monstres industriels

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Après trois siècles d'activité éffreinée, l'industrie de production subit actuellement de lourdes mutations. Victime de la mondialisation et d'une prise de conscience écologique, ces géants ayant développé l'Europe, sont aujourd'hui contraints de fuir vers d'autres territoires. Ainsi les activités migrent, mais les bâtiments restent, provoquant la création d'immenses délaissés. Symboles d'échec et d'une époque révolue, ces friches dérangent et, ni les municipalités, ni les anciens propriétaires ne savent quoi faire de ces monstres désuets. Malgré ce constat, cet héritage offre à la fois une énorme ressource matérielle, et un patrimoine qui mérite d'être conservé. Ainsi que faire et comment redonner vie à ces territoires tout en étant conscient de l'héritage industriel ? Appuyé par l'étude du cas allemand de l'Emscher Park, c'est autour de ce questionnement que se développe ce mémoire.

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SOMMAIRE

Les friches industrielles aujourd'hui

PARTIE I - L'IBA EMSCHER PARK

Une réappropriation de friche industrielle à l'échelle d'un territoire

Une situation critiqueUn projet à l'échelle du territoireLes différents axes du projet

PARTIE II – DIFFÉRENTS POSITIONNEMENTS

1. Conserver ou démolir

Le bâti industriel en tant que ressourcesLe bâti industriel en tant que patrimoineL'exemple de la cité ouvrière de Schüngelberg

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2. Construire dans l'existant

Différents degrés d'interventionFlexibilité des formes de l'architecture industrielleL'exemple du parc paysager de Duisburg Nord

3. Deux manières d'agir

Par le hautPar le basL'exemple des projets « Initiatives » et « Construire soi-même, tout simplement »

Quels enseignements pour l'avenir ?

Notes

Bibliographie

Illustrations

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LES FRICHES INDUSTRIELLESAUJOURD'HUI

L'industrie de production qui, depuis trois siècles, a érigé dans ou près de laville, des bâtiments et un urbanisme singuliers, subit aujourd'hui de lourdesmutations. Victime de la mondialisation, de l'évolution des technologies etd'une prises de conscience écologiques, comme la pollution et l'épuisementdes ressources naturelles, elle change de forme et migre vers des territoiresmoins centraux et plus compétitifs. Ainsi les géants fuient, laissant derrièreeux des coquilles vides, des sols torturés et des symboles défunts.

Ces traces matérielles, images d'un système reposant sur des objectifs avanttout productifs et économiques, sont aujourd'hui le symbole de l'échec despays développés dans un monde globalisé. Ces friches dérangent, créant àla fois une pollution visuelle dans le paysage et des barrières au déve-loppement urbain. En parallèle, les municipalités ne savent que faire de cesplaies ouvertes, dont les anciens propriétaires ne veulent plus, aux solspollués et pour lesquelles les marchés potentiellement repreneurs ontquasiment disparu. Elles restent alors en l'état pendant des années, sedégradant au fil du temps, barricadées de clôtures électrifiées et surveillées,ou bien investies sous forme de squats.

Malgré ce triste constat, ces cicatrices multiples et diffuses laissées surl’ensemble du territoire sont une palette extraordinaire de ressourcespossibles. De plus ce patrimoine industriel n'est pas seulement intéressant entant qu'objet mais également pour son appartenance à une culture forte,celle de l'industrie, support d'une identité locale qui a participé à lacohésion sociale. Ces sites et l'ensemble de leurs constructions représententtout un pan de l'histoire de la société.

Ainsi, que faire et comment redonner vie à ces territoires tout en étantconscient de l'héritage industriel ?

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Trois postures sont possibles.

– Une première, radicale, consiste à faire table rase des vestiges de lafriche industrielle. La démolition totale des anciennes installationspermet de retrouver un terrain vierge qui ne présente plus decontraintes pour son urbanisation future. Mais ce choix impliqueaussi et surtout de nier le passé du site, de renoncer à son héritagepatrimonial et aux ressources disponibles que ce bâti représente.

– Une autre solution, plus conservatrice mais tout aussi radicale,consiste au contraire à garder l'intégralité des bâtiments et trans-former le site en musée ou éco-musée. Ce type d'action garde lesite intact dans le but de mettre en valeur son patrimoine et sonhistoire. Cette sacralisation présente l'inconvenient de rester tropancrée dans le passé, donnant simplement à voir la vitrine d'uneépoque révolue, ne prenant pas compte des multiples possibilitéque ces formes pourraient remplir pour répondre aux besoinscontemporains.

– Enfin une dernière solution consiste à conserver tout ou une partiedes bâtiments et des infrastructures dans le but de les reconvertir.L'objectif ici n'est pas de conserver ces vestiges à l'identique maisd'en réinventer l'usage pour leur donner une nouvelle modernité, lesrendre capables d'accueillir de nouvelles activités, de nouvellesfonctions. En s'appuyant sur l'existant, elle permet de redonner vieau lieu tout en conservant la signification historique des bâtiments.Certes plus complexe, cette approche permet de prendre encompte l'héritage industriel du territoire et d'économiser de l'énergieet de la matière en composant avec l'existant.

Ces questionnements sont communs à de nombreuses villes et régionseuropéennes. Certaines réponses ont déjà commencé à être expéri-mentées et,parmi elles, l'Allemagne est un des précurseurs. Les interventions liées à l'exploitationminière sont particulièrement significatives, ayant eu un impact fort sur leurenvironnement depuis le début de la révolution industrielle. Cette ressourcenaturelle a profondément modifié la morpho-logie des territoires, donnant souventlieu à des déboisements, des effondrements de sols, introduisant dans le paysagedes constructions telles que des terrils, chevalements, routes, voies ferrées sansoublier l’urbanisation plus ou moins dense liée à l'édification des cités ouvrières.

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La région de la Ruhr et plus particulièrement la Vallée de L'Emscher,couvrant une zone de 800 km² au centre ouest du pays, a développé dès lemilieu du XIXe siècle, la totalité de son économie sur l'industrie lourde ducharbonnage et de la sidérurgie.

Près d'un siècle plus tard, cette même économie qui avait fait prospérer larégion et le pays entier s 'effondre, laissant des monstres endormis et unepopulation fuyante. En 1989, l'IBA Emscher Park est créée et tente de donnerune nouvelle dynamique à ce territoire mourant en prenant comme filconducteur la reconversion des vestiges laissés par l'industrie sur l'ensembledu territoire.

À travers ce mémoire, nous nous intéresserons dans un premier temps à unedémarche significative de transformation et de réappropriation d'une fricheindustrielle à l'échelle d'un territoire entier, celle de l'IBA Emscher Park.Nous étudierons ensuite un questionnement directement lié, celui deconserver ou démolir l'existant. Pour cela, nous approfondirons notammentla notion de patrimoine industriel et nous analyserons en parallèle l'exemplede la cité ouvrière de Schüngelberg .Dans un troisième temps, en suivant le choix de la conservation, nousinterrogerons le principe de construire dans l'existant, nous nous intéresseronsalors aux différents degrés d'action possibles et à la flexibilité des formes del'architecture industrielle, le tout sera appuyé par l'étude de l'interventionréalisée dans le parc de Duisburg Nord.Puis, dans un quatrième temps, nous observerons différentes politiques deconservation. L'une « par le haut », est synonyme d'une action planifiée etimposée par des décisions politiques fortes. L'autre se fait, à l'inverse, « par lebas », portée par l'action et l'appropriation des habitants. Ceci nouspermettra d'étudier en parallèle les projets « Initiatives » et « Construire soi-même, tout simplement », au sein de l'Emscher Park.Enfin nous conclurons sur les enjeux et les perspectives que proposentl'ensemble de ces questionnements et nous verrons ainsi quelles possibilitéss'offrent aux décideurs politiques, à l'architecte et aux habitants aujourd'hui.

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PARTIE I

L'IBA EMSCHER PARK

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UNE RÉAPPROPRIATION DE FRICHE INDUSTRIELLE À L'ÉCHELLE DU TERRITOIRE

Une situation critique

La Ruhr est un territoire ayant subi une très forte période d'industrialisationdès la seconde moitié du XIXe siècle. Les difficultés que la région a ensuiterencontrées l'ont amenée à s'interroger sur son avenir.

Le bassin de la Ruhr est situé dans le Land de Rhénanie du Nord-Wesphalie,à l'ouest de l'Allemagne. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la Ruhr est une régionagricole. On découvre alors que son sol abrite d'importantes ressourcesminières, rapidement l'extraction et la transformation de ces ressources ontchangé son visage. En 1857, les premiers puits de mines de charbon sontconstruits le long de la Ruhr, à partir de cette date une effervescence sedéveloppe autour de cette activité et très rapidement le nombre de minesatteint les 300 unités1. L'extraction se développe et se concentre peu à peuvers le nord du bassin, le long de l'Emscher où le charbon est plus abondantet de meilleure qualité. En parallèle, entre 1905 et 1957, la population passede 2,9 à 6,2 millions d'habitants2, cette explosion démographique aboutit àune urbanisation non régulée établie par les grands industriels de l'époque,les noyaux d'habitats s'organisent en majorité à proximité immédiate dessites industriels, dans des cités ouvrières où se concentre la main d’œuvre auplus près de leur zone de travail. Aujourd'hui la Ruhr est la région la plusdense d'Allemagne, avec 5 millions d'habitants pour 4 500 m², ceci estintimement lié à cette effervescence industrielle3. De plus, le bassin de laRurh fut au cœur de l'effort de guerre durant les deux Guerres mondiales,fournissant les matières premières nécessaires à l'armement, il sera le moteuréconomique du pays.

En 1957, un siècle seulement après les prémices de cet essor, le pays estfrappé de plein fouet par la crise du charbon, l'utilisation du pétrole devientprincipale et la concurrence avec le charbon provenant des pays de l'estest disproportionnée. Le nombre de mines en activité passent alors de 140 à

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seulement 7 en 20004, le taux de chômage augmente de plus de 60 % entre1965 et 19805, l'économie de la région s'effondre et laisse derrière elle delourdes cicatrices.

En effet les nombreuses industries qui ferment laissent près de dix millehectares en friches dans la région de l'Emscher. Les propriétaires ne tiennentpas à vendre leur propriété pour ne pas avoir à payer de dettesenvironnementales, les sites sont alors mis sous surveillance et les bâtimentslaissés à l’abandon se dégradent peu à peu, ternissant l'image de la régionet rappelant constamment aux habitant les souffrances d'une crisedouloureuse.

