de la taille des particules, de la présence des agglomérations et du degré de contamination. Un grand nombre de techniques sont apparues pour la fabrication des particules ultrafines. La plupart de ces techniques peuvent être classées

12

Page 11: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

en trois domaines : techniques chimiques (dans une phase gazeuse, phase liquide, ou bien phase plasma), broyage mécanique.

La synthèse par CVD « Chemical Vapor Deposition » est l’une des techniques conventionnelles utilisées pour la synthèse de poudres céramiques. Dans cette technique, un précurseur est transformé en gaz, suivie de la décomposition à basse pression en nanoparticules. Cette technique a été utilisée pour la synthèse des nanotubes de carbone [IIJIMA 1991]. Un processus similaire, la technique de condensation d’une phase gazeuse, développé initialement pour la production des métaux par Gleiter [GLEITER 1981], a été utilisé pour la production des oxydes par oxydation directe du métal [SIEGEL 1988, ZALITE 2003]. Il est nécessaire de mentionner que cette technique permet un bon contrôle de la taille des particules, de la largeur de la distribution en taille. De plus, les paramètres d’élaboration peuvent être ajustés afin d’éviter la croissance et l’agglomération des particules formées, ainsi que la contamination de la poudre formée.

La pyrolyse laser (procédé chimique), impliquant la décomposition des précurseurs chimiques pour former un nouveau composé, est fréquemment employée pour la fabrication des poudres nanométriques. Cette méthode permet un bon contrôle des réactions et de la production de poudre de haute pureté. Toutefois, le défi majeur rencontré lors de la synthèse par le biais de cette méthode est l’agglomération et l’élargissement de la distribution en taille des particules formées, en raison de la forte température de synthèse utilisée [WANG 2002]. Pour surmonter ces difficultés, des sources de chaleur telles que les lasers, plasma et micro-onde ont été utilisées pour générer un profil de température favorable. La pyrolyse des précurseurs polymères permet le développement d’une poudre nanométrique amorphe de Si-C-N, qui sera ensuite utilisée pour produire des nano-composites Si3N4-SiC [WAN 2005].

La précipitation chimique est l’une des méthodes utilisées fréquemment en industrie et en laboratoire de recherche. Dans ce processus, une solution contenant des agents de précipitation, tel que l’hydroxyde ou l’acide oxalique, est ajoutée à la solution contenant des cations de l’oxyde désiré [TANI 1983]. Cette étape est suivie par élimination des précipités par chauffage. Durant cette dernière étape, la formation de cous entre les particules peut avoir lieu. L’un des moyens employés pour éviter la croissance des cristallites est l’utilisation des surfactants. Par exemple, la thermolyse de fer carbonyle dans des solutions contenant un surfactant [CHOW 1992] permet de produire un ferrofluide contenant des particules de fer amorphe.

Les techniques sol-gel sont largement utilisées. Ces techniques permettent de produire des nanomatériaux à partir de solutions d’alkoxydes ou de solutions

13

Page 12: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

colloïdales. La voie alkoxyde est celle qui est la plus adaptée pour la production de nano-céramiques d’oxydes réfractaires (alumine, zircone). Le contrôle simultané de la taille, de la morphologie et de la surface des particules est l’un des avantages de l’utilisation de la méthode sol-gel [BARRINGER 1982]. Cependant, cette méthode est limitée par le cout élevé des précurseurs alkoxydes.

Parmi les méthodes physiques de la fabrication des poudres nanométriques, on cite l’usure mécanique à broyage haute énergie « HEBM : high energy ball milling » qui a suscité un intérêt considérable dans les applications industrielles. Cette technique a été initialement développée par J.S. Benjamin de la société INCO pour fabriquer des superalliages durcis par des dispersions d’oxydes. Assez vite, cette technique a été utilisée pour broyer des poudres micrométriques (1 à 30 µm) afin de produire des matériaux nanométriques. La mécano-synthèse permet aussi de synthétiser des nano-matériaux. Les nano-poudres obtenues par cette méthode présentent généralement des impuretés dues à la contamination par les medias de broyage et une distribution large des particules. De plus, les particules produites ne sont pas sphériques. Cependant, à la différence de quasiment toutes les autres techniques évoquées, le broyage haute énergie permet d’obtenir des nano-matériaux en quantités qui s’expriment en kilogrammes, voire en tonne. La simplicité de cette méthode et le rendement du produit formé rend cette méthode la plus utilisée. Jusqu’à ce jour, une grande variété des céramiques nano-composites a été développée en utilisant des poudres produites par HEBM [ZHAN 2003, ZHAN 2004, YOSHIMURA 2001, ZHOU 2005].

Toutes les méthodes, citées ci-dessus, possèdent la capacité de produire des poudres ayant une taille de particule nanométrique. Cependant, chaque méthode possède des inconvénients et des limites. En effet, la synthèse des précurseurs des poudres nanocristallines, par la méthode de condensation en phase vapeur ou par les méthodes de synthèse chimique, nécessite un contrôle précis des paramètres de l’élaboration (température, pH, pression, etc.) de façon à éviter la croissance et l’agglomération des particules formées. L’augmentation de la température, conduisant dans des conditions extrêmes à un accroissement dit « explosif » du nombre de germes, permet par exemple de limiter la quantité de matériau disponible pour leur croissance. D’autre part, le broyage mécanique, ayant un potentiel de produire des poudres nanométriques en grande quantité, possède une limitation importante. Il existe une limite au dessous de laquelle la taille des particules ne peut pas être réduite par cette technique. Des expérimentations, ainsi que des analyses théoriques ont prédit que le niveau de stress généré durant le HEBM n’est pas capable de réduire la taille des particules au dessous de 25-50 nm [ZHANG 2004, KIM 2001].

