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Institut international de planification de l’éducation Publié dans la série : Principes de la planification de l’éducation - 63 Mondialisation et réforme de l’éducation : ce que les planificateurs doivent savoir Martin Carnoy Pour obtenir une copie de cet ouvrage, s’adresser à : [email protected] Le catalogue des publications et documents peut être consulté sur le site Web de l’IIPE : http://www .unesco.org/iiep Co-operation Agency (Sida) has provided financial assistance for the publication of this bookle L’Agence suédoise d’aide au développement international (Asdi) a fourni une aide financière pour la publication de cette brochure.i Publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture 7 place de Fontenoy, F 75352 Paris 07 SP ISBN 92-803-2192-7 © UNESCO 1999

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Institut international de planification de l’éducation

Publié dans la série :Principes de la planification de l’éducation - 63

Mondialisation et réforme del’éducation : ce que les

planificateurs doivent savoir

Martin Carnoy

Pour obtenir une copie de cet ouvrage, s’adresser à :[email protected]

Le catalogue des publications et documents peut être consultésur le site Web de l’IIPE : http://www.unesco.org/iiep

Co-operation Agency (Sida) has provided financial assistance for the publicationof this bookle

L’Agence suédoise d’aide au développement international (Asdi) a fourni une aidefinancière pour la publication de cette brochure.i

Publié parl’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

7 place de Fontenoy, F 75352 Paris 07 SPISBN 92-803-2192-7

© UNESCO 1999

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Dans cette collection* :1. Qu’est-ce que la planification de l’éducation ? P.H. Coombs2. Les plans de développement de l’éducation et la planification économique et sociale, R. Poignant3. Planification de l’éducation et développement des ressources humaines, F. Harbison4. L’administrateur de l’éducation face à la planification, C.E. Beeby5. Le contexte social de la planification de l’éducation, C.A. Anderson6. La planification de l’enseignement : évaluation des coûts, J. Vaizey, J.D. Chesswas7. Les problèmes de l’enseignement en milieu rural, V.L. Griffiths8. Le rôle du conseiller en planification de l’enseignement, A. Curle9. Les aspects démographiques de la planification de l’enseignement, Ta Ngoc Châu10. Coûts et dépenses en éducation, J. Hallak11. L’identité professionnelle du planificateur de l’éducation, A. Curle12. Planification de l’éducation : les conditions de réussite, G.C. Ruscoe13. L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation, M. Woodhall14. Planification de l’éducation et chômage des jeunes, A. Callaway16. Planification de l’éducation pour une société pluraliste, Chai Hon-chan17. La planification des programmes d’enseignement primaire dans les pays en voie de développement,

H.W.R. Hawes18. Planification de l’aide à l’éducation pour la deuxième décennie du développement, H.M. Phillips19. Les études à l’étranger et le développement de l’enseignement, W.D. Carter20. Pour une conception réaliste de la planification de l’éducation, K.R. McKinnon21. La planification de l’éducation en relation avec le développement rural, G.M. Coverdale22. La planification de l’éducation : options et décisions, J.D. Montgomery23. La planification du programme scolaire, A. Lewy24. Les facteurs de coûts dans la planification des systèmes de technologies éducatives, D.T. Jamison25. Le planificateur et l’éducation permanente, P. Furter26. L’éducation et l’emploi : une étude critique, M. Carnoy27. Planification de l’offre et de la demande d’enseignants, P. Williams28. Planification de l’éducation préscolaire dans les pays en développement, A. Heron29. Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussions sur

la planification, E.G. McAnany, J.K. Mayo30. La planification de l’éducation non formelle, D.R. Evans31. Education, formation et secteur traditionnel, J. Hallak et F. Caillods32. Enseignement supérieur et emploi : l’expérience de l’IIPE dans cinq pays en développement, G.

Psacharopoulos et B.C. Sanyal33. La planification de l’éducation comme processus social, T. Malan34. Enseignement supérieur et stratification sociale : une comparaison internationale, T. Husén35. Un cadre conceptuel pour le développement de l’éducation permanente en URSS, A. Vladislavlev36. Education et austérité : quelles options pour le planificateur ? K.M. Lewin37. La planification de l’éducation en Asie, R. Roy-Singh38. Les projets d’éducation : préparation, financement et gestion, A. Magnen39. Accroître l’efficacité des enseignants, L. Anderson40. L’élaboration des programmes scolaires à l’échelon central et à l’échelon des écoles, A. Lewy41. Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques, O. Bertrand42. Redéfinition de l’éducation de base en Amérique latine : les enseignements de l’Ecole Nouvelle

colombienne, E. Schiefelbein43. La gestion des systèmes d’enseignement à distance, G. Rumble44. Stratégies éducatives pour les petits Etats insulaires, D. Atchoarena45. Evaluation de la recherche en éducation fondée sur l’expérimentation et sur les enquêtes, R.M. Wolf46. Droit et planification de l’éducation, I. Birch47. Utilisation de l’analyse sectorielle de l’éducation et des ressources humaines, F. Kemmerer48. Analyse du coût de l’insertion scolaire des populations marginalisées, Mun C. Tsang49. Un système d’information pour la gestion fondé sur l’efficience, Walter W. McMahon50. Examens nationaux : conception, procédures et diffusion des résultats, John P. Keeves51. Le processus de planification et de formulation des politiques d’éducation : théorie et pratiques,

W.D. Haddad, assisté par T. Demsky52. A la recherche d’un enseignement adapté : l’orientation vers le travail dans l’éducation, W. Hoppers53. Planifier pour l’innovation en matière d’éducation, Dan E. Inbar54. Analyse fonctionnelle de l’organisation des ministères d’éducation, R. Sack et M. Saïdi55. Réduire les redoublements : problèmes et stratégies, T. Eisemon56. Faire davantage participer les filles et les femmes à l’éducation, N. P. Stromquist57. Installations et bâtiments éducatifs : ce que les planificateurs doivent savoir, J. Beynon58. La planification de programmes d’alphabétisation des adultes centrés sur les élèves, S.E. Malone et

R.F. Arnove59. Former les enseignants à travailler dans des établissements et/ou des classes réputés difficiles,

J.-L. Auduc60. L’évaluation de l’enseignement supérieur, Jeanne Lamoure Rontopoulou61. A l’ombre du système éducatif. Le développement des cours particuliers : conséquences pour la

planification de l’éducation, Mark Bray62. Une gestion plus autonome des écoles, Ibtisam Abu-Duhou

* Série publiée également en anglais. Autres titres à paraître.

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Mondialisation et réformede l’éducation :ce que les planificateurs doiventsavoir

Martin Carnoy

Paris 1999UNESCO : Institut international de planification de l’éducation

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L’Agence suédoise d’aide au développement international (Asdi) afourni une aide financière pour la publication de cette brochure.

Publié en 1999 par l’Organisation des Nations Uniespour l’éducation, la science et la culture7, place de Fontenoy, 75007 Paris

Maquette de couverture : Pierre FinotComposition : Linéale ProductionImprimé en France par SAGIMISBN 92-803-2192-7

© UNESCO 1999

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Principes de la planification de l’éducation

Les brochures de cette collection sont destinées principalement à deuxcatégories de lecteurs : ceux qui occupent déjà des fonctions dansl’administration et la planification de l’éducation, dans les pays endéveloppement comme dans les pays industrialisés ; et d’autres, moinsspécialisés – hauts fonctionnaires et hommes politiques, par exemple –qui cherchent à connaître de façon plus générale le mécanisme de laplanification de l’éducation et les liens qui la rattachent audéveloppement national dans son ensemble. Ces brochures sont, dece fait, destinées soit à l’étude individuelle, soit à des cours de formation.

Depuis le lancement de cette collection en 1967, les pratiques etles concepts de la planification de l’éducation ont subi d’importantschangements. Plusieurs des hypothèses qui étaient sous-jacentes auxtentatives antérieures de rationaliser le processus du développementde l’éducation ont été critiquées ou abandonnées. Toutefois, si laplanification centralisée, rigide et obligatoire, s’est manifestementrévélée inadéquate, toutes les formes de planification n’ont pas étéabandonnées. La nécessité de rassembler des données, d’évaluerl’efficacité des programmes en vigueur, d’entreprendre des étudessectorielles et thématiques, d’explorer l’avenir et de favoriser un largedébat sur ces bases s’avère au contraire plus vive que jamais pourorienter la prise de décision et l’élaboration des politiques éducatives.

La planification de l’éducation a pris une envergure nouvelle.Outre les formes institutionnelles de l’éducation, elle porte à présentsur toutes les autres prestations éducatives importantes, dispenséeshors de l’école. L’intérêt consacré à l’expansion et au développementdes systèmes éducatifs est complété, voire parfois remplacé, par lesouci croissant d’améliorer la qualité du processus éducatif dans sonensemble et d’évaluer les résultats obtenus. Enfin, planificateurs etadministrateurs sont de plus en plus conscients de l’importance desstratégies de mise en œuvre et du rôle joué à cet égard par les diversmécanismes de régulation : choix des méthodes de financement,d’examen et de délivrance des certificats et diplômes, ou d’autresstructures de régulation et d’incitation. La démarche des planificateurs

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Principes de la planification de l’éducation

répond à une double préoccupation : mieux comprendre la valeur et lerôle de l’éducation par l’observation empirique des dimensionsparticulières qui sont les siennes, et contribuer à définir des stratégiespropres à amener le changement.

Ces brochures ont pour objet de refléter l’évolution et leschangements des politiques éducatives et de mesurer leurs effets surla planification de l’éducation ; de mettre en lumière les questions quise posent actuellement en la matière et de les analyser dans leur contextehistorique et social ; et de diffuser des méthodes de planificationpouvant s’appliquer aussi bien aux pays en développement qu’auxpays industrialisés.

Afin d’aider l’Institut à bien identifier les préoccupations actuellesdans les domaines de la planification et de l’élaboration des politiquesde l’éducation dans diverses parties du monde, un Comité de rédactiona été mis en place. Il comprend deux rédacteurs en chef et desrédacteurs associés, venus de différentes régions, tous éminentsspécialistes dans leurs domaines respectifs. Lors de la première réunionde ce nouveau Comité de rédaction en janvier 1990, ses membres ontdéfini les sujets les plus importants à traiter dans les numéros ultérieurssous les rubriques suivantes :

1. L’éducation et le développement.2. L’équité.3. La qualité de l’éducation.4. Structure, administration et gestion de l’éducation.5. Les programmes d’enseignement.6. Coût et financement de l’éducation.7. Techniques et approches de la planification.8. Systèmes d’information, suivi et évaluation.

Chaque rubrique est confiée à un ou deux rédacteurs.

La collection correspond à un plan d’ensemble soigneusementétabli, mais aucune tentative n’a été faite pour éliminer les divergences,voire les contradictions, entre les points de vue exposés par les auteurs.L’Institut, pour sa part, ne souhaite imposer aucune doctrine officielle.S’il reste entendu que les auteurs sont responsables des opinions qu’ilsexpriment – et qui ne sont pas nécessairement partagées par l’UNESCOet l’IIPE – elles n’en sont pas moins dignes de faire l’objet d’un vastedébat d’idées. Cette collection s’est d’ailleurs fixé comme objectif de

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Principes de la planification de l’éducation

refléter la diversité des expériences et des opinions en donnant à desauteurs venus d’horizons et de disciplines très variés la possibilitéd’exprimer leurs idées sur l’évolution des aspects théoriques et pratiquesde la planification de l’éducation.

Quel est exactement ce phénomène qualifié en général demondialisation ? Comment se manifeste-t-il ? Quels champs d’activitéhumaine affecte-t-il et en quoi les affecte-t-il ? Quelles sont sesrépercussions sur les systèmes éducatifs et la planification del’éducation ?

Le propos de l’ouvrage de Martin Carnoy, professeur d’Éducationet d’Économie à l’Université de Stanford, est de répondre auxquestions si souvent posées à l’égard de ce phénomène. L’auteurobserve ce qu’est la mondialisation et ses conséquences dans le secteurde l’éducation. Il analyse ensuite comment, dans ce milieu en évolution,la mondialisation a une incidence sur les différents aspects du processuséducatif.

L’auteur commence par analyser les effets de la mondialisationsur le marché de l’emploi, l’organisation du travail et les compétencesrequises. Puis il observe les demandes croissantes auxquelles doiventsatisfaire les systèmes éducatifs, en dépit des restrictions que lesfinancements étatiques risquent d’imposer à ce secteur. Il analyseensuite les conséquences de la mondialisation sur la restructuration del’éducation à travers la décentralisation, la privatisation et laprolifération des instruments de mesure de la qualité de l’enseignementqui traduisent le besoin de transparence dans un marché du travailextrêmement compétitif.

Cette étude porte également sur les nouvelles possibilités que lestechnologies de l’information peuvent offrir aux processus éducatifset en quoi la reconceptualisation de l’espace et du temps se répercutedifféremment sur les identités culturelles nationales et régionales.

L’Institut est très reconnaissant au professeur Martin Carnoyd’avoir accepté d’écrire cet ouvrage qui contribue à faire progresserla réflexion sur la mondialisation.

Jacques HallakSous-Directeur général, UNESCO

Directeur, IIPE

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Composition du Comité de rédaction

Président : Jacques HallakSous-Directeur général de l’UNESCODirecteur, IIPE

Rédacteurs en chef : Françoise CaillodsIIPE

T. Neville Postlethwaite (Professeur Emeritus)Université de HambourgAllemagne

Rédacteurs associés : Jean-Claude EicherUniversité de BourgogneFrance

Claudio de Moura CastroBanque interaméricaine de développementÉtats-Unis d’Amérique

Kenneth N. RossIIPEFrance

Richard SackSecrétaire exécutifAssociation pour le développementde l’éducation en Afrique (ADEA)France

Sibry TapsobaCentre de recherches pourle développement international (CRDI)Sénégal

Rosa Maria TorresFondation Kellogg/IIPE-BuenosAiresArgentine

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où il fournit des ressources complémentaires à de nombreuxenseignants (souvent sous-payés) et à des étudiants. Les parents sontdisposés à investir des sommes importantes dans ces cours afin dedonner à leurs enfants la meilleure préparation et de leur faciliter l’accèsaux niveaux d’études supérieurs et aux meilleures écoles. Quant àsavoir si ces cours sont utiles et de quelle manière ils influent sur laqualité et l’équité dans le système éducatif, ce point demande à êtreexaminé. On ne dispose pas d’informations suffisantes sur l’incidencede ce type de cours sur les résultats scolaires, mais il est fort probablequ’ils aident les élèves à passer leurs examens ; dans le cas contraire,leurs parents arrêteraient de leur consacrer des sommes importantes.Toutefois, une formation exclusivement centrée sur les examens n’estpas nécessairement la meilleure possible. Le bachotage est souventpratiqué au détriment de l’apprentissage créatif et ne conduit pastoujours à l’accroissement du capital humain qui était attendu. Deplus, ces cours ne sont pas financièrement accessibles à tous : le soutienscolaire privé à grande échelle exacerbe donc les inégalités sociales.Certains affirment aussi qu’il exerce un effet négatif sur le systèmeéducatif classique. Dans certains cas, le soutien scolaire privé organisépar des enseignants titulaires d’une classe peut devenir une sorte dechantage, si ceux-ci réservent à leurs cours privés l’enseignement dessujets les plus importants.

Quelles sont les grandes options politiques ouvertes auxplanificateurs et décideurs ? Dans l’idéal, il faudrait consacrer davantagede ressources à l’éducation en général : si les salaires des enseignantspouvaient être augmentés, ces derniers seraient moins incités àrechercher des revenus complémentaires ; si l’argent aujourd’huiconsacré aux cours privés pouvait être investi dans le système éducatif,cela serait bénéfique à tous. Cependant, il n’est pas sûr que cesmesures puissent mettre un terme au développement de ces cours, siles systèmes et les examens restent aussi sélectifs. De plus, nombreuxsont les États qui ne peuvent pas augmenter de manière significativeles ressources qu’ils consacrent à l’éducation.

Dans les sociétés contemporaines, de plus en plus fondées sur lesavoir et soumises à la mondialisation, où les pays et les entreprisesentrent en concurrence sur la base de la qualité de leur main-d’œuvre,

Préface

Les effets possibles de la mondialisation sont multiples et d’une grandeportée en raison de l’ampleur et de la nature du phénomène. Lamondialisation a une incidence majeure sur les économies régionale etnationale qui affectent, à leur tour, la capacité de croissanceéconomique, les ressources disponibles, les besoins de l’emploi et lerôle de l’État. Aussi a-t-elle des conséquences sur le développementdes systèmes éducatifs que l’on ne mesure pas pleinement. C’estpourquoi, dans bien des cas, elle a tendance à devenir un prête-nomaux yeux des responsables des politiques d’éducation. Les forces etles facteurs les plus divers sont désormais attribués à la mondialisationet à ses contrecoups. S’il est vrai qu’un grand nombre d’évolutions –que l’on ne saisit pas encore très bien – sont dues à ce phénomène,force est de constater que les politiques ont besoin d’instrumentsconceptuels pour discerner ce qu’est réellement la mondialisation etquelles véritables répercussions ils peuvent en attendre.

Martin Carnoy analyse les conséquences directes ou indirectesde la mondialisation sur les systèmes éducatifs ; à travers une étudetrès approfondie, il analyse quelques-uns des thèmes apparus cesdernières années, notamment :

• L’évolution du marché de l’emploi et du système éducatif enraison d’une nouvelle demande de main-d’œuvre capable deproduire des biens de consommation à haute valeur ajoutée.

• La demande de crédits supplémentaires pour l’éducation quis’ensuit dans une conjoncture politique hostile à l’expansion durôle du secteur public.

• Les conséquences de la décentralisation et de la privatisation quisont souvent considérées comme le moyen le plus efficaced’assurer la qualité et la souplesse dans une économie mondialisée.

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Préface

• La multiplication des évaluations transnationales des systèmeséducatifs.

• L’adoption massive des technologies de l’information pour donnerà de nouveaux groupes cibles la possibilité de s’instruire et pouraméliorer la qualité de l’éducation grâce à l’enseignement assistépar ordinateur et l’accès à Internet. L’enseignement lui-mêmedevient un nouveau champ de la mondialisation. On peut sedemander quels sont les effets, pour les programmes universitairesdu sud, de la prolifération des cours et des programmesd’enseignement et de formation qui sont accessibles sur le web àl’instigation des universités de certains pays industrialisés.

• La transformation de la culture et « la lutte pour le sens et lavaleur de la connaissance » qui en découle.

L’analyse que fait Martin Carnoy enrichit grandement le domainede la planification de l’éducation. Par son examen critique des tendancesactuelles, il apporte des éléments essentiels au débat sur la privatisationet la commercialisation du financement et de la gestion de l’éducation,les conséquences plus étendues des évaluations de la qualité del’éducation et les effets réels des avancées technologiques dans lesécoles des pays en développement.

La manière dont les dirigeants doivent structurer leur systèmeéducatif et la stratégie qu’ils doivent élaborer pour préparer leur paysà se conformer et à faire face à la mondialisation est un aspect importantqui dépend manifestement de la situation économique et du degré dedéveloppement économique national. Le message est clair : chaquepays doit investir de plus en plus dans ses ressources humaines etdans un enseignement et une formation de qualité à tous les niveaux.

Cet ouvrage forme la pierre angulaire d’une série d’étudesapprofondies sur les aspects de la mondialisation et ses ramificationsau niveau de la planification et de l’élaboration des politiquesd’éducation.

Françoise CaillodsCo-rédacteur en chef

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Table des matières

Préface 9

Introduction 13

I. Où en est la mondialisation ? 19

II. L’impact de la mondialisation sur l’emploi 25

La main-d’œuvre et la mondialisation 25Les marchés mondialisés et la mondialisation des savoirs 28La mondialisation et l’organisation du travail 35La mondialisation et l’inégalité des salaires 38

III. L’impact de la mondialisation sur les stratégiesde réforme de l’éducation 41

Les réformes fondées sur la compétitivité 41Les réformes fondées sur les impératifs financiers 45Les réformes fondées sur l’équité 49

IV. L’articulation des réformes de l’éducationdans l’économie mondiale 52

Mode d’interprétation de l’ajustement structurelet de la réforme de l’éducation 52La décentralisation 58La privatisation 62L’articulation des réformes et son impactsur la production des savoirs 64

V. L’impact de la mondialisation sur les pratiques éducatives 67

La mondialisation et la culture de l’évaluationdes apprentissages 67La mondialisation et son impact sur le corps enseignant 75La technologie de l’éducation 78

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Table des matières

VI. La mondialisation et l’identité culturelle 84

VII. Stratégies éducatives pour une économie globale 91

Bibliographie 97

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Introduction

Des bouleversements historiques sont en train de transformer la viedes peuples des pays développés et de la plupart des pays endéveloppement. Les économies nationales et même les culturesnationales se mondialisent. La mondialisation dépasse la simpleconcurrence entre plusieurs entreprises d’une même ville ou d’unemême région. Les horticulteurs californiens doivent faire face auximportations costariciennes, équatoriennes ou chiliennes expédiées paravion en une journée à des milliers de kilomètres de là. Lamondialisation signifie aussi que l’investissement, la production etl’innovation d’un pays ne s’arrêtent pas aux frontières nationales.Tout, y compris les relations familiales et amicales, s’organiseprogressivement autour d’une vision beaucoup plus abrégée de l’espaceet du temps. Des entreprises implantées en Europe, aux États-Unis ouau Japon peuvent fabriquer des puces électroniques à Singapour, fairede la saisie de données en Inde ou en République populaire de Chine,délocaliser des tâches administratives en Irlande ou au Mexique etvendre leurs produits dans le monde entier sans guère se soucier del’éloignement ni de la diversité des cultures concernées. Même lesenfants qui regardent la télévision ou écoutent la radio reconceptualisentleur « univers » à travers le sens qu’ils attachent à la musique,l’environnement, les sports, la race ou le caractère ethnique.

L’économie globale n’est pas l’économie mondiale, phénomènequi existe au moins depuis le XVIe siècle (Braudel, 1979). L’économieglobale est plutôt une économie dont les activités stratégiques,fondamentales, comme l’innovation, les finances et la gestiond’entreprise, fonctionnent à l’échelle planétaire en temps réel (Carnoyet al., 1993 ; Castells, 1996)1. Et cette globalité est récemment devenuepossible grâce aux moyens techniques qu’offrent lestélécommunications, les systèmes informatiques, la microélectronique

1. Le temps réel, en langage du spectacle, est le « direct », ce qui veut dire que lesinformations sont échangées ou communiquées au fur et à mesure qu’elles sontproduites.

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Mondialisation et réforme de l’éducation :ce que les planificateurs doivent savoir

et les transports informatisés. Aujourd’hui, même par opposition à cequi se passait il y a vingt ans, le capital, la technologie, la gestion,l’information et les marchés intérieurs se globalisent.

La mondialisation, associée aux nouvelles technologies del’information et aux mécanismes novateurs qu’elles suscitent, est entrain d’entraîner une révolution dans l’organisation du travail, laproduction de biens et de services, les relations internationales et mêmela culture locale. Aucune population n’est exempte des effets de cetterévolution qui transforme le principe même des relations humaines etde la vie sociale.

Deux des fondements essentiels de la mondialisation sontl’information et l’innovation qui exigent à leur tour beaucoup dematière grise. Les industries de l’information internationalisées et àforte croissance produisent des biens et des services cognitifs. Lesmouvements massifs de capitaux qui s’opèrent actuellement reposentsur l’information, la communication et le savoir sur les marchésmondiaux. Et comme le savoir est hautement transférable, il se prêteaisément à la mondialisation.

Si le savoir est essentiel à la mondialisation, la mondialisation doitcertainement avoir une profonde incidence sur la transmission dusavoir. Certains prétendent qu’il n’en est rien, mettant en doute lacapacité de la mondialisation à pénétrer la production et la transmissiondes connaissances influencées par les cultures locales (voir, parexemple, McGinn, 1997). Il est vrai que, dans bien des pays, l’éducationsemble avoir peu évolué au niveau de l’école, même dans les pays lesplus actifs au sein de l’économie mondiale et de l’ère de l’information.Au-delà de l’usage ponctuel de l’ordinateur en classe, les méthodesd’enseignement et les programmes scolaires nationaux restentquasiment inchangés. La décentralisation de l’administration et dufinancement de l’éducation, une des principales réformes de l’éducationassociées à la mondialisation, semble même n’avoir aucun effet oupresque sur l’enseignement scolaire.

Cet ouvrage prouve le contraire. Il affirme que la mondialisationa une incidence profonde sur l’éducation à des degrés très divers etque, à l’avenir, ce phénomène sera d’autant plus perceptible que les

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Introduction

nations, les régions et les localités saisiront pleinement le rôlefondamental des institutions éducatives, non seulement pour transmettreles connaissances nécessaires à l’économie mondiale, mais aussi pourréinsérer les individus dans de nouvelles sociétés construites autourde l’information et du savoir.