De plus, après plusieurs décennies d'exploitation, la pollution est unproblème majeur s'étendant à tout le territoire. Les sols sont viciés et fragiliséspar les nombreuses galeries creusant le site, la nature a été polluée par lesretombées toxiques expulsées par les cheminées pendant toute ces annéeset l'eau des rivières, notamment l'Emscher a été utilisée comme égout à cielouvert.

En plus de la pollution et des vestiges de friches, la région a conservé denombreuses infrastructures devenues désuètes telles que de nombreusesroutes, voies ferrées et pipelines. Malgré le fait que l'abondance de cesinfrastructures puisse être un atout à la mobilité, ce réseau destiné à la baseaux activités industrielles a désormais perdu toute cohérence et enclave denombreux sites. De plus l'urbanisme précipité et sans règle établi parl’industrie au détriment des structures villageoises a contribué a fabriquer unterritoire peu lisible, sans réels centre ni repère, et sans identité historiquetraditionnelle.

L'ensemble de ces résultantes a contribué à un effondrement de l'activitégénérale, et, comme l'indiquent les slogans brandis par les ouvriers,« d'abord meurt la mine, ensuite meurt la ville »6. Le territoire entier setransforme en immense friche industrielle et s'engouffre dans une spiraleinfernale. Son image dégradée et son déclin économique font peu à peufuir les populations et les investisseurs. De plus, la Ruhr ne comporte pas degrande ville qui dominerait historiquement la région, seulement des villesmoyennes tels que Essen, Duisburg ou Dortmund qui agissent plus encompétition qu'en coopération. Ce dernier point est un véritable handicap,

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empêchant toute vision à grande échelle et aboutissant à unefragmentation encore plus importante du territoire.

À la fin des années 80 le déclin industriel a donc laissé de lourdes traces :– d'importantes pertes d'emploi et du chômage ;– de multiples friches industrielles ;– des cités industrielles vétustes ;– une pollution des sols, de l'air et des rivières ;– des infrastructures obsolètes ;– un urbanisme non contrôlé ;– une qualité de vie médiocre ;– une image « noire » de la Ruhr ;

Ainsi, la situation est critique et les enjeux sont énormes : c'est dans ce cadreque va naître l'IBA Emscher Park pour tenter de réanimer ce territoiremourant.

Un projet à l'échelle du territoire

L'acronyme « IBA » (Internationale Bauausstellung) désigne une « ExpositionInternationale d'Architecture ». Mais en Allemagne, ce type d’événementest différent d'une exposition classique, il ne se concentre pas sur un site closet n'est pas une intervention éphémère. Par définition, « les IBA intéressent unvaste territoire et s'attachent à lui porter une valorisation durable par le biaisde projets nombreux et divers qui contribuent à toutes les dimensions dudéveloppement : sociale, économique et environnementale. L'IBA n'est niune institution, ni une procédure. C'est un concept fédérateur autour d'unestratégie, qui se concrétise par la réalisation, dans un temps limité, de projetsinnovants et durables, à valeur exemplaire »7. Ce type de démarche estspécifiquement allemand et fut mis en place pour les villes et régions deDarmstadt (1901), Stuttgart (1927), Berlin (1957 et 1984), Emscher Park (1989Stadtumbau (2000), Hambourg (2006)8. Ainsi en 1989 le Land de Rhénaniedu Nord-Westphalie décide de lancer une IBA sur le territoire de la Rurh afind'encourager des pistes pour reconvertir les nombreux sites industriels laissésen friche et l'ensemble du réseau hydrographique fortement pollué. Dès lors,le gouvernement mandate le ministère du Développement urbain, de

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l'Habitat et des Transports pour l'organisation de l'IBA Emscher Park, troishommes seront à la tête de cet événement :

– Karl GANSER, professeur et haut fonctionnaire au ministère del'Urbanisme et du Land ;

– Christoph ZOPEL, ministre du Développement urbain, de l'Habitat etdes Transports du Land ;

– Johannes RAU, Ministre-Président du Land ;

Dix-sept municipalités seront engagées dans ce vaste projet par le biais deleurs parlements locaux, le gouvernement de la région de la Ruhr, desorganisations syndicales et patronales, des sociétés privées, des associationsd'architectes et urbanistes ainsi que des associations de sauvegarde dupaysage.

Ainsi la zone d'action de l'IBA est définie et s'étale sur l'ensemble d'unterritoire d'une superficie de 800 km², s'étendant de Duisburg à Berkamen, lelong de la rivière de l'Emscher, et réunissant 17 municipalités concernant40 % de la population de la Ruhr soit 2,2 millions d'habitants, enfin il estdécidé que cette action s'étalera sur une période de dix ans9.

La philosophie de l'IBA sera dans un premier temps de ne pas proposer deprojet trop détaillé, de plan directeur ou de budget précis. Son rôle serad'accompagner les communautés locales et les maîtres d'ouvrage privésdans l'établissement de leur projet par le biais de groupes de travail,d'assurer la médiation des projets et d'organiser des concoursd'architecture, de suivre les projets tout en veillant au respect des critèresdéfinis et enfin d'aider les acteurs à trouver des sources de financement.

Différentes institutions financeront le projet, les plus importantes seront leLand de Rhénanie du Nord-Westphalie et les Fonds européens. De plus, pourdes projets de logements, bureaux et commerces, des partenariats publics-privés (PPP) seront établis et quelques mécènes participeront aufinancement de projets culturels et artistiques. Enfin le Grundstücksfond, quiest le fond foncier régional, est créé dans le but d'acheter, de dépolluer etrevendre les friches aux différents maîtres d'ouvrage publics. C'est au total 5milliards de Deutschemarks soit plus de 2,5 milliards d'euros qui seront réunispour l'établissement du projet10.

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Les différents axes du projet

L'IBA Emscher Park décide d'orienter les projets selon 5 axes.

– Réaliser un parc paysager le long de L'Emscher. Ce parc s'étendraide Duisburg jusqu'à Dortmund, connectant tous les espaces vertstels que des friches industrielles ou des parcs locaux dans le but decréer une trame verte continue entre les villes et les différentsprojets. Constitué de pistes cyclables et de différentes promenades,ce parc est la colonne vertébrale du redéveloppement de larégion, s'inscrivant dans une logique de métropolisation. Il doit ainsiêtre le support de multiples activités et permettre aux habitants deretrouver un lien avec la nature.

– Assainir la rivière de l'Emscher. Transformée par les industries enégout à ciel ouvert, il fut primordial de dépolluer cette rivière afin derétablir l'écosystème de la région.

– Travailler dans le parc. Il s'agit ici de recréer de l'emploi dans dessecteurs autres qu'industriels, et de se tourner plutôt vers le secteurtertiaire en créant des pôles technologiques, scientifiques et deservices. L'établissement par le parc d'un cadre paysagerexceptionnel présente ainsi une grande force d'attraction. Au total20 projets verront le jour, dont 17 nouveaux centres technologiques.

– Habiter dans le parc. Le but est de renouveler le parc delogements afin de renverser l'évolution démographique de la Rurh.Cet axe est alors porté par des projets rénovation de structuresexistantes, près de 3 000 appartements et 6 cités jardins. À celas'ajoute la création de 21 nouveaux lotissements comptant au total2 500 logements, construits en suivant des principes environ-nementaux tels que la gestion des eaux pluviales, l'économied'énergie et l'utilisation d'énergies renouvelables.

– Sauvegarder et reconvertir les friches industrielles. Depuis le début,l'action de l'IBA prend pour base la préservation et la reconversiondes bâtiments déjà présents sur le site. Ces bâtiment appartenant à

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un modèle industriel sont très spécifiques et contribuent à donnerune identité à la région : ce sont ces formes particulières et l'activitéqu'elles ont pu développer qui on bâti la culture des habitants de laRuhr. Après le déclin brutal de l'industrie, cette architecture estdevenue le symbole de l'échec de ce territoire. L'objectif de l'IBA estde transformer et de se servir de ces cicatrices comme vecteur etsupport du renouvellement régional. Pour cela, la réappropriationpar la culture fut particulièrement adaptée et l'art tient une placemajeure dans ce processus, offrant une seconde vie auxbâtiments11.

Ainsi l'IBA Emscher Park est une démarche innovante et emblématique dereconversion d'un ancien monstre industriel, à l'échelle d'un territoire entier.En prenant comme parti de conserver et d'utiliser les friches industriellesprésentes sur l'ensemble du territoire, cette démarche nous amène à nousposer des questions sur les enjeux concernant la préservation des bâtimentsexistants mais hors d'usage.

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PARTIE II

DIFFÉRENTS POSITIONNEMENTS

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1. CONSERVER OU DÉMOLIR

Le bâti industriel en tant que ressource

Les produits jetables, l'obsolescence programmée, les réparations prévues àl'avance approvisionnent artificiellement le marché. Le bilan est le mêmepour l'industrie du bâtiment que pour n'importe quel autre produit : pourrelancer l'économie, il faut détruire et recréer. Cette idée est directementhéritée des années 50 avec l'apogée de la société de consommation, oùaux États-Unis on ne reprisait plus les chaussettes trouées mais on les jetait,tout simplement car c'était moins cher1. Un peu plus tard cette anecdoteétait omniprésente lors de chaque débat concernant une démolition : il estmoins cher de démolir et reconstruire neuf que de réhabiliter.

Ce rejet de l'existant fait partie de l'idéologie fonctionnaliste, affirmant quela modernité n'est envisageable qu'en dehors de l'ancien, sur un terrainvierge, et que tout est à refaire. La surenchère du neuf représentait l'imagedu progrès et de la prospérité : à cette époque en Europe, pour adapter lesvilles aux nouveaux enjeux, le plus intéressant semblait être de détruire lesstructures urbaines jugées dépassées et en reconstruire des nouvelles mieuxadaptées. En Allemagne, plus de 70 % du bâti existant a été construit aucours des 6 dernières décennies2. Durant cette période les projets dereconversion et réhabilitation étaient considérés par les architectes et lesurbanistes comme des projets de second choix.

En réaction, les membres du mouvement Archigramm présentent alors leurconcept de « maison jetable », destinée à satisfaire les désirs d'un hommemoderne de plus en plus mobile. À travers cette caricature, le groupe remeten question ces nouveaux idéaux et cherche à faire prendre conscience del'absurdité de cette nouvelle société.

En réalité nous devrions vivre depuis longtemps dans une société del'existant, à l'époque pré-industrielle la reconversion de l'existant était autantune nécessité économique qu'une évidence culturelle. Les investissementstechniques et temporels, la durée d'exploitation et la valeur du bâti

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imposaient de construire pour la durée et d'intervenir prudemment surl'existant. L'offre limitée des matériaux, les transports qui étaient la plupart dutemps aussi chers que la démolition, faisaient des reconversions ouréutilisation de lieux, de parties de bâtiments ou des matériaux, uneévidence.

