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MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT Étude conjointe du Bureau international du Travail et du Secrétariat de l’Organisation mondiale du commerce Marc Bacchetta Division de la recherche économique et des statistiques Organisation mondiale du commerce Ekkehard Ernst Juana P. Bustamante Institut international d’études sociales Bureau international du Travail élaborée par

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MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Étude conjointe du Bureau international du Travailet du Secrétariat de l’Organisation mondiale du commerce

Marc Bacchetta

Division de la recherche économique et des statistiques

Organisation mondiale du commerce

Ekkehard Ernst

Juana P. Bustamante

Institut international d’études sociales

Bureau international du Travail

élaborée par

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Copyright © 2009 Organisation internationale du Travail et Organisation mondiale du commerce.

La reproduction d’informations contenues dans le présent document n’est possible qu’avec l’autorisation écrite du Responsable des publications de l’OMC.

OMC ISBN 978-92-870-3692-6

BIT ISBN 978-92-2-222719-8

Également disponible en anglais et en espagnol:

Titre anglais OMC ISBN 978-92-870-3691-9 - BIT ISBN 978-92-2-122719-9

Titre espagnol OMC ISBN 978-92-870-3693-3 - BIT ISBN 978-92-2-322719-7

Les publications du BIT et de l’OMC peuvent être obtenues dans les principales librairies ou auprès du:

Service des publications de l’OMCOrganisation mondiale du commerce154, rue de LausanneCH-1211 Genève 21SuisseTéléphone: +41 (0)22 739 52 08Fax: +41 (0)22 739 54 58Adresse électronique: [email protected] Web: www.wto.orgLibrairie en ligne de l’OMC: http://onlinebookshop.wto.org

Service des publications du BITBureau international du Travail, CH-1211 Genève 22 Suisse Adresse électronique: [email protected] Web: www.ilo.org/publns

Imprimé par le Secrétariat de l’OMC, Suisse, 2009.

Avertissement

Les désignations utilisées dans les publications du BIT et de l’OMC, qui sont conformes à la pratique des Nations Unies, et la présentation des données qui y fi gurent n’impliquent de la part du Bureau international du Travail ou de l’Organisation mondiale du commerce aucune prise de position quant au statut juridique de tel ou tel pays, zone ou territoire, ou de ses autorités, ni quant au tracé de ses frontières.

Les études et autres textes n’engagent que leurs auteurs et leur publication ne signifi e pas que le Bureau international du Travail ou l’Organisation mondiale du commerce souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

La mention ou la non-mention de telle ou telle entreprise ou de tel ou tel produit ou procédé commercial n’implique de la part du Bureau international du Travail ou de l’Organisation mondiale du commerce aucune appréciation favorable ou défavorable.

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1MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Table des matières

Remerciements ............................................................................... 5

Avant-propos ................................................................................... 7

CHAPITRE 1: Mondialisation et informalité en période de crise ................................................................... 23

A. Les marchés du travail dans les économies

en développement ouvertes .........................................................................23

B. Faits essentiels concernant la mondialisation, le commerce

et l’emploi informel dans les pays en développement ............................28

C. Amélioration de l’équité sociale et de l’effi cacité grâce

à la lutte contre l’informalité .........................................................................40

CHAPITRE 2: Variétés d’informalité ..................................... 43

A. Trois conceptions de l’économie informelle ..............................................45

B. Un modèle unifi cateur: les marchés du travail

à segments multiples ......................................................................................47

C. Défi nitions: comment rendre opérationnels les concepts

d’informalité .....................................................................................................56

D. Le problème de la mesure ..............................................................................59

CHAPITRE 3: Ouverture au commerce et informalité ....... 65

A. Comment l’ouverture commerciale infl ue-t-elle

sur l’emploi et les salaires dans le secteur informel? .............................65

B. Que nous disent les données empiriques?.................................................75

CHAPITRE 4: Impact de l’informalité sur le commerce et la croissance ......................................................................... 97

A. Comment l’informalité détermine-t-elle les performances macro-

économiques? ..................................................................................................97

B. Informalité et performances macro-économiques:

données empiriques .....................................................................................102

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2 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

CHAPITRE 5: Résilience économique: la dynamique de l’informalité ................................................113

A. Mécanismes de transmission des chocs sur les marchés

du travail informels .......................................................................................113

B. Informalité et cycles économiques .............................................................116

C. Flux de capitaux et informalité ....................................................................120

CHAPITRE 6: Mondialisation et emploi informel: une évaluation empirique ...................................................... 127

A. Contexte ...........................................................................................................127

B. Impact de la mondialisation sur l’emploi informel ..................................134

C. L’emploi informel enferme-t-il les pays dans des structures

d’échanges? ...................................................................................................139

CHAPITRE 7: Des politiques robustes pour un monde incertain ....................................................... 143

A. Formalisation des entreprises ....................................................................146

B. Accompagner la transition entre le travail informel

et l’emploi formel ...........................................................................................151

C. Politiques commerciales favorables à l’emploi ........................................158

D. Cohérence entre la politique commerciale et la politique

du marché du travail ....................................................................................162

Bibliographie .......................................................................... 169

Annexe I. Description des données .................................... 183

A. Mesures concernant le secteur informel ..................................................183

B. Indicateurs économiques et sociaux utilisés

dans l’analyse empirique ............................................................................189

Annexe II. Détails techniques de l’analyse empirique .... 195

A. Considérations méthodologiques ..............................................................195

B. Résultats détaillés de la régression ...........................................................196

C. Tests de robustesse .......................................................................................197

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3MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Liste des graphiques

Graphique 1.1 Travailleurs indépendants et travailleurs familiaux(par rapport à l’emploi total, en pourcentage) ................................................29

Graphique 1.2 L’informalité dans le monde(par rapport à l’emploi total, en pourcentage) ....................................................................................................30

Graphique 1.3 Variation des taux d’informalité à l’intérieur des régions(par rapport à l’emploi total, en pourcentage) ................................................32

Graphique 1.4 Économie informelle(par rapport au PIB, en pourcentage) ...............................................................33

Graphique 1.5 Économie souterraine(par rapport au PIB, en pourcentage) ...............................................................34

Graphique 1.6 Incidence de l’informalité par niveau de qualifi cation(par rapport à l’emploi total, en pourcentage) ................................................35

Graphique 1.7 Situation d’emploi informel en Amérique latine, 2006(par rapport à l’emploi informel total, en pourcentage) ................................36

Graphique 1.8 Informalité et développement économique ........................37

Graphique 1.9 Ouverture commerciale et informalité en Asie ..................38

Graphique 1.10 Investissement étranger direct et informalitéen Amérique latine ................................................................................................39

Graphique 2.1 Marchés du travail à segments multiples ............................52

Graphique 5.1 Informalité et durabilité de la croissance à long terme(1990-2006)...........................................................................................................119

Graphique 6.1 Infl uence de la mondialisation et d’autres facteurséconomiques sur l’emploi informel .................................................................136

Graphique 6.2 Impact des politiques et de la réglementation surl’informalité ...........................................................................................................138

Graphique 6.3 Déterminants de la concentration des exportations .......141

Graphique A2.1 Quelques régressions par quantile ...................................204

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5MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Remerciements

Ce projet a été mené à bien sous la supervision de Patrick Low et de Raymond Torres. Les auteurs souhaitent remercier Charlotte Beauchamp, Margaret Fennessy, Sophie Lièvre, Paulette Planchette et Judy Rafferty de leur aide pour l’élaboration du rapport; Ana Cristina Molina et Lassana Yougbare de leur aide en matière de recherches, ainsi que Azita Berar Awad, Franz Ebert, Frank  Hoffer, Marion  Jansen, David Kucera, Francis Maupain, Marcelo Olarreaga, Roberta Piermartini, Anne Posthuma et Uma Rani, qui ont fait des observations sur les versions précédentes de cette étude. Ils tiennent à préciser qu’ils sont seuls responsables des erreurs ou omissions qui pourraient encore y fi gurer. La production du rapport a été assurée en étroite collaboration avec Anthony Martin, Serge Marin-Pache et Heather Sapey-Pertin de la Division de l’information et des relations extérieures. Enfi n, les auteurs remercient la Division des services linguistiques, de la documentation et de la gestion de l’information de l’OMC pour le travail considérable qu’elle a accompli.

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7MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Avant-propos

La présente étude est le résultat d’un programme de recherche mené en collaboration par l’Institut international d’études sociales de l’Organisation internationale du travail (OIT) et le Secrétariat de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Faisant suite à l’analyse conjointe des études sur le commerce et l’emploi, publiée en 2007, elle est axée sur les liens entre la mondialisation et l’emploi informel dans les pays en développement, sujet qui a fait l’objet de maints débats mais qui est relativement peu connu.

Dans de nombreux pays en développement, une majorité de travailleurs sont employés dans l’économie informelle, où ils ont de faibles revenus, une sécurité d’emploi limitée et pas de protection sociale. La mondialisation, et le commerce en particulier, offrent la possibilité d’accroître le bien-être à l’échelon mondial et d’améliorer la situation de l’emploi. Ces dernières années, cependant, tandis que les échanges et la croissance enregistraient une forte expansion au niveau mondial, la part des travailleurs dans l’économie informelle a progressé ou est restée constante. Même dans l’économie formelle, une proportion croissante de travailleurs n’est pas déclarée ou se trouve dans une situation précaire. Ces conditions risquent fort de se dégrader sous l’effet de la crise fi nancière mondiale. L’étude présente une analyse approfondie des liens d’interdépendance entre le commerce et l’économie informelle, et de la manière dont des politiques commerciales bien conçues et des politiques favorisant des conditions de travail décentes peuvent contribuer à améliorer la situation de l’emploi.

Nous considérons que cette étude est une initiative utile qui vient à point pour mieux faire comprendre les liens complexes unissant commerce et emploi dans les pays en développement. Nous espérons qu’elle aidera les gouvernements à prendre des décisions dans un environnement complexe en rapide évolution. Conjuguant les compétences des Secrétariats de l’OIT et de l’OMC, l’étude examine en quoi les politiques commerciales et sociales peuvent aider à établir une trajectoire de croissance plus équilibrée dans les pays en développement.

Nous sommes donc heureux de présenter cette étude, qui est le fruit d’une collaboration suivie entre les deux Secrétariats sur des questions d’intérêt commun.

Pascal LamyDirecteur général de l’OMC

Juan SomaviaDirecteur général de l’OIT

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9RÉSUMÉ ANALYTIQUE

RÉSUMÉ ANALYTIQUE

La mondialisation n’a entraîné qu’une légère réduction de la vulnérabilité du marché du travail dans de nombreux pays en développement …

Le commerce mondial a connu une vigoureuse expansion au cours de la décennie écoulée. En 2007, il représentait plus de 60 pour cent du PIB mondial, contre moins de 30 pour cent au milieu des années 1980. Il serait diffi cile de nier que cet essor a favorisé la croissance et la création d’emplois à travers le monde. Mais, jusqu’à présent, la vigueur de l’économie mondiale ne s’est pas traduite, dans bien des cas, par une amélioration des conditions de travail et des niveaux de vie. La pauvreté absolue a certes diminué grâce au dynamisme économique de ces dernières années, aux efforts des entreprises privées, aux envois de fonds des travailleurs migrants et aux initiatives de la communauté internationale du développement. Mais bien souvent, les conditions du marché du travail et la qualité des emplois ne se sont pas améliorées pour autant. Dans les pays en développement, la création d’emplois a eu lieu principalement dans l’économie informelle, qui fait vivre près de 60 pour cent de la population active. Or, l’économie informelle est caractérisée par une plus faible sécurité de l’emploi, des revenus plus bas, le non-accès à de nombreux avantages sociaux et une moindre possibilité de participer aux programmes d’éducation et de formation formels – en somme ce sont les principaux ingrédients d’un travail décent qui font défaut.

La vulnérabilité persistante du marché du travail a empêché les pays en développement de tirer pleinement parti de la dynamique de la mondialisation. Bien que l’économie informelle soit généralement caractérisée par un grand dynamisme, une grande rapidité d’entrée et de sortie et une souplesse d’ajustement aux fl uctuations de la demande, son caractère informel limite la possibilité pour les pays en développement de tirer pleinement profi t de l’intégration dans l’économie mondiale. En particulier, les pays où il existe un vaste secteur informel ne sont pas en mesure de se doter d’une base d’exportation large et diversifi ée en raison des entraves à la croissance des entreprises. Nonobstant la diffi culté bien connue d’obtenir des données fi ables sur les activités informelles (pour les raisons expliquées plus loin), il ressort de la présente étude que les pays où l’économie informelle est importante ont des exportations moins diversifi ées – une augmentation de 10 points de l’importance de

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10 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

l’économie informelle équivaut à une réduction de 10 pour cent de la diversifi cation des exportations. Les travailleurs du secteur informel ont du mal à acquérir les qualifi cations formelles de base qu’ils pourraient mettre à profi t dans une large gamme d’emplois. De même, les entreprises de ce secteur sont souvent de petite taille et se heurtent à des obstacles qui freinent leur croissance, et les empêchent d’offrir des biens et des services de qualité. Et lorsque l’économie s’ouvre, le secteur informel constitue souvent une variable d’ajustement pour les travailleurs qui perdent leur emploi au détriment des normes de travail décent, ce qui n’aurait pas lieu s’il existait d’autres possibilités d’emploi dans l’économie formelle. En bref, les entreprises du secteur informel ne sont pas en mesure de réaliser des bénéfi ces suffi sants pour récompenser l’innovation et la prise de risque – deux conditions essentielles d’une réussite économique durable. Selon les estimations, les pays analysés dans cette étude ont perdu jusqu’à 2 points de croissance moyenne à cause du marché du travail informel.

Enfi n, la mondialisation a créé de nouveaux facteurs de chocs extérieurs. Les chaînes de production mondiales peuvent propager les chocs macro-économiques et commerciaux à travers les pays à une vitesse inouïe, comme l’a montré la crise économique actuelle. Dans ces conditions, les pays en développement risquent d’entrer dans un cercle vicieux d’informalisation et de vulnérabilité croissante. Ceux qui ont un vaste secteur informel sont les plus touchés par les effets des chocs négatifs. De fait, on estime que les pays où la part du secteur informel est supérieure à la moyenne risquent trois fois plus de pâtir d’une crise que ceux où l’économie informelle est moins développée. Il est donc utile de se pencher sur le problème du secteur informel non seulement dans un souci d’équité sociale, mais aussi pour améliorer l’effi cience dynamique des pays de manière à ce qu’ils puissent accroître la production à forte valeur ajoutée et affronter la concurrence sur le marché mondial. Le fait d’encourager l’activité des travailleurs et des entreprises dans le secteur formel aidera aussi les pays à accroître leurs recettes fi scales tout en leur donnant les moyens de stabiliser leur économie et d’atténuer les effets négatifs des chocs extérieurs. Comme l’a montré la crise actuelle, les pays dont le marché du travail est vulnérable sont aussi ceux qui ont le plus de mal à faire face à la détérioration des conditions économiques. C’est pourquoi il est essentiel, dans une optique de développement, de réduire la taille du secteur informel.

L’étude affi rme qu’il est possible de relever ces défi s et de réduire le taux d’informalité dans les pays en développement, malgré la pression accrue que la mondialisation peut exercer sur le marché du travail. En fait, les réformes commerciales peuvent être bénéfi ques à long terme au marché du travail si l’on adopte la bonne stratégie

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11RÉSUMÉ ANALYTIQUE

d’ouverture – notamment en ce qui concerne le calendrier des réformes et les politiques de soutien du type «Aide pour le commerce» – combinée à une série de mesures internes appropriées. Pour que cette approche soit couronnée de succès, il faut bien comprendre quelles sont les voies par lesquelles les réformes commerciales infl uent sur le marché du travail. Il faut aussi comprendre comment les problèmes liés à l’existence d’une économie informelle entravent la participation au commerce international, limitent la diversifi cation des exportations et affaiblissent la résistance aux chocs économiques.

… car le dynamisme économique n’a pas réduit les taux d’informalité élevés.

Il n’est pas facile de déterminer la taille des économies informelles, ni de suivre l’évolution de l’emploi dans le secteur informel. S’appuyant sur une défi nition large englobant différents «types d’informalité», cette étude montre – pour un échantillon de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine  – que les taux d’informalité varient fortement d’un pays à l’autre et sont très persistants dans le temps. Ils peuvent être de l’ordre de 90 pour cent dans certains pays et de 30 pour cent à peine dans d’autres. L’incidence de l’activité informelle varie aussi beaucoup en fonction du niveau de qualifi cation des travailleurs. On estime qu’en Amérique latine les plus qualifi és ont cinq fois moins de probabilité de travailler dans le secteur informel que les moins qualifi és. De surcroît, les choix professionnels infl uent grandement sur le risque d’informalité. Le travail indépendant semble être associé à l’informalité dans plus de 50 pour cent des cas, alors que le travail dans une petite entreprise de moins de cinq employés réduit ce risque à environ 30  pour cent. Mais ce qui est plus important encore, c’est qu’il est avéré que les taux d’informalité évoluent peu dans le temps et ne réagissent que faiblement à l’accélération de la croissance économique ou à l’ouverture du commerce. De fait, seuls quelques pays enregistrent un recul persistant du secteur informel après l’ouverture du commerce, alors que dans d’autres, ne diminuent que très faiblement, voire pas du tout, sous l’effet de l’intégration commerciale. Ce constat remet en cause certaines des affi rmations précédentes concernant les effets bénéfi ques de la croissance et de l’intégration commerciale sur la création d’emplois (dans le secteur formel). Il donne aussi à penser que les politiques menées – réglementation du marché du travail, coordination avec les réformes commerciales et mesures de soutien du commerce – jouent un rôle crucial en déterminant la capacité de chaque pays à tirer profi t de l’intégration dans le commerce international et de l’accélération de la croissance.

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12 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Dans certains cas, les réformes commerciales ont accentué la vulnérabilité du marché du travail à court terme …

La théorie économique ne permet guère de faire des prévisions solides sur les conséquences de l’ouverture du commerce pour le secteur informel. Les modèles théoriques privilégient les cas où l’ouverture commerciale entraîne une augmentation de l’emploi dans le secteur informel, analysant dans quelles conditions les salaires dans ce secteur augmenteront ou diminueront. Comme les modèles disponibles diffèrent sur bien des points, il est diffi cile de comparer les résultats et d’isoler le rôle de leurs hypothèses spécifi ques. Les résultats théoriques mettent cependant en lumière un certain nombre d’éléments essentiels qu’il faut prendre en considération pour mieux comprendre les liens entre mondialisation et économie informelle. Si les capitaux sont mobiles entre les secteurs, l’économie informelle peut bénéfi cier d’une augmentation de la demande des biens et services qu’elle produit; les salaires informels pourraient alors augmenter. Les marchés du travail informels pourraient profi ter encore plus des réformes commerciales si leurs produits étaient directement échangeables sur les marchés internationaux – condition préalable qui ne semble guère pouvoir être remplie dans de nombreux pays, comme le montrera cette étude. En revanche, dans la mesure où il existe des relations verticales complémentaires entre l’économie formelle et l’économie informelle, l’ajustement structurel dans le secteur formel consécutif à des réformes commerciales peut avoir un effet négatif – du moins à court terme – sur le secteur informel.

Nonobstant la plausibilité théorique de ces voies de transmission, il a été démontré que les réformes commerciales ont bien souvent suscité des réactions du marché du travail différentes de celles que supposaient ces liens a priori. On peut s’attendre, par exemple, à ce que la mondialisation et l’intégration commerciale amènent les pays dotés d’une main-d’œuvre abondante à se spécialiser dans les industries utilisant beaucoup de main-d’œuvre peu qualifi ée. Certains espéraient que cela entraînerait une hausse des salaires ou une amélioration des conditions de travail de la main-d’œuvre peu qualifi ée, notamment du fait de l’augmentation du nombre d’emplois dans le secteur formel pour les travailleurs peu qualifi és. Or, les données disponibles indiquent que la prime de qualifi cation a augmenté, aussi bien dans les pays développés que dans les pays émergents, de sorte que la situation des travailleurs peu qualifi és s’est (relativement) détériorée. Cette évolution a été expliquée en partie par le fait que les investissements internationaux sont complémentaires de la demande de main-d’œuvre très qualifi ée. En effet, les grandes entreprises multinationales ont besoin d’embaucher du personnel qualifi é dans les pays émergents pour pouvoir organiser effi cacement leurs chaînes de production internationales, ce qui explique

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13RÉSUMÉ ANALYTIQUE

pourquoi les primes de qualifi cation ont aussi augmenté dans ces pays. Il a été dit par ailleurs que l’évolution technologique qui favorise la demande de travailleurs qualifi és peut être liée à l’augmentation observée des primes de qualifi cation. À mesure que la technologie se diffuse dans le monde, les pays enregistrent une augmentation de la demande de main-d’œuvre très qualifi ée – que la main-d’œuvre peu qualifi ée soit abondante ou non. Il se peut aussi que l’évolution technologique biaisée en faveur des compétences soit liée de plus en plus à l’ouverture du commerce. Il est d’ailleurs attesté empiriquement que l’ouverture commerciale a favorisé le développement et la diffusion des technologies exigeant des qualifi cations élevées.

Les quelques données disponibles ne permettent pas de tirer des conclusions générales quant aux effets de l’ouverture du commerce sur l’emploi. Celles qui concernent les pays d’Amérique latine semblent indiquer que ces effets dépendent fortement des circonstances nationales. Le fait que le marché du travail informel réagit différemment (à court terme) aux réformes commerciales d’un pays à l’autre semble être dû aussi à des différences dans la redistribution sectorielle du capital et du travail, liées en partie à la diversité des politiques mises en place.

… et semblent ne profi ter à l’emploi et aux salaires que sur le long terme.

En dernière analyse, les diffi cultés rencontrées dans les études empiriques pour identifi er clairement l’impact de l’ouverture du commerce sur l’économie informelle semblent dues en partie au fait qu’il faut distinguer les effets à court terme des effets à long terme. Selon les estimations présentées dans cette étude, il se peut que l’ouverture du commerce entraîne, à court terme, la croissance du marché du travail informel, qui oblige les entreprises protégées du secteur formel à s’adapter et à redéployer emplois et salariés. Mais à plus long terme, le plus grand dynamisme économique qui devrait résulter de l’intensifi cation des échanges peut stimuler l’emploi dans le secteur formel. Ce résultat peut permettre de rapprocher en partie les différences d’interprétation entre les analyses examinées ici. Il cadre aussi avec les conclusions d’études transversales plus récentes, qui montrent que les réformes commerciales peuvent entraîner un accroissement de la production du secteur informel parallèlement à un recul de l’emploi, ce qui signifi e que des gains de productivité peuvent être enregistrés dans ce secteur après une réforme commerciale. L’analyse empirique présentée dans cette étude montre aussi que les politiques nationales jouent un rôle clé dans l’explication des avantages que les pays ont pu retirer des réformes commerciales.

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14 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Le marché du travail informel pèse sur les résultats à l’exportation des pays en développement …

Non seulement l’économie informelle est infl uencée par le commerce international, mais encore elle infl ue sur la capacité d’un pays à y participer et à générer de la croissance. Il y a cependant peu d’études empiriques analysant le lien de causalité possible entre informalité et commerce. Bon nombre des travaux dans ce domaine s’appuient sur des déductions indirectes et ont été effectués à un niveau très agrégé. On sait peu de choses sur la microéconomie de l’activité informelle et la dynamique de l’emploi, la création d’entreprises et la croissance. La présente étude identifi e, cependant, sur la base des données disponibles et d’une analyse empirique originale, quatre canaux par lesquels le marché du travail informel peut infl uer sur les résultats commerciaux et macro-économiques: l’existence d’un large secteur informel peut a) réduire le degré de diversifi cation des exportations, b) limiter la taille des entreprises et, partant, la croissance de la productivité, c) contribuer à l’engrenage de la pauvreté en empêchant la redistribution des emplois dans l’économie formelle et d) avoir un effet plus positif en favorisant l’offre de biens et services intermédiaires bon marché permettant aux entreprises du secteur formel d’être plus compétitives sur les marchés internationaux.

La diversifi cation des exportations est considérée depuis longtemps comme une condition préalable à la croissance et au développement, sauf peut-être pour les (petits) pays très avancés qui peuvent tirer pleinement parti du commerce international en se spécialisant dans des marchés de niche. Les pays qui ne diversifi ent pas leurs exportations – notamment en passant de l’exportation de produits de base dont la demande n’est pas élastique et qui sont sensibles aux prix à l’exportation de produits fi nis et semi-fi nis – risquent de s’enfermer dans un schéma de spécialisation qui leur laisse peu de possibilités d’innovation et de création de valeur. Cette dynamique de spécialisation défavorable peut être liée en partie aux carences de la réglementation ou à l’absence de réformes commerciales. Mais, l’étude souligne aussi que l’existence d’une économie informelle importante par rapport à l’économie formelle est une cause supplémentaire de faible diversifi cation des exportations. Elle montre que cet effet n’est pas lié au degré effectif d’ouverture commerciale et s’ajoute aux autres facteurs susceptibles d’infl uer sur la diversifi cation des exportations, tels que la taille du pays.

L’économie informelle peut aussi nuire aux résultats commerciaux, car les entreprises informelles sont souvent trop petites pour tirer pleinement parti des économies d’échelle. Il existe cependant un lien étroit entre la taille des entreprises, les gains de productivité et les possibilités d’exportation. Non seulement les grandes entreprises

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15RÉSUMÉ ANALYTIQUE

peuvent bénéfi cier d’économies d’échelle, mais aussi elles ont plus facilement accès à la main-d’œuvre très qualifi ée et au crédit bancaire (notamment aux crédits commerciaux). Elles sont généralement plus fi ables que les petites entreprises pour ce qui est de l’exécution des contrats de vente dans les délais, ce qui est un précieux atout pour nouer des relations durables avec la clientèle. Le fait que les petites entreprises ont du mal à recruter des cadres compétents et se cantonnent généralement dans les réseaux commerciaux locaux semble être le facteur le plus répandu à cet égard. Différentes expériences nationales confi rment ce tableau d’ensemble. Lorsque la taille moyenne des entreprises diminue soudainement, les pays perdent généralement des parts de marché à l’international et leurs échanges commencent à diminuer. Cet effet est amplifi é par la tendance des petites entreprises à desservir principalement le marché local, ce qui les prive d’une part, du contact avec la clientèle internationale – et donc de la possibilité de répondre à ses préférences, par exemple – et, d’autre part, de l’accès aux circuits de distribution internationaux.

Le secteur informel peut aussi constituer un obstacle à la restructuration de l’économie. On estime qu’environ 10  pour cent des emplois sont détruits chaque année dans de nombreux pays, quelle que soit leur situation économique et institutionnelle, et que bon nombre des travailleurs qui perdent leur emploi doivent choisir entre le chômage et un emploi dans le secteur informel. Cependant, dans les pays qui n’ont pas de système de protection sociale, même le plus élémentaire, le chômage n’est vraisemblablement pas une option. Le taux d’entrée dans le secteur informel est donc élevé, mais il en va de même du taux de sortie, de sorte que le niveau de mobilité dans le secteur informel est comparable à celui qui est observé dans l’économie formelle. Cela donne l’impression que les segments informels de l’économie sont dynamiques, mais en fait, de nombreux travailleurs y restent pendant de longues périodes et, bien souvent, ils en sortent par le bas, c’est-à-dire, entre autres, par le chômage ou le retrait du marché. En outre, il est beaucoup plus diffi cile pour les travailleurs du secteur informel de revenir sur le marché de l’emploi formel, en particulier dans les segments inférieurs de ce marché. Pour les pays qui ont fait l’objet d’une analyse empirique, l’étude estime qu’une fois sur le marché informel, un travailleur a deux fois plus de risque de devenir chômeur dans une année donnée que de retrouver un emploi dans le secteur formel. Et la probabilité qu’il reste dans le secteur informel est plus de deux fois plus grande. Les mêmes données montrent que, si la réaffectation des emplois est importante pour la réussite de l’ajustement structurel, l’économie informelle peut empêcher la transition nécessaire entre différents segments de l’économie formelle en partie à cause de la perte de capital humain et social pour ceux qui restent longtemps dans l’économie informelle. Cela peut entraîner des pénuries de main-d’œuvre dans les secteurs qui prospèrent à la

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suite d’une réforme commerciale, de sorte que les entreprises de ces secteurs sont amenées à réduire leur capital et la taille de leurs installations, ce qui limite leurs possibilités d’exportation et empêche les pays concernés de profi ter pleinement de l’ouverture commerciale.

Enfi n, l’économie informelle est jugée indispensable pour permettre aux entreprises du secteur formel qui font partie de chaînes d’approvisionnement verticales de soutenir la concurrence sur les marchés internationaux. Il a été dit aussi que l’existence d’un vaste secteur informel est importante pour le succès des zones franches industrielles. Toutefois, les données empiriques disponibles ne permettent pas de tirer des conclusions claires sur ce point. Il se peut que les entreprises qui utilisent des intrants provenant de l’économie informelle soient elles-mêmes en position de faiblesse sur les marchés mondiaux et doivent lutter pour survivre. L’utilisation d’intrants fournis par le secteur informel est alors pour elles un dernier recours pour faire face à la concurrence internationale. Cela ne peut pas être considéré comme une stratégie gagnante pour conquérir des parts de marché. De plus, les données disponibles semblent indiquer que le soutien par le secteur informel d’entreprises formelles non rentables peut être préjudiciable à terme au développement et à la croissance économiques. On peut démontrer, en particulier, que les gains de compétitivité-prix résultant de l’utilisation de biens intermédiaires provenant du secteur informel ont un coût en termes de réduction de la taille moyenne des entreprises, de la croissance potentielle et des gains de productivité, ce qui nuit aux résultats économiques à long terme et aux performances dans le commerce international.

… et déclenche un engrenage de pauvreté dans les pays où le marché du travail est vulnérable.

L’économie informelle est associée à une plus grande vulnérabilité aux chocs économiques, en même temps qu’elle rend ces chocs plus probables. La combinaison de ces deux tendances peut créer un cercle vicieux, car elle nuit aux performances à long terme d’un pays, diminue les bénéfi ces qu’il peut tirer du commerce et réduit le bien-être économique. La volatilité de la croissance et la fréquence des phénomènes économiques extrêmes (par exemple brusque alternance de phases de croissance rapide et de ralentissement) ont tendance à augmenter avec la taille de l’économie informelle. Les pays où elle est supérieure à la moyenne ont presque deux fois plus de risque de subir des phénomènes économiques extrêmes que ceux où l’emploi informel est plus limité. Les données empiriques présentées dans la littérature confi rment généralement cet effet négatif de l’économie informelle sur la volatilité des cycles économiques – l’informalité étant à la fois une cause directe de volatilité

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accrue et un indicateur indirect de carences institutionnelles qui rendent un pays moins résistant aux chocs, comme l’absence de stabilisateurs automatiques ou la présence de distorsions d’ordre réglementaire.

La présente étude montre qu’un taux d’informalité élevé place les pays concernés dans les segments les plus bas, et les plus vulnérables, des chaînes de production mondiales. Les pays où le secteur informel est très développé peuvent attirer des types particuliers de fl ux de capitaux, liés à l’existence d’un vaste gisement de main-d’œuvre bon marché. Un certain nombre de pays émergents et de pays en développement semblent avoir essayé, dans le passé, de tirer argument de la taille de leur secteur informel pour inciter les investisseurs internationaux à profi ter des faibles coûts de main-d’œuvre. Les zones franches industrielles, par exemple, peuvent abaisser ces coûts par rapport au reste de l’économie par l’application sélective ou partielle du droit du travail. Mais les gouvernements peuvent aussi établir ces zones dans les régions et les secteurs où l’activité informelle est très répandue pour y améliorer les conditions de travail. Les observations empiriques laissent penser que cet objectif n’a pas toujours été atteint. Cela tient en partie à ce que le marché du travail informel et les zones franches industrielles sont souvent les maillons faibles de la chaîne de production mondiale, ce qui empêche les entreprises opérant dans ces zones de s’approprier une part suffi samment grande de la valeur ajoutée internationale pour croître et innover. Les conditions de travail locales peuvent alors s’améliorer dans une certaine mesure – du moins par rapport à la situation qui existait avant l’ouverture au commerce et à l’investissement – mais les arrangements de ce type ne permettent guère aux pays de dégager des bénéfi ces croissants de l’intégration internationale. Il se peut même qu’au bout du compte, les conditions du marché du travail ne soient guère plus favorables qu’avant l’ouverture économique, alors que l’économie peut être devenue plus vulnérable aux chocs externes.

Les politiques adoptées par les pays en développement jouent un rôle décisif dans l’augmentation des avantages qu’ils retirent de la mondialisation …

L’une des principales conclusions de cette étude conjointe du BIT et de l’OMC est qu’il n’existe pas de relation simple ou linéaire entre l’ouverture du commerce et l’évolution de l’emploi dans le secteur informel. L’augmentation initiale de la taille du secteur informel peut s’inverser lorsque l’ouverture commerciale favorise la croissance du secteur formel. La réaction aux réformes commerciales varie d’un pays à l’autre. Certains enregistrent une forte hausse du taux d’informalité, tandis que d’autres ne voient aucun changement à ce niveau ou bénéfi cient même, au départ, de la

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croissance de l’économie formelle. Cette grande diversité des résultats se retrouve dans les différentes conclusions des études résumées ici. Mais le point essentiel, c’est que les politiques adoptées jouent un rôle décisif.

… en favorisant la formalisation de l’économie informelle, …

L’étude examine trois cas dans lesquels les politiques peuvent être ajustées de manière à maximiser l’impact positif des réformes commerciales sur le marché du travail. Dans le premier cas, l’accent est mis sur l’importance de créer des conditions favorisant la formalisation de l’économie informelle, indépendamment du degré d’intégration du pays dans l’économie mondiale. Il faut reconnaître que les stratégies de formalisation ne peuvent pas régler d’un coup les problèmes du marché du travail dans les pays en développement. Mais, vu que, dans ces pays, environ 60 pour cent des actifs travaillent dans l’économie informelle, des pans entiers de la société sont privés de sources de revenu et de perspectives professionnelles adéquates. Dans le même temps, des taux d’informalité élevés limitent les ressources publiques qui pourraient être utilisées de façon productive, freinent la croissance de la demande globale et entravent l’intégration des pays dans l’économie mondiale. Les politiques qui permettent de soutenir les entreprises et les travailleurs du secteur informel – dans le but de les ramener, à terme, dans l’économie formelle – pourraient donc non seulement aider à améliorer les conditions de travail, mais aussi alimenter un moteur important de la croissance.

Il faut faire une distinction entre les politiques qui favorisent la formalisation des entreprises et celles qui visent les travailleurs. Dans le premier cas, les politiques peuvent renforcer les incitations en abaissant le coût de la formalisation et en augmentant les avantages qu’elle procure. Bien souvent, ce résultat peut être obtenu au moyen de modifi cations de la réglementation ou des dispositions administratives qui n’ont aucun coût budgétaire pour les autorités. La simplifi cation des formalités, l’allégement de la pression fi scale (en particulier pour les jeunes entreprises et les petites entreprises) et l’octroi d’une aide aux entreprises qui souhaitent faire appel aux marchés de capitaux (locaux) sont autant d’exemples de stratégies que les pays peuvent mettre en œuvre. Ces mesures peuvent avoir un coût budgétaire limité, mais elles procurent des avantages qui peuvent être importants à long terme. En outre, les marchés publics peuvent être utilisés pour stimuler la demande de la part de l’économie formelle, ce qui peut inciter les entreprises informelles à entrer dans le secteur formel.

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Pour faciliter le passage des travailleurs informels dans l’économie formelle, les politiques devraient mettre l’accent sur: a)  l’octroi d’un soutien aux travailleurs pour qu’ils sortent du secteur informel; b)  l’investissement dans les infrastructures de manière à améliorer la productivité des entreprises informelles et faciliter la formalisation; et c) la mise en place d’une protection sociale de base pour ceux qui restent dans le secteur informel. À cet égard, il faudrait mettre résolument l’accent sur les moyens et programmes de formation destinés aux travailleurs informels, étant donné la relation (négative) très nette mise en lumière dans cette étude entre le niveau d’éducation et le travail informel. Ces politiques pourraient s’appuyer, dans la mesure du possible, sur les infrastructures de formation existant dans l’économie informelle afi n de peser moins lourdement sur le budget et avoir une plus grande effi cacité. En outre, pour toucher les travailleurs informels de la catégorie supérieure, on pourrait modifi er le barème d’imposition et, si possible, adopter un code des impôts très simplifi é de manière à renforcer le respect de la réglementation fi scale et du droit du travail, à accroître l’offre de main-d’œuvre dans l’économie formelle et à augmenter les recettes fi scales. Cette augmentation des recettes pourrait être mise à profi t pour encourager plus directement la création d’emplois dans l’économie formelle en mettant en place des dispositifs d’embauche ciblés ou en subventionnant les salaires. Conjuguées à des possibilités de formation adéquates, ces mesures pourraient dynamiser considérablement l’emploi dans l’économie formelle.

Toutefois, de telles politiques ne permettent pas de toucher tous les travailleurs informels. Aussi faut-il renforcer les mécanismes permettant de soutenir ceux qui restent dans l’économie informelle en assurant au moins une protection sociale de base, de manière à limiter la vulnérabilité sur ce marché et à améliorer le fonctionnement du marché du travail informel. Mais ces mesures peuvent avoir un coût budgétaire élevé, en particulier dans les pays où le secteur informel est important, ce qui explique qu’elles n’aient pas été appliquées plus largement. À cet égard, les données disponibles tendent à montrer qu’il est possible d’établir un minimum social à un coût acceptable sans compromettre la viabilité budgétaire. En outre, dans les pays où l’économie informelle a commencé à s’auto-organiser (par le biais d’associations de travailleurs, par exemple), les autorités pourraient soutenir ces mécanismes d’auto-assurance en fournissant les garanties nécessaires, sans les gérer elles-mêmes. Plus généralement, il faudrait s’appuyer sur les collectivités et les initiatives locales pour défi nir des politiques de soutien à l’économie informelle qui contribueraient à l’effi cacité accrue des mesures prises. Le dialogue social entre employeurs et travailleurs, notamment au niveau national, est essentiel pour le succès des stratégies de formalisation.

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… en permettant de mettre en œuvre des réformes commerciales tout en veillant à la création d’emplois …

Deuxièmement, les réformes commerciales peuvent être mises en œuvre d’une manière favorable à l’emploi, en faisant en sorte que le redéploiement des emplois soit plus propice à la croissance de l’emploi. Bien que l’on sache peu de chose des aspects microéconomiques de la dynamique de transformation qui suit les réformes commerciales, il s’est avéré, dans le passé, que certains principes généraux servaient de base à un ensemble de politiques solides de nature à rendre les réformes commerciales plus favorables au marché du travail. Tout d’abord, un processus graduel peut être nécessaire pour aider les autorités, les travailleurs et les entreprises à s’adapter au nouvel environnement. Comme cela est indiqué dans la présente étude, la réduction des obstacles au commerce accentuera sans doute la vulnérabilité du marché du travail à court terme, malgré la promesse d’effets bénéfi ques à plus long terme. Les autorités doivent en tenir compte lorsqu’elles soupèsent les différentes options de réforme. De ce point de vue, les fl exibilités accordées aux pays en développement dans le cadre des négociations commerciales à l’OMC et inscrites dans les règles devraient permettre de réduire les éventuels coûts d’ajustement à court terme. Le processus d’ouverture devrait néanmoins être exempt, autant que possible, de toute distorsion. Le fait d’ouvrir seulement quelques segments de l’économie tout en maintenant certains secteurs ou certaines entreprises à l’abri de la concurrence étrangère risque d’aggraver les distorsions dans l’économie sans forcément procurer des avantages macro-économiques. Par ailleurs, l’ouverture du commerce ne devrait pas être limitée à l’ouverture à la concurrence des importations – il est en effet essentiel de développer un secteur orienté vers l’exportation pour réduire les coûts d’ajustement associés aux réformes commerciales et aider les travailleurs à passer des secteurs exposés à la concurrence des importations aux secteurs tournés vers l’exportation. L’initiative Aide pour le commerce peut jouer un rôle important à cet égard. L’ouverture du commerce aux niveaux régional et multilatéral peut aussi être utile pour diversifi er l’économie. Enfi n, l’étude soutient que les réformes commerciales doivent être annoncées d’une façon crédible. L’ajustement sera d’autant plus rapide que les travailleurs et les entreprises seront convaincus du caractère irréversible des mesures prises en vue d’ouvrir davantage le commerce. La mise en œuvre de l’Agenda du travail décent est nécessaire à cet égard.

… et en tirant parti des complémentarités entre la réforme commerciale et celle du marché du travail.

Troisièmement, l’étude souligne l’importance de la cohérence entre la politique commerciale et la politique du marché du travail. Les approches antérieures misaient

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généralement sur le commerce, qui était censé contribuer, par effet de ruissellement, à la création d’emplois et à la croissance des salaires. Ces approches, qui ne semblent pas avoir donné des résultats satisfaisants, pourraient être complétées par la prise en compte plus effective des interactions entre le commerce et la dynamique du marché du travail. L’une d’elles a consisté à demander l’intégration de certaines normes du travail en particulier les normes fondamentales du travail défi nies dans la Déclaration de l’OIT de 1998 – comme la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective; l’élimination de toutes les formes de travail forcé et obligatoire; l’abolition effective du travail des enfants; et l’élimination de la discrimination dans l’emploi et la profession. Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur cette approche à l’OMC, dont les Membres ont reconnu, dans la Déclaration ministérielle de Singapour, la compétence de l’OIT pour ce qui est d’«établir» les normes du travail «et s’en occuper», quelques accords commerciaux bilatéraux contiennent des dispositions de ce genre. Mais l’on ne sait pas très bien dans quelle mesure elles ont profi té aux travailleurs des pays concernés. Il semblerait que les normes en vigueur sur le marché du travail formel aient des répercussions sensibles sur les conditions de travail dans l’économie informelle. Par exemple, l’augmentation prudente du salaire minimum légal peut entraîner une hausse des rémunérations dans le secteur informel et peut même accroître – comme le montre cette étude – les incitations à la création d’emplois dans le secteur formel.

L’application plus large de politiques actives du marché du travail est un autre moyen d’aider les pays à s’adapter à l’ouverture commerciale. On a constaté dans le passé que, si elles sont bien conçues, ces politiques peuvent être des outils effi caces de redistribution des emplois, même en période d’ajustement structurel (ajustement qui a lieu, en général, après l’ouverture du commerce). Cependant, ces politiques supposent la mise en place de services publics d’emploi et de centres d’information pouvant recueillir des informations pertinentes sur le marché du travail (restructurations d’entreprises, faillites, offres d’emploi ou besoins de formation des entreprises, au niveau local par exemple). En outre, des fi nancements supplémentaires sont nécessaires pour fournir des services de formation (recyclage) et de recherche d’emploi aux chômeurs et aux travailleurs du secteur informel. Il est essentiel que ces mécanismes disposent de ressources fi nancières et humaines suffi santes pour paraître crédibles. De longues heures d’attente et des services de conseil ou de formation de piètre qualité risquent de susciter la frustration et le désintérêt de ceux qui ont recours à ces services. Il ressort des données disponibles que le coût d’une politique du marché du travail active et effective dépasse rarement 1,5 pour cent du PIB. Dans de nombreux pays en transition d’Europe orientale, il ne représente pas plus de 1 pour cent du PIB, dépense qui pourrait être fi nancée en partie par l’aide

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publique au développement dans les pays qui n’ont pas la capacité budgétaire requise pour appliquer un tel système.

Enfi n, la politique commerciale et la politique du marché du travail doivent être mises en œuvre de façon coordonnée. L’offre doit être renforcée parallèlement à l’ouverture du commerce pour permettre la concrétisation rapide des avantages à long terme de l’intégration internationale. Il peut être suffi sant, dans un premier temps, de réduire les obstacles à la croissance des entreprises et à la création d’emplois, tels que les pesanteurs administratives, l’absence de droits de propriété bien défi nis, ou l’absence de dosage judicieux des politiques, comme cela a été dit plus haut. L’ouverture du commerce peut mettre en évidence certaines des contraintes qui pèsent le plus lourdement sur la croissance des entreprises et la création d’emplois. Les autorités peuvent donc utiliser aussi ce processus comme un révélateur. Enfi n, la collaboration étroite entre les ministères peut faciliter l’échange d’informations et servir à élaborer un vaste programme de réformes qui pourra ensuite être affi né. Les organisations internationales devraient, autant que possible, apporter un soutien à la réforme des politiques et fournir une assistance technique pour la conception, la mise en œuvre et la coordination de ces réformes, qui visent à accroître le bien-être.

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CHAPITRE 1: Mondialisation et informalité en période de crise

A. Les marchés du travail dans les économies en développement ouvertes

L’intégration de l’économie mondiale a atteint un niveau sans précédent. D’après les Indicateurs du développement dans le monde, le volume du commerce mondial a représenté, en 2007, plus de 61 pour cent du PIB mondial. La crise fi nancière a de nouveau montré l’importance du commerce comme moteur de la croissance mondiale et elle a révélé l’ampleur des répercussions des chocs au niveau international. Environ un emploi sur cinq est lié au commerce – même dans les grandes économies comme les États-Unis (International Trade Administration, 2006) – car ces emplois se trouvent dans des entreprises exportatrices ou dans des secteurs qui produisent des services essentiels pour les activités commerciales. L’essor du commerce mondial – lié en particulier à l’ouverture, dans les années  1990, de plusieurs grands pays représentant plus de la moitié de la population mondiale – a soutenu la croissance économique dans l’ensemble du monde et a entraîné une croissance rapide de l’emploi. L’Organisation internationale du travail estime que, grâce à cette expansion mondiale, 40 millions d’emplois supplémentaires ont été créés chaque année, entre 1995 et 2005, dans les pays membres.

Malgré le dynamisme du marché du travail, les conditions de travail ne se sont pas améliorées rapidement. La création d’emplois est allée de pair avec la prolifération, dans les pays développés, des contrats de travail atypiques – travail temporaire, emploi à temps partiel – et avec la persistance d’une importante économie informelle dans les pays en développement (Institut international d’études sociales (IIES), 2008). Les travailleurs qui arrivent sur le marché du travail trouvent plus facilement un emploi occasionnel, dans la production domestique ou sans contrat en bonne et due forme ni accès à la sécurité sociale (retraite, assurance-maladie, assurance contre les accidents du travail et allocations de chômage). Ceux qui sont déjà sur le marché du travail – et qui ont un emploi dans le secteur formel – peuvent être tentés de quitter ce secteur dans l’espoir d’accroître leur revenu net disponible. Quoi

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qu’il en soit, les travailleurs employés dans le secteur informel sont moins protégés et sont plus vulnérables aux brusques revirements du marché; ils doivent accepter de fortes baisses de salaire lorsque la situation change et ils ont moins de chances de bénéfi cier des programmes (formels) d’éducation et de formation fi nancés par les pouvoirs publics (Kucera et Roncolato, 2008). Par ailleurs, l’existence d’une vaste économie informelle ne permet pas aux pays en développement de profi ter pleinement de leur intégration dans l’économie mondiale, les rend vulnérables aux brusques changements de conjoncture et les empêche de mettre en place une base d’exportation large et diversifi ée. En conséquence, des taux élevés d’informalité freinent la croissance des revenus et de la productivité, qui pourrait être beaucoup plus forte (Lopez et Servén, 2009; Perry et al., 2007).