14

Page 13: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

A.IV.1.2 Les défis posés par les propriétés des poudres nanométriques

A.IV.1.2.1 Problème d’agglomération

Par comparaison aux poudres de taille submicronique, les poudres de taille nanométrique possèdent un rapport surface/volume plus important. Afin de minimiser l’énergie totale d’interface du système, les particules sont susceptibles de former des liaisons de Van Der Waals entre elles. Les attractions de Van Der Waals provoquent alors la formation des agglomérats ou des agrégats. Pour cela, la plupart des poudres nanocristallines ne sont pas composées seulement par des particules nanométriques (cristallites) formées par un cristal individuel. Mais, les cristallites sont reliées ensemble pour former des unités larges connues sous le nom d’agglomérats et d’agrégats (Figure 3). Une représentation schématique est donnée en figure 4. Pour cela, la taille réelle des particules dans la plupart des poudres est la taille des agglomérats et des agrégats.

Figure 3 : Observation au microscope électronique à transmission d’une poudre fine de ZrO2 montrant

l’état d’agglomération de la poudre [GAO 2001]

La différence entre un agglomérat et un agrégat est peu précise. Mais généralement, les cristallites dans un agrégat sont considérées comme étant fortement liées ensemble avec moins de porosité inter cristallite que les cristallites dans un agglomérat. Agglomération ou agrégation peuvent être détectées par comparaison des tailles des cristallites mesurées par TEM ou XRD avec les tailles moyenne des particules mesurées par sédigraphe ou d’autres techniques de granulométrie. Si la taille moyenne des particules mesurée est plus grande que la taille des cristallites, alors l’agglomération et/ou l’agrégation sont présents dans la poudre.

15

Page 14: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

Figure 4 : illustration schématique d’une poudre agglomérée

A.IV.1.2.2 Contamination à l’air libre

De plus, ayant une surface spécifique élevée, une poudre nanométrique exposée à l’air libre a une tendance à adsorber des contaminants présents dans l’air. Le degré de contamination des poudres conventionnelles est donc plus petit dans les mêmes conditions. Par exemple, les tests d’oxydation à température ambiante sur une poudre SiC de 20 nm ont démontré une vitesse de formation des pics de SiO2 élevée [VAβEN 1999]. Même si les adsorbats font une couche mince sur les particules (de l’ordre de 0.1 nm), cela constitue néanmoins une quantité significative par rapport au volume effectif des particules nanométriques et entraine des difficultés au cours de la compaction et du frittage. Ceci qui rend nécessaire une bonne manipulation et conservation de la poudre dans des conditions sous vide ou gaz inerte. De plus, certaines techniques chimiques, tel le lavage d’une poudre SiC riche en oxygène (50nm), ont été utilisées afin de réduire la teneur en oxygène de 10 à une valeur inférieure à 1 wt% [WETZEL 2005].

A.IV.2 Mise en forme d’une poudre nanométrique

Il est difficile de compacter une poudre ultra fine avec une pression appliquée (~200 MPa), souvent utilisée pour le pressage d’une poudre conventionnelle. En effet, le nombre total des contacts entre les particules dans la cellule de compactage augmente largement avec la diminution de la taille des particules. L’augmentation du nombre de contact diminue la capacité des particules à bouger durant la compaction. La résistance de friction à la pression appliquée durant le compactage est ainsi importante [BOSCHI 1990]. Lors du pressage uniaxiale d’une poudre nanométrique de

16

Page 15: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

3Y-TZP, une pression de ~480 MPa de la poudre donne seulement une densité à cru de 45% [RHODES 1981]. Avec l’application d’une plus grande pression de l’ordre de ~1GPa, des densités à cru de 51% et 62% sont obtenues respectivement pour des particules de ZrO2 (~10nm) [SKANDAN 1995] et de TiO2 (~15nm) [WAGNER 1991]. L’application d’une grande pression peut donc forcer les particules à se réarranger tout en améliorant la densité d’empilement. Cependant, des contraintes résiduelles sont formées dans le compact, pouvant causer la fissuration durant la manipulation du compact ou durant le frittage.

D’autre part, en raison des problèmes d’agglomération remarqués sur les poudres nanométriques, un contrôle approprié de l’agglomération est nécessaire au cours des différentes étapes de mise en forme. La présence d’agglomérats dans le compact influence la densification. En effet, plus la taille des agglomérats est grande, plus la taille des pores inter-agglomérat est large, ce qui augmente la distance de diffusion et par conséquent diminue la vitesse de densification. Une température élevée sera ainsi nécessaire pour avoir une bonne densification. Cependant, avec une température élevée, la croissance des grains est favorisée, ce qui rend difficile le maintien d’une structure nanocristalline.

