monnaie,+crédit+bancaire+et+cycles+économiques-[www.worldmediafiles.com]

Upload: hassan-huit-douz

Post on 04-Apr-2018

220 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    1/561

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    2/561

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    3/561

    MONNAIE, CRDIT BANCAIREET CYCLES CONOMIQUES

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    4/561

    LHarmattan, 20115-7, rue de lcole-polytechnique ; 75005 Paris

    http://[email protected]

    [email protected]

    ISBN : 978-2-296-54451-2EAN : 9782296544512

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    5/561

    Jess Huerta de Soto

    MONNAIE, CRDIT BANCAIREET CYCLES CONOMIQUES

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    6/561

    Collection Lesprit conomique fonde par Sophie Boutillier et Dimitri Uzunidis en 1996

    dirige par Sophie Boutillier, Blandine Laperche, Dimitri Uzunidis

    Si lapparence des choses se confondait avec leur ralit, toute rflexion,toute Science, toute recherche serait superflue. La collection Lespritconomique soulve le dbat, textes et images lappui, sur la facecache conomique des faits sociaux : rapports de pouvoir, de productionet dchange, innovations organisationnelles, technologiques etfinancires, espaces globaux et microconomiques de valorisation et deprofit, penses critiques et novatrices sur le monde en mouvement...

    Ces ouvrages sadressent aux tudiants, aux enseignants, aux chercheursen sciences conomiques, politiques, sociales, juridiques et de gestion,ainsi quaux experts dentreprise et dadministration des institutions.

    La collection est divise en six sries :

    Dans la srie Economie et Innovation sont publis des ouvragesdconomie industrielle, financire et du travail et de sociologieconomique qui mettent laccent sur les transformations conomiques etsociales suite lintroduction de nouvelles techniques et mthodes deproduction. Linnovation se confond avec la nouveaut marchande ettouche le cur mme des rapports sociaux et de leurs reprsentationsinstitutionnelles.

    La srie Economie formelle a pour objectif de promouvoir lanalysedes faits conomiques contemporains en sappuyant sur lesapproches critiques de lconomie telle quelle est enseigne etnormalise mondialement. Elle comprend des livres qui sinterrogentsur les choix des acteurs conomiques dans une perspectivemacroconomique, historique et prospective.

    Dans la srie Le Monde en Questions sont publis des ouvragesdconomie politique traitant des problmes internationaux. Les conomiesnationales, le dveloppement, les espaces largis, ainsi que ltude desressorts fondamentaux de lconomie mondiale sont les sujets deprdilection dans le choix des publications.

    La srie Krisis a t cre pour faciliter la lecture historique des problmesconomiques et sociaux daujourdhui lis aux mtamorphoses delorganisation industrielle et du travail. Elle comprend la rditiondouvrages anciens, de compilations de textes autour des mmesquestions et des ouvrages dhistoire de la pense et des faitsconomiques.

    La srie Clichs a t cre pour fixer les impressions du mondeconomique. Les ouvrages contiennent photos et texte pour faire ressortirles caractristiques dune situation donne. Le premier thme directeurest : mmoire et actualit du travail et de lindustrie ; le second : histoire etimpacts conomiques et sociaux des innovations.

    La srie Cours Principauxcomprend des ouvrages simples, fondamentauxet/ou spcialiss qui sadressent aux tudiants en licence et en master enconomie, sociologie, droit, et gestion. Son principe de base estlapplication du vieil adage chinois : le plus long voyage commence par lepremier pas .

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    7/561

    7

    PREFACE A LEDITION FRANAISE

    Jai le plaisir de prsenter aux lecteurs ldition franaise deMonnaie, crdit

    bancaire et cycles conomiques ; elle est particulirement ncessaire lheure o lonassiste la grave crise financire suivie de la rcession conomique mondiale que nousavions annonce ds la premire dition de ce livre, il y a douze ans.

    * * *La politique dexpansion artificielle du crdit consentie et orchestre par les

    banques centrales au cours des quinze dernires annes ne pouvait se terminerautrement. Le cycle expansif, prsent conclu, se renforce partir du moment olconomie nord-amricaine sort de sa dernire rcession (courte et vaincue) en 2001 eto la Rserve Fdrale reprend la grande expansion artificielle de crdit etdinvestissement amorce partir de 1992. Cette expansion de crdit na pas repos sur

    une augmentation parallle de lpargne volontaire des conomies domestiques.Longtemps, la masse montaire sous forme de billets et de dpts a augment unrythme moyen suprieur 10% par an (ce qui quivaut doubler tous les 7 ans levolume total de monnaie circulant dans le monde). Cette grave inflation fiduciaire desmoyens de paiement sest installe dans le march par lintermdiaire du systmebancaire et sous forme de crdits de nouvelle cration accords des taux dintrt trsbas (et mme ngatifs en termes rels). Cela a favoris une bulle spculative. Celle-cisest traduite par une hausse importante des prix des biens dinvestissement, des actifsimmobiliers et des titres qui les reprsentent et schangent en bourse ; et cette dernirea vu augmenter ses indices de faon spectaculaire.

    Chose curieuse, comme cela stait produit dans les annes heureuses davant laGrande Dpression de 1929, le choc de croissance montaire na pas affect de faonsignificative le prix du sous-ensemble des biens et services de consommation (environun tiers seulement du total des biens). Car, durant la dernire dcennie, on a assist,comme dans les annes vingt du sicle dernier, une augmentation sensible de laproductivit, due lintroduction massive de technologies nouvelles et dimportantesinnovations entrepreneuriales. Celles-ci auraient entran, en labsence dinjectionmontaire et de crdit, une rduction salutaire et continue du prix unitaire des biens etservices de consommation. En outre, la pleine incorporation des conomies chinoise etindienne au march mondialis a favoris encore davantage la productivit relle debiens et services de consommation. Labsence dune saine dflation des prix des biens

    de consommation, dans une tape de croissance de la productivit aussi importante quecelle des dernires annes, est la preuve principale de la grave perturbation quaproduite le choc montaire sur le processus conomique, phnomne que nousanalysons en dtail la section 9 du Chapitre 6.

    Comme nous lexpliquons dans ce livre, lexpansion artificielle de crdit etlinflation de moyens de paiement (fiduciaire) ne constituent pas un raccourcipermettant un dveloppement conomique stable et soutenu, sans quil soit ncessairede recourir au sacrifice et la discipline que suppose toujours un taux lev dpargnevolontaire (laquelle, au contraire, non seulement na pas augment durant les derniresannes, mais a mme connu parfois des taux ngatifs, surtout aux Etats-Unis). Car lesexpansions artificielles du crdit et de la monnaie ne font toujours et tout au plus que

    remettre le problme au lendemain . En effet, on ne doute plus aujourdhui ducaractre rcessif que prsente, la longue, le choc montaire : le crdit de nouvellecration (non pargn pralablement par le public) met, tout de suite, la dispositiondes entrepreneurs une capacit acquisitive quils dpensent en projets dinvestissementtrop ambitieux (en particulier dans le secteur de la construction et de la promotionimmobilire, durant ces dernires annes), cest--dire comme si lpargne du publicavait augment, alors quen fait un tel accroissement ne sest pas produit. Cela

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    8/561

    8

    engendre une discoordination gnralise au sein du systme conomique : la bullefinancire ( exubrance irrationnelle ) affecte ngativement lconomie relle et leprocessus sinverse tt ou tard sous forme dune rcession conomique o sengage lerajustement douloureux et ncessaire quexige toujours la radaptation dune structureproductive relle dnature par linflation. Les dtonateurs concrets annonant le

    passage de leuphorie caractristique de l ivresse montaire la gueule de bois rcessive sont multiples et peuvent varier selon les cycles. Actuellement, lesdtonateurs les plus visibles ont t la hausse du prix des matires premires et, enparticulier, du ptrole, la crise des hypothques dites subprime aux Etats-Unis et enfinla crise dimportantes institutions bancaires ayant constat que la valeur de leurs actifs(prts hypothcaires accords) tait infrieure celle de leurs passifs.

    Beaucoup rclament aujourdhui des rductions ultrieures des taux dintrt et denouvelles injections de monnaie permettant ceux qui le dsirent de parachever leursinvestissements sans pertes. Cette fuite en avant ne servirait, cependant, qu retarderles problmes tout en les aggravant bien davantage. La crise, en effet, sest produiteparce que les profits des entreprises de biens dinvestissement (en particulier dans lessecteurs de la construction et de la promotion immobilire) ont disparu par suite deserreurs entrepreneuriales encourages par le crdit bon march, et parce que les prixdes biens de consommation ont commenc se comporter relativement moins mal queceux des biens dinvestissement. Ce moment marque le dbut dun rajustementdouloureux et invitable dans lequel sajoute aux problmes de chute de la productionet daccroissement du chmage une hausse trs ngative des prix des biens deconsommation.

    Lanalyse conomique la plus rigoureuse et linterprtation la plus froide etpondre des derniers vnements conomiques et financiers renforcent la conclusionsuivante : il est impossible, comme ce fut le cas avec les tentatives rates de

    planification de la dfunte conomie sovitique, que les Banques Centrales (vritablesorganes de planification financire centrale) russissent trouver la politique montairela mieux adapte chaque moment. Ou, autrement dit, le thorme de limpossibilitconomique du socialisme, dcouvert par les conomistes autrichiens Ludwig vonMises et Friedrich A. Hayek, daprs lequel il est impossible dorganiserconomiquement la socit sur la base dordres contraignants manant dun organe deplanification -celui-ci ne pouvant jamais disposer de linformation ncessaire pourdonner un contenu coordinateur ses ordres-, est pleinement applicable aux BanquesCentrales en gnral ; et il est applicable, en particulier, la Rserve Fdrale et AlanGreenspan jadis et Ben Bernanke aujourdhui: rien nest plus dangereux que detomber dans la prsomption fatale -selon lheureuse expression dHayek-, de se

    croire omniscient ou, du moins, assez savant et puissant pour pouvoir mettre au point tout moment la politique montaire la mieux adapte (fine tuning). Il est donc trsprobable que la Rserve Fdrale et, dans une certaine mesure, la Banque CentraleEuropenne, au lieu dadoucir les mouvements les plus aigus du cycle conomique,aient t les principaux auteurs responsables de sa gense et de son aggravation.Lalternative devant laquelle se trouvent Ben Bernanke et son conseil la RserveFdrale et les autres Banques Centrales ( commencer par leuropenne) nest, donc,nullement commode. Elles ont abandonn, des annes durant, leur responsabilitmontaire et se trouvent maintenant dans une impasse : soit elles laissent samorcer leprocessus rcessif et, avec lui, le rajustement salutaire et douloureux ; soit elles

    pratiquent la fuite en avant et donnent plus dalcool livrogne dj en proie uneviolente gueule de bois , en sorte que les probabilits de succomber dans un futurproche une rcession inflationniste encore plus grave augmenteraient de manireexponentielle (ce fut prcisment lerreur commise aprs le crash boursier de 1987, quinous a conduits linflation de la fin des annes quatre-vingt et sest termin par lagrave rcession de 1990-1992). En outre, reprendre maintenant une politique de crditbon march ne peut quentraver la liquidation ncessaire des investissements nonrentables et la reconversion des entreprises et peut mme faire se prolonger