Le fait que la croissance économique et l’ouverture commerciale ne profi te pas pleinement à toutes les couches de la société a amené à s’interroger sur le schéma actuel de la mondialisation. Certains estiment que l’augmentation observée de l’emploi informel est imputable à la mondialisation. D’autres font valoir que le commerce international n’a pas du tout aidé les travailleurs informels à trouver de meilleures conditions de travail. Ces deux points de vue ont en commun l’idée que les salariés ont un contrôle limité sur leurs conditions d’emploi et que l’intensifi cation de la concurrence résultant du commerce international est un facteur qui détermine la dynamique des emplois et de la qualité de l’emploi. Le présent rapport montre que le tableau est plus complexe et qu’il faut faire une distinction entre le coût de l’ouverture commerciale à court terme et les gains qui en découlent à long terme. Il montre que certains pays ont réussi à la fois à renforcer leur intégration internationale et à réduire la taille de l’économie informelle. Il montre aussi qu’il peut falloir du temps pour que l’intégration commerciale (et des réformes commerciales bien conçues) procure des avantages manifestes sur le marché du travail. Et surtout, il souligne le rôle que jouent à cet égard les politiques intérieures relatives au marché du travail et – dans une moindre mesure – aux marchés de produits.

Ce rapport brosse un tableau multiforme de l’économie informelle. Traditionnellement, l’informalité persistante est une caractéristique des pays en développement et des pays émergents. En tant que telle, la dynamique de l’emploi informel peut être observée à la fois historiquement et d’un pays à l’autre dans toutes les économies à un certain stade de leur développement. En outre, de nouvelles formes d’emploi informel apparaissent lorsque le régime fi scal ou réglementaire pousse certains à se marginaliser pour tenter d’en éviter les effets défavorables. Ces nouvelles formes d’emploi informel posent des problèmes importants aux décideurs, car elles montrent que les politiques de croissance et de modernisation ne suffi sent pas

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CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE

nécessairement pour éliminer, ou réduire, l’emploi informel. Cette étude montre en particulier que l’espoir que la croissance et l’intégration internationale entraîneront automatiquement la disparition de l’emploi informel n’est pas justifi é. Au contraire, certaines formes d’emploi informel sont une réaction à l’incapacité des pouvoirs publics d’assurer une protection sociale adéquate et de ramener la fi scalité à un niveau compatible avec les incitations à travailler et la création d’emplois formels. Enfi n, certaines formes d’informalité peuvent être, et ont été, considérées comme une réaction des entreprises formelles à leurs diffi cultés d’intégration ou de survie sur les marchés mondiaux. Dans ce cas, l’informalité permet aux entreprises opérant à l’international de limiter l’impact de certains chocs (par exemple, sur les termes de l’échange) en utilisant les intrants et la main-d’œuvre meilleur marché et plus souples qu’elles trouvent dans le secteur informel.

Mais, comme le montre l’étude, ces formes d’informalité font obstacle à la croissance et à l’augmentation de la compétitivité commerciale, du moins à long terme. C’est seulement dans certains domaines – souvent liés aux chaînes de production mondiale – que le secteur informel a permis aux entreprises exportatrices de survivre sur les marchés internationaux, sans toutefois gagner beaucoup de parts de marché. Au niveau micro-économique, l’emploi informel va de pair avec une information insuffi sante sur les possibilités d’activités rentables, avec l’incapacité d’acquérir des compétences formelles et avec l’absence d’assurance contre les événements défavorables. Au niveau global, ces éléments se conjuguent pour créer des conditions sociales et macro-économiques instables, qui peuvent avoir des retombées à l’échelon régional. En outre, l’informalité aggrave les inégalités et réduit l’effi cience (et donc la croissance du PIB). Elle empêche de bénéfi cier d’un avantage comparatif dynamique qui permettrait de monter dans la chaîne de valeur et de créer une base d’exportation diversifi ée. Enfi n, dans la mesure où elle est le symptôme d’une ineffi cacité plus large liée à une réglementation excessive ou à une fi scalité qui crée des distorsions, l’informalité limite le potentiel de rattrapage d’un pays et, partant, son potentiel de croissance.

Comme on l’a dit, cette étude montre aussi que l’existence d’une importante économie informelle explique en grande partie pourquoi les pays en développement ne profi tent pas pleinement de leur intégration dans l’économie mondiale. À cet égard, une formalisation réussie améliorerait les conditions de travail de larges segments du marché du travail dans ces pays, mais elle constituerait aussi un important vecteur de croissance future, qui dynamiserait l’économie du pays concerné et l’économie mondiale. Environ 60 pour cent des actifs dans le monde ne sont pas employés de manière formelle, ce qui les prive de sources de revenu et

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de perspectives professionnelles adéquates. En outre, cela limite les ressources publiques qui pourraient être utilisées de façon productive et freine la croissance de la demande globale. Or, l’intégration d’un pays dans l’économie mondiale – si elle est bien gérée – est l’une des meilleures occasions pour les travailleurs informels d’améliorer leur niveau de vie et pour les gouvernements d’instaurer des conditions de travail décentes.

La crise économique actuelle menace cependant les acquis des dernières décennies en matière de création d’emplois et d’ouverture commerciale, et elle risque d’aggraver grandement les inégalités et la pauvreté – dont la réduction est l’un des principaux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Malgré les appels internationaux au maintien de l’ouverture commerciale, les gouvernements restent tentés de répondre à la crise en réduisant la concurrence étrangère. Les pays développés comme les pays émergents ont réagi en renforçant certains obstacles au commerce. Ils pourraient aussi hésiter à défendre les normes du travail et les droits des travailleurs dans l’espoir de sauver plus d’emplois. Le respect des règlements en vigueur pourrait être assouplie et contrôlé de façon moins stricte. Il se pourrait aussi que les initiatives volontaires, comme les codes de responsabilité sociale des entreprises, suscitent moins d’enthousiasme. Dans une communication récente au Groupe de travail sur la dimension sociale de la mondialisation, il a été souligné que les deux démarches – protectionnisme commercial et affaiblissement des normes du travail – reposaient sur des idées erronées et pouvaient avoir de graves conséquences pour la croissance et les inégalités (Groupe de travail sur la dimension sociale de la mondialisation, 2004).

Le rapport soutient que les pays doivent s’intégrer dans l’économie mondiale pour bénéfi cier d’une croissance plus forte. Des efforts sérieux doivent être faits pour adapter les politiques, afi n de remédier au problème de l’emploi informel et d’instaurer des conditions de travail décentes, de manière à tirer pleinement profi t des réformes commerciales. L’intégration dans les marchés mondiaux et la réduction de l’emploi informel devraient être considérées comme complémentaires. Toutefois, ces politiques ne permettent pas de résoudre du jour au lendemain des problèmes persistants. Bien souvent, elles doivent être appliquées de manière à profi ter aux catégories sociales les plus démunies et les plus vulnérables. Le rapport fait valoir que la marge de manœuvre supplémentaire découlant d’une plus forte croissance potentielle doit servir à améliorer les conditions de travail de ceux qui quittent volontairement le secteur formel, en renforçant les incitations à rester dans l’économie formelle ou à y revenir. Enfi n, le rapport fait valoir que, chaque fois que cela est possible, l’expansion du secteur formel devrait créer des emplois pour absorber rapidement les travailleurs

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CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE

informels. Les pouvoirs publics devraient accorder des incitations à cette fi n aux entreprises formelles. Ils devraient aussi aider les travailleurs informels à entrer dans le secteur formel, à la fois en formulant des stratégies d’activation appropriées et en investissant dans l’infrastructure de recherche d’emploi, qui souvent n’existe pas, même pour les personnes qualifi ées.

La présente étude présente à la fois un aperçu de la littérature sur l’informalité et la mondialisation et une analyse de la relation entre la dynamique de l’emploi informel et l’intégration commerciale. Elle réunit des matériaux empiriques originaux et une étude approfondie des divers mécanismes et canaux de transmission par lesquels l’emploi informel peut infl uer sur l’ouverture commerciale et la croissance. Elle suggère plusieurs voies que les pays peuvent emprunter pour adapter leurs politiques de manière à profi ter pleinement de l’ouverture du commerce, tout en réduisant la taille de leur économie informelle. De plus, elle analyse de nouvelles données empiriques afi n d’évaluer les liens entre l’ouverture du commerce, les réformes commerciales et la dynamique de l’économie informelle. Elle examine aussi les choix possibles pour les réformes commerciales et les politiques du marché du travail et explore les complémentarités entre ces deux domaines.

L’étude est organisée de la façon suivante. Après un bref résumé des faits essentiels concernant l’économie informelle et sa relation avec la mondialisation, le chapitre 2 donne un aperçu des notions d’informalité et des mesures de l’économie informelle. Le chapitre 3 étudie les liens entre la mondialisation et la progression du secteur informel. Le chapitre 4 passe en revue la littérature qui analyse les incidences de l’informalité sur les résultats commerciaux et sur la croissance. L’incidence de l’emploi informel sur la résistance aux chocs est étudiée dans le chapitre 5, où il est démontré que des taux élevés d’informalité peuvent amplifi er les fl uctuations et accroître la volatilité des fl ux de capitaux. Le chapitre 6 analyse les diverses questions soulevées dans le rapport sur la base de nouveaux matériaux empiriques et présente des données originales sur les liens entre les réformes commerciales, l’ouverture commerciale de facto et l’emploi informel. Il présente aussi des données sur la corrélation entre l’importance de l’économie informelle et une faible croissance du PIB, de fortes inégalités et une faible diversifi cation des exportations. Le chapitre 7 résume les implications de l’étude pour les politiques publiques.

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28 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

B. Faits essentiels concernant la mondialisation, le commerce et l’emploi informel dans les pays en développement

Au cours des 20 dernières années, la plupart des économies ont resserré leurs liens avec l’économie mondiale La part du commerce dans le PIB a eu tendance à augmenter, de même que l’investissement étranger direct. L’effet de l’accroissement du commerce international et de l’investissement sur l’emploi et les salaires a été examiné dans une précédente étude du BIT et de l’OMC (Bureau international du Travail et Organisation mondiale du commerce, 2007), dont la conclusion était qu’en général, la mondialisation tenait ses promesses d’accélération de la croissance économique et d’augmentation de l’emploi et des revenus. Mais cette étude n’était pas axée sur les effets du commerce et de l’investissement sur la qualité des emplois ou l’incidence de l’emploi informel. Or, c’est une question essentielle dans les pays en développement et les économies émergentes, où l’on s’inquiète de la persistance, voire de l’accroissement, de l’emploi informel, malgré la croissance plus robuste de l’économie et de l’emploi.

1. Faits stylisés concernant l’emploi informel et l’économie souterraine

Il s’est avéré diffi cile de se faire une idée précise de la taille et de la dynamique de l’économie informelle. Comme on le verra au chapitre 2, les défi nitions, les concepts et les mesures diffèrent d’un auteur à l’autre selon qu’ils privilégient la précision ou la comparabilité entre pays. Malgré plus de 30 années de recherches, aucun consensus ne s’est dégagé dans la littérature, et les auteurs se contentent généralement d’indiquer le caractère multiforme du phénomène. La présente étude ne fera pas exception. Si l’on examine, par exemple, l’indicateur des OMD qui mesure le nombre de travailleurs indépendants et de travailleurs familiaux, il semble que l’emploi informel s’est stabilisé (ou a même légèrement diminué) dans le monde, tout en restant à un niveau élevé (voir le graphique 1.1). Le graphique fait aussi apparaître de fortes variations régionales, non seulement entre les régions développées et les régions en développement, mais aussi à l’intérieur du groupe des pays en développement et des économies émergentes.

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CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE

Graphique 1.1 Travailleurs indépendants et travailleurs familiaux(par rapport à l’emploi total, en pourcentage)

52,8

49,9

64,4

59,9

62,3 68

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29,1

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59,3

79,2

75,8

63,2

55,7

31,4

33,0

76,1

71,2

1997 2007 (données préliminaires)

35,2

32,9

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30

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Source: Indicateurs des OMD, voir: http://mdgs.un.org.

Toutefois, cet indicateur des OMD ne recouvre qu’une partie de la réalité de l’économie informelle, car il ne tient compte que des travailleurs indépendants et des travailleurs familiaux. Les autres catégories d’emplois qui seraient normalement incluses dans l’économie informelle ne sont pas prises en compte. Aux fi ns de la présente étude, on a recueilli des données plus complètes, qui concernent diverses formes d’informalité, décrites dans les chapitres suivants (voir l’encadré 1.1 pour une brève description des données utilisées dans l’étude). Ces données montrent qu’il y a pour le moins

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30 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

une forte hétérogénéité entre les régions en termes de dynamique de l’informalité (voir le graphique  1.2). Dans les pays africains, le taux d’informalité semble avoir légèrement baissé (en milieu urbain), alors qu’il a augmenté – légèrement – dans les pays d’Amérique latine. En Asie, il a d’abord quelque peu diminué, à partir d’un niveau très élevé, mais il a de nouveau augmenté après la crise asiatique.

Graphique 1.2 L’informalité dans le monde(par rapport à l’emploi total, en pourcentage)

Note: Groupes de pays: i) Afrique: Afrique du Sud, Botswana, Cameroun, Égypte, Éthiopie, Ghana, Kenya, Malawi, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe; ii) Asie: Chine, Inde, Indonésie, Pakistan, Sri Lanka, Thaïlande; iii) Amérique latine: Argentine, Chili, Colombie, Costa Rica, Équateur, Mexique, Panama, Uruguay, Venezuela.

Source: Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.

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52,2

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68,5

78,2

60,9 63

,6

55,7

Ces moyennes régionales masquent la dynamique propre à chaque pays dans chaque région (Graphique 1.3). Pour l’Amérique latine, par exemple, le léger recul de l’informalité dans l’ensemble de la région est dû principalement à des évolutions positives au Brésil et au Chili pendant les années 1990. Dans tous les autres pays,

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CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE

Encadré 1.1 Mesures de l’informalité utilisées dans l’étude

Les pays mesurent l’informalité en utilisant des défi nitions et des périodicités différentes. Toutefois, pour obtenir une image plus générale de l’informalité dans le monde, on utilise ici des estimations par pays, lorsqu’elles sont disponibles et appropriées, ainsi que des estimations individuelles fournies par des chercheurs.

La plupart des mesures de l’informalité utilisées sont représentatives au niveau national. Néanmoins, certaines estimations ne portent que sur les zones urbaines, ce qui peut donner une idée différente de l’économie informelle selon le pays. Par exemple, en Éthiopie, en 2005, l’informalité concernait 38,5  pour cent de la population active dans certains secteurs urbains, mais seulement 14,2 pour cent de la population des zones urbaines.

Des comparaisons entre pays ne sont possibles que dans certains cas, en raison des différences de défi nition et de couverture.

Les données permettent des comparaisons dans le temps pour chaque pays pris individuellement. Cela est important car, dans la plupart des pays, les enquêtes ont subi des modifi cations qui infl uent sur les tendances observées. Dans ce cas, on utilise des estimations calibrées de manière à obtenir des séries chronologiques cohérentes pour le pays (par exemple, l’Argentine). Lorsqu’il n’existe pas d’études de ce type, les données se réfèrent seulement aux années comparables. Pour des sources précises, voir l’annexe 1.

En général, les pays d’Amérique latine sont bien couverts, ce qui permet d’utiliser des indicateurs comparables entre pays pour certains d’entre eux. Pour les autres (par exemple, Argentine et Colombie), on utilise des données provenant d’études fi ables qui donnent des séries comparables dans le temps.

Pour l’Asie et l’Afrique, les renseignements proviennent d’études par pays, de la base de données sur les indicateurs clés du marché du travail (KILM) et des statistiques nationales.

Pour appréhender plus largement ces questions, on a aussi utilisé des mesures indirectes concernant l’économie souterraine.

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32 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

l’emploi informel est resté constant (et élevé), ou a augmenté pendant la même période. Pour l’Afrique subsaharienne, en revanche, l’échantillon est trop petit et la période couverte trop limitée pour que l’on puisse tirer des conclusions fi ables des données relatives à l’ensemble de la région. L’évolution (apparemment) favorable de l’informalité est essentiellement due à une diminution rapide en Éthiopie, tandis que, dans les autres pays de l’échantillon, l’informalité est restée stable ou a augmenté. En outre, la petite taille de l’échantillon fausse la moyenne régionale en la faisant baisser car de nombreux pays pour lesquels il n’existe qu’une observation ont des taux d’informalité beaucoup plus élevés.

Graphique 1.3 Variation des taux d’informalité à l’intérieur des régions(par rapport à l’emploi total, en pourcentage)

Source: Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.

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38,5

93,2

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100

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AfriqueAsieAmérique latine

D’autres mesures de l’économie informelle donnent une image différente. Les mesures basées sur la production plutôt que sur l’emploi donnent un classement différent entre les régions (voir le graphique 1.4). Les indicateurs qui mesurent l’activité informelle en fonction du PIB montrent que c’est en Afrique subsaharienne que l’informalité est la plus élevée, que l’agriculture soit incluse ou non. Les pays africains sont suivis par

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CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE

les pays d’Amérique latine et d’Asie. On obtient une image analogue en mesurant l’informalité de façon indirecte, sur la base de mesures de l’économie souterraine (Schneider et Enste, 2000). Ces indicateurs utilisent des variables supplétives concernant en principe les activités économiques non déclarées (voir le graphique 1.5 et l’analyse du chapitre 2), qui ont l’avantage d’être disponibles pour un échantillon de pays plus large (mais pas nécessairement sur de longues périodes). Avec l’une ou l’autre mesure – incidence de l’informalité dans la production ou indicateur de l’économie souterraine –, la taille de l’économie informelle semble beaucoup plus petite que lorsqu’elle est mesurée sur la base de l’emploi. Cela donne une première indication au sujet de la faible productivité globale de l’économie informelle, obstacle majeur à l’intégration des pays en développement dans l’économie mondiale.

Graphique 1.4 Économie informelle (par rapport au PIB, en pourcentage)

Source: Charmes (2006).

13,9

21,7

21,2

22,225

,930,6

26,8

23,9

30,437

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37,7

54,7

Secteur informel (sans l'agriculture) en pourcentage du PIB non agricole

Secteur informel (sans l'agriculture) en pourcentage du PIB total

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34 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Graphique 1.5 Économie souterraine (par rapport au PIB, en pourcentage)

Note: Groupes de pays: i) Afrique: Afrique du Sud, Botswana, Cameroun, Égypte, Éthiopie, Ghana, Kenya, Malawi, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe; ii) Asie: Chine, Inde, Indonésie, Pakistan, Sri Lanka, Thaïlande; iii) Amérique latine: Argentine, Chili, Colombie, Costa Rica, Équateur, Mexique, Panama, Uruguay, Venezuela.

Source: Schneider et Enste (2000).

AfriqueAsieAmérique latine

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Fin des années 1990

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20

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50

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39,7

40,7

40,4

34,9

32,9

40,1

41,1

La probabilité d’avoir un emploi informel est fortement corrélée au niveau de la qualifi cation. Le graphique 1.6 présente des moyennes régionales des taux d’informalité par niveau d’instruction, calculées à trois dates différentes au cours des dix dernières années pour les pays d’Amérique latine. Comme le montre le graphique, les taux d’informalité pour les personnes très qualifi ées (diplôme de l’enseignement supérieur) sont restés faibles et stables. L’incidence de l’informalité augmente sensiblement pour les niveaux d’instruction inférieurs, et elle affi che une nette tendance à la hausse depuis dix ans, malgré une forte croissance (de l’emploi) dans la région, même pour les personnes ayant un niveau d’instruction intermédiaire. Ces variations des taux d’informalité liées à la qualifi cation ont probablement de l’importance étant donné le biais du commerce international en faveur de la qualifi cation et elles sont peut-être à l’origine de certains des liens observés entre l’ouverture commerciale et l’augmentation de l’informalité (voir, par exemple, Goldberg et Pavcnik,  2007). Il a été dit, en effet, que le commerce international

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CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE

était biaisé en faveur du travail qualifi é, même dans les pays riches en main-d’œuvre (ce qui contraste nettement avec les prédictions habituelles du modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson), et cela a été considéré comme une cause de la diminution de la demande de main-d’œuvre peu qualifi ée dans les pays en développement. En l’absence de mécanismes de protection sociale adéquats ou de politiques du marché du travail permettant le recyclage et le perfectionnement des travailleurs concernés, on voit que ceux-ci sont confrontés plus fréquemment au travail informel.

Graphique 1.6 Incidence de l’informalité par niveau de qualifi cation (par rapport à l’emploi total, en pourcentage)

Note: Le graphique montre la part du travail informel en pourcentage de l’emploi total par niveau de qualifi cation. L’informalité concerne les salariés travaillant dans des petites entreprises, les travailleurs indépendants non professionnels et les travailleurs sans revenu. Pays considérés: Argentine, Brésil, Chili, Costa Rica, Équateur, Mexique, Panama, Paraguay, Uruguay et Venezuela.

Source: Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité; Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC)

200520011996

Travailleurs peu qualifiés

Travailleurs moyennement qualifiés

Travailleurs très qualifiés

11,9

42,9

65,1

11,0

10,1

64,2

40,5

37,1

61,670

60

20

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36 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Comme cela est expliqué au chapitre 2, il subsiste un grand nombre de méthodes et de concepts différents pour appréhender l’économie informelle. Certaines défi nitions sont utilisées parce qu’elles permettent une mesure commode (par exemple, entreprises employant moins de cinq personnes), d’autres parce qu’elles facilitent les comparaisons entre pays (travailleurs indépendants ou non salariés). Toutefois, selon la méthode utilisée, les taux d’informalité mesurés peuvent varier considérablement à l’intérieur des pays et entre eux. Comme le montre le graphique 1.7 pour les pays d’Amérique latine, le travail indépendant représente entre 40 et 60  pour cent de l’emploi informel total, suivi par l’emploi dans des entreprises de moins de cinq salariés. En revanche, les travailleurs familiaux et les travailleurs domestiques ne représentent qu’une part assez faible, de 20 pour cent au plus. Le type d’emploi dans l’économie informelle joue un rôle important car il détermine le revenu disponible des ménages, les niveaux de rémunération variant fortement entre les quatre types d’emploi. Les emplois indépendants ou non salariés sont généralement parmi les emplois informels les mieux rémunérés, avec des niveaux analogues à ceux du secteur formel. En revanche, les travailleurs familiaux – qui sont surtout des femmes – ne sont pas, ou presque pas, rémunérés (Chen et al., 2005)

Graphique 1.7 Situation d’emploi informel en Amérique latine, 2006(par rapport à l’emploi informel total, en pourcentage)

Note: Fourchettes de pourcentage de travailleurs indépendants, de travailleurs familiaux, de travailleurs domestiques et de travailleurs employés dans des entreprises de moins de cinq salariés. Chiffres pour 2006. Pays considérés: Argentine, Brésil, Costa Rica, Équateur, Honduras, Mexique, Panama, Paraguay et Venezuela.

Source: Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.

60%

Entreprises de moins de cinq salariés

Travailleurs indépendants

Travailleurs familiaux

41,5

Travailleurs domestiques

50%

40%

30%

20%

10%

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18,5

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CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE

2. Informalité, développement économique et mondialisation

Les écarts importants entre les taux d’informalité mesurés sur la base de l’emploi ou sur la base de la production sont étroitement liés aux différences de développement économique entre les pays. Plus particulièrement, les forts écarts régionaux et les liens entre l’informalité et les niveaux de qualifi cation peuvent être associés aux différences dans la capacité des pays de générer de la croissance et de participer avec succès à l’économie mondiale. Les chiffres précédents indiquent aussi que les différences de productivité de la main-d’œuvre informelle entre les pays peuvent aussi expliquer les différences internationales de développement économique. En Asie, les taux d’informalité relativement faibles basés sur la production, par rapport aux taux d’informalité relativement élevés basés sur l’emploi, font que cette région a les taux les plus bas de productivité de la main-d’œuvre informelle. Le graphique 1.8 montre que des taux d’informalité élevés sont associés à de faibles niveaux du PIB par habitant. Cette corrélation donne à penser que les facteurs qui aident à réduire la dimension de l’économie informelle peuvent aussi contribuer à l’amélioration des conditions de vie et du revenu disponible dans les pays en développement.

Graphique 1.8 Informalité et développement économique

Note: Le graphique représente les déciles de PIB par habitant (en PPA) par rapport à la taille moyenne du secteur informel dans la base de données sur l’emploi informel utilisée pour ce rapport.

Source: Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.

0

20

Faible

40

Intermédiaire

60

80

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46,1

Niveau du PIB par habitantTau

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38 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

En ce qui concerne les liens entre l’ouverture commerciale et l’informalité, l’image qui ressort des données utilisées dans cette étude est plus ambiguë. Utilisant une mesure classique de l’ouverture économique basée sur le commerce (somme des exportations et des importations par rapport au PIB), le graphique 1.9 montre la relation entre l’ouverture et l’informalité. Elle montre en particulier qu’une plus grande ouverture peut être liée à une diminution de l’incidence de l’emploi informel dans un pays. Toutefois, les éléments présentés ici sont spécifi ques à la région considérée. Des calculs analogues pour d’autres régions ne confi rment pas cette corrélation négative, ce qui indique que d’autres facteurs – notamment la politique du marché du travail propre à chaque pays – peuvent jouer un rôle important dans l’interaction entre l’ouverture commerciale et la taille de l’économie informelle. L’analyse empirique présentée au chapitre 4 montre qu’il faut tenir compte de différents aspects de l’ouverture commerciale pour obtenir une image plus complète. Il faut en particulier faire une distinction entre l’ouverture commerciale de facto, mesurée par les courants commerciaux, et l’ouverture commerciale de jure, mesurée par le niveau des obstacles au commerce. Une fois cette distinction faite – et après avoir inclus quelques variables de contrôle supplémentaires –, la corrélation négative entre l’ouverture commerciale et l’emploi informel est confi rmée également pour un échantillon de pays plus large incluant des pays d’autres régions.

Graphique 1.9 Ouverture commerciale et informalité en Asie

Note: Le graphique représente les déciles d’ouverture commerciale (c’est-à-dire la somme des exportations et des importations en pourcentage du PIB) par rapport à l’incidence de l’emploi informel pour plusieurs pays d’Asie (moyenne entre 2000 et 2004 pour la Chine, l’Inde, l’Indonésie, Sri Lanka et la Thaïlande).

Source: Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.

70

75

80

Intermédiaire

85

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ÉlevéFaible

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72,4

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Ouverture commerciale en pourcentage du PIBTau

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CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE

Comme pour l’ouverture commerciale, les données concernant les pays d’Amérique latine permettent de détecter une relation négative entre les stocks d’investissements étrangers directs (entrants) et l’informalité (voir le graphique 1.10). Mais, là aussi, la relation dépend de la région. Il faut en outre tenir compte des spécifi cités sectorielles du processus d’investissement. Si l’investissement a lieu dans une ZFI, l’informalité ne diminue pas nécessairement car, en général, des services (informels) auxiliaires se développent autour de la zone. En revanche, des investissements massifs dans les industries extractives réduiront probablement les taux d’informalité mesurés, qui sont généralement plus faibles dans ce secteur (voir, par exemple, les données concernant l’Indonésie, Cuevas et al., 2009). Enfi n, l’étendue et la portée des réseaux de production mondiaux jouent un rôle déterminant dans l’interaction entre l’investissement étranger et les taux d’informalité. S’il y a externalisation, les taux d’informalité ont tendance à augmenter. Mais, s’il y a un investissement en installations nouvelles, on peut s’attendre à une amélioration des conditions de travail et des taux de formalité. Le chapitre  6 contient une analyse plus détaillée de la relation qui ressort des données, analyse qui nuance quelque peu la relation décrite dans le graphique suivant.

Graphique 1.10 Investissement étranger direct et informalité en Amérique latine

Note: Le graphique représente les déciles d’apports d’IED par rapport à l’incidence de l’emploi informel pour 12 pays d’Amérique latine (moyenne entre 2000 et 2004).

Source: Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.

40

45

50

Intermédiaire

55

60

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47,7

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Moyenne des apports au titre de l'IEDTau

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C. Amélioration de l’équité sociale et de l’effi cacité grâce à la lutte contre l’informalité

Les faits essentiels résumés dans l’encadré 1.2 fournissent le contexte empirique de la présente étude. Dans les chapitres suivants, l’objectif sera de présenter la littérature disponible et de développer une analyse pour corroborer plus solidement la relation entre le degré d’ouverture économique dans les pays en développement et la vulnérabilité de leur marché du travail. Cette étude a pour but d’aider les décideurs à identifi er les principales caractéristiques d’un environnement économique qui permet aux travailleurs du monde entier d’accéder à des conditions de travail décentes. En particulier, l’ouverture d’un pays devrait permettre aux plus vulnérables d’entre eux d’accéder à de meilleurs emplois et à de meilleures conditions de travail et d’avoir des perspectives d’emploi stables. L’étude démontre que l’ouverture d’une économie n’est pas systématiquement liée à une augmentation du taux d’informalité. Au contraire, on peut identifi er des exemples réussis et on peut les comparer aux cas dans lesquels aucune politique appropriée n’a été mise en place pour assurer la transition vers une amélioration des conditions du marché du travail.

La lutte contre l’informalité est non seulement une priorité pour les responsables politiques qui cherchent à instaurer l’équité sociale; c’est aussi un moyen d’améliorer l’effi cience économique, car l’économie informelle empêche les pays d’avoir une production à forte valeur ajoutée et d’être compétitifs sur le marché mondial avec des exportations plus diversifi ées. La vulnérabilité de l’emploi ne permet pas aux travailleurs d’investir dans leur avenir ni d’améliorer leur valeur pour la société. De même, les entreprises qui opèrent dans l’économie informelle n’ont pas grand-chose à offrir en termes de qualité ou de services à valeur ajoutée. Lorsque les économies s’ouvrent, les entreprises et les emplois informels sont les premiers à être menacés. L’amélioration des moyens d’existence des travailleurs informels et la réduction de l’incidence de l’emploi informel ne sont donc pas seulement des priorités pour des raisons d’équité: ce sont aussi des moyens essentiels de stimuler l’effi cience économique et d’aider les pays vulnérables à s’intégrer dans l’économie mondiale.

Enfi n, comme le montre l’étude, l’informalité, le commerce et la croissance sont intimement liés. L’économie informelle est un symptôme de la faible résistance d’un pays aux chocs et de la vulnérabilité de son marché du travail. L’assurance contre les chocs est donc moins développée, ce qui laisse les ménages sans grandes ressources en temps de crise. En outre, l’emploi informel peut induire des formes particulières d’échanges et de fl ux de capitaux qui affaiblissent encore plus l’économie. Par conséquent, en encourageant la formalisation des travailleurs et des entreprises, les pays peuvent renforcer la croissance du revenu disponible réel et disposer d’une

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CHAPITRE 1. MONDIALISATION ET INFORMALITÉ EN PÉRIODE DE CRISE

marge de manœuvre budgétaire plus importante pour stabiliser leur économie et atténuer les répercussions des revers de fortune. Comme on le voit bien en cette période de crise, les pays dont le marché du travail est déjà vulnérable sont ceux qui ont le plus de mal à gérer les conséquences de la récession économique (Bureau international du Travail, 2009). Réduire la taille de l’économie informelle est donc la meilleure défense contre la vulnérabilité aux chocs. De même, on peut démontrer que les politiques qui favorisent la formalisation permettent aux pays de s’adapter plus rapidement et moyennant un coût économique et social inférieur durant les périodes de turbulence économique.

Encadré 1.2 Faits saillants concernant l’informalité et la mondialisation

Plus de la moitié des emplois dans les régions en développement sont des emplois indépendants et des emplois familiaux. Les variations régionales sont importantes, les taux d’informalité dépassant 80 pour cent dans certains pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud.

L’emploi informel a augmenté dans plusieurs pays, notamment en Asie. En Indonésie, entre 1997 et 2003, le marché du travail a été caractérisé par le recul du secteur formel et la progression du secteur informel, liée à l’accroissement du nombre des travailleurs indépendants et des travailleurs familiaux non rémunérés.

Par contre, dans la plupart des pays d’Amérique latine, l’emploi informel a légèrement diminué. Son incidence est cependant restée élevée au cours des 15 dernières années, représentant entre 30 et 75 pour cent de l’emploi total.

Les différences entre les taux d’informalité mesurés sont dues aussi aux effets de composition concernant la situation d’emploi dans l’économie informelle. Les différences entre pays en Amérique latine, par exemple, peuvent être attribuées à l’incidence différente de l’emploi indépendant.

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Dans la plupart des pays, l’informalité est associée à de faibles niveaux d’instruction, ce qui a des conséquences pour la productivité, la modernisation et la capacité d’absorber de nouvelles connaissances et de nouvelles technologies. En Colombie, par exemple, les travailleurs formels ont en moyenne quatre années d’instruction de plus que les travailleurs informels. Du point de vue du revenu disponible, les travailleurs de certains segments de l’économie informelle n’obtiennent que la moitié du revenu des travailleurs formels, même si l’on tient compte des caractéristiques de l’emploi et du travailleur.

Les taux d’informalité élevés sont associés à moins d’échanges commerciaux. Dans l’économie informelle, la taille moyenne de l’entreprise est petite, ce qui pèse sur la productivité et la capacité d’exporter. Dans les régions en développement, moins de 50 pour cent du capital humain est disponible pour affronter la concurrence sur les marchés internationaux.

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CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ

CHAPITRE 2: Variétés d’informalité

La distinction entre emploi formel et emploi informel est assez fl oue. Au lieu d’un concept unique, universellement accepté, il existe de nombreuses conceptions différentes et souvent concurrentes, qui se traduisent par une multiplicité de défi nitions, ce qui s’explique aussi par la diversité des méthodes employées pour quantifi er les activités informelles. Ce chapitre présente ces conceptions et ces défi nitions et décrit une nouvelle approche intégrée qui voit le jour actuellement et qui s’appuie sur l’idée d’un marché du travail à segments multiples. Les principales conclusions de ce chapitre sont résumées dans l’encadré 2.1.

Encadré 2.1 Principales conclusions

La tendance à utiliser des descriptions différentes de l’informalité a persisté au cours des dernières décennies, et ce concept en est venu à désigner des phénomènes de plus en plus hétérogènes. La diffi culté de trouver une approche consensuelle du concept d’économie informelle tient en partie à ce que les chercheurs ont une notion différente des origines et des causes de l’informalité.

Jusqu’à ces derniers temps, il était commode de classer ces différentes conceptions en trois grandes écoles de pensée: l’école dualiste, l’école structuraliste, et l’école légaliste. Les dualistes considèrent le secteur informel comme le segment inférieur d’un marché du travail dual, sans lien direct avec l’économie formelle, tandis que les structuralistes le considèrent comme composé de petites entreprises et de travailleurs non enregistrés subordonnés aux grandes entreprises capitalistes. Les légalistes, quant à eux, considèrent que le secteur informel est composé de micro-entrepreneurs qui préfèrent opérer de manière informelle pour éviter les coûts liés à l’enregistrement.

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Des travaux empiriques montrent qu’aucune de ces trois approches ne permet d’appréhender pleinement la dynamique de l’économie informelle. Il existe des différences régionales à cet égard, mais surtout, les trois approches peuvent prétendre à une certaine validité – à des degrés divers – dans l’explication de certains éléments de l’informalité observée.

Une approche intégrée apparaît actuellement; elle s’appuie sur l’idée d’un marché du travail à segments multiples. Cette approche unifi catrice combine des éléments des conceptions dualiste, légaliste et structuraliste en utilisant les plus appropriés pour expliquer les différents segments de l’emploi informel.

L’hétérogénéité des conceptions de l’économie informelle explique la diversité des défi nitions proposées pour rendre le concept opérationnel. L’informalité peut être défi nie au niveau des unités économiques ou au niveau des travailleurs. On peut utiliser différents critères tels que le statut des activités (enregistrées ou non enregistrées), l’accès à une couverture sociale ou la taille des unités économiques.

Au fi l du temps, les défi nitions ont eu tendance à s’élargir. Selon la dernière défi nition de l’OIT, l’emploi informel englobe toutes les activités rémunérées– emploi indépendant et travail salarié – qui ne sont pas reconnues, réglementées ou protégées par les cadres juridiques ou réglementaires existants et le travail non rémunéré fourni dans une entreprise qui génère des revenus.

Il s’est avéré diffi cile de mesurer la taille de l’économie informelle et l’incidence de l’emploi informel. Plusieurs méthodes ont été utilisées, allant de la mesure directe, par exemple au moyen d’enquêtes spécifi ques, à la mesure indirecte, telle que la consommation d’électricité.

Jusqu’à présent, les multiples facettes de l’informalité ont empêché l’apparition d’un large consensus sur les concepts, les défi nitions et les mesures appropriés. Les chercheurs reconnaissent cependant de plus en plus qu’une telle convergence est improbable et ils s’efforcent de tenir compte explicitement de l’hétérogénéité des types d’emploi informel.

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CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ

A. Trois conceptions de l’économie informelle

Dans les années 1950 et 1960, il était généralement admis qu’avec la bonne combinaison de mesures et de ressources, les économies traditionnelles pauvres pouvaient être transformées en économies modernes (Chen, 2005). Dans le cadre de ce processus, leur secteur traditionnel, composé de petits commerçants, de petits producteurs et de travailleurs occasionnels, serait absorbé dans l’économie moderne. Mais, au début des années 1970, il est apparu clairement que cette vision des choses était trop simpliste, et l’on a commencé à se préoccuper de la persistance d’un sous-emploi généralisé dans les pays en développement. Dans ce contexte, l’Organisation internationale du travail (OIT) a décidé d’entreprendre une série de grandes «missions sur l’emploi» multidisciplinaires dans divers pays en développement (Bangasser, 2000). La première a été effectuée au Kenya en 1972. Cette mission a permis de constater que le secteur traditionnel – au lieu de reculer, comme on s’y attendait – s’était en fait élargi pour inclure des petites entreprises rentables mais non enregistrées. Pour décrire cette évolution, les auteurs du rapport de la mission ont décidé d’employer l’expression «secteur informel», formulée précédemment par Hart (1973).

La distinction faite par Hart entre emploi formel et emploi informel reposait sur la différenciation entre l’emploi salarié et l’emploi indépendant. Selon lui, la variable clé était le degré de rationalisation du travail, c’est-à-dire le point de savoir si la main-d’œuvre était recrutée à titre permanent et régulier avec une rémunération fi xe. La Mission sur l’emploi de l’OIT au Kenya a employé cette expression dans son rapport offi ciel pour décrire toutes les activités économiques à petite échelle non enregistrées (Bureau international du Travail, 1972). Depuis, la distinction entre emploi formel et emploi informel a fi guré en bonne place dans le discours sur le développement. Cela ne veut pas dire toutefois qu’il existe une conception commune de l’informalité qui sous-tendrait de façon cohérente toutes les analyses théoriques, empiriques et politiques. En fait, au lieu d’un concept unique, universellement accepté, il existe une multitude de conceptions différentes et souvent concurrentes. Guha-Khasnobis et al. (2006) vont jusqu’à dire qu’«il vaut mieux considérer que les termes formel et informel sont des métaphores qui évoquent une image mentale de ce que la personne qui les utilise a à l’esprit à ce moment particulier».

L’imprécision et la diversité des approches de l’informalité, qui se réfèrent à des réalités économiques et sociales très différentes, y compris les activités illégales, sont largement reconnues dans la littérature (Maloney, 2004; Schneider et Enste, 2000). Comme le fait remarquer Sindzingre (2006), le caractère fl ou du concept avait déjà été souligné durant les années 1970. La tendance à utiliser des descriptions différentes

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a persisté au fi l du temps, et ce concept en est venu à désigner des phénomènes de plus en plus hétérogènes (Guha-Khasnobis et al., 2006). Le problème de défi nition est à la fois la cause et la conséquence de la diversité des méthodes employées par les auteurs pour quantifi er les activités informelles, et il est lié à la continuité des activités économiques et à la diffi culté de classer les phénomènes dans la catégorie formelle ou dans la catégorie informelle. Il est lié aussi à l’infl uence des objectifs politiques et opérationnels. Les études sont arrivées à la conclusion qu’il existe des perspectives concurrentes plutôt qu’une dichotomie unique entre l’économie formelle et l’économie informelle (Guha-Khasnobis et al., 2006).

La diffi culté de trouver une approche consensuelle du concept d’économie informelle tient en partie à ce que les chercheurs ont une notion différente des origines et des causes de l’informalité. Depuis son introduction au début des années 1970, le concept d’informalité a donné lieu à de vifs débats sur ce point. Les avis divergent non seulement sur les causes et la nature du secteur informel, mais aussi sur ses liens avec le secteur formel. Jusqu’au milieu des années 1990, il était commode de classer ces différentes conceptions en trois grandes écoles de pensée: l’école dualiste, l’école structuraliste et l’école légaliste (Chen, 2005). Mais la terminologie n’est pas uniformisée. Les différents auteurs donnent des noms différents aux principales approches. Cimoli et al. (2005), par exemple, utilisent le terme «structuraliste» pour décrire l’approche qualifi ée de dualiste dans cette étude, et le terme «institutionnel» pour désigner ce qui est appelé ici l’approche structuraliste.

L’école de pensée dualiste, qui a dominé dans les années 1960 et 1970, a ses racines intellectuelles dans les travaux de Lewis (1954) et de Harris et Todaro (1970). Les dualistes considèrent le secteur informel comme le segment inférieur d’un marché du travail dual, sans lien direct avec l’économie formelle. C’est un secteur résiduel issu du processus de transformation d’une économie en développement et qui existe parce que l’économie formelle ne peut pas offrir d’emploi à une partie de la population active. Avec la croissance économique et la transformation, l’économie informelle devrait être entièrement absorbée, à terme, par le secteur formel.

Par comparaison, l’école de pensée structuraliste met l’accent sur la décentralisation de la production et sur les liens et l’interdépendance entre les secteurs formel et informel (Moser, 1978; Portes et al., 1989). Les structuralistes considèrent que le secteur informel est composé de petites entreprises et de travailleurs non enregistrés, subordonnés aux grandes entreprises capitalistes. Les premières fournissent aux secondes de la main-d’œuvre et des intrants bon marché, améliorant ainsi leur compétitivité. Selon la conception structuraliste, la croissance ne peut pas éliminer les relations de production informelles, qui sont intrinsèquement liées au développement capitaliste. Les entreprises modernes réagissent à la mondialisation

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CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ

en instaurant des systèmes de production plus fl exibles et en externalisant, ce qui leur permet de réduire leurs coûts. La mise en place de ces réseaux de production mondiaux engendre une demande constante de fl exibilité à laquelle seule l’économie informelle est censée pouvoir répondre.

Enfi n, l’école légaliste ou orthodoxe, représentée par Hernando de Soto durant les années  1980 et 1990, considère le secteur informel comme composé de micro-entrepreneurs qui préfèrent opérer de manière informelle pour éviter les coûts liés à l’enregistrement. Tant que ces coûts et ceux des autres procédures offi cielles sont supérieurs aux avantages que confère le secteur formel, les micro-entrepreneurs choisiront d’opérer de manière informelle. Ils constituent ainsi une importante réserve de croissance et d’amélioration du niveau de vie dans l’éventualité d’une réforme de la réglementation et d’une réduction de la charge fi scale. Contrastant vivement avec les écoles dualiste et structuraliste, cette approche souligne le caractère potentiellement volontaire de l’informalité, les travailleurs et les entreprises choisissant eux-mêmes de sortir de l’économie formelle à la suite d’une analyse coûts-avantages (Fiess et al., 2008; Maloney, 1998; Maloney, 2004; Packard, 2007).

Au cours des dix ou 15 dernières années, on a observé un clivage de plus en plus net entre, d’une part, les tenants de l’approche dualiste, qui mettent l’accent sur l’emploi salarié informel, caractérisé par des salaires bas et de mauvaises conditions de travail par rapport au secteur formel, et, d’autre part, les tenants de l’approche légaliste, qui insistent sur «le dynamisme du secteur [informel] et le caractère probablement volontaire, dans bien des cas, de l’entrée dans l’emploi indépendant informel» (Fiess et al., 2008). Dans le cas de l’Amérique latine, Maloney (2004) soutient qu’«il faudrait considérer le secteur informel dans les pays en développement comme l’équivalent non réglementé du secteur des petites entreprises volontaires dans les pays avancés, plutôt que comme un secteur résiduel composé de travailleurs défavorisés exclus des bons emplois».

B. Un modèle unifi cateur: les marchés du travail à segments multiples

1. Réseaux sociaux et emploi informel

Au lieu de chercher à conceptualiser l’informalité du marché du travail du point de vue des motifs des différents acteurs (diffi culté de trouver un emploi formel, évasion fi scale et sociale, sous-traitance bon marché), certains chercheurs ont tenté de comprendre l’emploi informel sous l’angle des caractéristiques intrinsèques qui différencient un

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emploi informel d’un emploi formel. Les ethnologues, en particulier, ont insisté sur le caractère réciproque de l’emploi informel qui lie entre eux les différents membres de réseaux sociaux plus ou moins étendus. Ces réseaux constituent une forme rudimentaire de fi let de protection économique, une sorte de «colle sociale» (Gaughan et Ferman, 1987). Non seulement ils aident ceux qui n’ont pas de lien avec le marché du travail formel à trouver un emploi rémunéré, mais encore ils intègrent des systèmes élémentaires de redistribution et de partage d’informations – fondés principalement sur la parenté. En l’absence d’interventions publiques appropriées, ce sont souvent les seules institutions auxquelles les participants au marché ont accès dans les pays en développement. Par conséquent, la participation à des réseaux sociaux est essentielle pour la survie de leurs membres, mais elle aide aussi à atténuer les problèmes que cause à certains d’entre eux la participation à l’économie formelle.