Niklaus Kolher est actuellement directeur de l'Institut pour la constructionindustrielle à l'université de Karlsruhe. À la fin des années 90, il orienta sesétudes sur les flux de ressources en Europe, consistant à analyser le cycle devie des matériaux en partant des coûts d'extraction et de fabricationjusqu'aux coûts de recyclage, en passant par les coûts de transport et demise en œuvre. Il en conclut que les bâtiments déjà construits en Europesuffisaient largement à satisfaire les besoins d'une population dont lenombre a globalement cessé de croître, et qu'il n'était pas nécessaire decontinuer à produire des bâtiments neufs. Ainsi selon lui, avant d'entre-prendre tout nouveau projet, le maître d'ouvrage devrait commencer parse demander s'il est vraiment nécessaire de construire un nouveau bâtimentou si le problème pouvait être résolu en utilisant un bâtiment déjà existant.D'après Niklaus Kolher, « Il faut apprendre à gérer le stock de bâtimentsexistants au même titre qu'un patrimoine financier, physique et culturel déjàtrès important3 », pour cela la solution se trouve alors plutôt dans destechniques d'entretien, de rénovation et d'adaptation du bâti existant. Pource qu'il est des constructions neuves, il recommande de construire desstructures adaptables à long terme à des usages imprévisibles aujourd’hui.

Construire dans l'existant ne concerne donc pas seulement le cas demonuments historiques classés, mais bien l'ensemble des bâtiments, etnotamment des bâtiments jugés banals ou souvent négligés comme lesarchitectures industrielles. En principe tout et n'importe quoi, à un momentdonné, pourrait être reconverti, il n'y a pas, a priori, d’impossible. Dans le casde l'Allemagne, la proportion des investissements dans l'existant augmentelargement depuis le début des années 70. Déjà au milieu des années 80,plus de la moitié des moyens consacrés à la construction l'étaient dansl'existant4. Depuis la proportion continue d'évoluer dans ce sens.

La réutilisation de l'existant a aussi un impact écologique. En effet les trans-formations et reconversions du bâti ancien sont aujourd'hui les bases d'unurbanisme qui tente de protéger les ressources naturelles par l'évolution de

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la ville par l'intérieur. Une perception différente de l'existant peut alors êtreenvisagée : la ville déjà construite est désormais considérée comme uneréserve intermédiaire où se mélangent une grande quantité de matériaux etd'énergies, le bâti peut ainsi être considéré comme un « matériau deconstruction », une ressource librement disponible, modifiable et utilisableactuellement ou plus tard par les générations futures.

Le bâti industriel en tant que patrimoine

Le bâti existant constitue donc une immense réserve matérielle, uneressource omniprésente pouvant être réutilisée à un moment ou à un autre.Cette ressource représente ainsi un potentiel matériel, strictement physique,mais c'est aussi un objet qui véhicule une histoire, qui possède une mémoireet reflète un certain moment du passé. C'est un objet qui a un sensparticulier pour les individus qui l'ont côtoyé, et il fait parti intégrante de laculture de son territoire. Ethnologiquement le patrimoine signifie « l'héritagedu père », il est légué par les génération précédentes à ses descendantes etvéhicule, par le biais d'un objet physique, la mémoire des anciens. SelonFrançoise Choay, le patrimoine « assure, rassure, tranquillise en conjurantl'être du temps. Il est garant d'origine et calme l'inquiétude que génèrel'incertitude des commencements. Défi à l'entropie, à l'action dissolvantequ'exerce le temps sur toute choses naturelles et artificielles, il tented'apaiser l'angoisse de la mort et de l'anéantissement5 ».

Ainsi, dans le cas d'une architecture reconvertie, le bâtiment devient unvéritable palimpseste, ce terme désignant une surface écrite qui a étégrattée pour pouvoir recevoir un nouveau texte, est la métaphore de cetype d'intervention, mettant en avant les témoignage de plusieurs histoires.« Les lieux dont on se souvient, et les lieux qu'on anticipe, s'enchevêtrentdans le laps de temps du présent. Mémoire et anticipation constituent eneffet la perspective réelle de l'espace et lui donne une profondeur 6 » cettephrase d'Aldo Van Eyck évoque bien la relation du temps et de l'espacedes architectures reconverties.

Les cités industrielles font aujourd'hui pour la majorité partie du passé, il n'enreste pas moins que ce passé mérite d'être sauvegardé. C'est à partir desannées 50, en Angleterre, qu’apparaît le terme de « patrimoine industriel »,

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suite à la destruction de nombreuses usines lors de la Seconde Guerremondiale. En 1955, l'historien Michael Rix emploie le terme « d'Archéologieindustrielle7 » pour définir son étude menée sur les vestiges de la révolutionindustrielle ; depuis le processus de revalorisation de cette architecture n'afait que s'amplifier. Aujourd'hui, l'inscription d'anciennes usines sur les listes duPatrimoine de l'humanité de l'UNESCO met au premier rang l'importance decette architecture, en tant que vestige historique d'une époque de grandesmutations technologiques et sociales.

L'IBA Emscher Park est un des cas les plus représentatifs d'un site possédantun patrimoine et une culture complètement liés aux activités industrielles.Cette intervention a fortement participé à la diffusion du terme de« patrimoine industriel ». En 1992 est créée la Fondation pour l'entretien desmonuments industriels et la culture historique : elle récupère les bâtimentsdont les propriétaires se défont dans le but de s'en servir dansl’établissement de différents projets et afin d'en éviter la destruction8. Dès sacréation, la fondation a été confrontée à trois obstacles majeurs :

– tout souvenir de l'industrie minière et sidérurgique est considéréecomme un handicap pour l'avenir de la région ;

– le coût de la réhabilitation des monuments industriels est jugé tropélevé et improductif ;

– les monuments industriels ne correspondent pas à l'idée que l'on sefait traditionnellement de l'héritage culturel d'un pays.

Ces trois raisons poussaient les autorités à complètement raser la zone9, maiscette attitude tournait le dos à l'histoire du lieu. En effet les installationsindustrielles offrent un témoignage précieux sur la conception du travail etson évolution depuis la deuxième moitié du XIXe siècle jusqu'au début de ladernière moitié du XXe siècle. De plus, dans la Ruhr, les formes industriellestelles que celles des hauts-fourneaux, les chevalements de mine, les terrils,les canaux, les laveries de charbon, les gazomètres, représentent les seulspoints de repères qui constituent la mémoire de la région. C'est grâce à leurmonumentalité que certains bâtiments industriels constituent des repèresremarquables utilisés quotidiennement par les habitant en tant que pointd’orientation. Leur conservation est extrêmement importante et représentel'identité culturelle de la Ruhr. Aux yeux des populations issues de culturesmultiples, les monuments laissés par l’industrie constituent ainsi les seuls témoins d'unemémoire commune, cette architecture est le ciment de la cohésion sociale de la région.

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La principale question fut l’établissement de critères visant à définir s'il étaitlégitime de détruire ou au contraire de conserver tel ou tel bâtimentindustriel. L’objectif fut de rechercher un équilibre entre la récupération etl'entretien d'un côté, l'obsolescence et la transformation de l'autre.Finalement l'IBA a choisi d'acquérir un certain nombre de friches industrielleset d'en sauvegarder les monuments les plus remarquables par leurarchitecture ou leur importance dans le développement industriel régional10.

L'exemple de la cité ouvrière de Schüngelberg

Un des grands axes du projet de l'IBA est celui de la régénération del'habitat, en modernisant les logements existants et en développant denouvelles formes d'habitat en accord avec le renouvellement écologique,économique et social de la région. Les principaux axes de projet sont :

– la réhabilitation écologique et sociale des cités ouvrières et leuradaptations aux nouveaux besoins ;

– la remise en place d'une vie communautaires notamment dans lebut d'encourager les constructions coopératives ;

– offrir des habitats attractifs pour attirer du personnels susceptibles devenir travailler dans la région ;

– créer des équipements dans le but de réanimer les quartiers.

Pour cela l'IBA avait programmé la construction de 3 000 logements neufs etla réhabilitation de 3 000 logements11. Pour ces logements à réhabiliter, lamajorité font partie de cités ouvrières et cités jardins, la modernisation desmaison anciennes consista à remettre en état les structures et façades, àaméliorer le confort intérieur, à décloisonner les plan afin d'agrandir lesespaces, à réaménager les jardins ainsi que les espaces verts des cités. Pourle plan urbain de ces dernières, il fut question de les agrandir et les densifierpour accueillir de nouveaux habitants et les faire évoluer.

L'intervention de l'IBA dans la cité-jardin de Schüngelberg à Gelsenkirchenest significative de cette stratégie de modernisation et d'adaptation dupatrimoine existant, plus spécifiquement celui de l'habitat. La cité deSchüngelberg fut créée dans les années vingt pour loger les ouvriers de lamine Hugo. La cité constituée de 360 logements abrita 1 600 habitants sur 7hectares. Construite sur 20 ans, elle regroupe différents types de logements

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dont des habitations pour quatre familles avec un plan en croix, des maisonsjumelles et des maisons mitoyennes entre 60 et 70 m² pour les ouvriers, desautres de 130 m² pour les fonctionnaires, ainsi que des maisons à deuxétages conçues pour héberger dix familles12. À la fin des années quatre-vingt, cette mine employait 3 500 personnes. Active jusqu'en 2005, l'usine dutbrutalement fermer ses portes comme de nombreuses autres ; sans usine, lacité ouvrière de Schüngelberg se vida progressivement. Le modèle de citéouvrière était très répandu dans la Ruhr et logeait la quasi totalité desouvriers et leurs familles durant plus d'un siècle, c'est donc un des élémentsmajeurs de la culture et du patrimoine industriel. Malheureusement, horscontexte minier, son schéma devint très contraignant sur plusieurs points :

– encerclée par une mine, un énorme terril, des égouts et un cheminde fer, la cité ouvrière était complètement enclavée. Dans uncontexte ouvrier, cette vie en autarcie liant directement le lieu detravail et le lieu de vie faisait partie du quotidien des ouvriers et enétait directement adapté. La cité était en quelque sorte leprolongement de l'usine, c'était aussi une stratégie pour l'entreprisede loger les employés au plus près du lieu de travail afin de garderun certain contrôle sur ces derniers et les encourager à tisser desliens entre eux. Dans une situation dans laquelle la mine a disparue,la cité ouvrière devint invivable ;

– le confort de l'habitat ouvrier était précaire. En effet à la fois petites,largement cloisonnées, mal isolées et dépourvues d'équipementssanitaires, ces maisons n'étaient plus adaptées au mode de vieactuel ;

– ayant été au plus près de la mine, et des ensembles d'usines, delourds travaux d'assainissement étaient indispensables.