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    9/561

    9

    indfiniment la rcession. Cest ce qui est arriv lconomie japonaise ces derniresannes : aprs avoir essay toutes les interventions possibles, elle a cess de rpondre tout stimulant dexpansion de crdit ou de type keynsien. Cest dans ce contexte de schizophrnie financire quil faut interprter les derniers ttonnements desautorits montaires (responsables de deux objectifs intimement contradictoires : dune

    part, contrler linflation et, de lautre, injecter toute la liquidit ncessaire pour viterleffondrement du systme financier). Et ainsi, la Rserve Fdrale sauve un jour BearStearns, AIG, Fannie Mae et Freddie Mac ou Citigroup, pour laisser tomber lelendemain Lehman Brothers sous le prtexte plus que justifi de donner une leon et de ne pas alimenter le moral hazardou risque moral . On approuve ensuite, vu letour que prenaient les vnements, un plan de 700 milliards de dollars pour acheter lesactifs dits, par euphmisme, toxiques ou illiquides (cest--dire, sans valeur) dela banque ; plan qui, sil est financ par des impts (et non pas en crant plusdinflation), supposera une lourde charge fiscale pour les conomies domestiques, aumoment prcis o elles peuvent le moins se le permettre. Ntant pas sr que le planpuisse avoir quelque effet, on dcide, enfin, dinjecter directement de largent publicdans les banques et mme de garantir la totalit de leurs dpts.

    La situation comparative des conomies de lUnion Europenne est un peu moinsmauvaise que la nord-amricaine (si lon ne tient pas compte de leffet expansif de lapolitique dlibre de dprciation du dollar, et des rigidits europennes relativementplus accuses, notamment dans le march du travail, qui tendent rendre les rcessionsplus durables et plus douloureuses sur notre Continent). La politique expansive de laBanque Centrale Europenne, non exempte de graves erreurs, a cependant t moinslgre que celle de la Rserve Fdrale. Le respect des critres de convergence a, enoutre, suppos en son temps un assainissement notable et salutaire des principalesconomies europennes. En particulier, les pays priphriques comme lIrlande et,

    surtout, lEspagne ont connu, ds le dbut de leur processus de convergence, uneimportante expansion de crdit. Le cas de lEspagne est paradigmatique. Son conomiea connu un boom conomique d, en partie, des causes relles (rformes structurellesde libralisation engages partir des mandats de Jos Mara Aznar en 1996) ; mais ilsest aliment dun autre ct et de faon non ngligeable dune expansion artificiellede la monnaie et du crdit. Ceux-ci augmentrent un taux qui tripla presquelvolution de ces mmes grandeurs en France ou en Allemagne. Les agentsconomiques espagnols interprtrent dans une large mesure la baisse des tauxdintrt, rsultant du processus de convergence, dans les termes de relchementmontaire traditionnels en Espagne : plus grande disponibilit dargent facile etdemandes massives de crdits aux banques (surtout pour financer la spculation

    immobilire) ; crdits que celles-ci ont accords en les crant partir du nant sous leregard impavide de la Banque Centrale Europenne. Cette dernire, face la hausse desprix et fidle son mandat, a tent, tant quelle a pu le faire, de maintenir les tauxdintrt malgr les difficults des membres de lUnion Montaire qui, commelEspagne, dcouvrent maintenant quune grande part des investissements enimmeubles fut une erreur et sont acculs une restructuration longue et douloureuse deleur conomie relle.

    La politique la plus adapte, en de telles circonstances, serait de libraliserlconomie tous les niveaux (en particulier le march du travail) pour permettre laraffectation rapide des facteurs productifs (en particulier le facteur travail) vers les

    secteurs rentables. La rduction de la dpense publique est galement indispensable, demme que celle des impts, afin daccrotre le revenu disponible des agentsconomiques fortement endetts qui ont besoin de rembourser leurs prts au plus tt.Les situations des agents conomiques en gnral et des entreprises en particulier nesassainissent que par la rduction des cots (spcialement ceux du travail) et leremboursement des prts. Il faut, pour cela, un march du travail trs flexible et unsecteur public beaucoup plus austre. Cest ainsi que le march pourra dcouvrirrapidement quelles sont les vritables valeurs relles des biens dinvestissement

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    10/561

    10

    produits par erreur et que stabliront les bases dun redressement conomique sain etdurable dans un futur que nous souhaitons, pour le bien de tous, aussi proche quepossible.

    * * *Il ne faut pas oublier que la dernire priode dexpansion artificielle sest

    caractrise, entre autres aspects, par une corruption progressive, tant en Amriquequen Europe, des principes traditionnels de la Comptabilit, telle quelle sappliquaitdepuis des sicles dans le monde. En particulier, lapprobation des NormesInternationales de Comptabilit (NIC) et leur transposition sous forme de loi dans lesdivers pays (en Espagne, avec le nouveau Plan Gnral de Comptabilit entr envigueur 1 janvier 2008) a suppos labandon du principe traditionnel de prudence qui at remplac par le principe de valeur de march ou raisonnable (fair value) pourlvaluation des actifs du bilan et, en particulier, ceux caractre financier. Cetabandon du principe traditionnel de prudence a subi la forte pression exerce tant parles socits de bourse de valeurs que par les banques dinvestissement -aujourdhui envoie de disparition- et, en gnral, par toutes les parties ayant intrt gonfler lesvaleurs de bilan afin de les rapprocher de valeurs boursires soi-disant plus objectives et qui, auparavant, ne cessaient daugmenter dans le cadre dunprocessus conomique deuphorie financire. Ce processus, en effet, sest caractris,durant la priode de la bulle spculative par la rtro-alimentation existant entre desvaleurs boursires croissantes et leur reflet comptable immdiat, ce que lon voulaitutiliser, son tour, pour justifier dultrieures croissances artificielles des prix desactifs financiers cots en bourse de valeurs.

    Dans cette course folle labandon des principes traditionnels de la comptabilit etleur substitution par dautres plus adapts aux temps nouveaux , on assistehabituellement lvaluation dentreprises en fonction dhypothses peu orthodoxes et

    de critres purement subjectifs qui remplacent, dans les nouvelles normes, le seulcritre vritablement objectif (celui de la transaction historique). Leffondrement actueldes marchs financiers et la perte gnralise de confiance dans les banques et dansleur comptabilit de la part des agents conomiques ont montr la gravit de lerreurcommise ; elle consista cder aux NIC et labandon des principes comptablestraditionnels fonds sur la prudence, et tomber ainsi dans les vices de la comptabilitcrative valeurs raisonnables de march (fair value).

    Cest dans ce contexte quil faut comprendre les mesures rcentes prises tant auxEtats-Unis quen Union Europenne pour adoucir (cest--dire revenir en partie sur)lapplication de la valeur raisonnable dans la comptabilit des entits financires.Mesure bien oriente mais incomplte et prise pour des raisons errones. Les entits

    financires, en effet, nont ragi que sous la contrainte, cest--dire, lorsqueleffondrement de la valeur des actifs toxiques ou illiquides a menac leursolvabilit. Mais elles taient enchantes des nouvelles NIC durant les annesprcdentes d exubrance irrationnelle o les valeurs boursires et financirescroissantes et absurdes leur ont permis dexhiber dans leurs bilans des profits etpatrimoines propres trs importants qui les ont, leur tour, encourags assumer desrisques sans presque aucun contrle. Il est donc vident que les NIC agissent de faonpro cyclique en augmentant la volatilit et en obstruant tort la gestion dentreprise :elles engendrent, durant les priodes de prosprit, un faux effet richesse qui incite assumer des risques disproportionns ; quand, soudain, les erreurs commises se

    manifestent, la perte de valeur des actifs dcapitalise immdiatement les entreprises quisont alors obliges de vendre des actifs et dessayer de recapitaliser au plus mauvaismoment, cest--dire quand les actifs ont moins de valeur et que les marchs financiersse tarissent. Des principes comptables qui, comme les NIC, se sont rvls aussiperturbateurs doivent tre abandonns ds que possible et il faut revenir sur toutes lesrformes comptables nouvellement promulgues et, en particulier, lespagnole entreen vigueur le 1 janvier 2008. Et cela, non seulement cause de limpasse quellessupposent en priode de crise financire et de rcession conomique, mais aussi et

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    11/561

    11

    surtout parce quil est vital de ne pas abandonner, en priode de prosprit, le principedvaluation prudente qui a prvalu dans tous les systmes comptables depuis LucaPacioli, au dbut du XV sicle, jusqu ce que la fausse idole des NIC se soit impose.

    Lerreur la plus grave de la rforme comptable rcemment adopte dans le mondeconsiste, en somme, faire table rase de sicles dexprience comptable et de gestion

    dentreprise : elle a substitu le principe de prudence, en tant que principe suprieurparmi tous les principes traditionnels de la comptabilit, par le principe dit de la valeur raisonnable , qui nest autre que lintroduction de la valeur volatile de marchpour toute une srie dactifs, en particulier de nature financire. Ce changementcopernicien est terriblement nocif et menace les bases mmes de lconomie de marchpour les raisons suivantes.Dabord, la violation du principe traditionnel de prudence etlobligation de comptabiliser des valeurs de march font que, selon les circonstances ducycle conomique, les valeurs de bilan se gonflent avec des plus-values qui ne se sontpas ralises et qui, souvent, ne se raliseront pas. L effet richesse artificiel quecela peut engendrer, en particulier durant les tapes dessor de chaque cycleconomique, induit la distribution de profits fictifs ou simplement conjoncturels, laprise de risques disproportionns et, en somme, la commission derreursentrepreneuriales systmatiques et la consommation du capital de la nation, audtriment de sa saine structure productive et de sa capacit de croissance long terme.