De plus, la présence des agglomérats donne lieu à une distribution bimodale de porosité : inter-agglomérat et intra-agglomérat (voir figure 4). Durant le frittage, les pores intra-agglomérats (plus petits en taille) s’éliminent plus rapidement que les pores inter-agglomérats. Ainsi, au cours de la dernière étape de frittage, les grosses porosités hétérogènes issues des pores inter-agglomérats favoriseront la croissance des grains.

Suite à l’effet nocif des agglomérats sur l’obtention d’un matériau nano-structuré, des efforts ont été développé afin d’éliminer leur présence dans le compact et d’avoir une microstructure homogène du cru. Cette homogénéité peut être améliorée par les mises en forme en voie liquide (i.e. Coulage en barbotine « slip casting », filtration sous pression « pressure filtration », etc.). Un effet similaire peut être obtenu par l’application d’une pression élevée [HAHN 1990, JORAND 1995]. Ainsi, pour une poudre de zircone ayant comme taille de grain de 5 nm, l’application d’une pression uniaxiale de 800 MPa aboutit à un compact ayant comme une densité de 55%. Après frittage sous vide pendant 1 h, ces compacts ont donné des frittés denses à une température inférieure à 950°C [HAHN 1990].

A.IV.3 Frittage d’une poudre nanométrique

Le frittage est une opération qui permet, par diffusion atomique à chaud, d’établir des ponts de matière entre les grains et ensuite de réduire la porosité. Dans un

17

Page 16: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

premier temps celle-ci est ouverte, puis fermée. La force motrice du frittage est la réduction de l’énergie de surface des particules. La réduction de l’énergie totale d’interface ne se fait pas seulement par densification mais aussi par croissance des grains, comme deux mécanismes compétitifs lors du frittage. Le challenge est le maintien d’une structure nanométrique durant le frittage.

Densification

Au cours de la densification, «le moteur» de la réduction de la taille des pores est la tension superficielle. Cette force motrice est fortement dépendante de la taille des grains et du diamètre dp des pores. Comme celui-ci suit les variations de la taille de grain, cette force motrice est augmentée de plusieurs ordres de grandeur pour les nanograins. Dans le cas d’une diffusion aux joins de grains, la vitesse de densification est proportionnelle à r–3, ce qui est expérimentalement vérifié (figure 5), et l’on trouve une énergie d’activation qui correspond à celle de la diffusion aux joints de grains. On comprend que pour les matériaux céramiques constitués d’agglomérats, il sera très difficile de réduire les pores de grande dimension.

Figure 5 : Variation de la vitesse de densification en fonction de la taille des grains et de la taille des

pores à 1050°C pour ZrO2 -3 mol% Y2O3 [MAYO 1996]

18

Page 17: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

Croissance des grains

L’enjeu le plus important pour les procédés de frittage des nanomatériaux est d’éviter la croissance des grains pendant la densification. La vitesse de croissance des grains est donnée par la relation suivante :

)/3(2 gMdtdg

bγ=

Avec g est la taille des grains, Mb est la mobilité aux joints de grains et γ est l’énergie d’interface. D’après cette équation, on remarque que, plus la taille des grains est fine, plus la croissance des grains est favorisée. Par conséquent, en raison d’une vitesse de croissance élevée dans le cas du frittage d’une poudre ultrafine/nanocristalline, la rétention d’une structure nanométrique finale devient extrêmement difficile.

Limitations de croissance des grains

La maîtrise de la microstructure des céramiques et, en particulier, celle d’une microstructure fine et homogène est une préoccupation essentielle des céramistes en raison de l’impact important de cette caractéristique sur la plupart des propriétés. Plusieurs démarches ont été adoptées pour limiter la croissance des grains lors de la densification.

Par frittage traditionnel, favoriser les mécanismes de diffusion en volume et aux joints de grains conduisant à la densification et limiter les mécanismes de diffusion en surface favorables à la croissance cristalline. Pour cette raison, la diminution de la température du frittage a été recherchée afin d’aboutir à la structure nanométrique. Cependant, des études récentes [BERNARD-GRANGER 2008] ont montré qu’il existe une relation densité relative-taille des grains, indépendante du chemin de frittage suivi (figure 6).

19

Page 18: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

Figure 6 : Variation de la taille des grains en fonction de la densité relative pour une alumine

submicronique [BERNARD-GRANGER 2008]

On peut aussi limiter la croissance cristalline dans le cas de nano-composites par l’ajout de particules nanométriques d’une autre nature ; les deux phases en présence pouvant inhiber mutuellement la croissance des grains de l’autre, par effet Zener.

L’utilisation des techniques de frittage sous pression (Hot Pressing HP, Hot Isostatic Pressing HIP), classiquement utilisées pour limiter la croissance des grains lors de la densification de poudres microniques, ne permet pas d’empêcher la croissance des grains à partir de 90% de densification pour les poudres nanométriques [VAβEN 1999].

D’autres techniques non conventionnelles comme la consolidation par explosion «shock or dynamic consolidation », les techniques plus récentes de frittage assisté par champ électrique (Field Assisted Sintering Technology FAST, Spark Plasma Sintering SPS) et également le frittage micro-ondes qui, par réduction importante du temps de frittage (quelques secondes ou quelques minutes), permettent de limiter voire d’éviter le phénomène de croissance de grains.