La question des réseaux a été développée par Fafchamps (2004), qui souligne les énormes asymétries d’information auxquelles sont confrontés les partenaires contractants dans les pays où les systèmes de droits de propriété sont mal conçus ou peu développés. Les transactions commerciales sont des contrats qui imposent des obligations mutuelles (Fafchamps, à paraître). Pour garantir le respect de ces obligations, et donc la réalisation de la transaction, les réseaux offrent des mécanismes de partage d’informations et de réputation qui lient entre eux les différents participants au marché et les aident à conclure un accord mutuellement avantageux en limitant le risque de comportement opportuniste. Les coûts de transaction sont liés, par exemple, au fait que les employeurs ne sont peut-être pas en mesure d’évaluer précisément le niveau de qualifi cation des différents candidats, leurs références professionnelles ou leur fi abilité dans l’exécution des tâches. Ces coûts peuvent être considérablement réduits si la transition entre emplois et le rapprochement de l’offre et de la demande sur le marché du travail ont lieu seulement au sein de réseaux particuliers. Cependant, pour que les marchandises et les services de main-d’œuvre puissent être échangés de manière satisfaisante, il faut que les réseaux soient étroits ou qu’ils soient mis en place par des faiseurs de marché. Dans ce contexte, un nombre limité de contacts personnels, un petit réseau social ou des barrières culturelles peuvent constituer des obstacles insurmontables au développement du marché. Les travailleurs informels sont donc confi nés dans leur sphère géographique et sociale étroite lorsqu’ils cherchent un emploi.

Dans un tel modèle, le marché du travail se segmente de manière endogène. Le nombre de segments et leur interaction dépendent de l’intensité des liens existant entre eux et de l’importance des obstacles à l’entrée sur le marché et à la transition

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CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ

entre emplois. Lorsque les réseaux sont peu développés et que le passage d’un segment à l’autre est entravé par des obstacles importants, de nombreuses possibilités de transaction mutuellement avantageuse sont perdues et cela renforce les diffi cultés de développement des réseaux – ce qui est une caractéristique de l’engrenage de la pauvreté. Certaines conditions initiales existant dans le pays peuvent l’aider à éviter cet engrenage, par exemple, un accès adéquat aux routes commerciales internationales ou une infrastructure bien développée pour l’échange de marchandises et de services (routes, lignes téléphoniques, accès à Internet, par exemple). Il sera tout aussi important de comprendre les processus qui organisent l’échange entre les associations communautaires et aident à accroître le capital social dans un réseau plus large ou à établir des mécanismes permettant de développer la confi ance et la réputation, même entre des participants éloignés, ayant peu de relations entre eux. Dans ce modèle, les segments ne sont pas des entités fi xes entre lesquelles les travailleurs devraient choisir lorsqu’ils entrent sur le marché du travail. Au contraire, ils évoluent eux-mêmes sous l’effet de la dynamique du marché, souvent de manière imprévisible et complexe. Avant d’analyser cette dynamique, nous consacrerons quelques lignes à l’examen de certaines caractéristiques des différents segments et des facteurs qui déterminent la transition entre eux.

2. Intégration des différents segments du marché du travail

Parallèlement à l’élaboration du modèle d’informalité basé sur les réseaux sociaux, les travaux empiriques sur l’économie informelle ont montré clairement qu’aucune des trois approches exposées ci-dessus ne permettait d’appréhender pleinement la dynamique de l’économie informelle. Il existe des différences régionales à cet égard, mais surtout, les trois approches peuvent prétendre à une certaine validité – à des degrés divers – dans l’explication de certains éléments de l’informalité observée. Cela tient en partie au fait que, même si les trois approches conduisent à des hypothèses qui s’excluent mutuellement – et qui sont donc vérifi ables –, les données disponibles ne permettent de vérifi er directement ces relations que dans certaines circonstances exceptionnelles.

Face à l’ambiguïté des éléments empiriques et pour établir un consensus malgré le clivage du débat, une approche intégrée est en train de voir le jour à partir de l’idée de marché du travail à segments multiples (Chen, 2005; Fields, 2005), distinguant un segment supérieur et un segment inférieur. Cette nouvelle école de pensée combine des éléments des approches dualiste, légaliste et structuraliste,

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en utilisant les plus appropriés pour expliquer les différents segments d’emploi informel. L’idée fondamentale est que l’économie informelle comprend différents segments composés de différents types d’agents: un segment inférieur dominé par les ménages qui exercent des activités de survie ayant peu de liens avec l’économie formelle, comme le suggèrent les dualistes; un segment supérieur composé de micro-entrepreneurs qui choisissent d’éviter les impôts et la réglementation, comme le suggèrent les légalistes; et un segment intermédiaire composé de micro-entreprises et de travailleurs subordonnés aux grandes entreprises, comme le suggèrent les structuralistes. En outre, comme cela a été dit plus haut, les différents segments peuvent eux-mêmes être segmentés en réseaux sociaux entre lesquels il y a peu de passages osmotiques. Selon les régions et les pays, l’importance relative de chaque segment peut varier, rendant plus pertinente l’une ou l’autre des trois approches grâce à cette conception unifi catrice, le débat porte maintenant sur l’évaluation de la taille relative des différents segments et des facteurs qui les infl uencent (Kucera et Roncolato, 2008). Le thème commun de ces approches est que les travailleurs n’ont accès qu’à certains segments du marché du travail en fonction de l’importance de leur réseau social et du pouvoir de négociation qui en découle, lequel résulte de leurs atouts particuliers, tels que le capital humain et social (instruction, réseaux sociaux, etc.), et de considérations relatives au cycle de vie (Gagnon, 2008) (voir le graphique 2.1 ci-dessous).

L’une des caractéristiques des marchés du travail à segments multiples est qu’aucun des différents fl ux entre les segments n’est exclu a priori. Le passage entre différents segments inférieurs, c’est-à-dire d’un réseau social à un autre, est même possible, contrairement à ce que prédisent les théories du marché du travail dual. Toutefois, les probabilités de transition peuvent varier considérablement, non seulement entre les différents types de transition considérés, mais aussi d’un pays à l’autre pour le même type de transition. Généralement, la probabilité du passage d’un segment à un autre dépend des caractéristiques du travailleur ou du demandeur d’emploi (niveau d’instruction et qualifi cations, expérience professionnelle, âge, sexe) et des spécifi cités du pays (qualité du cadre juridique, importance du capital social, environnement macro-économique). En outre, la transition entre segments peut différer, eu égard à la fois au type de motivation (économique, sociale, psychologique) et au niveau de décision auquel elle est opérée (individuel, communautaire, collectif). Par exemple, si la transition entre un emploi formel et le segment supérieur du marché informel peut être dictée essentiellement par des motifs individuels tels que l’évasion fi scale, le passage d’un réseau à un autre dans le segment inférieur du marché du travail informel peut être lié principalement à des décisions collectives ou à des arrangements au niveau communautaire.

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CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ

Le principal aspect de cette approche réside cependant dans la reconnaissance du fait que les relations du marché du travail ne peuvent pas être considérées comme constituant des relations contractuelles à long terme, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Au contraire, dans la plupart des cas, la mobilité entre emplois et la transition entre différents emplois et segments du marché du travail sont la réalité pour la plupart des travailleurs, qu’ils soient dans le secteur formel ou dans le secteur informel. La dynamique de la création d’emplois dans les différents segments du marché du travail et des fl ux entre l’économie formelle et l’économie informelle dépend elle-même de plusieurs facteurs, tels que:

les caractéristiques institutionnelles (fi scalité, droit du travail, réglementation des entreprises, relations professionnelles, réseaux sociaux);

les caractéristiques individuelles (capital humain, relations sociales, préférences);

les caractéristiques propres à l’entreprise (emplacement, taille, secteur d’activité, réseaux de production);

les conditions du marché (dynamique de la demande intérieure, politiques macro-économiques, ouverture commerciale, évolution des taux de change);

les considérations relatives au cycle de vie – les travailleurs passent d’un segment du marché du travail à un autre pour échanger des conditions de travail fl exibles contre une progression salariale régulière, en fonction de leur âge et des préférences liées à l’âge.

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Graphique 2.1 Marchés du travail à segments multiples

Note: Le graphique présente les différents fl ux du marché du travail en présence de segments multiples de l’économie informelle. Les fl ux suivants sont représentés: 1) transition entre un emploi formel et un emploi informel dans le segment supérieur pour éviter les impôts et la réglementation; 2) transition entre un emploi formel et un emploi informel dans le segment inférieur; 3) transition entre un emploi informel dans le segment inférieur et le chômage en attente d’un emploi formel; 4) transition entre un emploi formel et le chômage en présence de systèmes de prestations appropriés; 5) transition entre un emploi informel dans le segment supérieur et dans le segment inférieur, par exemple en raison d’une amélioration des qualifi cations; 6) transition entre différents segments inférieurs de l’économie informelle en raison du passage d’un réseau à un autre; 7) transition entre l’inactivité et le marché du travail formel; 8) transition entre l’inactivité et l’économie informelle.

Source: Adapté de Gagnon (2008).

Emploi formel

Emploi informel: segment inférieur 1

Emploi informel: segment supérieur

Emploi informel: segment inférieur 2

Inactivité

Chômage

1

3

2

4

5

6

7 8

Selon cette approche, les caractéristiques individuelles détermineront le segment du marché du travail auquel un travailleur aura accès, c’est-à-dire les obstacles à l’entrée dans les différents segments. Les caractéristiques institutionnelles détermineront la dynamique des fl ux entre les différents segments, c’est-à-dire à la fois la direction des fl ux et leur importance relative. Enfi n, les conditions du marché et les caractéristiques des entreprises détermineront la demande de main-d’œuvre dans chaque segment (par l’intermédiaire d’entreprises ou comme travailleurs indépendants) et créeront – selon un principe classique d’équilibre général – les conditions de la croissance future de la production et de l’emploi.

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CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ

Dans la suite de cette étude, cette approche unifi catrice sous-tendra l’examen des différents résultats concernant l’interaction de l’économie informelle et de l’ouverture commerciale ainsi que les recommandations faites au chapitre  7. Les différentes études ne soulignent généralement que certains aspects des mécanismes de transmission examinés jusque-là. On montrera que l’approche unifi catrice présentée ici constitue un moyen effi cace de rendre intelligibles les différences entre pays en soulignant l’importance pour chaque pays des différents segments qui constituent cette conception généralisée.

3. Dynamique du marché, réaffectation de la main-d’œuvre et transition entre emplois

Le modèle du marché du travail à segments multiples peut naturellement être élargi pour intégrer les questions relatives au commerce international et à son interaction avec l’emploi dans l’économie formelle comme dans l’économie informelle. En effet, la théorie du marché du travail à segments multiples met l’accent sur les fl ux d’emplois et de travailleurs entre les différents segments et sur la dimension endogène de ses segments. De ce fait, elle constitue un point de départ naturel pour comprendre les processus d’ajustement déclenchés par les modifi cations de l’environnement macro-économique, tels que les réformes commerciales.

Depuis qu’elle existe, la littérature sur le commerce international insiste sur l’importance de la réaffectation sectorielle des ressources pour tirer parti d’un avantage comparatif. En outre, la littérature récente souligne qu’une réaffectation doit avoir lieu aussi entre les entreprises d’un même secteur. L’ouverture commerciale entraîne une réaffectation du capital et de la main-d’œuvre des activités pour lesquelles le pays a un désavantage comparatif au profi t de celles pour lesquelles il possède un avantage comparatif. C’est seulement grâce à cette réaffectation qu’il pourra profi ter des gains du commerce une fois que les obstacles de jure au commerce auront été réduits. L’ouverture commerciale peut entraîner des coûts d’ajustement élevés. D’après des estimations concernant les États-Unis, il peut falloir jusqu’à 42 semaines avant qu’un travailleur au chômage retrouve un emploi, souvent avec un salaire beaucoup plus bas (Bacchetta et Jansen, 2003). La présence de segments multiples du marché du travail avec des probabilités et des mécanismes de transition différents risque de rendre encore plus complexe la question de l’ajustement structurel.

Une première diffi culté tient au fait que, une fois que la concurrence des importations s’intensifi e dans les pays en développement, les travailleurs licenciés entrent sur le marché du travail informel, perdant ainsi leurs liens avec le marché formel. Cela est

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dû en partie à ce que bon nombre d’entre eux n’ont peut-être pas accès à un système d’allocations de chômage bien développé ou considèrent l’emploi informel comme une source de revenu complémentaire, s’ajoutant aux prestations ou aux indemnités de licenciement qu’ils ont pu recevoir. Par ailleurs, les programmes d’activation et de recyclage généralement offerts aux chômeurs dans les pays avancés sont rarement disponibles dans les pays moins développés. Toutefois, pour que les gains du commerce se matérialisent, il faudrait que ces personnes trouvent un emploi dans les nouveaux créneaux existant dans le secteur exportateur. En l’absence de mécanismes d’activation fonctionnant bien, ces autres emplois risquent d’être hors de la portée des travailleurs qui sont entrés dans l’économie informelle. En outre, le marché du travail à segments multiples suppose que la recherche d’un emploi n’est pas aléatoire mais orientée. Les travailleurs informels n’ont pas les mêmes possibilités que les travailleurs formels en termes d’offres d’emploi portées à leur connaissance. Leurs liens avec certains réseaux du marché du travail signifi ent aussi que certaines offres – même connues – ne sont pas accessibles aux travailleurs informels, même si leurs caractéristiques individuelles correspondent à l’emploi.

Plus généralement, les travailleurs du secteur informel – même dans le segment supérieur du marché du travail informel – se heurtent à plusieurs obstacles à l’entrée qui limitent le choix entre les possibilités qui peuvent leur être offertes par l’économie formelle. Ces obstacles risquent de retarder davantage, voire d’empêcher, le processus d’ajustement après l’ouverture commerciale. En particulier:

Les travailleurs du secteur informel manquent peut-être d’informations sur les possibilités d’emploi existant dans d’autres entreprises, secteurs ou zones géographiques. Ils ne sont peut-être pas bien informés des salaires ou des qualifi cations et des compétences professionnelles requises. Il se peut aussi qu’il n’y ait pas d’infrastructure publique ou privée pour soutenir leur recherche d’emploi.

Les travailleurs peuvent manquer de qualifi cations (transférables). Celles qu’ils ont acquises par l’apprentissage dans l’économie informelle ne sont peut-être acceptées que par un nombre limité d’entreprises dans une zone géographique restreinte. Même si les qualifi cations sont transférables, l’expérience professionnelle acquise dans l’économie informelle ne sera peut-être pas reconnue par les employeurs potentiels.

Les travailleurs n’ont peut-être pas le capital fi nancier et physique nécessaire pour passer dans le segment supérieur de l’économie informelle (par exemple, emploi indépendant), segment à partir duquel le retour à un emploi formel est plus facile et où les conditions de rémunération sont analogues (voire supérieures) à celles de l’économie formelle.

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CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ

La recherche d’un emploi est coûteuse. Dans les pays où il n’y a pas de système approprié d’indemnisation du chômage, les travailleurs licenciés dans le secteur formel risquent de ne pas pouvoir permettre de chercher longtemps un emploi et devront peut-être accepter le premier emploi venu, même dans l’économie informelle.

Les travailleurs licenciés n’auront peut-être pas les ressources nécessaires en termes de capital social et de réseaux pour trouver ailleurs un emploi ayant des caractéristiques analogues. Le passage d’un réseau à un autre sera peut-être hors de leur portée, ce qui dépend des activités menées au niveau communautaire et des décisions politiques. Même à l’intérieur de leurs réseaux particuliers, ils seront peut-être limités dans le choix d’une activité et d’un emploi, en fonction de leur position dans le réseau ou de leurs relations avec les autres.

Une deuxième diffi culté liée aux réformes commerciales dans les pays en développement vient du fait que, pour que la réaffectation des ressources ait lieu et que les gains du commerce se matérialisent, il faut que les pays qui s’ouvrent au commerce aient la capacité d’exploiter leur avantage comparatif. À cet égard, la théorie du marché du travail présentée ici montre que des coûts salariaux peu élevés ne constituent pas nécessairement une source davantage comparé pour les pays qui s’ouvrent au commerce. Comme les coûts d’entrée sur les marchés internationaux sont irrécupérables, seules les entreprises les plus productives peuvent devenir exportatrices (Lopez, 2005). Pour s’intégrer avec succès dans l’économie mondiale, d’autres compétences peuvent être nécessaires, comme la connaissance des marchés, des contacts avec les clients et un accès à des réseaux de distribution appropriés (Fafchamps et al., 2008). Si les entreprises ne peuvent pas effectuer les investissements nécessaires pour commencer à exporter, le pays ne sera pas en mesure d’exploiter les possibilités commerciales. En outre, ses entreprises n’auront pas le pouvoir de fi xer les prix et de constituer des (quasi-) rentes, condition préalable à une innovation réussie qui les aiderait à accroître leur valeur ajoutée intérieure et se développer dans d’autres secteurs (Aghion et Griffi th, 2005). Cela limitera la capacité de développement économique du pays, car l’élargissement de la base d’exportation peut être considéré comme le meilleur moyen pour qu’un pays bénéfi cie d’une croissance tirée par les exportations (Dutt et al., 2008). Le capital social disponible dans l’économie informelle peut se révéler insuffi sant à cet égard pour établir des réseaux commerciaux stables à l’étranger, de sorte que l’informalité pèse sur les résultats à l’exportation d’un pays.

Pour acquérir les qualifi cations et les compétences nécessaires pour réussir sur les marchés internationaux, les entreprises doivent faire en sorte de rester sur le marché pendant une période prolongée, en multipliant les contacts au sein d’une

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communauté de négociants (internationaux) (Bigsten et al., 2004b; Fafchamps, 2004). La création de ces nouveaux réseaux peut prendre du temps et exiger du pays qu’il engage ses propres ressources pour soutenir les entreprises nationales. La présence de chambres de commerce étrangères dans les pays en développement donne une idée des moyens et des ressources déployés par les pays avancés pour favoriser la réussite de leurs entreprises à l’étranger. En conséquence, et compte tenu du fait que les entreprises ont besoin de temps et d’aide pour s’adapter à la concurrence étrangère, les pays peuvent chercher à s’ouvrir à d’autres pays ayant des conditions similaires en renforçant leur avantage comparatif avant de procéder à de nouvelles réformes plus profondes. Par contre, l’intégration régionale risque d’avoir un effet de verrouillage et peut empêcher un pays d’obtenir des avantages supplémentaires grâce au commerce avec des pays plus développés. Nous reviendrons sur les avantages relatifs des accords commerciaux multilatéraux par rapport aux accords régionaux dans le chapitre 7.

La littérature présentée dans les chapitres suivants ne suit pas toujours cette approche du marché du travail à segments multiples. Certains auteurs privilégient explicitement un type d’informalité par rapport aux autres pour analyser et évaluer les marchés du travail dans les pays en développement. Il est bon cependant de garder à l’esprit ce modèle de référence théorique pour comprendre l’hétérogénéité des résultats des différentes études empiriques. Le chapitre 6 sera l’occasion d’évaluer les données à l’aide de notre propre modèle et de déterminer s’il est effi cace pour clarifi er la dynamique de l’informalité. Avant d’examiner les éléments fournis par la littérature, nous donnerons un aperçu des différentes défi nitions qui découlent des divers concepts d’informalité et nous présenterons notre mesure préférée pour l’étude empirique dans la deuxième partie du rapport.

C. Défi nitions: comment rendre opérationnels les concepts d’informalité

La diversité des approches de l’économie informelle explique la variété des défi nitions proposées pour rendre le concept opérationnel. L’informalité peut être défi nie au niveau des unités de production ou des entreprises, ou au niveau des travailleurs, et elle peut reposer sur divers critères. Les principaux critères utilisés pour défi nir les entreprises du secteur informel sont la taille et le statut en matière d’enregistrement. L’une des défi nitions couramment utilisées, qui repose sur ce dernier critère, considère comme informelles «toutes les activités économiques qui contribuent au produit national brut calculé (ou observé) offi ciellement mais qui ne

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CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ

sont pas enregistrées» (Schneider et Enste, 2000). D’autres approches privilégient des indicateurs tels que le lieu de l’activité (par exemple, le domicile ou la rue), le niveau d’organisation (faible) ou le potentiel d’amélioration du revenu et de l’emploi des entreprises ou des travailleurs.

En 1993, la 15ème Conférence internationale des statisticiens du travail (CIST) a adopté une défi nition statistique du secteur informel en termes d’unités économiques/de production.1 Selon cette défi nition, les entreprises informelles sont des:

«unités produisant des biens ou des services en vue principalement de créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées. Ces unités, ayant un faible niveau d’organisation, opèrent à petite échelle et de manière spécifi que, avec peu ou pas de division entre le travail et le capital en tant que facteurs de production. Les relations d’emploi – lorsqu’elles existent – sont surtout fondées sur l’emploi occasionnel, les liens de parenté ou les relations personnelles et sociales plutôt que sur des accords contractuels comportant des garanties en bonne et due forme.» (Organisation internationale du travail, 1993)»

Selon cette défi nition, toutes les personnes qui travaillent dans de petites entreprises non enregistrées, employeurs ou employés, ainsi que les indépendants qui travaillent dans leur propre entreprise ou dans l’entreprise familiale, appartiennent au secteur informel. Toutefois, la défi nition ne précise pas à partir de quelle taille une entreprise est classée comme informelle; et elle laisse à chaque pays le soin d’inclure ou non le secteur agricole et les travailleurs domestiques (Flodman Becker, 2004).

Pour harmoniser et faciliter les comparaisons internationales, le Groupe international d’experts sur les statistiques du secteur informel (Groupe de Delhi) a donné, en 1997, une défi nition plus précise du secteur informel, selon laquelle le secteur informel comprend:

«les entreprises privées non constituées en sociétés (quasi non constituées en sociétés), dont au moins une partie de la production de biens et de services est destinée à la vente ou au troc, qui comptent moins de cinq salariés, ne sont pas enregistrées et exercent des activités non agricoles. (Bureau international du Travail, 2002)»

Comme on l’a dit plus haut, l’informalité peut aussi être défi nie au niveau des travailleurs, sur la base des relations d’emploi. De ce point de vue, les travailleurs

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informels sont ceux qui ne bénéfi cient d’aucun système de sécurité sociale ou de sécurité de l’emploi (réglementation sur l’embauche et le licenciement, le salaire minimum, la protection contre les licenciements arbitraires, l’assurance-maladie et l’assurance sociale). L’emploi informel peut concerner diverses catégories de travailleurs: a) les travailleurs indépendants, c’est-à-dire les personnes travaillant à leur compte, les chefs d’entreprises familiales et les travailleurs familiaux non rémunérés; b) les travailleurs salariés, c’est-à-dire les employés d’entreprises informelles, les travailleurs occasionnels sans employeur fi xe, les travailleurs à domicile, les travailleurs domestiques rémunérés, les travailleurs temporaires et à temps partiel et les travailleurs non enregistrés; et c) les employeurs, c’est-à-dire les propriétaires et les propriétaires exploitants d’entreprises informelles (voir aussi le chapitre 2.D, où cette question est étudiée de plus près).

Outre les défi nitions les plus couramment utilisées, on peut mentionner au moins deux défi nitions particulières (Flodman Becker, 2004). L’une est fondée sur le lieu où se trouvent les acteurs de l’économie informelle, et l’autre sur le potentiel d’amélioration du revenu et de l’emploi des entreprises ou des travailleurs. Si l’on considère le lieu, on peut identifi er plusieurs catégories de travailleurs, tels que les travailleurs à domicile dépendants et indépendants, les marchands ambulants et les vendeurs de rue et les travailleurs itinérants, saisonniers ou temporaires employés sur les chantiers de construction ou dans les travaux routiers. Du point de vue du potentiel d’amélioration du revenu et de l’emploi, on distingue trois segments:

les entreprises ayant le potentiel d’apporter une contribution importante à l’économie nationale;

les entreprises ou les ménages qui exercent des activités informelles pour survivre;

les personnes qui partagent leur temps entre des activités informelles et formelles.

Plus récemment, certains décideurs, activistes et chercheurs ont opté pour une défi nition plus large et plus complète de l’informalité. Dans le rapport du BIT «Travail décent et économie informelle» (Organisation internationale du travail, 2002), établi pour la 90ème Conférence internationale du Travail, la défi nition statistique du secteur informel de 1993 a été élargie pour inclure les ménages et les travailleurs informels employés dans le secteur formel. Selon cette défi nition, le secteur informel – désormais appelé économie informelle – est composé des éléments suivants (Bureau international du Travail, 2002):

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CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ

l’emploi informel dans des entreprises informelles (petites entreprises non enregistrées ou non constituées en société), incluant les employeurs, les employés, les exploitants à leur compte et les travailleurs familiaux non rémunérés;

l’emploi informel en dehors des entreprises informelles, c’est-à-dire dans des entreprises formelles, pour les ménages ou sans employeur fi xe; ce type d’emploi comprend les travailleurs domestiques, les travailleurs occasionnels ou journaliers, les travailleurs temporaires ou à temps partiel, les travailleurs à domicile du secteur industriel et les travailleurs non enregistrés ou non déclarés.

Selon cette défi nition, l’«emploi informel» s’entend de l’ensemble de toutes les activités rémunérées – emploi indépendant et emploi salarié – qui ne sont pas reconnues, réglementées ou protégées par les cadres juridiques ou réglementaires existants et du travail non rémunéré dans une entreprise qui génère des revenus.2 Cela correspond aux défi nitions générales analogues proposées par des chercheurs universitaires. Flodman Becker (2004), par exemple, défi nit l’économie informelle comme «la portion non formelle et non réglementée de l’économie de marché qui produit des biens et des services pour la vente ou pour d’autres formes de rémunération».

Dans leur analyse du concept élargi d’informalité, les auteurs du rapport du BIT «Women and men in the informal economy» (Bureau international du Travail, 2002) indiquent aussi ce qui n’est pas l’économie informelle. Premièrement, l’économie informelle est défi nie par opposition à l’économie formelle. Deuxièmement, l’économie informelle ne doit pas être confondue avec l’économie criminelle. Les arrangements de production et d’emploi dans l’économie informelle peuvent être semi-licites ou illicites, mais l’économie informelle produit ou distribue des biens et des services licites. Troisièmement, l’économie de la reproduction ou des soins ne fait pas partie de l’économie informelle, car elle ne relève pas de l’économie de marché.

D. Le problème de la mesure

Tout comme il a été diffi cile de trouver une défi nition consensuelle de l’informalité, il a été diffi cile de mesurer la taille de l’économie informelle et l’incidence de l’emploi informel. Différentes méthodes ont été appliquées, allant de la mesure directe (enquêtes spécifi ques, par exemple) à la mesure indirecte (suivi de la consommation d’électricité, par exemple). Cette section examine brièvement les différentes méthodes employées pour mesurer l’emploi informel et décrit leurs points forts et leurs limites.

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Une première approche consiste à estimer la taille du secteur informel sur la base de renseignements provenant d’enquêtes auprès des entreprises. Ces enquêtes englobent les entreprises familiales, telles que les entreprises informelles de personnes travaillant pour leur propre compte et les entreprises d’employeurs informels. Les entreprises informelles de personnes travaillant pour leur propre compte ont été défi nies par la 15ème Conférence internationale des statisticiens du travail comme étant les entreprises appartenant à des personnes travaillant pour leur propre compte et gérées par elles, qui peuvent employer des travailleurs familiaux collaborant à l’entreprise familiale et des salariés de manière occasionnelle, mais qui n’emploient pas de salariés de manière continue. En revanche, les entreprises informelles appartiennent à des employeurs et sont gérées par eux et emploient un ou plusieurs salariés de façon continue, mais ne dépassent pas un niveau d’emploi déterminé (par exemple moins de cinq salariés) et/ou ne sont pas enregistrées (l’entreprise ou ses salariés).

Bien que cette approche fournisse des renseignements intéressants, elle présente quelques inconvénients majeurs. Premièrement, il se peut que dans certains pays, elle ne tienne pas compte des personnes qui exercent des activités à très petite échelle (parce qu’elles ne sont pas couvertes par les enquêtes statistiques). C’est le cas en général des formes d’emploi informel précaire, comme le travail occasionnel ou saisonnier. Par ailleurs, Charmes (2006) souligne qu’il peut être diffi cile de classer comme des entreprises certains types de travailleurs tels que les travailleurs domestiques et les vendeurs des rues, car il est probable qu’ils échappent à la classifi cation fondée sur la défi nition du secteur informel donnée en 1993 par la CIST. De plus, comme nous l’avons vu plus haut, le travail non rémunéré et l’économie des soins non rémunérés sont exclus de cette mesure spécifi que de l’informalité. Un autre inconvénient est que cette mesure est principalement axée sur la taille de l’entreprise et ne tient pas compte du champ de ses activités (Daza, 2005). Les entreprises qui ont plusieurs activités peuvent fort bien opérer à la fois dans l’économie formelle et dans l’économie informelle, ce qui ne sera pas pris en compte si seule la taille de l’entreprise est considérée pour mesurer l’informalité.

Comme cela a été dit au chapitre 2.C, au lieu des caractéristiques de l’entreprise, on peut utiliser les caractéristiques de l’emploi pour classer les différents types d’emploi selon qu’ils relèvent du secteur informel ou du secteur formel. Par exemple, la défi nition de l’économie informelle donnée dans un document du BIT de 2002 (voir le chapitre 2.C) et adoptée en 2003 par la CIST distingue plusieurs catégories, qu’elles se trouvent dans des entreprises formelles, des entreprises informelles ou des ménages. Ces catégories sont les suivantes: personnes travaillant pour leur propre

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CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ

compte et employeurs employés dans leur propre entreprise du secteur informel; travailleurs familiaux collaborant à l’entreprise familiale; membres de coopératives informelles de producteurs; salariés exerçant un emploi informel; et travailleurs à leur propre compte engagés dans la production de biens exclusivement pour l’usage fi nal propre de leur ménage. Comme avec la mesure fondée sur les caractéristiques de l’entreprise, certains types d’emplois sont diffi ciles à classer, et le système de classifi cation peut être tout à fait spécifi que à un pays. Par exemple, certains pays utilisent l’emploi indépendant comme indicateur indirect de l’emploi informel. Comme l’a dit Charmes, cela ne peut donner qu’une approximation grossière de l’informalité, car l’emploi indépendant comprend certaines catégories de travailleurs qui n’ont rien d’informel, comme les professionnels. De même, d’autres pays, comme l’Indonésie, englobent dans l’informalité les travailleurs indépendants et les travailleurs familiaux non rémunérés.

D’autres renseignements sur l’incidence de l’emploi informel sont fournis par les enquêtes sur la population active qui demandent une auto-évaluation de la situation du marché du travail ou qui interrogent sur la couverture des systèmes de sécurité sociale. Certains pays, comme l’Afrique du Sud, ont commencé à inclure ce type de questions dans leurs enquêtes. L’évaluation de la protection sociale, en particulier, aide à caractériser les aspects des conditions de travail décentes dans l’économie informelle. Cette méthode n’est pas sans défaut, par exemple si les personnes interrogées ne sont pas sûres de la distinction entre travail formel et travail informel, ou si elles sont mal informées au sujet du statut d’enregistrement de l’entreprise dans laquelle elles travaillent. En outre, de nombreux pays émergents sont dépourvus de véritable système de sécurité sociale. Dans certains pays, il n’est pas rare que même les travailleurs formels aient accès à une partie seulement du système de sécurité sociale ou bénéfi cient d’un régime (de pensions) rudimentaire, ce qui limite l’apport informationnel de ce type de questions.

Étant donné les limites des estimations fondées sur des enquêtes, on peut utiliser d’autres mesures pour évaluer la taille et la portée de l’informalité dans une économie. L’une de ces mesures est la part de l’économie informelle dans la valeur ajoutée brute totale (PIB) tirée de la comptabilité nationale, qui correspond à la valeur ajoutée des ménages du secteur informel non agricole en pourcentage du PIB (Charmes, 2000). Cette estimation est généralement fondée sur des enquêtes sur la consommation des ménages ou sur le niveau de vie des ménages ou sur une enquête mixte ordinaire auprès des ménages du secteur informel. Toutefois, comme l’indique Charmes (2006), l’utilisation de méthodes variables dans le temps et d’hypothèses spécifi ques à chaque pays pour l’établissement des comptes nationaux rend diffi ciles

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les comparaisons entre pays et dans le temps.

Au lieu d’évaluer directement la taille de l’économie informelle au moyen d’enquêtes ou sur la base des statistiques offi cielles, certains auteurs préfèrent la mesure indirectement sur la base de la circulation monétaire de la consommation d’électricité, de valeurs imputées à partir d’un modèle théorique (modèle dynamique multivariables) ou de sondages d’opinion. Il faut cependant noter qu’aucune de ces mesures ne permet d’évaluer correctement l’incidence de l’emploi informel:

La circulation monétaire peut servir à évaluer l’importance de l’économie informelle du fait que les entreprises et les travailleurs informels n’ont généralement pas recours à des transactions fi nancières formelles. La demande de monnaie et le PIB (nominal) devraient donc croître à des rythmes différents, ce qui permet aux chercheurs d’isoler le chaînon manquant (c’est-à-dire le secteur informel).3 Cette approche risque toutefois de sous-estimer la taille réelle de l’économie informelle, car il est probable que la vitesse de circulation de la monnaie est aussi plus élevée dans le secteur informel (Schneider, 2005).

On peut aussi utiliser la consommation d’électricité pour obtenir une mesure approximative du secteur informel (méthode de l’input physique). Cette approche suppose une relation stable entre la consommation d’électricité et la production. En examinant de combien le taux de croissance de la consommation électrique est supérieur au taux de croissance (mesuré) du PIB, on peut faire une déduction concernant l’évolution de la taille de l’économie informelle. Toutefois, cette méthode n’appréhende que partiellement l’économie informelle, car elle omet des activités qui consomment peu d’électricité ou qui utilisent d’autres sources d’énergie.

Une autre approche consiste à estimer la taille du secteur informel à l’aide de différents facteurs pris comme causes indirectes (modèle dynamique multivariables, DYMIMIC). Les facteurs pouvant généralement entrer dans ces modèles sont, par exemple, les impôts et les cotisations de sécurité sociale, l’intensité de la réglementation, les services publics, et les opinions favorables du public sur le secteur informel. Toutefois, les coeffi cients estimés sont instables et varient beaucoup lorsque le modèle sous-jacent est modifi é ou que la période d’échantillonnage des données est ajustée (Savasan et Schneider, 2006; Schneider et Savasan, 2007).

Enfi n, le Forum économique mondial procède régulièrement à des enquêtes auprès des dirigeants d’entreprises pour connaître leur opinion sur les principales questions affectant leur environnement de travail. L’une des questions posées porte

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CHAPITRE 2. VARIÉTÉS D’INFORMALITÉ

explicitement sur la taille (évaluée subjectivement) de l’économie informelle.

En résumé, les multiples facettes de l’informalité ont empêché jusqu’à présent de parvenir à un large consensus sur les concepts, les défi nitions et les mesures appropriés. Plusieurs hypothèses concurrentes ont été utilisées au cours des 20 dernières années, mais aucune mesure unique ne s’est imposée dans le débat. Les recherches dans ce domaine confi rment qu’une telle convergence a peu de chances d’avoir lieu et s’efforcent plutôt de tenir compte explicitement de l’hétérogénéité des types d’emplois informels. Comme cela a été dit plus haut, les données sur l’informalité présentées dans le chapitre 1, qui sont également utilisées pour l’analyse empirique du chapitre 6, reposent sur une défi nition large de l’informalité et proviennent d’une multitude de sources. On a privilégié autant que possible les sources primaires pour les mesures de l’informalité et on les a complétées par des renseignements fournis par le Département de statistique de l’Organisation internationale du travail.4

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64 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Notes

1 Cette défi nition a été formulée au niveau des unités de production et non au niveau des travailleurs pour être compatible avec le Système de comptabilité nationale.

2 Cette défi nition a été adoptée en 2003 par la Conférence internationale des statisticiens du travail (CIST) à sa 17ème session.

3 On parle aussi d’approche par la demande de monnaie, proposée à l’origine par Cagan (1958) et développée ensuite par Tanzi (1983).

4 L’Organisation internationale du travail (OIT) présente des statistiques sur l’informalité dans ses Indicateurs clés du marché du travail (ICMT). Ces indicateurs ont deux objectifs principaux: a) présenter un ensemble d’indicateurs et d’analyses du marché du travail; et b) améliorer la disponibilité des indicateurs afi n de suivre les nouvelles tendances de l’emploi. Parmi les indicateurs «clés» du marché du travail fi gure celui qui mesure l’emploi dans l’économie informelle. Bien qu’il s’agisse d’une tentative importante pour recueillir des renseignements offi ciels sur l’informalité, les données posent des problèmes lorsqu’elles sont utilisées pour des comparaisons dans le temps et entre pays. L’un de ces problèmes est que les indicateurs peuvent avoir des sources multiples, ce qui rend impossibles les comparaisons dans le temps. En outre, les défi nitions, les questions posées dans les enquêtes ou la manière dont l’informalité est mesurée peuvent varier dans le temps. De nombreux pays africains, par exemple, en sont à un stade expérimental pour ce qui est de mesurer l’informalité et ne sont pas encore en mesure de fournir une analyse périodique cohérente de cette question (l’Afrique du Sud, par exemple, a recours à l’auto-évaluation).

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CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ

CHAPITRE 3: Ouverture au commerce et informalité

On estime que la mondialisation et l’ouverture au commerce des économies en développement ont eu des répercussions sur l’emploi informel dans ces pays. Ce chapitre résume les arguments théoriques qui sous-tendent cette corrélation et présente les données empiriques pertinentes. Il pose, en particulier, les questions suivantes: Quel est le rôle des réformes commerciales et de l’accroissement des échanges dans l’évolution de la part de l’emploi informel? Comment l’ouverture commerciale infl ue-t-elle sur la rémunération relative des travailleurs informels, par rapport à celle des travailleurs formels? Si les effets distributifs à long terme de l’ouverture commerciale ont été abondamment étudiés par les économistes du commerce au moins depuis le XVIIIe siècle, ce n’est qu’au début des années 1990 (Agénor, 1995) que l’incidence à court et à moyen terme des réformes commerciales sur la composition de l’emploi, la structure des salaires et le chômage ont commencé à attirer l’attention des chercheurs. Ce chapitre est divisé en deux parties. La première résume les approches théoriques concernant les incidences du commerce sur l’informalité. Et la seconde présente des études empiriques visant à valider les différentes hypothèses théoriques. L’encadré 3.1 fait une synthèse des principales conclusions de ce chapitre.

A. Comment l’ouverture commerciale infl ue-t-elle sur l’emploi et les salaires dans le secteur informel?

La théorie commerciale classique n’aide guère à comprendre les effets de l’ouverture commerciale sur l’économie informelle. Un tel cadre repose principalement sur la différenciation des divers apports de main-d’œuvre en fonction des différences de qualifi cations. Il n’a donc qu’une corrélation partielle avec la situation d’un travailleur sur le marché du travail, en particulier quand certaines formes d’informalité peuvent être considérées comme volontaires.1 Toutefois, même si le manque de qualifi cations pouvait être assimilé à l’informalité, l’approche classique de Heckscher-Ohlin ne révélerait pas grand-chose au sujet de l’effet de l’ouverture commerciale sur l’emploi informel, car les dotations en facteurs sont données dans le modèle, mais elle serait utile pour comprendre l’effet sur les salaires informels. La théorie de

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Heckscher-Ohlin prédit que, comme les pays en développement disposent d’une vaste réserve de main-d’œuvre peu qualifi ée, l’ouverture commerciale les amènera à exporter des biens et des services exigeant relativement plus de main-d’œuvre peu qualifi ée et à importer des biens et des services exigeant relativement plus de main-d’œuvre très qualifi ée. Ce processus dépend du fait que la libéralisation du commerce augmente le prix relatif des biens et des services exigeant beaucoup de main-d’œuvre peu qualifi ée, ce qui entraîne une augmentation de la demande de main-d’œuvre peu qualifi ée. La théorie de Stolper-Samuelson pousse plus loin l’analyse pour démontrer que, dans un tel scénario, les travailleurs peu qualifi és verront leurs salaires augmenter de manière plus que proportionnelle. On s’attend donc à ce que les réformes commerciales entraînent une diminution de l’écart salarial entre les travailleurs qualifi és et les travailleurs peu qualifi és dans les pays en développement.2

Encadré 3.1 Principales conclusions

Les spécifi cités des différents modèles déterminent dans une large mesure les incidences positives ou négatives de l’ouverture commerciale sur l’emploi informel. La littérature s’est concentrée en grande partie sur les modèles dans lesquels l’ouverture commerciale accroît l’informalité.

Les modèles théoriques se fondent sur diverses hypothèses concernant les liens entre les secteurs informel et formel, la mobilité du capital entre les secteurs, la formation des salaires dans les différents secteurs et l’échangeabilité de la production informelle.

Ces modèles identifi ent un certain nombre de mécanismes par lesquels l’ouverture commerciale peut accroître l’emploi informel, ainsi que les conditions dans lesquelles elle entraîne une augmentation des salaires informels.

Les toutes premières études concluent qu’en général, l’ouverture du secteur formel en concurrence avec les importations pousse les travailleurs vers le secteur informel et entraîne une hausse ou une baisse des salaires informels en fonction de la mobilité du capital et des relations de production.

Les études plus récentes modélisent généralement les décisions des entreprises d’utiliser une main-d’œuvre formelle ou informelle. Dans un cas, l’ouverture commerciale incite davantage les travailleurs formels à rester en

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1. Ouverture commerciale et informalité dans les modèles d’économie duale

C’est seulement dans les années 1980 que les économistes ont commencé à élaborer des modèles théoriques du secteur informel. La plupart de ces modèles étaient basés sur le modèle d’économie duale de Harris-Todaro (1970) concernant la migration campagne-ville. Ce modèle explique que la décision de migrer de la campagne vers la cible est fondée sur les écarts de revenu anticipés, et pas seulement sur les écarts de salaire. En situation d’équilibre, le salaire anticipé dans les zones urbaines, corrigé du taux de chômage, est égal au produit marginal d’un travailleur agricole. En présence d’une concurrence parfaite et en l’absence de chômage dans le secteur agricole rural, le salaire agricole rural est égal à la productivité agricole marginale. Le secteur informel est introduit dans le modèle de Harris-Todaro en divisant le marché du travail urbain en un segment formel et un segment informel.3 On suppose que le salaire dans le secteur formel est fi xé institutionnellement et que les travailleurs qui passent du secteur rural au secteur urbain sont absorbés soit dans le secteur formel urbain, soit dans le secteur informel urbain.

deçà de leur niveau d’effort optimal, en raison du risque accru de suppression d’emplois, indépendamment de l’effort. Cela oblige les entreprises à relever les salaires formels (salaires d’effi cience), ce qui a pour effet d’augmenter le coût marginal de l’embauche de travailleurs formels et entraîne ainsi une régression de la part optimale du secteur formel. Dans un autre cas, l’ouverture commerciale réduit le montant des paiements illicites que les entreprises doivent effectuer si l’on découvre qu’elles ont recours à des travailleurs informels, ce qui encourage à réorienter la production vers le secteur informel.

La question de savoir si l’ouverture commerciale entraîne une augmentation ou une diminution de l’emploi informel et des salaires informels est, au bout du compte, une question empirique. Malheureusement, on ne dispose de données empiriques pertinentes que pour un petit groupe de pays, essentiellement d’Amérique latine.

Ces données indiquent que la direction et l’ampleur des effets de l’ouverture commerciale sur les variables informelles dépendent, dans une large mesure, des circonstances propres à chaque pays. L’ouverture commerciale a renforcé l’informalité en Colombie, l’a réduite au Mexique et n’a eu aucun effet mesurable sur l’informalité au Brésil.

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Parmi ces premières études, certaines examinent l’effet des politiques commerciales sur le secteur informel. Elles analysent différentes spécifi cations du secteur informel ainsi que de la structure technologique dans laquelle il s’insère. Par exemple, les modèles diffèrent par les hypothèses faites au sujet des types de relations de production. Premièrement, dans certains cas, on suppose que le secteur informel produit un bien fi nal, tandis que dans d’autres, on suppose qu’il produit un bien ou un service intermédiaire (Gupta, 1993). Deuxièmement, les modèles d’économie ouverte prennent en compte aussi bien la production échangeable que la production non échangeable de l’économie informelle.4 Troisièmement, dans certains cas, la segmentation du marché du crédit est ajoutée au modèle, la fourniture de crédit au secteur informel étant soit exclue soit supposée très coûteuse.5 Quatrièmement, certains modèles, comme celui de Gupta (1993), tiennent compte aussi de l’existence d’un chômage urbain. Les résultats concernant les relations entre le secteur formel et le secteur informel dépendent, dans une certaine mesure, de ces hypothèses. Dans l’ensemble, il apparaît cependant que la plupart des études ont privilégié les cas où l’ouverture commerciale accroît l’emploi informel. Par ailleurs, les études diffèrent dans leur interprétation de l’effet de l’ouverture commerciale sur les salaires informels, qui dépend de la spécifi cation précise du secteur informel, du degré de spécifi cité et de mobilité du capital entre les secteurs et de la nature de l’ouverture (par exemple, de la question de savoir si les réformes commerciales encouragent les exportations ou augmentent la pénétration des importations).

Bien qu’il n’y ait pas de consensus, dans ces premières études, au sujet de l’incidence de l’ouverture commerciale sur l’emploi et les salaires informels, on a identifi é plusieurs hypothèses clé qui déterminent les différents résultats:

Premièrement, les résultats dépendent du degré de mobilité du capital entre l’économie formelle et l’économie informelle. Lorsque le capital est mobile entre l’une et l’autre, l’ouverture du secteur manufacturier formel fait augmenter le salaire réel dans le secteur informel. Par contre, lorsque les marchés de capitaux sont segmentés, l’ouverture commerciale fait baisser les salaires des travailleurs non qualifi és du secteur informel (Marjit et Acharyya, 2003).6

Deuxièmement, l’échangeabilité des biens et services produits par le secteur informel est aussi un facteur crucial. Lorsque la production informelle est commercialisée, une baisse des tarifs entraîne une augmentation de l’emploi et des salaires dans le secteur informel (Chandra et Khan, 1993; Marjit et Beladi, 2005). La hausse des salaires informels résulte du fait que, comme le capital sort du secteur formel et comme le rendement du capital dans le secteur informel diminue, le ratio capital/travail augmente dans chaque secteur, ce qui entraîne une augmentation du

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salaire informel. En outre, les travailleurs du secteur formel qui sont licenciés sont absorbés dans le secteur informel, ou deviennent chômeurs, mais le salaire informel plus élevé attire aussi plus de travailleurs agricoles dans le secteur informel, ce qui accroît l’emploi global. Par voie de conséquence, l’emploi informel augmente lui aussi.