Pour ces différentes raisons, la cité était vouée à une destruction complètedans les années 70. Mais ce cas était caractéristique de l'ensemble des citésouvrières de la région. En réaction, l'IBA monta des projet afin de sauver ceslieux. Pour celle de Schüngelberg, le but du projet fut dans un premier tempsde rénover les 360 logements présents, puis d'en ajouter 230 nouveaux afind'accueillir 1 000 nouveaux habitants13. De plus il fallait agrandir, densifier etdésenclaver la cité. Il fut aussi question de redonner une vie communautaireau lotissement, les travailleurs vivant autrefois constamment ensemble, la vieen communauté était un point phare des cités ouvrières.

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Ainsi les façades des maisons existantes furent restaurées et l'intérieur futrénové : renforcer l'isolation, changer le système de chauffage, réduireconsidérablement le nombre de cloisons afin d'obtenir des espaces plusgénéreux, créer une salle de bains, réaménager les combles en chambre.Dans certains cas des ensembles de trois maisons mitoyennes furentréaménagés pour créer deux maisons plus grandes. La densification s'estfaite au détriment des anciens jardins familiaux ; pour palier cela, denouveaux jardins d'environ 120 m² chacun, sont attribués à deux familles quile partagent, ce qui permet de tisser des liens entre les voisins ; de plus leshabitants ont réalisé eux-mêmes des jardins collectifs au cœur du quartier14.Un ancien immeuble d'habitation des années 50 a été reconverti en tantque maison de quartier et abrite une association de voisinage avec uncafé, une chambre d'hôtes, une salle de formation et d'atelier, ainsi qu'unterrain de foot15. Pour le plan urbain de la ville, le projet avait pour but derattacher le lotissement aux alentours afin de le rendre moins isolé. Alors quela cité est organisée en cercles concentriques, le projet trace une granderue diagonale se continuant dans l'axe par un escalier gravissant le grandterril et aboutissant sur une place publique. Le terril devient un élémenturbain majeur. Cette colline artificielle construite par accumulation derésidus miniers a été aménagée en promenade aboutissant à un largepanorama sur tout l'ensemble du territoire. Ce terril fait aujourd'hui partie deséléments paysagers majeurs de l'Emscher Park, sa forme en doublepyramide est mise en valeur par l'installation artistique « signal nocturne », oùdeux projecteurs-réflecteurs dessinent le sommet de la pyramide parl'intermédiaire de faisceaux lumineux.

Le projet élaboré dans le cadre de l'IBA pour la cité ouvrière Schüngelbergà Gelsenkirchen, ainsi que l'ensemble des opérations conservation etrénovation des cité ouvrières de la région, représente bien l’intérêt deconserver le bâti existant en tant que ressource matérielle mais aussi en tantque patrimoine industriel.

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2. CONSTRUIRE DANS L'EXISTANT

Différents degrés d'intervention

Nous avons vu précédemment que, face à l'existant, plusieurs posturesétaient envisageables. Dans un premier temps la grande question est « faut-il conserver ou démolir ? ». En restant dans l'hypothèse d'une conservation,plusieurs voies et différents degrés d'intervention peuvent être identifiés. Lorsd'une intervention sur une structure existante, chaque action estdirectement liée à trois éléments :

– une réalité physique, la matière de l'édifice, sa forme ;– une réalité historique, l'histoire du lieu et la signification qu'il

représente, sa mémoire ;– une réalité fonctionnelle, le rôle que doit remplir le bâtiment, son

usage.

L'action aura ainsi une incidence plus ou moins importante sur chacun deces éléments. Chaque élément peut être décomposé selon trois degrésd'intervention, allant du plus minime au plus conséquent :

– pour la matière, le premier degré d'intervention est l'entretient, puisla modification et enfin la destruction ;

– pour la mémoire, cela va de la conservation à l'altération, et enfin àla perte ;

– pour l'usage, l'action la moins conséquente est la conservation de lafonction présente, puis la modernisation et enfin la transformation.

Il existe ainsi plusieurs manières d'agir sur l'existant, menant à unetransformation plus ou moins importante de la forme, la mémoire et l'usagede ce dernier1. Dans son ouvrage Histoire de construire, Patrick Bouchainénonce la ritournelle suivante « Consolider plutôt que réparer, réparer plutôtque restaurer, restaurer plutôt que refaire, refaire plutôt qu'embellir2 », cestermes résument bien les différents degrés d'intervention possibles.L'architecte propose ici une démarche plus respectueuse, moins extrêmeque la majorité des rénovations et reconfigurations dans l'air du temps, une

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hiérarchie visant à réduire au maximum l'impact de l'intervention et de nepas considérer le patrimoine comme un objet figé dans une certaineépoque mais au contraire comme une matière vivante qu'il suffitd'entretenir et d'adapter au fil du temps. Les mots employé par PatrickBouchain, très souvent utilisés en architecture, reflètent chacun un échelonet une intensité différente de l'intervention.

– Consolider. Ce terme vient du latin « consolidare » et signifie« cicatriser ». C'est le fait de rendre plus stable, donner plus desolidité. Le terme « cicatriser » illustre bien ce type d'intervention quireste minime et ne transforme que très peu l'objet, la matière et lamémoire initiale de l'objet sont entièrement conservées, on rajoutesimplement un élément pour le rendre plus solide3.

– Réparer. C'est le fait de remettre en bon état, en état de marche.Cette action a un peu plus d'incidence qu'une simple consolidation,en effet réparer induit que la matière initiale a été modifiée4.

– Restaurer. Ce terme vient du latin « restaurare » qui signifie rebâtir,réparer, refaire » ou « reprendre, renouveler ». C'est le fait deremettre en bon état une chose dégradée, à la différence d'uneréparation où le but est simplement que l'objet continue à vivre, unerestauration induit le fait de remettre en bon état en essayant derespecter l'aspect primitif, le style de l'objet, ou encore trouver unétat qui convienne à l'époque où l'on le restaure. Ainsi unerestauration modifie la forme mais pas l'usage5.

– Refaire. Le fait de refaire a plusieurs significations, ce peut être« faire de nouveau ce qui a déjà été fait », « réparer », ou à l'inverseremettre à neuf. En architecture on utilise plutôt le terme deréfection qui lui signifie réparer et entretenir un bâtiment, la aussiseulement la forme est concernée et non l'usage6.

– Embellir. Vient du latin « bellus» qui signifie «beau». C'est le fait derendre plus beau, en architecture ce terme pourrait correspondre àune rénovation, qui correspond à une remise à neuf. Unerénovation est ainsi plus qu'un simple entretien, elle évoque souventune modernisation, une transformation, une amélioration. Ici aussi

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c'est seulement la matière qui est concernée, et l'état primitif del'objet est nettement moins pris en compte7.

Ainsi l'ensemble de ces termes graduent différents degrés d'intervention. Cequi ressort de ces définitions, c'est que l'ensemble de ces mots concernentla modification de la matière et de la mémoire de l'objet mais ne remettentpas en cause son usage. Certain termes définissent ainsi plutôt unchangement d'usage et non de forme ou de mémoire.

– Reconvertir. Signifie « adapter à des conditions nouvelles ». Enarchitecture le fait de reconvertir un édifice signifie que l'onconserve l’essentiel de sa forme et sa mémoire en lui donnant unusage différent8.

– Réapproprier. Une réappropriation correspond au fait d'utiliser defaçon plus efficace un objet en modifiant son usage, en intervenantle moins possible sur sa forme et sa mémoire. Le but d'uneréappropriation est d'adapter aux besoins d'aujourd'hui tout enconservant l'histoire et la forme de l'objet9.

Ainsi la vie se situe entre deux infinités théoriques : soit on ne consomme rien,la matière reste la même indéfiniment (ceci exclut le fait que la matière sedégrade obligatoirement avec le temps), soit on change tout constamment(ceci exclut le fait que les ressources n'existent pas en quantité infinie, etqu'une fois l'énergie consommée pour fabriquer un matériau, il n'est pluspossible de la récupérer)10. Ainsi le fait de réapproprier le patrimoine enagissant plutôt sur son usage que sur sa matière et sa mémoire est la solutionla plus appropriée aujourd'hui afin de réduire l'impact de l'homme sur laTerre, en réduisant ainsi au maximum l'impact sur la matière et en secontentant d'adapter l'usage du patrimoine en fonction des nouveauxbesoins.

Ainsi, lorsqu'un bâtiment devient hors d'usage, plusieurs types dereconversions et réappropriations sont observables.

– Soit on essaie de de garder au maximum l'image originelle du lieuen conservant donc à la fois sa matière et sa mémoire en luiassignant une fonction ayant l'impact le plus minime possible sur les

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deux éléments précédents. Ce cas est représentatif destransformations de sites en musée ou éco-musée. Ce type d'actiongarde ainsi au maximum l'histoire et la forme du lieu, mais restesouvent trop ancrée dans le passé, offrant simplement à voir lavitrine d'une époque révolue, et ne prenant pas en compte lesmultiples autres usages plus appropriés au monde contemporain,que ces formes pourraient accueillir.

– Soit on lui assigne un usage complètement différent mais plusadapté aux besoins contemporains, en leur donnant une nouvellemodernité. En s'appuyant sur l'existant, cela permet de redonner unsens au lieu tout en conservant la forme et la mémoire du bâtiment.Cette approche permet de prendre en compte l'héritagepatrimoniale et d'économiser de l'énergie en composant avecl'existant de la manière la plus efficace possible.

Ainsi la reconversion est une façon de mettre en scène, simultanément etdans un même espace, la mémoire d'un lieu et son nouvel usage tout enéconomisant de l'énergie et de la matière.