Le frittage micro-onde, appliqué pour différents oxydes nanocristallins donne des céramiques denses et nanocristallines [PEELAMEDU 2004]. Le micro onde laser hybride « micro-wave laser hybride » a été utilisé pour le frittage de particules nanométriques de zircone de 23 nm jusqu’à une densité finale proche de la densité théorique pendant 3 mn à 1700°C [PEELAMEDU 2004]. Le frittage de la même

20

Page 19: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

poudre par frittage micro-onde seul nécessite un temps plus long de 20 à 30 mn aux températures de 1500 et 1400°C respectivement. Néanmoins, la taille des grains obtenus par ces frittages micro-onde augmente jusqu’à une taille submicronique [GARCIA 2006].

D’autre part, la technique de frittage en deux étapes a été appliquée suite aux travaux de Chen et Wang [CHEN 2000] sur le frittage de poudres nanométriques d’Y2O3. Les compacts sont dans ce cas traités initialement à une température élevée (1250 ou 1310°C) pendant un temps très court puis refroidis rapidement à une température plus basse (1150°C) et maintenus jusqu’à densification complète du compact, ce palier pouvant atteindre 20 heures. Aucune croissance cristalline n’a lieu lors du second palier alors que la densification se poursuit.

21

Page 20: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

B- Etude de cas retenue : Élaboration d’une alumine dense ultrafine à partir d’une nano-poudre de transition

L’alumine est une céramique largement utilisée grâce à l’association de bonnes propriétés (résistance mécanique, dureté élevée, résistance à la corrosion, stabilité thermodynamique, etc.) et d’avantages économiques. Par ailleurs, l’alumine sans transformation de phase est souvent choisie comme matériau modèle pour représenter le comportement des céramiques monolithiques. Pour ce matériau, les propriétés dépendent fortement de la taille des grains.

B.I Les différents états cristallographiques de l’alumine

Comme d’autres céramiques (TiO2, ZrO2, etc..), l’Al2O3 existe en différentes variétés de formes cristallines ou de polymorphes en plus de sa forme thermodynamique stable α-Al2O3. Les structures des alumines métastables peuvent être divisées en deux catégories avec l’arrangement des anions oxygène dans une structure cubique à faces centrées (cfc) ou hexagonal compact (hcp). C’est ensuite les différentes distributions des cations dans chaque structure qui donnent les différents polymorphes. Les structures d’Al2O3 fondées sur une structure cubique à faces centrées (cfc) d’oxygènes sont : gamma (γ, cubique), êta (η, cubique), thêta (θ, monoclinique), delta (δ, tétragonale ou orthorhombique), kappa (κ, orthorhombique), chi (χ, cubique), tandis que la structure fondée sur une structure hexagonale compacte (hcp) est représentée par α (trigonal). Le tableau 2 regroupe les données de diffraction de rayons X des alumines de transition et d’α-Al2O3.

Il est noté que la phase initiale utilisée pour former les polymorphes d’Al2O3 peut varier et dépendre des techniques d’élaboration et des précurseurs hydroxydes utilisés. Parmi ces précurseurs, on cite: Gibbsite, bayerite, boehmite et diaspore. La figure 7 représente les différentes séquences thermiques de transformations de phase de l’alumine à partir de différents précurseurs hydroxydes. L’alumine de transition la plus connue est γ-Al2O3 qui peut se former à partir de tous les précurseurs d’alumines, à l’exception de la diaspore [SANTOS 2000].

22

Page 21: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

Tableau 2 : les différentes caractéristiques cristallines de différentes structures métastables d’Al2O3.

23

Page 22: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

B.II Des alumines de transition vers l’α-Al2O3

La transformation des alumines de transition est un sujet de recherche qui a déjà donné lieu à une grande production de littérature. Sous l’action de la chaleur, γ-Al2O3 suit une série de transformations polymorphiques. La séquence des transformations de phase (figure 7) peut varier selon la méthode d’élaboration du polymorphe, la présence des impuretés et des dopants [SANTOS 2000, SHEK 1997]. Les intervalles de température donnés dans la figure 7, correspondant à la stabilité de la phase cristalline, sont approximatives et dépendent de plusieurs facteurs : degré de cristallinité, présence des impuretés dans le matériau de départ, et du traitement thermique appliqué.

Figure 7 : Filiation des alumines de transition en fonction de l’hydroxyde de départ et de la température. Les températures de transition sont données à titre indicatif et peuvent varier avec les

conditions opératoires [SANTOS 2000]

En général, la transformation des formes polymorphiques d’une céramique peut être classée comme étant displacive ou reconstructive tout en dépendant de l’importance de la réorganisation atomique nécessaire pour la transformation.