    Deuximement, il faut insister sur le fait que le but de la comptabilit nest pas dereflter les prtendues valeurs relles (en tout cas subjectives et qui sontdtermines et varient quotidiennement dans les marchs correspondants) sous prtextedobtenir une transparence comptable mal comprise, mais de permettre la gestionprudente de chaque entreprise et dviter la consommation de capital,1 en appliquantdes critres stricts de conservatisme comptable (fonds sur le principe de prudence etsur la comptabilisation au cot historique ou la valeur de march, selon celui qui est

    le plus bas) garantissant tout moment que le profit rpartir provient dun soldepositif sr dont la distribution ne mettra nullement en pril la viabilit et lacapitalisation future de lentreprise. Troisimement, il faut rappeler quil ny a pas dansle march de prix dquilibre pouvant tre dtermins objectivement par un tiers. Lesvaleurs de march sont, au contraire, le rsultat dapprciations subjectives et sontsoumises de fortes oscillations, en sorte que leur application en matire decomptabilit limine en grande partie la clart, la scurit et linformation quoffraientautrefois les bilans. Ceux-ci sont devenus, dans une large mesure, incomprhensibles etinutilisables pour les agents conomiques. En outre, la volatilit propre aux valeurs demarch, surtout au cours du cycle conomique, fait perdre la comptabilit fonde surles nouveaux principes une bonne partie de sa virtualit comme guide daction pour

    les gestionnaires de lentreprise. Elle les induit systmatiquement commettre degraves erreurs de gestion qui ont failli engendrer la crise financire la plus grave qui aitfrapp le monde depuis 1929.

    * * *Le chapitre 9 de ce livre (p. 462-502) dessine un projet de transition vers le seul

    ordre financier mondial qui, pleinement compatible avec le systme de la libertdentreprise, soit capable dliminer les crises financires et les rcessionsconomiques qui affectent cycliquement les conomies du monde. Cette rformefinancire internationale propose dans notre livre est devenue dune actualit brlanteces temps-ci (novembre 2008) o les gouvernements dconcerts dEurope et

    dAmrique ont organis une Confrence mondiale pour rformer le systme montaireinternational afin dviter la rptition future de crises financires et bancaires aussi

    1 Voir en particulier F. A. Hayek, The Maintenance of Capital (Economica, II, aot 1934),rdit dans Profits, Interest and Investment and other Essays on the Theory of IndustrialFluctuations, Augustus M. Kelley, New Jersey 1979 (1 dition de George Routledge & Sons,Londres 1939), et spcialement la section 9 Capital accounting and monetary Policy, p. 130-132.

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    12/561

    12

    graves que celle qui secoue actuellement le monde occidental. Pour les raisonsexposes en dtail dans les neuf chapitres de ce livre, toute la rforme future est voue un chec aussi lamentable que les rformes antrieures, si elle ne cherche pas lasolution de la racine mme des problmes actuels en se fondant sur les principessuivants : 1 le rtablissement dun coefficient de caisse de 100 pour cent pour tous les

    dpts bancaires vue et quivalents ; 2 llimination des banques centrales commeprteurs en dernier recours (inutiles si lon applique le principe prcdent et nocives sielles continuent dagir comme organes de planification financire centrale) ; et 3 laprivatisation de lactuelle monnaie monopoliste et tatique de type fiduciaire et sasubstitution par un talon-or classique. Cette rforme, radicale et dfinitive,supposerait, pour ainsi dire, lachvement de la chute du mur de Berlin et du socialismerel survenue en 1989 : on appliquerait les mmes principes fonds sur la libralisationet la proprit prive au seul domaine -le domaine financier et bancaire- rest jusquiciancr dans la planification (des banques dites, pour cette raison, centrales ),linterventionnisme extrme (fixation des taux dintrt, enchevtrement desrglementations administratives) et le monopole tatique (lois de cours forc quiobligent accepter la monnaie fiduciaire actuelle mise par ltat), avec lesconsquences ngatives que tout le monde connat.

    Il faut galement souligner que le processus de transition prsent dans le dernierchapitre pourrait aussi permettre demble le sauvetage (bailing out) du systmebancaire actuel en vitant son effondrement rapide et, avec lui, la contraction montairesubite et invitable qui se produirait si, dans un contexte de perte gnralise deconfiance des dposants, un volume significatif de dpts bancaires venait disparatre. Cet objectif court terme, que les gouvernements occidentaux sefforcentdsesprment datteindre aujourdhui avec les plans les plus divers (achats massifsdactifs bancaires toxiques , garantie de tous les dpts, ou simplement

    nationalisation partielle ou totale du systme bancaire priv), pourrait tre atteint defaon beaucoup plus effective, rapide et inoffensive pour lconomie de march si lonexcutait immdiatement la premire tape de la rforme propose dans ce livre (p.491) : la consolidation de la totalit des dpts actuels ( vue et quivalents) desbanques par la remise de leur quivalent en espces celles-ci, afin quellesmaintiennent un coefficient de caisse de 100 pour cent pour ces dpts. Commelexplique le graphique IX-2 de ce chapitre, qui dcrit ce que serait le bilan agrg dusystme bancaire partir de la consolidation, celle-ci ne serait nullement inflationniste(car la monnaie nouvellement cre serait en quelque sorte strilise pour rpondre,comme collatral, tout retrait subit de dpts) et librerait, de surcrot, tous les actifsde la banque ( toxiques ou pas) qui apparaissent actuellement comme collatraux

    des dpts vue (et quivalents) dans les bilans des banques prives. Le chapitre 9propose, dans lhypothse o la transition vers le nouveau systme seffectue dans descirconstances normales non affliges dune crise financire comme celledaujourdhui, que les actifs librs fassent partie de fonds dinvestissement crsad hoc et grs par la banque pour changer ses participations contre les titres vifs de ladette publique et des autres obligations implicites drives du systme public descurit sociale (p. 494). Cependant, en ces moments de grave crise financire etconomique, il est possible non seulement dannuler dans ces fonds les actifs toxiques , mais galement de consacrer une partie du reste permettre auxpargnants (pas les dposants puisque leurs dpts seraient dj consolids 100 pour

    cent) de pouvoir rcuprer une grande partie de la valeur perdue dans leursinvestissements (dans le cadre, en particulier, des prts faits aux banquescommerciales, banques dinvestissement et socits de portefeuille). Ces mesuresrtabliraient immdiatement la confiance, et il y aurait un excdent significatif pourfaire face lobjectif initial visant changer, en une fois et sans cot, une grandepartie de la dette publique mise par les gouvernements. Il faut, en tout cas, formulerun avertissement important : la solution propose nest valable naturellement, etcomme nous ne nous lassons pas de le rpter, que dans le contexte dune dcision

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    13/561

    13

    irrvocable de rtablissement dun systme de banque libre soumise un coefficient decaisse de 100 pour cent pour les dpts vue. Car toute rforme, dentre celles quenous avons cites, ralise sans la pleine conviction et la dcision pralables demodifier le systme financier et bancaire international de la faon indique seraitsimplement dsastreuse : un systme de banque prive qui continuerait de pratiquer la

    rserve fractionnaire (orchestre par les banques centrales correspondantes)engendrerait, de faon multiplicatrice et partir des espces cres pour garantir lesdpts, une expansion inflationniste comme on nen a jamais vu dans lhistoire et quiporterait le coup de grce tout notre systme conomique.

    * * *Les considrations prcdentes sont de la plus haute importance et montrent que le

    prsent Trait est devenu dune grande actualit du fait de la situation critique o setrouve le systme financier international (quoique jeusse, bien videmment, prfrcrire le prologue de cette quatrime dition dans des circonstances conomiques tout fait diffrentes). Cela dit, sil est tragique den tre arriv la situation actuelle, il est

    presque encore plus tragique de constater le dfaut gnral de comprhension descauses des phnomnes qui nous ruinent et, surtout, la confusion et le dsordre rgnantparmi les experts, analystes et la plupart des thoriciens de lconomie. Cest dans cedomaine que jose au moins esprer que les ditions successives de ce livre pourront,en paraissant dans le monde entier2, contribuer la formation thorique de leurslecteurs, au rarmement intellectuel des nouvelles gnrations et, ventuellement, auremodelage institutionnel si ncessaire de tout le systme montaire et financier desconomies de march actuelles. Sil en est ainsi, non seulement je serai satisfait deleffort ralis mais considrerai comme un grand honneur le fait davoir contribu, sipeu que ce soit, un progrs dans la bonne direction.

    Madrid, le 13 novembre 2008

    Fte de San Diego de AlcalJESUS HUERTA DE SOTO

    2 A part les quatre ditions en espagnol, depuis la parution de ldition prcdente, la premiredition anglaise de presque 4.000 exemplaires, publie aux Etats-Unis en 2006, a t puise ; la

    seconde dition de 3.000 exemplaires est dj publie en 2009. Il a, en outre, t publi unetraduction russe intituleDengi, bankovskiy kredit i ekonomicheskie tsikly (Ed. Sotsium, Moscou2008), due Tatjana Danilova et Grigory Sapov, dition tire initialement 3.000 exemplaires etque jai eu la satisfaction de prsenter le 30 octobre 2008 la Haute Ecole dEconomie delUniversit dEtat de Moscou. La traduction polonaise due Grzegorz Luczkiewicz estgalement termine et les traductions allemande, tchque, italienne, roumaine, hollandaise,chinoise, japonaise et arabe, dj bien avances, verront le jour, si Dieu le veut, dans quelquetemps. Je desire remercier ici la traductrice de cette dition franaise, le Professeur RosineLtinier.

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    14/561

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    15/561

    15

    PREFACE A LA TROISIEME EDITION ESPAGNOLE

    Bien que nous ayons tent de conserver au maximum, dans cette troisime dition

    de Monnaie, crdit bancaire et cycles conomiques,le contenu, la structure et lapagination des deux ditions prcdentes, cela na pas toujours t possible, car nousavons profit de cette nouvelle occasion pour introduire quelques raisonnements etprcisions supplmentaires, aussi bien dans le texte principal que dans quelques notesde bas de page. Nous avons, de mme, mis jour la bibliographie, en y faisant figurerles nouvelles ditions et traductions en espagnol parues au cours des quatre annescoules depuis ldition prcdente ; nous avons galement inclus quelques livres etarticles nouveaux, peu nombreux, mais qui concernent spcialement le contenu dessujets traits dans ce livre.3 Enfin, mon ditrice de la version anglaise de Monnaie,crdit bancaire et cycles conomiques,4 Judith Thommesen, a vrifi patiemment et endtail, dans leurs sources originales, des centaines de citations en anglais et autreslangues ; elle a relev un nombre assez important de petits errata, maintenantcorrigs, et a contribu de la sorte perfectionner cette troisime dition. Je luimanifeste ici ma profonde gratitude, ainsi quau Dr. Gabriel Calzada, charg de cours lUniversit Rey Juan Carlos, qui a collabor la rvision et la correction de quelquesrfrences bibliographiques.