Enfi n, les relations de production entre les secteurs formel et informel sont importantes, comme l’indique la conception structuraliste de l’informalité. Lorsque des biens et services du secteur informel sont utilisés comme intrants intermédiaires dans le secteur formel, l’ouverture commerciale peut entraîner un recul de l’emploi informel dans la mesure où elle réduit aussi l’activité dans le secteur formel (Beladi et Yabuuchi, 2001). Cet effet peut cependant être atténué si les entreprises formelles tentent de préserver leur compétitivité en sous-traitant une plus grande partie de la production au secteur informel tout en conservant les activités essentielles, très qualifi ées. De plus, l’incidence de l’emploi informel peut augmenter dans les cas où le secteur informel produit aussi un bien fi nal échangeable. Par conséquent, le changement de composition est a priori ambigu et dépend de l’effet net de l’impact direct et indirect de l’ouverture commerciale sur l’économie informelle.

2. Modèles du commerce avec salaires différenciés

Les modèles d’économie duale supposent que les salaires urbains et ruraux doivent équilibrer les fl ux migratoires internes. La main-d’œuvre peut se déplacer librement entre les différents secteurs de l’économie, et la principale raison pour laquelle le marché du travail formel urbain n’est pas en équilibre est liée au salaire minimum élevé, aux négociations salariales et à d’autres fardeaux administratifs. Toutefois, dans l’ensemble, le salaire du secteur informel doit être inférieur à celui du secteur rural parce que la moyenne pondérée des salaires formel et informel doit être égale au salaire rural. Des approches plus récentes ont rejeté cette idée, au motif que les travailleurs pauvres se déplacent librement entre le secteur rural et le secteur urbain informel et que, par conséquent, le taux de salaire informel devrait être égal au taux de salaire rural. Des modèles ont donc été élaborés sur la base de l’hypothèse que les salaires sont, en moyenne, plus élevés dans le secteur urbain que dans le secteur rural.

Ces autres approches pour comprendre les écarts de salaire entre le secteur formel et le secteur informel mettent l’accent sur les obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre entre le marché du travail urbain formel et informel. Le manque de capital ou la lenteur de réaction de l’offre limitent cependant le nombre de travailleurs pouvant

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être employés dans le secteur formel. Par conséquent, les travailleurs qui ne trouvent pas d’emploi dans le secteur formel sont contraints soit de travailler dans le secteur informel, soit de retourner dans le secteur rural. Dans ces conditions, une réduction des tarifs pour les produits du secteur formel augmente la taille du secteur informel, mais il se peut qu’elle n’améliore pas le bien-être, malgré l’augmentation potentielle des salaires informels et ruraux (Kar et Marjit, 2001).

Comme cela a été dit plus haut, les hypothèses concernant la mobilité du capital entre les différents secteurs sont cruciales pour analyser la dynamique des salaires et du bien-être. Dans ces modèles, l’ouverture commerciale peut faire progresser à la fois l’emploi informel et les salaires informels si le capital est suffi samment mobile (Marjit et Maiti, 2005). Avec l’ouverture commerciale, le rendement du capital diminue dans le secteur formel, car celui-ci est censé produire un bien qui est en concurrence avec les importations de sorte qu’il est exposé à une concurrence plus grande. Par conséquent, la production diminue, ce qui amène à réduire l’activité, car le ratio salaire/loyer du capital augmente, les salaires du secteur formel étant fi xes. En l’absence totale de mobilité du capital entre les deux secteurs, l’emploi informel augmente, tandis que les salaires informels diminuent du fait du redéploiement de la main-d’œuvre. En revanche, lorsqu’il y a une mobilité totale du capital, le ratio capital/production augmente dans le secteur informel, ce qui entraîne une progression simultanée de l’emploi et des salaires dans ce secteur (Kar et al., 2003). Une réduction tarifaire peut donc entraîner une augmentation de la production dans le secteur informel, et plus le capital est mobile entre les secteurs manufacturiers formel et informel, plus les salaires ont des chances d’augmenter dans le secteur urbain et le secteur agricole rural informel. Toutefois, même si le capital est totalement immobile, le secteur informel peut bénéfi cier d’une hausse des salaires tout en augmentant sa part de l’emploi total lorsqu’une partie du secteur a une forte intensité de capital. En particulier, si la contraction du secteur formel à la suite d’une réforme commerciale a des effets préjudiciables sur le sous-segment à forte intensité de capital du secteur informel, le capital informel va vers le sous-segment à forte intensité de main-d’œuvre, ce qui augmente le ratio capital/travail et fait ainsi progresser le salaire informel (Marjit, 2003).

On a tenté récemment d’établir une différenciation salariale entre le secteur urbain et le secteur rural sur la base de considérations relatives au salaire d’effi cience. Du fait des asymétries de l’information entre les employeurs et les travailleurs, le salaire est plus élevé dans le secteur formel que dans le secteur informel – le salaire du secteur informel étant égal, dans ce cadre, à celui du secteur rural – malgré les caractéristiques analogues du travailleur. Comme les résultats des

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modèles d’économie duale examinés plus haut, les effets de l’ouverture commerciale dépendent de l’hypothèse faite au sujet de la mobilité du capital entre les différents secteurs. Mais dans ce cas, le mécanisme par lequel l’ajustement s’effectue à la suite d’une réforme commerciale est différent.

Selon une interprétation, l’ouverture commerciale accroît le risque de licenciement pour les travailleurs du secteur formel, indépendamment de leur performance. L’effort ne peut être observé qu’avec une certaine imprécision, et le caractère imprécis du signal d’effort est censé augmenter avec la concurrence étrangère. La variabilité accrue de l’effort observé signifi e toutefois que les travailleurs du secteur formel risquent davantage de perdre leur emploi, ce qui fait baisser leur niveau d’effort optimal. Les employeurs sont donc obligés de relever les salaires, ce qui a des effets négatifs sur le niveau de l’emploi formel (Goldberg et Pavcnik, 2003a). De plus, dans un modèle de ce genre, la redistribution de l’emploi entre le secteur formel et le secteur informel est amplifi ée s’il existe une législation stricte en matière de protection de l’emploi.7

Une autre interprétation met l’accent sur la diminution du rendement du capital à la suite d’une ouverture accrue au commerce (Chaudhuri et Mukherjee, 2002). Dans ce modèle, il s’opère une redistribution du capital et de la main-d’œuvre entre les marchés du travail formel, informel urbain et rural. Outre la diminution du loyer du capital, les salaires d’effi cience augmentent, ce qui entraîne une réaffectation du capital en faveur de l’économie urbaine informelle. Non seulement cette restructuration de l’économie favorise le développement de l’économie informelle, mais encore la relative augmentation du capital dans le segment urbain de l’économie informelle encourage les migrations internes en provenance des régions rurales. Dans un modèle de ce genre, l’effet des réformes commerciales sur les salaires est ambigu, car les salaires du secteur informel augmentent par suite de la réaffectation du capital tandis que la masse salariale totale diminue dans le secteur formel (mais pas le salaire par employé).

3. Autres relations dans les modèles avec sous-traitanceet/ou exportation

Plusieurs études récentes se sont intéressées aux différents mécanismes par lesquels l’ouverture commerciale peut infl uer sur l’emploi et les salaires dans le secteur informel. Marjit et al. (2007b), par exemple, modélisent la décision des entreprises en concurrence avec les importations de répartir la production entre le

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segment formel et le segment informel, et la corruption qui est associée à l’utilisation de travailleurs informels. Le cadre est le suivant: a) le recours à des travailleurs informels est illégal parce qu’il implique une violation de la législation du travail; b) les pouvoirs publics exercent une surveillance sur les entreprises; c) s’ils constatent que des entreprises exploitent un segment informel, celles-ci encourent une sanction, par exemple la perte de leur licence pour la production d’un produit en concurrence avec les importations et, partant, la perte de l’avantage conféré par la protection tarifaire; d) les entreprises concernées peuvent échapper à la sanction en versant un pot-de-vin. Les auteurs élaborent une structure de négociation explicite pour déterminer le montant du pot-de-vin d’équilibre. Le fait que les réductions tarifaires favorisent l’emploi informel s’explique principalement par l’existence d’une corrélation positive entre le pot-de-vin d’équilibre et le niveau du droit de douane. Au départ, les entreprises tirent profi t de l’écart de salaire entre le secteur formel et le secteur informel et versent un pot-de-vin à l’autorité de surveillance. Une baisse du taux de droit réduit le pot-de-vin et, partant, le coût de la main-d’œuvre informelle, ce qui encourage à redéployer la production dans le secteur informel.

Maiti et Marjit (2008) établissent un lien entre la croissance des activités informelles et l’amélioration des possibilités d’exportation en utilisant un modèle dans lequel la création d’emplois informels résulte de la délégation/sous-traitance de certaines tâches par le biais de contrats informels. Au cœur de leur explication se trouve l’idée que les entreprises doivent faire un arbitrage entre d’une part, la commercialisation pour exploiter les nouvelles possibilités d’exportation et, d’autre part, la production, dans la mesure où, si elles investissent davantage dans la commercialisation, elles accordent moins d’attention à la production. Avec l’ouverture commerciale et la hausse des prix sur les marchés mondiaux, les producteurs formels voient augmenter les possibilités de gain à l’exportation. Mais, toutefois, pour réaliser ces gains, les exportateurs doivent intensifi er leurs efforts de collecte d’informations et d’apprentissage au sujet des marchés d’exportation. Compte tenu de l’arbitrage évoqué plus haut, le rendement relatif plus élevé de la commercialisation incitera le producteur à réaffecter les ressources à cette activité et à sous-traiter la production au secteur informel.

Enfi n, Cimoli et al. (2005) examinent l’argument selon lequel la progression de l’informalité en Amérique latine à la suite des réformes commerciales résulte des gains de productivité liés à l’adoption de nouvelles technologies qui permettent aux entreprises exportatrices d’économiser la main-d’œuvre, gains qui ne se sont pas répercutés sur le reste de l’économie. L’amélioration de la productivité dans les secteurs exportateurs aurait donc accentué le dualisme de la structure de production

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et freiné la croissance de l’emploi dans le secteur formel. En conséquence, le schéma de spécialisation internationale aurait déplacé l’essentiel de l’emploi en Amérique latine vers des activités moins productives, y compris les activités informelles (Cimoli et al., 2005).8

Comme le disent Cimoli et al. (2005), un tel mécanisme repose sur l’existence d’une croissance entravée par des contraintes extérieures, lorsque les gains de productivité de l’économie formelle n’entraînent aucun transfert des dépenses en faveur d’une plus grande absorption interne. Par conséquence, lorsque la croissance de la production est entravée par des contraintes extérieures, une augmentation du taux de croissance potentiel de la productivité n’entraînera pas d’augmentation de l’emploi formel.9 Une telle situation peut résulter d’une confi guration défavorable du commerce international, dans laquelle les entreprises exportatrices survivent seulement grâce à des gains de productivité permettant d’économiser la main-d’œuvre (et non par l’introduction de nouveaux produits). La réduction de l’emploi formel entraîne une augmentation du nombre de chômeurs, qui survivent en entrant dans l’économie informelle, ce qui creuse l’écart de salaire. La production et l’emploi informels augmentent en raison de la dynamique du secteur informel. La conclusion logique de cette analyse est que, si la productivité est plus faible dans le secteur informel que dans le secteur formel, l’économie informelle deviendra prédominante, et seule une petite partie des emplois et des activités se trouveront dans l’économie formelle.

Par conséquent, une stratégie de promotion des exportations n’est pas problématique en soi. C’est plutôt le type de spécialisation internationale, la structure de l’économie formelle nationale et d’autres caractéristiques structurelles comme le degré d’intégration locale entre les différents secteurs économiques et la capacité de l’économie nationale d’intégrer de nouvelles technologies et de nouveaux savoirs, qui empêchent celle-ci de profi ter des gains dynamiques résultant du commerce. En raison de ces faiblesses structurelles, il est beaucoup plus diffi cile que la croissance de l’économie formelle absorbe l’économie informelle. Différentes caractéristiques structurelles peuvent déclencher un processus de croissance tiré par les exportations, dont les effets positifs se transmettront progressivement à l’ensemble de l’économie, absorbant ainsi l’économie informelle.

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4. Résumé de la littérature théorique

Cet exposé succinct montre qu’il existe une riche littérature théorique fondée sur diverses approches et diverses hypothèses concernant le fonctionnement du marché du travail et de l’économie informelle. Comme les modèles diffèrent sur bien des points, il est parfois diffi cile de comparer les résultats et d’isoler le rôle de leurs hypothèses spécifi ques. Toutefois, même si les modèles diffèrent par leurs hypothèses fondamentales concernant l’économie informelle, la littérature a généralement mis l’accent sur les mécanismes de transmission par lesquels l’ouverture commerciale entraîne une progression de l’emploi informel. En revanche, les modèles diffèrent considérablement par leurs prédictions sur les salaires du secteur informel et, donc, sur les implications pour le bien-être. De plus, les résultats théoriques mettent en lumière un certain nombre de mécanismes intéressants et de facteurs qu’il faut prendre en considération pour mieux comprendre les liens entre la mondialisation et l’économie informelle:

Pour que l’ouverture commerciale entraîne une augmentation des salaires dans le secteur informel, il faut que le capital circule librement entre le secteur formel et le secteur informel. La réforme du secteur fi nancier et l’accès au capital sont donc essentiels pour que les entreprises du secteur informel tirent profi t des réformes commerciales. Par contre, si le capital ne peut pas circuler entre le secteur formel et le secteur informel après l’ouverture du secteur formel, le loyer du capital diminuera et les travailleurs passeront dans le secteur informel, tandis que le capital restera immobilisé dans le secteur formel, ce qui fera baisser les salaires du secteur informel (Kar et al., 2003; Marjit et Maiti, 2005; Marjit et Beladi, 2005).

En présence de relations verticales entre l’économie formelle et l’économie informelle, la réaction des salaires du secteur informel aux réformes commerciales dépend des ajustements opérés par les entreprises du secteur formel. Il se peut en effet que la mondialisation transforme les modes de production et l’organisation du travail dans la mesure où les entreprises formelles adoptent des stratégies effi cientes en établissant des relations de sous-traitance ou d’externalisation avec des agents de l’économie informelle, ce qui a un effet positif sur les salaires du secteur informel.

Enfi n, il se peut que le secteur informel soit totalement déconnecté de l’économie formelle et constitue une économie de subsistance résiduelle qui aide les travailleurs à survivre en attendant de trouver un meilleur emploi dans le secteur formel. Dans ces modèles d’économie duale, les salaires sont assez peu infl uencés par les réformes commerciales dans le secteur formel.

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B. Que nous disent les données empiriques?

Cet aperçu de la littérature théorique a permis d’identifi er certains mécanismes par lesquels l’ouverture commerciale peut infl uer sur l’emploi informel et les salaires informels. Dans la plupart des cas, les réformes commerciales augmentent l’incidence de l’emploi informel, mais leur effet sur les salaires du secteur informel est ambigu et dépend des circonstances et des spécifi cités des pays. Cela constitue la toile de fond de l’analyse ci-après des études empiriques portant sur les liens entre l’ouverture commerciale et le secteur informel. Pour des raisons de présentation, les études sont divisées en trois catégories: simulations numériques ex ante, études empiriques ex-post et essais anecdotiques.

1. Approches ex ante

Les approches ex ante font appel à des simulations numériques pour examiner l’incidence de la réforme des politiques sur les variables macro-économiques. En fonction de la capacité de calcul, n’importe quel niveau de détail peut être pris en compte – par exemple, le nombre de secteurs et de segments du marché du travail, les types de ménages et d’entreprises, les variétés de biens et de services, les imperfections du marché du travail et des marchés de produits. À partir d’une estimation des relations entrées-sorties et de l’élasticité des prix et de l’offre, on peut obtenir une indication des résultats quantitatifs de certains types de politiques. Cela est particulièrement commode dans le cas des réformes tarifaires qui peuvent être introduites directement dans ces approches et qui ont été abondamment utilisées dans la littérature sur le commerce international. Toutefois, la plupart des études dans ce domaine ne sont pas axées sur l’analyse du secteur informel.

Il y a cependant une exception, avec une étude sur l’Inde présentée par Sinha et Adam (2006), qui examinent les effets des réformes commerciales du début des années 1990 sur le secteur informel indien. L’informalité est identifi ée à des secteurs particuliers dont certains (construction et agriculture de subsistance) ne participent pas au commerce international. Plus précisément, le modèle englobe quatre aspects essentiels de l’informalité. Premièrement, il y a une différenciation des produits entre le secteur formel et le secteur informel. Deuxièmement, les deux secteurs utilisent des technologies différentes. En général, la technologie utilisée par le secteur informel exige plus de main-d’œuvre. Troisièmement, les facteurs de production formels et informels sont différents. On suppose, en particulier, que le salaire formel est rigide. Enfi n, le secteur informel ne paie pas d’impôts directs sur les revenus des facteurs. Le modèle distingue dix secteurs de production

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dont deux (construction et agriculture de base) sont uniquement informels et ne participent pas au commerce international, deux sont uniquement formels (services gouvernementaux et biens d’équipement), et trois sont à la fois formels et informels (agro-industrie, industrie manufacturière et autres services). Le secteur formel et le secteur informel exportent l’un et l’autre et utilisent des facteurs informels. Le capital total disponible par secteur est fi xe.

Dans un tel cadre, on s’attend à ce que les réformes commerciales entraînent des ajustements sectoriels et une redistribution de la main-d’œuvre entre secteurs. Deux versions du modèle sont comparées. La première suppose l’existence du plein emploi et d’une concurrence parfaite sur les marchés du travail. La seconde considère qu’il existe une rigidité des salaires seulement pour les travailleurs réguliers du secteur formel, tout en supposant que les salaires sont pleinement fl exibles sur le marché du travail informel. Il est supposé que les travailleurs formels au chômage entrent dans le secteur informel. Les simulations quantifi ent les effets sur l’emploi de deux types de réformes commerciales: un abaissement général des droits de douane de 60 pour cent sans incidence sur les recettes, et une réduction correspondante des restrictions quantitatives existantes. Les réformes entraînent un rééquilibrage intersectoriel de la production au sein de l’économie nationale en général au profi t du secteur informel. Le secteur formel est exposé à une forte concurrence, et il réagit en externalisant dans le secteur informel et en licenciant des travailleurs formels pour les remplacer par des travailleurs informels. Si le marché du travail est fl exible, les travailleurs informels profi tent de la réduction combinée des droits de douane et des restrictions quantitatives, tandis que les employeurs (détenteurs du capital) sont perdants. En cas de rigidité des salaires réels dans le secteur formel, ce sont les travailleurs occasionnels qui sont perdants tandis que les travailleurs urbains indépendants sont gagnants.

2. Approches ex post

(a) Mondialisation, qualifi cations et inégalité

Comme cela a déjà été dit, lorsque les économistes examinent les effets du commerce sur le marché du travail, ils se concentrent habituellement sur les écarts de qualifi cations et analysent en général ce qu’il est convenu d’appeler la «prime de qualifi cation», c’est-à-dire la différence entre le taux de salaire des travailleurs très qualifi és et celui des travailleurs peu qualifi és. Ces dernières années, les chercheurs ont accordé une attention considérable aux relations entre la mondialisation et la

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prime de qualifi cation, en se fondant de plus en plus sur de nouvelles sources de données de meilleure qualité.10 Les données provenant de quelques pays d’Asie et d’Amérique du Sud montrent que, dans les années 1980 et 1990, la progression de la mondialisation consécutive à une forte ouverture commerciale a coïncidé avec une augmentation de la prime de qualifi cation.11 Cette corrélation positive entre l’inégalité et l’exposition à la mondialisation dans les pays en développement contredit les prédictions de la théorie classique du commerce (voir ci-dessus), de sorte que de nouvelles recherches ont été entreprises pour résoudre l’énigme. La présente section, qui s’appuie sur une analyse exhaustive, effectuée récemment par Goldberg et Pavcnik (2007), de la littérature consacrée aux effets distributifs de la mondialisation dans les pays en développement, résume les résultats de ces nouvelles recherches qui permettront de mieux comprendre les liens entre la mondialisation et l’informalité.

Pendant plusieurs décennies, les économistes ont fondé leur analyse des effets distributifs de l’ouverture commerciale sur le modèle Heckscher-Ohlin et sur le théorème de Stolper-Samuelson, qui établit un lien entre la variation du prix d’un produit à celle de la rémunération des facteurs. Le théorème de Heckscher-Ohlin prédit que les pays qui disposent d’une abondante main-d’œuvre peu qualifi ée se spécialiseront dans la production de produits à forte intensité de main-d’œuvre peu qualifi ée. Le théorème de Stolper-Samuelson prédit, quant à lui, que si le prix de ces produits augmente par suite de l’ouverture commerciale, la demande de main-d’œuvre peu qualifi ée augmentera, ce qui entraînera une hausse des salaires des travailleurs peu qualifi és par rapport à ceux des travailleurs qualifi és, et, donc, une diminution de la prime de qualifi cation. Ces prédictions semblent clairement incompatibles avec l’écart salarial grandissant observé dans de nombreux pays en développement. D’autres prédictions du modèle classique semblent aussi incompatibles avec les schémas observés dans les pays en développement. Premièrement, alors que le modèle Heckscher-Ohlin prédit une redistribution des ressources entre les secteurs à la suite de l’ouverture commerciale, de nombreuses études notent qu’il y a peu de données indiquant une redistribution intersectorielle de la main-d’œuvre (Goldberg et Pavcnik, 2007). Deuxièmement, le modèle classique prédit que la part de la main-d’œuvre peu qualifi ée augmentera dans tous les secteurs si le prix du produit utilisant cette main-d’œuvre augmente à la suite de l’ouverture commerciale. Cependant, des études empiriques concernant des pays en développement constatent que la part de la main-d’œuvre qualifi ée a augmenté dans la plupart des secteurs au cours des dernières décennies.12

On a envisagé diverses extensions du modèle classique du commerce qui pourraient, en principe, concilier la théorie et les données de fait. Toutefois, la plupart d’entre

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elles ne sont pas étayées par des données empiriques ou sont, en fait, contredites par les données disponibles. Premièrement, si, au lieu de considérer seulement deux facteurs de production (la main-d’œuvre peu qualifi ée et la main-d’œuvre très qualifi ée), on ajoute un troisième facteur, tel que la terre, en supposant que c’est un complément de la main-d’œuvre qualifi ée, le modèle prédit que l’ouverture du commerce entraînera une augmentation de la prime de qualifi cation dans les pays où la terre est abondante. Le problème avec cet argument est que rien n’indique que la production de biens à forte intensité de terres exige un ratio plus élevé de la main-d’œuvre qualifi ée à la main-d’œuvre peu qualifi ée, de même que rien n’indique qu’il y ait une redistribution intersectorielle des ressources à la suite de l’ouverture commerciale. Deuxièmement, plusieurs études ont montré que les secteurs employant beaucoup de main-d’œuvre peu qualifi ée étaient les plus protégés avant l’ouverture et les plus durement touchés par les réductions tarifaires. Dans ce cas, le théorème de Stolper-Samuelson prédirait que l’ouverture commerciale entraînera une augmentation de la prime de qualifi cation. Mais comme avec l’argument précédent, l’absence de preuve d’une redistribution intersectorielle constitue un problème. Troisièmement, l’entrée de la Chine et d’autres pays à faible revenu pourrait avoir modifi é l’avantage comparatif des pays à revenu intermédiaire, ce qui expliquerait pourquoi l’ouverture commerciale a augmenté la prime de qualifi cation dans certains pays d’Amérique latine. Mais à ce jour, les implications de cette explication n’ont pas été étudiées empiriquement.

D’autres explications de l’apparente contradiction entre les prédictions du modèle classique du commerce et l’augmentation observée de la prime de qualifi cation supposent que des mécanismes autres que ceux suggérés par le modèle Heckscher-Ohlin étaient à l’œuvre. Feenstra et Hanson (1996; 1997; 1999; 2003) font valoir que l’essor rapide du «partage de la production mondiale» a fait croître la demande de main-d’œuvre qualifi ée dans les pays en développement comme dans les pays développés. Les étapes de la production qui ont été externalisées dans les pays en développement avaient une forte intensité de main-d’œuvre peu qualifi ée dans les pays développés, mais une forte intensité de main-d’œuvre qualifi ée dans les pays en développement. L’externalisation a donc entraîné une augmentation de l’intensité moyenne de qualifi cation tant dans les pays développés que dans les pays en développement et une augmentation correspondante de la prime de qualifi cation. À ce jour, des données étayant cet argument ne sont disponibles que pour deux pays en développement: le Mexique et Hong Kong, Chine.13 Un autre axe de recherche met l’accent sur l’hétérogénéité des entreprises et sur la redistribution intrasectorielle de ressources induite par l’ouverture commerciale. Par exemple, si l’ouverture au commerce entraîne un déplacement des ressources des entreprises

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non exportatrices vers les entreprises exportatrices au sein d’un même secteur et si la production pour l’exportation exige plus de qualifi cations que la production pour le marché intérieur, il s’ensuivra une augmentation de la demande de main-d’œuvre qualifi ée et de la prime de qualifi cation. Goldberg et Pavcnik (2007) examinent les données empiriques disponibles sur la façon dont les mécanismes basés sur l’hétérogénéité affectent la prime de qualifi cation et ils en concluent que ces données sont encore rares et indirectes pour la plupart.

D’autres explications attribuent l’augmentation de la prime de qualifi cation aux entrées de capitaux ou à l’évolution technologique. Si, par exemple, les fl ux de capitaux vers les pays en développement augmentent sous l’effet de la mondialisation et si la main-d’œuvre qualifi ée en est un complément, les entrées de capitaux entraîneront une augmentation de la demande de main-d’œuvre qualifi ée et de la prime de qualifi cation. Quant au progrès technologique biaisé en faveur du travail qualifi é, son rôle dans l’augmentation de la prime de qualifi cation a été abondamment débattu. Il était initialement considéré comme une autre cause de l’augmentation de la prime de qualifi cation. Mais aujourd’hui, on pense plutôt que le progrès technologique était lui-même une réponse à une plus grande ouverture, même s’il a joué un rôle plus important que la politique commerciale dans l’augmentation de la prime de qualifi cation. Goldberg et Pavcnik (2007) ont cependant examiné les données empiriques sur le rôle des mécanismes particuliers par lesquels l’ouverture commerciale et l’évolution technologique biaisée interagissent de manière à accroître la demande de main-d’œuvre qualifi ée, et ils ont conclu que ces données étaient ambivalentes et ne permettaient pas de tirer des conclusions.

(b) Réformes commerciales et incidence de l’emploi informel

Malgré l’idée souvent exprimée selon laquelle les réformes commerciales peuvent avoir des effets pervers en remplaçant les bons emplois formels par de mauvais emplois informels, c’est seulement depuis peu que l’on s’intéresse à l’acquisition de données empiriques pour examiner cette question (Goldberg et Pavcnik, 2003b; 2004). Cette augmentation de la recherche est allée de pair avec un intérêt croissant pour l’évaluation de l’incidence des réformes commerciales et des autres réformes structurelles sur le marché du travail des pays en développement, ce qui a amené les économistes à examiner de plus près les effets de ces réformes sur la composition de l’emploi et sur les marchés du travail informels.14 La plupart des études dans ce domaine se situent au niveau microéconomique et portent sur des pays spécifi ques; elles analysent des épisodes particuliers de réformes commerciales et leurs effets sur la dynamique du marché du travail. En général, il est très diffi cile d’en tirer des

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conclusions solides et pertinentes pour les politiques publiques en dehors du pays considéré. C’est seulement depuis peu que quelques études tentent de traiter la question de manière comparative, ce qui augmente considérablement la pertinence de cet axe de recherche.

L’une des premières études par pays est celle de Currie et Harrison (1997), qui ont utilisé des données microéconomiques sur les entreprises individuelles pour examiner les effets sur l’emploi manufacturier d’un vaste programme de réforme commerciale lancé au Maroc au milieu des années 1980. L’étude a démontré l’existence d’une redistribution de la main-d’œuvre entre les secteurs, selon que les entreprises étaient confrontées ou non à une concurrence accrue à la suite de la réforme commerciale. Si, en moyenne, les entreprises n’étaient pas affectées par les réductions tarifaires et l’élimination des contingents, les exportateurs et les autres entreprises affectées par les réformes ont réduit leurs effectifs en réponse à l’ouverture. Par contre, les entreprises à participation publique ont augmenté leurs effectifs, principalement en recrutant des travailleurs temporaires faiblement rémunérés.

Parmi les premiers travaux analysant les effets de l’ouverture commerciale sur le secteur informel, on peut citer aussi l’étude de Maloney (1998). L’auteur utilise un ensemble de données concernant le Mexique pour examiner la dynamique des différents sous-secteurs du marché du travail entre 1987 et 1993, période marquée par une vaste réforme commerciale et par la poursuite de l’intégration régionale dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).15 Cette étude corrobore le point de vue structuraliste selon lequel le renforcement de la concurrence mondiale amène à externaliser davantage pour réduire les coûts de main-d’œuvre. Elle observe en particulier une diminution séculaire de la contribution du travail salarié formel, qui est partiellement compensée par une augmentation de la part des travailleurs contractuels et des salariés informels, tandis que le taux de transition du travail formel au travail contractuel dépasse le taux de transition inverse. Ces changements semblent être corrélés à une restructuration du secteur manufacturier qui est très probablement liée à une concurrence extérieure accrue.

Des effets analogues sont constatés en Égypte à la suite du programme de réforme économique et d’ajustement structurel lancé en 1991 (Wahba et Moktar, 2000).16 Selon cette étude, la proportion de travailleurs non agricoles ayant un emploi informel a augmenté de 5 à 6 points de pourcentage dans les années 1990. La part des salariés informels parmi les travailleurs non agricoles a augmenté, tandis que celle des employeurs et des travailleurs indépendants a diminué. Les auteurs ont aussi constaté que, parmi les travailleurs âgés de 41 à 64 ans, il y en avait plus qui étaient

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passés du secteur public au secteur informel que l’inverse, ce qui corrobore leur hypothèse selon laquelle les réformes ont poussé les employés du secteur public vers le secteur informel.

Goldberg et Pavcnik (2003b) ont été les premiers à utiliser des données microéconomiques pour effectuer une analyse économétrique de la relation entre l’ouverture commerciale et l’emploi informel.17 L’étude examine de près l’expérience d’ouverture commerciale du Brésil et de la Colombie, deux pays caractérisés par la présence d’un vaste secteur informel, qui était en expansion dans les années 1990. Elle utilise les variations intersectorielles et temporelles de la structure de protection au Brésil et en Colombie pour vérifi er si l’ouverture commerciale avait entraîné une augmentation de l’emploi informel. La concentration sur le Brésil et la Colombie présentait un autre avantage majeur. Bien que les deux pays aient procédé à plusieurs autres réformes – en particulier dans le domaine de la réglementation du marché du travail – à la fi n des années 1980 et dans les années 1990, la nature des réformes commerciales était telle que leurs effets sur l’informalité pouvaient être identifi és en utilisant la variation transversale des changements de politique commerciale.18

Le caractère microéconomique des données utilisées pour cette étude permet de différencier les industries et les secteurs en fonction des caractéristiques de leurs travailleurs, telles que le sexe, l’âge et le niveau d’instruction. Dans cette optique dualiste, il faut s’attendre à ce que les travailleurs informels soient plus âgés et moins instruits et n’aient pas de parents à charge. Il faut s’attendre aussi à ce qu’ils aient moins de formation, des modalités d’emploi plus fl exibles, une plus grande incertitude quant à la durée de leur emploi et moins de chances de bénéfi cier d’avantages sociaux. En outre, l’informalité est limitée à certains secteurs qui ne sont toutefois pas les mêmes au Brésil et en Colombie (vêtements, production de bois et d’articles en bois et extraction pétrolière au Brésil, production de bois et d’articles en bois, agriculture, restauration et hôtellerie et services ménagers en Colombie). Enfi n, la mobilité de l’emploi et le passage d’un emploi à un autre sont fortement concentrés à l’intérieur des secteurs et sont très rares entre les secteurs.19

Les auteurs utilisent ces faits stylisés pour tenir compte des effets par industrie et par secteur des réformes commerciales.20 L’évolution de l’informalité dans le secteur industriel au fi l du temps est retracé et évalué compte tenu des réformes commerciales mises en œuvre pendant la période considérée.21 Les résultats font apparaître des différences importantes entre les pays:

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Dans le cas du Brésil, il n’y a pas de relation entre la politique commerciale et l’incidence de l’emploi informel, et cela reste inchangé si l’on inclut des variables de contrôle additionnelles et différentes spécifi cations estimées. Le coeffi cient de la variable tarifaire reste faible et statistiquement non signifi catif. De même, la pénétration des importations et l’orientation vers l’exportation restent largement non signifi catives.

Par contre, dans le cas de la Colombie, les variables commerciales sont signifi catives en moyenne. Les réductions tarifaires sont associées à une plus grande incidence de l’informalité (bien que cette association ne soit pas solide). Sur l’ensemble de la période d’échantillonnage, une baisse de 1 pour cent du taux de droit pour une industrie donnée a entraîné une augmentation de 0,1 pour cent de la probabilité de l’emploi informel dans cette industrie. Cet effet semble avoir une ampleur relativement modeste.

En examinant de plus près les différences dans les réformes commerciales et structurelles, l’étude identifi e les mécanismes qui pourraient expliquer les réactions contrastées du secteur informel dans les deux pays. Plus précisément, la Colombie a lancé en 1990 une réforme du marché du travail qui a sensiblement réduit le coût du licenciement d’un travailleur, augmentant ainsi la mobilité de la main-d’œuvre. Si l’on met les droits de douane en interaction avec une variable de réforme du marché du travail, on obtient des coeffi cients négatifs pour les droits de douane et des coeffi cients positifs pour la variable d’interaction.22 Ces résultats portent à croire que, même si les réductions tarifaires augmentent la probabilité moyenne de l’emploi informel dans une industrie donnée, cet effet direct des variations tarifaires sur l’informalité est atténué par la fl exibilité additionnelle découlant de la réforme du marché du travail qui a réduit le coût du licenciement des travailleurs formels. En d’autres termes, une réduction tarifaire touchant une industrie particulière n’augmente la probabilité de l’emploi informel dans cette industrie qu’en présence de rigidités du marché du travail. À la lumière de leurs résultats, et compte tenu du fait que la Colombie semble être plus réglementée que le Brésil, Goldberg et Pavcnik attribuent principalement à la réglementation plus stricte du marché du travail colombien les différences de résultats entre le Brésil et la Colombie.23

Bosch et al. (2007) revoient l’étude de Goldberg et Pavcnik pour le Brésil en concentrant leur analyse sur les fl ux bruts de travailleurs (plutôt que sur les stocks) et ils constatent que les réformes commerciales ont un effet statistiquement signifi catif, mais quantitativement modeste, sur l’informalité.24 Entre 1995 et le début des années 2000, la part de la main-d’œuvre non protégée par la législation du travail

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a augmenté de 10 points de pourcentage, dans les zones métropolitaines du Brésil, principalement par suite de la réduction de l’emploi dans le secteur formel.25 L’étude compare aussi l’importance des réformes commerciales par rapport aux autres évolutions du marché du travail, telles que l’augmentation des coûts de main-d’œuvre et la diminution de la fl exibilité résultant des changements constitutionnels de 1988, l’évolution de la force des syndicats ou les variations de l’horaire de travail hebdomadaire légal. À cet égard, les simulations semblent indiquer que les réformes commerciales ont joué un rôle relativement moins important dans la variation de l’informalité que les modifi cations apportées à la législation du travail.

En utilisant la même approche que Goldberg et Pavcnik (2003b) pour examiner l’effet de l’ouverture commerciale sur l’informalité au Mexique dans les années 1990, Aleman-Castilla (2006) trouve des résultats qui contrastent avec ceux obtenus pour le Brésil et la Colombie. L’auteur constate que les réductions tarifaires au Mexique, y compris dans le cadre de l’ALENA, réduisent sensiblement la probabilité de l’informalité dans le secteur exportateur. Toutefois, les avantages de l’ouverture commerciale ne semblent pas s’étendre de manière statistiquement signifi cative à la main-d’œuvre des secteurs non exportateurs. Étudiant de plus près la possibilité que les effets dépendent de l’exposition de l’industrie au commerce, Aleman-Castilla constate que, pour une réduction donnée des droits d’importation, la réduction de l’informalité est moins importante dans les industries qui ont un taux élevé de pénétration des importations. L’étude examine aussi les effets de la réduction des droits d’importation aux États-Unis et constate que cette réduction n’a pas eu d’effet signifi catif sur l’informalité au Mexique, ce qui n’est peut-être pas surprenant vu que leur niveau était déjà peu élevé avant l’ALENA.

S’écartant de ces approches par pays, Fiess et Fugazza (2008) évaluent la relation entre l’ouverture commerciale et l’informalité sur la base de données internationalement comparables. Leurs résultats présentent un tableau mitigé. Ils diffèrent en fonction du type de données sur l’informalité utilisé et du cadre économétrique. Les corrélations transversales corroborent l’idée que l’ouverture commerciale réduit l’informalité, mais ce n’est pas le cas des résultats de panels. L’analyse des séries temporelles indique qu’une plus grande ouverture au commerce est associée à plus d’emploi et de production informels pour la majorité des pays. Mais, dans la plupart des cas, la réduction des restrictions au commerce semble être associée à une diminution de l’emploi et de la production informels. Néanmoins les données agrégées produisent généralement des résultats qui corroborent l’idée que l’ouverture commerciale accroît l’informalité, ce qui n’est pas le cas des données au niveau microéconomique.

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Globalement, les données empiriques limitées dont on dispose ne permet pas de tirer des conclusions solides sur le lien entre le commerce et l’informalité. Les effets estimés sont, pour la plupart, quantitativement modestes et rarement robustes. Les données provenant des études par pays concernant le Brésil, la Colombie et le Mexique portent à croire que la réaction aux réformes commerciales diffère entre les pays, voire au sein d’une même région. Ces différences de réaction ont été mises en relation avec la réglementation et les institutions du marché du travail. En particulier, lorsque la réglementation confère beaucoup de pouvoir aux acteurs (segments) du secteur formel, ceux-ci réussissent à défendre leurs emplois, imposant à l’économie informelle tout le poids de l’ajustement. À l’opposé, lorsque les modalités d’emploi sont plus fl exibles, les entreprises du secteur formel parviennent à redéployer plus facilement les travailleurs entre les segments, de sorte qu’il y a moins de retombées sur l’emploi dans le secteur informel.

(c) Ouverture commerciale et salaires du secteur informel

La plupart des études examinées ci-dessus ont trait principalement à l’effet des réformes commerciales sur l’incidence de l’emploi informel. Toutefois, dans l’optique du Programme de l’OIT pour un travail décent, l’effet des réformes commerciales sur l’évolution des salaires dans le secteur formel comme dans le secteur informel mérite aussi une attention. Les données sont encore plus rares dans ce domaine. Une étude faisant autorité est celle de Veras (2005), qui examine le rôle des réformes commerciales dans la réduction de l’écart salarial entre les travailleurs enregistrés et non enregistrés. Cette étude analyse aussi la diminution de la proportion de travailleurs enregistrés au Brésil, entre 1987 et 1998, dans le secteur manufacturier et dans l’ensemble de l’économie.26 Il en ressort que les réformes commerciales qui ont renforcé la concurrence des importations ont limité la recherche de rente dans les industries manufacturières brésiliennes, ce qui a entraîné une diminution des salaires relativement plus élevés dont bénéfi ciaient les travailleurs enregistrés avant l’ouverture du commerce. Les résultats de Veras concernant la proportion de travailleurs enregistrés au Brésil sont analogues à ceux de Goldberg et Pavcnik (2003b), qui ne constatent aucun effet statistique signifi catif des réformes commerciales sur l’emploi informel au Brésil.

En outre, l’étude observe des différences entre l’ouverture commerciale de facto et l’ouverture commerciale de jure.27 L«ouverture commerciale de facto» c’est-à-dire l’augmentation de la pénétration des importations, a eu un effet préjudiciable sur les salaires des travailleurs enregistrés. Par contre, l’ouverture commerciale de jure,

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qui a fait baisser les taux de droits effectifs, a entraîné une augmentation de la proportion de travailleurs enregistrés, probablement en raison de l’accroissement de l’activité globale dans le secteur tourné vers l’exportation. Ces constatations sont confi rmés dans les autres cadres empiriques présentés dans cette étude et lorsque l’on tient compte d’un large ensemble de facteurs additionnels.

Aleman-Castilla (2006) a examiné l’effet de l’ouverture commerciale du Mexique à la fois sur l’emploi informel et sur les salaires informels et il a obtenu des résultats qui contrastent avec les résultats concernant le Brésil. L’ouverture commerciale du Mexique dans les années 1990 a accentué les disparités salariales dans l’industrie et a creusé l’écart entre les salaires formels et informels. Étant donné que le niveau de qualifi cation est généralement plus bas dans le secteur informel que dans le secteur formel, ce résultat concorde avec le constat d’une augmentation de la prime de qualifi cation dans la littérature sur les effets distributifs des réformes commerciales.

Kar et al. (2003) estiment une équation salariale pour le secteur informel en Inde mettant l’accent sur le rôle de la mobilité du capital entre les secteurs formel et informel dans la détermination des salaires du secteur informel. Ils constatent que le salaire réel dans le secteur informel a augmenté entre la période antérieure à la réforme (1984-1985 à 1989-1990) et la période postérieure à la réforme (1994-1995 à 1999-2000). Ils constatent également que l’accumulation de capital dans le secteur informel et une augmentation du salaire agricole ont grandement contribué à la progression des salaires dans le secteur informel.28 Plus précisément, l’étude montre que l’accumulation de capital a été plus forte dans le secteur manufacturier formel que dans le secteur manufacturier informel avant la réforme, alors que c’est l’inverse qui a été observé pendant la période de transition et après la réforme. Comme l’épargne n’a pas sensiblement augmenté pendant la période considérée, Kar et al. concluent que le capital est probablement passé du secteur manufacturier formel au secteur manufacturier informel. Leur analyse montre qu’une cassure structurelle a affecté l’évolution des salaires pendant la période de réforme, puisque les salaires informels ont progressé plus rapidement et ont réagi de manière signifi cative à l’accumulation de capital, ce qui n’avait pas été observé avant la réforme commerciale. Dans l’ensemble, ces résultats corroborent généralement l’idée que la libéralisation du commerce entraîne une augmentation des salaires réels dans le secteur manufacturier informel indien par le biais d’une redistribution du capital entre les activités manufacturières formelles et informelles.

En somme, on a moins de renseignements sur l’impact des réformes commerciales sur les salaires que sur leur impact sur l’emploi informel. Comme dans le cas des

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études empiriques présentées dans la section précédente, les chercheurs qui se sont penchés sur l’évolution des salaires dans le secteur informel n’ont pas pu parvenir à une conclusion consensuelle claire. Certains éléments donnent à penser que la réaction des salaires dépend en partie du degré de mobilité du capital (comme les résultats théoriques le laissaient déjà entrevoir) et, en partie, de la façon particulière dont l’ouverture commerciale affecte les entreprises en place dans le secteur formel. Dans la mesure où ces entreprises ont profi té des réductions tarifaires pour augmenter leur activité, la croissance des salaires a été stimulée, en particulier dans le secteur formel, de sorte que l’écart salarial s’est creusé entre les secteurs formel et informel.

3. Données anecdotiques

Outre ces analyses systématiques des effets des réformes commerciales sur l’informalité, plusieurs études ont permis de recueillir des données statistiques anecdotiques sur les conditions de travail et de vie dans l’économie informelle après des réformes commerciales. Ces études présentent l’avantage de donner un tableau des circonstances particulières ou des schémas d’évolution géographique et régional qui est plus détaillé que celui que l’on peut obtenir au moyen d’approches plus formalisées et moins désagrégées.

Glick et Roubaud (2004) présentent les résultats d’une enquête menée à Madagascar pour déterminer les incidences de l’établissement d’activités de transformation pour l’exportation sur les revenus, l’emploi et la composition de l’emploi par sexe et sur la différenciation salariale entre hommes et femmes entre 1995 et 2002, à Antananarivo.29 Les auteurs observent que l’emploi informel des femmes a diminué pendant la période 1995-2002, après l’établissement d’une ZFI. Cela concernait toutes les catégories de travailleurs informels, y compris non seulement les travailleurs indépendants et les travailleurs informels privés, mais aussi les entreprises du secteur informel, et cela s’est accompagné d’une progression notable de l’emploi féminin dans la ZFI. Parallèlement, l’emploi public (administration et entreprises publiques) a diminué d’un point de pourcentage. Enfi n, le secteur privé formel hors ZFI est resté largement inchangé.30

Cette étude montre que l’implantation d’une ZFI peut potentiellement avoir des effets favorables sur l’emploi formel et sur le revenu disponible réel dans la zone. Certes, le salaire net était légèrement inférieur à celui du secteur privé formel (mais sensiblement supérieur à celui du secteur informel), mais les avantages sociaux (congés payés, soins de santé, formation) étaient du même ordre que dans le secteur

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public et étaient plus élevés que pour des emplois comparables dans le secteur privé formel ou informel. Le côté négatif était que les salaires horaires restaient faibles puisque la durée moyenne du travail était nettement plus longue que dans le secteur privé formel.31

Marjit et Maiti (2005) présentent les résultats d’une enquête au Bengale occidental (Inde) qui montrent comment et dans quelle mesure les politiques d’ouverture commerciale et l’exposition croissante aux marchés ont infl ué sur le degré de formalité dans l’organisation de la production dans les années 1990.32 Dans ces années-là, le gouvernement indien a décidé d’accélérer la réforme économique. Les obstacles au commerce des marchandises ont été abaissés, et les contraintes qui pesaient sur les transactions fi nancières ont été allégées. Comme les différents producteurs ont des caractéristiques différentes et un accès différent aux ressources (fi nancières et technologiques) et à l’information sur les marchés, les réformes devraient affecter l’organisation de la production. Les entreprises qui ont accès à des ressources fi nancières suffi santes et à une bonne information sur les prix et les préférences du marché devraient pouvoir récolter les avantages de l’expansion du marché intérieur et des marchés d’exportation et développer ainsi leurs activités. Les autres entreprises -  généralement des petites et microentreprises – doivent compter sur des intermédiaires pour acheminer leurs produits jusqu’aux marchés, soit parce qu’elles n’ont pas d’informations exactes sur la demande (qualité, prix, etc.), soit parce qu’elles ne possèdent pas les circuits commerciaux nécessaires pour promouvoir leurs produits. Par ailleurs, les entreprises formelles sous-traitent une partie de leurs activités à des producteurs informels. Ce faisant, elles acquièrent une certaine fl exibilité dans l’organisation de la production et elles évitent les coûts liés à la supervision de l’activité de production et à la formalisation (contraintes imposées par la législation du travail, charges administratives, etc.). Par conséquent, avec la croissance des marchés intérieurs et extérieurs, les producteurs ruraux informels devraient être de plus en plus en liés aux intermédiaires et aux entreprises formelles.