Pour apprécier ce rôle, il est nécessaire de distinguer les effets dela mondialisation en tant que telle sur l’éducation et ceux d’uneidéologie étroitement associée et propice au développement del’économie mondiale selon une certaine orientation. Cela n’est pasfacile. Par exemple, la décentralisation dans l’éducation peut être unemanifestation de la mondialisation au sens où cette dernière modifie lepouvoir politique de l’État. Mais la décentralisation peut aussi être lefruit d’une idéologie qui considère la bureaucratie étatique comme unobstacle inhérent à l’essor du secteur privé. Pour rendre une politiqueéducative efficace dans un contexte mondialisé, il faut essayer defaire la distinction entre les conséquences de l’évolution de la capacitéde l’État à gérer efficacement l’éducation et les exigences d’un systèmeidéologique antiétatique qui inclut la décentralisation, mais ne s’y limitepas. Les limites du pouvoir étatique obligent à réformer la gestion del’éducation, mais les réactions politiques idéologiques peuvent aisémentrendre le système éducatif moins efficace.

L’analyse présentée ici va bien au-delà de l’impact de lamondialisation sur le milieu scolaire. La méthode d’enseignementdispensée en classe est un aspect important de la production de savoiret la classe semble grandement épargnée par la mondialisation. Maiselle ne représente qu’une partie du processus de production deconnaissance et, comme l’affirme l’auteur, elle est subtilementtransformée par les forces de la mondialisation. En analysant le véritablerapport entre la mondialisation et les réformes de l’éducation, il nousfaut savoir en quoi la mondialisation et son corps de doctrinesconditionnent l’ensemble de la scolarité.

En s’appuyant sur cette plus vaste interprétation, on constateque la mondialisation a véritablement une incidence majeure surl’éducation de cinq manières différentes :

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Mondialisation et réforme de l’éducation :ce que les planificateurs doivent savoir

• La mondialisation a un réel impact sur l’organisation du travail etl’activité professionnelle à travers le monde. La progressionfulgurante de la demande touche les produits dont la fabricationexige un haut niveau de qualification. Le travail en vient às’organiser autour de la notion de flexibilité. Les travailleurschangent souvent plusieurs fois d’activité au cours de leur vieprofessionnelle et ont tendance à être de plus en plus polyvalents.Cela se traduit par une pression pour élever le niveau moyend’instruction de la population active et permettre plus facilementaux adultes de retourner à l’école pour acquérir de nouvellescompétences. Les crédits affectés à l’enseignement supérieuraugmentent partout dans le monde du fait des nouvelles orientationsde la production économique tournée désormais vers des produitset des procédés à forte intensité de savoir, mais aussi parce queles pouvoirs publics adoptent parfois une politique qui favorisel’inégalité des revenus. L’élévation des revenus relatifs despersonnels plus qualifiés accroît les demandes d’inscriptionsuniversitaires, incitant les gouvernements à développerl’enseignement supérieur tout en augmentant le nombre dediplômés du second degré qui sont prêts à entrer à l’université.Dans les pays auparavant réticents à offrir aux jeunes filles uneégalité d’accès à l’éducation, le besoin d’une main-d’œuvre plusqualifiée et peu coûteuse a tendance à augmenter les chancesd’instruction de la population féminine.

• Les gouvernements des pays en développement sont ainsicontraints d’augmenter leurs dépenses d’éducation pour se doterd’une population active plus instruite. Un système éducatif bienstructuré et des travailleurs plus qualifiés peuvent contribuer àattirer des capitaux de financement globalisés qui jouent un rôlede plus en plus important dans l’économie mondiale. Mais cescapitaux ont aussi des intérêts économiques à court terme quiincitent à restreindre le secteur public. Ils ont aussi tendance àfavoriser le secteur privé. Le corps de cette idéologie stimuléepar les mouvements de capitaux globaux contraint lesgouvernements à freiner la croissance des dépenses publiquesd’éducation et à trouver d’autres sources de financement pourassurer le développement de leur système éducatif. Ce projet

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Introduction

plus vaste de restriction de la dépense publique d’éducation risqued’empêcher les États de choisir les moyens les plus efficaces dedévelopper et d’améliorer l’enseignement dans le cadre de lanouvelle économie mondiale.

• La qualité des systèmes éducatifs nationaux est de plus en plussouvent comparée d’un pays à l’autre. Les matières les plus priséessont les mathématiques et les disciplines scientifiques, l’anglaisen première langue étrangère et les techniques de communication.Les tests et les normes participent d’un effort de responsabilisationqui consiste à mesurer la production de matière grise et à utiliserces données pour évaluer les performances des gestionnaires del’éducation et des enseignants. Cependant, la manière d’utiliserles tests pour « améliorer la qualité » est largement influencéepar la conjoncture politique et les objectifs du systèmed’évaluation. Une fois encore, pour mener une politiqueperformante d’amélioration de l’éducation, il convient de séparerclairement le contenu idéologique et politique du programmed’évaluation du contenu de la gestion de l’éducation.

• L’informatique a été progressivement introduite dans le systèmeéducatif, tant pour essayer d’augmenter la quantité d’instructionà moindre coût, grâce à l’enseignement à distance, que pour donnerune éducation de meilleure qualité (à un coût supérieur), grâce àl’enseignement assisté par ordinateur et à l’usage d’Internet. Tousles pays ou presque commencent seulement à se familiariser aveccette nouvelle technologie, mais on ne peut pas sous-estimer sesapplications futures dans l’enseignement, d’autant plus qu’ellepermet de tisser des liens entre les élèves des plus petites localitésde chaque pays et le reste de la planète.

• La mondialisation des réseaux d’information signifie la mutationde la culture planétaire. Mais elle signifie aussi que de nombreusescatégories sociales se sentent marginalisées par les valeurscommerciales de cette nouvelle culture. Elles luttent contre laglobalisation de l’économie en affirmant des valeurs culturellesqui peuvent, elles-mêmes, avoir un caractère global (d’un côté,l’intégrisme religieux, par exemple, et de l’autre, les mouvements

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féministes et écologistes postmodernes), mais qui sont, en mêmetemps, farouchement opposées aux marchés. C’est là un nouveautype de combat sur la signification et la valeur de la connaissance,qui a aussi des répercussions sur l’organisation du systèmeéducatif.

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I. Où en est la mondialisation ?

La notion de mondialisation suscite de vives polémiques. Le débat estessentiellement axé sur la question de savoir si les institutionstransnationales ont pris la place des économies nationales et des Étatscomme lieu du développement mondial. L’argument qui s’oppose à lathèse de la mondialisation se fonde sur deux assertions majeures (Amin,1998) : la première avance que les firmes « transnationales » ne sontpas transnationales mais « multinationales » (Carnoy, 1993)2. Lequalificatif « transnationales » signifie qu’elles dépassent le territoirenational. Le terme « multinationales » indique qu’elles ont des bureauxdans un grand nombre de pays mais qu’elles conservent une très largepart de leur actif dans le circuit de leur économie nationale. La santédes multinationales est donc largement tributaire de la politiqueéconomique nationale. Par exemple, IBM, la plus transnationale detoutes les grandes compagnies, avec son réseau global d’innovation etsa gestion des plus internationalisées, s’est embrouillée dans de gravesdifficultés au moment où son centre d’activités aux États-Unis a étéfrappé par la récession de 1990-1992. Seule la restructuration complètedu siège d’IBM lui a permis de se relancer. De même, les banquesjaponaises, pour la plupart multinationales et très prospères dans lesannées 1980, connaissent des moments difficiles depuis leralentissement de l’économie nippone. Cela laisse à penser que cesgrands groupes mondiaux se situent toujours nationalement puisqueleurs activités essentielles n’arrivent toujours pas à transcender la santééconomique de leur siège principal.

Le second argument à l’encontre de la mondialisation est que laréglementation de l’économie nationale demeure la principale formed’intervention et de contrôle économiques de l’État. Cela s’expliquedu fait qu’une grande part de l’activité économique d’un pays restepresque entièrement confinée à l’intérieur de ses frontières et n’estévidemment pas mondialisée (santé, logement, éducation, commerce

2. Pour avoir une première définition des firmes transnationales, voir Barnet etMuller (1974).

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de gros et de détail, restaurants, débits de boissons et autres services).Si les États choisissent de ne pas exercer leur pouvoir de réglementationet de redistribution, c’est parce qu’ils sont soumis à des pressionsintérieures généralement orchestrées par des capitaux nationaux etnon transnationaux.

Ces affirmations sont infondées, bien qu’elles soient une critiquevalable de ceux qui prétendent que l’économie nationale et l’État n’ontplus d’importance. Certes, la multinationalisation s’est accélérée – lessociétés multinationales représentent désormais le tiers de la productionéconomique mondiale et les deux tiers du commerce global, dont 32 %proviennent des échanges commerciaux intra-entreprises qui n’entrentpas dans les statistiques officielles du commerce (CNUCED, 1993).Mais l’essence de la mondialisation n’est pas rigoureusement contenuedans les chiffres du commerce et de l’investissement, ni dans le tauxnational de l’économie nationale, mais dans une nouvelle conceptionde l’espace et du temps économique et social. Les entreprises, lesactifs, les étudiants, voire les enfants qui regardent la télévision ouconsultent Internet à l’école, reconceptualisent leur « monde », qu’ilsoit défini comme un marché, un lieu de production, un lieu de travail,une source d’information, un espace de loisir ou une source deproblèmes environnementaux. La reconceptualisation de l’espace etdu temps que Manuel Castells appelle « l’espace des flux » (Castells,1996) s’explique en partie à travers l’Histoire (les guerres mondialesayant, par exemple, élargi l’espace géopolitique des nations) et lesprogrès temporels de la technologie « ordinaire », telle la rapidité destransports. Mais la reconceptualisation est aussi profondémentinfluencée par les nouvelles technologies de l’information et de lacommunication qui permettent l’échange des savoirs en temps réelentre les points les plus éloignés de la planète. Les réseauxd’information s’individualisent de plus en plus, et cela a aussi uneincidence profonde sur le mode de transmission et d’interprétationdes connaissances et de l’information, et sur la manière dont s’organisela vie sociale. Un entrepreneur qui travaille à domicile peut avoir accèsà une masse de données sur les marchés, les produits, les prix et lescontacts avec d’autres producteurs du monde entier sans devoir passerpar des intermédiaires. À l’école, les élèves peuvent communiquerinstantanément par courrier électronique avec les élèves de pays

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Où en est la mondialisation ?

lointains, ce qui les rapproche à la fois en temps réel et dans l’espace.Les consommateurs ou les organisateurs politiques ont le monde àportée de main pour un coût modique (et en baisse constante) qui leurpermet de recevoir ou de transmettre des informations dans leurdomaine d’activité. Cela crée d’énormes possibilités d’interactionplanétaire tout en développant la capacité individuelle à obtenir etinterpréter l’information.

Le pouvoir de l’État est-il affaibli par la mondialisation ? Oui etnon. Oui, car la concurrence économique mondiale incite les États àpromouvoir une politique économique qui favorise la compétitivitéglobale au détriment d’une politique qui stabilise la configuration del’économie nationale, voire la cohésion sociale (Castells, 1997). Oui,car l’État est obligé de rendre l’économie nationale attractive pour lamasse des capitaux en mouvement à travers le monde dans « l’espacedes flux », ce qui peut conduire à une réorientation du budget et de lapolitique monétaire avec des mesures moins favorables aux actifs etaux consommateurs qu’aux bénéficiaires d’intérêts financiers. Lamondialisation oblige les États à jouer plus un rôle de promoteur de lacroissance pour leur économie nationale que de protecteur de l’identiténationale ou d’un projet nationaliste. Le « projet » de l’État-nation atendance à se limiter à accroître la hausse du profit matériel totalévalué à l’échelon national, alors qu’il prête beaucoup moins d’attentionà la promotion de « l’égalité de traitement » entre les différents groupesethniques implantés à l’intérieur des frontières nationales ou desrégions. L’État est de plus en plus enclin à transférer le pouvoir auxautorités locales et régionales et il est de moins en moins apte à nivelerles intérêts des diverses identités représentées en son sein. Il renvoieles problèmes de conflit ethnique au niveau local et limite peu à peu saresponsabilité au développement économique qui permet aux individusd’améliorer leur bien-être matériel et de former des réseaux sociauxplus étendus. Nous verrons, par la suite, que la capacité réduite del’État-nation à gérer les conflits ethniques et les disparités économiquescroissantes se manifeste alors même que la mondialisation marginalisedavantage de nombreux groupes qui ne sont pas armés pour undéveloppement économique fondé sur le savoir. Cela engendre denouveaux mouvements sociaux contre l’État et donne l’occasion dereconceptualiser l’enseignement public en plaçant l’école au centre

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des nouvelles communautés de pensée construites autour del’information et de la connaissance.

Certains analystes vont même jusqu’à affirmer que l’Étatmondialisé deviendra « virtuel ». Il sera alors moins soucieux derenforcer sa capacité de production que d’investir dans les ressourceshumaines et de déterminer une stratégie économique globale(Rosencrance, 1996). L’État virtuel est le lieu de production quiencourage et stimule les investissements de l’intérieur comme del’extérieur au bénéfice des activités de production. Mais il constateque pour avoir une économie nationale prospère, sa production n’apas besoin de venir de l’intérieur ; il se spécialise dans la recherche etle développement, la conception, les réseaux, les logiciels de loisir etde communication, et les services financiers. Le rôle de l’État est denégocier les investissements de ses entreprises au-delà des frontièresnationales et d’attirer les investisseurs étrangers sur son territoire. L’Étatest une entité négociatrice qui utilise ses compétences diplomatiqueset commerciales pour mieux amortir la formation des ressourcesnationales.

Non, le pouvoir de l’État n’est pas affaibli par la mondialisationcar, en définitive, il ne cesse d’influencer l’espace territorial et temporeloù doit s’investir le capital et où la plupart des acteurs économiquessont habilités à agir globalement3. L’argument de Peter Evans,

3. Le problème majeur du déclin de l’État-nation est de distinguer la réalité objective(accroissement des flux financiers mondiaux, développement du commerceinternational au sein et entre les multinationales, déclin de la fonction publique)de la position idéologique stimulée par ces mêmes intérêts financiers. Lesmultinationales qui occupent une place aussi prépondérante dans la mondialisationque les États-Unis, et les organisations internationales cherchent à étendre leurpouvoir sur le principe d’un ordre économique mondial. Selon Peter Evans,« l’effet d’un consensus idéologique mondial (parfois si justement qualifié de« consensus de Washington ») sur l’État va bien au-delà des contraintes imposéespar n’importe quelle logique structurelle de l’économie internationale... La logiqueéconomique de la mondialisation ne prescrit pas l’éclipse [de l’État]. Nonseulement la mondialisation permet plus difficilement à l’État de prendre desinitiatives économiques, mais elle amplifie aussi les retombées potentielles deson action réelle et les coûts de l’incompétence. Mais si l’on observe lamondialisation à travers le prisme de l’ordre idéologique mondial, on se rendcompte qu’elle entraîne logiquement la négation de l’État. Cet ordre idéologiquemondial s’étend à son tour, tant du fait des préjugés et de l’idéologie des acteursmondiaux dominants que d’une logique d’intérêts. » (Evans, 1997, p. 72-74)

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Où en est la mondialisation ?

également exposé par l’auteur, est le suivant : pour maximiser les profitset protéger leur rendement, s’agissant en particulier du capitalintellectuel, les firmes et les capitaux mondialisés ont besoin d’unappareil d’État efficace et d’une société civile bien développée quioffrent un marché en expansion, des conditions politiques stables etun investissement public régulier en capital humain (Evans, 1997 ;Carnoy, 1993). Les études des années 1980 et du début des années1990 révèlent que les régimes interventionnistes bien organisés desnouveaux pays industrialisés (NPI) d’Asie représentent un élémentessentiel de leur rapide croissance économique (Amsden, 1989 ; Evans,1995 ; Banque mondiale, 1993). Bien que le rôle interventionniste del’État ait été irrévocablement transformé par la crise économique quetraverse actuellement l’Asie, les capitaux d’investissementsinternationaux et locaux ne cessent d’exiger une réglementation de lapart de l’État et d’autres mesures cohérentes pour restaurer la confiance.Et au-delà du fait que les bureaucraties étatiques sont un élémentnécessaire à la réglementation et à la protection des actifs desentreprises, il est probable que les sociétés ayant une forte identiténationale et une cohésion de groupe procurent une stabilité qui permetde mesurer le risque financier avec précision, d’accroître la productivitégrâce à des innovations dans la production en équipe et d’avoir desétablissements scolaires qui fonctionnent de manière assez satisfaisante.

Les coûts sociaux des États faibles sont parfois bien supérieurs àce qu’imaginent ceux qui tiennent le plus à ce que l’État ne soit pas« sur le dos des gens ». Certains analystes qualifient de « capitalsocial » ce contexte sous-jacent de l’interaction économique et sociale(Coleman, 1988). D’autres misent tout sur la « confiance »(Fukuyama, 1995). Même la Banque mondiale, censée être unétablissement financier international, a « redécouvert » l’importancede l’État-nation pour le capital social (Banque mondiale, 1997). UnÉtat bien structuré et efficace, qui surveille les « règles du jeu » etapplique une politique économique et sociale cohérente, attire descapitaux et une main-d’œuvre très qualifiée. Un État inefficace lesrepousse.

À l’ère de l’information mondiale, une stratégie éducative a encorebesoin d’être, au moins en partie nationale, surtout dans les pays

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marqués par la diversité et l’inégalité économique entre les régions.Mais, comme nous le verrons ultérieurement, la stratégie la plusproductive pour l’État-nation, dans l’économie mondiale, consiste sansdoute à devenir plus régulatrice, informative et « égalisatrice » au lieud’administrer le système depuis le sommet de la hiérarchie.

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II. L’impact de la mondialisation sur l’emploi

La main-d’œuvre et la mondialisation

Peut-on parler d’une mondialisation de l’emploi ? À l’exceptiondes couches supérieures de la population active en général et despersonnels peu qualifiés dans certaines régions du globe, cela ne semblepas être le cas. En 1993, malgré la panique mondiale suscitée par le« flot » d’immigrants, seul 1,5 % (soit 80 millions) de la populationactive du globe travaillait en dehors de son pays d’origine et – chosesurprenante – la moitié était concentrée en Afrique subsaharienne etau Moyen-Orient (Campbell, 1994). Dans la même année, la librecirculation des citoyens au sein de l’Union européenne a amenéseulement 2 % de ses ressortissants à travailler dans un autre pays del’Union. Ce taux est resté inchangé depuis le milieu des années 19804.Contrairement à l’idée répandue dans l’opinion publique américaineet européenne, relative à l’invasion de la main-d’œuvre bon marchéen provenance des pays du Sud et de l’Est, le nombre d’immigrés surl’ensemble de la population dépassait les 5 % uniquement en Allemagne(près de 7 %) et en France, ce pourcentage était plus faible en 1992qu’en 1986. Au Royaume-Uni, il était légèrement supérieur à celui de1986 (Carnoy et Castells, 1997, Appendice I). La société américainea toujours été une société d’immigrés et les tendances actuellescorrespondent à une époque antérieure d’immigration libre (Portes etRambaut, 1996). Toutefois, le grand problème de l’immigration auxÉtats-Unis et en Europe est moins celui du nombre que de lacomposition ethnique des populations immigrées. De nos jours, il y amoins d’immigrés européens et les taux de natalité plus élevés chezles immigrés non européens une fois établis dans leur pays d’accueilrendent les sociétés de plus en plus multiculturelles et pluriethniques.

Bien que la « coloration » des sociétés où prédomine la raceblanche ne va pas forcément de pair avec la globalisation du marché

4. Newsweek, édition spéciale sur « L’emploi », 4 juin 1993.

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du travail, la multiculturalisation accrue des sociétés eurocentriquesen est une manifestation notoire. Aux États-Unis, par exemple, lesentreprises soutiennent largement l’élan politique favorable àl’immigration des travailleurs à faible et haut niveau de qualification.Il n’est pas surprenant que les sociétés d’informatique soient l’un desgroupes de pression qui militent le plus activement en faveur del’immigration. Elles se retrouvent avec une offre massive d’ingénieurset de programmeurs hautement qualifiés de l’Inde, de la Chine et del’Europe, qui peuvent répondre à leurs besoins moyennant un salaireinférieur à celui exigé par les techniciens américains les plus pointus.Désormais, les universités américaines (et japonaises) sont aussilourdement tributaires de jeunes scientifiques et ingénieurs étrangersqui viennent faire de la recherche sur des projets financés par legouvernement (Carnoy, 1998). Beaucoup de pays ont, eux aussi,intérêt à envoyer leurs étudiants (et leur main-d’œuvre peu qualifiée)aux États-Unis, en Europe ou au Japon, pour qu’ils acquièrent unsavoir et soient formés aux techniques les plus récentes, et pour queles travailleurs émigrés soient mieux payés et renvoient de l’argentdans leur pays. Mais certaines économies, comme celles d’Afriqueaustrale et occidentale ou des États insulaires des Caraïbes, voientleurs meilleurs éléments s’exiler vers l’Europe et les États-Unis. Laperte régulière d’une main-d’œuvre hautement qualifiée qui s’expatrieaux États-Unis et en Europe (fuite des cerveaux) donne à ces pays lesentiment que l’argent ainsi renvoyé chez eux est une compensationinsuffisante au regard de leur contribution potentielle.

Même si le mouvement global de la main-d’œuvre n’a pas lemême degré d’intensité que celui des capitaux et des biens, la nouvelledynamique du commerce et de l’investissement, lancée par les firmesmultinationales et les réseaux des sociétés transnationales, a accrul’interdépendance des marchés du travail (Bailey et al., 1993).Certains économistes prétendent que l’impact du commerce surl’emploi et les salaires dans les économies développées est très faible(Krugman et Lawrence, 1994)5, mais la plupart sont convaincus quele commerce extérieur a un impact remarquablement négatif sur lessalaires des travailleurs moins instruits (Bluestone, 1995). D’aprèsune évaluation, la main-d’œuvre qualifiée du Nord a bénéficié du

5. Pour une réponse, voir Cohen, 1994.

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processus de globalisation entre 1960 et 1990, tant au niveau del’emploi que des salaires, alors que la main-d’œuvre non qualifiée aété pénalisée dans la concurrence venant des pays en développement.Au Nord, on a enregistré une chute de 20 % de la demande de main-d’œuvre non qualifiée, assortie d’une baisse des salaires (Wood, 1994).On a constaté, par ailleurs, que le potentiel de mobilité des entreprisesdans l’économie globale donne à la gestion une influence plus grandedans les négociations sur les concessions de la population active duNord (Shaiken, 1993). Même si les effets indirects de la mondialisationne sont pas toujours visibles, ils ont une incidence réelle sur le coursdes négociations. Ils ont tendance à réduire l’excédent économique demain-d’œuvre tout en préservant les emplois difficilement exportables,comme ceux qui nécessitent des qualifications supérieures ouappartiennent à la catégorie des services non commercialisables.

Aussi, même en l’absence d’unité du marché global du travail oude main-d’œuvre globale, il y a une interdépendance de l’emploi globaldans l’économie globale. Cette interdépendance s’exprime par uneintégration accrue de l’emploi à travers le monde. Les sociétésmultinationales considèrent le monde comme leur marché du travailet s’organisent autour des structures de l’emploi et de l’innovation àl’échelle planétaire. Par exemple, une société comme Oracle, l’un desgrands créateurs de logiciels dont le siège est dans la baie de SanFrancisco, a des filiales en Europe et en Inde. Ces dernières sontorganisées de manière à exécuter des tâches semblables et cependantdifférentes, comme le recrutement des créateurs de logiciels les pluschevronnés au siège de San Francisco. Cette interdépendance est doncmarquée par une segmentation hiérarchique de la main-d’œuvre, quicontinue de se manifester entre les pays, mais une segmentation quidépasse peu à peu les frontières pour prendre une dimension planétaire.

Cette segmentation a une importante signification pour lesplanificateurs de l’éducation nationale, surtout en ce qui concernel’enseignement universitaire. Comme nous l’avons déjà dit, l’Afriquedu Sud investit beaucoup dans l’enseignement supérieur pours’apercevoir, en définitive, que bon nombre de ses meilleurs étudiantss’en vont en Europe après avoir terminé leurs études. D’autre part,un nombre croissant d’Africains très qualifiés des autres pays ducontinent tentent de venir en Afrique du Sud afin de poursuivre leurs

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études et de trouver un emploi. La « fuite des cerveaux », qui resteun problème pour les pays en développement, risque de s’accentueravec la mondialisation. Si un pays comme l’Afrique du Sud entenddevenir un pôle de développement dans cette économie globale, lesplanificateurs doivent élaborer une stratégie qui utilise et forge laposition de leur nation dans la segmentation globale6.