    La conjoncture conomique a t marque, depuis la dernire dition, par la grandeinflation fiduciaire et laccroissement des dficits publics ncessaires pour financer laguerre en Irak et faire face laugmentation des dpenses quengendre l tat du bien-tre -afflig de problmes graves et insolubles- dans la plupart des pays occidentaux.La Rserve Fdrale Nord-amricaine a continu manipuler loffre montaire et le

    taux dintrt qui ont atteint le minimum historique de 1 pour cent, ce qui a empchque la restructuration ncessaire des erreurs dinvestissement commises avant larcession de lanne 2001 puisse se raliser convenablement. Tout cela a entran, de lapart des nouveaux projets dinvestissement entrepris en particulier dans le bassinasiatique et, concrtement, en Chine, la cration dune nouvelle bulle spculative dansles marchs immobiliers, et une augmentation spectaculaire du prix des produitsnergtiques et des matires premires, dont la demande, au niveau mondial, estpratiquement illimite. Il semble, donc, que nous nous trouvions la priode typiquedinflexion du cycle prcdant toute rcession conomique, ce que confirme encore letrs rcent revirement de la politique montaire de la Rserve Fdrale, qui a augmenten quelques mois les taux dintrt jusqu 4 pour cent.

    3 Il faut, parmi ceux-ci, citer spcialement le livre de Roger W. Garrison, Time and Money : TheMacroeconomics of Capital Structure, publi Londres et New York par Routledge en 2001,cest--dire trois ans aprs la premire dition espagnole de Monnaie, crdit bancaire et cyclesconomiques. Le travail de Garrison, que lon peut considrer comme un manuel compltant leprsent ouvrage, est particulirement remarquable pour le dveloppement quil fait de lanalyseautrichienne du capital et des cycles conomiques dans le contexte des diffrents paradigmes dela macroconomie moderne ; il utilise un point de vue et un langage tout fait conformes ceuxutiliss par la mainstream de notre discipline, et contribuera certainement faire connatre auxconomistes en gnral, la ncessit de tenir compte du point de vue autrichien et de ses

    avantages comparatifs. Mme si lanalyse de Garrison pche, notre avis, par un excs demcanicisme dans ses explications et nest pas suffisamment justifie du point de vue juridico-institutionnel, nous avons cependant considr opportun dencourager sa traduction espagnolepar un groupe de professeurs et de disciples de notre Chaire lUniversit Rey Juan Carlos,dirig par le Dr. Miguel Angel Alonso Neira ; elle a t publie en Espagne sous le titre Tiempoy dinero : la macroeconomia en la estructura del capital, par Unin Editorial (Madrid 2005).4 Ldition anglaise, Money, Bank Credit, and Economic Cycles, a t magnifiquement publiesous les auspices du Ludwig von Mises Institute, de lUniversit de Auburn, Alabama, en 2006,grce au soutien de son prsident, Lewellyn H. Rockwell.

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    16/561

    16

    Nous esprons que cette nouvelle dition servira ce que nos lecteurs comprennentmieux les phnomnes conomiques du monde qui les environne, et que les spcialisteset les responsables de la politique conomique actuelle soient convaincus de lancessit dabandonner le plus tt possible lingnierie sociale dans le domainemontaire et financier. Nous considrerons, dans ce cas, que lun de nos objectifs

    principaux a t largement accompli.Formentor, 28 aot 2005

    JESUS HUERTA DE SOTO

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    17/561

    17

    PREFACE A LA DEUXIME EDITION ESPAGNOLE

    La premire dition de ce livre stant rapidement puise, jai le plaisir de

    prsenter aux lecteurs de langue espagnole la deuxime dition de Monnaie, crditbancaire et cycles conomiques. Afin dviter des confusions et pour faciliter la tchedes spcialistes et des chercheurs, cette nouvelle dition conserve le contenu, lastructure et la pagination de la premire, quoiquelle ait t rvise intgralement et leserrata dcouvertes, corriges.

    Lvolution des vnements conomiques mondiaux de la priode 1999-2000,caractrise par leffondrement des cours de la bourse et lapparition dune rcessionaffectant simultanment les Etats-Unis, lEurope et le Japon aprs dix ans de grandeexpansion du crdit et de bulle financire, illustre lanalyse prsente dans ce livre et larend encore plus claire et plus nette quelle ne ltait lors de sa premire publication la fin de 1998. Mme si les gouvernements et les banques centrales ont ragi lattaqueterroriste contre le World Trate Center de New York en manipulant et en rduisant lestaux dintrt des niveaux historiquement bas (1,75 pour cent aux Etats-Unis, 0,15pour cent au Japon et 3 pour cent en Europe), lexpansion fiduciaire massive injectedans le systme non seulement rendra plus longue et plus difficile la reconversionncessaire de la structure productive relle mais court aussi le risque dengendrer unedangereuse rcession inflationniste. Notre plus grand dsir, dans ces circonstancesconomiques proccupantes, qui se rptent de faon rcurrente depuis lapparition dusystme bancaire actuel, est que lanalyse contenue dans ce livre aide le lecteur comprendre et interprter les phnomnes qui lentourent, et quelle puisse avoir uneinfluence positive aussi bien dans lopinion publique que chez mes collgues

    universitaires et chez les responsables de la politique conomique des gouvernementset des banques centrales.Diverses recensions1 ont t publies depuis la publication de la premire dition de

    ce livre ; je suis trs reconnaissant de leurs commentaires favorables faits par deprestigieux auteurs. Leur dnominateur commun a t dinsister pour quil soit traduiten anglais, ce qui vient de se faire. Nous esprons, que, si Dieu le veut, la premiredition anglaise paratra prochainement aux Etats-Unis, ce qui lui permettra daccderaux milieux universitaires et politiques les plus importants.

    Enfin, le prsent manuel a t utilis avec succs comme livre de cours durant lesemestre consacr la thorie montaire, bancaire et des cycles conomiques dans lesmatires dEconomie Politique et dIntroduction lEconomie, dabord la Facult deDroit de lUniversit Complutense et ensuite la Facult des Sciences Juridiques etSociales de lUniversit Rey Juan Carlos, lune et lautre Madrid. Nous pensonsquon peut facilement extrapoler cette exprience denseignement, fonde sur uneoptique institutionnelle et nettement multidisciplinaire de la thorie conomique, et entirer grand profit dans nimporte quels autres cours concernant la thorie bancaire(politique conomique, macroconomie, thorie montaire et du systme financier,etc.) ; cela a t possible grce lintrt et lenthousiasme quont manifest plusieurscentaines de mes tudiants en apprenant et en commentant les enseignements contenusdans ce livre. Je dsire manifester ma reconnaissance eux tous, principauxdestinataires de cet ouvrage auquel ils consacrent effort et temps, et je leur souhaite de

    continuer cultiver leur esprit critique et leur curiosit intellectuelle tout en atteignant

    1 Je dsire remercier expressment de leurs commentaires Leland Yeager (The Review ofAustrian Economics, 14 :4, 2001, p. 255), et Jrg Guido Hlsmann (The Quartely Journal ofAustrian Economics, t 2000, vol. 3, n 2, pp. 85-88), et Ludwig van den Hauwe (NewPerspectives on Political Economy, vol. 2, n2, 2006, pp. 135-141).

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    18/561

    18

    des tapes de plus en plus leves et enrichissantes dans leur formation humaniste etuniversitaire2.

    Madrid, 6 dcembre 2001JESUS HUERTA DE SOTO

    2 Lauteur remercie davance de lenvoi de tout commentaire la deuxime dition de son livre ladresse Internet : [email protected].

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    19/561

    19

    INTRODUCTION

    Lanalyse conomique des institutions juridiques a acquis une grande importance

    ces dernires annes et constitue lun des domaines les plus fconds et prometteurs dela Science Economique. Bien que loptique traditionnelle du paradigme noclassiqueait exerc une forte influence sur une grande partie du travail ralis jusqu prsent,notamment avec lutilisation de la conception purement maximisatrice dans descontextes dquilibre, les analyses conomiques ralises sur les institutions juridiquesmontrent, peut-tre mieux que dans tout autre domaine de lconomie, les difficultsissues de lutilisation de lanalyse traditionnelle. Car les institutions juridiques sont siproches de la vie relle que lutilisation des hypothses traditionnelles de lanalyseconomique prsente de grandes difficults. Nous avons essay ailleurs de montrer lesdangers que suppose, notre avis, lutilisation de loptique noclassique dans lanalysedes institutions juridiques5. Nous estimons absolument ncessaire de continuer leffortralis dans le domaine de lanalyse conomique du droit, mais en tchant dutiliserune mthodologie moins restrictive que celle qui a t utilise jusquici de faongnrale, et plus adapte lobjet spcifique de recherche qui lui est propre. Cestpourquoi nous considrons que lapplication de la conception subjectiviste, prconisepar lEcole Autrichienne dans le cadre du concept essentiel de laction humainecrative ou fonction entrepreneuriale, dans un contexte danalyse dynamique desprocessus gnraux dinteraction sociale, est la plus intressante et fconde face aufutur dveloppement de lanalyse conomique des institutions juridiques.

    Dautre part, les tudes des institutions juridiques ralises jusqu prsent ont eu,pour la plupart, des implications microconomiques, notamment parce quon a utilis

    telle quelle la mthode analytique traditionnelle de la microconomienoclassique dans le domaine de lanalyse conomique du droit. Cest ce qui sestproduit, par exemple, pour lanalyse conomique des contrats et de la responsabilitcivile, du droit de la faillite, lanalyse conomique de la famille, et mme celle du droitpnal et de la justice. Il existe trs peu de travaux danalyse conomique du droit dontles implications principales correspondent au domaine de la macroconomie ; lasparation traditionnelle et nocive des aspects micro et macro de la ScienceEconomique se retrouvant en cette matire. Et, cependant, il ne devrait pas en treainsi. Dune part, non seulement il faut reconnatre que la Science Economique formeun tout unitaire, dans lequel les aspects macroconomiques doivent tre pleinementintgrs dans leurs fondements microconomiques, mais aussi, et comme nousessaierons de le montrer dans ce livre, il existe des institutions juridiques dont lanalyseconomique entrane une srie dimplications et de conclusions trs importantesconcernant essentiellement le domaine de la macroconomie. Ou, autrement dit, mmesi lanalyse fondamentale est de type microconomique, ses conclusions et ses effetsessentiels sont de nature macroconomique. Ainsi la sparation profonde et artificielleentre les domaines de la micro et de la macroconomie disparat et lon peut raliser,dans le cadre de lanalyse conomique du droit, un traitement thorique unifi desproblmes juridiques.