Dans le cas de l’alumine, durant la séquence de transformation des phases polymorphiques γ → δ → θ-Al2O3, les structures cristallines des composés présentent une similitude : arrangement des anions dans un système cubique à faces centrées. C’est l’emplacement des cations entre les sites octaédriques et tétraédriques qui varie en changeant le paramètre c/a. Il existe alors des relations simples entre les axes cristallographiques des structures. L’évolution de l’γ-Al2O3 vers δ-Al2O3 est expliquée par la migration des cations des sites tétraédriques vers les sites octaédriques. Le passage d’une structure à l’autre peut se faire sans qu’il y ait un bouleversement

24

Page 23: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

notable de la structure et que cela ne requiert une énergie considérable. Les transformations de γ→δ et de δ→θ sont alors displacives avec une énergie d’activation relativement faible. Dans ce cas, la transformation peut avoir lieu à basse température. La transformation de différentes formes polymorphiques représente alors une déformation dite topotactique du réseau. Plus d’informations pourront être trouvées dans les travaux de Levin et al. [LEVIN 1998].

La transformation de phase de θ-Al2O3 en α-Al2O3 est différente de celles effectuées sur les alumines de transition. Cette transformation se fait par changement des positions des anions oxygène de la structure CFC vers une structure hexagonale compacte. La transformation de θ→α est alors reconstructive. Aussi, les matériaux céramiques (e.g. Al2O3 et TiO2) qui suivent une transformation reconstructive se transforment par nucléation et croissance et possèdent une énergie d’activation élevée [NORDAHL 1998, DYNYS 1982]. Comme l’indique Rao et Rao [RAO 1967], la plupart de l’énergie d’activation d’une transformation de ce type est utilisée dans le processus de nucléation.

Les distances inter réticulaire de certains plans cristallographiques dans les alumines (γ, δ, θ et α) sont similaires (tableau 3). A cause de cette similitude proche entre les distances réticulaires des différents polymorphes, l’identification des phases durant la transformation d’une alumine poly-cristalline peut être équivoque. De plus, la plupart de ces polymorphes coexistent durant la transformation.

Tableau 3 : Comparaison des distances inter-réticulaire « d »de différentes structures de l’alumine.

A notre connaissance, la transformation de θ vers α-Al2O3 s’accompagne systématiquement de la formation d’une microstructure vermiculaire caractérisée par la présence de larges porosités. Un changement drastique dans la taille des cristallites,

25

Page 24: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

densité, taille des pores et la distribution de la porosité après cette transformation [YANG 1988, MCARDLE 1993] a été observé. Ce qui rend cette étape critique dans le contrôle de l’évolution microstructurale.

B.III Elaboration des alumines commerciales

Pour la fabrication des céramiques d’alumine dense, il est nécessaire de transformer la poudre d’alumine en sa phase stable α avant la consolidation, afin d’éviter les transformations durant le frittage. Cependant, la formation de la phase stable d’α-Al2O3 impose une température élevée afin d’atteindre l’énergie d’activation nécessaire pour sa formation. Les procédés de synthèse doivent permettre l’obtention des cristallites α de taille nanométrique. A notre connaissance, toutes les études reportent la formation d’une alumine alpha avec une taille de grain supérieure à 100 nm, c.à.d. environ un ordre de grandeur de plus que celle de l’alumine de transition de départ. De plus, aucun nuclei d’alpha isolé n’a été observé, suggérant ainsi que la croissance d’α-Al2O3 dans la matrice de l’alumine de transition est « explosive » une fois qu’une taille critique de nucleus est atteinte. Le résultat de cette croissance d’ α-Al2O3 est une structure de poudre vermiculaire. Un exemple de la morphologie des particules α à partir d’une poudre boehmite est montrée (figure 8). On observe la multi – connexion des grains d’alumine α en structure vermiculaire. Ces vermicules peuvent mesurer plusieurs micromètres.

Figure 8 : Structure vermiculaire d’α-Al2O3 obtenue à partir d’une boehmite (1300°C-100mn) [NORDAHL 1998] (à gauche), ou par calcination d’une poudre d’alumine de transition (1250°C, 20 min) (à droite). Cette dernière observation a été réalisée par nos soins lors de l’évaluation d’une

poudre.

Il est difficile d’obtenir une poudre d’alumine α nanométrique avec une taille de particule inferieure à 100nm avec une distribution de taille étroite et sans agglomérat [WEN 1999, ZENG 1999]. Actuellement, les poudres commerciales d’α-Al2O3

26

Page 25: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

proposées sur le marché sont toutes des tailles de grain supérieur à 100 nm. Les plus utilisées sont TM-DAR (Taimei) et BMA15 (Baikowski).

Les poudres les plus fines sont aujourd’hui nécessairement des poudres d’alumine de transition (δ, γ, θ), de granulométrie inférieure à 50nm [RAMESH 2000] Depuis peu, l’alumine de transition est bien étudiée à cause de sa nature nanocristalline intrinsèque et parce qu’elle peut être synthétisée par des techniques diverses.

B.IV Etude de transformations de phases et interaction potentielle

avec le frittage

Des études récentes sur des céramiques nanostructurées ont mis en évidence la difficulté de produire des matériaux denses sans grossissement des grains [GROZA 1999, KEAR 2001, AVERBACK 1993], particulièrement dans le cas des alumines de transition nanocristalline, synthétisées par des méthodes différentes [YOSHIZAWA 2004, ZENG 1998, KARTHIKEYAN 1997, HAHN 1997, EASTMAN 1993]. Ceci est dû à la transformation vers l’alumine alpha durant le cycle thermique.