Les marchés mondialisés et la mondialisationdes savoirs

La segmentation transfrontalière signifie, dans la pratique, que lamondialisation de la finance et de l’investissement crée une demandeglobale portée sur certains types de savoirs, notamment l’anglais, leraisonnement mathématique, la logique scientifique, la programmation,associés aux degrés supérieurs de l’enseignement. Les sociétéstechnologiques globalisées, à vocation scientifique, s’intéressent deplus en plus aux chercheurs et aux ingénieurs formés au moins enpartie dans les universités des nouveaux pays industrialisés (NPI) pourleurs activités d’innovation, et ce, aussi bien dans les pays développésque dans les NPI. Dans le même temps, les gouvernements,notamment ceux des NPI d’Asie, accélèrent le développement de leurenseignement supérieur scientifique et technique dans l’espoir debénéficier des fruits de l’innovation qui continue de se globaliser.

L’effet sur la formation globale ne s’arrête pas là. La formationet la recherche scientifiques et technologiques des universités des paysdéveloppés, presque entièrement placées sous l’égide des programmesnationaux de R&D financés par l’État, s’internationalisentprogressivement en insistant particulièrement sur les programmes dupremier degré dans les NPI pour les étudiants de troisième cycle(Carnoy, 1998). Les chercheurs et les ingénieurs de haut niveau quisortent de ces écoles supérieures sont disponibles pour l’innovation

6. À la fin des années 1970, Singapour a entrepris un effort systématique pourpasser d’une économie de montage électronique à une économie de R&D. Lepays a opéré cette conversion en combinant des mesures économiques (enaugmentant radicalement le salaire minimum) et des mesures éducatives(construction de parcs de R&D, investissement dans un centre de rechercheen biotechnologie à l’Université de Singapour, expansion rapide del’enseignement universitaire en sciences et ingénierie).

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globalisée, y compris dans les entreprises que possèdent et dirigent lesentrepreneurs et les gouvernements des NPI.

La politique gouvernementale d’investissement en matièred’éducation est donc à la fois fortement nationaliste mais aussi, àdessein ou non, interstitiellement coopérative et souvent intégrée dansune politique d’innovation farouchement nationaliste. L’éducation, engénéral, et l’enseignement supérieur, en particulier, sonttraditionnellement liés à des objectifs intrinsèquement nationaux, àl’exemple de la promotion de la culture nationale ou de la constructiond’une élite nationale. Mais les politiques « nationales » d’investissementen éducation sont également très internationalisées. Même dans lespays qui cherchent intentionnellement à créer l’avantage absolu avecun système national d’innovation, les scientifiques sont régulièrementformés dans les pays développés où ils peuvent travailler dans lescentres de recherche de sociétés globalisées. Ainsi, les efforts récentsdes États axés sur les disciplines scientifiques et techniques dansl’enseignement supérieur – malgré leur intention de profiter des apportsde l’innovation – ont abouti indirectement, et peut-être parinadvertance, à une nouvelle forme de coopération interstitielle dansl’innovation globale. Ce type de coopération procure aux entreprisesmondiales et aux gouvernements des pays développés de nouvellessources de capital humain scientifique pour la recherche fondamentaleet appliquée. Et, dans de « bonnes » conditions, cette même politiqued’éducation peut aussi soutenir leur objectif délibéré d’aider les paysà créer l’avantage absolu.

Le nombre croissant de scientifiques et d’ingénieurs de hautniveau, originaires des NPI et formés dans des centres d’innovation,incite davantage les gouvernements de ces pays à se lancer dans unestratégie d’innovation nationaliste agressive. Certaines stratégiesd’innovation se fondent sur l’innovation propre aux entreprisesglobales ; d’où leur nature farouchement nationaliste pour la simpleraison qu’elles font appel à des personnels scientifiques et techniquesformés sur place pour gagner une partie des avantages de l’innovation.Mais d’autres pays adoptent des stratégies d’innovation véritablementnationales. Ce sont des tentatives visant à développer des pôlesd’innovation autonomes qui rivalisent avec des innovateurs mondiauxdéjà en place.

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La demande globalisée afférente à certains hauts niveaux decompétence exerce une pression accrue sur les résultats des diplômésde l’enseignement supérieur à travers le monde, en particulier dansles économies les plus étroitement liées au processus de mondialisation.Au cours des cinquante dernières années, la plupart des pays ontconnu un essor fulgurant de leurs systèmes éducatifs primaire etsecondaire. Ce n’est pas vrai partout. Mais grâce à l’idéologie répanduequi veut que l’éducation de base soit reconnue comme un droit pourles enfants, les contraintes budgétaires de nombreux pays endettés,comme ceux d’Amérique latine, ne les ont pas empêchés de développerl’accès à l’enseignement primaire et même secondaire (Castro etCarnoy, 1997).

L’enseignement universitaire s’est également développé, mais étantdonné la demande globale de main-d’œuvre de haut niveau, la tendanceest à la hausse des taux de rentabilité de l’investissement dansl’enseignement supérieur, comparé aux résultats des investissementsdans le premier et le second degré. Les taux de rentabilité dont bénéficiel’enseignement supérieur sont également favorisés par les politiquesd’ajustement structurel qui tendent à privilégier l’emploi d’une main-d’œuvre très diplômée dans le secteur de l’exportation et lesmultinationales. Les estimations des taux de rentabilité de pays commeSingapour, la Malaisie, Hong Kong (Chung, 1990), la République deCorée (Ryoo et al., 1993), l’Argentine (Razquin, 1999) et d’un certainnombre de pays de l’OCDE (OCDE, 1998), indiquent que ceux del’enseignement universitaire sont souvent aussi élevés, voire supérieursà ceux du second ou du premier degré. Parmi ces études, quelques-unes ont aussi permis d’évaluer les taux de rentabilité sur plusieursannées, de 1970 à 1980 et 1990. Elles révèlent une progression destaux de rentabilité de l’université rapportés à ceux du premier et dusecond degré. L’élévation du taux de rentabilité dans l’enseignementsupérieur comparé aux autres niveaux de scolarité caractérise aussi denombreux pays où la part d’investissement relevée pour l’universitéreste inférieure à l’investissement dans le primaire et le secondaire.

L’accroissement du taux de rentabilité de l’enseignement supérieurn’est pas nécessairement lié à l’augmentation en valeur absolue durevenu réel des diplômés de l’enseignement supérieur. Leur revenuréel pourrait être constant ou même baisser, mais si le revenu des

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L’impact de la mondialisation sur l’emploi

diplômés du second et du premier degré diminue ou s’il baissedavantage que celui des diplômés de l’enseignement supérieur, le tauxde rentabilité de l’enseignement supérieur augmente au même titreque la pression exercée à ce niveau du système éducatif. Mark Blaug,Richard Layard et Maureen Woodhall ont étudié dans le passé leparadoxe des universités indiennes dont les diplômés semblaientconnaître un fort taux de chômage, alors que les demandesd’inscriptions universitaires ne cessaient d’augmenter (Blaug et al.,1969). Ils ont alors constaté que si les chômeurs étaient nombreuxparmi les diplômés de l’enseignement supérieur, il y en avait encoredavantage parmi ceux du second degré que l’on poussait à entrer àl’université. Durant ces vingt-cinq dernières années, aux États-Unis,le revenu réel des hommes diplômés des universités a connu une trèslente progression, tandis que celui des hommes diplômés du seconddegré a brusquement chuté, amenant une nouvelle surenchère desrevenus universitaires doublée d’un accroissement des effectifs del’enseignement supérieur.

Par conséquent, la mondialisation profite peut-être seulement entermes relatifs aux diplômés de l’enseignement supérieur, mais lesrépercussions sur la politique d’investissement dans l’enseignementgénéral sont les mêmes que si leur revenu augmentait plus vite quecelui des jeunes ayant fait moins d’études. Il est certain que lamondialisation fait pression sur le système éducatif pour qu’il continueà s’étendre.

Mais il y a le revers de la médaille. Bon nombre d’analystesinsistent sur le fait que la mondialisation réduit la demande de main-d’œuvre non qualifiée et semi-qualifiée, que les nouvelles technologiesrisquent de réduire l’ensemble de la demande de main-d’œuvre et queles pays ont à se disputer cette demande plus restreinte en maintenantde bas salaires. Ces analystes prétendent que c’est la raison pourlaquelle les salaires réels sont en baisse (ou en très lente augmentation)dans la plupart des pays (voir, par exemple, Rifkin, 1996). Nous allonsvoir que cette analyse des effets de la mondialisation et de la nouvelletechnologie est incorrecte. L’informatisation fait disparaître denombreux emplois, tout comme l’ont fait les autres révolutions dupassé, ce qui risque d’avoir une influence sur l’investissement à courtterme dans les domaines de l’éducation et de la formation. Mais cet

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aspect du marché du travail ne supprime pas pour autant la questionla plus importante pour les stratégies de l’éducation : la mondialisationet la nouvelle technologie exigent de plus en plus de connaissances, etles nouveaux marchés de l’emploi consomment de plus en plusd’information et deviennent de plus en plus souples, désagrégateursou individualisateurs en séparant le monde du travail de la sociététraditionnelle, comme nous le verrons plus loin. Tels sont les facteursprincipaux qui continuent et doivent continuer à influencer les stratégiesde l’éducation.

Les stratégies de l’éducation doivent aussi être influencées parles conséquences sociales d’un taux de rentabilité plus élevé (sur leplan privé et social) pour l’enseignement supérieur. L’élévation dutaux de rentabilité pour les hautes études signifie que ceux qui reçoiventcette éducation profitent relativement plus de leur investissement dansce domaine que ceux qui arrêtent leur scolarité aux degrés inférieurs.Dans la plupart des pays, les étudiants qui accèdent à l’enseignementsupérieur sont également issus de classes sociales privilégiées. Ainsi,non seulement les foyers les plus aisés disposent-ils au départ d’unplus gros capital, mais, dans ces conditions, ils ont aussi un meilleurretour sur investissement. C’est là le plus sûr moyen d’accroître lesinégalités dans les sociétés déjà très inégales. En outre, les élèves decondition socio-économique (CSE) plus aisée sont ceux qui ont accèsaux « meilleures » écoles, dans des régions davantage susceptibles dedépenser plus par élève pour l’éducation, en particulier dans les écolesfréquentées par des élèves issus de milieux socio-économiques plusaisés. La compétition pour cette éducation plus rentable est d’autantplus forte que s’élève la rentabilité de l’enseignement supérieur, carl’enjeu devient plus important. Les parents de condition socio-économique aisée sont de plus en plus soucieux du choix de l’écoleque fréquentent leurs enfants, de sa réputation et de l’accès qu’elleoffre à l’enseignement supérieur. En définitive, la scolarité devientdonc plus stratifiée aux niveaux inférieurs au lieu d’être moins stratifiée,notamment en cas de financement étatique restreint. La concurrenceéconomique nationale se traduit à l’échelle planétaire par uneconcurrence sous-nationale s’agissant de l’accès des classes socialesà l’éducation.

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L’impact de la mondialisation sur l’emploi

Si la globalisation fait monter le taux de rentabilité des universitésen intensifiant la compétition pour l’accès à l’enseignement supérieur,les parents les plus instruits et les plus nantis ont tendance à dépenserplus dans le primaire et le secondaire pour s’assurer que leurs enfantsentrent à l’université. Cela veut dire que si la promotion del’enseignement privé des premier et second degrés au moyen dechèques-éducation s’inscrit dans une stratégie d’accès à l’éducation,les parents qui en ont les moyens risquent d’envoyer leurs enfantsdans des écoles privées sélectives. Même dans l’enseignement public,partout où c’est possible, les parents plus motivés et fortunésrecherchent des écoles publiques « sélectives » dont la clientèleappartient aux classes sociales les plus favorisées. Ces mêmes parents,soucieux de payer les « meilleures » écoles primaires et secondaires(souvent privées) à leurs enfants, finissent par se battre pour avoirdes universités d’État de qualité, et surtout gratuites. En Afrique, l’élite(composée en grande partie de fonctionnaires) est allée encore plusloin en essayant de maintenir un système où les étudiants reçoiventun salaire compétitif pour faire acte de présence. Bien que ce systèmesoit peu à peu démantelé, de généreux programmes de prêt continuentd’être octroyés aux étudiants qui les remboursent rarement.

Dans le même temps, la hausse des taux de rentabilité pour lesuniversités fait pression sur ces mêmes établissements pour qu’ilsacceptent davantage d’étudiants. Mais les contraintes financières liéesà l’accroissement des dépenses publiques en matière d’éducation ontamené les pays d’Amérique latine et d’Asie à développer leurenseignement supérieur en autorisant la création immédiated’universités privées, souvent financées au moins en partie par descrédits ministériels aux étudiants. Ces universités privées se fontconcurrence pour accueillir le plus grand nombre d’étudiants, mais,en réalité, les étudiants en quête d’un diplôme sont si nombreux quela compétition n’a pas besoin d’être très vive pour les attirer. Desuniversités privées de Malaisie, d’Afrique du Sud et d’autres paysfont quand même des « jumelages » avec des universités européenneset australiennes pour attirer les étudiants. La plupart d’entre eux nesont pas « assez bons » pour être admis dans les meilleures universitéspubliques, de sorte que l’université privée, les frais d’inscription etautres dépenses coûteuses leur donnent le meilleur espoir de faire

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carrière. Au Brésil, au Chili, en Colombie, en Malaisie et dans biend’autres pays, ces universités privées et lucratives ont tendance à êtredes « moulins à diplôme » pour des étudiants issus de familles à faiblerevenu plutôt qu’à revenu élevé. Les résultats escomptés pour lesétudiants des universités privées sont généralement inférieurs à ceuxdes étudiants admis dans les universités d’État les plus prestigieuses.

Outre le fait de rentabiliser les degrés supérieurs d’enseignement,la mondialisation semble avoir fait augmenter le taux de rentabilitéconcernant l’éducation des femmes. Dans bon nombre de pays, cetaux est supérieur à celui des hommes (Ryoo et al., 1993 ;Psacharopoulos, 1989). Les raisons de la participation plus active desfemmes sur le marché du travail sont complexes, mais elles sont duesà deux facteurs principaux qui sont la propagation des idées et desvaleurs féministes et la demande accrue de main-d’œuvre semi-qualifiéeà bas prix pour la fabrication de pièces électroniques et autres typesde montage dans les pays en développement. Le mouvement mondialen faveur des droits de la femme a eu pour effet de légitimer l’égalitéde l’instruction pour les femmes, la maîtrise du taux de fécondité parles femmes, la présence plus nombreuse des femmes salariées enentreprise et le droit de vote des femmes (Castells, 1997 ; Ramirez etal., 1997). La demande accrue de main-d’œuvre bon marché et lesentiment plus marqué qu’ont les femmes d’avoir les mêmes droitsque les hommes ont amené partout dans le monde un nombreconsidérable de femmes mariées à devenir salariées. Ce phénomène aengendré, à son tour, une progression de la demande d’éducation desfemmes à des degrés de plus en plus élevés. La mondialisation estdonc en train d’accentuer une tendance déjà prononcée des femmes àsuivre des études aussi poussées, voire plus poussées que les hommes.

Cela ne veut pas dire pour autant que les femmes touchent lemême salaire que les hommes. C’est rarement le cas. Cela ne veutpas dire non plus qu’elles abordent l’enseignement supérieur dans descréneaux très porteurs, comme l’ingénierie, le commerce oul’informatique. Là aussi, c’est loin d’être le cas. Les femmes sontencore terriblement sous-représentées dans les professions trèslucratives, même dans les pays les plus « féminisés », comme la Suèdeou les États-Unis. Mais la mondialisation semble amener

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L’impact de la mondialisation sur l’emploi

progressivement une nouvelle donne pour des raisons à la fois positiveset négatives. Les raisons positives sont que la souplesse d’organisationd’une entreprise commerciale exige la souplesse de la main-d’œuvre ;or, les femmes sont aussi souples, sinon plus que les hommes ; et,d’autre part, les technologies de l’information et de la communicationpropagent des idées démocratiques dans le monde entier. La raisonnégative est que les femmes sont moins bien rémunérées que leshommes presque partout dans le monde et qu’il est avantageux pourles entreprises d’employer des femmes à un salaire inférieur à celuides hommes. Et cependant, ces motifs semblent faire progresser ledegré d’instruction et le prix de la main-d’œuvre féminine. Ainsi, lepourcentage de femmes dans les facultés des sciences et lesdépartements d’ingénierie des universités augmente partout dans lemonde. Bien que cette « professionnalisation » de la femme contribuesans doute à transformer la vie familiale, elle permet néanmoins dedémocratiser la société et élève considérablement le niveau moyend’instruction.

La mondialisation et l’organisation du travail

La mondialisation et la technologie de l’information sont en trainde révolutionner le travail. Cette révolution est mal interprétée etmystifiée par les auteurs qui prétendent que les nouvelles technologiesde l’information sous-entendent une pénurie massive et croissanted’emplois, surtout parmi les plus intéressants et les plus qualifiés (cf.Rifkin, 1994). Cette affirmation est tout simplement erronée. Elledétourne l’attention de la réalité du changement qui s’opère. À mesureque les économies et les gouvernements post-industriels vont s’adapteraux nouvelles réalités, de nombreux emplois seront créés, dont laplupart (essentiellement dans les pays développés) seront trèsrémunérateurs. La croissance de l’emploi dans le monde durant lapériode d’expansion fulgurante des nouvelles technologies del’information, dans les années 1980 et 1990, s’est révélée positive.Aux États-Unis, dotés du plus grand nombre d’ordinateurs partravailleur, il y a eu près de 40 millions de créations d’emplois depuisle milieu des années 1970 et 14 millions depuis 1992. La croissancede l’emploi en Asie du Sud-Est a été encore plus rapide jusqu’à la

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crise financière de 1998 et promet de continuer avec le regain de ceséconomies (Carnoy et Castells, 1997)7.

Il n’y a aucune corrélation entre l’usage plus ou moins intensifdes moyens informatiques selon les pays et leur taux de chômage(Carnoy, 1999). À titre d’exemple, l’Espagne, qui fait moins appel àla technologie de l’information que la France, a un taux de chômagebien supérieur à elle. De même, l’usage de la technologie dans le sudde l’Italie est bien moins avancé qu’en Italie du Nord, alors que letaux de chômage y est plus élevé. L’informatisation entraîne à coupsûr des suppressions d’emploi, mais elle n’est pas la cause del’augmentation du taux de chômage à moyen et court terme (BIT,1996). Ce serait tout bonnement une erreur fatale pour n’importequel pays de fonder sa croissance économique sur un avenir à faibletechnologie, sous prétexte de vouloir préserver des emplois.

Cela dit, les emplois d’aujourd’hui ne sont pas forcément lesmêmes que ceux de demain. L’intensification de la concurrence àl’échelle mondiale rend les entreprises clairement conscientes des coûtset de la productivité. La « solution » qu’elles ont trouvée consiste àréorganiser le travail autour d’une gestion décentralisée, d’unedifférentiation du travail et de la production, en individualisant lestâches et en différentiant les salariés dans leurs rapports avec leurssupérieurs hiérarchiques et leurs employeurs. Cela facilite amplementla sous-traitance, le temps partiel et le travail intérimaire puisqu’unegrande partie de l’activité peut se réduire à des tâches spécifiques,même si l’autre partie « essentielle » se fait en équipe avec des tâchesmultiples. Les actifs sont progressivement définis du point de vuesocial, non pas tant par un poste spécifique qu’ils vont occuper à longterme, mais par les connaissances qu’ils ont acquises dans leurs étudeset leur travail. Ce « portefeuille » de connaissances leur permet depasser d’une entreprise à l’autre et même d’un type de travail à unautre, pendant que s’opère la redéfinition des postes.

7. Il n’y a pas eu non plus de perte nette d’emplois dans les industries de fabricationà travers le monde. Au contraire, le Brésil, la Chine, l’Inde et le Mexique réunisont créé bien plus d’emplois dans ce secteur qu’il n’en a été perdu dans lespays développés entre 1970 et 1995. Même si la croissance de l’emploi dans lesindustries de fabrication s’est ralentie dans les NPI, elle n’est pas en déclin(Carnoy, 1999, chapitre 2).

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L’impact de la mondialisation sur l’emploi

L’individualisation et la différentiation ont pour effet d’éloignerde plus en plus les salariés de la perspective du travail à plein temps,« permanent », dans une entreprise stable, comme celles qui ontcaractérisé le développement de l’après-guerre en Europe, au Japon,aux États-Unis et dans d’autres pays industrialisés. Tout comme larévolution manufacturière a créé des dissensions entre les ouvriers etles produits qu’ils fabriquaient, la nouvelle transformation de l’emploiest en train de dissoudre l’identité qu’ont forgée les travailleurs avecles organisations industrielles, comme les chambres de métiers et lessyndicats. Les travailleurs sont individualisés, coupés de leur identité« traditionnelle » sur laquelle ils se reposaient depuis plus d’un siècle,et du réseau social qui leur permettait de trouver une sécuritééconomique. Le « travail » et tout ce qui va avec – le groupe d’amisau bureau, les discussions et les sorties après le travail, l’activitésyndicale et même le parc de voitures – perdent leur fonction sociale.Ils sont aussi « définitivement temporaires » que le travail lui-même.

Certains techniciens et experts, surtout parmi les plus qualifiés,mettent en place de nouveaux réseaux. Au lieu de se contenter deparler à leurs collègues de bureau, ils établissent des relations parcourrier électronique et échangent des données informelles d’uneentreprise à l’autre et entre différents pays. La technologie de réseauxcomme Internet est utile. Les informations échangées après le travail,dans les réunions au sommet qui attirent des professionnels issus d’unlarge éventail d’entreprises, répondent au même objectif. Toute laquestion est de savoir ce que devient la grande majorité de la populationactive qui n’a pas facilement accès à l’information sur les autres sociétés,aux personnels des autres sociétés ou aux personnels de haut niveauqui sont « hors circuit ». On a tendance à laisser cette populationdans une incertitude individualisée, « détachée » des réseauxtraditionnels sans être « intégrée » aux nouveaux. Pour combler cevide, on voit se former des réseaux privés, à l’exemple des sociétésd’intérim. Mais, à de rares exceptions près, comme le montrent lessyndicats du bâtiment qui concèdent traditionnellement des emploistemporaires à leurs membres, ces nouveaux réseaux ne sont pasorganisés pour, ni par les actifs. Ils n’arrivent pas à satisfaire le besoind’intégration sociale que procurent les emplois stables, les syndicatset les associations professionnelles.

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Les conséquences de cette nouvelle organisation du travail sontimportantes pour l’éducation. Si une personne est amenée à changerassez souvent de travail, plus elle aura de bonnes connaissancesgénérales, plus elle sera capable d’acquérir les compétences requisesaux différents postes qu’elle va occuper. D’autre part, les employeurspréfèrent toujours avoir affaire à des personnes qui apprennent vite,mais qui ont aussi des compétences particulières. L’enseignementprofessionnel n’a jamais créé d’emploi ; or, quand il y a des postesvacants, les jeunes ayant reçu une formation professionnelle ont, engénéral, l’avantage et sont mieux rémunérés (Chung, 1996). Laflexibilité dans l’organisation du travail signifie qu’un enseignementgénéral de meilleure qualité, qui aide l’individu à recueillir et interpréterles informations et qui lui permet de se débrouiller pour résoudre lesproblèmes, prend de la valeur. Mais cela signifie aussi que la formationprofessionnelle doit être fondée sur un enseignement général etpolyvalent. Force est aussi de constater que les talents decommunication et de coopération sont d’autant mieux récompensésque le cadre de travail est souple (Cappelli, 1997).

La mondialisation et l’inégalité des salaires

La hausse des taux de rentabilité relatifs à l’enseignement supérieurne provient pas seulement des nouvelles technologies ni de la demandecroissante de qualifications d’ordre supérieur. La mondialisation étantfort influencée par la rapidité de mouvement des actifs financiers, lesinvestisseurs exercent un pouvoir considérable sur la politiqueéconomique des pays développés ou en développement. Bien que lesgroupes existant au sein du secteur financier soient souvent endésaccord sur des points de détail, ils semblent avoir misé sur uneidéologie particulière du développement économique, une idéologiequi donne priorité aux considérations financières. Sans la présence desolides facteurs institutionnels favorisant la coopération dansl’entreprise, comme c’est le cas en Allemagne, au Japon, enScandinavie ou en Autriche, les politiques économiques« conservatrices » ont tendance à désavantager les travailleurs les moinsinstruits dans la mesure où la protection de l’emploi est limitée et lespolitiques protectionnistes démantelées.