    Cest l lobjectif essentiel de lanalyse conomique concernant le contrat de dptirrgulier de monnaie que nous nous proposons de raliser, sous ses divers aspects,

    dans ce livre. Notre analyse prtend aussi clairer un des domaines les plus complexesde la Science Economique : celui de la thorie de la monnaie, du crdit bancaire et descycles conomiques. Car on peut considrer quune fois le problme du socialisme

    5 Voir Jess Huerta de Soto, La Methodenstreit, o el enfoque austriaco frente al enfoqueneoclsico en la Ciencia Econmica, Actas del 5 Congreso de Economa de Castilla y Len(Avila, 28-30 novembre 1996), Servicio de Estudios de la Consejera de Economa y Hacienda,Junta de Castilla y Len, Valladolid 1997, pp.47-83.

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    20/561

    20

    rsolu6, au moins du point de vue thorique, et limpossibilit de son fonctionnementmanifeste empiriquement, le principal dfi thorique pour les conomistes de ce dbutdu sicle est prcisment celui du domaine montaire, du crdit et des institutionsfinancires. Et cela parce qutant donn le caractre trs abstrait des relations socialesdans lesquelles la monnaie se trouve implique, celles-ci son trs difficiles

    comprendre, et le traitement thorique correspondant trs complexe. Dautre part, on avu se dvelopper, dans le domaine financier et montaire des pays occidentaux, et dansun but coercitif, une srie dinstitutions, essentiellement autour de la banque centrale, lalgislation bancaire, le monopole dmission de monnaie et les lois de cours forc, quifont que le coeur du secteur financier de chaque pays se trouve entirement rgl et,donc, beaucoup plus proche du systme socialiste de planification centrale que de celuidune vritable conomie de march. Par consquent, nous essaierons de le montrerdans ce livre, les arguments concernant limpossibilit du calcul conomique socialiste,dvelopps lorigine par lEcole Autrichienne dEconomie, qui dmontralimpossibilit dorganiser la socit de faon coordonne au moyen dordres coercitifs,sont pleinement applicables en matire financire. Si notre thse est correcte,limpossibilit du socialisme se vrifierait en ce qui concerne le secteur financier etlincoordination, fruit de toute intervention tatique, se manifesterait de faon virulente,cyclique et rcurrente dans les diverses phases dexpansion et de rcession qui affectenttraditionnellement les conomies mixtes du monde dvelopp.

    Par ailleurs, tout thoricien qui tente aujourdhui dlucider les causes des cyclesconomiques, leur dveloppement, les remdes applicables et les possibilits deprvention est certain dtre au coeur de lactualit. En effet, au moment mme oscrivent ces lignes (novembre 1997), il se produit une grave crise financire etbancaire dans les marchs asiatiques qui menace de stendre lAmrique latine et aureste du monde occidental. Et cela aprs les annes dapparente prosprit

    conomique survenue la suite des graves crises financires et les rcessionsconomiques qui ont frapp le monde au dbut des annes quatre-vingt-dix et, surtout, la fin des annes soixante-dix du sicle dernier. En outre, on nest pas encore arriv comprendre lchelon populaire, politique et cest aussi lavis de nombreuxthoriciens de lconomie quelles sont les vritables causes de ces phnomnes, dontlapparition successive et rcurrente sert continuellement de prtexte aux politiques,aux philosophes et aux thoriciens interventionnistes pour condamner lconomie demarch et justifier laugmentation de lintervention coercitive de lEtat sur lconomieet la socit.

    Cest pourquoi, du point de vue de la doctrine librale, lanalyse scientifique de lacause des cycles conomiques et, en particulier, la recherche du modle idal de

    systme financier pour une socit vraiment libre prsente un grand intrt thorique.Car les thoriciens libraux ne se sont pas encore mis daccord dans ce domaine ; ilexiste de grandes diffrences dopinion sur la question de savoir sil faut maintenir labanque centrale ou sil vaudrait mieux la remplacer par un systme de banque libre et,dans ce dernier cas, quel type de rgles les agents conomiques intervenant dans unsystme financier entirement libre devraient tre soumis. La banque centrale apparathistoriquement comme le rsultat dune srie dinterventions coercitives manant dugouvernement, mme sil est vrai que diffrents agents du secteur financier (enparticulier les banques prives) sont intervenus de faon dcisive dans le mme sens ;ils ont souvent considr ncessaire de rclamer lappui de lEtat pour garantir la

    stabilit de leurs affaires durant les priodes de crise conomique. Cela signifie-t-il quela banque centrale est un rsultat volutif invitable de lconomie de march libre ?Ou, plutt, que la faon particulire des banquiers privs de mener leurs affaires,corrompue, un certain moment, du point de vue juridique, a permis le dveloppementdune activit financire incapable de se maintenir sans la garantie dun prteur de

    6 Jess Huerta de Soto, Socialismo, clculo econmico y funcin empresarial, Unin Editorial, 3dition, Madrid 2005.

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    21/561

    21

    dernier recours? Ces questions-l prsentent, avec dautres, un intrt thorique depremier ordre et doivent faire lobjet dune analyse des plus minutieuses. En somme, ilsagit, entre autres choses, de dvelopper un programme de recherche qui permette dedcouvrir quel doit tre le systme financier et bancaire dune socit libre.

    Le travail de recherche prsent dans ce livre prtend tre multidisciplinaire. Nous

    devrons nous baser non seulement sur ltude de la science juridique et lhistoire dudroit, mais aussi sur la thorie conomique, et en particulier la thorie de la monnaie,du capital et des cycles conomiques. Notre analyse nous permettra aussi dinterprterdiffremment une partie de lhistoire des faits conomiques lis au monde financier, etde mieux comprendre lvolution de certains courants de lhistoire de la penseconomique, tout comme le dveloppement de diffrentes techniques de la comptabilitet de la pratique de lactivit bancaire. Il faut combiner de nombreuses branches etdisciplines de la connaissance pour comprendre correctement le phnomne financier,et nous les tudierons selon la triple perspective, historico-volutive, thorique etmorale, que je considre ncessaire pour comprendre tout phnomne social7.

    Ce livre est divis en neuf chapitres. Le premier traite de la nature juridique ducontrat de dpt irrgulier de monnaie, et tudie spcialement ses principalescaractristiques diffrentielles par rapport au contrat de prt ou mutuum. Ce chapitreexplique aussi quelle est la diffrente logique juridique immanente ces deuxinstitutions, leur incompatibilit essentielle, et comment leur distincte rglementationappartient des principes universels et traditionnels du droit dcouverts et labors lpoque du droit romain classique.

    Le deuxime chapitre est une tude de lhistoire des faits conomiques. Il analyse lafaon dont le principe traditionnel du droit rglant le contrat de dpt irrgulier sestcorrompu au cours des temps, fondamentalement cause de la tentation laquelle ontt soumis les premiers banquiers dutiliser les fonds de leurs dposants pour leur

    propre compte. Lintervention du pouvoir politique, toujours avide de nouvellesressources financires, tient aussi un rle trs important dans ce processus : il sadresseaux banquiers qui gardent les dpts dautrui pour en profiter, et leur accorde toutessortes de privilges, en particulier celui dutiliser pour leur propre compte les fonds deleurs dposants ( condition, bien sr, quune part substantielle de telle utilisationconsiste prter les dpts au pouvoir politique). On montre ainsi, dans ce chapitre et trois moments diffrents (lpoque classique grecque et romaine, celle de la renaissancede la banque dans les villes italiennes du Moyen Age puis de la renaissance de labanque lEpoque Moderne), le processus de corruption des principes traditionnels dudroit rgissant le contrat bancaire de dpt irrgulier de monnaie et les effetsconomiques qui sen sont suivis.

    Le troisime chapitre tudie, du point de vue juridique, les diffrentes tentatives dela doctrine de crer un nouveau type de contrat ; on prtendrait y insrer le contrat dedpt bancaire de monnaie, afin de justifier le prt, fait par la banque des tiers, desquantits dposes vue. Notre but est de montrer que ces tentatives tombent dans unecontradiction logique insoluble, et sont donc voues lchec. Nous expliquerons aussicomment la pratique privilgie de la banque, dont on analyse lvolution au chapitreprcdent, permet de comprendre les profondes contradictions et la pauvret thoriquedu dveloppement doctrinal de la nature juridique du contrat de dpt irrgulier demonnaie depuis le Moyen Age jusque pratiquement lheure actuelle. Nous tudieronsdonc en dtail les diffrentes tentatives de cration dune figure juridique sui generis

    capable de rgler de faon logique et sans contradictions le dpt bancaire de monnaietel quil se pratique aujourdhui. Nous concluons que de tels essais nont pas pu russir,car la pratique bancaire actuelle se fonde, prcisment, sur linaccomplissement deprincipes immanents et traditionnels du droit de proprit, qui ne peuvent tre viols

    7 Jai expos la thorie des trois niveaux dapproche de la problmatique sociale dans JessHuerta de Soto, Historia, ciencia econmica y tica social, Estudios de economa poltica,Unin Editorial, Madrid 1994, chap. VII, pp. 105-109.

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    22/561

    22

    impunment sans entraner dimportantes consquences ngatives dans les processusdinteraction sociale.

    Lessentiel de lanalyse conomique du contrat de dpt bancaire est trait dans leschapitres quatre, cinq, six et sept ; ils tudient la faon dont cette institution juridiquesest dveloppe au cours de lhistoire, cest--dire en utilisant, au mpris des principes

    traditionnels du droit, un coefficient de rserve fractionnaire. Nous expliquerons dansces chapitres pourquoi cette grande intuition de Hayek, daprs laquelle, chaque foisquon viole un principe traditionnel du droit, dimportantes consquences prjudicielles la coopration sociale finissent par se produire, est correcte dans le domainebancaire ; nous analyserons ainsi, du point de vue thorique, quels sont les effetsquexerce la pratique bancaire actuelle de violation des principes traditionnels du droitdans le contrat de dpt de monnaie sur la cration de monnaie, la coordination intra etintertemporelle du march, la fonction entrepreneuriale et les cycles conomiques.Nous concluons que les tapes successives de prosprit, crise et rcessionconomique, qui affectent le march de faon rcurrente, trouvent prcisment leurorigine dans la violation du principe traditionnel du droit sur lequel le contrat de dptbancaire de monnaie devrait se fonder, et, donc, dans le privilge dont bnficient lesbanquiers et quils ont obtenu des gouvernements pour des raisons dintrt mutuel.Nous tudierons en dtail, dans cette partie, la thorie du cycle conomique, etprocderons une analyse critique des explications quont donnes les colesmontariste et keynsienne de ce type de phnomnes.