Les résultats de l’enquête de Marjit et Maiti font apparaître des changements importants dans l’organisation de la production formelle et informelle. Les chiffres montrent que la part des unités indépendantes, au nombre de 356, est passée de 44,4 pour cent en 1991 à 41,9 pour cent en 2001 et que celle des unités coopératives a elle aussi diminué, tombant de 34,6 pour cent du total en 1991 à 12,6 pour cent en 2001. Pendant la même période, la part des unités liées a augmenté, passant de 21,1 pour cent à 45,5 pour cent. Marjit et Maiti assimilent le fonctionnement des unités liées à un système de sous-traitance, parce que ces unités de production exécutent une partie de la tâche globale confi ée, sur une base contractuelle, par les entreprises maîtres d’œuvre ou les capitalistes marchands. La libéralisation du

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commerce a entraîné l’essor du marché national et des marchés d’exportation pour les artisans ruraux qui jusque-là dépendaient principalement des petits marchés ruraux. Par l’intermédiaire des exportateurs et des organismes d’exportation et de commercialisation, des articles en corne sont exportés en Allemagne et au Japon, des produits tissés main sont envoyés au Japon et des articles en cuivre sont vendus sur les marchés régionaux. Marjit et Maiti en concluent: «À mesure que les marchés d’exportation se développent, les industries rurales informelles renforcent leur dynamique de liaison (sous-traitance, fourniture d’intrants), d’adoption de technologie et de croissance.»

Dans une série d’articles, Carr et Chen (2002; 2004) présentent des données anecdotiques sur la mondialisation et l’emploi dans l’économie informelle. Ils se concentrent sur les conditions d’emploi des travailleurs pauvres – en particulier des femmes – plutôt que sur les salaires informels ou la taille de l’emploi informel. Carr et Chen (2002) examinent comment l’impact de la mondialisation sur les travailleurs et les producteurs informels varie en fonction de leur localisation, du secteur dans lequel ils travaillent et du fait qu’il s’agit d’entrepreneurs informels, de travailleurs indépendants ou d’employés informels. D’après leur étude, la mondialisation a tendance à provoquer le passage de formes d’emploi sûres à des formes non sûres et à des formes de travail indépendant plus précaires. Mais elle peut aussi créer de nouvelles possibilités pour les salariés et les travailleurs indépendants. En outre, Carr et al. (2004) décrivent les différents mécanismes par lesquels l’«intégration mondiale» semble infl uer sur les conditions de travail. Par exemple, la croissance tirée par les exportations peut contribuer à la participation accrue des travailleurs à l’économie mondiale, mais à des conditions contestables ou indésirables, et pour une durée incertaine. De plus, les obstacles à l’entrée empêchent les travailleurs indépendants et les travailleurs à leur compte de profi ter des nouvelles possibilités économiques découlant de l’ouverture. Enfi n, les auteurs soulignent que les réformes commerciales peuvent entraîner la disparition d’entreprises nationales ou d’emplois rémunérés lorsque le marché est inondé de produits importés bon marché, ce qui a des conséquences défavorables pour l’économie informelle.

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Notes

1 Un autre problème est que l’informalité est souvent liée au secteur non exportateur, alors que les modèles simples n’englobent généralement pas les biens non exportables. La présence d’un secteur non exportateur où prédomine la main d’œuvre non qualifi ée n’affecte pas sur la prédiction selon laquelle les prix mondiaux des produits exportables déterminent le salaire relatif (voir, par exemple, l’étude de Johnson et Stafford (1999) sur les incidences du commerce international sur le marché du travail, et l’analyse plus récente de Veras (2005)). En revanche, la présence d’un secteur non exportateur employant principalement des travailleurs non qualifi és rendrait la diversifi cation moins probable et accroîtrait la probabilité qu’une baisse du prix relatif du produit à forte intensité de main d’œuvre non qualifi ée, par exemple à la suite de la libéralisation du commerce, entraîne la disparition de l’industrie en question, ce qui amènerait les travailleurs non qualifi és à passer dans le secteur non exportateur. Dans ce cas, le salaire relatif serait déterminé comme dans le cas d’une économie fermée. Comme l’a montré Veras (2005), dans ce contexte, les variables liées au commerce ne devraient pas avoir d’infl uence sur le ratio des salaires travailleurs qualifi és/travailleurs non qualifi és.

2 Marjit et al. (2007a) introduisent des segments informels dans un cadre Heckscher-Ohlin -Samuelson classique. Ils montrent que, même si l’on élimine les relations verticales et la question de la mobilité du capital, une réduction tarifaire dans le secteur formel peut entraîner une progression de l’emploi informel et des salaires informels. Dans ce cas, c’est la propriété Stolper-Samuelson qui explique l’augmentation des salaires informels après la libéralisation du commerce et la contraction du secteur formel. Le modèle comporte deux secteurs qui produisent, respectivement, un bien en concurrence avec les importations et un bien d’exportation. Chaque secteur est subdivisé en un segment formel et un segment informel. Les travailleurs du secteur formel ont toujours un salaire supérieur au salaire informel, car la législation du travail accorde aux travailleurs formels divers avantages dont ne bénéfi cient pas les travailleurs informels. Il n’y a pas de chômage dans le modèle. Les travailleurs qui ne peuvent pas trouver un emploi dans le secteur formel passent dans le secteur informel et trouvent un emploi avec un salaire déterminé par le marché. Le capital est mobile entre les segments informels mais pas entre les segments formels ni – et c’est là l’hypothèse cruciale – entre les segments informel et formel. Dans ce contexte, une réduction du droit de douane protégeant le produit en concurrence avec les importations entraînera une contraction du segment formel et augmentera l’emploi informel global. Les auteurs montrent que, même s’il y a une progression de l’emploi informel global, les salaires informels augmenteront aussi si, et seulement si, la production du bien informel en concurrence avec les importations a une forte intensité de capital par rapport à la production du bien informel destiné à l’exportation.

3 Voir, par exemple, Stark (1982); Quibria (1988); Chaudhuri (1989); Grinols (1991); Gupta (1993). Pour l’analyse de la dynamique d’ajustement lent, voir Agénor et Aizenman (1999), qui examinent l’incidence de la réforme commerciale sur la dynamique des salaires et la composition de l’emploi en présence de distorsions du marché de l’emploi. Agénor (1995) donne un bref aperçu de la littérature antérieure, qui excluait les interactions potentielles entre

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la formation des salaires dans les différents secteurs et ne tenait pas compte des obstacles à la mobilité de la main d’œuvre à court terme.

4 Comme l’a noté Gupta (1997): «[L]’idée que la production du secteur informel fait l’objet d’échanges va à l’encontre de la raison d’être de la production informelle car elle ouvre toutes sortes de possibilités d’imposition et de subventions qui, par défi nition, ne s’appliquent pas au secteur informel».

5 Chaudhuri (1989) établit un modèle dans lequel le coût du capital pour le secteur informel augmente avec la quantité de capital utilisée. Il considère que cette augmentation est la principale raison pour laquelle la taille des unités informelles ne s’accroît pas. Gupta (1997) incorpore deux marchés de capitaux et se concentre sur la modélisation du marché des capitaux informel.

6 Gupta (1997) met l’accent sur le rôle du marché du crédit informel et sur la mobilité du capital entre les différents secteurs. Il constate que, en présence de marchés de capitaux segmentés, une hausse du prix de la production du secteur formel urbain entraîne généralement une hausse du taux de salaire informel. Dans le modèle de base, le capital est entièrement mobile entre le secteur informel urbain et le secteur rural, mais le secteur formel urbain utilise un type de capital différent qui lui est propre. Les trois secteurs produisent trois produits fi nis différents qui entrent tous dans le commerce international et dont les prix, dans une petite économie ouverte, sont déterminés par des facteurs exogènes. Dans ce cadre, l’auteur montre d’abord que le taux d’intérêt est plus élevé sur le marché du crédit informel que sur le marché du crédit formel car le taux de salaire est plus bas et les techniques de production sont ineffi cientes dans le secteur informel. Il constate également que, si le secteur rural a une plus forte intensité de capital que le secteur informel urbain et si le secteur informel prend de l’importance à la suite d’une baisse du prix de la production du secteur formel, cette baisse entraînera aussi une baisse du taux de salaire dans le secteur informel. Cela signifi e que l’abaissement du droit de douane protégeant la production du secteur formel entraînera une expansion du secteur informel et une réduction du salaire informel. Dans le même article, Gupta analyse aussi un modèle élargi qui diffère du premier à deux égards. Premièrement, le secteur rural est subdivisé en un secteur avancé et un secteur attardé. Deuxièmement, l’auteur introduit une forme spécifi que de mobilité imparfaite du capital. Le capital est parfaitement mobile entre le secteur informel urbain et le secteur agricole attardé, ainsi qu’entre le secteur formel urbain et le secteur rural avancé. Selon ces hypothèses, l’abaissement du droit de douane applicable au produit du secteur formel urbain entraîne aussi une augmentation du salaire dans le secteur informel mais semble avoir un effet indéterminé sur la quantité de capital fournie au secteur informel. L’auteur constate cependant que la baisse du prix de la production du secteur agricole avancé entraîne une réduction du salaire informel.

Gupta (1997) compare ses résultats à ceux d’autres études dans lesquelles des hypothèses différentes sont faites, entre autres, au sujet de la mobilité du capital. Grinols (1991) identifi e deux types de capital et suppose que le secteur informel produit des biens qui sont exportés. À partir de ces hypothèses, il constate qu’une variation du prix du produit du secteur formel a un effet indéterminé sur le salaire informel. Chandra et Khan (1993) identifi ent un seul type de capital et examinent à la fois le cas où le produit du secteur informel est exporté et celui où il ne l’est pas. Mettant l’accent sur l’effet de l’investissement étranger, ils montrent que, en présence d’un droit de douane et du rapatriement intégral des bénéfi ces qu’ils engendrent, les

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apports de capitaux entraînent une paupérisation si, et seulement si, le produit urbain importé appartient au secteur à forte intensité de capital. En ce qui concerne la modifi cation des droits de douane, en présence d’un seul type de capital et si la production du secteur informel est exportée, une baisse de prix du produit du secteur formel urbain augmente le salaire du secteur informel. Dans le cas où le produit informel est un intrant intermédiaire qui ne fait pas l’objet d’échanges internationaux, l’effet d’une modifi cation du prix du produit formel est indéterminé.

7 Comme l’ont noté Goldberg et Pavcnik (2003), leur analyse, à la différence de la plupart des études mentionnées ici, fait abstraction des effets d’équilibre général et met l’accent sur les changements qui s’opèrent au niveau d’une entreprise représentative d’un secteur particulier. Les effets d’équilibre général pourraient différer des effets au niveau de l’entreprise. La réaffectation intersectorielle consécutive à la libéralisation pourrait, en principe, compenser la réaffectation intrasectorielle et stimuler ou réduire l’emploi informel. Les auteurs indiquent aussi que le modèle fait abstraction des effets de la libéralisation du commerce sur l’emploi total. Dans la mesure où l’entrée dans le secteur informel est libre, le modèle n’est pas compatible avec le chômage involontaire.

8 «[L’]économie tirée par les exportations est malheureusement devenue une économie d’enclave, dans laquelle les gains de productivité du secteur tourné vers l’exportation ont renforcé l’informalité.» (Cimoli et al., 2005)

9 La contrainte extérieure qui pèse sur la croissance de la production est corrélée négativement avec l’élasticité revenu des importations et positivement avec la croissance des exportations.

10 Comme d’autres réformes importantes ont généralement lieu en période de libéralisation extérieure, Goldberg et Pavcnik (2007) recommandent de ne pas tirer des conclusions au sujet du lien entre mondialisation et inégalité sur la base de comparaisons avant après. Des études plus récentes utilisent des données détaillées sur les droits de douane et des micro enquêtes.

11 Voir l’analyse détaillée de l’expérience du Mexique, de la Colombie, de l’Argentine, du Brésil, du Chili, de l’Inde et de Hong Kong, Chine dans Goldberg et Pavcnik (2007). Le choix des périodes et des pays est dicté par le calendrier des réformes commerciales et l’insuffi sance des données. Les pays considérés ont tous connu une importante libéralisation du commerce au cours des deux dernières décennies et ils recueillent tous des micro données que l’on peut utiliser pour examiner la prime de qualifi cation.

12 Voir les références dans Goldberg et Pavcnik (2007).

13 Voir Feenstra et Hanson (1997), Hsieh et Woo (2005).

14 Voir les aperçus dans BIT/OMC (2007) et Agénor (1995), et les références dans Veras (2005).

15 L’étude considère comme informels les employeurs et les employés d’entreprises comptant moins de 16 salariés, qui ne bénéfi cient pas de prestations sociales et médicales et qui ne sont donc pas protégés. Elle distingue quatre catégories de travail rémunéré, dont une formelle et trois informelles, à savoir les travailleurs indépendants, les salariés informels et les travailleurs contractuels. Les travailleurs contractuels, qui ne perçoivent pas un salaire régulier mais sont

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payés sur la base d’une commission ou d’un contrat fi xe, peuvent être affi liés à une plus grande entreprise qui fournit les matières premières, mais ils travaillent de manière indépendante et sont le plus souvent engagés dans des relations de sous traitance.

16 Les auteurs utilisent le module «mobilité de la main d’œuvre» de l’enquête de 1998 sur le marché du travail en Égypte, qui fournit les caractéristiques de l’emploi en 1990 et 1998 ainsi que des renseignements sur leur dernière et avant dernière modifi cation. La défi nition de l’informalité utilisée dans cette étude est celle donnée par l’OIT en 1993. L’étude ne tente pas de quantifi er les effets des réformes, et encore moins de la libéralisation du commerce, sur l’emploi informel.

17 La défi nition du secteur informel qui est utilisée dans l’étude est fondée sur le non respect de la réglementation du marché du travail et de la sécurité sociale; elle englobe les travailleurs employés par des entreprises formelles au titre d’un contrat temporaire ou à temps partiel et les travailleurs indépendants ainsi que les petites entreprises. La libéralisation du commerce est caractérisée essentiellement par des réductions tarifaires dans l’ensemble des secteurs, mais la pénétration des importations et l’orientation vers l’exportation sont également utilisées pour vérifi er la solidité des résultats au Brésil, tandis que les exportations et les importations sont utilisées en Colombie.

18 Pour la Colombie, les données sur l’emploi proviennent des enquêtes nationales auprès des ménages, menées deux fois par an par l’Administration nationale de la statistique (DANE), de 1986 à 1998. Elles concernent 33 industries manufacturières et non manufacturières répertoriées au niveau à deux chiffres de la Classifi cation internationale type, par industrie, de toutes les branches d’activité économique (CITI), en zones urbaines. Le fait que l’employeur paie ou non des cotisations de sécurité sociale est utilisé pour classer les travailleurs dans le secteur formel ou dans le secteur informel. Les données tarifaires, également au niveau à deux chiffres de la CITI, couvrent 21 industries dont neuf sont des industries manufacturières; elles sont compilées par la Direction nationale du plan de la Colombie. Pour le Brésil, les auteurs utilisent les données sur l’emploi issues de l’enquête mensuelle sur l’emploi (Pesquisa mensal de emprego) du Bureau brésilien de la statistique. L’enquête couvre 20 industries manufacturières dans les six principales régions urbaines et les données concernent les années 1987 à 1998. Les personnes âgées de 15 à 65 ans travaillant plus de 25 heures par semaine, sont classés comme dans le secteur formel ou dans le secteur informel selon que leur contrat de travail est enregistré ou non sur leur carte de travail. Les données tarifaires sont tirées de Muendler (2002).

19 Les données montrent aussi que la part agrégée de l’emploi informel n’a pas augmenté pendant la période d’échantillonnage. Toutefois, étant donné la variation transversale des changements de politique commerciale, les données agrégées pourraient potentiellement occulter des différences entre industries. S’agissant de la mobilité de l’emploi, les changements d’emploi au sein d’une même industrie représentent environ 88 pour cent de la variation du pourcentage de travailleurs informels au Brésil pendant la période 1986-1998. En Colombie, ce pourcentage atteint près de 100 pour cent pendant la même période.

20 Les auteurs procèdent à une minutieuse analyse économétrique en deux étapes pour déterminer les effets des mesures de réforme commerciale sur la probabilité de l’emploi informel.

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CHAPITRE 3. OUVERTURE AU COMMERCE ET INFORMALITÉ

Pour chaque individu et chaque année de l’échantillon, ils effectuent d’abord une analyse de variance de l’emploi informel, fondée sur les caractéristiques de chaque individu (âge, sexe, niveau d’instruction, etc.) et un vecteur de leur affi liation à l’industrie. Les coeffi cients estimés correspondant à l’affi liation industrielle du travailleur, dénommés «différentiels d’informalité par industrie», sont ensuite normalisés et interprétés comme l’écart en points de pourcentage de la probabilité qu’un travailleur donné soit un travailleur informel par rapport à un travailleur moyen, avec les mêmes caractéristiques observables dans l’ensemble des industries.

21 Pour expliquer les liens entre la libéralisation du commerce et l’incidence de l’informalité, on peut d’abord tenter de calculer les corrélations interannuelles au moyen des différentiels d’informalité dans le temps. Les chiffres pour le Brésil, qui sont supérieurs à 0,9 en moyenne, donnent à penser que les changements de politique commerciale sont peu susceptibles d’être associés à des variations de l’emploi informel. En revanche, les chiffres moins élevés pour la Colombie – entre 0,6 et 0,9 – indiquent que la politique commerciale peut avoir un effet sur l’emploi informel, du moins en principe. Dans la seconde étape de l’estimation, les auteurs regroupent les différentiels d’informalité par industrie dans le temps puis effectuent une régression, en utilisant des moindres carrés pondérés, sur les variables industrielles liées au commerce – droits de douane, importations et exportations – et sur un ensemble d’indicateurs industriels et temporels spécifi ques. Ils incluent ces indicateurs pour contrôler le biais de sélection résultant d’hétérogénéités non observables entre individus et industries, ainsi que l’incidence de la situation macro économique globale et des réformes du marché du travail.

22 La variable de la réforme du marché du travail est construite à l’aide d’une variable muette qui prend la valeur 1 après la réforme du marché du travail de 1990 et la valeur zéro dans les autres cas.

23 Marjit et Maiti (2005) proposent une explication différente des résultats contrastés pour le Brésil et la Colombie. À l’aide d’un modèle théorique simple, ils montrent qu’une réduction tarifaire et une baisse du taux d’intérêt ont des effets qui se compensent; ils montrent également que les taux d’intérêt ont baissé entre 1986 et 1998 au Brésil, mais pas en Colombie. À notre avis, dans la mesure où les variations des taux d’intérêt ont des effets analogues dans l’ensemble des industries, les indicateurs annuels tiennent compte de leurs effets.

24 En utilisant les données pour la période 1983-2002, les auteurs confi rment le résultat de Goldberg et Pavcnik (2003b) selon lequel le changement entre segments formel et informel se produit principalement à l’intérieur des secteurs, mais ils constatent que la libéralisation du commerce a joué un rôle statistiquement signifi catif, quoique relativement mineur, dans les différentiels d’informalité par industrie (il faut noter que l’étude est basée sur les différentiels de formalité et non d’informalité). Ayant élargi les séries utilisées par Goldberg et Pavcnik concernant la pénétration des importations, ainsi que les données sur le marché du travail pour les 18 industries en remontant jusqu’à 1983 et en allant jusqu’à 2002, les auteurs estiment quatre spécifi cations dans lesquelles la variable dépendante est le taux de création d’emplois formels, le taux de destruction d’emplois formels, la taille du secteur formel ou les différentiels de formalité par industrie. La pénétration des importations entre de manière signifi cative (et avec le signe négatif prédit) dans toutes les spécifi cations, à l’exception de la destruction d’emplois.

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25 Les auteurs utilisent des méthodes élaborées récemment pour l’étude de la dynamique du marché du travail pendant un cycle conjoncturel et montrent que, même si le secteur informel au Brésil absorbe davantage de main d’œuvre en période de récession, il ne devrait pas être caractérisé comme le secteur défavorisé d’un marché segmenté.

26 Dans cette étude, les travailleurs informels sont défi nis comme des travailleurs non enregistrés. Les changements de politique commerciale sont mesurés au moyen des droits de douane effectifs et nominaux, du ratio de pénétration des importations et du ratio d’orientation vers l’exportation pour 17 industries; les données sur les droits proviennent de Kume et al. (2000), et celles concernant l’orientation vers l’exportation et la pénétration des importations de Haguenauer et al. (1998). Les données sur l’emploi et les salaires sont tirées des enquêtes annuelles auprès des ménages (PNAD) pour les personnes travaillant au moins 20 heures par semaine avec un revenu positif. Toutes les variables commerciales et les données sur l’emploi sont présentées au même niveau de classifi cation par industrie (niveau à deux chiffres).

27 On mesure la libéralisation du commerce de facto sur la base de la pénétration des importations, et la libéralisation de jure en calculant les taux de droits effectifs (pondérés par les échanges).

28 Les données sur l’économie informelle concernent les entreprises manufacturières non répertoriées (NDME); elles proviennent de l’enquête nationale par sondage sur le secteur non organisé en Inde. Comme dans l’enquête nationale, les entreprises informelles sont défi nies comme les entreprises de cinq employés ou moins. Pour évaluer la mobilité du capital entre le secteur formel et le secteur informel, les auteurs comparent le taux de croissance des actifs fi xes réels dans le secteur informel et dans le secteur formel.

29 Les données proviennent des enquêtes sur la population active urbaine qui sont réalisées chaque année par l’Institut national de la statistique (INSTAT, Madagascar) dans le cadre des enquêtes 1-2-3. Ces enquêtes s’inscrivent dans le cadre du projet MADIO, lancé conjointement par le DIAL, l’INSTAT et l’ORSTOM.

30 De 1995 à 2001 et 2002, la composition de l’emploi féminin (en parts du total) témoigne d’une diminution du nombre de travailleuses informelles et d’une nette augmentation du nombre de travailleuses dans la zone franche, comme suit:

la part des travailleuses informelles du secteur privé est tombée d’environ 23,6 pour

cent en 1995 à 14,9 pour cent en 2001 et 15,1 pour cent en 2002, après les troubles

politiques;

la part des travailleurs indépendantes et familiales (entreprises indépendantes et

familiales) est passée de 46,9 pour cent en 1995 à 44,8 pour cent en 2001, mais elle

a fortement augmenté en 2002 pour atteindre 55 pour cent;

l’emploi dans la zone franche industrielle a augmenté, passant de 5,5 pour cent en

1995 à 14,7 pour cent en 2001, mais il a fortement chuté en 2002, tombant à 6,1 pour

cent.

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Pendant la même période, l’emploi public (administration et entreprises publiques) a régressé, tombant à 7,7 pour cent en 2001 contre 8,7 pour cent en 1995, après avoir atteint pourtant 8,2 pour cent en 2002. Le secteur privé formel hors ZFI représentait 12 pour cent de l’emploi féminin en 1995; sa part est restée à peu près stable en 2001, à 12,5 pour cent, avant de tomber à 10,6 pour cent en 2002. (Glick et Roubaud, 2004, tableau 2).

31 Les effets de revenu ont été estimés sur la base de deux équations salariales de Mincer. Dans ces estimations, les taux de salaire horaire sont expliqués par le niveau de scolarisation, l’expérience professionnelle, le secteur d’activité et des variables muettes annuelles. La seconde équation est une extension de l’équation de base avec des variables d’interaction (telles que l’interaction des variables muettes sectorielles et temporelles avec celles qui se rapportent à la scolarisation et à l’expérience professionnelle). Le résultat indique que les revenus horaires réels sont nettement plus élevés dans tous les secteurs formels que dans l’emploi salarié informel entre 1995 et 2001. Il est frappant de voir que l’emploi dans les activités de transformation pour l’exportation augmente moins les salaires horaires réels que l’emploi dans les autres secteurs formels, indépendamment du sexe (les salariés informels étant le groupe de comparaison). La comparaison des caractéristiques non salariales (congés payés, soins de santé, existence d’un contrat de travail, syndicalisation, formation, etc.) révèle que la ZFI fait presque aussi bien que le secteur public et mieux que le secteur privé hors ZFI et le secteur salarié privé informel. Le revers de la médaille est que la durée moyenne du travail dans la zone, est beaucoup plus longue.

32 D’avril 2001 à mars 2002, Marjit et Maiti ont mené une enquête de terrain ad hoc sur les petites industries rurales et les industries rurales artisanales au Bengale occidental afi n de recueillir les données nécessaires pour décrire l’évolution de la division des activités productives entre les secteurs informel et formel. Ils ont utilisé un échantillon aléatoire stratifi é à quatre niveaux dans l’ordre de sélection suivant: districts (niveau 1), industries (niveau 2), villages (niveau 3) et unités/artisans (niveau 4). À chaque niveau, l’échantillon est basé sur l’échantillon correspondant au niveau précédent (les industries sont tirées de l’échantillon des districts, les villages de l’échantillon des industries, et ainsi de suite). Les auteurs défi nissent les activités informelles comme «des activités productives non criminelles qui emploient des travailleurs non organisés, à un taux de salaire déterminé par le marché, sans restrictions aux licenciements pour des motifs de rentabilité». Le dernier échantillon comporte 356 unités ou ménages propriétaires comprenant 149 unités indépendantes, 162 unités liées – au sens où leur survie dépend des capitalistes marchands – et 45 unités de production coopératives. Les auteurs expliquent qu’ils ont choisi le Bengale occidental parce qu’il a des industries rurales dynamiques, une longue tradition d’artisanat et une forte densité de population.

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CHAPITRE 4. IMPACT DE L’INFORMALITÉ SUR LE COMMERCE ET LA CROISSANCE

CHAPITRE 4: Impact de l’informalité sur le commerce et la croissance

Les effets d’une grande économie informelle sur la capacité d’un pays de participer au commerce international n’ont pas encore fait l’objet de recherches empiriques approfondies. Plusieurs études de cas sur l’expérience de différents pays font apparaître des résultats divergents, ou permettent pour le moins une interprétation contradictoire des faits. L’impact de l’informalité sur certaines causes immédiates du commerce et de la croissance a cependant été analysé à la fois d’un point de vue théorique et empirique. Les principales conclusions de ce chapitre sont résumées dans l’encadré 4.1. Avant de passer en revue les études empiriques sur ces relations, le chapitre commence par un exposé des mécanismes de transmission théoriques.

A. Comment l’informalité détermine-t-elle les performances macro-économiques?

1. Les différents types d’informalité, le commerce et la croissance

Sur la base des trois hypothèses fondamentales relatives aux origines et aux caractéristiques de l’informalité qui ont été examinées aux chapitres 1 et 2, l’économie informelle peut être liée de trois façons à l’économie formelle ainsi qu’à la compétitivité des exportations et à la croissance. Ces trois conceptions diffèrent en termes de perception des liens entre l’économie formelle et l’économie informelle – ce qui peut amener à formuler des conseils très divergents en matière de politiques publiques. Elles aboutissent cependant à des conclusions analogues quant à l’impact de l’informalité sur le commerce et la croissance:

Selon la conception dualiste de l’emploi informel, seule l’économie formelle a suffi samment de ressources pour participer au commerce international. L’économie informelle ne possède pas le capital humain nécessaire, ou produit à trop petite échelle pour offrir des produits et des services compétitifs sur le marché international. En

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Encadré 4.1 Principales conclusions

L’informalité est généralement associée à une plus faible croissance tendancielle et à de moins bons résultats commerciaux par rapport à une situation de formalisation complète.

L’interaction entre l’informalité, la croissance et le commerce dépend de la forme particulière d’informalité. Sur les marchés du travail duals, les contraintes pesant sur l’offre freinent le dynamisme économique. Par contre, lorsqu’il existe des liaisons verticales entre l’économie formelle et l’économie informelle, l’amélioration des performances économiques à court terme se fait au prix d’une diminution des gains dynamiques du commerce. Enfi n, l’existence de marchés du travail informels peut être la conséquence d’une lourde fi scalité, de contraintes administratives et d’obstacles réglementaires et elle peut donc être le symptôme d’une faiblesse de gouvernance globale.

La littérature empirique relève trois liens principaux entre l’informalité et les performances économiques: des taux d’informalité élevés aggravent les inégalités de revenus, freinent la croissance moyenne du PIB et réduisent les échanges internationaux.

Ces effets défavorables de l’informalité peuvent être mis en relation avec l’absence de gains de productivité, résultant d’obstacles à la croissance des entreprises. De plus, l’esprit d’entreprise et la prise de risque régressent lorsque l’informalité est élevée, en raison d’une lourde fi scalité et d’une réglementation stricte des affaires. Par ailleurs, l’informalité empêche les pays de tirer pleinement profi t de leur avantage comparatif en retardant les ajustements structurels nécessaires ou en créant des pièges de pauvreté pour les travailleurs à la recherche d’un emploi.

Il a été montré aussi que l’existence d’une grande économie informelle limite la capacité du gouvernement d’investir dans l’infrastructure publique, ce qui freine la croissance potentielle de la productivité dans le secteur privé.

Les liaisons entre l’économie formelle et l’économie informelle peuvent aider temporairement les entreprises à accroître leur compétitivité par les prix. Les données empiriques montrent cependant que cela se fait souvent au détriment des gains dynamiques du commerce.

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outre, les entreprises se spécialisent dans des marchés, des produits et des services différents selon qu’elles appartiennent à l’économie formelle ou informelle, ce qui déconnecte de fait les deux secteurs. Les entreprises informelles sont ineffi cientes car elles n’ont aucun pouvoir de fi xation des prix et elles ont un accès limité aux cadres et aux travailleurs qualifi és, mais ces limitations ne concernent pas les entreprises formelles qui ont donc un plus grand potentiel de croissance. Par conséquent, selon la conception dualiste, il y a une répartition (ineffi ciente) des compétences et des actifs entre les deux secteurs qui empêche leur interaction dynamique. De ce fait, l’impact du secteur informel sur le PIB par habitant et les taux de croissance est lié principalement à des effets de composition.

La conception légaliste du secteur informel aboutit à une conclusion analogue en ce qui concerne l’impact de l’économie informelle sur le commerce et la croissance. Mais contrairement à la conception dualiste, elle voit l’origine du secteur informel dans l’action des pouvoirs publics et dans le poids des contraintes administratives. La fi scalité ainsi que la réglementation tatillonne et les charges administratives empêchent les entreprises informelles de devenir formelles, de croître et de développer leur production de biens et de services de manière à soutenir la concurrence des entreprises étrangères. Toutefois, dès que ces obstacles réglementaires sont supprimés, les entreprises commencent à croître, à devenir formelles et à participer de manière rentable au commerce international. Selon la conception légaliste, les entreprises informelles sont effectivement ou potentiellement productives. Elles sont considérées comme semblables aux entreprises formelles, mais leur développement est entravé par les politiques publiques.

La conception structuraliste interprète encore différemment le rôle de l’informalité dans la promotion du commerce et de la croissance. Selon elle, le secteur informel est une réponse rationnelle du secteur formel aux obstacles au développement économique. Les entreprises sous-traitantes du secteur informel peuvent aider les entreprises du secteur formel à compenser leur manque de compétitivité en leur offrant la fl exibilité et la main-d’œuvre bon marché dont elles ont besoin pour pratiquer des prix compétitifs et soutenir la concurrence sur les marchés internationaux. En un sens, l’économie informelle est subordonnée à l’économie formelle (Carr et Chen, 2002). Toutefois, les gains de compétitivité par les prix sont purement statiques. Il est diffi cile, dans ces conditions, de retirer des gains dynamiques du commerce, car l’accroissement des qualifi cations dans l’économie informelle se heurte à des obstacles qui empêchent aussi les travailleurs et les entreprises informels de développer un capital industriel suffi sant. Par ailleurs, les entreprises de l’économie formelle risquent d’être enfermées dans des schémas d’avantage comparatif spécifi ques, transmettant la pression de la concurrence internationale à

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l’économie informelle au lieu de chercher à acquérir de véritables avantages grâce à la diversifi cation des exportations et à la création de valeur.

En résumé, les conceptions théoriques de l’informalité amènent toutes à la conclusion qu’à long terme au moins l’informalité et l’emploi informel ne contribuent pas à la réussite d’un pays à l’exportation ni à sa croissance, du moins par rapport à la situation génératrice de bien-être dans laquelle le marché du travail serait entièrement formalisé. Mais à court terme et d’un point de vue statique, l’économie informelle peut avoir une certaine utilité, du moins pour les entreprises qui opèrent sur des marchés internationaux sensibles aux prix.

2. Comment l’informalité affecte-t-elle les performances commerciales et la croissance?

Même si les trois conceptions de l’informalité amènent à des conclusions analogues au sujet de la relation à long terme entre l’emploi informel, le commerce et la croissance, elles ont des implications très divergentes en ce qui concerne les mécanismes de transmission. Cette section présente leurs implications pour la dynamique de transmission et propose une approche unifi catrice de la manière dont elles peuvent être réunies.

À long terme, l’informalité, le commerce et la croissance sont déterminés de manière simultanée, ce qui rend diffi cile de faire une distinction entre les trois conceptions. Mais à court terme, il est possible d’identifi er différents mécanismes de transmission et différentes interactions dynamiques correspondant à chacune d’elles. En particulier, même si les trois conceptions impliquent des modes d’interaction globale à peu près semblables entre la taille du secteur informel et le taux de croissance du pays, elles aboutissent à des prédictions différentes concernant les variations des fl ux entre les secteurs au cours du cycle et la capacité des entreprises et des salariés des différents secteurs de réaliser des bénéfi ces et d’obtenir un avantage de salaire:

Selon la conception dualiste, une accélération de la croissance (mesurée) devrait être relativement peu corrélée avec une modifi cation de la taille du secteur informel: il existe des différences discernables entre les entreprises formelles et informelles en ce qui concerne leur capacité d’acquérir une rente. Comme les entreprises et les travailleurs de l’économie informelle sont preneurs de prix et se trouvent même souvent face à une situation monopsoniste, la dynamique de ce secteur est uniquement infl uencée par la croissance de l’offre de main-d’œuvre et

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par la possibilité pour les nouveaux entrants d’éviter le piège de l’informalité grâce à une meilleure éducation ou à l’accès à d’autres ressources. Les entreprises et les employés de l’économie formelle, en revanche, peuvent tirer pleinement parti des nouvelles possibilités créées par la dynamique de croissance. En conséquence, une augmentation (exogène) de l’économie informelle aura un effet défavorable sur le PIB par habitant, mais laissera intacte la capacité de croissance de l’économie formelle. Comme on l’a indiqué plus haut, en raison d’un effet de composition, l’impact global d’un agrandissement du secteur informel peut fort bien se révéler négatif à la fois pour le PIB et pour la croissance.

À l’opposé, la conception légaliste voit une économie informelle beaucoup plus dynamique constituant un moteur distinct de la croissance pour l’économie tout entière (Llosa, 2008). Selon elle, la décision de devenir informel repose sur le coût d’opportunité du maintien dans le secteur formel. En période d’expansion, ce coût tend à diminuer, ce qui renforce les incitations à retourner dans l’économie formelle et aide à stimuler la croissance (mesurée). Comme les deux secteurs interagissent, les fl ux changeront de direction au cours du cycle, constituant un multiplicateur du secteur formel: étant donné que le PIB mesuré repose principalement sur l’information émanant de l’économie formelle, le PIB effectif et observé varie généralement plus en période de ralentissement qu’en période d’expansion. Il s’ensuit qu’un accroissement exogène de la taille de l’économie informelle renforcera ce multiplicateur. Toutes choses égales par ailleurs, cet accroissement se traduira par un profi l de croissance plus marqué en période d’expansion et par un ralentissement plus prononcé de la croissance en période de récession.

Enfi n, l’approche structuraliste, qui met l’accent sur les liaisons entre les entreprises dans la chaîne d’approvisionnement, souligne le caractère complémentaire de la relation entre les deux secteurs. Selon elle, une plus forte croissance de l’économie formelle stimulera la croissance de l’emploi dans l’économie informelle.1 L’économie informelle constitue à la fois un amortisseur des chocs extérieurs et un catalyseur des réductions de coûts qui aident le secteur formel à devenir ou à rester compétitif sur les marchés internationaux. L’accroissement exogène de la taille de l’économie informelle sera donc plus important quand l’économie ralentit ou quand les marchés d’exportation sont moins dynamiques. Par contre, quand l’économie prospère, les entreprises formelles ont moins recours à des biens et services provenant du secteur informel, car les prix ont tendance à augmenter. Les implications concernant la corrélation entre, d’une part, la taille de l’économie informelle et, d’autre part, la croissance économique et les performances commerciales sont diamétralement opposées à celles de la conception légaliste.

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B. Informalité et performances macro-économiques: données empiriques

1. Informalité, inégalités et inégalité des chances

L’inégalité généralisée est l’un des principaux obstacles à la croissance dans de nombreuses économies en développement (Institut international d’études sociales (IIES), 2008; Kucera, 2002). L’absence d’accès aux services de base, privés (par exemple services fi nanciers) et publics (par exemple éducation et santé), qui résulte de l’inégalité des revenus et de la répartition inégale de la richesse a empêché l’épanouissement de l’esprit d’entreprise et a mis sur la touche de nombreuses personnes potentiellement productives. En outre, les problèmes d’économie politique faussent la redistribution en faveur des ménages plus prospères. L’informalité est au centre de cette dynamique de l’inégalité (DAES de l’ONU, 2005). C’est en effet à travers elle que l’informalité affecte la croissance et la stabilité.

Le lien entre l’informalité et l’inégalité de revenu est désormais bien établi. Les études empiriques démontrent de façon constante que les mesures classiques de l’inégalité de revenu, comme le coeffi cient de Gini, sont fortement corrélées avec l’incidence de l’emploi informel (Kucera et Xenogiani, 2008a; 2008b). C’est le cas même si l’on tient compte de plusieurs autres facteurs, comme la qualité de la gouvernance et les dépenses publiques en pourcentage du PIB, ou si l’on utilise des indicateurs différents pour mesurer la taille de l’économie informelle (Elbadawi et Loayza, 2008). Il y a des mesures plus indirectes concernant la relation entre l’incidence de la pauvreté et l’emploi informel. Comme l’a montré Kucera (2008), les mesures classiques de la pauvreté (telles que la part de la population vivant avec moins de 2 dollars par jour) sont étroitement liées à la part de l’emploi informel dans une analyse transnationale. Néanmoins, cette image globale masque des différences entre les travailleurs informels au niveau microéconomique, car l’écart de salaire mesuré varie sensiblement entre les différents segments et les différents niveaux de l’économie informelle (Bargain et Kwenda, 2009). En effet, en fonction du type de travail informel – employeur informel, travailleur indépendant, travailleur occasionnel ou travailleur à domicile –, la rémunération de l’emploi informel varie fortement, ce qui accentue les problèmes de répartition (Carr et Chen, 2002).

La corrélation qui peut être établie à partir de ces études n’est cependant pas la preuve de l’existence d’un lien de causalité. En effet, des analyses récentes

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montrent que le lien entre l’inégalité et l’informalité va dans les deux sens. Une incidence plus grande de l’emploi informel accroît l’inégalité des revenus par effet de composition. De même, une plus grande inégalité des revenus accroît la taille de l’économie informelle, les individus ne pouvant pas entrer dans l’économie formelle faute de moyens humains ou fi nanciers (Chong et Gradstein, 2007). Dans les régressions transnationales, on voit qu’une augmentation de 3 points de pourcentage de la taille de l’économie informelle accroît l’inégalité des revenus mesurée par le coeffi cient de Gini de pas moins de 8 points de pourcentage. Chong et Gradstein (2007) montrent aussi que la solidité de ce lien dépend de la qualité des institutions (degré de corruption, intégrité de la primauté du droit, stabilité du gouvernement et responsabilité démocratique). Ce résultat est confi rmé par des études antérieures qui ne portaient que sur les économies en transition d’Europe orientale et d’Asie centrale (Rosser et al., 2000).

En regardant au-delà de l’image statique de la répartition inégale du revenu, on peut aussi tirer des conclusions des études qui analysent la mobilité des revenus des travailleurs qui passent d’un segment à l’autre du marché du travail. Des études concernant l’Argentine et l’Ukraine, compatibles avec le modèle d’un marché du travail à segments multiples, ne constatent aucun désavantage de salaire et constatent même un avantage de salaire pour certains segments du marché du travail informel par rapport à l’emploi formel (Arias et Khamis, 2008; Lehmann et Pignatti, 2008). Cependant, en règle générale, les travailleurs qui passent de l’économie formelle à l’économie informelle doivent accepter une forte diminution de leur revenu disponible et de leur rémunération mensuelle moyenne (Duryea et al., 2006). Surtout, les études sur la mobilité confi rment que l’emploi informel peut constituer un piège de pauvreté et un obstacle à la transition vers des emplois mieux payés et plus sûrs. On a montré qu’il y avait une relation négative entre la durée de l’emploi dans l’économie informelle et l’avantage salarial lors du retour dans le segment formel (Saha et Sarkar, 1999). En outre, la probabilité d’une transition diminue avec la durée du travail informel.

2. L’informalité et l’énigme de la productivité

Selon la théorie économique, les économies émergentes et les économies moins développées ont un fort potentiel de rattrapage qui leur permet de croître plus rapidement que les économies plus avancées et conduit à terme à une convergence globale des niveaux de vie. Mais la recherche empirique dans ce domaine a montré de façon constante que cette convergence n’avait pas lieu. Il existe au mieux différents «clubs de convergence», les pays convergeant au sein d’un groupe, mais

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les différences de revenu et de productivité entre les groupes restent immuables (Durlauf et al., 2008). Par conséquent, l’absence de convergence des niveaux de vie et des niveaux de productivité est une énigme que la taille relative de l’économie informelle permet peut-être de résoudre.

L’informalité joue à cet égard un rôle important pour expliquer l’existence de ces clubs de convergence et l’incapacité de certains pays à sortir du piège de développement. Il existe en conséquence une relation négative persistante entre la taille du secteur informel et le PIB par habitant (Kucera et Xenogiani, 2008a). La question de savoir exactement comment le secteur informel empêche l’ensemble de l’économie de croître plus rapidement suscite cependant de nombreux débats, en fonction de l’approche de l’informalité qui est adoptée. Jusqu’à présent, les données empiriques présentées à l’appui de chacune des trois approches n’ont pas permis de faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre.

Selon la conception dualiste, l’économie informelle n’est pas suffi samment dotée en capital humain et fi nancier pour croître plus rapidement et pour produire des biens et des services permettant d’obtenir une (quasi-)rente suffi sante. Lorsque le capital humain est insuffi sant et que l’accès aux autres ressources essentielles est limité, les entreprises informelles ne peuvent pas innover ou, au moins, répondre de façon créative à l’évolution des conditions du marché. La qualité de l’encadrement semble essentielle pour comprendre les différences de performances entre les entreprises formelles et informelles (La Porta et Shleifer, 2008), ce qui explique en partie pourquoi la qualité des produits de l’économie informelle est faible (Dayaratna-Banda, 2007). En outre, les marchés fi nanciers segmentés entraînent un processus d’autosélection, par lequel les personnes instruites et compétentes ont accès au fi nancement formel pour créer des entreprises enregistrées; pour tous les autres, l’économie informelle reste la seule source de subsistance. Cela semble expliquer, par exemple, pourquoi en Argentine les travailleurs formels sont généralement plus âgés, plus instruits et mieux payés que les travailleurs informels (Amaral et Quintin, 2005; 2006).

En revanche, la conception légaliste souligne qu’une mauvaise gouvernance, une fi scalité génératrice de distorsions et une réglementation trop pesante empêchent le secteur formel de croître suffi samment pour exploiter les économies d’échelle (et donc devenir plus productif) et poussent les entreprises vers l’économie informelle (de Soto, 2000). Selon cette conception, la taille de l’économie informelle est un indicateur supplémentaire de la faiblesse des performances économiques, mais elle n’en est pas la cause. Les gouvernements qui instaurent une réglementation appropriée et réduisent les distorsions liées à la fi scalité peuvent en retirer un double

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dividende sous la forme d’une diminution de l’informalité et d’une augmentation des taux de croissance (Loayza, 1996). Par exemple, l’esprit d’entreprise (c’est-à-dire la disposition à prendre des risques et à créer une entreprise) souffre généralement de l’alourdissement de la réglementation et de la fi scalité (Hall et Sobel, 2008). En outre, quand les entreprises cherchent à éviter l’impôt en devenant informelles, l’économie formelle recule, la base d’imposition se réduit et, partant, les recettes publiques diminuent. Les pouvoirs publics disposent ainsi d’un puissant instrument: s’ils parviennent à accroître la base d’imposition et à offrir plus de biens publics, un plus grand nombre d’entreprises auront intérêt à devenir formelles pour avoir accès aux biens et services fournis par le secteur public. Il existe toutefois un effet de seuil qui peut être diffi cile à surmonter (Dessy et Pallage, 2003). On peut détecter des effets similaires lorsqu’on examine la réglementation du marché du travail. Dans un modèle de l’économie mexicaine, Satchi et Temple (2006) constatent que la taille du secteur informel et la croissance économique sont conjointement déterminées par la réglementation du marché du travail. En outre, dans ce modèle, une modifi cation, même légère, des politiques qui améliorent le processus d’embauche dans l’économie formelle peut réduire sensiblement l’incidence de l’emploi informel et stimuler la croissance.

Par conséquent, l’existence d’un large secteur informel limite la capacité des gouvernements d’accroître l’investissement public, ce qui se traduit par des diffi cultés d’accès aux marchés, une pénurie d’infrastructures de transport et l’absence d’éducation publique et de formation professionnelle. Dans certains pays d’Afrique subsaharienne, on constate que ces problèmes sont des facteurs décisifs qui expliquent la petite taille moyenne des entreprises, l’incidence élevée de l’emploi informel et, partant, le handicap de productivité dû aux effets d’échelle limités (Bigsten et Söderbom, 2005). Cette observation est corroborée par des études qui comparent la productivité moyenne au niveau des entreprises en fonction de leur taille (Bigsten et al., 2004b). Dans cette étude, les auteurs ne constatent pas de différence sensible de productivité entre les petites entreprises informelles et formelles au Kenya, le facteur déterminant la productivité étant plutôt la taille moyenne des entreprises.