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L’impact de la mondialisation sur l’emploi

La mondialisation n’entraîne pas nécessairement une plus grandeinégalité des salaires selon le degré d’instruction de la main-d’œuvre.Mais la pression exercée sur les gouvernements pour mettre de l’ordredans leurs finances de manière à être compétitifs dans l’économiemondiale et à attirer les investissements financiers provenant del’énorme masse de capitaux qui circulent en permanence dans le mondeengendre une politique qui aurait plutôt tendance à léser les travailleursles moins instruits. Quel que soit l’effet « réel » sur la répartition dessalaires de l’évolution technologique et de la demande de produits,l’aspect de l’idéologie dominante qui entoure la mondialisation accentuele mouvement contraire à la hausse des salaires et favorise une tendancecontraire aux salaires sociaux, mais favorable aux politiques financièresqui maintiennent le chômage à un niveau supérieur à ce qu’il pourraitêtre autrement.

De ce fait, les gouvernements sont enclins à :

• Renoncer à la politique de l’État providence, aux accentscorporatistes, pour se tourner vers le marché privé. Ce changementrésulte en partie de la manière dont l’électorat perçoit le pouvoirdéclinant de l’État à influencer les marchés dans une économiede plus en plus globalisée (Castells, 1997). Mais il provient aussien partie d’un gros effort des entreprises pour augmenter la partdes bénéfices privés dans le produit national brut (Bowles et al.,1983 ; Carnoy, Shearer et Rumberger, 1983).

• Adopter une politique fermement opposée aux syndicats enchoisissant un ton de négociation favorable au patronat.

• Baisser le salaire minimal dans le cadre d’une politique de « créationd’emplois », notamment pour les jeunes, bien qu’il ait été largementprouvé que la hausse ou la baisse du salaire minimal n’a guèred’incidence sur le chômage des jeunes (pour les États-Unis, voirCard et Krueger, 1995). La baisse du salaire minimal réel, associéeà une politique anti-inflationniste rigoureuse qui produit un niveauélevé de chômage, exerce une pression croissante sur les salairesde la main-d’œuvre la moins qualifiée.

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Ainsi, le cadre institutionnel, de même que la politiquegouvernementale et l’attitude des entreprises qui en découlent peuventnon seulement avoir une incidence sur la répartition des revenus, maisaussi sur les salaires de certaines catégories de personnels. L’argumentinstitutionnel s’appuie sur des études qui montrent que les inégalitésde revenu sont plus importantes aux États-Unis, par exemple, surtoutau bas de l’échelle des salaires, que dans des pays comme le Canada,la France et l’Allemagne. Les travailleurs de ces pays ont connu uneévolution semblable de la demande relative de main-d’œuvre peuqualifiée, comme aux États-Unis, mais ils ont une législation du travailplus ouverte et de meilleurs rapports patronat-salariat (Freeman etNeedels, 1991 ; Freeman et Katz, 1995). Ces études concluent que lahausse du salaire minimal et le maintien d’un pouvoir de négociationmieux équilibré entre le patronat et le salariat sont indispensables pouréviter que les salaires de la main-d’œuvre peu qualifiée baissent demanière significative8.

8. D’autres économistes soutiennent que les inégalités de revenus « fantômes »sont bien plus importantes en France et en Allemagne si l’on tient compte dutaux de chômage. En d’autres termes, les salaires des employés peu qualifiéschuteraient si ceux qui ont un emploi « partageaient » l’ensemble de postesexistants avec les chômeurs.

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III. L’impact de la mondialisation sur les stratégiesde réforme de l’éducation

Les bouleversements de l’économie mondiale ont déclenché trois typesde réactions dans les secteurs de l’éducation et de la formation. Lesréformes qui répondent à l’évolution de la demande de qualificationssur les marchés du travail national et international et aux idées neuvessur la façon d’organiser la production de la réussite scolaire et de lacompétence professionnelle peuvent être qualifiées de « réformesfondées sur la compétitivité ». Les réformes qui répondent à desrestrictions des budgets du secteur public et des revenus des sociétésprivées en réduisant les moyens dont disposent le public et le privépour financer l’éducation et la formation peuvent être qualifiées de« réformes fondées sur les impératifs financiers ». Les réformes quitentent de parfaire le rôle politique important de l’éducation commesource de mobilité sociale et de nivellement social peuvent être qualifiéesde « réformes fondées sur l’équité ».

Les réformes fondées sur la compétitivité

On comprend mieux la philosophie sous-jacente de ces réformesdans le rapport présenté en 1992 par la Commission de l’éducation del’OCDE aux ministres de l’Éducation :

« Le facteur humain est fondamental pour l’activité économique,la compétitivité et la prospérité, qu’il se manifeste sous forme desavoir et de compétence ou sous les formes moins tangibles de lasouplesse, de l’ouverture à l’innovation et de la cultured’entreprise… Les modèles de l’emploi et les processus du lieude travail évoluent vite. Ensemble, ces mutations ont une profondeincidence sur la topographie des connaissances et des compétencespertinentes et, par conséquent, sur la capacité des individus, jeunesou vieux, hommes ou femmes, à participer à la vie économique. »(OCDE, 1992, p. 32)

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Les réformes fondées sur la compétitivité cherchent avant tout àaccroître la productivité économique en améliorant la « qualité » dela main-d’œuvre. Cette philosophie se traduit, en pratique, par uneprogression du niveau moyen des acquis des jeunes actifs et uneamélioration de la « qualité » de l’apprentissage à chaque niveau – oùla qualité se mesure avant tout en fonction de la réussite de l’élève,mais aussi de la pertinence de l’enseignement dans un monde du travailen pleine évolution.

Les réformes fondées sur la compétitivité sont axées sur laproductivité. Autrement dit, leur but est d’accroître la productivité dela main-d’œuvre et des établissements scolaires, même si cela nécessitedes dépenses d’éducation supplémentaires, notamment uneaugmentation des émoluments des enseignants et une expansion notoiredes niveaux d’enseignement. On peut classer les réformes en quatrecatégories.

La décentralisation

Cette réforme confère à la municipalité et, dans certains cas, àl’école, une plus grande autonomie de décision. Son objet estd’accroître le contrôle des communautés locales sur les programmeset les méthodes d’enseignement, mais aussi des enseignants et deschefs d’établissement eux-mêmes – et ce, en partant du principe qu’unesouplesse et un contrôle accrus permettent une meilleure harmonisationdes méthodes pédagogiques avec la clientèle desservie et uneresponsabilisation quant aux résultats scolaires. Si les autoritéséducatives locales se jugent et sont jugées responsables des méthodesd’enseignement, estiment les réformateurs, la qualité de l’éducationn’en sera que meilleure (Hannaway et Carnoy, 1993).

L’un des prolongements de cette réforme est le choix de l’écoleet la privatisation des services éducatifs (UNESCO, 1993, p. 59-63). Bien que la raison pour laquelle les parents souhaitent avoir lechoix de l’école se rapporte, en général, à la composition de l’effectifétudiant des écoles locales (urbaines) et aux conditions « indésirables »qui en résultent au sein de l’établissement, les partisans du libre choixavancent que la menace de départ des parents motive les enseignantset les chefs d’établissement pour améliorer la qualité de l’école. De

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même, l’un des arguments percutants de la privatisation est son effetpositif sur la concurrence entre les écoles et sur leur degré deresponsabilité, et par conséquent sur la qualité de l’école (West, 1997).

Normes éducatives

Dans des pays aussi différents que les États-Unis, le Brésil et leChili, où l’éducation formelle est fortement décentralisée, les réformesportent à la fois sur une plus grande « centralisation » et unerestructuration de l’école (un contrôle plus étendu étant confié auxpersonnels enseignants). Les réformes de centralisation sontessentiellement axées sur la recherche de normes éducatives plusélevées, « définies de façon restrictive comme le niveau d’apprentissagequ’un enseignement est censé permettre aux apprenants d’atteindre... »(UNESCO, 1993, p. 78). La législation Goals 2000 promulguée parle Congrès des États-Unis (1994) et les lois plus récentes adoptées pardes États comme le Texas ou la Caroline du Nord exigent que lesélèves répondent à certaines normes minimales pour obtenir un certificatd’études secondaires et cherchent à élever le niveau moyen de réussited’apprentissage. Le Chili, plusieurs États du Brésil, des États-Unis etun certain nombre d’autres pays dotés de systèmes éducatifs pluscentralisés, comme la France, l’Uruguay, le Costa Rica et bon nombrede pays africains publient les résultats des tests nationaux par écolesou informent les écoles des résultats qu’elles ont obtenus encomparaison des autres établissements dont la clientèle a la mêmesituation socio-économique. Ces normes éducatives (établies par lepouvoir central) ont l’intérêt de donner aux écoles et aux parents uneidée claire des résultats scolaires escomptés dans l’espoir que desnormes de niveau élevées stimulent la demande des parents et laperformance des établissements.

Gestion rationalisée des moyens éducatifs

Bon nombre de propositions visant à accroître le rendementscolaire reposent sur l’injection de nouveaux moyens à haut rendementqui peuvent contribuer à améliorer sensiblement les résultats des élèvesà un coût relativement faible, et sur la rationalisation de la gestion etde l’allocation des ressources existantes. L’introduction de moyens àhaut rendement signifie, par exemple, l’universalisation de l’accès aux

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livres scolaires dans les pays où les élèves en sont dépourvus(Lockheed, Verspoor, et al., 1990), l’enseignement par les pairs dansles pays à revenu plus élevé qui ne manquent pas de fournituresscolaires (Levin et al., 1986), et une « troisième voie » faisant appelà tous les moyens de communication dont dispose la société pouratteindre « le nombre très élevé de jeunes et d’adultes qui n’ont pasbénéficié d’un enseignement quel qu’il soit, ou qui ont abandonnél’école avant d’y avoir appris quoi que ce soit d’utile pour eux-mêmeset pour la société. » (UNESCO, 1993, p. 64-65)

L’objectif prioritaire de la « meilleure gestion » – comme entémoigne la littérature sur les écoles efficaces » (voir Lockheed etLevin, 1993) – est de développer l’effort et l’innovation pédagogiquestout en proposant aux enseignants des méthodes d’enseignementefficaces (Levin, 1993). Le but est d’obtenir un taux de réussite élevéavec des moyens et des effectifs à peu près équivalents à ceuxd’établissements moins performants. L’un des arguments invoquéspar les adeptes de la privatisation qui proposent l’instauration d’unsystème de bons scolaires aux États-Unis et ailleurs est que les écolesprivées parviennent à obtenir de meilleurs résultats avec autant sinonmoins de moyens, car elles font preuve d’une plus grande souplessedans la répartition du temps d’enseignement (Carnoy, 1997 ; West,1997).

Enfin, un autre argument consiste à dire que l’enseignement public,dans les pays en développement, doit se consacrer à l’expansion et àl’amélioration de l’éducation de base puisque le résultat – le « tauxsocial de rentabilité » – rapporté aux moyens investis à ce niveau estsupérieur à celui des moyens investis dans les second et troisièmedegrés (Banque mondiale, 1995 ; Lockheed, Verspoor et al., 1990).Cela suppose que la productivité économique et le bien social (dontles éléments de mesure sont, par exemple, l’amélioration de la santéet de l’alimentation de l’enfant ou la baisse du taux de fécondité)progressent davantage du fait de la dépense publique consacrée àl’éducation de base plutôt qu’aux degrés supérieurs (Carnoy, 1992).Il est socialement plus « efficace » d’investir une faible part des fondspublics dans l’enseignement primaire en les séparant des subventionsaccordées au secondaire et, surtout, à l’enseignement universitaire.

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Amélioration du recrutement et de la formation des maîtres

Selon l’OCDE, « ... améliorer la qualité de l’éducation est devenuune vaste priorité et, à cet égard, le rôle des enseignants est primordial[...] C’est par eux et à travers eux que la réforme peut aboutir. »(OCDE, 1992, p. 79). L’OCDE est principalement axée sur les réformesqui peuvent contribuer à améliorer le recrutement d’enseignants degrande qualité dans les écoles et les universités, la formation préalableà l’emploi pour en faire des agents efficaces de transmission du savoiret la formation continue pour maintenir leurs compétences et leurintérêt par une valorisation constante. Les « éléments complexes del’attractivité du métier » (OCDE, 1992, p. 81-83) comprennent nonseulement les salaires relatifs des enseignants, mais aussi le jugementque porte sur eux l’ensemble de la société, l’isolement partiel qu’ilséprouvent dans leur travail et le degré de professionnalisme que leurreconnaît la bureaucratie de l’éducation.

Le BIT et l’UNESCO constatent que ces éléments valent autantpour les pays en développement que pour les économies industrialiséesde l’OCDE. Ils attachent aussi beaucoup d’importance aux conditionsde travail, aux émoluments et au rôle décisionnel des enseignants dansla réforme de l’éducation, à l’échelon national et local, qu’ils jugentessentiels pour améliorer la qualité de l’éducation (OIT/UNESCO,1994). Il est difficile d’imaginer une amélioration substantielle de laqualité de l’enseignement dans un pays si cette amélioration nes’accompagne pas d’un développement des connaissances enmathématiques et en langues pour ceux qui entrent dansl’enseignement. Mais, comme nous allons le voir par la suite, lamondialisation a une influence mitigée sur la « qualité » des futursenseignants, notamment en raison des pressions concomitantesqu’exerce la communauté financière mondiale pour réduire la dépensepublique.

Les réformes fondées sur les impératifs financiers

La mondialisation implique une concurrence plus âpre entre lesnations dans une économie internationale plus étroitement mêlée, uneconcurrence attisée en permanence par des moyens de communication

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et d’information plus rapides, et un mode de pensée de l’entreprisequi se globalise au lieu de se situer à l’échelon régional ou national.L’un des effets remarquables de cette concurrence est de faire prendreprogressivement conscience aux États de leur « climat économique ».La conjoncture économique d’un pays est responsable de la venue decapitaux étrangers et de la capacité des entreprises locales à accumulerdes bénéfices. Toutes les économies nationales (et les régions, lesindustries et la plupart des sociétés sous-nationales) à travers le mondedoivent s’adapter à cette nouvelle réalité économique « structurelle »globale. C’est ce que l’on entend par ajustement structurel au senstrès large du terme. L’ajustement structurel est généralement associéà la correction des déséquilibres des comptes étrangers et de laconsommation intérieure (y compris les déficits publics), ainsi qu’à ladéréglementation et à la privatisation de l’économie.

Le Fonds monétaire international joue un rôle important pourfixer les conditions du développement économique des États dans cecontexte mondial. Une grande partie des mesures du FMI pour lespays qui se préparent à une croissance économique « saine » consisteà réduire le volume du déficit public et à transférer le contrôle desressources nationales de l’État au secteur privé. Cela signifie, de fait,une réduction des fonds publics rapportés au secteur privé. Lefinancement de l’éducation représentant une part importante du budgetde l’État dans bon nombre de pays (environ 16 %), le fait de réduirela dépense publique aboutit inévitablement à restreindre la part relativede l’éducation, du moins pendant un certain nombre d’années, jusqu’àce que l’économie se développe assez vite pour assurer la formationde revenus supplémentaires pour le gouvernement.

Les réformes fondées sur les impératifs financiers s’inscriventdans ce contexte. Elles visent avant tout à réduire les dépensespubliques d’éducation. Leur objectif suprême étant le même que celuides réformes motivées par la compétitivité (accroître la productivitédes personnels), elles s’attachent aussi à améliorer l’efficacité del’exploitation des ressources et la qualité de l’éducation. Mais puisqueces réformes cherchent avant tout à réduire les dépenses publiquesd’éducation, elles doivent choisir des stratégies d’amélioration desservices éducatifs qui restreignent l’usage des fonds publics.

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L’impact de la mondialisationsur les stratégies de réforme de l’éducation

Parmi les agences internationales, le FMI, la Banque mondiale etles banques régionales (Banque africaine de développement, Banqueasiatique de développement, Banque interaméricaine dedéveloppement) sont les plus fervents adeptes de ces réformes« fondées sur les impératifs financiers ». Cela n’a rien de surprenant.Le FMI et les Banques sont des établissements financiers soucieuxavant tout de réduire le coût des prestations du service public. Ils ontopté pour trois grandes réformes fondées sur les impératifs financiers :le transfert du financement public de l’éducation du niveau supérieurau niveau inférieur, la privatisation de l’enseignement secondaire etsupérieur en vue de développer ces niveaux éducatifs, et la réductiondu coût par élève à tous les niveaux en augmentant surtout le nombred’élèves par classe dans le primaire et le secondaire où le rapportélèves/enseignant est inférieur à 40 (Banque mondiale, 1995).

Le transfert du financement public de l’éducation du niveausupérieur au niveau inférieur

L’enseignement supérieur représente un niveau d’études trèscoûteux, alors que l’éducation de base est relativement peu coûteuse.En outre, dans beaucoup de pays, le budget des universités publiquesest largement consacré à des postes autres que l’enseignement et larecherche, à savoir les bourses d’études et les frais administratifs. Lessalles de cours sont souvent sous-utilisées et bon nombre de facultésfonctionnent avec de petits effectifs et des déséconomies d’échelle.Tout cela met en question l’efficacité des universités d’État dans lesnombreux pays qui consacrent une part importante du budget à leurfinancement. En outre, parmi ces pays, nombreux sont ceux qui ontune éducation de base de qualité médiocre avec un fort taux d’abandonscolaire. Le transfert budgétaire, estime-t-on, augmente les chancesd’un grand nombre d’élèves du premier degré aux dépens dessubventions accordées à des familles relativement privilégiées quipourraient assumer, dans l’ensemble, le coût de l’enseignementuniversitaire privé.

La privatisation de l’enseignement secondaire et supérieur

Le principal argument en faveur de la privatisation des niveauxd’enseignement supérieur est que de nombreux pays ne pourront tout

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simplement pas financer l’expansion de l’enseignement secondaire etsupérieur avec les fonds publics, compte tenu de l’accroissementprévisible de la demande. Ainsi, pour que l’enseignement puisse sedévelopper à ces niveaux, les pays en développement devront comptersur les ménages pour financer à titre privé une grande partie des fraisde scolarité. Cela peut se faire de deux manières : en autorisant lacréation d’un plus grand nombre d’écoles secondaires et d’universitésprivées agréées, et en limitant l’aide publique octroyée à tous lesétablissements scolaires, y compris aux écoles publiques, et endemandant d’acquitter des frais de scolarité plus élevés pourcompenser l’écart entre le coût par élève et l’aide publique par élève.L’argument porte aussi sur l’augmentation des contributionscommunautaires aux écoles sous forme de soutien pécuniaire et nonpécuniaire. Ces réformes incitent à accroître le financement de lascolarité grâce au paiement de frais d’études par les usagers, qu’ils’agisse de la collectivité ou des particuliers. Plus le niveaud’enseignement est privatisé, plus les frais sont importants pour lesusagers. Les économistes de la Banque mondiale ont démontréclairement que, pour des raisons « d’efficacité » et « d’équité » (voirci-dessous), la tarification des usagers devait représenter une partd’autant plus importante du financement global que le niveau d’étudesétait élevé (Banque mondiale, 1995).

La réduction du coût par élève à tous les niveaux éducatifs

L’une des propositions essentielles pour la réduction de la dépensepublique à tous les niveaux est l’accroissement du nombre d’élèvespar classe. D’après l’analyse des estimations de la fonction deproduction qui établit un rapport entre la performance des élèves etles intrants de l’école, en tenant compte du milieu socio-économiquedes élèves, les économistes de la Banque mondiale concluent que lerapport élèves/enseignant n’a absolument aucun effet sur les résultatsscolaires dans la tranche des 20 à 45 élèves par enseignant. Dansl’ensemble des pays développés et dans bon nombre de pays endéveloppement, le rapport moyen est bien au-dessous de 45, même sil’effectif par classe dépasse parfois ce chiffre dans les zones urbainesde bien des pays à faible revenu. Selon ces analystes, les pays où l’ondénombre moins de 45 élèves par classe pourraient économiser unegrande partie des fonds publics en augmentant peu à peu le nombre

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d’élèves par classe. Cela réduirait la demande d’enseignants etpermettrait de consacrer une part bien plus importante du budget del’État aux ressources à « haut rendement et faible coût », comme leslivres de cours et autres fournitures, mais aussi à la formation encours d’emploi qui complète et rehausse la qualité de l’enseignement.

Les réformes fondées sur l’équité

Le but essentiel des réformes éducatives fondées sur l’équité estd’accroître l’égalité des chances économiques. Puisque le rendementscolaire est un facteur primordial pour déterminer les salaires et lestatut social dans la plupart des pays, l’égalisation de l’accès à uneéducation de qualité peut jouer un rôle important dans le « nivellementdu champ d’action ». D’une part, la mondialisation fait pression surles gouvernements pour faire reculer les réformes fondées sur l’équitésous prétexte que les sommes investies dans un climat de plus grandeéquité risquent de freiner la croissance économique. Ce serait le cas,par exemple, si l’investissement consacré à l’amélioration des résultatsscolaires des enfants ayant les moins bonnes notes mettait un frein àla réussite des meilleurs élèves. D’autre part, l’investissement consentipour faciliter l’accès des enfants économiquement faibles à l’éducationpourrait produire un rendement potentiel supérieur à l’investissementsupplémentaire au profit des enfants de milieux plus aisés. Dans cettehypothèse, les gouvernements pourraient justifier les investissementsqui favorisent non seulement la compétitivité, mais aussi l’équité.

Le transfert des fonds publics du niveau supérieur au niveauinférieur de l’enseignement, comme le proposent la Banque mondialeet les banques régionales, ajouté aux nombreuses réformes fondéessur la compétitivité que nous venons de commenter, trouve unejustification sur le plan de l’équité. Ils renferment des éléments censésaméliorer la capacité de l’éducation comme instrument de mobilitésociale. Ainsi, les économistes affirment en toute logique que la gratuitédes études dans les universités d’État équivaut à l’octroi d’unesubvention pour les catégories sociales les plus aisées au détrimentdes pauvres (Hansen et Weisbrod, 1969). Certains vont même jusqu’àdire que le taux de rentabilité social de l’investissement dans le premierdegré est plus élevé que qu’aux niveaux supérieurs (Psacharapoulos,

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1985). C’est pourquoi le transfert des fonds publics de l’enseignementsupérieur vers le primaire (éducation de base) revient non seulementà privilégier les groupes économiquement faibles par rapport à ceuxqui ont un revenu plus élevé pour la prestation des services éducatifs,mais cela peut aussi permettre de mieux utiliser les fonds pour accroîtrela productivité des personnels.

Les principales réformes fondées sur l’équité dans les pays endéveloppement sont les suivantes :

• Toucher les catégories les plus défavorisées en leur offrant uneéducation de base de grande qualité, notamment les nombreuxjeunes et adultes qui n’y ont pas accès. La Conférence mondialede Jomtien sur l’éducation pour tous (EPT, 1990) a précisémentété organisée par le PNUD, l’UNESCO, l’UNICEF et la Banquemondiale pour attirer l’attention sur les enjeux que représentepour l’équité la nécessité d’étendre l’éducation de base dans lespays en développement. Quelques-unes de ces réformes sontfondées sur des impératifs financiers, mais beaucoup portent surl’amélioration de la qualité des enseignants, le temps passé àl’école, les fournitures scolaires procurées aux enfantséconomiquement démunis et l’amélioration des programmesscolaires. Certaines organisations, comme l’UNESCO,recommandent aussi des programmes éducatifs spéciaux commel’enseignement à distance et l’éducation non formelle (UNESCO,1993).

• Cibler certains groupes, comme les femmes et les populationsrurales, qui accumulent un retard sur le plan éducatif. Uneattention particulière est accordée à l’éducation des femmes enraison de leur rôle primordial dans le développement économique,les mutations sociales, l’éducation des enfants et le contrôle desnaissances. Un taux de fécondité élevé et une faible espérance devie à la naissance sont associés l’un à l’autre à un fort tauxd’analphabétisme des femmes (UNESCO, 1993, p. 29 ; Carnoy,1992). Les populations rurales des pays en développementreçoivent en général une éducation de moins bonne qualité etmoins complète, même si la plupart de ces pays sont tributairesd’une hausse de la productivité agricole pour assurer leurcroissance économique.

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• Dans les pays de l’OCDE, les réformes d’équité, plus orientéesvers les élèves « à risque » (économiquement démunis) ou ayantdes besoins spéciaux dans l’ensemble du système éducatif,privilégient les mesures susceptibles d’améliorer le taux de réussitescolaire. On y trouve des programmes spéciaux visant à renforcerle soutien et les performances scolaires, tels les programmesmulticulturels et bilingues destinés aux minorités linguistiques etles programmes d’initiation avec « avantage au départ », lesprogrammes scolaires associés à des programmes d’apprentissageou encore les programmes de soutien extrascolaire conçus pouraccroître la motivation des élèves et la participation des parents.Les réformes s’accompagnent souvent d’une formation desenseignants qui collaborent à ces programmes.