    Le chapitre huit est consacr ltude de la banque centrale en tant que prteur endernier ressort. Il sagit dune institution dont lapparition est dtermine par la forcedes vnements. Les consquences ngatives de la violation des principes qui doiventrgir le contrat de dpt irrgulier sont si importantes et invitables que les banquiersprivs se sont vite rendu compte quils devaient avoir recours au gouvernement, afin

    quil mette en place une institution qui agisse en leur faveur comme prteur en dernierrecours et les soutienne dans les priodes de crise, qui, lexprience le montre, finissenttoujours par se produire. Nous tcherons donc de montrer que lapparition de la banquecentrale nest pas un rsultat spontan des institutions du march, mais quelle est, aucontraire, impose de force par le gouvernement et rpond aux demandes de puissantsgroupes dintrt. On analyse galement, dans ce chapitre, le systme financier actuelfond sur la banque centrale et on lui applique lanalyse conomique concernantlimpossibilit thorique du socialisme. En effet, le systme financier actuel se fondesur le monopole, en faveur dun organisme gouvernemental, des principales dcisionsconcernant le type et la quantit de monnaie et de crdit que lon va crer et injecterdans le systme conomique. Il sagit, par consquent, dun systme de planification

    centrale du march financier, et donc hautement contrl, et en grande mesure socialiste ; il sera inexorablement affect par le thorme de limpossibilit ducalcul conomique socialiste, daprs lequel il est impossible de coordonner undomaine quelconque de la socit, et en particulier le domaine financier, au moyendordres coercitifs, car il est impossible que lorgane recteur (dans ce cas la banquecentrale) parvienne obtenir linformation ncessaire pour ce faire. Le chapitre setermine par une analyse de la rcente polmique banque centrale-banque libre, etmontre que la plupart des thoriciens actuels de la banque libre nont pas compris queleur thse perd beaucoup de sa virtualit et de son poids thorique si on nexige pas enmme temps le retour aux principes traditionnels du droit, cest--dire lexercice de la

    banque avec un coefficient de caisse de 100 pour cent. Car la libert est insparable deson exercice responsable dans le cadre dune stricte observation des principesjuridiques traditionnels.

    Le neuvime et dernier chapitre propose un modle idal et cohrent de systmefinancier qui respecte les principes traditionnels du droit et se fonde, par consquent,sur lexercice de lactivit bancaire avec un coefficient de caisse de 100 pour cent. Onanalyse galement les arguments qui sopposent, divers points de vue, notreproposition ; on en fait la critique tout en expliquant comment pourrait seffectuer, avec

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    23/561

    23

    un minimum de tensions, la transition du systme actuel au systme idal propos. Letravail se termine par des considrations complmentaires concernant les avantages dusystme financier propos et lapplication des principes tudis dans ce livre certainsproblmes pressants dintrt pratique, comme la cration dun nouveau systmemontaire europen, ou dun systme financier moderne dans les anciennes conomies

    socialistes ; elles sont accompagnes dun rsum des conclusions principales delouvrage.Une version rsume de la thse essentielle de ce livre a t expose pour la

    premire fois dans une communication faite devant la Mont Plerin Society, Rio deJaneiro en septembre 1993, et a obtenu le soutien de James M. Buchanan, ce dont je luisuis trs reconnaissant. Une version crite de cette communication a t publie enpartie en espagnol dans l Introduction Critique de la premire dition espagnole dulivre de Vera C. Smith surLes fondements de la banque centrale et de la libertbancaire8 ; elle a t publie ensuite en franais sous forme darticle et sintitule Banque centrale ou banque libre : le dbat thorique sur les rserves fractionnaires 9.

    Je dsire remercier ma collgue de la Facult de Droit de lUniversit Complutensede Madrid, le professeur Mercedes Lpez Amor, de laide quelle ma apporte dansma recherche de sources et de bibliographie sur le traitement que le dpt irrgulier demonnaie reut en droit romain. Mon ancien professeur Pablo Martin Acea, delUniversit dAlcal de Henares, ma lui aussi guid dans mon tude de lvolution dela banque au cours du Moyen Age. Luis Reig, Rafael Manzanares, Jos Antonio deAguirre, Jos Luis Feito, Richard Adamiak de Chicago et les professeurs Murray N.Rothbard (dcd) et Hans-Hermann Hoppe, de lUniversit de Las Vegas au Nvada,Manuel Gurdiel de lUniversidad Complutense de Madrid, Pablo Vzquez delUniversidad de Cantabria, Enrique Menndez Urea de lUniversidad Comillas,James Sadowsky de la Fordham University, Pedro Tenorio de la U.N.E.D., Rafael

    Termes de lI.E.S.E., Raimondo Cubbedu de lUniversit de Pise, Rafal Rubio deUrqua de lUniversidad Autonoma de Madrid, Jos Antonio Garca Durn delUniversidad Central de Barcelone et lrudit Jos Antonio Linage Conde, delUniversidad de San Pablo-C.E.U., mont beaucoup aid par leurs suggestions et enme procurant livres, articles et rfrences bibliographiques rares sur des sujetsbancaires et montaires. Mes tudiants de doctorat la Facult de Droit delUniversidad Complutense de Madrid, et en particulier Elena Sousmatzian, XavierSampedro, Luis Alfonso Lpez Garca, Rben Manso, Angel Luis Rodrguez, CsarMartnez Meseguer, Juan Ignacio Funes, Alberto Recarte et Esteban Gndara, ainsi queles professeurs Oscar Vara, Javier Aranzadi et Angel Rodrguez mont faitdinnombrables suggestions et ont fait le grand effort de corriger les erratas des

    diffrentes versions premires du manuscrit. Je veux manifester tous ma gratitude etles affranchis, naturellement, de toute responsabilit quant au contenu final delouvrage.

    Je dsire enfin remercier Sandra Moyano, Ann Lewis et Yolanda Moyano, qui ontpass la machine et corrig les diffrentes versions du manuscrit, pour leur

    8 Vera C. Smith, Fundamentos de la banca central y de la libertad bancaria, UninEditorial/Ediciones Aosta, Madrid 1993, pp.27-42.9 Jess Huerta de Soto, Banque centrale ou banque libre: le dbat thorique sur les rservesfractionnaires , dans le Journal des conomistes et des tudes humaines, Paris et Aix-en-

    Provence, vol. V, n2/3, juin-septembre 1994, pp.379-391. Ce travail a t publi en espagnolsous le titre La teora del banco central y de la banca libre , dans mes Estudios de Economapoltica, op. cit., chap. XI, pp.129-143. Deux nouvelles versions de cet article ont t publiesplus tard, lune en anglais, sous le titre A Critical Analysis of Central Banks and FractionalReserve Free Banking from the Austrian School Perspective , dans The Review of AustrianEconomics, vol. 8, n 2, 1995, pp.117-130 ; et lautre en roumain, due Octavian Vasilescu, Bnci centrale i sistemul de free-banking cu rezerve fracionare : o analiz critic dinperspectiva colii Austriece , Polis : Revista de tiine politice, vol. 4, n 1, Bucarest 1997,pp.145-157.

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    24/561

    24

    collaboration et leur patience ; et je remercie, surtout, et comme toujours, mon pouse,Sonsoles, qui ce livre est ddicac, pour son aide, sa comprhension et sesencouragements permanents tout au long de sa prparation.

    Formentor, 15 aot 1997

    JESUS HUERTA DE SOTO

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    25/561

    25

    CHAPITRE I

    NATURE JURIDIQUE DU CONTRAT DE DEPOTIRREGULIER DE MONNAIE

    1. UNE PRECISION TERMINOLOGIQUE : LES CONTRATS DE PRT(MUTUUM ET COMMODAT) ET LES CONTRATS DE DEPOT

    Selon leDictionnaire de la Real Academia Espaola, leprtest la chose ou largentqui est remise une autre personne pour quelle en use et la restitue ensuite.10 Onconsidre traditionnellement quil existe deux types de prt : le prt usage, dans

    lequel seul se transfre lusage de la chose prte, et qui comporte lobligation de larendre une fois quon en a us ; et le prt de consommation, dans lequel la proprit dela chose prte est transfre; celle-ci est remise pour tre consomme, de sorte quelobligation de restitution consiste remettre une chose de mme quantit et qualit quecelle qui a t reue et consomme.11

    Le commodat

    On appelle commodat (du latin commodatum) le contrat rel et de bonne foi parlequel une personne le commodant remet une autre le commodataire unechose dtermine afin quil en use gratuitement pendant une certaine priode, au termede laquelle il devra la rendre, cest--dire quil devra rendre cette mme chose.12 Lecontrat est dit rel parce quil exige la remise de la chose ; un exemple de cecontrat : je prte ma voiture un ami pour quil fasse un voyage. Il est clair que, dansce cas, le commodant reste propritaire de la chose prte, et que lobligation de celuiqui la reoit est den user correctement et de la rendre (la voiture prte) lexpirationdu dlai prtabli (fin du voyage). Les obligations de mon ami, le commodataire, sontde conserver la chose (la voiture) diligemment, den faire un usage appropri (respecterle code de la route et traiter la voiture comme sil en tait le propritaire) et la rendre lexpiration du commodat (fin du voyage).

    Le mutuum

    Mme si le commodat a une certaine importance pratique, le prt de chosesfongibles13 et consommables, comme lhuile, le bl et, surtout, largent, a une plusgrande importance conomique. On appelle mutuum (mot latin) le contrat par lequelune personne le prteur- remet une autre -lemprunteur- une certaine quantit dechoses fongibles, charge pour celui-ci de restituer, au terme dun dlai dtermin, une

    10Diccionario de la Real Academia Espaola, Espasa Calpe, Madrid 1992, p.1179, premireacception du mot prter.11

    Manuel Albaladejo, Derecho civil II, Derecho de obligaciones, vol. II, Los contratos enparticular y las obligaciones no contractuales, Librera Bosch, Barcelona 1975, p. 304.12 Juan Iglesias, Derecho romano: Instituciones de derecho privado, 6 dition revue etaugmente, Ediciones Ariel, Barcelone 1972, pp.408-409.13 Sont fongibles les choses qui peuvent tre remplaces par dautres de la mme catgorie.Cest--dire celles quon ne considre pas individuellement, mais en fonction de leur quantit,poids ou mesure. Les romains disaient qutaient fongibles les choses quae in genere suofunctionem in solutione recipiunt, cest--dire les res quae pondere numero mensurave constant.Les choses consommables sont souvent fongibles.