B.IV.1 Mécanismes impliqués durant la transformation θ vers α-Al2O3.

La transformation de phase θ vers α-Al2O3 est de type nucléation-croissance [NORDAHL 1998, DYNYS 1982]. Il est cependant notable que le mécanisme de croissance des cristallites d’ α-Al2O3 semble avoir différents modes selon la littérature.

B.IV.1.1 Nucléation-Croissance

Le premier mécanisme de nucléation-croissance proposé est reporté dans [BADKAR 1976]. Ce mécanisme a été repris et approfondie par [DYNYS 1982, PACH 1990, CHOU 1991, CHOU 1992]. Badkar et Bailey [BADKAR 1976] ont étudié, sur des films minces, le mécanisme de transformation de phase en suivant la transformation par observation au microscope électronique à transmission et par diffraction électronique in situ. Figure 9-a montre une micrographie obtenue en microscopie électronique à transmission d’un compact ayant subi un traitement jusqu’à 1230°C avec une vitesse de chauffe de 15°C/mn. La diffraction électronique du compact montre qu’il s’agit d’un mélange d’alumine θ + α-Al2O3. La microstructure (figure 9-a) semble être formée par des vermicules α (zone A) mêlées avec de larges porosités et avec à côté une matrice de fines particules θ (zone B). La zone indiquée par A montre une variation considérable de taille. Par diffraction électronique dans les zones indiquées A et B, figure 9-b et 9-c respectivement, il est montré que A

27

Page 26: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

correspond à une seule cristallite α-Al2O3 tandis que la section B serait constituée de plusieurs cristallites de θ-Al2O3. Par ces observations en microscopie électronique, Badkar et Bailey ont supposé que durant la transformation de phase, la nucléation d’α-Al2O3 apparait puis une croissance a lieu au dépend de la matrice de θ-Al2O3 par redistribution de la porosité fine présente dans la matrice θ en large porosité, comme c’est montré en figure 9. Cependant, ils n’ont pas pu donner de détails sur la nucléation initiale en identifiant la taille critique de nucleus d’α-Al2O3 dans la matrice de θ poly-cristalline.

Figure 9: a) Micrographie obtenue en MET d’une boehmite frittée à 1230°C à une vitesse de chauffe

de 15°C/mn, b) Diffraction électronique dans la zone indiquée par A, c) Diffraction électronique dans la zone indiquée par B [BADKAR 1976]

28

Page 27: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

Dynys et Halloran [DYNYS 1982] ont eux aussi étudié le mécanisme de la transformation et de la croissance ainsi que la structure cristalline des colonies d’α. Ils ont montré que chaque colonie est constituée par un cristal d’α. Les cristaux sont poreux et ont une morphologie vermiculaire. Dynys et Halloran ont justifié la forme vermiculaire par la difficulté de nucléation de germes d’α et que c’est par croissance des grains à partir d’un seul germe que la transformation peut être poursuivie. La formation d’une telle microstructure, durant la transformation reconstructive de θ vers α- Al2O3, est aussi la conséquence de la réduction du volume spécifique de 28.6 à 25.6 cm3 / mol Al2O3 (correspondant à des différences de la densité théorique de 3.6 à 3.987 g/cm3 Al2O3).

Deux mécanismes sont proposés pour la croissance de la phase α :

- Migration des joints de grain entre les cristallites α formées et la matrice d’alumine de transition [CHOU 1991].

- Coalescence de germes d’α formés [CHANG 2000], puis au-delà d’une certaine taille critique, croissance par le mécanisme de migration (figure 10). Ce mécanisme de coalescence fait nécessairement intervenir un mécanisme de réarrangement des grains α.

Ces deux mécanismes sont cohérents avec la croissance progressive de monocristaux de phase α de forme vermiculaire.

Figure 10 : Illustration du mécanisme de transformation de phase de θ vers α dans le cas d’une

poudre nanométrique, donnée par [CHANG 2000].

B.IV.1.2 Réarrangement durant la transformation

Ce réarrangement a été mentionné dans la littérature [WU 1996, LEGROS 1999 et YEN 2002]. Yen et al. [YEN 2002] ont mis en relief l’importance du réarrangement des particules θ, qui après avoir atteint un diamètre critique, doivent se déplacer pour joindre d’autres particules θ et se transformer en α (germination), sans précision du mécanisme de réarrangement. Legros et al. [LEGROS 2005], quant à eux, ont donné une explication plus détaillée de la génération de ce réarrangement créée dans la structure après transformation de phase γ vers α. Quand une particule se transforme de

29

Page 28: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

γ en α-Al2O3, si les particules voisines ne sont pas en contact ou arrangées d’une façon symétrique, la réduction du volume cristallographique peut induire des forces inter particules les poussant à bouger.

Figure 11 : mécanisme de réarrangement des particules, proposé par Legros et al. [LEGROS 1999],

durant les transformations de phases.

Ces mécanismes proposés représentent une notion de base sur le mécanisme de transformation de phase. Cependant, ces études ne montrent pas qu’il est possible d’obtenir une poudre d’α-Al2O3 ultrafine (<100 nm) et monodisperse.