Enfi n, selon la conception structuraliste, le secteur informel constitue un atout productif pour les entreprises du secteur formel, dans la mesure où les deux segments ont une relation verticale. Dans cette relation symbiotique, la croissance globale et la taille du secteur formel augmentent avec l’incidence de l’emploi informel. Ce lien positif a effectivement été observé dans certains pays d’Afrique subsaharienne (Sandefur, 2006). Durant les années 1990, le Ghana, le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie ont enregistré des taux de croissance positifs du PIB par habitant, alors même que le

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marché du travail urbain informel se développait. Malgré une faible productivité due à leur petite taille, ces nouvelles entreprises ont permis un accroissement, en termes absolus, de l’emploi dans le secteur privé, alors que, en proportion du total, l’économie formelle stagnait ou régressait.

Pour résumer, chacune des trois approches est étayée par des données empiriques. Il semble cependant que l’impact de l’informalité sur la productivité et la croissance dépende beaucoup de la période et du pays considérés. Aucune des études citées ici ne permet de formuler des affi rmations transversales: elles indiquent plutôt que ce qui importe pour les résultats de l’analyse, ce sont tout autant les circonstances particulières que la méthodologie de l’étude.

3. Informalité et commerce

(a) Mobilité de l’emploi sur les marchés du travail à segments multiples

L’une des caractéristiques essentielles d’un marché du travail qui fonctionne bien est l’existence de fl ux importants entre les emplois à un instant donné (Haltiwanger et Davis, 1990; 1992; Haltiwanger et al., 1996). Ces transitions peuvent se faire entre secteurs et entre professions, mais elles restent généralement circonscrites. La mobilité de l’emploi est cependant un élément essentiel de l’ajustement, aussi bien pour les entreprises que pour les pays qui doivent répondre aux changements dans l’environnement économique induits, par exemple, par l’ouverture commerciale. Les données disponibles pour les économies avancées montrent que, chaque année, 10  pour cent environ des emplois sont détruits et remplacés par d’autres. Qui plus est, le taux de destruction semble comparable d’un pays à l’autre, malgré les différences institutionnelles et économiques. En fait, les variations transnationales de la dynamique du marché du travail s’expliquent par la capacité des chômeurs de trouver un emploi. Il faut noter que cette dynamique de création et de destruction d’emplois est une caractéristique du processus d’ajustement lorsque les pays s’ouvrent au commerce et qu’elle est essentielle pour qu’ils puissent tirer parti de leur avantage comparatif.

Conformément à la théorie du marché du travail à segments multiples développée dans le chapitre 2, les données disponibles sur les transitions entre emplois indiquent que les probabilités de transition sont élevées à l’intérieur des segments et entre eux

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(voir le tableau 4.1). Comme le montre le tableau, la persistance du statut à l’intérieur des différents segments est forte, y compris pour les personnes sans emploi. Il y a cependant des fl ux non négligeables entre les segments, bien que les sorties de chômeurs soient nettement plus limitées qu’entre l’économie formelle et l’économie informelle. En outre, l’ampleur des probabilités de transition sera probablement infl uencée par les conditions économiques, y compris le processus d’ajustement consécutif aux réformes commerciales. Les données disponibles montrent que, dans un échantillon de 12 pays, les transitions de l’emploi formel vers l’emploi indépendant ont augmenté après une période de diffi cultés économiques (Horton et al., 1991). De plus, les déplacements sectoriels, tels que ceux observés dans les économies en transition d’Europe orientale durant les années 1990, ont entraîné d’importants fl ux d’emplois entre les différents segments du marché du travail. Les fl ux entre segments (y compris le chômage) peuvent donc être interprétés comme servant à amortir les chocs économiques exogènes, et ils devraient de ce fait être considérés comme un élément de la dynamique normale de tout marché du travail. Pour que les pays en développement participent avec succès aux marchés internationaux, il est essentiel que les politiques visent à réduire la persistance à l’intérieur de certains segments du marché du travail, afi n que le processus d’ajustement suscite le moins de frictions possible. Cela s’applique en particulier aux segments informels et à la catégorie des travailleurs qui sont au chômage ou qui se sont complètement retirés du marché du travail.

Alors que bon nombre des résultats des études sur les fl ux d’emplois bruts s’appliquent également aux pays avancés et aux pays en développement, Eslava et

al. (à paraître) signalent des interactions possibles entre la dynamique de création d’emplois et les coûts d’ajustement du capital. Dans leur étude sur l’ajustement des usines colombiennes à la suite des réformes structurelles des années 1990, les auteurs montrent que les entreprises qui sont confrontées à une pénurie de capital ont moins de chances de créer des emplois. Inversement, celles qui sont confrontées à une pénurie de main-d’œuvre – par exemple lorsqu’elles cherchent à embaucher des professionnels qualifi és – ont tendance à réduire leur capital en optant pour des installations plus petites, au risque de nuire à leur capacité d’exportation, comme cela est expliqué ci-dessous. À cet égard, les marchés du travail informels et la dynamique des marchés fi nanciers ont une relation complémentaire. Des marchés fi nanciers moins développés, combinés à une réglementation stricte du secteur bancaire – comme c’est le cas dans de nombreux pays émergents –, peuvent faire obstacle à un processus plus dynamique de création d’emplois dans le secteur formel et freiner la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle. L’analyse de ces interactions entre les marchés fi nanciers et les marchés du travail sort du champ

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de la présente étude, mais c’est un nouvel axe de recherche qu’il faut explorer de manière plus approfondie pour traiter la question de l’emploi informel.

Tableau 4.1 Transitions sur les marchés du travail segmentés: Mexique (2002-2005) (en pourcentage)

Statut en 2005

Formel Informel Sans emploi

Statut en 2002

Formel 65,5 18,2 16,3

Informel 19,7 42,1 38,2

Sans emploi 7,1 7,1 85,8

Note: Le tableau indique les probabilités de transition (en pourcentage) parmi les personnes âgées de 20 à 60 ans entre les différents segments du marché du travail au Mexique, entre 2002 et 2005.

Source: Reproduit de Gagnon (2008).

(b) Taille des entreprises et résultats à l’exportation

La taille des entreprises, la croissance de la productivité et les résultats à l’exportation sont intimement liés. Ce qui a déjà été dit au sujet de la petite taille moyenne des entreprises dans le secteur informel vaut également, en grande partie, pour la présente analyse. Toutefois, un courant de la littérature empirique s’est intéressé plus particulièrement aux conditions de la réussite dans le commerce. Ces recherches sont motivées en particulier par le désir de déterminer quels facteurs spécifi ques expliquent les résultats d’une entreprise à l’exportation et comment on peut interpréter le succès limité du secteur informel dans le commerce international. Par exemple, la taille des entreprises est-elle liée à différentes intensités de facteurs ou à la capacité d’obtenir des crédits et de pénétrer des marchés nouveaux ou plus vastes? Il se peut en outre que les grandes entreprises aient davantage de main-d’œuvre qualifi ée, la possibilité d’offrir des crédits commerciaux et une plus grande capacité que les petites entreprises d’exécuter les contrats dans les délais. Les conclusions en matière de politiques associées à ces différentes voies de transmission seraient très différentes.

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La taille moyenne des entreprises a des incidences sur le potentiel d’exportation d’un pays. Comme le montre une étude de Sandefur (2006), cela a été le cas dans certains pays africains. À l’aide de données relatives au secteur manufacturier au Ghana, l’auteur défi nit l’informalité par l’échelle de production et note une diminution de la taille moyenne des entreprises manufacturières. Ce changement a coïncidé avec une accélération générale de la croissance, qui a entraîné l’apparition rapide de nouvelles entreprises de petite taille. Ces entreprises employaient généralement une main-d’œuvre moins qualifi ée, payaient des salaires plus bas, devaient emprunter à des taux d’intérêt plus élevés ou ne pouvaient pas obtenir de crédit. Elles ne pouvaient donc pas se développer et faire du commerce international, ce qui réduisait l’ouverture commerciale et freinait la croissance tendancielle de la productivité, avec des conséquences potentielles défavorables à long terme pour la situation macro-économique du Ghana.

La taille de l’entreprise entre aussi en ligne de compte lorsqu’il s’agit d’attirer des cadres compétents. Comme l’ont démontré La Porta et Shleifer (2008), les entreprises plus petites emploient généralement des personnes moins qualifi ées que les grandes entreprises. La probabilité de trouver des cadres diplômés est encore plus faible dans les petites entreprises informelles que dans les petites entreprises formelles. En revanche, la différence de qualifi cation du personnel non cadre entre les entreprises formelles et informelles n’est pas signifi cative. Ces différences de capital humain entre les entreprises au niveau de l’encadrement expliquent sans doute largement les différents degrés de réussite en termes de commerce et de croissance entre les entreprises et les pays. Cela explique aussi pourquoi le statut d’une entreprise – formel ou informel – peut être très persistant et ne change presque jamais pendant l’existence de l’entreprise (La Porta et Shleifer, 2008), ce qui pose un problème particulier pour les stratégies de formalisation.

Elbadawi et Loayza (2008) examinent la dynamique des microentreprises et des petites entreprises dans les pays arabes; ils constatent que la taille moyenne des entreprises n’est pas un déterminant important de la production moyenne. Mais ce facteur semble infl uer sur la part du marché local. Les grandes entreprises ont tendance à produire pour les marchés internationaux et ne vendent qu’une petite partie de leur production sur les marchés locaux. En outre, les auteurs confi rment la conclusion de La Porta et Shleifer (2008) selon laquelle les entreprises dirigées par des entrepreneurs plus âgés et plus instruits, ou celles qui emploient davantage de travailleurs qualifi és et semi-qualifi és obtiennent généralement de meilleurs résultats en termes de production par travailleur et de salaires relatifs. En général, ces entreprises vendent aussi une plus grande partie de leur production sur les marchés

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régionaux et internationaux. Une conclusion importante que l’on peut en tirer est que, pour sortir de l’informalité, les entreprises doivent avoir accès à du personnel d’encadrement plus qualifi é, ce qui peut nécessiter plus qu’une rémunération attractive.

Enfi n, la taille de l’entreprise et son statut formel ou informel peuvent aussi limiter la qualité de son emplacement et, par conséquent, son réseau de distribution. L’interaction avec d’autres entreprises et l’échange d’informations peuvent être diffi ciles lorsque les entreprises sont obligées de s’implanter dans des lieux médiocres en raison de leur petite taille ou du fait qu’elles ne sont pas enregistrées. Par exemple, les producteurs à domicile se trouvent généralement dans des endroits pauvres et peu accessibles, ce qui limite leur accès aux marchés et à l’information (Kappel et Ishengoma, 2006). De même, Bigsten et Söderbom (2005) considèrent que la prédominance des petites entreprises manufacturières dans les pays d’Afrique subsaharienne s’explique, entre autres, par l’absence d’infrastructure bien conçue. Ce facteur, conjugué à une densité démographique relativement faible, limite la taille du marché et «crée des poches de demande où les petits producteurs ont tendance à se localiser» (Platteau, 2000).

(c) Liaisons sectorielles verticales et réussite commerciale

Les données sur l’importance du secteur informel pour les chaînes d’approvisionnement verticales sont plus limitées. Plusieurs auteurs considèrent que ces liens sont essentiels pour que les entreprises formelles réussissent à pénétrer les marchés internationaux. D’autres vont jusqu’à dire que l’existence d’une vaste économie informelle est nécessaire au succès des ZFI (voir aussi le chapitre 5). Les études empiriques disponibles ne donnent pas un tableau précis de la situation. Il existe plusieurs exemples dans lesquels une majorité d’entreprises informelles ont des relations verticales avec des entreprises du secteur formel (Itzigsohn, 1998). Mais le plus souvent, les entreprises qui ont recours à des intrants provenant du secteur informel ne sont pas en position de force sur les marchés mondiaux et luttent pour leur survie. Le recours au secteur informel n’est pour elles qu’un pis-aller pour résister à la concurrence mondiale mais ce n’est pas une stratégie gagnante pour acquérir des parts de marché.

On a constaté cependant que la capacité de l’économie informelle de fournir un soutien vital aux entreprises formelles non rentables pouvait nuire à la croissance et au développement économique futurs. Certains auteurs ont reconnu l’importance

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CHAPITRE 4. IMPACT DE L’INFORMALITÉ SUR LE COMMERCE ET LA CROISSANCE

de ces liaisons verticales, soulignant qu’elles créent une dynamique complémentaire entre les entreprises formelles et informelles (Carr et Chen, 2002). Selon ce point de vue, l’économie informelle – au lieu d’être jugée incompatible avec la croissance économique et l’industrialisation – est considérée en fait comme un sous-produit de la croissance, qui aide les entreprises formelles en manque de capital à échapper au piège initial de la pauvreté. Comme l’ont indiqué Farrell (2004) et – de façon plus large – Lewis (2004), on peut montrer que l’avantage de l’informalité, en termes de prix plus bas, a pour contrepartie une plus petite taille, un moindre potentiel de croissance, et donc de plus faibles gains de productivité. Cela freine la croissance de la productivité à long terme, en maintenant en activité les entreprises non rentables et en empêchant le brassage qui est essentiel pour le progrès technologique.

Notes

1 Cela peut se produire à la fois à travers la marge extensive et la marge intensive. En général, les travailleurs informels n’ont pas d’emploi à plein temps et travaillent plutôt de façon occasionnelle, à titre d’appoint. Lorsque l’économie est prospère, les possibilités d’emplois occasionnels augmentent.

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CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ

CHAPITRE 5: Résilience économique: la dynamique de l’informalité

L’informalité est associée à une plus grande vulnérabilité des pays aux chocs économiques. En même temps, elle augmente la probabilité d’être affecté par des chocs (extérieurs). La combinaison de ces deux tendances peut créer un cercle vicieux, en affaiblissant les performances à long terme d’un pays, en amoindrissant les avantages qu’il peut retirer du commerce et en réduisant le bien-être économique. Ce chapitre examine comment l’emploi informel évolue au cours du cycle économique – en faisant une distinction entre les différents segments du marché du travail informel – et quelles conséquences en découlent pour la résilience économique aux chocs. Il présente des éléments concrets indiquant dans quelle mesure l’économie informelle accroît l’instabilité de la croissance et la fréquence des phénomènes économiques extrêmes. De plus, il examine l’interaction particulière entre les fl ux de capitaux internationaux et l’informalité du marché du travail qui contribue à l’aggravation de la vulnérabilité des pays aux chocs. Et il souligne les effets potentiellement défavorables de l’aide publique au développement et de l’investissement international des multinationales dans les réseaux de production mondiaux. Les principales conclusions de ce chapitre sont résumées dans l’encadré 5.1.

A. Mécanismes de transmission des chocs sur les marchés du travail informels

Le chapitre précédent a montré que des taux d’informalité élevés ont non seulement un effet négatif sur l’équité sociale et la répartition des revenus, mais font aussi obstacle à la croissance et à la compétitivité internationale. Le présent chapitre développe ce sujet en examinant les conséquences de taux d’emploi informel élevés pour la résilience d’un pays aux chocs extérieurs ou aux brusques variations des fl ux d’investissements. Deux aspects sont particulièrement pertinents à cet égard: l’évolution de l’emploi informel au cours du cycle économique et la réaction de l’économie à l’affl ux de capitaux par le biais de l’investissement étranger direct ou de l’aide extérieure. L’instabilité macro-économique et les fl ux de capitaux sont étroitement imbriqués dans les pays en développement. Le rôle du marché du

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Encadré 5.1 Principales conclusions

L’existence d’une vaste économie informelle accroît la vulnérabilité d’un pays aux chocs. Cela tient en partie à la place particulière des pays dans les chaînes de production mondiales et en partie au fait que l’informalité limite leur capacité de mobiliser suffi samment de ressources pour protéger effi cacement leur population contre les chocs extérieurs. Ce chapitre présente des estimations qui montrent que les pays où la taille de l’économie informelle est supérieure à la moyenne ont plus de trois fois plus de risques de souffrir des effets négatifs d’une crise que les pays où le taux d’informalité est plus faible.

Le fait qu’une vaste économie informelle est associée à une plus grande instabilité cyclique tient aussi à ce que les deux phénomènes sont provoqués par des facteurs communs liés à la faiblesse des institutions et des politiques. L’emploi informel réduit l’effi cacité des stabilisateurs automatiques et exige des interventions discrétionnaires supplémentaires en matière budgétaire et monétaire dans les pays qui n’ont pas la marge de manœuvre budgétaire et politique nécessaire.

Les pays qui ont une vaste économie informelle risquent aussi de recevoir plus d’apports de capitaux susceptibles de nuire à un développement stable à long terme que les autres pays. Ce chapitre identifi e deux voies par lesquelles ces apports de capitaux peuvent réduire la résilience d’un pays aux chocs économiques: l’aide extérieure et les chaînes de production mondiales.

L’affl ux de devises lié à l’aide publique au développement risque d’entraîner une appréciation de la monnaie nationale qui peut nuire à la croissance économique et au commerce international. En pareil cas, l’emploi informel peut prendre de l’ampleur, ce qui aggraverait les conditions du marché du travail, mais il peut aussi servir à amortir – au moins temporairement – les conséquences macro-économiques défavorables.

Les investissements internationaux dans les chaînes de production mondiale peuvent avoir un impact plus marqué. On a montré que la relation monopsoniste entre les producteurs multinationaux et les prestataires locaux de services de main-d’œuvre aggravait la situation de l’emploi déjà diffi cile dans les pays concernés. En outre, les liaisons verticales dans ces réseaux de production agissent comme un multiplicateur des chocs de demande locaux, ce qui accélère la propagation des chocs.

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CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ

travail informel est une préoccupation centrale car il détermine comment un pays s’adaptera à ces chocs extérieurs et si ces chocs empêcheront l’amélioration durable des performances économiques à long terme.

Mais avant de passer en revue les études empiriques analysant l’impact de l’informalité sur le commerce et la résilience, il faut examiner quelques effets indirects. L’infl uence de l’économie informelle sur l’économie politique de l’ouverture commerciale – notamment par le biais des réseaux de production mondiaux ou dans le cadre des ZFI – et son infl uence sur la formation des fl ux internationaux d’aide publique au développement (APD) et des fl ux de capitaux privés méritent une plus grande attention:

L’APD représente une grande part des dépenses publiques dans certains pays émergents. Dans la mesure où l’ampleur de ces fl ux est déterminée par le niveau relatif du revenu par habitant, les pays qui ont un vaste secteur informel recevront probablement une plus grande part de ces fl ux d’aide par rapport à leur taille. Les risques que ces fl ux font peser sur la réussite économique à long terme et sur la compétitivité extérieure («syndrome hollandais») sont bien connus et sont un autre facteur susceptible d’expliquer l’existence d’un piège de développement qui est d’autant plus grand que le secteur informel est important (voir Nkusu (2004) pour un aperçu de la littérature empirique qui établit un lien entre l’APD et la hausse du taux de change réel).

Les chaînes d’approvisionnement mondiales, les ZFI et les régimes commerciaux peuvent dépendre directement de l’importance de l’emploi informel dans un pays. Certains pays émergents et aussi certains pays moins avancés ont tenté dans le passé de tirer argument de la taille de leur économie informelle pour encourager les investisseurs internationaux à profi ter de l’existence d’une main-d’œuvre bon marché et de normes de travail moins strictes que celles des pays plus avancés. Même si la réglementation et l’inspection du travail dans les ZFI sont en principe les mêmes que dans le reste de l’économie, l’application et le respect de la réglementation sont souvent moins rigoureux (Engman et al., 2007). Comme dans le cas de l’APD, la relation théorique entre la taille de l’économie informelle, l’existence de ZFI et les performances économiques est ambiguë. Alors que les ZFI sont censées aider le pays à être plus compétitif par les prix et autrement, les énormes différences de salaire et d’emploi dans le pays renforcent souvent le problème initial de l’économie duale, consolidant encore plus les mécanismes qui ont engendré l’informalité au départ.

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B. Informalité et cycles économiques

1. Évolution de l’informalité au cours du cycle économique

Il existe généralement une corrélation négative entre l’instabilité des cycles économiques et la croissance (voir, par exemple, Aghion et Banarjee (2005) et les références qui y fi gurent), en particulier lorsque l’on examine de larges échantillons de pays (Norrbin et Yigit, 2005). Les différentes conceptions du secteur informel décrites dans le chapitre 2 impliquent des hypothèses différentes concernant l’incidence de l’informalité au cours du cycle économique et les probabilités de transition des travailleurs entre les différents segments du marché du travail. Grâce à l’existence de longues séries d’enquêtes sur la population active et les ménages – au moins pour certaines économies émergentes, notamment en Amérique latine –, la recherche s’est concentrée plus particulièrement sur les fl ux et les probabilités de transition entre les différents segments du marché du travail. Le comportement de ces fl ux au cours du cycle économique a fait l’objet de vastes recherches visant à évaluer l’importance relative des différentes approches de l’économie informelle. Des données anecdotiques semblent indiquer que l’existence d’une vaste économie informelle peut empêcher le développement durable de l’économie (voir l’encadré 5.2).

Loayza et Rigolini (2006) ont étudié le comportement dynamique du secteur informel sur le long terme et sur le court terme. Dans leur modèle, les cycles économiques résultent de chocs de productivité qui affectent de différentes façons l’économie formelle et l’économie informelle. Le modèle prédit principalement une réaction contracyclique de l’informalité aux chocs. Il considère la réglementation comme un coût fi xe pour toutes les entreprises formelles. Par conséquent, s’il y a un choc positif sur la productivité (qui touche de façon symétrique les deux segments du marché du travail), la proportion du coût de la réglementation diminue, ce qui incite les entreprises à entrer dans l’économie formelle. Dans l’hypothèse d’un choc symétrique, l’économie informelle réagit d’une manière contracyclique, ce qui n’est pas infl uencé par la qualité des services publics, de la réglementation ou de la gouvernance. Mais avec des chocs asymétriques, l’effet serait différent, en fonction des liaisons sectorielles entre l’économie formelle et l’économie informelle et du type de produits de chaque secteur (produits échangeables ou non échangeables, par exemple). Les travailleurs informels, par exemple, pourraient être plus exposés aux cycles et aux chocs négatifs dans l’économie dans la mesure où ils n’ont pas accès au crédit et ne peuvent ajuster leurs activités pendant le choc. La vérifi cation empirique du modèle a confi rmé la relation contracyclique, mais l’effet était d’autant plus faible que l’économie informelle était vaste. De plus, des institutions plus effi caces

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CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ

Encadré 5.2 Le cycle économique en Argentine dans les années 1990

Le cycle économique en Argentine dans les années 1990 montre bien comment l’économie informelle entre en relation dynamique avec le cycle économique, empêchant à terme une augmentation permanente et durable de la croissance (potentielle).

Après les périodes d’instabilité économique des années 1980, l’Argentine a mis en place un régime macro-économique plus stable en établissant un conseil monétaire et en indexant le peso sur le dollar. Ces mesures ont permis de ramener l’infl ation à des taux à un chiffre et ont soutenu une forte croissance de la production, qui s’est accélérée entre 1991 et 1998 pour atteindre plus de 4 pour cent par an. Mais, dans le même temps, l’incidence de l’emploi informel est restée élevée, à plus de 40 pour cent tout au long des années 1990, et le chômage a augmenté de façon continue sur fond de faible croissance de l’emploi. Cela peut s’expliquer en partie par l’incapacité de l’économie formelle de créer suffi samment d’emplois. Mais surtout, cette situation a plombé la croissance (pour les raisons analysées au chapitre 4) et a conduit à une nette surestimation du taux de croissance durable du PIB en modérant l’infl ation, malgré une forte augmentation de la demande intérieure (FMI, 2003).

La persistance de l’informalité a montré les diffi cultés rencontrées par l’économie formelle pour devenir plus compétitive, contribuer à la croissance de la production avec d’importantes exportations nettes, et absorber les travailleurs dans l’emploi formel. Sous l’effet d’une croissance tendancielle léthargique, le défi cit courant a commencé à se creuser, démontrant encore plus la faiblesse sous-jacente de l’économie. La croissance du PIB étant tirée de plus en plus par une politique budgétaire accommodante, les investisseurs étrangers ont retiré leurs capitaux, ce qui a déclenché une détérioration rapide de la position de la balance des paiements qui a contraint les autorités à laisser fl otter le peso en 2001.

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permettent de limiter cette réaction. L’étude confi rme les recherches antérieures des auteurs sur cette question, qui indiquaient que l’emploi informel servait, dans une large mesure, d’amortisseur contre les variations du cycle économique: en période de relative prospérité, les taux d’informalité diminuent en Amérique latine, tandis qu’en période de marasme économique l’économie informelle se développe (Kucera et Galli, 2003).

À la différence de ces travaux, Perry et al. (2007) trouvent une forte corrélation positive entre le secteur informel et le secteur formel au cours du cycle. Non seulement l’incidence de l’emploi formel et celle de l’emploi informel sont corrélées durant le cycle, mais les données montrent que – au moins dans certains pays – la transition de l’emploi formel vers l’emploi informel a lieu de façon procyclique, contrairement à ce qu’implique la conception dualiste (Bosch et Maloney, 2007; 2008). Ce caractère procyclique de l’emploi informel peut être attribué en partie aux chocs qui ont pu frapper antérieurement les économies observées. L’emploi informel est concentré dans certains secteurs non exportateurs tels que la construction ou la distribution de détail. Un choc positif affectant principalement ces secteurs aiderait à expliquer la corrélation positive observée entre les performances macro-économiques et la taille de l’économie informelle (Fiess et al., 2002; 2008). Par contre, pendant les périodes où se produisent des chocs de productivité négatifs et où les rigidités empêchent un ajustement des salaires dans le secteur formel, l’économie informelle joue le rôle de régulateur de l’ajustement (Fiess et al., 2006).

Ce résultat signifi e que les périodes de croissance économique ne sont pas nécessairement liées à une réduction de la taille de l’économie informelle. Au contraire, l’accroissement de l’informalité en Amérique latine dans les années 1990 pourrait être l’expression d’une stabilisation macro-économique et d’une croissance économique dynamique. Il faut cependant noter que les changements démographiques et sociaux qui ont eu lieu simultanément pendant la période considérée ont peut-être déformé sensiblement le tableau d’ensemble. Comme on l’a montré au chapitre 3, l’informalité est étroitement liée aux niveaux de qualifi cation. Le caractère procyclique observé pourrait s’expliquer en partie par l’arrivée d’un plus grand nombre de travailleurs peu qualifi és (du fait de taux de participation accrus ou de migrations internes). De même, Galiani et Weinschelbaum (2007) font observer que l’augmentation du taux d’activité des femmes a pu contribuer – de manière procyclique – à l’accroissement observé de l’emploi informel.

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CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ

2. Emploi informel et croissance durable à long terme

Sur la base des données recueillies pour cette étude, on peut illustrer l’effet de l’emploi informel sur la durabilité de la croissance à long terme (voir le graphique 5.1). La stabilité de la croissance à long terme peut être mesurée soit par la fréquence des crises du cycle économique, soit par la fréquence des phénomènes extrêmes (taux de croissance extrêmement élevés ou extrêmement faibles).1 Le graphique 5.1 montre que les pays ayant une vaste économie informelle ont tendance à connaître plus fréquemment des crises de croissance et des phénomènes de croissance extrêmes. Prises ensemble, les deux parties du graphique montrent que, même si une accélération de la croissance peut se produire plus fréquemment dans les pays qui ont une vaste économie informelle, le risque d’arrêts brusques et de crises économiques est également sensiblement plus élevé dans ces pays, ce qui empêche une expansion économique durable à long terme. Il faut noter que cette illustration n’établit aucun lien de causalité entre les deux phénomènes, mais suggère une régularité empirique.

Graphique 5.1 Informalité et durabilité de la croissance à long terme (1990-2006)

Note: Le graphique indique la fréquence moyenne des phénomènes extrêmes mesurée par le coeffi cient d’aplatissement des taux de croissance annuels moyens du PIB pendant la période 1990-2006. Les 31  pays de l’échantillon sont groupés selon leur taux moyen d’informalité pendant cette période.

Source: Estimations de l’IIES, d’après la base de données de l’IIES sur l’informalité.

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Fréquence des phénomènes extrêmes

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Dans le même ordre d’idée, Ferreira-Tiryaki (2008) vérifi e si une augmentation tendancielle de la taille de l’économie informelle a un effet sur la volatilité du cycle économique. Selon qu’il existe une relation contracyclique ou procyclique entre l’économie informelle et l’économie formelle, l’effet sur la volatilité est important au cours du cycle. Les politiques de stabilisation doivent tenir compte des conséquences de ce lien. Cette étude confi rme que plus le secteur informel est large, plus le cycle économique est instable. Elle démontre en outre l’importance des politiques à cet égard. La faiblesse des institutions – qui accroît l’incidence de l’emploi informel – aggrave les fl uctuations économiques et augmente la volatilité de la production, de l’investissement et de la consommation. Ces constatations sont conformes aux résultats des recherches antérieures d’Acemoglu (2001), selon lesquels les chocs macro-économiques n’ont qu’un impact mineur sur la volatilité économique une fois éliminé l’effet des institutions. Cette augmentation de la volatilité du cycle économique constitue une diffi culté particulière pour les politiques de stabilisation, car elle est généralement associée à une moindre croissance de la production, de l’investissement et de l’emploi. Dans le même temps, comme l’emploi informel réduit l’effi cacité des stabilisateurs automatiques, des interventions budgétaires et monétaires discrétionnaires supplémentaires sont nécessaires pour contrecarrer cette volatilité accrue.

C. Flux de capitaux et informalité

Les fl ux de capitaux internationaux ont une infl uence sur les marchés du travail informels. Certaines formes d’apports de capitaux peuvent être liées à une augmentation de l’incidence de l’emploi informel, en raison de leurs effets macro-économiques et microéconomiques. En revanche, la destination de ces fl ux n’est pas indépendante des caractéristiques particulières d’un pays: les pays où l’économie informelle est plus vaste ont des chances de recevoir plus d’un type particulier d’apport de capitaux que les autres. La présente section examine les liaisons réciproques entre les deux phénomènes, telles qu’elles ont été analysées dans la littérature.

1. Aide extérieure et informalité

L’aide extérieure peut jouer un rôle indirect dans la détermination de l’impact de l’informalité sur le commerce. On a constaté dans le passé que des apports importants d’APD affectaient les résultats économiques d’un pays d’au moins deux manières: a) appréciation de la monnaie due aux apports importants de capitaux

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CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ

non stérilisés; et b) comportement improductif de recherche de rente, par exemple attente d’un emploi dans les bureaux locaux d’organisations internationales et fortes hausses de salaire. Ces deux situations font partie de ce qu’on appelle le «syndrome hollandais», qui fait qu’un secteur particulier croît beaucoup plus vite que le reste de l’économie, avec peu de retombées en termes de demande intersectorielle.

En revanche, l’APD peut être utilisée de manière productive lorsqu’elle est orientée vers des projets d’investissement publics ou lorsqu’elle est utilisée pour mettre en place un système de sécurité sociale de base qui aide l’économie à mieux résister aux chocs extérieurs. Dans une telle situation, l’aide extérieure vient compléter les dépenses publiques pour renforcer l’impact global. Dans la mesure où l’APD est déterminée sur la base des caractéristiques du marché du travail dans les différents pays bénéfi ciaires, l’informalité pourrait avoir un effet positif sur le potentiel de croissance à long terme.

Les données sur ces effets ne sont pas concluantes, et l’on n’a pas accordé beaucoup d’attention au rôle de l’économie informelle pour expliquer l’impact de l’aide sur la situation d’un pays. Il a été dit que le secteur informel pouvait aider les responsables politiques à amortir les effets macro-économiques défavorables des apports d’aide massifs, maximisant ainsi leur effet stimulant. En particulier, la grande fl exibilité des prix et des salaires observée dans l’économie informelle permet à la politique monétaire de jouer pleinement son rôle en stérilisant les entrées de devises, ce qui permet d’éviter l’appréciation de la monnaie (Prati et Tressel, 2006).

Surtout, il faut répondre à la question de savoir si la taille de l’économie informelle ou, du moins, la simple existence de l’emploi informel a été un facteur déterminant dans l’orientation de l’aide extérieure vers les pays en développement; ce serait là un effet indirect de l’informalité sur la capacité de croissance et d’exportation d’un pays. Cette hypothèse n’a guère été soutenue dans la littérature empirique. Au contraire, la plupart des études s’accordent sur le fait que l’APD est octroyée sur la base de considérations politiques ou compte tenu de la proximité culturelle, géographique ou linguistique. En outre, les rigidités bureaucratiques empêchent souvent d’allouer l’aide extérieure uniquement en fonction des besoins potentiels du pays bénéfi ciaire, mesurés par son niveau de développement économique. Par conséquent, s’il peut en principe exister un lien entre l’APD, l’informalité et la croissance d’un pays, ce lien est probablement très faible en pratique.

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2. Investissement étranger direct et emploi informel

(a) Les chaînes de production mondiales et la division internationale du travail (informel)

Depuis quelques années, le rôle de l’économie informelle dans la détermination des fl ux de capitaux internationaux occupe une plus grande place dans le débat intellectuel et politique. L’existence de réseaux de production mondiaux pratiquant l’externalisation en recourant à des entreprises qui appartiennent à l’économie informelle ou qui emploient de nombreux travailleurs informels suscite de vives préoccupations, concernant l’utilisation de normes du travail inférieures dans les pays en développement et le risque de «nivellement par le bas» (Hayter, 2004). Ces chaînes d’approvisionnement sont généralement structurées autour d’une entreprise dominante qui reçoit des intrants de divers fournisseurs situés dans différents pays ou régions. Souvent, ces liaisons s’apparentent à des relations monopsonistes dans lesquelles le pouvoir de marché reste entre les mains de l’assembleur fi nal, ce qui exerce de fortes pressions de coût sur les fournisseurs. Certains affi rment même que l’emploi informel est indispensable pour que ces réseaux mondiaux puissent conserver la fl exibilité nécessaire pour réagir rapidement aux changements (régionaux) de la demande des consommateurs (Barrientos et Barrientos, 2002). Toutefois, en l’absence d’une totale intégration verticale, les entreprises dominantes n’ont aucune prise sur les normes du travail, les salaires ou le statut des employés travaillant pour leurs fournisseurs (Nordås, 2005), de sorte qu’il leur est diffi cile - mais pas impossible - d’infl uer directement sur leurs pratiques d’entreprise.

La logique sous-jacente de ces chaînes d’approvisionnement mondiales est conforme à la conception structuraliste: les marchés du travail informels permettent de réduire les coûts de main-d’œuvre – ce qui est essentiel pour que les fournisseurs locaux puissent faire face aux constantes pressions de coût auxquelles ils sont confrontés. Leur position dans la chaîne d’approvisionnement (dépendance complète à l’égard d’un ou, au mieux, de quelques clients pour leurs produits) les empêche d’acquérir un pouvoir de marché ou d’accumuler suffi samment de ressources pour diversifi er leurs activités et croître jusqu’à atteindre une taille suffi sante. Autrement dit, les marchés du travail informels sont à la fois un moteur et une conséquence de ces réseaux. À cet égard, la position dominante des clients fi nals vis-à-vis de leurs fournisseurs intermédiaires est essentielle à cette relation d’interdépendance. Lorsque les producteurs qui se trouvent à un niveau inférieur dans la chaîne de valeur parviennent à partager une partie des profi ts globaux avec les détaillants fi nals, les

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CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ

chaînes d’approvisionnement mondiales peuvent avoir un effet de ruissellement sur les marchés du travail informels, ce qui aide le pays à améliorer son niveau de vie (Ponte, 2008).

Non seulement les chaînes de production mondiales aggravent les conditions de travail déjà diffi ciles existant dans les pays en développement, mais encore elles peuvent constituer elles-mêmes une source d’instabilité. La crise fi nancière mondiale actuelle est un cas d’école particulièrement intéressant (voir Hoekman (2009)) pour analyser le rôle des chaînes de production mondiales dans la transmission internationale des chocs de demande. Il a été dit que les liaisons verticales transnationales qui caractérisaient ces réseaux constituent un multiplicateur des chocs de demande locaux, affectant rapidement la croissance économique au niveau mondial. Ces forces déstabilisatrices de la mondialisation vont manifestement à l’encontre de l’attente d’un meilleur partage international des risques qui devrait résulter de l’intégration commerciale (Imbs, 2004). À cet égard, même si l’économie informelle n’a pas de lien de causalité avec la crise mondiale, elle a infl uencé les schémas de la mondialisation qui ont induit des effets multiplicateurs à travers les réseaux commerciaux (Nanto, 2009). Autrement dit, le fait que l’existence d’une vaste économie informelle attire les investisseurs internationaux conduit à une plus large propagation géographique des chocs, ce qui affaiblit encore les conditions économiques et sociales dans les pays concernés.

(b) Les zones franches industrielles: une malédiction ou un bienfait?

L’établissement de ZFI est un exemple particulier de relations de production verticales. Les ZFI se sont répandues dans le monde en développement au cours des 15 ou 20 dernières années, en partie pour surmonter les problèmes économiques et politiques qui ont (apparemment) empêché l’investissement réussi de capitaux étrangers dans d’autres parties de l’économie. En général, la création d’une ZFI est, par nature, une décision politique. Toutefois, plusieurs études confi rment que l’existence d’un vaste secteur informel dans une région particulière accroît la probabilité qu’un pays cherche à encourager l’investissement étranger direct (IED) dans la région concernée en y établissant une ZFI (voir, par exemple, Jenkins (2005) pour le cas du Costa Rica). Autrement dit, l’existence d’un vaste secteur informel accroît les chances d’une ZFI de bénéfi cier de l’existence d’une main-d’œuvre bon marché et fl exible pour produire des biens d’exportation à forte intensité de main-d’œuvre (Cling et Letilly, 2001). En particulier, l’existence (préalable) d’un large secteur de production à domicile semble être une condition propice à la création de ZFI. En effet, des éléments indirects

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indiquent que les ZFI font largement appel à la main-d’œuvre – principalement féminine – qui travaillait auparavant dans la production à domicile dans l’économie informelle (Rama, 2003).

Les ZFI semblent procurer plusieurs avantages au pays dans lequel elles sont établies (Aggarwal, 2007). Non seulement elles offrent des possibilités d’emploi meilleures et plus stables à ceux qui travaillaient auparavant dans le secteur informel, mais encore les emplois y sont généralement mieux rémunérés et assortis de meilleures conditions de travail. Les femmes, en particulier, semblent en bénéfi cier, ce qui tient en partie au fait qu’elles représentent généralement une forte proportion des travailleurs informels (Kusago et Tzannatos, 1998). Autre point important, les travailleurs du secteur informel qui trouvent un emploi dans une ZFI ont alors généralement accès à une formation de base ou à d’autres types de formation de capital humain, ce qui augmente considérablement leurs chances de rester employés dans le secteur formel. En outre, les ZFI ont des effets indirects sur l’emploi, par exemple en générant une demande additionnelle de biens et de services produits localement, en partie – mais pas exclusivement – dans l’économie formelle. Enfi n, elles aident à attirer des ressources supplémentaires à travers les transferts de technologie et les investissements internationaux, ce qui profi te au pays destinataire et aide à instaurer un environnement plus favorable à la croissance et au commerce (modernisation technologique).

La réussite des ZFI et leurs avantages pour le pays dépendent en grande partie de l’environnement et de la mise en place de politiques et de liens complémentaires (Ge, 1999). Les avantages dynamiques que peut procurer une ZFI dépendent aussi du niveau de développement du pays, car les pays plus pauvres peuvent avoir plus de mal à absorber les innovations technologies dans leur économie. À cet égard, les avantages sont plus grands dans les pays qui ont réussi à établir de solides liaisons en aval entre les investisseurs internationaux et les fournisseurs locaux (Engman et

al., 2007). Mais cela n’est pas toujours possible, en particulier quand les producteurs locaux ne peuvent pas respecter certaines normes, notamment en termes de qualité et de délais, ou quand les producteurs des ZFI exercent une pression excessive sur les marges des sous-traitants en exploitant pleinement leur pouvoir monopsoniste. Ce dernier point montre qu’il peut être avantageux de diversifi er et de multiplier les efforts de création de ZFI, de manière à permettre une concurrence saine sur le marché intérieur des intrants entre les entreprises des ZFI. Lorsque la taille du pays ne permet pas une telle diversifi cation, le soutien institutionnel des pouvoirs publics aux activités de regroupement et la création d’un climat d’affaires stable, conjugués à des politiques macro-économiques appropriées, semblent aussi permettre aux pays de tirer profi t de la création de ZFI (Makoond, 2004).

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CHAPITRE 5. RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE: LA DYNAMIQUE DE L’INFORMALITÉ

Notes

1 La fréquence des crises du cycle économique est mesurée par l’asymétrie de la distribution des taux de croissance annuels du PIB à l’intérieur des pays. Plus la distribution est asymétrique vers la droite, plus les cas dans lesquels les taux de croissance sont négatifs ou très bas sont fréquents. La fréquence des événements extrêmes est mesurée, quant à elle, par le coeffi cient d’aplatissement de la distribution des taux de croissance annuels du PIB à l’intérieur des pays. Plus le coeffi cient est élevé, plus les queues de la distribution sont grandes, ce qui indique que des taux de croissance extrêmement bas («crise») ou extrêmement élevés («accélération de la croissance») se produisent plus fréquemment que dans un échantillon distribué normalement.

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CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE

CHAPITRE 6: Mondialisation et emploi informel: une évaluation empirique

Le présent chapitre donne des éclaircissements sur les liens entre les réformes commerciales, l’intégration dans l’économie mondiale et la taille de l’économie informelle. Il présente une analyse empirique fondée sur une nouvelle base de données qui fournit des renseignements sur l’incidence de l’informalité et la taille de l’économie souterraine. Il vise à clarifi er le caractère polymorphe du processus de mondialisation et ses conséquences pour les marchés du travail des pays en développement. Il commence par une description des principales questions découlant de l’analyse faite dans les chapitres précédents. Puis, il donne un aperçu des matériaux empiriques et de la méthodologie, avant de présenter les résultats. Un examen plus technique des différentes questions qui se posent au sujet de l’approche empirique choisie ici fi gure à l’annexe 2. Les principales conclusions sont présentées dans l’encadré 6.1.

A. Contexte

1. Vérifi cation des liens entre l’informalité et le commerce

L’examen de la littérature présentée dans les chapitres précédents a fait apparaître un ensemble complexe d’interactions entre l’ouverture économique et l’économie informelle dans les pays en développement. Pour examiner ces questions de plus près, nous poserons quatre questions (Q1 à Q4) pour une analyse empirique. Dans les réponses à ces questions, nous faisons une distinction entre l’ouverture commerciale de facto et de jure; la première se réfère aux fl ux effectifs de biens et de services entre les pays, et la seconde désigne la mesure dans laquelle les réformes commerciales ont été mises en œuvre. En principe, les deux sont étroitement liées, mais de manière dynamique, sans qu’il faille s’attendre à un impact concomitant des réformes commerciales sur l’ouverture du commerce. Cela peut permettre de révéler la dynamique du processus d’ajustement. Bien que l’on ne sache pas grand-chose sur cette dynamique, on peut s’attendre à ce que les réformes commerciales de jure

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Encadré 6.1 Principales conclusions

L’analyse empirique effectuée aux fi ns de cette étude montre que l’incidence de l’emploi informel est généralement plus faible dans les économies plus ouvertes. En revanche, les réformes commerciales, comme la réduction des droits de douane, sont généralement associées à une augmentation de l’emploi informel. L’emploi informel a aussi tendance à augmenter lorsque l’IED augmente. Ces constatations peuvent laisser penser que, bien qu’elles promettent la création de plus d’emplois de meilleure qualité à long terme, les réformes du commerce et de l’investissement ont tendance à être associées à des évolutions négatives sur le marché du travail à court terme.

Les politiques de travail décent peuvent aider à améliorer cet arbitrage entre les effets à court terme et à long terme des réformes commerciales. Les éléments présentés dans ce chapitre semblent indiquer que l’incidence de l’emploi informel est plus faible dans les pays où a) la primauté du droit et notamment les normes fondamentales du travail sont mieux respectées; b) la réglementation sur la protection sociale et le travail est bien conçue, notamment avec un salaire minimum fi xé à un niveau approprié, et c) la réglementation des affaires est plus transparente et l’environnement est plus favorable à la création durable d’entreprises.

Il est important de noter que l’analyse empirique met en lumière la possibilité d’un cercle vertueux dans lequel la diminution de l’informalité faciliterait l’intégration internationale, ce qui favoriserait la création d’emplois formels et réduirait encore l’informalité. Il y a en particulier une association empirique entre une moindre informalité et une plus grande diversifi cation économique et commerciale. Cette plus grande diversifi cation stimule elle-même les performances économiques et permet de réduire encore plus l’informalité. Enfi n, de nombreux éléments montrent que la diminution de l’informalité favorise la répartition plus équilibrée des gains issus de la croissance économique et de la mondialisation.

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CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE

prennent du temps avant d’aboutir à une ouverture commerciale de facto. De même, les avantages potentiels de l’ouverture commerciale en termes d’augmentation des taux de formalisation peuvent aussi prendre du temps pour se matérialiser si une redistribution sectorielle a lieu après les réformes commerciales.

Q1: L’ouverture commerciale et les réformes commerciales ont-elles toutes deux un impact sur l’incidence de l’emploi informel et, dans l’affi rmative, cet impact se produit-il dans le même sens?

La mondialisation ne désigne pas seulement l’intégration commerciale croissante des pays dans l’économie mondiale. D’autres aspects entrent en ligne de compte et peuvent avoir un effet tout aussi marqué sur le marché du travail informel. Comme on l’a dit plus haut, les ZFI et, plus généralement, l’investissement étranger direct peuvent aussi avoir un impact sur les taux d’informalité. Conformément à l’analyse faite dans le chapitre 2 sur l’importance des réseaux sociaux pour le commerce, d’autres facteurs non économiques tels que l’intégration sociale plus poussée, des contacts personnels plus étroits et des fl ux d’information plus intenses peuvent également infl uencer les résultats des secteurs exportateurs, ce qui peut avoir un effet sur l’incidence de l’emploi informel.

Q2: Quels autres aspects de la mondialisation semblent infl uencer les taux d’informalité? Les mesures de l’IED, de la mondialisation sociale, des contacts personnels et des fl ux d’information sont-elles pertinentes pour déterminer l’informalité?