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    26/561

    26

    quantit quivalente quant sa nature et sa qualit (en latin le tantundem). Unexemple typique de mutuum est donn par le contrat de prt dargent, bien fongible parexcellence. En vertu de ce contrat, on remet aujourdhui une quantit dunitsmontaires une autre personne, et on transfre ainsi la proprit et la disponibilit delargent de celui qui concde le prt celui qui le reoit. Celui-ci a la facult de

    consommer largent prt ou den disposer comme du sien propre, et sengage restituer, au terme dun certain dlai, le mme nombre dunits montaires que cellesquon lui a prtes. Dans le mutuum, prt de biens fongibles, il y a donc un change debiens prsents contre des biens futurs . Cest pourquoi, la diffrence de ce quise passe dans le commodat, ltablissement du pacte dintrts est normale dans lemutuum ; car, en vertu de la catgorie de la prfrence temporelle (selon laquelle, engalit de circonstances, on prfre toujours les biens prsents au biens futurs), leshommes ne seront, en gnral, disposs renoncer aujourdhui une certaine quantitdunits dun bien fongible quen change dun nombre suprieur dunits de biensfongibles dans le futur ( lexpiration du dlai). Par consquent, la diffrence entre lenombre dunits remises originairement et celles reues de lemprunteur la fin dudlai est, prcisment, lintrt. En rsum, le prteur assume, dans le mutuum,lobligation de remettre la quantit dunits prtablie lemprunteur, moins que laremise ne fasse partie du contrat lui-mme. Lemprunteur qui reoit le prt assumelobligation de restituer lquivalent de la mme espce et qualit ( tantundem), aumoment o le mutuum prend fin. Il est galement tenu au paiement dintrts, pourvuque ceux-ci, comme cest lhabitude, aient t fixs. Lobligation essentielle dans leprt de biens fongibles ou mutuum est de restituer, une fois coul le dlai du prt,lquivalent de ce quon a reu et de la mme espce et qualit, mme si son prix avari. Cela signifie que lemprunteur, ntant oblig qu la restitution du tantundem auterme dun certain dlai, bnficie temporairement de la condition depropritaire de la

    chose et donc de la pleine disposition de celle-ci. De plus, lexistence dun dlaidtermin est un lment essentiel du prt ou mutuum, car il tablit la priode de tempspendant laquelle la disponibilit et proprit de la chose sera de lemprunteur, ainsi quele moment partir duquel celui-ci sera oblig de restituer le tantundem. On ne peut pasconcevoir lexistence du contrat de mutuum ou prt sans que soit tabli, de faonexplicite ou implicite, un dlai dtermin.

    Le contrat de dpt

    Alors que les contrats de prt (dans leurs deux versions de commodat et mutuum)supposent la transmission de la disponibilit de la chose, qui passe du prteur

    lemprunteur pendant un certain temps, il existe un autre contrat, le contrat de dpt,dont la caractristique essentielle est que la disponibilit ne se transmet pas. En effet,le contrat de dpt (en latin depositum) est un contrat de bonne foi par lequel unepersonne le dposant remet une autre le dpositaire une chose meuble, pourquelle la garde, veille sur elle et la lui rende au moment quelconque o il la luirclamera. Le dpt a donc toujours lieu dans lintrt du dposant ; il a pour butessentiel lagarde ousurveillance de la chose et maintient, tant quil dure, la compltedisponibilit de la chose en faveur du dposant, de sorte que celui-ci peut rclamer sarestitution nimporte quel moment. Lobligation du dposant est, mis part la remisede la chose, de rembourser les frais du dpt celui qui le reoit (si le remboursement a

    t prvu, car, sinon, le contrat sera gratuit). Lobligation du dpositaire est de garder lachose reue et de veiller sur elle avec la diligence propre dun bon pre de famille, et dela restituer au dposant au moment mme o il la lui rclamera. Il est clair qu ladiffrence du prt, il ny a pas, dans le dpt, de dlai pendant lequel la disponibilit dela chose se trouve transfre ; celle-ci est, au contraire, constamment surveille etdisponible pour le dposant, et le dpt prend fin ds quil rclame la restitution de lachose au dpositaire.

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    27/561

    27

    2. LE CONTRAT DE DEPOT DE CHOSES FONGIBLES OU CONTRAT DEDEPOT IRREGULIER

    Il est souvent intressant, dans la vie courante, de dposer non pas des corpscertains (comme pourraient ltre un tableau, un bijou ou un coffre scell rempli de

    monnaies), mais des biens fongibles (comme peuvent ltre des hectolitres dhuile, desmtres cubes de gaz, des quintaux de bl ou des millions deuros). Le dpt de biensfongibles reste, sans aucun doute, un dpt, dans la mesure o il conserve, commelment essentiel, la pleine disponibilit de la chose dpose en faveur du dposant demme que lobligation de garde et de surveillance avec la plus grande diligence de lapart du dpositaire. La seule diffrence qui le distingue du dpt rgulier ou de corpscertains est que, dans le cas de dpt de choses fongibles, celles-ci sontindissolublement mlanges dautres de mme genre et qualit (ainsi, par exemple,dans le magasin de grains ou de bl, dans le dpt dhuile, ou dans la caisse dubanquier). Ce mlange indistinct entre diffrentes units dposes, de mme genre etqualit, permet de considrer quil se produit, dans le dpt de biens fongibles, untransfert de proprit de la chose dpose. Car, lorsque le dposant va retirer cequil a dpos, il doit se contenter, naturellement, de recevoir lquivalent exact, enquantit et qualit de ce quil a dpos originairement, mais il ne recevra, en aucun cas,les units spcifiques quil a remises, car leur caractre fongible ne permet pas de lesindividualiser, une fois mles indistinctement au reste du stock du dpositaire. Cestpourquoi, on a appel le dpt de biens fongibles, qui conserve les caractristiquesessentielles du contrat de dpt, mais dont varie un des lments caractristiques (dansle contrat de dpt rgulier ou de corps certain, la proprit ne se transmet pas ; ledposant la conserve, tandis que dans le dpt de biens fongibles, on peut considrerque la proprit est transfre au dpositaire) dpt irrgulier . 14 Cependant, il faut

    insister sur le fait que lessence du dpt demeure inaltre et que le dpt irrgulierparticipe pleinement de la nature essentielle de tout dpt, qui consiste en lobligationde garde ou surveillance. En effet, il existe toujours, dans le dpt irrgulier, unedisponibilit immdiate en faveur du dposant qui peut, tout moment, aller lentrept de bl, au dpt dhuile ou la caisse de la banque et retirer lquivalent desunits quil a remises originairement. Ce sera lquivalent exact tant en quantit quenqualit du bien remis ou, comme disaient les romains, le tantundem eiusdem generis,qualitatis et bonitatis.

    Fonction conomique et sociale des dpts irrguliers

    Les dpts de biens fongibles, comme largent, appels aussi dpts irrguliers,llment essentiel de la garde remplissent une importante fonction sociale, que nepeuvent pas remplir les dpts rguliers entendus comme dpts de corps certains.Ainsi, il serait trs coteux et peu sens de dposer lhuile dans des rcipients sparset numrots (cest--dire sous forme de dpts ferms non translatifs de la proprit),

    14 Mon tudiant, Csar Martnez Meseguer, ma convaincu quune autre solution valable duproblme qui nous occupe est de considrer quil ny a pas de transfert vritable de la propritdans le dpt irrgulier, mais que celle-ci se rapporte abstraitement au tantundem ou quantit dela chose dpose, et, comme telle, reste toujours attache au dposant et ne se transfre pas. Cest

    cette solution, par exemple, qui est recueillie dans le cas de commixtion prvu par larticle 381de notre Code Civil, qui admet que ...chaque propritaire acquerra un droit proportionnel lapart qui lui correspond . Bien quon ait considr traditionnellement autre chose dans le dptirrgulier (le transfert effectif de la proprit sur des units physiques), il semble plus correctdadmettre que la proprit puisse tre dfinie dans les termes plus abstraits de larticle 381 duCode Civil, auquel cas on peut considrer quil ne se produit pas de transfert de propritlorsquon effectue un dpt irrgulier. Ce point de vue semble tre celui de Luis Dez-Picazo etAntonio Gulln, Sistema de derecho civil, vol.II, Editorial Tecnos, Madrid 1989 (siximedition), pp.469-470.

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    28/561

    28

    ou de mettre les billets dans une enveloppe ferme qui indiquerait leur numrotationindividuelle. Bien que nous soyons, dans ces cas extrmes, en prsence dun dptrgulier non translatif de proprit, on perdrait le bnfice de lnorme efficacit et dela rduction de cots que suppose le traitement conjoint et indistinct des diffrentsdpts, sans que cela implique aucun cot ni aucune perte de disponibilit pour le

    dposant, qui est aussi content sil reoit, quand il le demande,15

    un tantundemquivalent en quantit et qualit, mais dont le contenu spcifique nest pas identique ce qui a t remis lorigine. Il existe, en outre, dautres avantages en faveur du dptirrgulier. Dans le dpt rgulier ou de corps certains, le dpositaire ne rpond pas de laperte de la chose remise dans lhypothse dun cas fortuit ou de force majeure, alorsque, dans le dpt irrgulier, le dpositaire rpond mme du cas fortuit, de sorte que ledpt irrgulier ajoute, dune certaine manire, aux avantages traditionnels dedisponibilit immdiate et de surveillance du dpt, le caractre dune assurance, danslhypothse de perte par cas fortuit.16

    Elment essentiel du dpt irrgulier de monnaie

    Lobligation de garde et surveillance, lment essentiel de tout dpt, se concrtise,dans le dpt irrgulier, par une obligation de maintenir sans cesse une disponibilitcomplte du tantundem en faveur du dposant. Autrement dit, de mme que dans ledpt rgulier le corps certain dpos doit tre gard constamment, avec diligence et inindividuo, dans le dpt de biens fongibles, cest le tantundem ou quivalent enquantit et qualit de ce qui a t dpos qui doit tre gard constamment, surveill etmaintenu disposition du dposant. Cela signifie que la surveillance dans les dptsirrguliers consiste dans lobligation de tenir disposition du dposant une quantit etqualit gale celle qui a t remise. Ce tenir constamment disposition du dposant

    une quantit et qualit de choses gale celle qui a t reue , mme si elles sontrenouveles ou remplaces, quivaut pour les choses fongibles ce que reprsente pourles non fongibles lexistence de la chose in individuo. Autrement dit, le propritaire delentrept de bl ou du dpt dhuile pourra disposer de lhuile ou du bl mmes quonlui a remis, soit pour son propre usage, soit pour le restituer un autre dposant,pourvuquil en maintienne la disposition du dposant originaire une quantit et qualitgale celle qui a t dpose. La mme rgle sapplique dans le cas du dpt demonnaie. Si je te donne en dpt un billet de 500 euros, on peut considrer que je tetransfre la proprit de ce mme billet, que tu pourras utiliser pour tes propresdpenses ou pour en faire quelque autre usage, pourvu que tu conserves une quantitquivalente, de 500 euros, (sous la forme dun autre billet ou de cinq billets de cent

    euros) afin de pouvoir me payer immdiatement et sans pouvoir allguer aucuneexcuse, au moment prcis o je te rclamerai le remboursement.17