Flexibilité des formes de l'architecture industrielle

Au début du XXe siècle, l'architecte américain Louis Sullivan énonce lacélèbre théorie des trois « F », « Form Follows Fonction », « la Forme suit laFonction » : l'ensemble des productions modernes suivront cette démarchefonctionnaliste. Ce débat FFF nourrira la discipline tout au long du siècle,voyant apparaître diverses variantes tel que « la Forme suit le Fiasco » (PeterBlake, 1974) ou encore « la Forme suit la Fiction » (Michel Denès, 1996)11. Ainsisi la fonction crée la forme, que faire de la forme quand la fonction adisparu ? La forme existant peut-elle accueillir une nouvelle fonction ?Quelle fonction peut accueillir la forme ?Tout le travail sur les édifices existants se construit autour de cesquestionnements. Pour qu'une reconversion soit réussie, il faut qu'il y ai unebonne adéquation entre la fonction nouvelle et la forme existante. Dans cecas, il est primordial d'analyser la nature du bâti avant de pouvoir suggérerune utilisation nouvelle, et, comme l'écrit Claude Soucy « de la rencontre

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entre une enveloppe ancienne et des besoins et des moyens nouveaux, vanaître un objet singulier qui n'est pas simple juxtaposition mais synthèse, à lafois constructive et architecturale12 ».

Dans le cas des reconversions de bâtiments industriels, ces questions sontprépondérantes, et ses formes sont souvent très spécifiques. En effet cettearchitecture souvent construite sans architecte, de façon anonyme, sepermet d'aborder toutes les folies, ne respectant souvent aucun codearchitectural ou préoccupation esthétique, conçue selon des règlesrationnelles et productives ; ce type d'architecture hors norme est pourtantomniprésent. Construite comme un outil, elle est souvent le reflet exact etbrutal de la fonction qu'elle abrite, ce qui rend d'autant plus complexe lefait de lui en assigner une nouvelle.

Originaires de la région de la Ruhr, le couple de photographes Hilla et BerndBecher ont passé leur vie à capturer ces monstres industriels. Ayant démarréleur production dans un premier temps en Allemagne, ils se sont étenduspeu à peu à l'Europe puis l'Amérique du Nord. Dans leur ouvrage AnonymeSculpturen publié en 1970, les artistes répertorient et exposent ces formesdiverses et variées toutes plus étranges et spécifiques les unes que les autres.

Construites à l'échelle d'une production, ou d'un flux matériel, cesconstructions industrielles représentent souvent un volume important, et desespaces surdimensionnés dont les nouveaux usages peuvent bénéficier.Abordant la plupart du temps un plan libre et des façades indépendantesde la structures, ces bâtiments offrent malgré leur forme, un large éventailde possibilités. Dans certains cas les objets sont très spécifiques et il estdifficile de trouver une nouvelle fonction adéquate, il faut alors mettre aupoint un programme taillé sur mesure pour les bâtiments permettant de tisserde nouveaux liens entre espace et fonction.

Cette capacité qu'une forme a à pouvoir s'adapter au fil du temps, à desusages différents, peut être associée au principe de flexibilité, « la flexibilitéd'une forme (donc d'une matière et de sa mémoire) est la posture de projetfondamentale qui permet de l'utiliser temporairement pour un usageparticulier tout en permettant le changement d'usage sans occasionner denouvelle dépense de matière13 ». Ainsi dans le cas d'une reconversion, « laForme suit la Flexion14 ». Actuellement les cycles de reconversion des

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bâtiments sont de plus en plus courts, il devient donc nécessaire deconsidérer les fonctions de manière temporaire dans l'idée d'une stratégie àlong terme mise en place pour l'espace, et dans laquelle la reconversion estsynonyme d'économie de matériau, de surface et d'énergie.

En suivant cette démarche pour la construction de bâtiments neufs, ilfaudrait dès la phase de projet prendre en compte les capacités dubâtiment à pouvoir s'adapter à différentes transformations fonctionnelles,afin que les usages évoluent au même rythme qu'évoluent les besoins, sanspour autant être contraint de changer la forme du bâtiment. De plus dansles cas extrêmes où la démolition est inévitable, il faudrait plutôt parler de« démontage » ou de « déconstruction structurelle15 ». Ainsi si la forme dubâtiment ne peut pas être reconvertie, les matériaux qui le composent, eux,peuvent toujours l'être, être réemployés vers un nouvelle usage sans subir lestransformations irréversibles qu'occasionnent une démolition ou unrecyclage. En suivant cet optique, dans le prochain « Plan des déchets » dela région de Bruxelles Capitale, l'administration bruxelloise a mise en placel'obligation, pour des édifices dépassant une certaine taille, de procéder àun inventaire des matériaux contenus dans le bâtiment16. Cette mesure sertaussi bien les intérêts des entreprises chargées de démonter le bâtiment,que ceux d'un éventuel secteur du réemploi qui aurait une vision précisedes matériaux à récupérer.

De plus, intervenir sur un édifice existant, c'est composer avec lui, jouer avecdes contraintes qui s'ajoutent à celle du programme et finalement ce sontsouvent ces contraintes qui aboutissent à certaines libertés, qui permettentde faire naître des solutions architecturales qui n'auraient pas étéenvisageables dans un autre cas. Cette manière particulière de faire duprojet est fortement illustrée par les édifices présents dans le parc deDuisburg nord.

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L'exemple du parc paysager de Duisburg Nord

À la fin du XIXe siècle, la périphérie de Duisburg Nord subit la première vagued’industrialisation et s'urbanise totalement. En 1901 le groupe Thyssen yinstalle la fonderie Rheinnische qui fera travailler jusqu'à 2 600 ouvriers dansles années 50 et sera à l'origine du développement des infrastructuresautoroutières et ferroviaires à proximité et au travers du complexe, ainsi quel'établissement de nombreuses cités ouvrières en périphérie. En 1985, après85 ans d'activité et 37 millions de tonnes de fonte produite17, l'aciérie fermeses porte, victime de la crise, entraînant la transformation du site en uneimmense friche industrielle. Après la fermeture, et suite à une étudedémontrant que le coût de la démolition était plus élevé que celui desauvegarde, la ville lance un concours dans le but de reconvertir cettefriche. En 1989, la ville de Duisburg soumet à l'IBA la proposition de créer unparc paysager de plus de 200 hectares entre les quartiers Hamborn etMeiderich de la ville de Duisburg, destiné aux 100 000 habitants18 du nord decette ville. Au centre du parc se trouve l'ancienne installation de hautsfourneaux, les installations techniques encore existantes, les bâtiments, lesfaisceaux de voies et les infrastructures, le projet lauréat sera celui de PeterLatz et son équipe intitulé « un comportement respectueux de l'existant ».

Ce projet élabore le parc selon 5 axes.

– Divers jardins dans le parc. Répartis dans l'ensemble du parc, cesont des points d'arrêt qui ponctuent le parcours. De nature trèsvariée, chaque jardin est traité sous un angle différent.

– Des rues reliant le parc à son extérieur. Ce sont des allées plantées,ponctués de jardins et de places, qui effectuent un lien entre lesquartiers individuels et l'intérieur du parc

– L’introduction du parc avec des espace dédiés à la population.Des espace publics tels que des maisons des jeunes, kiosques,placettes, assurent la transition entre le parc et les quartiersalentours.

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– La décontamination des sols. Saturé de matières toxiques, le sol doitêtre assaini notamment par l'effet de végétaux participant à ladécontamination de ces derniers.

– La sauvegarde et la reconversion des bâtiments existants. Demanière générale, la globalité des bâtiments se sont vu attribuer denouvelles fonctions sans modifier leur structure de base, etparticipent à la création d'un pôle culturel.

Ce dernier point est le liant du projet, en alliance avec les espaces verts, lesbâtiment participent à la création d'un véritable paysage industriel, cesformes de bâtiments très spécifiques ayant trouvé une nouvelle fonctionproposent des solutions architecturales surprenantes. Ainsi, les murs en bétond'une épaisseur de plusieurs mètres des anciens fourneaux ont ététransformés en centre d'escalade ou délimitent divers jardins contemplatifs,le gazomètre, d'une profondeur de 45 m a été rempli de 20 000 m² d'eau, etest devenu un centre de plongée. L'aire de coulée des hauts fourneaux faitoffice de scène de spectacle, d'opéra et de cinéma en plein air, tandis ceque les anciennes turbines à gaz et les halls des machines servent de sallede théâtre et de conférence. De plus le sommet du plus grand des hautsfourneaux est accessible à pied et offre une plate-forme panoramique surl'ensemble du site. En parallèle l'installation de distribution principale a ététransformée en accueil des visiteurs et l'ancien dépôt de fer est devenu uncomplexe sportif pour les jeunes. L'atelier de Möllenwagenwerkstatt a étéréaménagé comme maison pour des associations et l'ancien bâtimentadministratif de l'usine sidérurgique a été transformé en auberge dejeunesse et école hôtelière et depuis 2007. La gare qui se trouve sur le site,servant initialement au transport des marchandises sert aujourd'hui au trafictouristique19.

Finalement le parc paysager est traversé par un grand sentier vert,ancienne ligne ferroviaire, cette infrastructure a été reconvertie en tant quetracé d'une piste cyclable et chemin piétonnier sur une longueur de 10 kmentre les villes de Duisburg et d'Oberhausen. Le sentier est ainsi un mailloncentral d'un réseau de pistes cyclables attrayant pour le nord de Duisburg. Ilcroise le parcours de l'Emscher et offre un raccordement direct à l'ancienneligne de fret du l'usine sidérurgique d'Oberhausen transformée en pistecyclable et à l'impressionnant gazomètre d'Oberhausen. Ce dernier est un

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des plus emblématiques projets de reconversion, construit dans les années20, d'une hauteur de 117 m, pour un diamètre de 67 m et un volume de 350000 m², ce monstre est le plus grand réservoir à gaz d'Europe20. Ayant déjàchangé plusieurs fois de fonction, dans un premier temps servant austockage de gaz brûlés, il servi ensuite d'immense déchetterie pour lesusines, puis un peu plus tard de lieu de stockage du gaz des fours à coke.Fermé en 1988, il sera décidé en 1992 de le reconvertir en hall d'exposition,salle de concerts, salle de projections et de représentations théâtrales. Leprojet consista simplement nettoyer l'édifice, l'éclairer et installer unascenseur menant au toit offrant un panorama sur tout le site. Le volumeimpressionnant de ce bâtiment lui permet aujourd'hui d'accueillir des œuvremonumentales qui n'auraient pu être exposées nul part ailleurs, notammenten 1999 les artistes Christo et Jeanne Claude y présentent l’œuvre « TheWall », un mur composé de 13 000 citernes à huile agglomérées sur 26 m dehauteur21.

Ainsi les projet de reconversion par des programmes culturels, de la fricheindustrielle de Duisburg illustrent bien comment une forme peut s'adapterdifférents usages tout au long de sa vie et à quelle liberté architecturale lechangement d'usage de formes aussi spécifiques peuvent mener, offrantdes solutions qui n'auraient jamais été envisageables dans le cas deconstructions neuves.