B.IV.2 Diminution de la température de transformation de phase

Le développement de la structure vermiculaire, produite à des températures élevées (entre 1150°C et 1200 °C), est un obstacle majeur inhibant la densification de l’alumine de transition nanométrique à des températures faibles (<1300°C). Comme conséquence, le stade final du frittage de l’alumine de transition exige une température élevée, supérieure à 1600°C, pour donner une densité élevée, [DYNYS 1982]. Ceci conduit à un grossissement des grains favorisé aux températures élevées, conduisant à un ralentissement du frittage de l’alumine alpha formée. Pour cela, une diminution de la température de cristallisation a été le sujet de plusieurs études afin de maîtriser la formation de la microstructure vermiculaire et obtenir une α-Al2O3 fine à température plus basse.

Certaines stratégies ont été proposées dans la littérature pour réduire la température de cristallisation de l’α-Al2O3 et améliorer, ainsi la densification. Parmi ces études on cite :

30

Page 29: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

B.IV.2.1 Effet de l’introduction des germes d’oxydes métalliques

De nombreuses études ont montré l’influence de la présence des oxydes métalliques sur la diminution de la température de transformation de phase. Diverses procédures de dopage [LI 2006, NORDAHL 2002, YOSHIZAWA 2004] ont été utilisées pour améliorer la cinétique de transformation et pour diminuer la température de nucléation de la phase α. Nordahl [NORDAHL 1998] regroupe les résultats de plusieurs études concernant l’effet d’un oxyde métallique sur la température de transformation de phase θ vers α (figure 12).

Figure 12 : changement de la température de transformation de phase de θ en α-Al2O3 en fonction de

la nature du dopant d’oxyde métallique.

Les oxydes métalliques qui ont entrainé une diminution de la température de la transformation de phase sont Fe2O3, CuO/Cu2O, TiO2, V2O5 et MgAl2O4. SiO2 et ZrO2 ont des effets variables selon l’étude: ils diminuent la température de la transformation dans une étude et ils l’augmentent dans d’autres. B2O3, La2O3, Y2O3 et CaO augmentent la température de transformation de phase par rapport aux échantillons (boehmite ou alumine de transition) non dopés. Ta2O5, Li2O, Cr2O3 et MgO ne modifient pas la température de transformation.

L’addition d’α-Al2O3 est aussi proposée dans la littérature pour diminuer la température de transition. Le but est alors d’augmenter le nombre de germes et la

31

Page 30: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

vitesse de nucléation de α dans θ. Dans une boehmite non dopée, la densité de nucléation intrinsèque est de 108-1011 nuclei / cm3 θ-Al2O3 ainsi une température d’environ 1200°C est demandée pour une transformation complète en alumine α [DYNYS 1982, PACH 1990]. L’addition de germes d’α-Al2O3 fournit des sites de basses énergies pour une nucléation hétérogène et réduit alors la barrière d’énergie nécessaire pour la nucléation [KUMAGAI 1984, KUMAGAI 1985]. Les germes ont de nombreux contacts avec θ-Al2O3 et fournissent alors plusieurs sites de nucléation. En diminuant la barrière d’énergie et en augmentant le nombre de sites de nucléation, la transformation de phase s’effectue à plus basse température. Pour des échantillons de γ-Al2O3 dopés avec 5 wt% de α, la température de transformation de phase et l’énergie d’activation ont été réduits de 75°C et 170 kJ/mol, respectivement, par comparaison à une γ-Al2O3 non dopée [NORDAHL 1998]. La concentration élevée de germes peut empêcher la croissance des colonies d’α-Al2O3. En conséquence, la taille des vermicules est plus petite et une microstructure plus fine et plus homogène peut être obtenue durant frittage.

B.IV.2.2 Effet d’un broyage

Le broyage a pour conséquence de diminuer la température de transformation de phase. Il est ainsi montré que la vitesse de nucléation est augmentée [DYNYS 1982]. Deux hypothèses sont souvent proposées: effet méchanochimique ou effet dopage par contamination des médias de broyage (moins probable car non observé).

B.IV.2.3 Effet de la pression pendant le frittage

Des études ont mis en évidence l’effet de l’application d’une grande pression en cours du frittage sur la diminution de la température de transformation de phase [YEN 2002, AHN 1999, LIAO 1998]. Liao [LIAO 1998] a montré que l’application d’une haute pression durant le frittage peut favoriser la vitesse de nucléation et diminuer la vitesse de grossissement des grains. Il a reporté que la transformation de γ→α peut se produire à 460°C à une pression de 8GPa. Ainsi, par application d’une pression élevée, un compact avec une taille de grains finale plus fine est obtenu. Le même phénomène a été observé dans le système n-TiO2 [LIAO 1997-a, LIAO 1997-b, LIAO 1995-a, LIAO 1995-b].