Les taux d’informalité ne sont pas seulement infl uencés par des facteurs économiques et sociaux tels que la participation d’un pays à l’économie mondiale. D’autres aspects du marché du travail intéressant les politiques sont également importants. En particulier, l’environnement réglementaire, par exemple le coût d’entrée pour les nouvelles entreprises, les charges administratives et la bureaucratie déterminent de façon décisive le taux de formalisation des entreprises. De même, la réglementation du marché du travail concernant les coûts d’embauche et les restrictions en matière de licenciement peut dissuader les entreprises de créer des emplois dans le secteur formel. Parallèlement, l’ouverture des économies fait que les entreprises doivent être capables de soutenir la concurrence dans des conditions d’égalité, en s’adaptant rapidement aux changements dans leur environnement. La législation sur le salaire minimum peut donc aider les entreprises formelles à concurrencer les entreprises informelles, car le salaire minimum constitue un plancher qui est également obligatoire dans le secteur informel (comme cela a été expliqué ci-dessus). En revanche, les

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négociations salariales au niveau des entreprises aident celles-ci à s’adapter plus rapidement aux chocs commerciaux résultant de l’ouverture économique et limitent donc les conséquences défavorables pour le marché du travail formel.

Q3: Comment et dans quelle mesure les réformes réglementaires et les politiques du marché du travail déterminent-elles la capacité d’un pays à s’adapter aux réformes commerciales et à réduire le degré d’informalité?

Les politiques du marché du travail peuvent garantir des conditions égales pour tous en imposant des normes minimales qui ont des retombées sur l’emploi informel. Leur impact sur l’incidence de l’emploi informel peut donc être ambivalent.

Comme cela a été dit dans l’introduction de cette étude, des taux élevés d’informalité ne posent pas seulement un problème du point de vue de l’équité sociale; ils peuvent aussi nuire à l’effi cience économique. L’existence d’un large secteur informel a un impact sur les résultats des exportateurs dans l’économie internationale. Elle peut empêcher les entreprises d’accéder à de nouveaux secteurs en limitant le développement de nouvelles compétences et du capital humain nécessaire. De ce fait, les pays restent confi nés dans un ensemble particulier – et restreint – de secteurs. En conséquence, une incidence élevée de l’emploi informel freine la croissance du PIB et la création d’emplois, ce qui s’ajoute à ses effets négatifs sur la répartition du revenu disponible.

Q4: Est-ce que l’existence d’un vaste secteur informel nuit à la croissance économique, freine la création d’emplois, aggrave l’inégalité des revenus et empêche un pays de diversifi er sa base d’exportation?

La question est en fait de savoir si l’économie informelle verrouille la structure de spécialisation d’un pays et limite la diversifi cation de ses exportations, ce qui peut avoir des effets très négatifs sur la croissance du PIB, la création d’emplois et l’inégalité des revenus.

Ces quatre questions constituent le contexte de l’étude empirique qui suit. Avant de présenter les résultats, nous donnons un bref aperçu des données et de la méthodologie empirique.

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CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE

2. Évaluation de l’informalité et de ses éléments moteurs

Aux fi ns de la présente étude, des données sur la taille de l’économie informelle ont été rassemblées selon les critères indiqués par l’analyse conceptuelle et l’examen des questions de mesures fi gurant au chapitre 2. Pour assurer la comparabilité entre les pays, on a recueilli des renseignements sur les taux d’informalité dans les zones urbaines en laissant de côté l’informalité dans le secteur rural. Ces renseignements ont été complétés par d’autres indicateurs comme les estimations de l’informalité disponibles dans la base de données de l’OIT sur les indicateurs-clés du marché du travail (KILM) ou les estimations sur l’économie souterraine de Schneider et Enste (2000). La mesure de l’incidence de l’emploi informel que nous privilégions couvre l’essentiel de la période 1990-2006 et les pays représentatifs d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, la couverture de ces deux dernières régions étant plus restreinte.

L’exposition au commerce international et l’intégration dans l’économie mondiale ont été mesurées au moyen de deux catégories de variables: a) les indicateurs classiques de l’ouverture commerciale, qui mesurent la somme des importations et des exportations par rapport au PIB (avec et sans les exportations et importations de produits de base et de pétrole); et b) les indicateurs des réformes commerciales tels que l’évolution des diverses moyennes tarifaires et les modifi cations des restrictions au commerce, ou le coût de mise en conformité à l’exportation et à l’importation. Pour différencier encore plus les diverses hypothèses, l’ouverture commerciale de facto a été décomposée en indicateurs relatifs à l’évolution des exportations (croissance annuelle des exportations et part des exportations dans le PIB) et au degré de pénétration des importations. Des indicateurs permettant d’évaluer le caractère périphérique d’une économie par rapport aux grands centres économiques, ont été utilisés pour déterminer l’importance de la densité des réseaux pour la réussite commerciale et la formalisation des emplois. Enfi n, la concentration ou la diversifi cation relative des exportations de marchandises ont été évaluées sur la base de l’indice de concentration des exportations de la CNUCED.

L’impact de la mondialisation sur les pays en développement a été évalué de façon plus large, à l’aide des indicateurs de la mondialisation élaborés par la Konjunkturforschungsstelle (KOF) de Zurich (Dreher et al., 2008). Ces indicateurs comprennent non seulement des statistiques du commerce international et des fl ux d’investissement, mais aussi des indicateurs relatifs à la mondialisation sociale et politique d’un pays (par exemple, l’intensité des fl ux d’information, la fréquence des contacts personnels entre pays, l’échange d’idées politiques, etc.). Ils permettent

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donc d’évaluer non seulement l’effet du commerce des biens et des services, mais aussi l’importance de l’échange d’informations, des contacts personnels et de la proximité culturelle et l’infl uence des idées politiques parmi les groupes intéressés. Ces derniers indicateurs complètent les indicateurs de distance fondés uniquement sur la géographie.

Des variables de contrôle classiques ont été incluses dans toutes les estimations présentées ci-dessous. Un premier indicateur couramment utilisé dans la littérature est le niveau de développement économique mesuré par habitant. Divers indicateurs sont disponibles selon que le développement économique est mesuré sur la base des dépenses ou des revenus et que les données sont exprimées en valeur nominale ou en valeur réelle. On a utilisé les indicateurs fi gurant dans la base de données des Indicateurs du développement dans le monde, notamment le PIB par habitant, le revenu national brut (RNB) par habitant et le revenu disponible des ménages. On a utilisé en outre des indicateurs relatifs à la population tels que la taille relative de la population en âge de travailler, la part des jeunes dans la population totale, la croissance démographique et la taille de la population urbaine par rapport à la population rurale, afi n d’éliminer l’effet de la croissance de la population active et de la pression sur le marché du travail urbain pour l’absorption des nouveaux entrants.

Outre les indicateurs relatifs à l’ouverture commerciale et aux droits de douane, la base de données contient diverses variables sociales, institutionnelles et politiques, provenant de diverses sources internationales (voir l’annexe 1 pour une description détaillée des données et de leurs sources). En particulier, les indicateurs suivants ont été utilisés dans plusieurs cas dans l’analyse empirique:

variables relatives à la réussite scolaire à différents niveaux (primaire, secondaire et supérieur);

indicateurs relatifs à la réglementation du marché du travail et des marchés de produits tels que le niveau du salaire minimum, les charges administratives et le coût d’entrée pour les entreprises;

indicateurs de la qualité générale de la gouvernance, par exemple, lutte contre la corruption, bureaucratie/application de la loi et primauté du droit, etc.;

variables relatives à l’importance du secteur public et de la fi scalité pour déterminer dans quelle mesure les entreprises sont exposées à certains types de distorsions.

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CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE

À l’aide de cette nouvelle base de données, on a constitué un échantillon de 31 pays pour la période allant du début des années 1990 au début des années 2000. La nature des données permet d’utiliser des techniques de données de panel pour vérifi er les différentes hypothèses présentées ci-dessus. Outre la réserve générale concernant la taille limitée de l’échantillon, trois grandes questions se posent lorsqu’on utilise ces techniques économétriques (voir l’annexe 2 pour plus de précisions sur les aspects techniques).

Notre mesure de l’incidence de l’emploi informel est très persistante dans le temps. Il se peut donc que les techniques d’estimation classiques ne soient pas applicables, car elles donneraient des résultats biaisés. Cependant, des innovations récentes dans le domaine de l’économétrie de panel aident à résoudre ces problèmes. Un problème connexe vient du fait que bon nombre de nos variables explicatives souffrent d’une faible variabilité dans le temps, en partie parce que la période considérée est relativement courte. En général, les variables relatives aux politiques, telles que la réglementation du marché du travail et des marchés de produits (mais aussi certains indicateurs relatif aux réformes commerciales qui restreignent grandement l’échantillon en raison de leur disponibilité limitée) montrent qu’il y a très peu de variation à l’intérieur des échantillons par rapport à la variation entre les échantillons. Dans une régression classique sur échantillon, contrôlant les effets fi xes, il peut devenir impossible de distinguer ces variables des effets spécifi ques au pays. Par conséquent, dans une autre spécifi cation, on contrôle aussi cette variabilité limitée dans le temps en appliquant une technique récente dénommée décomposition vectorielle des effets fi xes du pays (Plümper et Tröger, 2007). Enfi n et surtout, comme on l’a vu dans les chapitres 4 et 5, il y a des raisons de penser que le niveau d’informalité infl ue sur le degré d’ouverture ou sur la probabilité d’introduire une réforme. Ce lien de causalité inverse crée un problème d’endogénéité qui peut fausser les résultats de l’estimation. Comme cela est expliqué ci-dessous et dans l’annexe 2, plusieurs techniques sont utilisées pour remédier à ce problème.

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B. Impact de la mondialisation sur l’emploi informel

Passons maintenant à la présentation des résultats.

1. L’ouverture commerciale de facto et les réformes commerciales affectent différemment les marchés du travail

Pour toutes les spécifi cations et compte tenu des divers fondamentaux économiques, l’ouverture commerciale semble être corrélée avec une informalité moindre, et non plus grande (voir le tableau A2.1 de l’annexe 2). Cela est également vrai si on remplace l’ouverture commerciale par un concept plus général: l’ordre de grandeur des fl ux économiques, incluant les investissements étrangers directs, les investissements de portefeuille et le rendement des actifs étrangers. Mais cela n’est pas vrai dans le contexte d’un retrait des obstacles au commerce et d’une réduction des droits de douane. Avec différents indicateurs, tels que les moyennes tarifaires pondérées ou non en fonction des échanges et les restrictions au commerce, nos spécifi cations montrent qu’il existe une relation positive entre les réformes commerciales qui font baisser ces indicateurs et les taux d’informalité.

Dans le même temps, d’autres indicateurs, qui offrent un tableau plus global du processus de mondialisation, donnent des résultats contrastés concernant l’impact sur les marchés du travail informels. Les contacts personnels et l’amélioration des fl ux d’information ont aidé à réduire l’informalité dans certains pays de l’échantillon, conformément aux arguments théoriques développés plus haut. Cette idée est confi rmée par le fait que l’éloignement géographique par rapport aux principaux marchés mondiaux est lié à une plus grande incidence de l’emploi informel. En revanche, les IED entrants semblent avoir fait augmenter les taux d’informalité dans l’échantillon, ce qui pourrait être considéré comme un élément étayant l’hypothèse structuraliste selon laquelle l’économie informelle est au service du secteur formel (en supposant que l’IED a lieu dans le secteur formel). Enfi n, des renseignements sommaires concernant le processus de mondialisation, fournis par l’indicateur de la KOF, indiquent aussi un lien positif avec l’informalité.

Le graphique 6.1 résume la contribution des différents facteurs dans notre spécifi cation préférée. Elle confi rme l’image contrastée qui ressort des études antérieures, comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents. Toutefois, nos estimations montrent aussi qu’il y a un clivage entre l’ouverture commerciale de facto et les réformes commerciales de jure. Comme le montre le tableau A2.1

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CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE

de l’annexe 2, cette distinction peut être faite de manière constante avec tous les indicateurs pour les deux aspects de l’ouverture économique. Comment cela peut-il être interprété? Dans la mesure où les réformes commerciales exigent un processus d’ajustement économique et un redéploiement de la main-d’œuvre entre les secteurs, comme cela a été expliqué précédemment, il est probable que l’impact immédiat des réformes sera négatif pour les marchés du travail formels dans les pays en développement, ce qui ressort aussi de nos estimations. En revanche, une fois que le passage à une économie plus ouverte s’est effectué avec succès, des échanges économiques effi caces aident à renforcer les marchés du travail formels, attirant de nouveaux travailleurs et créant des possibilités de travail décent. Il faut noter que les deux effets indiqués dans le graphique ne peuvent être déduits l’un de l’autre. Au contraire, l’indicateur de l’ouverture commerciale de facto pourrait être interprété comme représentant l’effet cumulé des réformes commerciales passées sur les taux d’informalité à long terme (avec d’autres facteurs qui infl uent sur l’ouverture commerciale). En revanche, l’effet opposé des réformes commerciales de jure (mesurant la modifi cation des restrictions au commerce et des droits de douane), peut être considéré comme représentant l’effet immédiat de ces réformes sur les marchés du travail informels, effet qui est censé disparaître avec le temps1 Toutefois, comme cela est confi rmé par certains des tests de robustesse présentés dans l’annexe, des recherches supplémentaires peuvent être nécessaires pour mieux comprendre la dynamique de l’ajustement et révéler l’importance de l’arbitrage entre les coûts à court terme et les avantages à long terme des réformes commerciales.

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Graphique 6.1 Infl uence de la mondialisation et d’autres facteurs économiques sur l’emploi informel

Note: Le graphique indique la contribution des différents facteurs économiques à l’incidence moyenne de l’informalité dans la base de données sur l’informalité de l’IIES. La contribution des facteurs qui réduisent l’informalité apparaît dans le quadrant négatif et celle des facteurs qui l’augmentent dans le quadrant positif. La contribution des réformes commerciales correspond à la variation de l’indice des «restrictions au commerce» (voir la défi nition de la variable dans l’annexe 1); les valeurs plus élevées de cet indice indiquent des obstacles au commerce moins restrictifs. Pour tenir compte d’un éventuel biais d’endogénéité dans le coeffi cient estimé de l’ouverture commerciale, on a utilisé sa valeur retardée. Voir l’annexe 2 pour plus de détails sur la méthode d’estimation employée.

Source: Calculs des auteurs établis à partir de la base de données sur l’informalité de l’IIES.

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2. Les politiques publiques et la réglementation ont un impact décisif sur l’emploi informel

Les politiques publiques et la réglementation jouent un rôle important en soutenant le processus d’ajustement de la main-d’œuvre après l’ouverture au commerce. Nos

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CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE

estimations (voir le tableau A2.2 de l’annexe 2) confi rment en partie les intuitions antérieures de l’école légaliste au sujet des conséquences défavorables pour l’informalité d’une lourde fi scalité, notamment dans le secteur exportateur, de la bureaucratie et de l’absence de primauté du droit ou d’un degré élevé de corruption. Les résultats donnent cependant une image plus nuancée des liaisons entre l’action des pouvoirs publics et l’emploi informel. On peut montrer en particulier que les dépenses publiques, les transferts et les subventions contribuent à la réduction des taux d’informalité, ce qui justifi e les politiques d’incitation visant à encourager la formalisation des travailleurs en leur permettant de bénéfi cier de systèmes de transferts sociaux. De même, des taux élevés d’imposition marginal des hauts salaires ne semblent pas nuire aux marchés du travail informels, contrairement à certains résultats présentés dans la littérature, qui semblent indiquer que de tels taux incitent les travailleurs très qualifi és à devenir informels. Nos estimations ne confi rment pas cette hypothèse.

En ce qui concerne l’environnement réglementaire, on peut démontrer que l’effi cacité globale de la gouvernance et le maintien de la primauté du droit contribuent à des taux élevés de formalisation. De même, et en accord avec des auteurs comme de Soto, des coûts d’entrée élevés pour les entreprises, la réglementation ineffi cace et pesante des marchés de produits et la bureaucratie ont un effet défavorable sur le secteur informel et augmentent l’emploi informel. D’une part, la réglementation du marché du travail offre une image plus équilibrée: les systèmes décentralisés de négociations salariales – qui donnent aux entreprises la possibilité de faire face aux chocs liés à l’ouverture commerciale – semblent favoriser l’accroissement de l’emploi formel. D’autre part, les salaires minimums n’ont pas d’effet, ou ont même un effet positif, sur l’emploi formel, car ils égalisent les règles du jeu, ce qui aide les travailleurs formels à concurrencer avec succès les travailleurs informels. Ce résultat est conforme à ceux d’autres études qui montrent que les salaires minimums dans l’économie formelle peuvent avoir des retombées positives sur l’économie informelle, ce qui égalise les règles du jeu.

En s’appuyant sur l’analyse empirique de la section précédente, le graphique 6.2 résume les différents effets sur la base de la spécifi cation préférée concernant les politiques. L’objectif est de décomposer davantage la partie non expliquée du graphique précédent en introduisant divers instruments de politique dans l’estimation empirique.2 Dans l’ensemble, les politiques et la réglementation du marché du travail contribuent pour plus de 50 pour cent à la variation totale des taux d’informalité entre les pays, le reste étant dû à d’autres facteurs d’ordre économique. À cet égard, il faut noter que les facteurs typiques mis en relief par l’école légaliste – tels que la

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primauté du droit ou la réglementation des affaires – ne semblent pas jouer dans notre échantillon un rôle aussi important qu’elle le prétend (Gindling et Terrell, 2005; Khamis, 2008; Lemos, 2004).

Graphique 6.2 Impact des politiques et de la réglementation sur l’informalité

Note: Le graphique indique la contribution des différents facteurs économiques, politiques et réglementaires à l’incidence moyenne de l’informalité dans la base de données sur l’informalité de l’IIES. La contribution des facteurs qui réduisent l’informalité apparaît dans le quadrant négatif et celle des facteurs qui l’augmentent dans le quadrant positif. La contribution des réformes commerciales correspond à la variation de l’indice des «restrictions au commerce» (voir la défi nition de la variable dans l’annexe 1); les valeurs plus élevées de cet indice indiquent des obstacles au commerce moins restrictifs. Pour tenir compte d’un éventuel biais d’endogénéité dans le coeffi cient estimée de l’ouverture commerciale, on a utilisé sa valeur retardée. Voir l’annexe 2 pour plus de détails sur la méthode d’estimation employée.

Source: Calculs des auteurs établis à partir de la base de données sur l’informalité de l’IIES.

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CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE

C. L’emploi informel enferme-t-il les pays dans des structures d’échanges?

Enfi n, nous revenons à l’interaction entre, d’une part, la taille de l’économie informelle et, d’autre part, les performances macro-économiques et la réussite commerciale des pays en développement. En allant au-delà de l’analyse faite au chapitre 4 (voir le tableau A2.3 de l’annexe 2), nous voulons en particulier établir un lien entre la taille de l’économie informelle, son effet limitatif sur la réussite commerciale et la diversifi cation des exportations et les conséquences qui en découlent pour le développement économique.

Le fait que l’absence de diversifi cation des exportations peut limiter la capacité de croissance et de développement d’un pays est de plus en plus reconnu dans la littérature. Empiriquement, on peut mettre en évidence une relation en forme de U, dans laquelle la diversifi cation des exportations augmente en même temps que l’économie se développe. C’est seulement à un stade très avancé du processus de développement que les pays commencent à se spécialiser de nouveau (Carrère et al., 2007; Imbs et Wacziarg, 2003). Des recherches plus récentes soulignent le fait que la diversifi cation des exportations peut avoir un lien de causalité avec la croissance économique, du moins aux premiers stades du développement économique (Dutt et

al., 2008). Ce lien de causalité peut être dû en partie aux changements de politique sous-jacents qui favorisent simultanément la diversifi cation des exportations et l’amélioration des perspectives de croissance, par exemple grâce à des réformes des marchés de produits ou à des réformes commerciales sectorielles (Bacchetta, 2007). Mais à ce jour, aucune recherche n’a permis d’établir un lien explicite entre l’absence de diversifi cation des exportations et l’existence d’une vaste économie informelle.

Nous cherchons à répondre à la première partie de la quatrième question en régressant notre mesure de l’incidence de l’emploi informel sur la croissance du PIB et l’inégalité des revenus. Les résultats de cette régression confi rment le consensus qui se dégage de la littérature existante au sujet de l’impact négatif d’une forte incidence de l’emploi informel sur les performances macro-économiques et l’inégalité des revenus. La croissance du PIB est entravée, indépendamment de toute contribution positive d’autres facteurs tels que l’ouverture commerciale ou le niveau d’instruction. De même, la croissance de l’emploi total est plus faible, et l’inégalité des revenus augmente. Enfi n, les estimations démontrent aussi que l’ouverture commerciale apporte une contribution positive à la croissance, surtout lorsqu’elle permet d’accroître le volume des exportations et aide ainsi le pays à accumuler des réserves en devises.

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L’analyse présentée dans ce chapitre tente en outre de répondre à la question de savoir si la base d’exportation est limitée par des taux d’informalité élevés. Utilisant l’indice de concentration des exportations de la CNUCED, nos estimations confi rment que la concentration des exportations augmente avec la taille du secteur informel. Ce résultat est confi rmé même si l’on élimine l’effet de la spécialisation commerciale causée par l’ouverture du compte courant, c’est-à-dire qu’une forte incidence de l’emploi informel a un effet négatif sur le degré de diversifi cation des exportations, indépendamment de l’intégration de facto du pays dans l’économie mondiale. Ce résultat résiste aussi à une série d’autres variables de contrôle susceptibles d’agir sur la concentration des exportations, telles que le PIB et la croissance démographique, ou différents indicateurs concernant les réformes commerciales. Nos résultats sont résumés dans le graphique 6.3, qui représente la contribution de différents facteurs à un indice de concentration des exportations dans notre spécifi cation préférée et qui confi rme que l’incidence de l’emploi informel est le facteur qui contribue le plus (positivement) à une concentration accrue des exportations. En revanche, une plus grande proportion d’exportations de produits manufacturés, les réformes commerciales et – dans une bien moindre mesure – la croissance démographique aident aussi un pays à diversifi er sa base d’exportation.

Les résultats exposés ici confi rment les propositions de base de l’étude: non seulement l’emploi informel rend la répartition du revenu disponible plus inégale mais encore il a un effet négatif sur les résultats macro-économiques d’un pays, de sorte qu’il freine la croissance économique. En particulier, l’informalité joue un rôle important car elle limite la base de la réussite commerciale d’un pays en concentrant ses exportations sur un nombre limité de produits qui ont – souvent – une plus faible valeur ajoutée et qui ne peuvent guère contribuer à la croissance.

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CHAPITRE 6. MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL: UNE ÉVALUATION EMPIRIQUE

Graphique 6.3 Déterminants de la concentration des exportations

Note: Le graphique indique la contribution des différents facteurs économiques à la variation globale de l’indice de concentration des exportations de la CNUCED dans la base de données sur l’informalité de l’IIES. La contribution des facteurs qui réduisent la concentration des exportations apparaît dans le quadrant négatif, et celle des facteurs qui l’augmentent dans le quadrant positif. La variation de la concentration des exportations est mesurée comme étant l’écart type unitaire moyen de la concentration des exportations dans les différents pays.

Source: Calculs des auteurs établis à partir de la base de données sur l’informalité de l’IIES.

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Notes

1 On pourrait considérer aussi qu’il représente les effets simultanés estimés de toutes les réformes passées par opposition à une seule réforme présente. Cet effet négatif de la réforme actuelle disparaîtra avec le temps et deviendra positif, comme cela s’est produit pour toutes les réformes passées.

2 Il faut noter que l’IED a été éliminé du graphique en tant que déterminant en raison de son caractère endogène eu égard à la plupart des politiques considérées. L’éloignement géographique est aussi un facteur non signifi catif dans ce contexte, de sorte qu’il a été écarté.

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CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN

CHAPITRE 7: Des politiques robustes pour un monde incertain

Il ressort de cette étude que l’informalité dans les pays en développement prive environ 60 pour cent des travailleurs de ces pays de possibilités de revenus et de carrière adéquates. Dans le même temps, les taux d’informalité élevés privent l’État de ressources qui pourraient être utilisées de façon productive et ils freinent la croissance de la demande globale, faisant ainsi obstacle à l’intégration des pays dans l’économie mondiale. Cela signifi e que des stratégies de formalisation effi caces amélioreraient les conditions de travail pour de larges segments du marché de l’emploi de ces pays, mais constitueraient aussi un puissant moteur de croissance, tant pour les pays que pour l’économie mondiale. Dans le même temps, l’étude affi rme que, si elle est gérée convenablement, l’intégration d’un pays dans l’économie mondiale peut aider les travailleurs informels en améliorant leur niveau de vie et en leur donnant accès à des conditions de travail décentes. L’intégration dans les marchés mondiaux et la lutte contre l’emploi informel devraient donc être considérées comme complémentaires, car seuls les emplois du secteur formel permettent à un pays de tirer pleinement profi t de l’ouverture commerciale.

Cependant, les politiques de formalisation ne peuvent pas résoudre du jour au lendemain des problèmes chroniques. Souvent, l’informalité est profondément enracinée dans l’économie, de sorte que le changement ne peut être que progressif. De plus, faute de marge de manœuvre budgétaire, ces politiques doivent souvent être ciblées sur les catégories les plus démunies et les plus vulnérables de la société, ce qui limite le groupe des bénéfi ciaires potentiels. En outre, la mise en place de l’infrastructure juridique et publique nécessaire pour favoriser le retour dans le secteur formel des travailleurs qui l’ont quitté volontairement, ou pour aider ceux qui cherchent un emploi sur le marché du travail informel à trouver un emploi formel, peut prendre du temps avant de donner des résultats satisfaisants. Néanmoins, comme le fait valoir notre étude, les avantages à long terme de la formalisation sont considérables, puisqu’elle entraîne une plus forte croissance potentielle, une amélioration de la stabilité macro-économique et une consolidation des fi nances publiques.

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Au fi l du temps, les politiques de formalisation ont fait l’objet de nombreuses études qui mettent particulièrement l’accent sur la réforme du marché du travail. L’examen approfondi de ces travaux sort évidement du cadre de ce rapport, qui se concentre sur les liens entre l’informalité et la mondialisation. Le but de ce chapitre est plutôt d’intégrer les conclusions tirées de l’analyse des liens entre la mondialisation et l’emploi informel et les enseignements dégagés des travaux sur la formalisation et la réglementation du travail. Il tente en particulier d’examiner les politiques qui aident à maximiser la croissance de l’emploi après des réformes commerciales.

Il en ressort plusieurs conclusions générales. Bien qu’elles doivent être adaptées au contexte particulier de chaque pays, ces conclusions énoncent quelques principes fondamentaux sur lesquels s’appuyer pour s’attaquer aux problèmes liés à l’économie informelle. Le premier principe est que l’intégration réussie dans l’économie mondiale suppose, en dernier ressort, la formalisation des entreprises et des emplois. Aucun pays ne peut tirer pleinement profi t de l’ouverture de son commerce s’il n’adopte pas des politiques appropriées pour assurer l’ajustement structurel nécessaire dans l’économie formelle. Pour cela, il faudra mettre en œuvre un large éventail d’options, chaque pays mettant l’accent sur des domaines différents pour tenir compte des spécifi cités historiques, institutionnelles ou géographiques (Bureau international du Travail, 2007 a). Le deuxième principe est que les réformes commerciales doivent être conçues de manière à combiner des mesures visant à développer et diversifi er les exportations et des mesures destinées à ouvrir les marchés à la concurrence étrangère. En général, il faudra pour cela intégrer des politiques unilatérales et des stratégies régionales ou multilatérales dans une approche cohérente. Enfi n, les politiques de formalisation et les réformes commerciales doivent être coordonnées de manière à maximiser leur impact. Pour cela, il faudra procéder aux réformes avec prudence et exploiter les complémentarités entre les différents domaines d’action pour soutenir le processus d’ajustement.

Ce chapitre s’articule autour de quatre grands thèmes. Il examine d’abord la question de la formalisation des entreprises de l’économie informelle, en tentant de montrer comment les coûts et les avantages peuvent être déterminés d’une manière qui incite davantage les entreprises à opter pour l’établissement en bonne et due forme. Il cherche ensuite à identifi er les mesures propres à faciliter et encourager le passage des travailleurs informels dans le segment formel du marché du travail, puis examine les mesures qui permettraient de protéger les travailleurs qui restent dans le secteur informel. Enfi n, il aborde la question des politiques commerciales et s’interroge sur les réformes qu’il conviendrait d’engager pour assurer l’intégration réussie dans l’économie mondiale des pays en développement qui ont un secteur

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CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN

informel important. Pour conclure, ce chapitre présente un cadre d’action cohérent qui tient compte de la question du calendrier des réformes commerciales et de leur complémentarité avec les processus de formalisation. Les principales conclusions de ce chapitre sont résumées dans l’encadré 7.1.

Encadré 7.1 Principales conclusions

L’intégration dans les marchés mondiaux et la lutte contre l’emploi informel devraient être considérées comme complémentaires, car la formalisation des entreprises et des emplois aide les pays à tirer pleinement profi t de l’ouverture commerciale, et l’intégration des pays dans l’économie mondiale, si elle est gérée convenablement, peut aider les travailleurs informels à améliorer leur niveau de vie et à accéder à des conditions de travail décentes.

L’étude examine trois options pour y parvenir. Premièrement, l’intégration réussie dans l’économie mondiale suppose, en dernier ressort, la formalisation des entreprises et des emplois. Aucun pays ne peut tirer pleinement profi t de l’ouverture commerciale s’il n’adopte pas des politiques appropriées pour assurer l’ajustement structurel nécessaire dans l’économie formelle. Cela passe par une stratégie globale visant à a) renforcer les incitations pour les employeurs et les travailleurs et b) encourager l’investissement dans l’infrastructure et les institutions qui facilitent le passage à l’emploi formel, tout en assurant une protection sociale de base à ceux qui restent employés dans le secteur informel.

Une distinction est faite entre les politiques qui encouragent la formalisation des entreprises et celles qui visent les travailleurs. Dans le premier cas, on peut renforcer les incitations en abaissant le coût de la formalisation et en augmentant les avantages qu’elle procure. Dans le second, les politiques devraient en priorité aider les travailleurs à sortir du secteur informel et assurer une protection sociale de base à ceux qui y restent.

Deuxièmement, les réformes commerciales peuvent être mises en œuvre d’une manière favorable à l’emploi, en faisant en sorte que le redéploiement des emplois soit plus propice à l’accroissement de l’emploi formel. Bien que l’on connaisse mal les aspects macro-économiques de la dynamique de transformation après des réformes commerciales, on a défi ni certains principes

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A. Formalisation des entreprises

Au cours des dernières années, de nombreuses études ont cherché à savoir comment les gouvernements pourraient encourager la formalisation (Djankov et al., 2002; Bureau international du Travail, 2007a; Organisation internationale du travail, 2006; Ishengoma et Kappel, 2006; Kenyon, 2007a; 2007b; Puech et Igué, 2008). La plupart d’entre elles portent sur la formalisation des entreprises et font partie d’un corpus plus vaste axé sur le développement du secteur privé. La formalisation peut cependant être étendue aux relations du travail, et son objectif pourrait être rééquilibré dans le sens de la protection sociale (Tokman, 2007). Toutefois, le plus

généraux qui peuvent rendre les réformes commerciales plus favorables au marché du travail.

Un processus d’ouverture graduel peut être nécessaire pour aider les autorités, les travailleurs et les entreprises à s’adapter au nouvel environnement. En outre, il est essentiel de développer un secteur orienté vers l’exportation pour réduire les coûts d’ajustement associés aux réformes commerciales et aider les travailleurs à passer des secteurs exposés à la concurrence des importations aux secteurs tournés vers l’exportation. L’ouverture du commerce aux niveaux régional et multilatéral peut aussi être utile pour diversifi er l’économie. Enfi n, les réformes commerciales doivent être annoncées de façon crédible.

Troisièmement, l’étude souligne qu’il est important de coordonner la politique commerciale et la politique du marché du travail. À cette fi n, il a été demandé d’intégrer certaines normes fondamentales du travail dans les accords commerciaux internationaux. Quelques accords commerciaux bilatéraux contiennent des dispositions de ce genre, mais l’on ne sait pas très bien dans quelle mesure elles ont profi té aux travailleurs des pays concernés. L’application plus large de politiques accompagnant l’ajustement du marché du travail est un autre moyen d’aider les pays à s’adapter à l’ouverture commerciale. Il peut s’agir en particulier de politiques actives du marché de l’emploi, de dispositifs de protection sociale bien conçus et de salaires minimums et de politiques de formation. Enfi n, les programmes relatifs au commerce et au travail décent doivent être mis en œuvre de façon coordonnée. Le dialogue social peut jouer un rôle important à cet égard.

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CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN

important est que des taux de formalité élevés sont une condition préalable à une réussite économique et commerciale durable, comme le montrent les études citées et nos propres travaux. Les entreprises formelles sont mieux placées pour élargir le champ de la différenciation des produits, ce qui évite ainsi au pays d’avoir une base d’exportation trop étroite. En outre, il est plus facile de tirer parti des effets d’apprentissage «sur le tas» et des autres économies d’échelle lorsque les entreprises sont dans le secteur formel et ont accès à des produits fi nanciers et à un capital humain plus perfectionnés, qui favorisent leur croissance rapide.

En général, les recommandations concernant les politiques de formalisation reposent sur une analyse des raisons pour lesquelles les entreprises optent pour le secteur formel ou pour le secteur informel. Il en va de même dans ce chapitre qui commence par une brève analyse du choix du statut juridique des entreprises. Les politiques de formalisation commencent nécessairement par une évaluation des coûts et des avantages, pour les entreprises, du passage dans l’économie formelle. Nous examinerons ensuite de façon plus approfondie les principales recommandations concernant les politiques de formalisation, en mettant aussi l’accent sur les mesures qui permettent d’organiser les relations avec le secteur rural. En particulier, les investissements dans l’amélioration de l’infrastructure routière et des systèmes d’irrigation, ou les mesures visant à promouvoir les établissements de micro crédit et à faciliter les réformes agraires, peuvent améliorer la productivité des exploitations agricoles et libérer ainsi des forces productives pour le marché du travail urbain.

1. Coûts et avantages de l’informalité pour les entrepreneurs

Des études empiriques récentes ont tenté d’identifi er les obstacles à la formalisation. Ishengoma et Kappel (2006) examinent des données relatives aux facteurs qui entravent la croissance des entreprises informelles. Ils font une distinction entre: les facteurs internes, comme le manque de capital humain et de fonds de roulement, l’utilisation de technologies obsolètes ou la mauvaise implantation; les facteurs externes, comme l’accès limité aux services fi nanciers ou aux services de développement des entreprises, l’étroitesse du marché, l’offre insuffi sante d’infrastructure économique et de services publics ou l’existence d’une réglementation complexe et pesante; et les facteurs interentreprises, comme l’existence de relations limitées ou fondées sur l’exploitation, et la faiblesse des associations professionnelles. S’appuyant sur un examen des travaux dans ce domaine et de l’expérience des donateurs, USAID (2005) met l’accent sur les facteurs externes et identifi e sept catégories d’obstacles

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à la formalisation du point de vue de l’entrepreneur: a) les obstacles réglementaires, b) les obstacles administratifs, c) les redevances et les obligations fi nancières, d) la corruption dans l’administration publique, e) les attitudes socioculturelles, f) l’absence d’importants services aux entreprises, et g) la criminalité.

Dans la tradition de de Soto (1989), le choix du statut formel ou informel peut être présenté comme une décision rationnelle. Les unités économiques soupèsent les coûts et les avantages de la formalisation et considèrent leurs contraintes particulières sur le plan institutionnel et sur celui des ressources. Les coûts de la formalité comprennent, d’une part, le coût de l’accession au secteur formel et, d’autre part, le coût du maintien dans ce secteur. Plusieurs auteurs ont appliqué à divers pays le cadre analytique proposé par de Soto. Loayza (1996) analyse les travaux existants et constate que le coût d’accès à la légalité est élevé en Amérique latine. Il constate aussi qu’il peut être également très coûteux de rester dans le secteur formel. Les taux d’imposition marginaux des entreprises formelles sont généralement très élevés dans les pays en développement, où l’assiette de l’impôt est étroite. Les règlements, en particulier la réglementation du travail, entraînent aussi des coûts de mise en conformité élevés en Amérique latine et en Asie. Enfi n, les formalités administratives augmentent le coût du maintien dans le secteur formel. Loayza examine par ailleurs les coûts liés à l’informalité. Il fait une distinction entre les amendes infl igées lorsque l’activité informelle est détectée et le coût lié à l’accès restreint aux services publics. S’agissant des amendes, les données indiquent que les entreprises informelles versent aux fonctionnaires des pots-de-vin beaucoup plus élevés que les entreprises formelles et qu’elles optent pour des solutions non optimales, en ce qui concerne la taille et le ratio capital/travail, pour ne pas être découvertes.

Bigsten et al. (2004a) comparent les avantages de l’informalité aux coûts et aux risques encourus par ceux qui opèrent en dehors du cadre légal. Ils concluent que, dans l’environnement économique actuel, il peut être rationnel pour les entrepreneurs africains de rester dans le secteur informel, car cela réduit leurs coûts sans nuire à leur productivité. Ishengoma et Kappel (2006) utilisent les données disponibles pour comparer le coût de la formalisation et celui de l’informalité et ils arrivent à la même conclusion.

2. Stratégies de formalisation

Malgré des divergences de vues sur la question de savoir si les gouvernements doivent poursuivre des politiques de formalisation actives et sur la façon de concevoir

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CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN

ces politiques, les spécialistes s’accordent sur un certain nombre de points. Il n’y a pas de stratégie unique qui s’appliquerait dans toutes les situations. Le succès ou l’échec des mesures de formalisation dépend des mesures elles-mêmes autant que des circonstances politiques, économiques, sociales ou culturelles dans lesquelles elles sont mises en œuvre. Une stratégie qui a donné des résultats dans un pays ou un secteur particulier peut être inadaptée dans un autre pays ou secteur. La plupart des spécialistes s’accordent aussi pour dire que la communication joue un rôle important. Les gouvernements doivent informer tous les acteurs de l’économie informelle des mesures qu’ils prennent.

Comme il a été dit précédemment, les différentes stratégies de formalisation s’appuient en général sur les conceptions du secteur informel présentées au chapitre 2. Selon le point de vue légaliste, une réduction des obstacles à la formalisation et un meilleur accès au crédit suffi ront pour inciter les entreprises informelles à se faire enregistrer, à emprunter des capitaux et à profi ter de tous les avantages d’un statut offi ciel, ce qui leur permettrait d’améliorer leur productivité et peut-être de commencer à commercer et à croître. En revanche, selon le point de vue structuraliste, il faut faire respecter rigoureusement les règlements et lutter contre la fraude fi scale pour éradiquer l’informalité. Enfi n, selon le point de vue dualiste, le meilleur moyen d’éliminer les entreprises informelles est de soutenir la création de nouvelles entreprises formelles et le développement de celles qui existent déjà.

Le Bureau international du Travail propose un premier exemple de politique de formalisation qui penche du côté de l’approche structuraliste, en soulignant cependant qu’il n’existe pas de remède rapide ni de solution universelle. La croissance et la stabilité macro-économique sont deux conditions essentielles pour permettre le passage dans l’économie formelle, mais il faut aussi prendre les mesures suivantes pour faciliter la transition (Bureau international du Travail, 2007b):

étendre aux entreprises informelles le champ de la réglementation (législation du travail, fi scalité, droits de propriété, droit des affaires) et notamment améliorer l’administration et l’inspection du travail;

encourager le dialogue social en remédiant aux problèmes d’organisation et de représentation;

promouvoir l’égalité des sexes et des conditions de travail décentes;

développer l’esprit d’entreprise en encourageant les services aux entreprises et en améliorant l’accès au crédit et aux marchés de biens et de services;

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améliorer l’accès à la sécurité sociale;

intégrer ces différentes initiatives dans une stratégie ancrée localement.

Perry et al. (2007) présentent un autre exemple, inspiré du point de vue légaliste, dans leur étude approfondie de l’informalité en Amérique latine. Ayant observé que le travail informel concerne principalement les petites entreprises, ils affi rment que la formalisation peut être considérée comme un intrant dans le processus de production dont ces entreprises n’ont guère besoin. Ils affi rment aussi que, pour encourager la formalisation d’une proportion importante d’entreprises informelles, il faut manier à la fois la carotte et le bâton. Il ne suffi t pas de réduire les contraintes d’ordre réglementaire qui pèsent sur les petites entreprises ou d’abaisser les taux d’imposition. Il faut aussi prendre des mesures positives pour les inciter à entrer dans l’économie formelle. Il faut notamment améliorer les services privés et publics dont disposent les entreprises formelles et prendre d’autres mesures pour accroître la productivité et stimuler la croissance dans le secteur formel. Perry et al. (2007) insistent beaucoup sur l’amélioration de la productivité globale. Ils notent que, «pour réduire sensiblement les taux d’informalité actuels, il faudra avant tout prendre des mesures pour accroître la productivité globale de l’économie». Selon eux, il est essentiel de créer un climat plus propice à l’investissement et de relever le niveau de capital humain, en particulier pour les pauvres, ce qui permettra à un plus grand nombre de travailleurs de trouver des emplois rémunérateurs dans un secteur formel plus dynamique, tandis que le climat plus favorable d’investissement permettra aux entreprises formelles de croître et d’offrir des salaires plus élevés. Perry et al. (2007) proposent une série de mesures complémentaires pour remédier au phénomène de l’informalité partielle dans les grandes entreprises. Il faudrait, entre autres, simplifi er les formalités administratives et la fi scalité, revoir le cadre réglementaire pour supprimer les lois et règlements anachroniques ou d’inspiration privée, et veiller au respect plus strict des règles.

La Porta et Shleifer (2008) suggèrent un troisième et dernier exemple, fondé cette fois sur la conception dualiste. Selon eux, la formalisation par le biais de la croissance de la productivité nécessite la création d’entreprises formelles aussi grandes et productives que possible. À cette fi n, on peut recourir à des instruments tels que la fi scalité, les politiques relatives au capital humain et les politiques concernant l’infrastructure et les marchés de capitaux. Les administrations peuvent aussi utiliser leur politique de passation des marchés pour faire en sorte que les entreprises informelles aient également accès aux marchés, mais en veillant à ce qu’elles formalisent partiellement ou totalement leurs activités à terme (Chen et al., 2002).

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CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN

Conformément à l’approche du marché à segments multiples examinée dans les chapitres précédents, la meilleure stratégie de formalisation est sans conteste celle qui combine les éléments des diverses stratégies susmentionnées. En réalité, les pratiques optimales montrent qu’il faut élaborer un large éventail d’initiatives, promouvoir la cohérence et renforcer les synergies positives entre les actions menées. En outre, l’expérience montre que les modalités de mise en œuvre jouent un rôle important. Une directive du Service de conseil en investissements étrangers de la Banque mondiale (Kenyon, 2007) énonce six recommandations pratiques. Premièrement, simplifi er et coordonner la réglementation des entreprises. Deuxièmement, informer les entrepreneurs. Troisièmement, instaurer la confi ance. Quatrièmement, opérer par le biais d’intermédiaires. Cinquièmement, offrir les incitations appropriées. Et sixièmement, manier alternativement la carotte et le bâton. Une autre recommandation, fi gurant dans différents documents, est de veiller à ce que la formalisation soit progressive parce qu’elle n’est pas indolore. Il serait préférable, dans un premier temps, de cibler les mesures dont les effets bénéfi ques potentiels sont les plus importants (Kenyon, 2007a; Tokman, 2007).

B. Accompagner la transition entre le travail informel et l’emploi formel

L’hétérogénéité de l’économie informelle impose une approche pluridimensionnelle pour promouvoir la croissance de l’emploi formel. L’augmentation des impôts, par exemple, ne peut être utile que pour les travailleurs du segment supérieur de l’économie informelle, alors que le manque de qualifi cation ou l’insuffi sance de l’infrastructure pour une recherche d’emploi effi cace sera probablement un facteur plus important pour le segment inférieur. Comme les stratégies de formalisation des entreprises, les mesures contre l’emploi informel exigent que l’on analyse non seulement les obstacles à la transition, mais aussi les coûts et les avantages pour les travailleurs de l’emploi informel par rapport à l’emploi formel. Comme il a été dit dans le chapitre 2, la décision de rester dans le secteur informel n’est pas toujours le fait du travailleur lui-même, élément dont il faut davantage tenir compte dans les politiques publiques.

Néanmoins, les incitations à la formalisation ne sont qu’un aspect de la réponse à apporter à l’informalité. Conformément à la Recommandation n°  198 du BIT («Recommandation sur la relation de travail»), les gouvernements peuvent aussi soutenir directement les travailleurs informels au moyen de systèmes de sécurité sociale spéciaux sortant du cadre de l’économie formelle. En particulier, les politiques publiques devraient faire en sorte que les travailleurs informels ne soient pas pris

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dans l’engrenage de la pauvreté, ce qui réduirait encore leurs chances d’entrer dans l’économie formelle. Ce soutien peut aussi servir à renforcer les incitations à la formalisation, notamment s’il est assorti d’une certaine forme de conditionnalité. Non seulement ces stratégies amélioreront les conditions de travail et de vie des travailleurs du secteur informel, mais encore elles favoriseront leur passage à l’économie formelle.

1. Politiques visant à encourager la sortie de l’économie informelle

Comme on l’a vu dans cette étude, l’incidence de la formalité est particulièrement élevée parmi les travailleurs peu qualifi és. Toute stratégie de la formalisation du marché du travail doit donc surmonter cet obstacle structurel pour permettre une transition réussie vers le marché du travail formel. Mais il faut du temps et des ressources pour mettre en place un système éducatif ou pour élargir le système existant. Les investissements réalisés aujourd’hui ne seront peut-être rentables que dans plusieurs années, voire plusieurs décennies. Plus important encore, il risque d’être trop tard pour atteindre les personnes déjà présentes sur le marché du travail. Les politiques de l’éducation doivent donc tenir compte de la situation initiale et prévoir aussi un soutien en matière de formation et d’éducation pour les personnes employées dans l’économie informelle.