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3. DEUX MANIÈRES D'AGIR

Par le haut

La modernité a amené, au nom du progrès, l'idée qu'il était nécessaire detout contrôler, tout planifier, réguler et régler le monde ainsi que les modesde vie. Cela a parfois conduit à s'égarer dans des visions totalementdéshumanisées. Aujourd'hui l'architecture est réglée par la politique, lenombre écrasant de normes et de règlements dirige et étouffe cettediscipline, un choix architectural dépend dans la majorité des cas d'unedécision prise « par le haut », c'est-à-dire par ceux qui dirigent. De plus,malgré la diversité des discours et l'impression de changement, la fabriquede la ville reste avant tout une affaire de spéculation et de profit.

Dans le cas des bâtiments ayant perdu leur usage, notamment dans lemilieu de l'industrie, ce sont ces décisions qui mènent à créer des délaissés. Ilest devenu préférable de dépenser de l'argent en fil barbelé, murage etgardiennage, pour contrôler un espace inutilisé, plutôt que d'ouvrir cepatrimoine à de possibles réappropriations. Ainsi aujourd'hui de nombreusescoquilles vides pourraient répondre à des solutions mais, paradoxalement,elles restent indisponibles suite à des décisions politiques.

Le projet d'Emscher Park est le résultat d'une décision prise « par le haut ».L'ensemble des bâtiments industriels désuets restèrent en état de « frichescontrôlées » durant de nombreuses années, et il fallut attendre que lasituation devienne vraiment critique pour qu'une solution soit envisagée.L'organisation générale du projet de l'IBA Emscher Park est la suivante : unecommune établit un projet en coopération avec différents acteurs etl'agence IBA Ltd, puis cette dernière publie un appel international deconcours d'architecture. Ensuite le projet est validé par un comité dedirection et l'agence aide le maître d'ouvrage à se financer1. De cettemanière, environ 2,5 milliards d'euros (5 milliards de Deutsche Marks) ont étérécoltés par l'IBA, 1,5 milliards provenant de fonds publics (environ 900millions par le Land, 300 millions par l'Union européenne et 300 millions par lesmunicipalités) et 1 milliards par les grandes entreprises régionales2.

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Le projet de l'IBA Emscher Park fut donc réalisé essentiellement en suivant lesdécisions politiques des élus des dix-sept communes concernées, deséquipe spécialisées et un réseau d'experts européens. Ce sont des décisionsqui ont été prises « par le haut », ne laissant que très peu de place aux aviset aux actions des habitants.

Cela s'explique notamment par les enjeux socio-économiques colossauxque représentait ce projet, l'avenir de toute une région était en jeu. Lasituation d'urgence dans laquelle a été établi le projet ne permettait pas demobiliser les deux millions d'habitants peuplant les 800 m² de territoire, cettesituation critique demandait un diagnostic et une solution rapide etefficace. En effet ce projet devait réparer le plus rapidement possible lesdégâts créés par l’industrie et sauver la région en moins de dix ans. Dans untel contexte, le recours à la participation des habitants fut limité à desprojets de plus petites échelles.

Ainsi, c'est en réaction à une situation d'urgence et des enjeux énormes qu'ilfut choisi de réaliser la majeure partie du projet de l'Emscher Park « par lehaut ». Paradoxalement ce sont aussi ces décisions politiques qui avaientauparavant mené à murer et rendre indisponible l'ensemble du patrimoineabandonné, participant donc activement à transformer la région enimmense friche et en aggravant de jour en jour sa situation. Ce sont cesprises de décisions « par le haut » qui ont donc, en partie, contribué àl'agonie de la région et ont dû par la suite réparer la crise qu'elles avaientprovoquée.

Par le bas

En parallèle une autre manière d'agir est possible, « par le bas », c'est-à-direpar l'action directe et l'appropriation des habitants ou encore,éventuellement, par le biais de partenariats publics-privés. Dans le cas d'unpatrimoine en friche, cette coquille vide peut satisfaire de nouveaux usages,dans un premier temps, la réappropriation se fait souvent par le « squat ».

– Squatter. Vient de l'anglais « to squat » signifiant « s'accroupir ». Ceterme trouve son origine aux États-Unis lors de la conquête de

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l'Ouest. Il désignait les pionniers venant s'installer sans titre et sanspayer de redevance sur les terres encore vierges. Aujourd'hui ceterme signifie occuper de façon illégale un bâtiment ou un terrain3.

Les bernard-l'hermite possèdent un abdomen mou qu’ils doivent protéger,pour cela ces crustacés s'approprient des coquilles laissées à l'abandon outout autre type de déchets comme des bambous, des éponges, descarapaces de crabes... Au fur et à mesure de leur croissance, ces animauxsont contraints de trouver et s’approprier de nouvelles coquilles adaptées àleur taille. Pour cela leur technique consiste à créer une grandes chaînes parordre de taille : une fois que le plus gros a trouvé un nouvel abris, l'ensembledes crustacés composant la chaîne se logent dans la coquille de leursupérieur. Ce système d'échange ingénieux leur permet de prolonger lecycle de vie de leur patrimoine en le réutilisant.

Cette anecdote illustre l'action des squatteurs, ces pionniers prennentpossession et redonnent une nouvelle fonction à un site délaissé souvent laisséen état d'indécision. Comme un bernard-l'hermite, le squatteur conserve,redonne vie et fait évoluer le patrimoine délaissé qui est à sa disposition enconservant sa forme et sa mémoire, le bâtiment est ainsi conservé etréapproprié en temps que ressource et patrimoine. Son cycle de vie estprolongé, de l'énergie et de l'argent sont économisés et son usage est adaptéà de nouveaux besoins. Ce type d'action « par le bas » est un point de vueintéressant de réutilisation du patrimoine territorial, plutôt que de le sceller et lerendre inutile, dans l'attente d'une solution. Le squat est illégal mais cettephilosophie peut être mise en œuvre de façon légale en donnant plus depouvoir au citoyen, notamment par le biais de partenariats public-privé oudans des programmes de démocratie participative.

Ces positionnements furent très présents dans l'Allemagne des années 70/80et purent notamment être expérimentées lors de l'IBA précédant EmscherPark, celle de Berlin (1979-1987), sur le thème de la reconstruction du centreville ravagé par la Seconde Guerre mondiale. À cette époque, rénover lepatrimoine signifiait démolir et construire du neuf, des opérations pourdécongestionner le centre de Berlin prévoyaient de construire des grandesautoroutes urbaines, quitte à démolir des quartiers entiers, notamment celuidu Kreuzberg. Pour ce dernier, un quart du quartier était voué à ladémolition et la moitié devait être reconstruite. En 1986, le directeur de l'IBA,

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le docteur Hämer, dresse un bi lan. Selon lu i : « Les opérat ions derénovation des années soixante et soixante-dix ont porté au Kreusberg descoups plus durs que ceux de la guerre et de la construction du mur deBerlin. Le legs de cette époque constitue un témoignage accablant dutraitement dévastateur appliqué à la ville. Les populations soumises à cetraitement ont perçu la rénovation comme la destruction de leur quartier ».Un mouvement de résistance vit le jour, il militait contre le fait que deslogements soient laissés vides pendant des années pour finalement êtredémolis et laisser place à du neuf, respectant les normes et coûtant pluscher. À cette époque la politique de la ville projetait la construction de plusde 50 % de constructions neuves exemplaires ainsi qu'un programme deréhabilitation lourde, le résultat d'un tel projet aurait engrangé le départ deplus de 15 000 personnes et la fermeture de plusieurs centaines d'entreprises.Le docteur Hämer conclut ainsi son bilan par : « Ce n'est pas par ce moyen,à l'encontre des habitants, que l'on pouvait sauver le centre-ville, lieud'habitation et de travail. Avec les habitants nous avons élaboré les grandeslignes d'un processus misant sur les énergies des hommes et des femmes quivivent et travaillent ici. Ce processus a pour nom la rénovation douce5 ».Cette résistance des habitants porta ses fruits car en 1983 le Sénat décidaque les immeubles anciens seraient conservés et que le pland'aménagement serait modifié.

Au sein de Kreuzberg, le « Block 103 » est l'emblème de cette lutte urbaine etde l'application du principe de rénovation douce. Occupant une superficiede 2 hectares, cet îlot berlinois se dégradait fortement et voyait sa populationdécroître à vu d’œil ; en 1980, neuf immeubles avaient été squattés. Dès leprojet de réhabilitation douce adopté par le Sénat, les squatteurs ont crééune coopérative autogérée appelée Luisenstadt. Elle représentait leshabitants à l'extérieur et coordonnait les actions individuelles. Chacun des300 membres participait aux prises de décisions et à la gestion des 14 000 m²habitables répartis dans 14 immeubles, soit la moitié de l'îlot 103. Lacoopérative Luisenstadt est ainsi devenue propriétaire de l'immeuble et aétablie une organisation bien précise. Elle collecte les loyers et gère les fondsdes habitants qui souhaitaient acheter leur logement, chaque habitant estpropriétaire d'un certain nombre de parts et participe à toutes les décisionsde la coopérative, notamment sur les travaux de réhabilitation àentreprendre. De plus dans le cas d'un départ, la coopérative redonne àl'habitant son capital sans plus-value afin de ne pas spéculer.

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Quant aux locataires, le loyer reste fixe et ne suit pas l'évolution du marché,chacun paie 5,18 euros par mètre carré6. Enfin, tous les ans, desreprésentants des habitants et des activités sont élus et un organismeparapublic de quartier contrôle la bonne utilisation des subventionspubliques.

En 1987, à la fin de l'IBA, cette rénovation douce du Kreuzberg, par le bas, aabouti à une impressionnante transformation du quartier. 6 000 logementsont été réhabilités, 1 400 places de halte garderie ont été créés, 3 écolesont ouvert leurs portes, 250 cours intérieures d'îlots ont été aménagées enespaces verts et une vingtaine d'espaces urbains ont étés restructurés etune vingtaine d'équipements publics ont vu le jour7. Tous les élémentsimportants des immeubles tels que les tuyauteries, fenêtres, toitures, façadeset planchers ont étés rénovés et des salles de bain ont été installées.Finalement 95 % des locataires ont pu conserver leur place dans lesimmeuble. Cette réhabilitation douce fut une formidable expérimentationet, là où une réhabilitation classique coûte habituellement aussi cher qu'uneconstruction neuve, ce type d'intervention a permis de réduire de moitié lebudget prévu pour une démolition-reconstruction8. De plus elle a permis deconserver l'ensemble des activités et des emplois du quartier. Laréhabilitation du Block 103 est devenue un symbole d'abandon desrénovations brutales mises en avant par les modernes et, aujourd'hui, grâceà Kreuzberg, les Berlinois de l'Est peuvent revendiquer le droit de réhabiliterleur logement eux-mêmes. Cette démocratie participative mise en placepour une réhabilitation douce à l'échelle d'un quartier, est un exemplenotable d'une politique se faisant directement par le bas, par les citoyens,en restant légale et en proposant des nouvelles solutions tout à faitadaptées aux habitants et à la ville, plus économiques, écologiques et enconservant la forme et la mémoire du lieu.