La mondialisation a tendance à détourner les gouvernements desréformes fondées sur l’équité, et ce pour deux raisons. Premièrement,elle augmente la rentabilité relative des hauts niveaux de qualificationsen limitant la complémentarité entre les réformes orientées vers lacompétitivité et celles orientées vers l’équité. Deuxièmement, dans laplupart des pays en développement et dans de nombreux paysdéveloppés, les réformes éducatives sont, dans le nouvelenvironnement économique mondialisé, essentiellement fondées surdes impératifs financiers et ont tendance à renforcer l’inégalité faceaux prestations du service éducatif.

Mais cela ne veut pas dire que la politique éducative ne peut pasappliquer des réformes d’équité dans un environnement économiquemondialisé. Depuis huit ans, l’État du Texas, aux États-Unis, utiliseun système d’évaluation qui récompense et sanctionne lesétablissements scolaires, en se fondant financièrement sur les gainsdes élèves dans la durée. L’attribution des récompenses estessentiellement liée aux gains des élèves afro-américains et latinos quiont en général de moins bons résultats. L’Uruguay utilise des testsnationaux dans les écoles primaires pour repérer celles qui ont besoind’aide parce que leurs élèves économiquement démunis obtiennentde mauvais résultats. Le Chili et l’Argentine investissent massivementet avec succès dans les écoles peu performantes.

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IV. L’articulation des réformes de l’éducationdans l’économie mondiale

L’analyse de ces différents types de réformes éducatives montre queles gouvernements – du moins en théorie – peuvent réagir à lamondialisation de manières très diverses ; analyser leur mode deréaction est indispensable pour saisir l’effet de la mondialisation surl’éducation. Mais, en réalité, leur approche de la réforme de l’éducation,et par conséquent leur réponse éducative à la mondialisation, dépendde trois facteurs principaux : leur situation financière objective, leurinterprétation de la conjoncture et leur position idéologique sur lerôle du secteur public dans l’éducation. Ces trois éléments s’exprimentdans la manière dont les pays « ajustent structurellement » leuréconomie au nouvel environnement mondialisé.

Mode d’interprétation de l’ajustement structurelet de la réforme de l’éducation

Les caractéristiques de l’ajustement structurel tel qu’il a étépratiqué dans la plupart des pays à revenu élevé (membres de l’OCDE),dans beaucoup de nouveaux pays industrialisés (NPI) d’Asie jusqu’àla récente crise financière, et dans quelques pays d’Amérique latine,comme le Chili et le Brésil, au moins dans les années 1990 (jusqu’à lanouvelle crise financière du Brésil en 1999), diffèrent desrecommandations du FMI et de la Banque mondiale. La mondialisationa stimulé la politique économique de ces pays qui se sont concentréssur l’accroissement des exportations, la réduction de la demandeintérieure, un certain nombre de restrictions budgétaires et quelquesprivatisations, mais, à de rares exceptions près, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni, sans accroître les inégalités (bien que lesdisparités de revenu au Chili et au Brésil soient déjà parmi les plusfortes au monde). Dans l’ensemble, ces économies ont préféré agirsur les mécanismes « d’auto-ajustement » pour rationaliser laproduction et l’infrastructure étatique qui dessert la production et

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d’autres fonctions sociales. Leur système éducatif n’en a pas souffert ;de manière générale, leurs professionnels de l’éducation ont réalisédes bénéfices et les rapports élèves/enseignant ont baissé. Dans lesmeilleurs cas, la qualité de l’enseignement s’est améliorée grâce,notamment, aux enseignants. Cette interprétation de l’ajustementstructurel incite les gouvernements à élever la productivité despersonnels en octroyant davantage de moyens à l’éducation et enmultipliant les interventions directes de l’État pour améliorer la qualitéde l’enseignement (voir l’exemple chilien après les années 1990, dansCox, 1997).

Cela sous-entend, d’une part, qu’il existe plusieurs types« d’ajustement structurel » et, d’autre part, que l’identification courantedu terme « ajustement structurel » aux réformes financières se réfèrenon pas à la définition plus large d’une réorganisation structurelle dela production en réponse aux profondes mutations de l’économiemondiale, mais à un ensemble précis de politiques d’ajustementstructurel. Ces politiques émanent autant de la conjoncture politiqueet économique des États-Unis dans les années 1970 que des problèmeséconomiques sous-jacents des pays en développement. La politiqueaméricaine, associée à l’endettement des pays en développement et àl’inefficacité du secteur public, a fait valoir une « vision dominante »sur la façon dont les économies en crise devaient se réorganiser pourregagner le chemin de la croissance. Cette vision, une fois mise enapplication, a effectivement accru les disparités économiques et lamisère sans améliorer les possibilités de développement durable. Ellea aussi entraîné le déclin du rôle de l’État dans la croissanceéconomique et la réduction du financement des services publics et,notamment, de l’éducation. Cette évolution s’est faite précisément àune époque où le passage à la nouvelle économie mondiale del’information réclamait une mise de fonds plus massive dansl’enseignement public, ainsi qu’une intervention de l’État et unemobilisation des ressources plus rationnelle et sans doute considérable.

L’émergence de cette « vision dominante » a une double origine.Elle résulte tout d’abord de la situation initiale des pays les moinsadaptables au nouvel ordre économique international. La manière laplus simple de comprendre la situation est d’observer, ex post, que les

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pays les plus aptes à « s’ajuster » bénéficiaient de conditions initialesqui étaient compatibles avec la compétitivité du marché mondial etqu’ils avaient la capacité de faire face à l’évolution rapide de latechnologie (Amsden, 1989 ; Castells, 1991 ; Birdsall et Sabot, 1993).Ils étaient capables, entre autres, de développer et de mobiliser lescompétences nécessaires à la production de nouveaux biens et servicesà base d’information et d’adopter de nouvelles méthodes pour fabriquerdes produits industriels et agricoles traditionnels de manière plusefficace. Ils avaient aussi un service public bien organisé, capable desusciter les réactions structurelles et technologiques du secteur privédevant le changement, l’enseignement public, la formation despersonnels, l’investissement en matière d’équipement, le financementpublic de la recherche et du développement, et une distribution durevenu national suffisamment équitable pour assurer la stabilité politiquependant la réforme.

Les pays moins fortunés ne réunissaient pas les mêmes conditionsinitiales. En Amérique latine, par exemple, une longue histoired’industrialisation de substitution d’importation fondée sur un fortprotectionnisme pour les industries nationales et d’autres formesd’intervention de l’État, ajoutée à une distribution du revenu trèsinégale, permettait difficilement, dans les années 1970, de redresserl’économie par des mesures correctives. Dans les années 1980, dèsque les pays créditeurs ont relevé sensiblement les taux d’intérêt pourcontenir l’inflation avant de limiter les emprunts extérieurs, les paysd’Amérique latine se sont enfoncés dans une crise de la dette d’uneampleur sans égale (Iglesias, 1992). La plupart des pays africains sesont trouvés dans la même situation, lourdement endettés et confrontésà une rapide détérioration des termes de l’échange. Leur économiesouffrait du drainage des capitaux et d’un taux de croissanceéconomique négatif dans les années 1980 et, dans l’ensemble, lesgouvernements n’étaient pas bien organisés pour améliorer leursinfrastructures, soutenir les efforts du secteur privé à l’exportation,développer de nouveaux produits et de nouveaux procédés, ou encoreattirer des investissements étrangers en termes raisonnables. Leséconomies dirigées de l’Union soviétique, des pays satellites d’Europede l’Est et de la République populaire de Chine ont aussi commencé àpiétiner dans les années 1970, avec l’extinction de l’industrie lourde/militaire à la base de la croissance économique et des progrès techniques.

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Seule la Chine a été capable de promouvoir de nouvelles orientationsen faveur de la croissance économique, en particulier dans l’agriculture,mais aussi dans certains secteurs industriels. Les pays plongés dans lemarasme le plus profond au début des années 1980 sont donc apparuscomme ceux dont la dette publique était la plus lourde, avec un secteurprivé peu dynamique et pas assez tourné vers l’exportation, et unservice public inefficace.

L’autre source de la vision dominante provient d’une évolutionradicale, au début des années 1980, du modèle de politique économiquedes pays développés qui est passé du keynésianisme au monétarismenéo-conservateur, en particulier aux États-Unis (Harrison et Bluestone,1988). Cette forme de pensée politique a entraîné une augmentationdrastique des taux d’intérêt réels pour freiner la tendance inflationnistedes pays développés et une diminution non moins importante desprêts consentis aux pays en développement pour limiter les risquesfinanciers (Iglesias, 1992). Au niveau international, le monétarismeest aussi devenu le courant de pensée dominant au FMI et, dans unemoindre mesure, à la Banque mondiale. Quand le FMI et la Banquemondiale ont été appelés à traiter les problèmes liés à l’allégement dela dette des pays en développement, ils leur ont dicté un ensemble demesures d’ajustement structurel inspiré du modèle néo-conservateur.

Les prêts du FMI et de la Banque mondiale exigeaient précisémentune réduction des dépenses publiques et de l’aide à la consommation(pour limiter les dépenses de l’État et stimuler les exportations), lasuppression du contrôle des prix et la baisse sensible des tarifs douaniersen vue d’aligner les prix du marché intérieur sur ceux du marchémondial. Ils exigeaient aussi une révision de la politique commercialeafin de stimuler les exportations, une révision de la politique fiscale,une réduction des distorsions dans le secteur privé et une réductiondes déficits publics, le paiement des services publics par les usagers,la privatisation des entreprises publiques et des services sociaux et lamise en place des réformes institutionnelles nécessaires à la bonnemarche de ces services (Woodhall, 1991).

De nombreux éléments de ce train de mesures étaient nécessairespour ajuster l’économie des pays en développement aux chocsextérieurs, mobiliser les moyens de la croissance dans la nouvelle

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conjoncture économique mondiale et allouer les ressources de manièreplus efficace. Mais en raison de leur caractère antigouvernemental etanti-service public, ces mesures – telles qu’elles ont été appliquéesselon les « modalités » de remboursement des prêts – ont égalementeu tendance à avoir un effet particulièrement implacable sur la fonctionpublique et/ou l’investissement et sur les groupes qui en étaienttributaires pour leur subsistance et leur progression.

L’impact négatif de cette politique sur l’éducation s’est avéréd’autant plus néfaste qu’il importait d’améliorer les compétences dela main-d’œuvre dans les nouveaux types de biens, de services etd’autres méthodes de production indispensables à la concurrence et àla croissance dans les années 1980 et 1990.

La progression soutenue des dépenses publiques ne garantit pasque la pauvreté sera circonscrite. Comme le montrent de récentesétudes de pays d’Amérique latine dans les années 1980, les paysendettés ont pu échapper pendant longtemps aux politiquesd’ajustement, mais ils n’ont pu éviter ni la paupérisation ni l’inégalitéprogressive des revenus au moment où leur économie s’est ajustée auchoc extérieur de la crise de la balance des paiements (Lustig, 1995).Mais certaines études empiriques, comme celles de la Banquemondiale, révèlent que les politiques recommandées par le FMI et laBanque mondiale sont associées à l’extension de la misère, à larépartition de plus en plus inégale des revenus et des richesses, et à lalenteur de la croissance économique – parfois négative – (voir, parexemple, Cornia et al., 1987 ; Bello, 1993 ; et Kakwani et al., 1990).Bien qu’il soit difficile de séparer les recommandations et les prêts duFMI et de la Banque mondiale des conditions intérieures et extérieuresqui ont imposé dans un premier temps un financement à court et àlong terme, tout porte à croire que les modalités de prêt requises parle FMI et la Banque mondiale n’ont pas été une formule très efficacepour un partage équitable du poids de la dette en vue de relancer lacroissance. Il aura fallu beaucoup plus de temps que prévu pourredresser la situation et beaucoup plus d’argent que ce que prétendaientles adeptes de cette politique. En tout état de cause, la répartition desrevenus risquait d’être moins équitable et l’accès et la qualité del’éducation plus restreints pour les pauvres. Il était d’autant plus difficile,dans ces conditions, de dispenser un enseignement de meilleure qualité

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et les professionnels de l’éducation ont porté une grande partie dufardeau sur les épaules et ont été rendus responsables de ces difficultéscroissantes.

Ainsi, la mondialisation a eu une incidence majeure sur l’éducation,notamment à travers les réformes à caractère financier défendues parles institutions financières internationales. Ces réformes se proposaientavant tout de réduire le coût de l’enseignement public. L’expansion del’éducation et la meilleure qualité de l’enseignement dans cette versionde l’ajustement structurel s’inscrivent donc dans le cadre d’unfinancement public restreint en la matière. Dans le nouvelenvironnement mondial, il est essentiel pour les responsables despolitiques éducatives de savoir dans quelle mesure l’État n’a réellementpas la possibilité d’augmenter le budget de l’éducation et dans quellemesure cette « pénurie » représente une préférence idéologique pourl’investissement privé dans le secteur de l’éducation. Il y a une trèsgrande différence pour les services éducatifs dans la manière dont lesecteur public joue son rôle dans l’expansion et l’amélioration del’éducation.

Il existe un argument convaincant pour les réformes à caractèrefinancier. Dans bon nombre de pays, les dures réalités de l’économiefont que les gouvernements n’ont pas et n’auront sans doute pas lescrédits nécessaires pour offrir une éducation de base complète etd’assez bonne qualité à tous les enfants si, dans le même temps, lesecond degré et l’enseignement supérieur sont largement subventionnéspar le secteur public. Les pays à faible revenu qui connaissent unelente croissance économique doivent trouver des fonds privés pourfinancer l’enseignement supérieur s’ils veulent doter leur populationactive des compétences requises dans l’économie mondialecontemporaine. Les pays à revenu élevé, dans une économie mondialeà faible croissance, doivent aussi se montrer plus efficaces dansl’allocation des fonds publics s’ils veulent continuer à offrir des servicespublics de haute qualité. Les économistes expliquent par ailleurs quela gratuité des études supérieures et, dans certains pays, du deuxièmecycle de l’enseignement secondaire, avantage inutilement les étudiantsdont les parents ont, en général, les moyens de contribuer largementaux frais de scolarité et ce, au détriment du financement de l’éducationde base pour tous les enfants. D’autres prétendent que l’on pourrait

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améliorer l’enseignement en faisant preuve d’une plus grande efficacitédans l’allocation des ressources au secteur de l’éducation (Lockheed,Verspoor et al., 1991).

Cela dit, les réformes financières risquent de contribuer à la pénuriede moyens du secteur public en faveur de l’éducation, même s’ilpouvait lui consacrer une part plus importante du budget avec unbénéfice net pour la croissance. Premièrement, les prêts d’ajustementstructurel exigent une réduction des dépenses publiques et chaquegouvernement considère que le financement de l’éducation est inclusdans cette enveloppe budgétaire. Cela légitime en réalité la politiquequi limite l’intervention de l’État dans l’éducation, même si elle loind’être optimale. Deuxièmement, l’importance accordée à la réductionde la dépense publique au profit des contributions privées rend àl’évidence le secteur public moins « responsable » des serviceséducatifs et fait baisser la pression exercée sur le gouvernement pouraméliorer la qualité de l’enseignement. Si le secteur privé réussit mieuxque le gouvernement à assurer le financement de l’éducation, pourquoil’État aurait-il son mot à dire dans l’amélioration de l’éducation ?

La décentralisation

C’est dans ce contexte qu’il convient de mesurer l’impact de ladécentralisation sur l’éducation dans les pays qui se sont lancés dansles « réformes de la mondialisation » (McGinn, 1997). L’argumentmajeur en faveur de la décentralisation est que si les municipalités et,dans certains cas, les écoles se voient accorder une plus grandeautonomie de décision en matière d’éducation, le contrôle local desprogrammes scolaires et des méthodes d’enseignement incombera auxcollectivités locales, au corps enseignant et aux chefs d’établissementeux-mêmes. En principe, l’accroissement de la souplesse et la maîtrisepermettent une meilleure harmonisation des méthodes d’enseignementavec la clientèle desservie et une plus grande responsabilisation quantaux résultats scolaires obtenus. Si les autorités éducatives locales sesentent – et sont jugées – responsables des services éducatifs,soutiennent les réformateurs, l’enseignement sera de meilleure qualité.

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La décentralisation est donc cataloguée comme une réforme quiaccroît la productivité de l’éducation et, de ce fait, contribue de manièresignificative à améliorer la qualité des ressources humaines d’une nationen répondant mieux aux besoins des parents et en conférant aux autoritéslocales une plus grande autonomie de décision dans le domaine del’éducation. En privilégiant, dit-on, la gestion locale et l’autonomiefinancière des écoles, les parents se sentent davantage concernés, lesenseignants et les administrateurs font un meilleur travail, à la fois enaméliorant la qualité de l’enseignement et en exploitant mieux lesressources. L’exemple le plus souvent cité pour illustrer ce propos estcelui des écoles privées. Même si elles sont subventionnées par l’État,elles ont plus de liberté que les écoles publiques pour allouer desressources et diversifier leur enseignement. C’est pourquoi en conférantaux écoles publiques la même forme d’autonomie que celle des écolesprivées et en autorisant ces dernières à concurrencer les écolespubliques au niveau des effectifs grâce au financement étatique detoutes les écoles dans une proportion plus ou moins égale par élève(avec les chèques éducatifs), l’ensemble des établissements scolairesauront l’envie et la possibilité de devenir aussi attractifs et rentablesque possible. Toutefois, même si le privé n’est pas subventionné,l’autonomie de l’école publique doit permettre d’apporter desaméliorations notoires aux services éducatifs. Le simple fait de rendreles enseignants et les chefs d’établissement plus directementresponsables des performances de leurs élèves et de les habiliter àentreprendre les réformes nécessaires pour atteindre cet objectif nepeut qu’améliorer la qualité de l’éducation.

Si la décentralisation de la gestion et du financement de systèmeséducatifs extrêmement bureaucratiques et centralisés est censéefavoriser l’innovation et l’efficacité des méthodes pédagogiques enresponsabilisant davantage les parents, rien ne prouve véritablementque la qualité de l’éducation s’en ressentira. Aux États-Unis, parexemple, où il y a eu une action concertée pour confier à chaqueécole la maîtrise des décisions relatives à l’éducation, une analyseapprofondie révèle que cette forme d’autonomie n’a apporté aucuneamélioration notoire des résultats scolaires (Malen et al., 1989 ;Hannaway et Carnoy, 1993).

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Cela n’a rien de surprenant. La plupart des écoles publiques àtravers le monde sont déjà assez indépendantes et les professeurs ontune grande autonomie pour organiser leurs cours dès lors qu’ils suiventle programme. Ils ne sont soumis à aucun contrôle ou presque. Mêmedans les systèmes éducatifs très centralisés, les administrateurs et lesenseignants des écoles publiques peuvent innover s’ils le désirent, etcertains le font sous le contrôle en général très minime des autoritéscentrales. Malheureusement, « l’innovation » la plus courante estl’absence d’enseignant ou la décision de ne pas enseigner ce qui estau programme ou de ne pas respecter le nombre d’heures de courspar jour. En ce sens, la décentralisation vise essentiellement à renforcerle contrôle des enseignants par la communauté et à les rendredirectement responsables devant les parents d’élèves. C’est ainsi qu’auSalvador certaines communes rurales ont la maîtrise des ressourceséducatives de sorte qu’elles peuvent vérifier la présence desenseignants9. Un surcroît de contrôle peut stimuler la productivitémais pas nécessairement l’innovation.

Mais au-delà du fait que la raison principale de la décentralisationn’est pas toujours d’octroyer une plus grande autonomie auxenseignants ou aux écoles, mais d’avoir un contrôle accru sur leursactivités, beaucoup de ces réformes ne sont pas motivées par le désird’augmenter la productivité de l’éducation, mais plutôt par la nécessitéde limiter la responsabilité financière et administrative du gouvernementcentral vis-à-vis de l’enseignement primaire et secondaire. L’expériencecolombienne de la fin des années 1980 et du début des années 1990en est l’illustration (voir Carnoy et Castro, 1997). Les municipalitéscolombiennes se sont opposées à la décentralisation et ont amendé lalégislation, car elles ont constaté qu’elles auraient à supporter une partdu coût de l’éducation bien plus lourde que par le passé. De même,

9. L’un des principaux éléments de la politique sectorielle du gouvernement est lastratégie EDUCO (Educación con Participación de la Comunidad). La gestiondes écoles ciblées dans les zones rurales défavorisées a été confiée auxcommunes. Le ministère de l’Éducation transfère les fonds en direction desACE (Associaciones comunales para la educación) – conseils scolaires de localitéchargés des principales opérations de gestion scolaire telles que le recrutementet le licenciement des personnels enseignants, l’entretien et le ravitaillement,les négociations avec le gouvernement et les programmes de financement desorganisations internationales en vue d’obtenir des crédits supplémentaires pouraméliorer les écoles.

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en Argentine (1978 et 1991), au Chili (1980) et au Mexique (1991),les réformes éducatives étaient axées sur le transfert de la gestion etdes responsabilités financières vers les provinces, les municipalités etles États, surtout parce que l’administration centrale entendait leurfaire supporter une part plus importante des dépenses d’éducation.L’expérience de la gestion décentralisée montre clairement que letransfert d’attribution associé à une croissance plus lente ou une aidefinancière et technique limitée de l’administration centrale aux écolesautonomes et publiques peut atteindre des objectifs financiers, mais atendance à renforcer l’inégalité des performances entre les États (oules municipalités) les plus pauvres et les plus riches. Dans les pays quiont fait cette expérience, comme le Chili – et le Brésil, dans un sensplutôt historique –, les pouvoirs publics et le gouvernement de chaqueÉtat accordent désormais une aide aux municipalités et, dans le cas duChili, recentralisent les efforts d’amélioration de l’éducation. Au Brésilégalement, de nouvelles initiatives lancées par les États, comme leMinas Gerais et le Parana, permettent d’améliorer l’enseignement etde réduire les inégalités avec un mélange d’autonomie des écoles etd’évaluation du gouvernement régional, d’assistance technique etd’accroissement des dépenses pour les salaires et les matériels10. EnArgentine, jusqu’à ce que le Ministère se soit efforcé d’aider les écoleséconomiquement faibles avec son Plan social, les disparités deperformance des élèves semblaient être plus prononcées entre lesprovinces à revenu faible et à revenu élevé, et entre les écoles àrevenu faible et à revenu élevé à l’intérieur de chaque province. Enoutre, le fait que le gouvernement central ait alloué des ressourcessupplémentaires au Trésor provincial (le résultat de la croissanceéconomique accélérée au cours des deux dernières années) n’a pasentraîné une augmentation des dépenses d’éducation dans lesprovinces, puisque les administrations provinciales semblent utiliserles crédits supplémentaires pour les travaux publics et non pas pourl’éducation, en particulier dans les provinces à plus faible revenu.

10. L’aspect le plus intéressant de la réforme du Minas Gerais est son approchepluraliste qui cherche simultanément à : accroître l’autonomie des écoles, placerles ressources financières sous le contrôle direct des chefs d’établissement,créer des conseils scolaires avec la participation active des parents, avoir desdirecteurs d’école nommés par les conseils scolaires, parmi des candidatssélectionnés au préalable à l’issue d’un examen, établir des programmes deformation des maîtres dirigés par les écoles et, enfin, faire un bilan des écoles àl’échelle nationale au moyen d’un programme d’évaluation des élèves.

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L’expérience sud-américaine montre que la décentralisation etl’autonomie scolaire peuvent améliorer la qualité de l’éducation sur leplan local, mais en général uniquement dans les cas où la dépensed’éducation et la compétence technique du pouvoir central (ou régionalpour les États qui en sont dotés) sont renforcées, en particulier àl’égard des localités démunies et des écoles à faible revenu qui nedisposent pas de ressources humaines, financières et techniquessuffisantes pour relever la qualité de l’enseignement. L’hypothèse trèsrépandue comme quoi le surcroît d’autonomie entraîne spontanémentune amélioration ne se confirme pas dans les faits. Il existe dans tousles pays et dans toutes les régions des écoles qui ont d’excellentsrésultats à titre individuel. Mais les meilleures illustrations de cettepolitique éducative qu’offrent le Chili, dans les années 1990, et leMinas Gerais, durant les cinq dernières années, montrent que lesprogrès de l’éducation résultent d’une action systémique « dirigée »par une autorité centrale. Cette action conjugue l’évaluation scolaire,les matériels plus nombreux et de meilleure qualité, l’investissementdans la formation des maîtres, le renforcement du contrôle local pourveiller à ce que les enseignants appliquent bien les réformes, ainsi quela participation et l’investissement accrus des parents d’élèves en vued’améliorer la gestion scolaire. Sinon, les exemples de réussite onttendance à n’avoir qu’une apparence de vérité, avec un chefd’établissement ou un groupe d’enseignants qui ont une vision clairede l’excellence en matière d’éducation et des capacités d’organisationpour la mettre en pratique.