32

Page 31: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

B.IV.2.4 Effet de la densité à cru

La densité à cru a un effet sur la transformation de phase. Nordahl et al. ont étudié l’effet de la densité à cru sur la transformation de phase ainsi que sur la frittabilité de l’alumine de transition [NORDAHL 2002]. Ils ont montré qu’en augmentant la densité à cru de la poudre d’alumine de transition, l’espace entre les nucléi dans la matrice est réduit et le nombre de contacts entre la matrice phase et les germes particules est augmenté. Ces deux effets induisent une diminution de la formation de la microstructure vermiculaire. Des densités plus élevées sont ainsi obtenues à plus basse température. D’autres part, Wu et al. [WU 1996] ont utilisé une mise en forme sous haute pression isostatique pour obtenir une densité à cru de 63% afin d’améliorer le frittage de l’alumine de transition. Les échantillons frittés ont donné une densité de 72% à 1150°C et 82% à 1350°C. Ils ont remarqué que la microstructure vermiculaire s’est toujours développée durant la transformation de phase et a inhibé la densification complète malgré l’amélioration de la densité à cru obtenue après le pressage isostatique haute pression.

B.IV.3 Frittage de la poudre d’alumine de transition.

Malgré l’existence de certaines méthodes pour diminuer la température de transformation de phase, l’obtention d’une structure dense à partir d’une alumine nanométrique semble être difficile à réaliser par frittage conventionnel. Pour cela, un grand intérêt s’est développé pour les techniques de frittage qui mettent en œuvre des processus permettant de fritter l’alumine en un temps réduit. Parmi ces techniques, on cite le micro-onde [FREIM 1994] et le SPS (Spark Plasma Sintering) [MISHRA 1995]. Pour ces études, les résultats sont comparables à ceux obtenus par frittage conventionnel. En effet, la meilleure densité obtenue où il y avait conservation d’une taille inférieure à 100 nm était 90%.

En se fondant sur ces observations, certaines études [MISHRA 1996, FERKEL 1999] ont montré qu’une pression élevée peut assister à l’obtention d’une structure dense nanocristalline. Par l’application d’une pression de 80 MPa sur une poudre broyée, Ferkel [FERKEL 1999] a obtenu une structure dense de 99% avec une taille de grains inférieure à 500 nm. Mishra et al. [MISHRA 1996], quant à eux, ont réussi à obtenir une densification totale avec taille de grains de 93nm, de la même poudre NanoTEK, par application d’une pression plus élevée de 8 GPa. C’est la plus fine alumine dense obtenue dans la littérature.

De plus, Gonzalez [GONZALEZ 1996] a mis en relief l’effet de la pression lors de la compaction. En effet, des compacts de γ-alumine ont été préparés à des pressions

33

Page 32: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

allant jusqu’à 5 GPa puis frittés sous pression entre 1000 et 1600°C. Pour les compacts à des pressions en dessous de 3 GPa, une microstructure poreuse a été obtenue. Ce résultat a été attribué à la formation de la structure vermiculaire après la transformation de phase en alumine α. Tandis que le compactage à des pressions supérieures à 3 GPa a permis d’éviter la structure vermiculaire et d’obtenir des alumines denses proches de la densité théorique, avec une structure de grain nanométrique (taille moyenne des particules 150 nm).

D’autres études ont mis en relief l’effet du frittage en deux étapes (double step), une procédure bien décrite par Chen et al. [CHEN 2000] pour la densification des céramique Y2O3 nano-structurées. Malgré la diminution de la taille des grains de l’α-Al2O3 obtenue (600 nm) dans certaines études [CHEN 2000, BODISOVA 2007], cette procédure est plus limitée dans le cas du frittage de l’alumine, que dans le cas de la zircone où elle aboutit à la formation d’un composé dense et nanométrique de 65 nm [BINNER 2008]. L’efficacité de ce frittage en double étape pour l’alumine est remise en question. En effet, des études ont montré que l’énergie d’activation de la densification de l’alumine est plus élevée que celle de la croissance des grains [KANTERS 2000] et que l’on demeure ainsi dans l’impossibilité d’aboutir à une structure nanocristalline dans le cas de l’alumine.

34

Page 33: MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS DU PROJET - …docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/azar/04_chapitre_1.pdf · Activité catalytique

Chapitre 1 - Motivation et Justification du projet

CONCLUSION

Notre objectif est d’élaborer une céramique dense et à microstructure la plus fine possible en frittant une alumine de transition. Le choix est motivé par le fait que les poudres commerciales les plus fines sont des alumines de transition et que cela représente par ailleurs un challenge non résolu dans la littérature.

Ce chapitre avait pour but de comprendre les transitions de phase dans l’alumine de transition vers la forme stable α. Les mécanismes de nucléation-croissance sont globalement assez bien décrits [possibilité de modifier la température de transformation, notamment par augmentation de la vitesse de nucléation (par exemple densité à cru)]. La transformation semble mener systématiquement à la formation de vermicules, très néfastes au frittage. Cette formation de vermicules s’avère même rédhibitoire au frittage conventionnel.

Notre objectif par la suite de l’étude sera donc :

– d’étudier l’effet de l’empilement des particules dans un cru sur la transformation. A notre connaissance, cela n’a été appréhendé que de manière indirecte via la densité à cru.

– d’étudier en détails les séquences de transformations (γ→δ→θ→α) dans notre poudre céramique, et de contrôler, voire limiter, la formation d’une structure vermiculaire néfaste au frittage.

– d’étudier et d’optimiser le frittage de l’alumine α obtenue consécutivement à la transformation.

35