L'exemple des projets « Initiatives » et « Construire soi-même, tout simplement »

Après l'IBA de Berlin, celle d'Emscher Park a aussi laissé certains projetss'ériger par le bas, c'est notamment le cas des projets « Initiatives » et« Construire soi-même, tout simplement ».

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« Initiatives » est le nom d'une série de projets lancée par le Land en 1996,elle a pour objectif de stimuler l'engagement citoyen dans la région del'Emscher et les encourager à agir de manière autonome afin de raviver unesprit de communauté. Ces différents projets sont d'ordre culturels,écologiques et sociologiques. La commune est partenaire de cetengagement, elle aide à trouver les subventions, mais n'est pas pour autantobligée de participer directement au financement. Pour ce qui est desacteurs directs du projet, ils peuvent se réunir sous forme de fondations, decoopératives, d'associations ou de SARL, et doivent réunir 20 % dufinancement, cette somme est dans la plupart des cas obtenue grâce à desdons ou par l'entraide. Le reste du financement est assuré par dessubventions versées par le Land, le ministère de l'Urbanisme, du Logement,de la Culture et du Sport, et parfois par la commune. La quantité de vestigeshistoriques abandonnés ou voués à la démolition ont poussé de nombreuxcitoyens à s'engager dans ces interventions. Jusqu'en 2000, 18 projets ontété réalisés et financés de cette manière, le succès qu'ont rencontré cesderniers ont encouragé le gouvernement à élargir cette série « Initiatives »sur l'ensemble du Land, depuis, plus de 60 projets ont vu le jour9.

Parmi ceux-ci, on peut citer l'ancien manège couvert de Mülheim, construiten 1899 par des industriels de la région. Ce complexe de plusieurs bâtimentsétait divisé en habitations, administrations, bâtiments pour les bêtes ainsi quedes installations annexes. Bâti en briques et offrant un grand hall de 580 m²,ce bâtiment adopte la forme typique de l'architecture pratiquées danscette région durant la révolution industrielle. Utilisé par la suite comme dépôtde papier, il s'est peu à peu dégradé. Classé monument historique en 1997,il est finalement, par le biais des projets « Initiatives », transformé en centreautonome de la jeunesse : il offre à des jeunes de 15 à 27 ans la possibilitéde pratiquer des activités culturelles et artistiques. Réalisé en coopérationavec la ville d'Essen, les travaux de transformation ont été réalisés en partiepar les jeunes qui ont pu s'identifier au projet. Les 1 300 m² utiles laissentdésormais place à de nombreuses activités dont : des espaces libres pourles projets culturels, des espaces dédiés à des concerts, des fêtes, descabarets, des expositions, des ateliers, un cybercafé, un studiod'enregistrement ainsi qu'une salle d'escalade. De plus les bâtimentsannexes contiennent des salles de séminaires, des bureaux et des salles derépétition ; les écuries sont reconverties en bar et une salle de sport estajoutée à l'ensemble10.

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Un second projet développé lors de l'IBA Emscher Park, et fonctionnant enpartenariat entre le pouvoir public et les citoyens, est celui de « Construiresoi-même, tout simplement ». Cette autre série de projets avait pour butd'intégrer l'habitant à la construction de son logement afin d'en réduire lescoûts. Sept lotissements ont été construits de cette manière et ont complétédes ensembles déjà existants afin d'intégrer des logements privés dans desprogrammes de logements sociaux. Associé à des sociétés de construction,chaque habitant participe à la création de son logement et du lotissement,dans l'optique de créer un ensemble architectural et urbain cohérent. Lesfamilles ont créé des groupes d'entraide, conseillées sur les chantiers par desspécialistes. Les futurs habitants sont responsables de l'acquisition desmatériaux, des outils et de la sécurité. Les projets ont ainsi abouti à lacréation de lotissements de 20 à 80 habitations sous forme de maisonsmitoyennes ou doubles s'élevant sur deux ou trois étages, chaquelotissement fut bâti en environ 9 mois. Le fait pour les familles de construireleurs logements ensemble au sein de groupes d'entraide a contribué par lasuite à créer une communauté de voisinage très soudée. De plus cesrelations sociales ont été renforcées par la construction dans chaquelotissement d'une maison de quartier avec des aires de jeux11.

Ainsi les projets « Initiatives » et « Construire soit même, tout simplement »réalisés pendant l'IBA Emscher Park (et continués par la suite), sont desexemples notables d'une politique d'action se faisant par le bas, par unecollaboration entre les pouvoirs publics et les habitants. À la différence del'IBA Berlin et du Block 103, pour lequel cette politique s'est faite en réactionà de violentes révoltes, et a été en quelque sorte contrainte de s'adapter, lecas de ces projets de l'Emscher Park a été directement créé et encouragépar les pouvoirs publics afin de plus intégrer le citoyen dans la vie politique,sûrement en tirant des leçons de ce qui s'était passé lors de l'IBAprécédente.

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QUELS ENSEIGNEMENTS POUR L'AVENIR ?

L'industrie lourde, le capitalisme, la consommation et la production demasse, l'idée moderne de la table rase, la quête insatiable du progrès : cesgrands principes ont été durant les deux derniers siècles les moteurs del'humanité. Pendant ces années idylliques, tout se passait pour le mieux,l'Homme était immortel, les ressources étaient inépuisables, les solutionsétaient évidentes ; si quelque chose ne fonctionnait pas comme il fallait, ilsuffisait de s'en débarrasser pour refaire mieux ; et puis après tout, même s'ilfonctionnait bien, il fallait évidement qu'il fonctionne mieux. Cela faisaitavancer à la fois le progrès et l'économie.

Après avoir vécu de nombreuses années sans se soucier de l'impact de sesgestes, l'Homme prend aujourd'hui brutalement conscience qu'il n'est pasimmortel, que les ressources ne sont pas inépuisables et que les solutions nesont pas si évidentes, qu'il ne suffit pas de faire et refaire, mais plutôt de faireavec. C'est le propre de l'homme de vouloir progresser à tout prix, oraujourd'hui la donne n'est plus la même et certaines limites sont franchies.Paradoxalement, le progrès serait de lever le pied, d'être conservateurpendant une période, et d'utiliser ce qui a été créé, les solutions pourdemain sont déjà sous nos yeux, il suffit de les considérer et d'en prendreconscience.

À travers l'analyse du projet de l'Emscher Park et un questionnement surl'avenir des friches industrielles, nous avons pu en dégager différentspositionnements. Nous héritons d'un bâti qui a servi hier et qui répond à desdemandes différentes que celles d'aujourd'hui ; or, nous ne pouvons plusnous permettre de démolir et reconstruire. Ce bâti se caractérise selon deuxpoints de vue, une ressource matérielle et un patrimoine ; il est ainsispécifique par sa forme, sa mémoire et son usage, ainsi la façon derépondre à une nouvelle fonction en ayant l'impact le plus faible reste detransformer son usage plutôt que sa forme et sa mémoire. Cette capacitéqu'a un bâtiment à s'adapter à différentes fonctions représente sa flexibilité.

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Cette flexibilité architecturale est une des clés pour notre avenir et ouvre unchamp de possibilités extraordinaire : ceci est notamment démontré parl'ensemble des reconversions de friches industrielles.

Pour appliquer ces principes, tout dépend de la politique mise en place, dela situation et des convictions de chacun des acteurs, des dirigeantpolitiques, des architectes et des citoyens. Deux manières d'agir sontidentifiables, par le haut, ce qui implique d'attendre et se plier à de grandespolitiques souvent discutables, ou alors agir par le bas, donc par le gestedirect du citoyen sur sa vie et celle de la société.

Quoi qu'il en soit, le monde est comme il est, il a été façonné par desdécisions, des idéologies spécifiques aux différentes époques, parfois defaçon positive, parfois un peu moins. Il y 50 ans, l'impact de nos gestesn'avait pas grande importance ; mais maintenant que nous en héritons, laprise de conscience devient de plus en plus importante, les cartes sontposées sur table, aujourd'hui il ne suffit plus de penser mais d'agir.

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NOTES

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NOTES

L'IBA EMSCHER PARK

1. Cf. « La stratégie paysagère del'Emscher Park – Étude de cas concret »,http://www.lema.ulg.ac.be/urba/Cours/Cas/0910/Emsher_simon.pdf, p. 6.

2. Cf. Sarah Moraillon, L'IBA Emscher Park: une démarche innovante deréhabilitation industrielle et urbaine -document préparatoire en vue duvoyage d'étude dans la Ruhr auprintemps 2009, Agence d'urbanismepour le développement de l'agglo-mération lyonnaise, Lyon, 2008, p. 9.

3. Cf. « L'IBA Emscher Park – Unedémarche innovante de réhabilitationindustrielle et urbaine », http://www.ur-balyon.org/PDF/L-_IBA_Emscher_Park_-_Une_demarche_innovante_de_rehabilitation_industrielle_et_urbaine_-_Synthese-2099, p. 9.

4. Idem.

5. Cf. Rolf Kreibich, Arno Schmid, WalterSiebel, Thomas Sieverts, Peter Zlonicky,Bauplatz Zukunff - Dispute über dieEntwicklung von Industrieregionen,Klartext Verlag, Essen,1994, p. 11.

6. « L'IBA Emscher Park – Une démarcheinnovante de réhabilitation industrielle eturbaine », op. cit., p. 9.

7. « La stratégie paysagère de l'EmscherPark – Étude de cas concret », op. cit.,p. 10.

8. Cf. « Atelier IBA », http://www.iba-basel.net/fr/iba-basel-2020f/histori-que.html

9. « La stratégie paysagère de l'EmscherPark – Étude de cas concret », op. cit.,p. 11.

10. dem, p. 14.

11. Cf. « L'IBA Emscher Park – Unedémarche innovante de réhabilitationindustrielle et urbaine », op. cit.,p. 26 – 34.

CONSERVER OU DÉMOLIR

1. Cf. Christian Schittich, Construire dansl'existant – Reconversion, addition,création, Birkhâuser, coll. En détail, Bâle,2006, p. 23.