La privatisation

Pour beaucoup, le prolongement de ces réformes passe par lefinancement public intégral des écoles privées au moyen de chèqueséducatifs. Bien que les analystes de la Banque mondiale affirmentque les écoles privées sont bien plus rentables que les écoles publiques(Jimenez et al., 1988 ; Lockheed et Jimenez, 1996), les preuves àl’appui de cette affirmation sont controversées (cf. Riddell, 1993) etvarient probablement selon le type d’enseignement privé (McEwan etCarnoy, 1999). Mais au-delà de ces calculs de rentabilité, l’expériencede la privatisation sur présentation de bons scolaires indique que cesystème tend à renforcer l’inégalité de rendement sans améliorer pourautant les performances des élèves. Dans le cas du Chili, le pourcentage

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d’élèves du premier degré inscrits dans des écoles privées (payanteset subventionnées) est passé de 20 à 43 % entre 1980 – année de laréforme – et 1996. Mais les résultats des tests pour 1982-1996 révèlentqu’avant 1990 (lorsque le nouveau gouvernement démocratique a lancéune série de programmes bien financés pour améliorer l’apprentissagedans les établissements les moins performants), les performances desélèves des écoles communales économiquement démunis avaient baissépar rapport à celles des écoles privées et des écoles publiques à revenuplus élevé (Prawda, 1993 ; Carnoy et McEwan, 1997). Des étudesrécentes montrent que même si les écoles privées subventionnées,pour la plupart confessionnelles, plus anciennes et bien établies,continuent de donner de meilleurs résultats que les écoles publiques(administrées par les communes), l’essor de l’enseignement privé aété en grande partie celui des écoles payantes qui ont fini, dans lesannées 1990, par devenir moins efficaces que les écoles publiquesdès lors qu’elles ont tenu compte des conditions socio-économiquesde leurs élèves. Les écoles privées dont les effectifs sont issus defamilles moins instruites sont celles qui risquent le moins de fairemieux que les écoles publiques. Même sur le plan de la rentabilité, lesécoles privées font seulement un peu mieux que les écoles publiqueschiliennes, surtout parce qu’elles ont un rapport élèves/enseignant plusélevé (Carnoy et McEwan, 1997). En outre, dans un grand nombrede pays, y compris au Chili, les écoles privées abaissent partiellementleurs coûts en discriminant les élèves qui « coûtent plus cher » et entirant profit d’une certaine « gratuité » auprès de l’enseignement public,autrement dit en employant davantage de professeurs à temps partiel(dont beaucoup enseignent aussi dans le public).

Cela ne veut pas dire que dans tous les pays les écoles publiquessont aussi rentables que les écoles privées, même si l’on tient comptedes disparités au niveau des caractéristiques des élèves dans lesdifférents types d’écoles. Une étude assez poussée des effectifs urbainsde l’Uttar Pradesh, en Inde, révèle par exemple des écarts importantsde rentabilité au profit des écoles privées non subventionnées, surtoutparce que les enseignants y sont bien moins payés que dans le publicet, une fois encore, parce que le nombre d’élèves par classe y est bienplus élevé (Kingdon, 1996). Mais si le gouvernement de l’Uttar Pradeshdécidait d’émettre des chèques éducatifs, le salaire des enseignantsserait-il révisé à la baisse conformément au niveau actuellement observé

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dans le privé ? Y aurait-il une nette progression du ratio élèves/enseignant ? Quand les économistes utilisent des comparaisons entrel’enseignement privé et public pour soutenir la privatisation, ils partentdu principe qu’un transfert d’effectifs importants en provenance desécoles publiques aura une faible incidence sur la nature des écolesprivées. Ce n’est pas réaliste. Pour estimer la « vraie » rentabilité del’enseignement privé, il faudrait chiffrer les services éducatifs privésdans des conditions de gestion indépendante d’une grande partie, voirede l’ensemble du système éducatif. En ce sens, l’exemple chilien reflèteplus exactement les différences public-privé que les pays où l’écoleprivée, qui se montre sélective et maintient un effectif restreint, resteen marge de l’enseignement public. Au Chili, de nombreuses écolesprivées sont bien gérées et beaucoup sont nettement plus rentablesque les écoles publiques, mais de nombreuses écoles publiques sonttout aussi bien gérées et, dans l’ensemble, plus rentables que les écolesprivées. La privatisation générale et systématique de la gestion scolaire,à l’exemple du Chili, laisse à penser que la gestion autonome à grandeéchelle donne un type d’école privée qui ne contribue pas ou presqueà améliorer l’enseignement.

Enfin, l’exemple chilien ne vient pas corroborer l’idée assezrépandue que la concurrence entre le privé et le public conduit àaméliorer le rendement de l’école publique. D’après l’analyse depanels, on constate que l’influence relativement positive de laconcurrence sur la moyenne des résultats de l’école publique est balayéepar l’effet inverse de « l’écrémage », où les écoles privées recueillentles élèves les plus performants des écoles publiques (McEwan etCarnoy, 1999 ; voir aussi Rounds Parry, 1996). En revanche,l’influence positive remarquable sur les résultats des écoles publiqueschiliennes provient de l’intervention du Ministère qui veille à distribuerde nouveaux matériels et à assurer la formation d’enseignants pourles écoles les moins performantes (McEwan et Carnoy, 1999).

L’articulation des réformes et son impactsur la production des savoirs

Les réformes de décentralisation que nous venons d’observerdans le cadre du processus de globalisation s’inscrivent donc dans larhétorique d’une productivité croissante en donnant aux acteurs locaux

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un pouvoir de décision plus étendu en matière d’éducation. Mais, envérité, les réformes sont inexorablement liées à l’intervention plusrestreinte de l’État dans l’enseignement public. Cette différence entrerhétorique et réalité est importante. En termes strictementéconomiques, la mondialisation ne crée pas plus d’efficience,puisqu’elle permet au capital de chercher à obtenir un haut rendementet d’employer des connaissances et des forces productives partout oùelles existent. La théorie de la décentralisation reflète cette possibilitépour l’éducation.

On peut penser que le transfert de compétence stimule laproductivité de l’éducation. On peut aussi penser qu’il se justifie pourdes raisons politiques, dans la mesure où la mondialisation réduit lalégitimité des États et où les régions ou les municipalités exigent uncontrôle plus poussé de la gestion du service public. Mais en l’étatactuel, la mondialisation s’accompagne en général d’une idéologie quifait de l’austérité financière du secteur public une condition du progrèséconomique. Le libéralisme prévaut aussi dans le raisonnement despropagateurs des réformes de décentralisation qui représentent, pourla plupart, des institutions financières soucieuses de faire passer l’argentaprès leurs convictions. Le libéralisme n’est pas uniquement soucieuxde la performance économique, ni même du contrôle des pouvoirspublics à l’échelon local ou régional. Il est, par essence, opposé àl’activisme du gouvernement sous prétexte que les bureaucratiesgouvernementales sont par la force des choses inefficaces. Comme laréforme est dominée par ces considérations idéologiques et non parl’impératif d’une hausse de productivité, la mondialisation forgel’éducation en termes d’objectifs qui sont au mieux tangentiels pouren assurer la progression, mais tout à fait en dehors de la pratiquequotidienne de l’enseignement. En un mot, la mondialisation fait sonentrée dans le secteur de l’éducation sur un « cheval » idéologique etses répercussions sur l’enseignement et la production de savoirs sontlargement le fruit de ce libéralisme motivé par l’argent et non d’uneclarté de vue sur l’amélioration de l’éducation.

La décentralisation entreprise pour des motifs financiers risqueaussi d’exercer une pression accrue sur les salaires des enseignants,surtout dans les régions à plus faible revenu, créant ainsi une résistancedes acteurs mêmes de l’éducation dont la présence est indispensable

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pour améliorer la qualité de l’enseignement. Le fait, surtout, que lesprofesseurs continuent à enseigner sans aucune supervision ou presquederrière la porte close d’une salle de cours en insistant lourdement surles économies de coûts du sommet à la base, détourne l’attentiond’une deuxième réalité fondamentale : si les nations aspirent àdévelopper l’habileté cognitive de leur jeunesse par la scolarité, il leurfaudra compter pour ce faire sur des enseignants professionnelsautonomes, motivés et qualifiés. La manière dont se voient cesenseignants, la qualité de leur formation et leur degré d’engagementdans la réussite scolaire de leurs élèves conditionnent les apprentissagesélémentaires et supérieurs dans toute société. Cela exige l’interventionmassive des pouvoirs publics, et pas seulement au niveau de l’éducationde base. Le recrutement des personnels enseignants, la formation desmaîtres et l’assistance technique par le biais de la formation continuesont presque partout financés et administrés par l’État. Pour les faireprogresser, c’est au secteur public qu’en incombe la responsabilité.

La mondialisation dans l’ensemble des pays en développementétant avant tout articulée par des réformes de décentralisation àcaractère financier, sa première conséquence sur les systèmes éducatifsest de favoriser les inégalités d’accès et de qualité. Les pressionsexercées sur les régions et les municipalités pour réduire les salairesdes enseignants en vue d’abaisser les coûts créent un conflit entrel’État et le groupe même dont la présence est indispensable pour menerune action constructive. De nombreuses réformes implicites dansl’ajustement structurel s’avèrent nécessaires, mais leur moded’application entraîne une série d’effets négatifs que l’on pourraitéviter en se concentrant de manière plus cohérente sur l’améliorationde l’école au lieu de s’en tenir à de simples objectifs financiers. Commel’expliquera l’auteur, cela demande des interprétations de l’État surles moyens d’améliorer le processus éducatif et la pédagogie dans lecadre de la mondialisation plutôt que sur les impératifs financiers dela globalisation.

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V. L’impact de la mondialisation sur les pratiqueséducatives

La mondialisation et la culture de l’évaluation desapprentissages

Comme nous l’avons souligné, les effets de la mondialisation surl’éducation dépendent en grande partie de la manière dont chaquepays ajuste la structure de son économie au nouvel environnementmondialisé et interprète le rôle du secteur public dans la réforme del’éducation pour répondre aux besoins de ce nouvel environnement.Dans la plupart des pays en développement, la réponse éducative à lamondialisation est dominée par les réformes de nature financière. Maisforce est aussi de constater que la mondialisation peut promouvoir lesréformes stimulées par la compétitivité. Ces dernières sont destinéesà améliorer la quantité et la qualité des compétences professionnelles,l’accent étant mis sur l’enseignement des sciences et desmathématiques, et sur l’évaluation des apprentissages pour surveilleret promouvoir l’amélioration de l’éducation.

Cependant, même ce qui semble être une réforme axée sur lacompétitivité, comme l’évaluation de la qualité de l’enseignement,peut changer du tout au tout lorsqu’elle se situe dans le cadre d’unajustement structurel à caractère financier. C’est ainsi que l’évaluationdu rendement scolaire peut servir à justifier l’abaissement des salairesdes enseignants et la réduction de l’ensemble des dépenses publiquesd’éducation pour mobiliser davantage de moyens dans le secteur privé,comme l’a fait le Chili dans les années 1980. Dans cet exemple, lesnotes données aux élèves participaient d’une stratégie globale quientendait démontrer que l’enseignement public était inefficace pourinciter les parents à mettre leur enfant dans une école privée et pourréduire les dépenses publiques d’éducation (Benveniste, 1999). Commece système de notation était inscrit dans la loi chilienne telle qu’elle aété votée sous le régime militaire, son usage a été maintenu pour

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entretenir la concurrence entre les établissements scolaires, même dansun contexte politique différent marqué par la démocratisation en 1990.Le Ministère a aussi utilisé les notes d’examen dans la dernière décenniepour aider les écoles les moins efficaces à améliorer leurs performances.Il est devenu de plus en plus interventionniste en guidant la réformedepuis le sommet de l’État. Ainsi les tests peuvent-ils servir à des finsmultiples. La forme des tests d’évaluation est tout aussi importanteque le contexte politique pour avoir un impact définitif sur l’améliorationde l’enseignement.

Les élèves de tous les pays sont soumis à une ou plusieursévaluations dans l’année par leurs professeurs (et leur école). Cesévaluations permettent de savoir, d’après les examens conçus par lesenseignants ou les écoles, si les élèves ont « appris » les matières auprogramme. Excepté les pays où la promotion est automatique, cesnotes décident du redoublement ou du passage dans la classesupérieure. Outre ces évaluations « internes », il y a aussi, dans certainspays, des examens représentant des « chances pour la vie »,généralement à la fin des études secondaires (O et A Level en Afrique,dans les Caraïbes anglophones, en Malaisie ; et baccalauréat dans lesanciennes colonies françaises). Dans d’autres cas, ce sont des examensde « classement » des élèves qui se préparent à entrer dans différentstypes d’universités et autres facultés (par exemple le vestibular auBrésil).

Tous ces examens permettent d’évaluer les compétences desélèves en fonction des objectifs du programme scolaire (calcul,apprentissage de la lecture et de l’écriture), mais ils sont avant toutconçus pour établir des comparaisons entre les élèves en vue d’opérerune « sélection ». Par exemple, les évaluations d’examen desenseignants sont souvent qualifiées de normes minimales. Toutepromotion est refusée aux élèves qui y obtiennent de mauvais résultats.Mais ces normes varient énormément d’une école à l’autre et le faitqu’elles coïncident en général au nombre de places disponibles dansla classe supérieure indique qu’elles représentent plus un moyen desélection qu’une norme. Plus il y a de places disponibles dans lesecondaire, plus le pourcentage d’échecs scolaires est faible dans leprimaire.

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Un nombre croissant de pays développés et en développementabandonnent peu à peu l’évaluation individuelle, devenue quasiuniverselle, des élèves au sein de chaque école et les examens de find’études, dont on ne peut tirer de véritable diagnostic, au profit detests d’évaluation du système éducatif ou de l’école. Ces examensservent à identifier les municipalités/écoles les moins performantespour les « discréditer » et les obliger à réagir ou leur suggérer desmoyens d’améliorer leurs services éducatifs, selon la manière dontchaque gouvernement conçoit d’utiliser les évaluations. Le test estsoumis à un échantillon de la population scolaire ou à l’ensemble desélèves à un certain niveau d’études dans un pays, une région, uneprovince ou une municipalité pour faire le bilan des acquis (rapporté àune norme absolue) dans les écoles, les municipalités, les régions oules pays, et comparer le niveau de performance des élèves dans lamême année de scolarité entre plusieurs écoles. Le Chili, qui a le plusd’expérience en la matière, a commencé par tester un échantillonscolaire national en 1958, puis à la fin des années 1960 et au débutdes années 1970 ; depuis 1982, le PER, puis le SIMCE, en 1988, ontpermis de tester les effectifs en quatrième et huitième année de scolaritépendant les quinze dernières années. D’autres pays d’Amérique latine,ainsi que la France, l’Australie et l’Angleterre utilisent également cetteforme d’évaluation.

Ces tests permettent aux pays ou aux régions de mesurer la partdu programme que les élèves apprennent dans chaque école, chaquerégion et chaque catégorie socio-économique. Les tests appliqués durantune certaine période donnent aussi une idée des progrès accomplis oude l’efficacité de certaines mesures. Par exemple, les retombées duprojet P-900, lancé au Chili en mai 1990 et pour lequel le ministère del’Éducation a fourni des matériels didactiques, assuré la formationdes maîtres et d’autres interventions dans les écoles les moinsperformantes du pays, ont pu être relevées en comparant les notesobtenues par les écoles qui participaient au projet.

Les tests rendent aussi les enseignants, les administrateurs et lesparents beaucoup plus conscients des performances des élèves et plussensibles au besoin d’y apporter une amélioration, surtout si les notesd’examen sont systématiquement publiées. D’après les sondagesréalisés dans les écoles chiliennes, toutes ces catégories savent, par

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exemple, où se situe leur établissement sur le test du SIMCE etcomment évoluent les performances d’un test à l’autre. Sachant queles parents (citadins) des pays d’Amérique latine ont une certainelatitude pour choisir l’école de leur enfant, la publication des notesd’évaluation peut influencer leur choix et les rivalités entre les écoles,même dans un système où domine l’enseignement public.

En outre, bon nombre de pays s’attachent avant tout à comparerces performances avec celles des effectifs scolaires des autres pays.Avec le développement de la concurrence économique et de l’accès àla technologie de l’information, les données ont une valeur et un usagecroissants. La performance en temps réel considérée comme un butest renforcée, l’évaluation quantitative semble plus facile et ses résultatssont progressivement utilisés pour informer sur la performance. L’undes éléments importants de la performance est lié à « l’efficience ».Partie intégrante de la pensée globale, ce raisonnement appliqué àl’éducation prend la forme d’un étalonnage de la quantité et de laqualité de l’enseignement à travers la collecte de données. Cette notiona été renforcée par le développement d’une culture scientifique etmathématique (Schofer et al., 1997) et les efforts soutenus denombreux pays pour attirer l’investissement étranger dans le domainede la haute technologie et implanter des industries high-tech sur leterritoire national (Carnoy, 1998).

La nouvelle importance accordée à l’évaluation et à la comparaisondes taux de rendement scolaire entre les pays et au niveau nationaln’est pas fortuite. Elle résulte davantage de l’action menée par desorganisations internationales telles que l’International EducationalAssessment (IEA), l’American National Center of Educational Statistics(NCES), l’OCDE et la Banque mondiale. Toutes ces institutionspartagent une vision globalisée de l’éducation et de l’efficience, assortied’une conception extrêmement quantitative des progrès accomplis.Elles s’accordent à penser que l’on peut mesurer ces progrès et qu’unemeilleure éducation se traduit directement par l’essor de la productivitééconomique et sociale. Avec une concurrence économique de plus enplus intense entre les nations, le besoin urgent d’accroître la productivitéest induit par ces organisations dans l’acceptation répandue descomparaisons inter- et intra-nationales de tests normalisés sur lesconnaissances des élèves.

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Plus que les tests nationaux, les comparaisons internationales ontle grand avantage de donner un point de repère aux éducateurs pourfixer les objectifs d’apprentissage à l’échelon national. La plupart destests régionaux, comme ceux que vient de faire passer le Bureaurégional de l’UNESCO (OREALC) aux élèves de troisième etquatrième année dans treize pays d’Amérique latine, permettentseulement d’évaluer les connaissances de base. Les tests internationaux,comme le TIMSS, permettent à chaque pays de comparer la capacitédes programmes nationaux et locaux à inculquer les connaissancesrequises pour résoudre les problèmes et apprendre à raisonner, enplus des savoirs essentiels, et de comparer leurs normes éducativesavec celles des autres pays.

Toutefois, les évaluations comparatives, qu’elles soient nationalesou internationales, posent le problème de l’exploitation des résultatsau-delà de leur mise à disposition auprès d’analystes dans les ministèresou les organisations internationales. Au Chili, au Costa Rica et dansl’État du Minas Gerais (Brésil), les résultats des tests par école sontdiffusés au public et à chaque établissement scolaire. Au Chili, commenous l’avons observé, le test était conçu à l’origine pour inciter lesparents à mettre leur enfant dans une école privée et reste en partie unmode d’évaluation destiné à « informer » les consommateurs (lesparents d’élèves) sur l’efficience des différentes écoles pour leurpermettre de mieux « choisir » celle qui leur convient. En Argentine,de 1995 à 1998, les évaluations ont été publiées à l’échelle nationalepar catégories socio-économiques et non pas pour des écolesindividuelles. Le Ministère a aussi recueilli des données sur lesantécédents concernant les écoles, les enseignants, les parents,ainsi que les résultats des élèves, et a pu les analyser à l’aide demodèles d’intrant-extrant, mais n’a jamais publié les résultats.Le test avait pour but de maintenir le contrôle politique du ministèrede l’Éducation sur les systèmes éducatifs provinciaux en évaluant la« qualité » de l’enseignement dans chaque province. Comme legouvernement fédéral octroyait des subventions groupées auxprovinces, il lui semblait indispensable de maintenir un pouvoirrégulateur sur les systèmes éducatifs provinciaux. Certaines provincesont riposté en créant leurs propres tests. En 1999, les écoles argentinesont commencé à être informées de leurs résultats. Mais les méthodes

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de test et d’évaluation des élèves continuent de susciter des polémiques.De nombreuses provinces ne reconnaissent pas la légitimité des testsfédéraux. Les syndicats d’enseignants y sont également opposés, carles résultats servent davantage à porter des accusations qu’à donnerplus de moyens ou d’assistance technique. Au Texas et dans leKentucky, les résultats scolaires sont aussi largement diffusés, mais laplupart des enseignants et des administrateurs semblent leur reconnaîtreune certaine utilité. Malgré tout, la tendance de l’enseignement est àl’évaluation pour améliorer les résultats scolaires. En Uruguay,cependant, les résultats sont communiqués aux écoles et non au grandpublic. Le système uruguayen est extrêmement centralisé et les testsservent à repérer les écoles peu efficaces pour déterminer avant toutles moyens de les faire progresser et non pour stimuler le choix del’école. En France, les résultats du baccalauréat (examen de find’études secondaires) sont publiés à l’échelle nationale, par école,pondérés selon les classes sociales représentées dans l’établissement,contrairement aux examens passés au début des troisième, sixième ethuitième années de scolarité qui ne sont pas publiés par école. Lesépreuves sont corrigées à l’école par les professeurs et servent ensuitede référence pour prendre des mesures correctives. Les moyennesrégionale et nationale sont communiquées aux enseignants et auxparents d’élèves, mais, comme en Uruguay, les résultats scolaires nesont pas publiés.

En principe, pour qu’un test d’évaluation ait son utilité pourl’amélioration de l’éducation, les enseignants, les parents d’élèves etles responsables des établissements scolaires doivent considérer cetoutil comme un moyen d’évaluation légitime des apprentissagesscolaires et (par voie de conséquence) des performances desenseignants et de l’école. On constate que la seule connaissance desrésultats des tests n’incite guère à améliorer les pratiques des enseignantset des écoles, même si certains analystes soulignent que les écoles àqui l’on « fait honte » en publiant leurs mauvais résultats se sententobligées de mieux faire. En général, il convient de donner auxenseignants et aux administrateurs la possibilité d’acquérir des méthodesplus efficaces, de même que les écoles ont besoin d’avoir accès auxmatériels susceptibles d’améliorer l’apprentissage scolaire. Les résultatsdes tests doivent être considérés comme étant directement liés àl’application de meilleures pratiques et il convient de responsabiliser

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davantage les enseignants et les administrateurs à cet égard. Au mieux,les personnels enseignants interviennent dans la conception etl’application des tests qui sont directement liés aux objectifs detransmission des savoirs fixés au niveau national ou régional. Au pire,comme en Uruguay, les fédérations d’enseignants sont consultées etsollicitées pour « être acquises » aux tests.

Certes, on peut comprendre les aspects importants de l’efficiencescolaire à l’aide des tests d’évaluation, mais, en l’occurrence,l’efficience est moins tributaire de l’allocation des ressources que deleur traitement et de leur utilisation. Au Chili, par exemple, on constateque l’exploitation des tests pour stimuler la concurrence entre le privéet le public concernant les effectifs n’a aucun effet positif sur lerendement des élèves et fait même baisser les performances des écolesfréquentées par une clientèle à faible revenu. Néanmoins, dans lesannées 1990, l’utilisation d’un test national correspondant auprogramme de réforme lancé par l’administration centrale a, semble-t-il, amélioré les résultats des écoles les moins performantes pour lesélèves économiquement faibles (McEwan et Carnoy, 1999).