    15 Dans le cas concret du dpt irrgulier de monnaie, il faut ajouter ces avantages celui quirsulte du service ventuel de caisse quoffrent, de faon gnrale, les banquiers dpositaires.16 Comme lindique justement Pasquale Coppa-Zuccari, a differenza del deposito regolare,lirregolare gli garantisce la restituzione del tantundem nella stessa specie e qualit, sempre ed inogni caso... Il deponente irregolare garantito contro il caso fortuito, contro il quale ildepositario regolare non lo garantisce; trovasi anzi in una condizione economicamente ben pifortunata che se fosse assicurato. Voir Pasquale Coppa-Zuccari, Il deposito irregolare,

    Biblioteca dellArchivio Giuridico Filippo Serafini, vol. VI, Modne 1901, pp.109-110.17 Coppa-Zuccari a peut-tre exprim mieux que quiconque ce principe essentiel du dptirrgulier, lorsquil a dit que le dpositaire risponde della diligenza di un buon padre di famigliaindipendentemente da quella che esplica nel giro ordinario della sua vita economica e giuridica.Il depositariio invece, nella custodia delle cose ricevute in deposito, deve spiegare la diligenza,quam suis rebus adhibere solet. E questa diligenza diretta alla conservazione delle cose propie, ildepositario esplica: in rapporto alle cose infungibili, con limpedire che esse si perdano o sideteriorino ; il rapporto alle fungibili, col curare di averne sempre a disposizione la medesimaquantit e qualit. Questo tenere a disposizione una eguale quantit qualit di cosa determinate,

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    29/561

    29

    En somme, conformment la logique immanente linstitution du dptirrgulier, llment essentiel de la garde se matrialise dans lexigence de tenirconstamment la disposition du dposant un tantundem gal au dpt originaire. Etcela, dans le cas concret de la monnaie, bien fongible par excellence, signifie quelobligation de garde exige de maintenir tout moment, la disposition du dposant,

    un coefficient de caisse de 100 pour cent.Consquences de la non excution de lobligation essentielle dans le dpt irrgulier

    La non excution de lobligation de garde dans le dpt engendre, et cest logique,lobligation dindemniser le dposant ; et si la non excution est dolosive et consistedans lutilisation des fins personnelles de la chose dpose, elle suppose lacommission dun dlit dappropriation indue. Ainsi, dans le dpt rgulier, si celui quireoit, par exemple, un tableau en dpt sen sert ou le vend pour son propre compte, ilcommet un dlit dappropriation indue. On considre que le dpositaire qui, dans ledpt irrgulier de biens fongibles, utilise dans un but lucratif et pour son proprecompte les quantits dposes, sans maintenir constamment la disposition dudposant le tantundem quivalent, commet le mme dlit. Cela se produirait silentrepositaire dhuile ne conservait pas une quantit gale celle qui a t dpose,ou si celui qui a reu largent en dpt lutilisait pour lui (en le dpensant son profitou en le prtant), mais sans maintenir, tout moment, un coefficient de caisse de 100pour cent.18 Ainsi, le pnaliste Antonio Ferrer Sama a expliqu que si le dpt aconsist en une quantit dargent et en lobligation de restituer lquivalent (dptirrgulier) et le dpositaire investit cette quantit pour son propre compte, et donc endispose, il faudra distinguer, sur le plan de sa responsabilit pnale, deux hypothses :soit, il est suffisamment solvable pour pouvoir restituer tout moment la quantit reue

    en dpt, soit il ne dispose pas de numraire propre lui permettant de faire face sonobligation de restitution au moment o le dposant la lui rclame . Dans le premier cas,il ny a pas dlit dappropriation indue... Par contre, lorsquil dispose de la quantitreue sans avoir assez de numraire pour rpondre la demande du dposant, le dlitdappropriation indue est consomm partir du moment mme o il a dispos pour

    si rinnovellino pur di continuo e si sostituiscano, equivale per le fungibili a ci che per le

    infungibili lesistenza della cosa in individuo.Pascuale Coppa-Zuccari, Il deposito irregolare,op. cit., p. 95. Cette mme thse est cite par Joaqun Garrigues dans ses Contratos bancarios,Madrid 1975, p. 365, et dfendue galement par Juan Roca dans son article sur le dpt demonnaie (Comentarios al Cdigo Civil y Compilaciones Forales, dirigs par ManuelAlbaladejo, tome XXII, vol.1, Editorial Revista del del Derecho Privado EDERSA, Madrid 1982,pp. 246-255), et dans lequel il aboutit la conclusion que lobligation de garde consisteprcisment, dans le dpt irrgulier, en ce que le dpositaire doit tenir, tout moment, ladisposition du dposant la quantit dpose, et doit donc garder le nombre dunits de lespcencessaires pour restituer la quantit, quand elle lui sera rclame p.251). Cest--dire quedans le cas du dpt irrgulier de monnaie, lobligation de garde se concrtise par lexigence demaintenir constamment un coefficient de caisse de 100 pour cent.18 Dautres dlits connexes sont commis lorsque le dpositaire falsifie le nombre de certificats ou

    de talons de dpt. Ce serait le cas de lentrepositaire dhuile qui mettrait de faux talons dedpt pour quils soient ngocis par des tiers et, en gnral, celui de tout dpositaire de bienfongible (y compris la monnaie) qui mettrait des certificats ou des talons pour une sommesuprieure la quantit effectivement dpose. Il est vident que nous serions, dans ce cas, enface des dlits defalsification de document(pour lmission du faux certificat) et descroquerie(si on prtendait, avec ce certificat, tromper des tiers pour en tirer un profit quelconque). Nousconstaterons plus loin que le processus historique dvolution de la banque est fond sur lacommission de ces types de dlits en ce qui concerne le commerce de lmission des billets debanque.

  • 7/29/2019 Monnaie,+crdit+bancaire+et+cycles+conomiques-[wWw.Worldmediafiles.CoM]

    30/561

    30

    son propre compte de la quantit dpose et a cess de disposer dun tantundemquivalent ce quon lui avait remis.19

    Reconnaissance par la jurisprudence des principes essentiels du droit qui rgissent lecontrat de dpt irrgulier de monnaie (coefficient de caisse de 100 pour cent)

    La jurisprudence europenne a maintenu mme au sicle dernier le principe delexigence dun coefficient de caisse de 100 pour cent, en tant que concrtisation dellment essentiel quest la garde dans le dpt irrgulier dargent. Ainsi, un jugementdu Tribunal de Paris du 12 juin 1927 condamna un banquier pour appropriation indue,parce quil avait utilis, suivant la pratique bancaire habituelle, les fonds de son clientreus en dpt. Un autre jugement du mme Tribunal, du 4 janvier 1934, se prononadans le mme sens.20 De la mme manire, lors de la faillite de la Banque deBarcelone, le Tribunal de Premire Instance du nord de cette capitale, reconnut, face la rclamation des titulaires de compte courant demandant tre considrs commetitulaires dun dpt, que ceux-ci taient des dposants, et admit de ce fait leurcaractre de cranciers prfrentiels. La sentence se fonde sur le fait que le droit desbanques utiliser largent en espces des comptes courants est forcment limit parlobligation de tenir constamment les fonds de ces comptes la disposition de leurstitulaires, de sorte que cette limitation lgale de la disponibilit empchait dadmettre

    19 Antonio Ferrer Sama, El delito de apropiacin indebida, Publicaciones del Seminario deDerecho Penal de la Universidad de Murcia, Editorial Sucesores de Nogus, Murcia 1945, pp.26-27. Comme nous lavons indiqu dans le texte et comme lexplique aussi Eugenio CuelloCaln (Derecho penal, Editorial Bosch, Barcelona 1972, tome II, parte especial, vol. 2, 13dition, pp.952-953), le dlit est consomm au moment o se produit lappropriation ou ladistraction de la chose et o il nat, rellement, avec lintention de se lapproprier intention quidoit tre apprcie par des actes externes (comme lalination, la consommation ou le prt) etnon pas quand il est dcouvert, en gnral longtemps aprs, par le dposant qui, en allantreprendre son dpt, voit avec surprise que le dpositaire ne peut pas lui rendre immdiatementle tantundem correspondant. Miguel Bajo Fernndez, Mercedes Prez Manzano et Carlos SurezGonzlez, pour leur part (Manual de derecho penal, parte especial, Delitos patrimoniales yeconmicos, Editorial Centro de Estudios Ramn Areces, Madrid, 1993), concluent, eux aussi,que le dlit est consomm au moment mme o se produit lacte de disposition, sans besoindautres rsultats, et quil subsiste mme quand lobjet est rcupr ou que lauteur ne sest pasenrichi en se lappropriant, et mme encore si on peut faire face la remise du tantundem aumoment mme o elle est rclame (p. 421). Ces mmes auteurs disent quil existe une lacune, en

    matire de punition politico-criminelle, inacceptable dans le droit espagnol, alors quil existedans dautres droits des dispositions spcifiques sur les dlits socitaires et sur labus deconfiance, auxquelles il serait possible de rattacher les comportements illicites des banques enquestion de dpt irrgulier de compte courant (p. 429). Dans le cas concret du droit pnalespagnol, larticle qui rglemente lappropriation indue et que commente Antonio Ferrer Samaest larticle 252 du nouveau Code Pnal de 1996 (art. 528 de lancien), et qui dit : Seront punisdes peines signales par larticle 249 ou, ventuellement, 250 ceux qui sapproprieraient oudistrairaient, au prjudice dautrui, des fonds, des effets, des valeurs ou toute autre chose meuble,ou tout autre actif patrimonial quils auraient reus comme dpositaires, commis ouadministrateurs, ou un autre titre do dcoulerait lobligation de les remettre ou de les rendre,ou nieraient les avoir reus, quand la quantit de ce quils se sont appropri dpasse la somme dequatre cents euros. On imposera la moiti suprieure de la dite peine dans le cas du dpt

    ncessaire ou misrable. Enfin, le travail le plus complet sur les aspects pnaux delappropriation indue de fonds et qui traite in extenso de la position des professeurs Ferrer Sama,Bajo Fernndez et dautres, est celui de Norberto J. de la Mata Barranco, Tutela penal de lapropiedad y delitos de apropiacin : el dinero como objeto material de los delitos de hurto yapropiacin indebida, Promociones y Publicaciones Universitarias (PPU, S. A.), Barcelona1994, en particulier les pp. 407-408 et 512.20 Ces prcisions jurisprudentielles sont recueillies par Jean Escarra dans ses Principes de droitcommercial, p.256, et Joaqun Garrigues y fait allusion aussi dans ses Contratos bancarios, op.cit., pp. 367-368.

  • 7/29/20