2. Idem, p. 11.

3. Cf. Pierre Lefèvre, Voyage dansl'Europe des villes durables – Exposé despremiers projets remarquables réalisésdans la perspective du développementdurable, PUCA, coll. Recherche, Jouve,2008, p. 144, d'après une déclaration deNiklaus Kholer.

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4. Christian Schittich, op. cit., p. 11.

5. Cf, Françoise Chay, l'Allégorie dupatrimoine, 1999, p. 15.

6. Cf. Philippe Robert, Reconversions -Adaptations: new uses for old buildings,Éditions du Moniteur, coll. Architecturethématique, Princeton, 1989, p. 6,d'après une citation d'Aldo Van Eyck.

7. Cf. Mariarosaria Tagliaferri, Usinesreconverties, L'inédite, Paris, 2006, p. 4.

8. Pierre Lefèvre, op. cit., p. 146.

9. Idem, p. 48.

10. Idem, p. 49.

11. Idem, p. 43.

12. Cf. Angela Uttke, Lars Niemann,Thorten Schauz, Peter Empting,Exposition internationale d'architectureet d'urbanisme Emscher Park – Lesprojets, dix ans après, éd. Klartext, Essen,2008, p. 230.

13. Pierre Lefèvre, op. cit., p. 44.

14. Idem, p. 45.

15. Angela Uttke, Lars Niemann, ThortenSchauz, Peter Empting, op. cit., p. 231.

CONSTRUIRE DANS L'EXISTANT

1. Cf. Jean-Marc Huygen, La poubelle etl'architecte - Vers le réemploi desmatériaux, Actes Sud, coll. L'Impensé,Arles, 2011, p. 170.

2. Cf. Patrick Bouchain, Loîc Julienne etAlice Tajchman, Histoire de construire,Actes Sud, coll. L'Impensé, Arles, 2012,p. 43.

3. Cf. « Dictionnaire CNRTL, CentreNational des Ressources Textuelles etLexicales », http://www.cnrtl.fr/lexicogra-phie/consolider.

4. Idem, sur http://www.cnrtl.fr/defini-tion/réparer.

5. Idem, sur http://www.cnrtl.fr/defini-tion/restaurer.

6. Jean-Marc Huygen, op. cit., p. 170.

7. Idem.

8. Cf. « Dictionnaire CNRTL, CentreNational des Ressources Textuelles etLexicales », http://www.cnrtl.fr/defini-tion/reconvertir.

9. Jean-Marc Huygen, op. cit., p. 86.

10. Idem.

11. Idem, p. 50, d'après l'ouvrage de Michel Denès, Form Follows Fiction – Écrits d'architecture fin du siècle, 1996.

12. Cf. Philippe Robert, Reconversions - Adaptations: new uses for old buildings, Éditions du Moniteur, coll. Architecture thématique, Princeton, 1989, p. 9, d'après une déclaration de Claude Soucy..

13. Jean-Marc Huygen, op. cit., p. 51.

14. Idem, p. 50.

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15. Cf. « Un supermarché des déchets deconstructions : c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? », Parution ponctuelle de l'atelier d'architecture autogéré, LUP, n° 15, juillet 2009, p. 2.

16. Idem.

17. Cf. « Les reconversions post-industrielles – La question du déve-loppement durable », http://issuu.com/f-gfffg/docs/mtaarchi2011gentges_memoire, p. 55.

18. Cf. Angela Uttke, Lars Niemann,Thorten Schauz, Peter Empting,Exposition internationale d'architectureet d'urbanisme Emscher Park – Lesprojets, dix ans après, éd. Klartext, Essen,2008, p. 32.

19. Idem, p. 33.

20. Idem, p. 288.

21. Idem, p. 289.

DEUX MANIÈRES D'AGIR

1. Cf. « La stratégie paysagère del'Emscher Park – Étude de cas concret »,http://www.lema.ulg.ac.be/urba/Cours/Cas/0910/Emsher_simon.pdf, p. 15.

2. Idem, p. 14.

3. Cf. « Dictionnaire CNRTL, CentreNational des Ressources Textuelles etLexicales », http://www.cnrtl.fr/defini-tion/squatter

4. Cf. « Pour échanger leurs coquilles, cescrustacés ont une incroyabletechnique »,http://www.maxisciences.com/crustac%E9/pour-echanger-leursco-quilles-ces-crustaces-ont-une-incroyable-technique_art33825.html.

5. Cf. Pierre Lefèvre, Voyage dansl'Europe des villes durables – Exposé despremiers projets remarquables réalisésdans la perspective du développementdurable, PUCA, coll. Recherche, Jouve,2008, p. 210.

6. Idem, p. 213.

7. Idem.

8. Idem, p. 214.

9. Cf. Angela Uttke, Lars Niemann,Thorten Schauz, Peter Empting,Exposition internationale d'architectureet d'urbanisme Emscher Park – Lesprojets, dix ans après, éd. Klartext, Essen,2008, p. 171.

10. Idem, p. 191.

11. Idem, p. 248.

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ILLUSTRATIONS

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ILLUSTRATIONS

Descriptions de gauche à droite et debas en haut.

Première et quatrième pages decouverture. Montages réalisés à partir dephotographies de Bernd et Illa Becher,téléchargée sur http://pitchdesi-gnunion.com/2009/10/bernd-hilla-becher/

P. 7. Photographie tirée de la sérieKonbini, Thomas Jorion, téléchargée surhttp://www.thomasjorion.com/image/konbini/Fukatsu?gallery=konbini

P. 10. Ancien complexe minier deZollverein à Essen, photographietéléchargée sur http://commons.wiki-media.org/wiki/File:Kokerei_Zollverein_-_Weisse_Seite-Herbst.jpg

P. 12. La Ruhr en pleine périodeindustrielle, photographie téléchargéesur http://www.worldsoccer.com/fea-tures/stadium-guide/soccer-cities-the-ruhr-331852

P. 16. Carte de l'Emscher Park redessi-née à partir d'une carte originale télé-chargée sur http://www.iba.nrw.de/ib-a/daten.htm

P. 18. Parc de Duisburg Nord, photogra-phie téléchargée sur http://www.heis-e.de/tp/artikel/35/35-458/1.html - Idem,photographie téléchargée sur

https://www.flickr.com/photos/lili_marcos/6041799249/

P. 21. Projection 320° Licht à l'intérieur del'ancien gazomètre d'Oberhausen,photographie téléchargée surhttp://www.dieschlenderer.de/2014/06/

P. 22. Photographie tirée de la sérieFiction, Filip Dujardin, téléchargée surhttp://www.belgium-archite-cts.com/fr/filipdujardin/source:index_updated_new_by_category/category:2

P. 24. Photographie tirée de la sérieCollapsing Architecture, Seth Clark,téléchargée sur http://www.artser-ved.com/gallery/Collapsing-Archite-cture/22719689

P. 28. Photographie tirée de la série Towalk the M62, John Davies, téléchargéesur http://www.johndavies.org/20-06/04/to-walk-m62.html

P. 30. Ancienne cité ouvrière Schün-gelberg à Gelsenkirchen, vue aérienne,photographie scannée dans l'ouvraged'Angela Uttke, Lars Niemann, ThortenSchauz, Peter Empting, Exposition inter-nationale d'architecture et d'urba-nismeEmscher Park – Les projets, dix ans après,éd. Klartext, Essen, 2008, p. 231 - Idem,vue depuis la rue centrale vers le terril,idem.

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P. 34. Ancien complexe minier deZollverein à Essen, photographietéléchargée sur https://www.zollve-rein.de/service/english-page

P. 40. Photographie tirée du livreAnonyme Sculpturen de Bernd et HillaBecher, téléchargée sur https://flip-board.com/@goozar/hilla-and-bernd-becher---the-archivists-ttfir5d1z

P. 42. Parc de Duisburg Nord, vueaérienne, photographie téléchargée surhttp://www.omm.de/veranstaltungen/musiktheater/DULPN-info.html – Idem,aménagement, photographie téléchar-gée sur http://www.landezine.com/in-dex.php/2011/08/post-industrialland-scape-architecture/ - Idem, esca-ladedes anciens fourneaux, photo-graphietéléchargée sur http://en.landschafts-park.de/leisuresport/climbinggar-den -Idem, aménagement des anciensfourneaux, photographie téléchargéesur http://agpopovska.tumblr.com/po-st/9011205692/landscapepark-duisburg-nord-latz-partner - Idem, jardins dans lesanciens fourneaux, photographie télé-chargée sur http://tu-pain58.com/v-so-Industrial%20-Park%20Landscape.html –Gazomètre d'Oberhausen, vue del'espace intérieur, photographie télé-chargée sur http://www.mainrw.de/Ga-someter-Oberhausen.43.0.html

P. 46. Dessin tirée de la série DesignBoundaries, Silnt, téléchargé surhttp://design.org/blog/pushingbounda-ries-poster-designs-design-society-confe-rence-2011

P. 50. Mur de Berlin, photographie télé-chargée sur http://www.history.co.uk/s-hows/the-rise-and-fall-of-the-berlin-wall

P. 54. Ancien manège couvert àMülheim, vue depuis la rue, photo-graphie scannée dans l'ouvraged'Angela Uttke, Lars Niemann, ThortenSchauz, Peter Empting, Expositioninternationale d'architecture et d'urba-nisme Emscher Park – Les projets, dix ansaprès, éd. Klartext, Essen, 2008, p. 191 –Idem, vue depuis l'intérieur, idem.

P. 56. Photographie tirée de la série Nousresterons sur Terre, Cédric Delsaux,photographie téléchargée surhttp://www.cedricdelsaux.com/fr/photos/nous-resterons-sur-terre.html

P. 59. Peinture de Caspar David Friedrich- Wanderer above the sea of fog, télé-chargée sur http://fr.wikipedia.org/wi-ki/Le_Voyageur_contemplant_une_mer_de_nuages P. 60. Photographie tirée de la sérieCollapsing Architecture, Seth Clark,téléchargée sur https://www.behan-ce.net/gallery/22719689/Collapsing-Architecture

P. 64. Photographie tirée de la sérieSilencio, Thomas Jorion, téléchargée surhttp://www.thomasjorion.com/image/silencio/Deja_vu?gallery=silencio

P. 68. Photographie tirée de la sérieForgotten Heritage, Matt Hemmett, télé-chargée sur http://www.forgottenheri-tage.co.uk/industry/o6hk1459dgbxkcljh5kliyb2td4gdb

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