Avec la mondialisation, les gouvernements semblent prêterdavantage attention aux résultats de leurs élèves en regard de ceuxdes autres pays. La concurrence économique accrue a été transposéeen une course aux indicateurs de forte productivité parmi lesquelsfigurent les notes de test des élèves. Bien que la masse de donnéesrecueillie depuis les années 1970 dans le cadre d’évaluationsinternationales n’ait pas été utilisée systématiquement pour améliorerl’enseignement dans les pays participants, l’exploitation des testsnationaux et internationaux à titre comparatif semble vraiment exercerla pression nécessaire sur les écoles et les pays pour les rendreresponsables de la qualité de l’éducation. En 1998, le Bureau del’UNESCO pour l’Amérique latine (OREALC) a testé des élèves destroisième et quatrième années du premier degré dans treize pays de larégion en comparant leurs notes en mathématiques et en espagnol. Cequi est surprenant (ou peut-être pas), c’est que les élèves cubainsobtiennent deux points de plus que ceux du Brésil, du Chili et del’Argentine dont le revenu par habitant est plus élevé (UNESCO/OREALC, 1998). Même s’il y a toujours des questions sur le choixde l’échantillon dans une enquête, les écoles cubaines semblent

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vraiment mieux équipées et l’enseignement y est de meilleure qualitéqu’au Chili ou en Argentine. En tout cas, il n’y a pas beaucoup debanques internationales qui songent à aller à Cuba pour voir commentun système éducatif très centralisé dans un régime socialiste autoritaireobtient d’aussi bonnes notes. Elles devraient pourtant chercher àanalyser sérieusement pourquoi Cuba offre une telle réussite alorsque les élèves du Chili, qui a suivi toutes les recommandations inspiréesde la nouvelle pensée mondiale, ne font pas mieux que ceux du Brésilou d’Argentine. Les conclusions de l’OREALC posent aussi unequestion intéressante : même si une analyse approfondie réussissait àexpliquer la supériorité des tests des élèves cubains, quelle serait laprobabilité pour que les gouvernements chilien et argentin obtiennentd’aussi bons résultats ? Il est tout aussi intéressant d’observer queCuba a sans doute pu créer un système éducatif public primaire degrande qualité sans avoir recours à la concurrence des écoles privées,ni au transfert d’attribution, ni d’ailleurs à bien d’autres réformesconseillées par la Banque mondiale dans ses prêts au titre del’ajustement structurel. Les écoles cubaines ont toujours prêté attentionaux tests, mais elles les ont exploités pour stimuler l’investissementéducatif et non l’inverse (Carnoy et Werthein, 1980 ; Carnoy et Torres,1989). Au Chili, les tests nationaux sont pratiqués depuis au moinsdix-sept ans, mais c’est seulement depuis huit ans, avec la nouvelleimportance mondiale accordée à l’efficience et à l’évaluation, qu’ilsont commencé à définir le « sens » de l’éducation et des réformeséducatives, les écoles ayant pris conscience de leurs résultats ets’organisant pour les améliorer.

Les notions globales d’efficience et d’évaluation peuvent doncavoir un effet positif sur les résultats éducatifs. Mais pour qu’il en soitainsi, elles doivent passer par un « filtre » local et être exclusivementaxées sur l’amélioration de l’école, même si cela exige davantage demoyens, ce qui risque d’être le cas pour la plupart des sociétés en voiede développement. La distinction entre ce type d’application de mesuresen vue d’améliorer l’efficience et les tests destinés à mettre en œuvreune politique nationale pour l’exploitation des ressources dansl’intention de réduire les fonds publics par élève est subtile et surtoutenracinée dans la manière dont l’État, plus que les organisationsinternationales, interprète le rôle de l’évaluation dans la formulation

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des réformes éducatives. Les tests ne sont que la partie visible del’iceberg que représente l’amélioration scolaire. En l’absence d’unmode de soutien permettant à l’école d’apprendre à faire progresserl’enseignement et l’apprentissage, les tests guident rarement les effortssystématiques dans le sens d’une amélioration. Les responsables despolitiques éducatives (et les économistes) ne peuvent pas attribuer lamédiocrité des résultats des tests au simple fait que les efforts desenseignants sont insuffisants ou que l’école est un « monopole » local.Dans beaucoup de pays, le bon matériel scolaire et les connaissancessur la qualité de l’enseignement et de la gestion scolaire sont desdenrées extrêmement rares. Bien que l’absentéisme et l’effortpédagogique soient des questions importantes dans certains pays etqu’une large diffusion des résultats de tests puisse contribuer à laresponsabilisation et à l’effort accru des enseignants, les principauxobstacles à l’amélioration de l’enseignement dans la majoritédes pays résident dans la difficulté à définir les meilleures pratiquesen classe et les matériels nécessaires à leur application. Enconséquence, pour que les tests aient un impact significatif surles performances scolaires de ces pays, ils doivent s’inscrire dansun effort plus systématique pour aider les enseignants (et l’école)à améliorer les pratiques en classe.

La mondialisation et son impactsur le corps enseignant

Le fait le plus troublant dans la recherche d’un meilleur rendementscolaire est que l’idéologie associée à la mondialisation invoque engénéral implicitement, et souvent explicitement, une réduction dubudget de l’État consacré aux enseignants. Dans la perspective d’uneréforme financière, c’est logique, puisque les salaires représentent unepart importante des dépenses d’éducation. Les banques internationalessont revenues sur leur politique antérieure axée sur la baisse des salairesdes enseignants comme la condition sine qua non de leurs réformesfinancières. Les récents documents de la Banque mondiale, parexemple, semblent traduire un solide engagement en faveur d’uneamélioration de l’enseignement qui passe par l’amélioration durecrutement et de la formation (Lockheed, Verspoor, et al., 1990 ;Farrell et Oliveira, 1993 ; Banque mondiale, 1995). Mais surtout, les

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réformes financières de la Banque mondiale, de même qu’une grandepartie des théories élaborées autour de la mondialisation, rendentinévitablement les enseignants responsables des difficultés croissantesde l’école dans la plupart des pays, tout en pénalisant les dispositionsgouvernementales en faveur d’une réduction des coûts. L’objectif actuelde la Banque mondiale axé sur la privatisation du marché despersonnels enseignants et l’augmentation du nombre d’élèves par classecontinue d’envoyer le même signal aux gouvernements en leur disantqu’il est encore possible d’accroître la charge de travail des enseignantstout en réduisant leurs salaires sans porter préjudice aux performancesdes élèves. Dès lors que les enseignants s’opposent aux réformesimposées de l’extérieur, qui détériorent leurs conditions de travail,leurs associations sont alors qualifiées d’obstacle majeur à l’améliorationde l’éducation.

Les ministères des Finances et les agences internationales associéesau capital financier (par exemple, la Banque mondiale, la Banqueinteraméricaine de développement, la Banque africaine dedéveloppement, la Banque asiatique de développement et l’OCDE)sont convaincus que leurs réformes sur la réduction des coûts vontbien marcher parce qu’elles sont justifiées par des estimationsempiriques des « fonctions de production » de l’éducation. Ces donnéesindiquent que la formation pédagogique et le nombre d’élèves parclasse sont bien moins importants pour expliquer les fluctuations durendement scolaire que la formation continue des enseignants, leurconnaissance des matières enseignées et les matériels didactiques. Ellespeuvent s’avérer exactes dans certaines conditions. Si l’on prend lecas de l’enseignement donné par des professeurs sous forme deconférences dans de nombreux pays en développement, il est fortpossible que les variations de 20 à 45 élèves par classe n’aient aucuneincidence sur l’acquisition des savoirs et que le principal ingrédient dela réussite est d’avoir des livres pour étudier chez soi. Quiconque a vudes enfants essayer d’apprendre leurs leçons sans aucun livre est viteconvaincu que la première nécessité pour un enseignant est d’avoirun matériel didactique adéquat et pas forcément moins d’élèves danssa classe.

Mais ces estimations sont peut-être incorrectes car les fonctionsde production de la scolarité qu’elles sous-tendent ne définissent aucune

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pédagogie sous-jacente. Même si les responsables des politiqueséducatives tentaient d’évaluer les intrants les plus efficaces pouraméliorer le rendement dans un pays donné, il faudrait qu’ils puissentcomprendre et formuler le processus d’apprentissage en classe (Levin,1980). Selon Levin, le temps que passe un professeur à enseigner,l’effort qu’il déploie pour faire cours et la qualité de la méthodepédagogique employée sont autant d’éléments qui expliquent lesvariations de rendement d’une classe ou d’une école à l’autre – etcependant, ces données n’entrent pas dans les estimations classiquesdes fonctions de production. Ce sont précisément ces fonctions maldéfinies qui fondent toute la politique de la Banque mondiale sur laprogression du rendement scolaire.

L’orientation que suggèrent ces estimations risque de nousfourvoyer. Premièrement, le fait d’augmenter l’effectif jusqu’à 40 à45 élèves par classe et par enseignant, ce qui, au dire des chercheursde la Banque mondiale, permettrait d’économiser des moyens sansporter atteinte à la qualité de l’enseignement, risque d’aller à l’encontredu recrutement de personnels enseignants mieux formés et pluscompétents, sachant qu’un plus grand nombre d’élèves par classerend l’enseignement plus difficile et moins satisfaisant. Deuxièmement,les estimations se fondent implicitement sur une méthoded’enseignement – cours magistral/prise de notes – qui prévaut dans laplupart des pays en développement. Mais pour que les enfantsdéfavorisés puissent réellement progresser dans leur apprentissage, ilconvient sans doute de trouver une pédagogie très différente de celledu cours magistral. Cette nouvelle méthode d’enseignement risqued’être impossible à appliquer avec un grand nombre d’élèves par classe.D’un autre côté, si le gouvernement est confronté à une baisse duratio élèves/enseignant, ce qui est le cas dans la plupart des régions duglobe (UNESCO, 1995), il peut envisager de développer une pédagogiealternative qui tire parti d’un plus petit nombre d’élèves par classepour améliorer le rendement au lieu de chercher à multiplier les effectifs.Moyennant quoi, il peut aussi demander aux enseignants d’accepterde prolonger leur temps de travail à l’école, là où ces heuressupplémentaires n’éliminent pas d’autres tâches essentielles commela préparation de cours. Parmi les autres mesures, le gouvernementpeut également tirer parti d’un rapport élèves/enseignant plus favorablepour valoriser les qualifications professionnelles des enseignants qui

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répondent aux besoins des nouvelles méthodes pédagogiques. Uncertain nombre de pays de l’OCDE ont pris cette option tout en ajustantles moyens en fonction des besoins (OIT, 1991a ; OCDE, 1998).

Mais, avant tout, l’idéologie de la mondialisation et les mesuresconcomitantes des organismes de prêt qui désapprouventl’enseignement public et les professeurs des écoles publiques ignorentles réalités « politiques » inhérentes à l’amélioration de la qualité del’éducation et vont peut-être à l’encontre du besoin fondamental depersonnel plus qualifié dans une économie mondiale plus que jamaiscompétitive. Dans l’ensemble des nations, les enseignants sontrarement surveillés dans leur travail ; ils sont seuls en classe et l’aspectquantitatif et qualitatif de leur enseignement est surtout une questionde responsabilité personnelle et de talent. Si les États espèrentdévelopper l’habileté cognitive de leur jeunesse par la scolarité,il leur faut compter sur des enseignants professionnels, autonomes,motivés, qualifiés et formés dans des institutions publiquesconçues à cet effet. La façon dont se définissent ces enseignants,leur degré d’engagement face à la réussite de leurs élèves, leurvolonté de perfectionnement et leur habileté pédagogique sontles clés du succès de l’éducation de base et de l’enseignementgénéral dans la société. L’engagement et la participation desenseignants impliquent une forme de gestion qui tienne comptede leurs besoins et leur donne un rôle à jouer dans l’améliorationde la qualité de l’enseignement.

La technologie de l’éducation

La mondialisation est étroitement liée aux technologies del’information et de la communication. L’avènement d’Internet amondialisé l’information en temps réel à l’usage du grand public.Beaucoup voient dans cet accès interactif à l’information un vastepotentiel pour l’éducation. À leurs yeux, l’ordinateur, avec sa capacitéde traitement rapide de l’information en mode interactif, est un remèdeà la médiocrité de l’enseignement. Si la mondialisation avait un impactdirect sur l’éducation, l’ordinateur et le réseau Internet seraient aucentre de cette révolution.

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Or, l’arrivée de la technologie à l’école, au-delà du simple tableaunoir et du rétroprojecteur, suggère que le matériel plus sophistiqué(téléviseurs, ordinateurs) a du mal à avoir un impact aussi fort surl’enseignement et l’apprentissage que ses adeptes veulent bien le laisserentendre (Cuban, 1986). Et malgré la littérature abondante qui prôneles mérites de techniques plus onéreuses et sophistiquées, rien ne ditqu’elles servent à améliorer les performances des élèves dans le cadrescolaire (Carnoy et Levin, 1975 ; Levin et al., 1986). Il est encoreplus difficile de prouver que l’ordinateur, même quand il y en a enclasse, est utilisé largement et à bon escient pour favoriserl’apprentissage (Klees, 1996). Ainsi, la mondialisation a accélérél’entrée de l’informatique à l’école, mais cette démarche se limite engénéral à l’installation d’ordinateurs et de quelques logiciels sans prévoirde stage d’initiation, de moyens de support ni d’évolution des méthodesd’enseignement et des programmes nécessaires à l’intégration complètede l’informatique en tant que mode d’apprentissage.

Rares sont ceux qui doutent du rôle important de la technologiedans l’enseignement et la formation. La radio et la télévision sontutilisées depuis longtemps à des fins éducatives. Les programmes dedivertissement pour les enfants, comme La Rue Sésame, semblentavoir un impact sur l’apprentissage de la lecture et du calcul. Mêmeles programmes éducatifs plus formels diffusés à la radio et à latélévision sont jugés efficaces en milieu scolaire quand ils sont utilisésà bon escient par les enseignants (Klees, 1996 ; Carnoy, 1975).L’ordinateur offre de nouveaux modes de traitement et de stockagedes données et influe sur la rapidité des communications entre despersonnes très éloignées. Il procure aussi d’autres moyensd’apprentissage. Les exercices et les didacticiels, les travaux dirigés,les innombrables jeux éducatifs proposés dans le commerce, le LOGO,les programmes de simulation et d’animation pour expliquer lesprincipes scientifiques, et même les programmes de traitement de texteavec vérificateur d’orthographe et dictionnaire des synonymes, peuventtous se révéler des outils efficaces pour faire progresser les élèves.L’arrivée d’Internet offre une autre forme de collecte de données quiest appréciée pour la recherche et donne accès à une manned’informations. Il semble donc y avoir beaucoup de possibilités pourfaire de l’ordinateur un nouvel outil d’apprentissage.

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Le problème majeur réside en ses coûts explicites et implicites,pour le budget de l’éducation non seulement des pays endéveloppement, mais aussi des États-Unis, de l’Europe et des paysd’Asie à revenu élevé. La télévision éducative a été lancée dans lesannées 1970 comme un moyen d’améliorer les acquis, avec des coursdonnés par des professeurs émérites depuis un bureau central encomplément de l’enseignement scolaire. Mais cette adjonction s’estavérée coûteuse. Les téléviseurs servaient souvent de manièresporadique ou tombaient en panne et n’étaient pas réparés faute d’avoirdes pièces détachées et du personnel de maintenance. Le prix desordinateurs est devenu plus abordable. Mais si l’on y ajoute les fraisfixes, à savoir la réfection de l’installation électrique, les périphériqueset le chargement initial des logiciels, l’ensemble représente un budgetimportant pour une école qui donne aux élèves le temps suffisant des’en servir pendant la semaine (environ un ordinateur pour cinq ou sixélèves). La mise de fonds initiale pour un établissement de 400 élèvesest de 100 000 à 150 000 dollars, soit environ 300 dollars par élève.Cette enveloppe ne comprend ni la formation des enseignants quidoivent tous se familiariser avec l’informatique pour apprendre àl’intégrer dans leur enseignement, ni les coûts variables qui s’yrattachent, comme le recrutement d’un professeur d’informatique àplein temps, l’entretien du matériel et le budget annuel consacré auxlogiciels. Aux États-Unis, ces coûts représentent une part importantedu budget global (Levin et al., 1986). Dans les pays en développementoù les informaticiens, les personnels de maintenance et les logicielséducatifs édités dans les langues locales sont relativement chers,l’omission de leur coût entraîne une grave sous-estimation de la dépensetotale que représente cet outil pédagogique supplémentaire à l’école sil’on veut qu’il soit efficace. Autre aspect aussi important : la capacitéde l’ordinateur à développer une habileté cognitive d’un niveausupérieur requiert la présence d’enseignants aptes à inculquer cesconnaissances aux élèves sans avoir d’ordinateur, et ce sontprécisément ces enseignants qui sont relativement peu nombreux dansbien des pays.

Il n’est donc pas étonnant que la technologie soit largementsymbolique dans presque toutes les écoles primaires dotéesd’ordinateurs. Son prix est tout simplement prohibitif. Les élèves ontaccès à un parc informatique restreint équipé de logiciels éducatifs ou

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de traitement de texte durant moins d’une demi-heure par semaine.Les professeurs formés à l’enseignement des matières cognitives sontpeu familiarisés avec les possibilités qu’offre l’informatique. Lesordinateurs tombent en panne et il faut des semaines pour les réparer.Les autres professeurs n’en intègrent pas l’usage dans leurs coursfaute d’avoir reçu la formation nécessaire. Cela a donc surtout poureffet d’initier les élèves à la nouvelle technologie. C’est, d’ailleurs, cequ’espèrent beaucoup de parents en voyant entrer l’informatique àl’école.

Donc, jusqu’à maintenant, on ne sait pas très bien commentutiliser la télévision et l’informatique à l’école pour enseigner lesmathématiques et les langues de manière plus rentable qu’avec lesupport des meilleurs matériels écrits classiques, d’une meilleurepédagogie ou d’autres méthodes d’enseignement comme lemonitorat. Tant que ces technologies ne seront pas intégrées enmilieu scolaire pour compléter et améliorer l’enseignement à uncoût relativement faible, elles resteront des adjonctions coûteuseset, malgré la mondialisation, il faudra encore attendre longtempsavant d’assister à de grands bouleversements dans l’intégrationde l’enseignement assisté par ordinateur11.

La manifestation la plus éclatante de la mondialisation sous laforme de la technologie de l’éducation est son utilisation croissantedans l’enseignement à distance. L’enseignement à distance est enquelque sorte un prolongement de la scolarité pour des communautésisolées ou des actifs qui reprennent des études en utilisant les médias,l’informatique et le réseau Internet (pour un coût unitaire par élèveinférieur à celui de l’enseignement classique). Cela suppose égalementde former des jeunes et des actifs qui souhaitent acquérir descompétences particulières « à distance », notamment dans le domainetrès prisé de l’informatique. Le bilan des expériences de radio interactiveau Nicaragua et en Bolivie prouve que c’est un choix très rentable. Le

11. IBM a investi dans des écoles pilotes informatisées aux États-Unis, oùl’enseignement est entièrement organisé autour des ordinateurs, ainsi que dansdes laboratoires d’informatique d’écoles primaires utilisant le programme LOGOdans des pays comme le Costa Rica, qui ne sont généralement pas intégrésdans le cadre scolaire. Aucune de ces options n’a été soumise à une évaluationobjective de rentabilité.

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Mexique diffuse depuis des années son programme Telesecundariaqui a fait des millions de diplômés. Pour les élèves qui sont surtout enzone rurale, Telesecundaria est le seul moyen de faire des étudessecondaires. Toujours au Mexique, le Tecnologico de Monterey esttrès apprécié pour ses cours de technologie et de gestion à la télévisionet ses liaisons interactives avec les élèves à travers tout le pays. AuBrésil, Globo, précédé de Telecurso, est suivi par des millions depauvres qui n’auraient pas accès sinon à l’enseignement secondaire.Telecurso 2000 offre maintenant un programme d’enseignementgénéral destiné aux jeunes adultes, avec des émissions télévisées detype commercial complétées par des matériels écrits. Et tous les paysse servent d’ordinateurs à tous les niveaux éducatifs pour enseignerl’informatique. Internet pourrait bien devenir l’un des outilspédagogiques les plus remarquables du XXIe siècle, mais peut-êtreencore plus à domicile, être un moyen de faciliter l’accès à laconnaissance pour les personnes qui n’ont pas de livres ni de matérielséducatifs à leur disposition. Toutefois, les dirigeants politiques nedoivent pas perdre de vue que l’enseignement à distance et la formationdirecte exigent de légitimer les instruments que sont les examens oules équivalences, comme le fait désormais le Brésil, pour convertir lesqualités cognitives et de production acquises dans ces cours en unrevenu supérieur pour les diplômés. Sinon, force est de constater queles avantages ne sont pas très conséquents12.

Les possibilités d’application de l’informatique et d’Internet àl’éducation des adultes et à la formation permanente s’avèrent bienplus étendues qu’au niveau purement scolaire, en particulier dans lespetites classes. Pour les adultes, l’accès à l’information en liaisonavec le travail et les connaissances spécifiques qui s’y rapportent ontune réelle pertinence dans leur vie quotidienne. Ces informations etces connaissances peuvent être regroupées et transmises à l’échellemondiale. C’est justement le type d’application adapté aux médias età l’informatique. De ce fait, la nouvelle technologie a une énormeinfluence sur la formation permanente et les responsables des

12. Même dans le cas du GED (examen en équivalence du diplôme de fin d’étudessecondaires), aux États-Unis, les avantages semblent négligeables, ce qui faitdouter de la valeur des équivalences dans les pays où le diplôme de fin d’étudessecondaires est déjà courant (Camerone et Heckman, 1993).

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L’impact de la mondialisation sur les pratiques éducatives

politiques éducatives peuvent jouer un rôle important pourpromouvoir cet enseignement en développant la technologie dansles centres communautaires et les centres d’éducation des adultesavant qu’elle devienne omniprésente.

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VI. La mondialisation et l’identité culturelle

L’éducation dépasse largement la transmission des connaissancesnécessaires dans le travail. L’école est le vecteur de la culture moderne.Le sens de la culture moderne selon l’interprétation qu’en donne l’Étatest une question fondamentale pour les éducateurs et un sujet dedébat dans toute société. La mondialisation redéfinit la culture parcequ’elle repousse les limites du temps et de l’espace et leur rapportavec l’être humain. Elle réduit la légitimité des institutions politiquesnationales pour définir la modernité.

La mondialisation fait donc nécessairement évoluer les conditionsde formation de l’identité. Les individus dans toute société ont demultiples identités. Aujourd’hui, leur identité globalisée est définiepar la manière dont les marchés mondiaux valorisent le caractère et lecomportement individuels. Elle est axée sur la connaissance, mais lesmarchés mondiaux valorisent certains types de connaissances plusque d’autres. Comme nous l’avons constaté en analysant l’évolutiondu marché des compétences, l’une des principales caractéristiquesdes marchés mondiaux est qu’ils accordent plus de valeur auxcompétences scientifiques et techniques et moins de valeur auxcompétences locales, artisanales, qui satisfont des besoins plusélémentaires. Le marché global n’est pas source d’identité pour tous.Il accentue les disparités matérielles. Et s’il donne le sens de lacommunauté à ceux qui partagent les mêmes réseaux professionnels,il n’en détruit pas moins les communautés en isolant les individusjusqu’à ce qu’ils découvrent de nouveaux réseaux et de nouvellessources de valorisation sociale. L’individualisation des travailleurs etleur rupture avec un emploi « permanent » finissent même par rendreplus ténue et plus versatile l’identité qu’ils se forgent avec leur lieu detravail (Carnoy, 1999). Les coéquipiers d’aujourd’hui ne sont pasnécessairement les amis de demain.

La mondialisation n’est pas la seule force de changement de laculture moderne. D’importants mouvements sociaux la défient en

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La mondialisation et l’identité culturelle

prônant l’exception culturelle et le contrôle local de la population dansson cadre de vie. Les fondements traditionnels de la culture se trouventpris au milieu : la religion, le nationalisme, les relations entre les sexeset les rapports de force ancrés dans l’histoire. Comme l’exprime ManuelCastells :

« Il s’agit non seulement de mouvements activistes visant àtransformer les relations humaines au niveau le plus fondamental,comme le féminisme et l’écologisme, mais aussi tout un jeu demouvements réactifs qui créent des foyers de résistance au nomde Dieu, de la patrie, de l’appartenance ethnique, de la famille,de la localité, autrement dit des éléments fondamentaux d’uneexistence millénaire aujourd’hui menacée sous l’assaut conjuguéet contradictoire des forces techno-économiques et desmouvements sociaux transformatifs. » (Castells, 1997, p. 2)

Pour ceux qui ne sont pas les mieux placés sur le marché global,la quête identitaire prend d’autres directions et ce, encore plusmanifestement que par le passé. Quand la recherche d’une autreidentité ne coïncide pas avec le territoire national existant, on chercheaussi à redéfinir la nationalité. L’identité ethnique est évidemment uneoption. Selon les termes du sociologue Gören Therborn : « Le faitd’affirmer son identité ethnique, c’est faire fi du présent et de l’avenirau bénéfice du passé, c’est penser et dire que le passé est plus importantque le présent ... Il est plus important de savoir qui étaient ses parentsque ce que l’on fait, ce que l’on pense ou ce que l’on va devenir ...Ainsi, moins il semble y avoir de valeur dans le présent, plus l’ethnicitéa de l’importance, le reste étant bien égal » (Therborn, 1995).

L’identité religieuse est une autre direction pour les moins fortunés.L’intégrisme religieux se propage dans le monde entier. Il rejettel’autorité du marché et bien que les mouvements intégristes aient prisl’État pour cible en tant que fondement du pouvoir, il y a unecontradiction intrinsèque entre l’intégrisme religieux et la définitionterritoriale de la nation. Cette contradiction n’existe pas lorsqu’il s’agitd’une communauté locale ou d’un mouvement mondialisé pourl’identité religieuse. Mais le régionalisme religieux suppose évidemmentune communauté fondée sur l’exclusion. Même les mouvements

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ethniques s’écartent de leur objectif d’inclusion. Plutôt que de seconcentrer sur l’intervention législative et financière de l’État qui inclutle groupe ethnique ou racial spécifique dans le projet national, ilsprivilégient désormais l’identité culturelle indépendante du projetnational ou cherchent une reconnaissance planétaire, au-dessus de lanationalité. L’islamisme connaît le développement identitaire le plusrapide des populations économiquement marginalisées à travers lemonde. Le fondamentalisme chrétien prend de l’ampleur nonseulement aux États-Unis où il attire les Blancs de la classe ouvrière,mais aussi en Amérique latine, notamment chez les pauvres en zonerurale. L’intégrisme hindou mobilise les mêmes types de populationen Asie du Sud. Le mouvement fondamentaliste offre une nouvelle« connaissance de soi » qui surpasse la réussite mercantile. Tout cequ’il faut connaître pour réussir sa vie est écrit dans le Coran, dans laBible ou dans la Torah. Les croyances fondamentalistes n’excluentpas la réussite dans les affaires. Mais l’appel du fondamentalisme estle plus fort pour ceux qui se sentent à la fois menacés par le « caractèreintégriste » d’une version multiculturaliste de la démocratie sociale(ou même d’un autoritarisme étatique fondé sur le monopartisme),qui offre une vision bureaucratique de la nationalité, et par le« caractère intégriste » du marché global qui sert le pouvoir de l’argentet des réseaux d’information complexes.

L’identité culturelle, qu’elle soit fondée sur la religion, l’ethnie, larace ou le sexe, qu’elle soit locale, régionale ou plus globale, estl’antidote à la complexité et à la rudesse du marché mondial pourjuger de la valeur de l’individu. Pour les nationalistes, c’est aussil’antidote à l’État bureaucratique mondialisé. Mais cette tendance risqued’envenimer les conflits sociaux. Si certains groupes locaux/ethniques/religieux se sentent progressivement exclus de la direction du marché,l’affaiblissement de l’État, alors incapable de les réinsérer dans lasociété, risque de lui faire perdre sa stabilité. Malgré leurs grandesdivergences politiques, tous les mouvements nationalistes ou presqueont tendance à aller dans le sens de l’exclusion du partage des fruitsde la mondialisation pour les économies nationales.

Le marché en lui-même n’a jamais été suffisamment fédérateur.Les régimes forts, non démocratiques, non égalitaires, existaient bienavant que prédomine le libéralisme économique, de sorte que, pour

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La mondialisation et l’identité culturelle

beaucoup, l’État n’est pas une garantie d’intégration. Mais l’Étatcapitaliste moderne est devenu un bon « adoucisseur » du marché.Ce rôle déclinant face à une puissante commercialisation globale deséconomies nationales amène les « dépossédés » à chercher refugedans de nouveaux collectifs plus exclusifs. Ces derniers n’ontgénéralement pas la capacité ni les moyens d’aider ceux qui sontfinancièrement dépossédés, ni de développer les compétences et lessavoirs prisés sur le marché mondial. Ils peuvent contribuer àdévelopper la conscience de soi et, par conséquent, la confiance ensoi. Ils peuvent forger une communauté et donc un sentimentd’appartenance. C’est souvent ce qu’ils font lorsqu’ils déclarent queles autres sont des « étrangers » à qui il manque la « véritable »connaissance de soi ou les « bons » ancêtres. À l’extrême, lescommunautés sont souvent très antidémocratiques. Si les États n’ontni les moyens financiers ni la légitimité politique pour dissoudre cesmouvements en intégrant leurs membres dans des notions plus largesde communauté et de valeurs, les sociétés incapables de rester à flotsur le marché risquent de connaître de graves dissensions insolubles.

Les mouvements d’identité culturelle ne sont pas le seul apanagedes dépossédés de la mondialisation. Certains d’entre eux s’articulentautour d’une relation particulièrement positive entre la mondialisationet le groupe ethnique ou régional en cause. Les revendicationscroissantes des autonomistes catalans à l’encontre de l’Espagne, lademande de sécession de la Lega (Italiens du Nord) vis-à-vis de l’Italieou la proclamation d’indépendance de la Slovénie, ex-Républiquefédérée de Yougoslavie, émanent en partie du sentiment qu’ont cesrégions (et leurs habitants) d’être meilleures que le reste du pays pourfaire du négoce sur le marché mondial. Elles veulent moins deresponsabilités financières et politiques pour leurs compatriotes moinscapables. Ces trois régions se sentent plus proches des économiesd’Europe du Nord et de la nouvelle économie mondiale que le restedu pays auquel elles sont (étaient) rattachées. Le fait qu’elles aientaussi une « culture » différente fonde leur autonomie sur le planpolitique sans en être nécessairement la raison sous-jacente. Laglobalisation offre un nouvel espace à ces mouvements parce que lelieu du pouvoir économique et de l’identité passe de l’État à l’économierégionale et mondiale. Cela permet la résurgence des identités culturelles

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qui sont à la fois ancestrales et locales, enracinées dans des affiliationstribales, postmodernes et mondiales.

Les conflits qu’engendre la formation identitaire touchentforcément l’éducation. La répartition des moyens d’accès à l’école età l’université ainsi que les réformes visant à améliorer la qualité del’enseignement sont entièrement consacrées à la formation de main-d’œuvre pour un marché conditionné par la mondialisation. Mais,comme nous l’avons fait remarquer, l’éducation, à travers ladécentralisation, la privatisation, les tests et autres évaluations peutdevenir plus inéquitable que fédératrice. C’est pourquoi dans toutepolitique de décentralisation, il incombe à l’État de continuer à veillerau respect de l’égalité des chances pour tous, sinon la logique de ladécentralisation (meilleure intégration) sera compromise. C’est d’autantplus vrai que, pour les exclus, le système éducatif est indispensable àl’acquisition des savoirs et, pourtant, il ne répond pas aux besoins deleur « communauté ». Les écoles et le système éducatif deviennent lacible principale des mouvements sociaux organisés autour de la« connaissance de soi », comme l’identité religieuse ou ethnique. Lesystème éducatif consacre d’énormes moyens à la formation de laconnaissance pour les groupes dominants. Pourquoi l’éducation, dansune société démocratique, ne desservirait-elle pas tous les groupeshumains, même ceux qui se distinguent nettement de l’idéal du nouveautravailleur compétitif et conscient de la globalisation ? Ce n’est pas unhasard si une grande partie de la lutte, par exemple, entre les intégristesreligieux et l’État laïc et rationnel porte sur l’enseignement public. Lespouvoirs publics ont les crédits pour scolariser les enfants, mais n’ontpas l’obligation de fonder une communauté morale. Au lieu de cela,l’État a succombé au matérialisme grossier à l’échelle planétaire. Lesfondamentalistes veulent attirer ceux qui ne sont pas heureux de leurvaleur dans l’économie mondiale pour les éduquer, eux et leurs enfants,de manière à conforter l’affiliation religieuse et non la productivitééconomique. Plus ils y parviendront, moins le système éducatif saurapréparer les futurs travailleurs à l’économie globale. Cependant, l’écolea beau être le lieu de vives polémiques sur la définition de la culture,elle représente tout de même pour les exclus de l’économie mondialela seule grande voie d’accès à la culture mondiale. Les minoritéscherchent parfois à contrôler les normes culturelles inculquées à l’école,

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La mondialisation et l’identité culturelle

mais elles s’engagent souvent dans cette bataille en pensant qu’il fautdonner une chance à leurs enfants d’apprendre ce qui est appréciédans l’économie mondiale.

La gestion décentralisée de l’éducation prend tout son sens, dansl’optique de l’autonomisation régionale et locale des mouvementssociaux, quand ce sont eux qui cherchent à gagner le contrôle desétablissements scolaires que fréquentent leurs enfants. Dans le cas dumouvement catalan et des autres mouvements régionaux pour letransfert du contrôle de l’éducation nationale aux autorités régionales,Madrid n’a guère eu d’autre choix, dans le contexte de l’Espagnepost-franquiste, que de décentraliser la gestion du système éducatif.Au Brésil, les mouvements de démocratisation de l’enseignement ontréclamé plus de pouvoir pour les parents et les maîtres à l’école. Onconstate, là encore, que la décentralisation du pouvoir peut améliorerle rendement scolaire et développer l’esprit communautaire lorsquece sont les communautés elles-mêmes qui en font la demande. Celapeut aussi être efficace pour contenter les groupes en quête d’uneidentité plus marquée en exerçant une influence sur la production desacquis scolaires. Reste à savoir si cela représente une alternativemulticulturelle à l’individualisme mondialisé.

Par ailleurs, les mouvements activistes, comme le féminisme oul’écologisme, postmodernes en apparence et ennemis directs de lamondialisation, tentent de redéfinir la notion de « globalité » à l’école.Ainsi, les féministes forgent progressivement une culture globale quiintègre l’équité et l’égalité des sexes, dans un premier temps à l’école,puis sur le marché du travail. L’écologisme a un impact considérablesur la culture globale à travers les programmes environnementauxlancés dans les écoles du monde entier. De tels mouvements ontd’importantes répercussions sur la manière dont l’école définit lanouvelle culture et, en ce sens, ils sont plus étroitement liés aux enjeuxde la définition techno-économique d’une culture mondialisée. L’écolejoue et continuera à jouer un rôle fondamental dans cette lutte. Lemouvement féministe amorcé dans l’éducation, même dans les paysde tradition musulmane, reflète son pouvoir sur la génération passéepour modeler le système éducatif au cœur du processus demondialisation. Malgré tout, comme le montre la subordination des

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femmes dans la société, que ce soit au Pakistan ou en Afghanistan,les adversaires de la mondialisation dans une culture traditionnellementmachiste estiment que l’égalité pour les femmes est un concept globalqu’ils rejettent au titre de leur résistance à la mondialisation.

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VII. Stratégies éducatives pour une économie globale

En faisant le point sur près de vingt ans de mondialisation accélérée etleur impact sur l’éducation, nous avons cherché à distinguer lesconséquences dues aux conditions « objectives » de la nouvelleéconomie globale de l’information des effets associés à une idéologiesingulière qui, dans le cadre de la mondialisation, met l’accent sur laréduction des dépenses publiques et de la gestion des affaires sociales.

Cette analyse tend à prouver que l’impact « réel » de lamondialisation consiste avant tout à modifier le rôle de l’État. Enétant limité dans son rôle d’agent économique direct, l’État perd salégitimité politique. Mais en même temps, la légitimité desadministrations centrale, régionale et locale devient de plus en plustributaire hde leur aptitude à créer les conditions du développementéconomique et social. Dans la nouvelle économie mondiale, cesconditions dépendront de plus en plus de la manière dont l’Étatorganisera le système éducatif. La valeur de la connaissance étantle bien le plus prisé dans l’économie mondiale, les nations n’ontguère d’autre choix que d’accroître leur investissement enéducation. Il est probable, en effet, que d’ici à la prochaine génération,la formation des savoirs sera le nouveau lieu de formation de lacommunauté, tandis que l’école sera le nouveau centre de lacommunauté.

Chaque pays est, bien entendu, confronté à une conjonctureéconomique et politique différente face à l’économie mondiale entréedans l’ère de l’information. Certaines économies sont essentiellementrurales, alors que d’autres sont industrialisées et se dirigent déjà versune économie de services. La société civile est très développée danscertains pays et pas dans d’autres. Par conséquent, chaque situationnécessite une stratégie particulière en matière d’expansion etd’amélioration de l’éducation. Les planificateurs peuvent néanmoinstirer quelques leçons des événements que nous venons de commenter.

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L’expérience des années 1980 et 1990 pose quatre jalons pour lesstratégies de l’éducation.

• L’État, que ce soit au niveau national, régional ou local, continueraà assumer la responsabilité de l’amélioration et du développementde l’éducation. Cela ne veut pas dire qu’il aura à gérer l’ensembledes établissements scolaires. Mais cela signifie que l’éducationcontinuera d’être largement financée par le gouvernement et quele secteur public continuera de réglementer l’éducation, de fixerdes normes, de décider de la répartition des moyens entre lesniveaux éducatifs, de lancer et d’orienter les projets de réforme.S’il y parvient, sa légitimité en sera renforcée, tant au niveaucentral que régional ou local ; s’il échoue à dispenser unenseignement de meilleure qualité de manière équitable, il perdraencore plus de pouvoir.

• Les gouvernements disposent d’un espace politique et mêmefinancier beaucoup plus important que ce qui est généralementadmis pour conditionner l’entrée de la mondialisation dansl’éducation. Les évaluations et les normes éducatives en sont unbon exemple, de même que la décentralisation ou l’autonomiedes écoles. Dans une économie mondialisée, les pouvoirs publicspeuvent développer l’accès à l’éducation pour tous, améliorer laqualité de l’éducation pour les plus défavorisés et rendre laproduction des savoirs plus efficace et plus équitable pour tousles élèves. Les mouvements sociaux qui préconisent l’action directesont souvent partisans de ces réformes. Le fait que beaucoup degouvernements choisissent de ne pas rendre la production dessavoirs plus équitable s’explique davantage par une préférenceidéologique que par leur impuissance face aux nouvelles pressionsde la concurrence et à la nouvelle pensée mondiale. Bien qu’ilsoit difficile de contrer les fortes tendances idéologiques à traversle monde et la réalité objective de la globalisation financière, uncertain nombre de pays ont obtenu des résultats satisfaisants surle plan éducatif sans revenir pour autant à une plus grande inégalitédes chances ou à une décentralisation de la responsabilité publiquepour assurer un enseignement de qualité.

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Stratégies éducatives pour une économie globale

• Une administration publique bien organisée est donc la clé duprogrès de l’éducation dans une économie mondialisée. Lacroissance de l’économie et le rendement de l’éducation dans lecadre de la mondialisation exigent un investissement matériel, unesprit d’innovation et une capacité technique, mais dépendentaussi en définitive de l’efficacité et de l’honnêteté dugouvernement.

• Les enseignants conserveront leur rôle fondamental dans lesservices éducatifs, et la qualité de l’éducation dépendra en grandepartie de la qualité de l’enseignement et de l’effort des enseignants.Comme dans le reste de l’économie mondiale où les personnelsqualifiés sont de plus en plus importants pour la production de lavaleur, l’industrie de la connaissance (l’éducation) deviendralogiquement de plus en plus tributaire de la qualité de son capitalhumain (le corps enseignant). Bien entendu, les parents ont aussileur importance dans les politiques éducatives, mais beaucoupattendent des professeurs qu’ils inculquent un savoir à leursenfants. Pour assurer la primauté du rôle des enseignants, lesresponsables des politiques éducatives devront avoir une meilleuredéfinition de leur identité, de la manière dont ils envisagent leurrôle dans le système, et des types d’incitation, de réglementationet de formation pouvant les stimuler dans leur travail et les faireprogresser dans la transmission des savoirs aux élèves.

À partir de ces quatre éléments qui encadrent les futures stratégieséducatives, il y a beaucoup de choix à faire. Il n’y a pas qu’une seule« bonne méthode » pour organiser le système éducatif dans les vingtou trente prochaines années, mais il y a des réalités objectives queles responsables de l’éducation doivent garder à l’esprit en avançantdans leurs réformes. Ces éléments n’entrent pas dans la mêmecatégorie que les précédents car ils varient selon les cas.

• La mondialisation augmente le rendement des niveaux éducatifsavancés et exerce donc une pression en faveur du prolongementdes études et d’un développement accéléré du second cycle dusecond degré et de l’université. Il est certain que pour bien despays où la population rurale est importante, le développement del’éducation de base et la réduction de l’abandon scolaire

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demeureront la principale préoccupation. Mais même ces paysseront amenés à développer l’enseignement secondaire. Deuxgrandes questions vont se poser aux planificateurs, à savoircomment faire progresser efficacement ce type de scolarité pluscoûteuse et comment faire en sorte que l’accès à l’enseignementsupérieur ne soit pas limité aux catégories sociales déjà privilégiées.La privatisation des coûts de l’enseignement supérieur, avec desprogrammes bien gérés et l’octroi de bourses d’études, est peut-être le moyen le plus équitable de réaliser cette expansion.L’instauration de systèmes éducatifs à deux niveaux, privé etpublic, même lorsque l’enseignement supérieur privé s’adresseaux étudiants les plus défavorisés, donne des résultats mitigésdans le meilleur des cas.

• Sachant que le travail s’organisera de plus en plus autour de tâchesmultiples et que les gens exerceront successivement différentsmétiers dans leur vie active, les planificateurs doivent réviser leurspositions surannées sur l’équilibre entre enseignementprofessionnel et enseignement général. Les progrès de l’éducationvont également de pair avec la nature des différents niveauxéducatifs, en particulier du second degré qui évolue dans le sensd’une préparation aux études postsecondaires, tandis quel’enseignement professionnel se détache du second degré pourrejoindre le niveau postsecondaire. Cette double évolution devraitmodifier l’organisation et les objectifs de l’enseignementsecondaire.

• Les changements plus fréquents de poste, voire d’activitéprofessionnelle – flexibilité accrue – sous-entendent que lesystème éducatif devra aussi acquérir plus de souplesse. Il devrase montrer capable d’accepter un plus grand nombre d’adultesen formation continue dans les établissements scolaires existantsou de créer des « universités des actifs » qui aident à préparer lesadultes à de nouveaux métiers et leur permettent de savoirs’adapter rapidement aux nouvelles situations sur le marché dutravail.

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• La pression sera de plus en plus forte pour améliorer la qualitéde l’éducation à tous les niveaux. Rien ne prouve que ladécentralisation ou la privatisation de la gestion de l’éducationaméliore sensiblement la qualité de l’enseignement. La participationplus active des parents peut avoir son importance, mais, ceciétant, la décentralisation du pouvoir en faveur des parents ou desécoles ne semble pas faire apparaître un nouvel effort, unetechnologie ou des moyens significatifs qui bouleversent lesméthodes d’enseignement. Au contraire, même si les stratègesdécident de s’appuyer davantage sur des écoles autogérées ousur une gestion décentralisée de l’enseignement public (même auniveau scolaire), le secteur public devra prendre en charge lesréformes visant à améliorer la capacité des enseignants et desgestionnaires à enseigner et à gérer efficacement. Cela supposeune meilleure alimentation des enfants scolarisés, des systèmesd’évaluation pour contrôler les performances des élèves et desprofesseurs, des réformes sur la formation des maîtres, desmatériels plus abondants et mieux conçus, des manuels scolairesà petit prix pour tous les élèves et des normes éducatives clairementétablies pour mieux stimuler l’apprentissage. C’est pourquoi lavague de tests et d’évaluations qui a suivi la mondialisation peutavoir un effet positif remarquable sur la qualité de l’enseignementsi elle s’accompagne d’une réelle volonté du secteur public derenforcer la capacité de l’enseignement et de l’apprentissage.

• La décentralisation et l’autonomie locale peuvent se révélerproductives en réponse aux mouvements locaux et régionaux quiluttent pour la préservation de leur identité et de leur culture.Mais nombreux sont ceux qui constituent une réponse directe àleur exclusion de l’économie mondiale et, en l’occurrence, il fautsavoir si le contrôle local de l’éducation va accentuer les fracturessociales ou amener de nouvelles formes d’intégration sociale etscolaire qui soient efficaces. Le caractère souple et fédérateur del’éducation lui permettrait d’évoluer. Les groupes en quêted’identité qui s’organiseront autour des institutions du savoirpourront peut-être, à plus longue échéance, redéfinir le sens de lamondialisation au niveau local.

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• Malgré l’insuffisance de preuves pour confirmer que les nouvellestechnologies de l’information à l’école améliorent les résultats oules acquis scolaires, la révolution technologique en est encore àses débuts et nul ne peut sous-estimer les capacités des ordinateurset d’Internet, en particulier pour donner aux étudiants l’accès àune masse d’informations. Dans l’immédiat, la technologie rendl’enseignement à distance de plus en plus abordable, ce qui a desconséquences importantes non seulement pour l’enseignementsecondaire et supérieur, mais aussi pour la formation des maîtreset de la main-d’œuvre.

En somme, l’éducation jouera à l’avenir un rôle encore plusimportant que par le passé dans le développement économique etsocial. En dépit des conseils que prodiguent ceux pour qui ladécentralisation ou la commercialisation de l’éducation – autrementdit, la responsabilisation des « parents-consommateurs » – est lastratégie la plus performante pour les pays et les régions dans uneéconomie globalisée, la réalité semble renvoyer une image biendifférente. Les gouvernements peuvent décider de décentraliser lagestion de l’éducation pour satisfaire les mouvements sociaux, régionauxou ethniques qui réclament une réforme « politique ». Maisl’amélioration de l’apprentissage ou de l’accès à l’éducation exige uneffort cohérent et systémique de la part du secteur public. En principe,cela signifie une augmentation des dépenses publiques dans un soucide plus grande efficacité. Les nations et les régions qui sauront fairepreuve d’une telle cohérence récolteront plus sûrement les fruits del’ère de l’information.

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Publications et documents de l’IIPE

Plus de 1 200 ouvrages sur la planification de l’éducation ont été publiéspar l’Institut international de planification de l’éducation. Un cataloguedétaillé est disponible ; il présente les sujets suivants :

Planification de l’éducationGénéralité– contexte du développement

Administration et gestion de l’éducationDécentralisation – participation – enseignement à distance – carte scolaire –enseignants

Économie de l’éducationCoûts et financement – emploi – coopération internationale

Qualité de l’éducationÉvaluation – innovations – inspection

Différents niveaux d’éducation formelleDe l’enseignement primaire au supérieur

Stratégies alternatives pour l’éducationÉducation permanente – éducation non formelle – groupes défavorisés –éducation des filles

Pour obtenir le catalogue, s’adresser à :IIPE, Diffusion des publications ([email protected]).Les titres et les résumés des nouvelles publications peuvent être

consultés sur le site web de l’IIPE, à l’adresse suivante :http:www.unesco.org/iiep

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L’Institut international de planification de l’éducation

L’Institut international de planification de l’éducation (IIPE) est un centre international,créé par l’UNESCO en 1963, pour la formation et la recherche dans le domaine de la planificationde l’éducation. Le financement de l’Institut est assuré par l’UNESCO et les contributionsvolontaires des États membres. Au cours des dernières années, l’Institut a reçu descontributions volontaires des États membres suivants : Allemagne, Danemark, Inde, Irlande,Islande, Norvège, Suède, Suisse et Venezuela.

L’Institut a pour but de contribuer au développement de l’éducation à travers le mondepar l’accroissement aussi bien des connaissances que du nombre d’experts compétents enmatière de planification de l’éducation. Pour atteindre ce but, l’Institut apporte sa collaborationaux organisations dans les États membres qui s’intéressent à cet aspect de la formation et dela recherche. Le Conseil d’administration de l’IIPE, qui donne son accord au programme et aubudget de l’Institut, se compose d’un maximum de huit membres élus et de quatre membresdésignés par l’Organisation des Nations Unies et par certains de ses institutions et institutsspécialisés.

Président :Lennart Wohlgemuth (Suède), Directeur, Institut nordique d’Afrique, Uppsala, Suède.

Membres désignés :David de Ferranti

Directeur, Département de développement humain (DDH), Banque mondiale, WashingtonD.C., Etats-Unis d’Amérique.

Carlos FortinSecrétaire-général adjoint, Conférence des Nations Unies sur le commerce et ledéveloppement (CNUCED), Genève, Suisse.

Miriam J. HirschfeldDirecteur, Division du développement des ressources humaines et du renforcementdes capacités, Organisation mondiale de la santé (OMS), Genève, Suisse.

Jeggan C. SenghorDirecteur, Institut africain de développement économique et de planification économiquedes Nations Unies (IDEP), Dakar, Sénégal.

Membres élus :Dato’Asiah bt. Abu Samah (Malaisie)

Conseiller d’entreprise, Lang Education, Kuala Lumpur, Malaisie.Klaus Hufner (Allemagne)

Professeur, Université Libre de Berlin, Berlin, Allemagne.Faïza Kefi (Tunisie)

Présidente, Union nationale de la Femme tunisienne, Tunis, Tunisie.Tamas Kozma (Hongrie)

Directeur général, Institut hongrois pour la recherche en éducation, Budapest, Hongrie.Teboho Moja (Afrique du Sud)

Conseiller spécial du Ministre de l’Education, Pretoria, Afrique du Sud.Yolanda M. Rojas (Costa Rica)

Professeur, Université de Costa Rica, San José, Costa Rica.Michel Vernières (France)

Professeur, Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, Paris, France.

Pour obtenir des renseignements sur l’Institut, s’adresser au :Secrétariat du Directeur, Institut international de planification de l’éducation,

7-9 rue Eugène-Delacroix, 75116 Paris, France.e-mail : [email protected]

Site Web : http://www.unesco.org/iiep