Dans de nombreux pays, heureusement, l’économie informelle a développé ses propres institutions de formation et d’éducation (Bureau international du Travail, 2008b). Il existe de nombreux systèmes de formation professionnelle qui permettent aux jeunes d’acquérir les qualifi cations requises sur le marché du travail local (voir l’encadré 7.2 pour un exemple). Fondés sur les mêmes principes que les programmes de développement de l’artisanat, ces systèmes sont d’un accès facile, en particulier pour les pauvres. Les compétences acquises sont immédiatement utilisables dans le travail, ce qui facilite la transition «de l’école à l’emploi», et elles sont plus effi caces que les programmes de formation avant emploi en salle de classe. Mais souvent le transfert de compétences est circonscrit aux réseaux de parenté ou aux réseaux sociaux, ce qui freine la diffusion des compétences et des connaissances dans l’économie et en limite la portée. Il est fréquent, en outre, que les compétences ne soient pas transférables ou ne soient pas reconnues en dehors des réseaux dans lesquels la formation est assurée. La qualité de la formation peut aussi varier considérablement d’une entreprise à l’autre. Et les compétences elles-mêmes ne se développent que si l’entreprise au sein de laquelle elles sont acquises s’engage dans de nouveaux domaines, mais les perspectives de perfectionnement sont en fait très limitées. Enfi n, la longueur des périodes de

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CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN

formation pendant lesquelles l’apprenti risque d’être exploité comme «main-d’œuvre bon marché» et l’absence généralisée de suivi après la formation limitent l’adaptabilité des systèmes aux problèmes découlant de l’ouverture économique. Cela complique la tâche des décideurs qui cherchent à élargir la base de compétences de l’économie; ce sont autant de défi s spécifi ques à relever. Fondamentalement, les autorités devraient imposer des normes minimales pour les programmes de formation afi n de maintenir et améliorer progressivement la qualité des compétences. Cette approche pourrait être combinée à des mesures encourageant la reconnaissance généralisée des compétences en dehors des différents réseaux sociaux. Enfi n, il faudrait élargir l’accès à ces programmes, éventuellement en recourant au microcrédit, pour que les formateurs disposent de ressources supplémentaires pour former des travailleurs hors de leur réseau social immédiat.

Encadré 7.2 Politiques de formation pour le secteur informel – L’exemple de l’Afrique de l’Ouest

En Afrique de l’Ouest, il existe un système de formation professionnelle développé dans l’économie informelle, soutenu par une architecture institutionnelle bien conçue qui aide les jeunes apprentis à accéder à une formation ayant un bon rapport coût-effi cacité et à acquérir des compétences utiles dont les coûts et les avantages sont clairement identifi és.

Dans la région, le cadre institutionnel permet de surmonter les problèmes d’information et d’engagement auxquels se heurtent ailleurs les systèmes d’apprentissage. En particulier, l’insertion dans des réseaux sociaux, souvent renforcée par les liens de parenté, et conjuguée à des valeurs culturelles et religieuses communes, aide à forger une relation étroite entre le formateur et l’apprenti. Les modalités de paiement des frais d’apprentissage et la transmission progressive des connaissances – certaines techniques étant apprises à des stades ultérieurs – limitent encore plus les comportements opportunistes et la «resquille».

Les systèmes d’apprentissage de ce genre peuvent servir de base à l’ajustement réussi de l’économie informelle après des réformes commerciales. Mais il reste à régler plusieurs problèmes. Si l’on y arrive, cela permettra d’accroître la formalisation de l’économie informelle. En particulier:

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Les efforts déployés pour réduire l’emploi informel, en particulier dans le segment supérieur du secteur, passent aussi par la modernisation et la réforme du système fi scal. Outre l’abaissement des taux d’imposition marginaux, il peut être nécessaire – et plus important – de réformer l’administration fi scale. La réforme de l’enregistrement des contribuables, l’harmonisation des règles d’administration fi scale, la mise à jour régulière du registre des entreprises et du rôle des contribuables, l’introduction progressive de l’impôt déclaratif peuvent entraîner une augmentation des recettes fi scales, une amélioration de la discipline fi scale et un recul de la fraude et de la corruption. La simplifi cation des barèmes d’imposition et des règles de déduction plus claires sont indispensables aussi pour inciter les contribuables à mieux s’acquitter de leurs obligations fi scales. Plusieurs pays d’Europe orientale, par exemple, ont institué un impôt à taux unique, ce qui améliore grandement la discipline fi scale et accroît les recettes. Toutefois, l’effi cacité d’un tel système pour réduire la taille de l’économie parallèle peut dépendre en partie de l’aptitude des organismes publics à offrir des

les systèmes existants doivent tenir davantage compte des évolutions technologiques, et doivent permettre de diffuser plus rapidement les connaissances;

les nouveaux métiers et les nouvelles technologies exigeant des compétences transversales ne sont intégrés que de façon imparfaite dans les structures actuelles;

l’urbanisation et la croissance démographique peuvent mettre en péril les réseaux sociaux qui soutiennent les systèmes d’apprentissage actuels;

la transférabilité des compétences est limitée par l’absence de certifi cation, ce qui enferme les apprentis dans un réseau particulier d’entreprises (informelles) dans lequel leurs compétences sont reconnues une fois la formation terminée.

Les responsables des pays de la région sont de plus en plus conscients des problèmes auxquels les systèmes actuels sont confrontés, mais ils se rendent compte aussi qu’ils peuvent promouvoir et développer encore ces systèmes dans le cadre de leurs efforts d’intégration dans l’économie mondiale.

Source: Bureau international du Travail (2008b); Nübler (2007).

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CHAPITRE 7. DES POLITIQUES ROBUSTES POUR UN MONDE INCERTAIN

services publics appréciés par le contribuable. Différentes études effectuées dans ce domaine montrent que les systèmes d’imposition à taux unique ne sont effi caces qu’à court terme. Leur effi cacité diminue avec le temps et ils doivent être complétés par des avantages additionnels justifi ant aux yeux du contribuable le respect plus strict des obligations fi scales (Peter, 2009).

La question de savoir si l’application stricte des normes internationales du travail entrave le processus de formalisation fait l’objet d’un large débat. Ceux qui critiquent ces normes font valoir qu’elles tendent à rigidifi er les marchés du travail, entravant ainsi la création d’emplois dans l’économie formelle. En revanche, le respect des normes du travail et de la réglementation en la matière peut améliorer le fonctionnement du secteur informel et favoriser le passage de l’économie informelle à l’économie formelle. Souvent, les normes établies dans l’économie formelle ont des répercussions sur les segments informels du marché du travail. D’après des données récentes concernant le salaire minimum, par exemple, celui-ci a tendance à se diffuser dans le secteur informel, où il entraîne parfois des hausses de salaire plus importantes encore que dans le secteur formel (Khamis, 2008). Ces résultats sont confi rmés pour diverses régions, mais ils semblent être plus valables pour les travailleurs informels que pour les travailleurs indépendants (Gindling et Terrell, 2005). Néanmoins, les retombées législatives de la réglementation du salaire minimum créent des conditions plus équitables, comme le confi rment les éléments présentés dans le chapitre précédent.

Les données empiriques sur les conséquences d’autres types de réglementation pour le marché du travail informel sont plus mitigées. Kucera et Roncolato (2008) passent en revue les études empiriques consacrées à la réglementation du marché du travail formel et à l’emploi informel, et concluent que les éléments disponibles ne permettent pas de dire que l’assouplissement de la réglementation du travail est un moyen de réduire l’emploi informel. De leur côté, Perry et al. (2007) examinent les travaux empiriques consacrés à l’effet de la réglementation du marché du travail sur l’informalité en Amérique latine, et trouvent quelques éléments montrant qu’une réglementation plus restrictive a eu un effet négatif sur la création d’emplois dans le secteur formel au Brésil. Ils constatent aussi que l’alourdissement de la fi scalité du travail a réduit l’emploi formel en Colombie. Cependant, ils ne trouvent pas de preuve directe de l’existence d’un lien entre la réglementation du marché du travail et l’emploi informel. Enfi n, Fox et Oviedo (2008) passent en revue les travaux analysant l’effet de la réglementation du travail sur l’emploi, en mettant l’accent sur l’Afrique, bien que les données pour l’Afrique subsaharienne n’existent que dans des analyses transnationales. D’après les données disponibles, la législation sur la protection du travail aurait un effet moins important sur l’emploi dans les pays à faible

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revenu de cette région qu’en Amérique latine. Cependant, les travaux examinés ont l’inconvénient de ne pas analyser directement les effets de la réglementation sur l’emploi informel.

La formalisation de l’emploi peut aussi être encouragée plus directement au moyen de subventions à l’embauche ou de réductions ciblées des prélèvements sur les salaires et des cotisations de sécurité sociale (Zenou, 2008). Toutefois, le ciblage doit être précis, et, pour cela, il faut disposer d’un volume considérable de données sur le marché du travail, qui ne sont pas forcément disponibles. Les subventions à l’embauche sont l’instrument le plus précis, mais elles risquent d’entraîner des pertes sèches et d’avoir d’importants effets de substitution. Les subventions salariales, en revanche, peuvent avoir un coût élevé si elles ne sont pas convenablement ciblées et elles risquent d’enfermer les travailleurs dans des emplois mal rémunérés sans aucune perspective de carrière. Cela dit, dans la mesure où les niveaux de productivité ne sont pas assez élevés – en particulier dans le cas des emplois peu qualifi és – pour créer une demande de main-d’œuvre suffi sante dans l’économie formelle, les deux types de subventions peuvent être un moyen très effi cace d’améliorer les chances de sortie de l’économie informelle. Les pouvoirs publics doivent cependant reconnaître que ces mesures, prises isolément, ne sont pas la panacée pour formaliser le marché du travail. Des mesures complémentaires doivent être prises en parallèle pour permettre le perfectionnement des travailleurs et l’augmentation rapide de la productivité individuelle, de façon que le passage au secteur formel soit durable.

2. Aider les travailleurs de l’économie informelle

Pour favoriser la formalisation du marché du travail, il faut aussi assurer aux travailleurs de l’économie informelle une protection et un soutien adéquats pour les aider à accéder aux crédits et aux ressources nécessaires pour effectuer une transition réussie. À cet égard, la ratifi cation de la Convention n°  81 de l’OIT («Convention sur l’inspection du travail») et la mise en place ultérieure d’un système d’inspection et d’administration du travail qui fonctionne bien sont indispensables (Bureau international du Travail, 2006). Dans le passé, les pays en développement ont eu du mal à mobiliser des ressources fi nancières suffi santes pour l’inspection du travail. Les pays qui manquent de ressources internes peuvent obtenir un fi nancement auprès des banques internationales de développement ou des donateurs. L’administration du travail doit en outre faire l’objet d’un audit régulier effectué par des organismes tripartites appropriés susceptibles d’aider les gouvernements à améliorer leurs politiques. Il est important surtout que le système d’inspection du travail soit bien conçu et dispose d’un vaste mandat qui couvre aussi l’économie informelle et qui lui

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donne les moyens de faire respecter la réglementation en vigueur. Comme dans le cas des stratégies de formalisation des entreprises, le respect effectif des règles peut nécessiter une période de transition ou un régime dual dans lequel les entreprises (du secteur formel) bénéfi cient d’un soutien pour formaliser progressivement leur main-d’œuvre ou absorber les travailleurs informels.

Comme on l’a vu au chapitre 2, l’emploi informel repose souvent sur des réseaux sociaux. Les initiatives prises pour formaliser l’emploi doivent donc cibler les structures de développement locales et prévoir des interventions au niveau microéconomique. Par exemple, les programmes visant à améliorer les établissements informels pourraient s’appuyer sur des initiatives privées au niveau communautaire; ils aideraient ainsi à améliorer les conditions de vie et de travail tout en renforçant les liens entre les autorités publiques et les communautés locales (Bureau international du Travail, 2007a). Ces initiatives locales aideraient aussi à améliorer le dialogue social entre les différents partenaires de développement, permettant ainsi de mettre en œuvre plus effi cacement les priorités locales pour soutenir l’économie informelle et augmenter les possibilités d’emploi formel. Les initiatives locales permettraient aussi d’améliorer le respect des règles dans d’autres domaines, tels que le paiement de l’impôt et le respect de la loi. Les services fournis par l’État seraient jugés utiles à la communauté, ce qui renforcerait la fonction de soutien des réseaux sociaux.

L’extension de la protection sociale à l’économie informelle peut aussi être un outil puissant pour réduire la pauvreté et améliorer les conditions de travail dans le segment inférieur du marché de l’emploi informel, mais aussi pour fi xer un salaire plancher empêchant les entreprises de profi ter de leur pouvoir de monopsone dans ce segment. Mais en général, les gouvernements se sont abstenus d’offrir une protection sociale, même très élémentaire, aux travailleurs informels, car cela pourrait peser lourdement sur les fi nances publiques, en particulier dans les pays où l’économie informelle est très importante (Unni et Rani, 2002). Les données disponibles montrent cependant qu’il est possible d’assurer un minimum social sans compromettre l’équilibre budgétaire. De fait, on estime que le coût d’un régime minimum d’assurance maladie, de retraite et de protection contre la pauvreté ne représente pas plus de 5 pour cent du PIB (Bureau international du Travail, 2008a). En outre, tout comme les initiatives à base communautaire, les mécanismes de protection sociale peuvent aussi s’appuyer sur les réseaux d’associations de travailleurs et d’établissements de microcrédit, comme la Self-Employed Women’s Association (SEWA) en Inde (Lund et Nicholson, 2006). Il est probablement beaucoup moins onéreux de soutenir fi nancièrement ces réseaux que de mettre en place une structure administrative entièrement nouvelle. Il se peut cependant que les organisations existantes soient fragiles, et de toute

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façon elles sont peu nombreuses, ce qui empêche de recourir plus largement à des approches à base communautaire (Kucera et Roncolato, 2008). Toutefois, si les gouvernements estiment que le soutien de ces associations procure des avantages, ils devraient adopter une stratégie plus globale dans le cadre de laquelle les systèmes de prestations privés soutenus par l’État pourraient créer de fortes incitations à adhérer et démultiplier l’effet de l’intervention publique en élargissant la protection à l’économie informelle.

En conclusion, une stratégie globale, qui facilite la sortie du secteur informel et aide ceux qui y restent, semble la stratégie la plus prometteuse pour réduire la pauvreté et encourager la formalisation, du moins à long terme. L’exemple des pays qui ont réussi à réduire l’incidence de l’emploi informel corrobore l’idée que ces approches peuvent être les plus bénéfi ques pour les pays en développement (voir l’encadré 7.3).

C. Politiques commerciales favorables à l’emploi

Ainsi qu’il a été dit au chapitre 3, la littérature n’aboutit pas à des conclusions claires concernant l’impact des réformes commerciales sur l’emploi informel. La théorie met en évidence plusieurs mécanismes par lesquels l’ouverture commerciale infl ue sur l’emploi dans le secteur informel. Elle identifi e aussi des facteurs qui peuvent infl uer sur la réaction de l’emploi et des salaires informels à l’ouverture du commerce. Le degré de segmentation des marchés de capitaux et les interactions entre le secteur formel et le secteur informel semblent jouer un rôle important. Quant aux études empiriques, elles montrent que le signe et l’ampleur de l’effet de l’ouverture commerciale sur les variables informelles dépendent pour une large part des circonstances propres à chaque pays. L’ouverture commerciale a augmenté l’informalité en Colombie, l’a réduite au Mexique et n’a pas eu d’effet mesurable sur elle au Brésil. Il apparaît aussi qu’en Colombie l’ouverture commerciale n’a augmenté l’emploi informel que pendant la période précédant l’assouplissement de la réglementation du travail. Nos propres estimations vont un pas plus loin, et permettent de faire une distinction entre l’effet de la réduction des obstacles au commerce (niveau des droits de douane et des autres obstacles) et l’effet de l’ouverture commerciale (mesuré par le ratio commerce/PIB). Elles montrent que, si les réductions tarifaires peuvent entraîner une augmentation de l’emploi informel, la croissance du commerce est généralement associée à un recul de l’emploi informel.

Ces résultats cadrent clairement avec l’idée générale selon laquelle, bien que l’ouverture commerciale génère des gains nets pour l’économie, celle-ci ne devient

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pas immédiatement plus prospère. À court terme, l’ouverture commerciale entraîne des ajustements qui correspondent à la réaffectation des ressources à des activités plus productives. L’ajustement est une condition sine qua non des gains d’effi cience liés au commerce, et il ne peut donc pas être évité. Les chapitres précédents ont examiné plusieurs mécanismes par lesquels l’ouverture commerciale peut entraîner une augmentation de l’emploi informel. Elle peut inciter les entreprises exposées à la concurrence des importations à recourir davantage à la main-d’œuvre informelle, en remplaçant les salariés formels par des travailleurs informels (c’est-à-dire en réduisant les prestations sociales et en recourant davantage au travail à temps partiel ou aux contrats de courte durée) ou en sous-traitant des activités au secteur informel. Les entreprises peuvent aussi licencier des employés, qui peuvent se retrouver dans le secteur informel s’ils ne parviennent pas à trouver un emploi formel approprié. Malheureusement, la littérature ne donne guère d’indications sur les mesures correctives à prendre pour atténuer les effets potentiellement négatifs de la mondialisation sur l’emploi (Bacchetta et Jansen, 2003; Goldberg et Pavcnik, 2007; Bureau international du Travail et Organisation mondiale du commerce, 2007). En fait, elle soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Il serait utile de bien comprendre les processus d’ajustement consécutifs à l’ouverture du commerce, car cela aiderait à formuler des politiques appropriées. Il est étonnant, cependant, que l’on sache si peu de choses sur les effets transitoires de la mondialisation sur l’emploi. Parmi les quelques conclusions communes identifi ées par Goldberg et Pavcnik (2007) dans leur examen des études sur l’ajustement aux réformes commerciales dans les pays en développement, il y en a une qui se distingue des autres: c’est l’absence de redistribution intersectorielle de la main-d’œuvre, qui pourrait être liée, du moins en partie, aux contraintes limitant la mobilité de la main-d’œuvre (voir aussi, à ce sujet, la section suivante).

Une autre conclusion est que les mécanismes particuliers par l’intermédiaire desquels la mondialisation infl ue sur les marchés du travail sont spécifi ques à chaque pays, à chaque période et à chaque cas. L’effet de l’ouverture commerciale doit être examiné à la lumière de l’effet des autres réformes en gardant à l’esprit que les détails de la mise en œuvre sont importants. Tout bien considéré, il faut poursuivre les recherches et recueillir davantage de données pour pouvoir faire un diagnostic et des recommandations pour chaque pays. Notre étude montre en particulier que l’on ne dispose de données sur l’économie informelle en quantités suffi santes pour permettre leur exploitation que pour un petit nombre de pays. D’autres aspects de l’informalité – notamment les mesures fondées sur la production plutôt que sur l’emploi et la différenciation de l’informalité en fonction des segments du secteur informel – doivent aussi faire l’objet de recherches supplémentaires pour nous

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permettre de mieux comprendre la dynamique du marché du travail dans les pays en développement.

Cela dit, la littérature énonce un certain nombre de principes généraux qui peuvent aider à élaborer des politiques commerciales entraînant des coûts d’ajustement minimes (Bacchetta et Jansen,  2003). L’un de ces principes est que l’ouverture progressive peut être la solution optimale, pour des raisons politiques et en présence de certaines distorsions du marché. Un autre principe est qu’il est important de veiller à la crédibilité des politiques commerciales. Les travailleurs et les entreprises ne s’adapteront à l’ouverture commerciale que s’ils sont convaincus du caractère irréversible de la libéralisation du commerce. Un troisième principe est que le développement des exportations est essentiel pour réduire les coûts d’ajustement associés aux réformes commerciales. Si les entreprises tournées vers l’exportation peuvent absorber la main-d’œuvre licenciée par les entreprises exposées à la concurrence des importations, les coûts d’ajustement seront plus faibles. Il n’est pas toujours possible de faire en sorte que les travailleurs licenciés retrouvent immédiatement un emploi mieux payé, mais, dans la mesure du possible, la création d’emplois ne devrait pas se faire au prix d’une détérioration des conditions de travail.

Eu égard à ce troisième principe, l’Initiative Aide pour le commerce a permis de mieux faire comprendre qu’il est nécessaire de soutenir les pays en développement, et en particulier les moins avancés d’entre eux, pour les aider à surmonter les obstacles qui les empêchent de diversifi er leurs exportations, d’accroître leurs échanges et de réduire la pauvreté. Ces pays font donc maintenant une place plus importante au commerce dans leurs stratégies de développement et les donateurs répondent en fournissant davantage de ressources pour le renforcement des capacités commerciales – que ce soit sur le plan des politiques, des institutions ou de l’infrastructure.

Plus généralement, les politiques commerciales devraient éviter autant que possible de fausser l’avantage comparatif en faveur des secteurs d’activité qui ne créent pas d’emplois ou qui créent surtout des emplois de mauvaise qualité. Les exemples de distorsion de ce genre abondent parmi les pays en développement. Pour des raisons d’économie politique, la protection dans les pays en développement favorise souvent l’investissement dans les secteurs des industries capitalistiques comme la construction navale, l’industrie chimique, la sidérurgie et d’autres secteurs ayant un faible potentiel de création d’emplois dans l’économie formelle. Par ailleurs, la création de ZFI autour d’industries particulières liées à l’extraction des ressources ne peut avoir qu’un faible potentiel de développement industriel et de création d’emplois. Les décideurs pourraient veiller à ce que ces instruments soient utilisés

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de manière neutre, c’est-à-dire en offrant des conditions d’investissement favorables indépendamment des secteurs dans lesquels les entreprises envisagent d’accroître leurs capacités.

Encadré 7.3 Réduction de la pauvreté au Brésil

Au cours de la décennie écoulée, le Brésil a fait des progrès sociaux considérables en réduisant les inégalités et l’informalité, tout en conservant un taux de croissance relativement élevé. Ces résultats positifs sont l’aboutissement d’une série de réformes commerciales et de réformes du marché du travail et des politiques sociales. L’emploi a été soutenu en particulier par les mesures suivantes:

La Banque brésilienne de développement: Sur la base d’un plan d’épargne salariale obligatoire, la Banque a pour objectif de fournir davantage de capitaux aux micro-entrepreneurs, qu’ils opèrent dans le secteur formel ou dans le secteur informel. Elle peut donc atteindre des objectifs macro-économiques sans entrer en concurrence avec le secteur privé pour le fi nancement, ce qui permet d’éviter les problèmes d’éviction.

Bolsa Familia: Ce système de transfert conditionnel en espèces destiné aux ménages pauvres est complété par des programmes visant à améliorer l’alphabétisation des adultes et à promouvoir l’emploi. Le système a été élargi avec succès pour faire face à la crise.

Réforme des retraites: Le système public de retraite par répartition est devenu plus équitable, à la fois sur le plan de l’accès aux prestations et du niveau des prestations. Cela a permis d’éponger son défi cit, tout en laissant une marge de manœuvre budgétaire pour lutter contre la pauvreté.

Retraites des travailleurs ruraux et des handicapés: Ce système de retraite du secteur informel aide les travailleurs, en particulier dans les régions rurales. Il a permis de freiner l’exode rural et, partant, l’affl ux de travailleurs sur le marché du travail informel urbain.

Source: Medici (2004); http://www.mds.gov.br/bolsafamilia/; http://inter.bndes.gov.br/english/

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Ces principes directeurs et, en particulier, l’attention accordée au développement des exportations, conjugués à des politiques de formalisation bien conçues, devraient en principe renforcer la relation négative entre l’ouverture commerciale et l’emploi informel. Au-delà de ces principes généraux, ni la littérature que nous avons examinée ni nos propres travaux empiriques ne nous éclairent vraiment sur la conception des politiques commerciales. C’est un domaine dans lequel il convient d’approfondir la recherche et l’élaboration des politiques.

D. Cohérence entre la politique commerciale et la politique du marché du travail

Les stratégies conçues dans le passé pour formaliser le marché du travail misaient souvent sur la croissance économique, qui devait contribuer, par effet de ruissellement, à la création d’emplois dans l’économie formelle pour absorber les travailleurs employés dans le secteur informel. Comme cela a été expliqué dans ce rapport, il est peut-être nécessaire maintenant de reconsidérer ces stratégies. Si la persistance d’un large secteur informel n’est pas seulement la conséquence d’une faible croissance, mais est aussi un obstacle à la croissance et au développement, il faudra s’attaquer à l’informalité en combinant des politiques de croissance et des politiques de formalisation.

Par ailleurs, la crise mondiale actuelle donne à penser que le schéma de mondialisation fondé sur une forte croissance de la demande intérieure dans certains pays clés pour l’économie mondiale s’estompera dans l’avenir. Les pays devront peut-être trouver des sources de croissance internes pour faire face au renforcement de la concurrence sur les marchés mondiaux, mais cela ne signifi e pas que le processus d’intégration commerciale doit être arrêté ou inversé. Au contraire, la spécialisation par le commerce en fonction de l’avantage comparatif et les fl ux internationaux de capitaux resteront un élément important des stratégies de croissance et de réduction de la pauvreté des pays. Il se peut cependant que, après la résorption des déséquilibres mondiaux, la croissance du commerce se stabilise à un niveau plus bas mais plus durable de sorte qu’il sera plus diffi cile pour les pays de sortir de la pauvreté par l’exportation. Les possibilités d’exportation et les avantages en découlant dépendront plus que jamais des compétences réelles et des avantages de coût qui permettent des courants d’échanges internationaux durables.

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1. Normes fondamentales du travail

À cet égard, et pour faire en sorte que la mondialisation soit plus équitable et favorise davantage l’inclusion sociale, la question de la promotion des normes du travail dans le cadre du commerce mondial en expansion est plus pertinente que jamais. Dans la Déclaration ministérielle de Singapour de 1996 (OMC, 1996), les Membres de l’OMC ont renouvelé leur engagement d’«observer les normes fondamentales du travail internationalement reconnues». Ils ont reconnu aussi que «[l’]Organisation internationale du Travail (OIT) est l’organe compétent pour établir ces normes et s’en occuper» et ils ont affi rmé «soutenir les activités qu’elle mène pour les promouvoir». Ils ont en outre réitéré leur conviction que «la croissance économique et le développement favorisés par une augmentation des échanges commerciaux et une libéralisation plus poussée du commerce contribuent à la promotion de ces normes». Dans cette déclaration, les Membres ont rejeté l’usage des normes du travail à des fi ns protectionnistes et ont déclaré leur intention de ne pas en imposer d’une manière qui remettrait en question «l’avantage comparatif des pays, en particulier des pays en développement à bas salaires». Il a été demandé aux Secrétariats de l’OMC et de l’OIT de continuer de collaborer comme ils l’avaient fait jusque-là. Dans l’exercice des fonctions qui lui étaient ainsi dévolues, l’OIT a adopté deux déclarations essentielles. En 1998, elle a adopté la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail (OIT, 1998), qui énonce les principes et droits au travail dont la garantie revêt une importance particulière pour le maintien du lien entre le progrès social et la croissance économique «en donnant aux intéressés eux-mêmes la possibilité de revendiquer librement et avec des chances égales leur juste participation aux richesses qu’ils ont contribué à créer, ainsi que de réaliser pleinement leur potentiel humain». Elle souligne que tous les membres, même s’ils n’ont pas ratifi é les conventions1 qui énoncent ces principes et ces droits, sont tenus de les respecter, de les promouvoir et de les réaliser de bonne foi. En 2008, l’OIT a précisé l’importance et les conséquences de ces droits dans la Déclaration sur la justice sociale (OIT, 2008) qui proclame, entre autres, que «la violation des principes et droits fondamentaux au travail ne saurait être invoquée ni utilisée en tant qu’avantage comparatif légitime et que les normes du travail ne sauraient servir à des fi ns commerciales protectionnistes».

Le BIT fait régulièrement rapport sur les engagements pris par les pays et leur fournit une assistance technique. En 2000, l’organe exécutif du BIT a aussi élargi le mandat du groupe de travail sur «la dimension sociale de la libéralisation du commerce international», qui est devenu le groupe de travail sur «la dimension sociale de la

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mondialisation». À la Conférence ministérielle de Doha en 2001, les Membres de l’OMC ont réaffi rmé l’engagement pris à Singapour au sujet des normes fondamentales du travail internationalement reconnues et ont pris note des travaux engagés par l’OIT sur la dimension sociale de la mondialisation. La question du commerce et des normes du travail est au cœur d’un débat intense entre économistes décideurs, institutions internationales et organisations non gouvernementales (Marceau, 2008; Stern et Terrell, 2003).

Certains accords commerciaux bilatéraux et régionaux ont intégré les normes du travail nationales et internationales sous la forme de clauses spécifi ques (Doumbia-Henry et Gravel, 2006; Polaski, 2004). Les États-Unis, en particulier, ont cherché activement à promouvoir les normes fondamentales du travail – liberté d’association, élimination du travail forcé, abolition effective du travail des enfants, élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession, entre autres. D’autres pays, comme le Canada et le Chili, ont inclus des dispositions analogues dans certains accords commerciaux ou, comme dans le cas du marché commun du MERCOSUR, les ont incluses dans le cadre politique global, sans les faire fi gurer expressément dans leurs accords commerciaux. À ce jour, toutefois, il n’existe aucune évaluation détaillée de l’effi cacité de ces dispositions pour protéger les normes du travail dans les pays en développement ou leurs effets sur l’économie informelle. Il n’y a pas non plus d’évaluation des effets négatifs possibles de ces clauses sur le commerce et l’intégration économique entre les parties à ces accords. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour savoir dans quelle mesure ces dispositions peuvent résister à un examen approfondi ou si d’autres instruments sont mieux à même de promouvoir le processus de formalisation.

2. Politiques actives du marché du travail et redistribution des emplois

Les politiques actives du marché du travail et les services d’emploi publics sont un deuxième domaine dans lequel il faut veiller à la cohérence des politiques commerciales et des politiques du marché du travail. Notre étude montre que l’économie formelle a beaucoup à gagner de la redistribution des emplois entre les secteurs d’activité en fonction de l’avantage comparatif du pays. Une politique active du marché du travail est donc cruciale pour permettre aux salariés licenciés de retrouver rapidement un emploi dans d’autres secteurs, au lieu de passer dans l’économie informelle. Cela suppose l’existence, dans tout le pays, d’un réseau dense de services publics de l’emploi (SPE) et d’un système développé d’échanges d’informations sur les offres

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d’emploi et l’évolution du marché du travail dans les différentes régions. Les SPE doivent aussi être dotés de personnel en nombre suffi sant pour pouvoir suivre convenablement les demandeurs d’emploi, fournir régulièrement des avis, identifi er les emplois vacants correspondant aux qualifi cations des demandeurs d’emploi et déterminer les besoins de formation, le cas échéant.

Dans les pays en développement, le défi particulier pour les SPE, outre les contraintes fi nancières auxquelles font face bon nombre de ces pays, est qu’ils doivent aussi atteindre les demandeurs d’emploi non enregistrés qui se trouvent dans l’économie informelle. Il est essentiel pour cela de faciliter l’accès à ces services en allégeant les formalités administratives. Il faut donc veiller à ce que leurs bureaux locaux ne soient pas trop éloignés, que l’accès à leurs services se fasse sans discrimination (indépendamment du statut et du type d’emploi actuel ) et que les heures d’ouverture soient compatibles avec les heures de travail dans l’économie informelle et il faut prévoir, le cas échéant, des interventions proactives dans l’économie informelle, éventuellement en partenariat avec la société civile et les organisations non gouvernementales. Il est tout aussi important d’inciter les SPE à utiliser au mieux leur connaissance de la situation du marché du travail régional et local et d’encourager les chômeurs et les travailleurs informels à trouver un emploi dans l’économie formelle. Dans ce domaine, l’expérience acquise ces dernières années dans les pays qui ont depuis longtemps des SPE, comme les Pays-Bas et le Danemark, peut être mise à profi t pour établir un système compatible avec les incitations dans les pays en développement (Carcillo et Grubb, 2006).

Il faut cependant reconnaître que, même si ces politiques sont mises en œuvre rapidement, il faut du temps pour qu’elles donnent des résultats substantiels et elles devront être ajustées, au fi l du temps, en fonction des spécifi cités du marché du travail de chaque pays. Il est donc indispensable que les autorités s’engagent à long terme à mener de telles politiques, de façon à ce que les SPE locaux puissent adapter leurs instruments d’activation en fonction des besoins, et pour permettre l’enracinement des processus de formalisation.

3. Coordination de la politique commerciale et de la politique du marché du travail

Enfi n, la nature complémentaire de la politique commerciale et de la politique du marché du travail pose un problème particulier aux décideurs qui doivent mettre en œuvre simultanément les réformes dans ces deux domaines. À l’évidence,

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l’ouverture du compte courant sans renforcer l’offre empêchera les pays de profi ter rapidement des avantages à long terme de l’ouverture commerciale. En particulier, il faudrait supprimer les lois et les restrictions qui entravent la redistribution des emplois et des capitaux entre les secteurs et entre l’économie formelle et l’économie informelle. L’application de politiques qui améliorent le fonctionnement du marché du travail et facilitent la redistribution des ressources entre les différents segments et les différentes zones géographiques peut encourager la création d’emplois dans l’économie formelle, indépendamment de toute réforme commerciale. Cela est particulièrement important pour les pays qui affi chent déjà un excédent courant et dont l’épargne intérieure ne trouve pas suffi samment de possibilités d’investissement sur le territoire national.

Il y a donc de bonnes raisons de coordonner, d’une part, la politique de l’emploi et la politique de formalisation, et, d’autre part, la politique commerciale. Non seulement la mauvaise coordination des réformes entrave l’intégration des pays dans l’économie mondiale, mais elle risque d’aggraver leur situation, en augmentant l’incidence de l’informalité et en rendant l’emploi plus vulnérable, ce qui assombrirait encore leurs perspectives économiques. Cependant, en imposant la formalisation de l’économie avant d’engager des réformes commerciales, on risque d’ajourner sine die – ou du moins pour longtemps – les mesures nécessaires. Dans les pays où le taux d’informalité est élevé, il peut s’écouler plusieurs décennies avant que l’économie formelle ne représente une part substantielle de l’économie. Il faut réformer le marché du travail de manière à garantir une réaction suffi samment forte de l’offre dans l’économie formelle, sans que l’on observe pour autant des taux de formalité nettement plus élevés avant l’ouverture commerciale.

Au niveau des institutions qui élaborent les politiques, les questions relatives à l’échelonnement des réformes supposent une étroite collaboration entre les Ministères du travail et du commerce. Il faut partager les connaissances techniques pour déterminer dans quelle mesure les problèmes d’offre sont contraignants et quel rythme d’ouverture du marché est compatible avec une redistribution réussie de la main-d’œuvre. Parallèlement, il faut inscrire les réformes dans un programme politique clair afi n de permettre aux Ministères du travail de prendre les mesures appropriées et de faire en sorte que les décideurs locaux et régionaux soutiennent leurs programmes. Ces programmes de réforme commerciale peuvent être utilisés pour fi xer un calendrier contraignant pour les réformes du marché du travail qui doivent être mises en œuvre avant de renforcer l’offre. Ces mécanismes d’économie politique ont été employés avec succès dans le passé dans les économies avancées pour promouvoir l’assouplissement du marché du travail (Nicoletti et Scarpetta, 2005).

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Mais bien souvent, cela exige une interaction étroite entre les différents ministères et les décideurs aux différents niveaux, ce qui peut être diffi cile à réaliser dans des pays qui ont peu d’expérience dans ce domaine. Des organisations internationales comme l’OMC et l’OIT ont donc manifestement un rôle à jouer pour aider les pays à opérer des réformes de grande ampleur et assurer une transition réussie vers une économie compétitive, fondée sur des conditions de travail décentes.

Encadré 7.4 Questions non résolues

L’étude examine l’infl uence du commerce sur l’évolution du marché du travail informel. Elle analyse l’état actuel de l’intelligence économique dans ce domaine et présente de nouvelles données empiriques, mais elle met aussi en relief plusieurs questions non résolues qui devraient faire l’objet de recherches futures, peut-être sous la forme d’études approfondies par pays..

Quel est le lien entre les différents segments de l’économie informelle et quel est leur lien avec l’économie formelle? Comment l’ouverture commerciale infl ue-t-elle sur les probabilités de transition des travailleurs entre ces segments, y compris sur les probabilités de chômage? Comment les processus d’ajustement se déroulent-ils dans l’économie informelle? Quels sont les délais nécessaires pour un ajustement réussi?

Comment les politiques internes infl uent-elles sur le processus d’ajustement après les réformes commerciales? En particulier, comment les pays devraient-ils adapter la gamme des politiques concernant la fi scalité du capital et des revenus, les institutions du marché du travail et la protection sociale, la réforme des marchés de produits et les systèmes de gouvernance, pour relever les défi s découlant de l’ouverture commerciale? Comment la situation initiale du pays détermine-t-elle la combinaison optimale de ces politiques?

Comment promouvoir les complémentarités entre les réformes commerciales et les politiques du marché du travail? Existe-t-il une trajectoire de réforme optimale qui permette de tirer parti de ces complémentarités? Comment concevoir les réformes commerciales pour qu’elles aillent dans le sens des mesures prises par les décideurs pour formaliser l’économie et renforcer la capacité de production de l’économie informelle?

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Notes

1 Conventions de l’OIT n° 11, 29, 87, 98, 100, 105, 138 et 182.

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183ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES

Annexe I. Description des données

A. Mesures concernant le secteur informel

Pays Période Source Défi nition Portée

AMÉRIQUE LATINE

Argentine 1996-2006

Roca et al. (2006) Défi nition harmonisée de l’emploi non enregistré

GrandBuenosAires

Bolivie 1990-1997

Indicateurs clés de la base de données sur le marché du travail.Base de données régionale de l’OIT pour l’Amérique latine et les Caraïbes

Toute personne travaillant à son compte (à l’exception des travailleurs intellectuels et des techniciens) et tout travailleur familial non rémunéré, ainsi que les employeurs et employés travaillant dans des établissements employant moins de dix personnes, en fonction des renseignements disponibles.

Nationale

Brésil 1992-2006

Rani (2008), calculs effectués sur la base de données traitées par le SIAL (Système d’information des marchés du travail) de l’OIT à Panama

Le secteur informel comprend les entreprises de moins de cinq personnes, les entrepreneurs, les personnes travaillant à leur compte et les travailleurs indépendants (à l’exception des travailleurs intellectuels, des cadres et des techniciens), les travailleurs familiaux (non rémunérés) et les travailleurs domestiques.

Nationale

Chili 1990-2006

Rani (2008), calculs effectués sur la base de données traitées par le SIAL (Système d’information des marchés du travail) de l’OIT à Panama

Le secteur informel comprend les entreprises de moins de cinq personnes, les entrepreneurs, les personnes travaillant à leur compte et les travailleurs indépendants (à l’exception des travailleurs intellectuels, des cadres et des techniciens), les travailleurs familiaux (non rémunérés) et les travailleurs domestiques.

Nationale

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184 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Pays Période Source Défi nition Portée

Colombie 1992-2004

Bustamante (2006) Travailleurs employés dans de petites entreprises de moins de dix personnes, travailleurs familiaux non rémunérés, employés de maison, travailleurs indépendants à l’exception des travailleurs intellectuels.

Sept grandes villes

Costa Rica 1990-2006

Rani (2008), calculs effectués sur la base de données traitées par le SIAL (Système d’information et d’analyse des marchés du travail) de l’OIT à Panama

Le secteur informel comprend les entreprises de moins de cinq personnes, les entrepreneurs, les personnes travaillant à leur compte et les travailleurs indépendants (à l’exception des travailleurs intellectuels, des cadres et des techniciens), les travailleurs familiaux (non rémunérés) et les travailleurs domestiques.

Nationale

Équateur 1994-2006

Rani (2008), calculs effectués sur la base de données traitées par le SIAL (Système d’information des marchés du travail) de l’OIT à Panama

Le secteur informel comprend les entreprises de moins de cinq personnes, les entrepreneurs, les personnes travaillant à leur compte et les travailleurs indépendants (à l’exception des travailleurs intellectuels, des cadres et des techniciens), les travailleurs familiaux (non rémunérés) et les travailleurs domestiques.

Villes

Honduras 1990-2006

Rani (2008), calculs effectués sur la base de données traitées par le SIAL (Système d’information des marchés du travail) de l’OIT à Panama

Le secteur informel comprend les entreprises de moins de cinq personnes, les entrepreneurs, les personnes travaillant à leur compte et les travailleurs indépendants (à l’exception des travailleurs intellectuels, des cadres et des techniciens), les travailleurs familiaux (non rémunérés) et les travailleurs domestiques.

Nationale

Mexique 1995-2006

Rani (2008), calculs effectués sur la base de données traitées par le SIAL (Système d’information des marchés du travail) de l’OIT à Panama

Le secteur informel comprend les entreprises de moins de cinq personnes, les entrepreneurs, les personnes travaillant à leur compte et les travailleurs indépendants (à l’exception des travailleurs intellectuels, des cadres et des techniciens), les travailleurs familiaux (non rémunérés) et les travailleurs domestiques.

Nationale

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185ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES

Pays Période Source Défi nition Portée

Panama 1991-2006

Rani (2008), calculs effectués sur la base de données traitées par le SIAL (Système d’information des marchés du travail) de l’OIT à Panama

Le secteur informel comprend les entreprises de moins de cinq personnes, les entrepreneurs, les personnes travaillant à leur compte et les travailleurs indépendants (à l’exception des travailleurs intellectuels, des cadres et des techniciens), les travailleurs familiaux (non rémunérés) et les travailleurs domestiques.

Nationale

Paraguay 1995-2006

Rani (2008), calculs effectués sur la base de données traitées par le SIAL (Système d’information des marchés du travail) de l’OIT à Panama

Le secteur informel comprend les entreprises de moins de cinq personnes, les entrepreneurs, les personnes travaillant à leur compte et les travailleurs indépendants (à l’exception des travailleurs intellectuels, des cadres et des techniciens), les travailleurs familiaux (non rémunérés) et les travailleurs domestiques.

Nationale

République dominicaine

2000-2003

Indicateurs clefs de la base de données sur le marché du travail.Base de données régionale de l’OIT pour l’Amérique latine et les Caraïbes

Toute personne travaillant à son compte (à l’exception des travailleurs intellectuels et des techniciens) et tout travailleur familial non rémunéré, ainsi que les employeurs et employés travaillant dans des établissements employant moins de cinq ou dix personnes, en fonction des renseignements disponibles.

Nationale

Uruguay 1996-2005

Rani (2008), calculs effectués sur la base de données traitées par le SIAL (Système d’information des marchés du travail) de l’OIT à Panama

Le secteur informel comprend les entreprises de moins de cinq personnes, les entrepreneurs, les personnes travaillant à leur compte et les travailleurs indépendants (à l’exception des travailleurs intellectuels, des cadres et des techniciens), les travailleurs familiaux (non rémunérés) et les travailleurs domestiques.

Nationale

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186 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Pays Période Source Défi nition Portée

Venezuela 1994-2006

Rani (2008), calculs effectués sur la base de données traitées par le SIAL (Système d’information des marchés du travail) de l’OIT à Panama

Le secteur informel comprend les entreprises de moins de cinq personnes, les entrepreneurs, les personnes travaillant à leur compte et les travailleurs indépendants (à l’exception des travailleurs intellectuels, des cadres et des techniciens), les travailleurs familiaux (non rémunérés) et les travailleurs domestiques.

Nationale

ASIE

Chine 1990, 2003

Ghose et al. (2008) L’emploi informel est défi ni comme étant la différence entre le nombre d’emplois formels et le nombre d’actifs.L’emploi formel comprend l’emploi dans les entreprises d’État, dans les entreprises collectives et dans les grandes entreprises privées.

Nationale

Inde 1993-1994, 1999-2000, 2003-2004

Rani (2008) Le secteur informel comprend les entreprises de moins de cinq personnes, les entrepreneurs, les personnes travaillant à leur compte et les travailleurs indépendants (à l’exception des travailleurs intellectuels, des cadres et des techniciens), les travailleurs familiaux (non rémunérés) et les travailleurs domestiques.

Nationale

Indonésie 1990-2003

Enquête Sakernas, cité par Sugiyarto et al., 2006

L’enquête nationale sur la population active en Indonésie (Sakernas) classe les travailleurs dans les catégories suivantes: employeurs, employés, travailleurs indépendants et travailleurs familiaux non rémunérés.En Indonésie, le travailleurs informels sont défi nis comme étant les travailleurs indépendants et les travailleurs familiaux non rémunérés.

Villes

Pakistan 1992, 1997, 2000

Indicateurs clés de la base de données sur le marché du travail.

Ménages travaillant dans des entreprises non constituées en société appartenant à des personnes travaillant à leur compte; ménages travaillant dans des entreprises de moins de dix personnes non constituées en société, appartenant à des employeurs.

Villes

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187ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES

Pays Période Source Défi nition Portée

Sri Lanka 1990-2003

Ghose et al. (2008) L’emploi dans le secteur formel correspond à la somme de l’emploi salarié dans le secteur public et de l’emploi salarié dans les établissements privés employant au moins dix salariés. L’emploi informel correspond à la différence.

Nationale

Thaïlande 1994, 2001

Rani (2008) L’emploi informel correspond à la différence par rapport à l’emploi formel.Emploi formel: entreprises employant plus de cinq personnes et administration publique.

Nationale

AFRIQUE

Afrique du Sud

1997-2006

Essop et Yu (2008) Enquête d’octobre auprès des ménages, effectuée par le SSA chaque année entre 1994 et 1999, pour recenser les entreprises non enregistrées n’ayant pas de numéro de TVA.Mise en garde concernant l’enquête d’octobre 1995: il n’a pas été demandé aux personnes interrogées si leurs employeurs étaient enregistrés, de sorte qu’il y a eu une sous-estimation du secteur informel cette année-là.À partir de 1999, la préférence a été donnée à l’autodéclaration plutôt qu’à l’enregistrement à la TVA comme caractéristique déterminante, c’est-à-dire qu’il était expressément demandé aux personnes interrogées si elles se considéraient comme des travailleurs du secteur informel.

Nationale

Botswana 1994, 2001

Rani (2008) L’emploi informel est défi ni comme étant la différence entre le nombre d’emplois formels et le nombre d’actifs.Emploi formel: entreprises employant plus de 15 personnes et administration publique.

Nationale

Cameroun 1993-2005

Enquête sur l’emploi informel au Cameroun (EESI)Institut National de la Statistique

L’informalité est mesurée sur la base des unités de production non enregistrées et de celles qui ne tiennent pas de comptabilité formelle.

Nationale

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188 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Pays Période Source Défi nition Portée

Égypte 1988, 1998, 2006

El Mahdi et Rashed (2007)

Travailleurs salariés non agricoles du secteur privé en pourcentage des travailleurs salariés non agricoles

Nationale

Éthiopie 2000, 2003-2005

Bulletin statistique de l’Agence centrale de statistique

Nombre de réponses aux questions suivantes: a) emploie dix travailleurs ou plus; b) tient une comptabilité indiquant le revenu mensuel et le bilan; et c) est titulaire d’une licence.

Certains centres urbains

Ghana 1998 Bulletin d’enquête normalisé fondé sur les enquêtes menées par les offi ces nationaux de la statistique des pays africains. Banque mondiale, région Afrique

Emploi dans le secteur informel: personnes travaillant à leur compte, travailleurs familiaux non rémunérés travaillant au moins sept heures par jour, et employeurs et employés de petits établissements (moins de cinq personnes)

Nationale

Kenya 1997 Bulletin d’enquête normalisé fondé sur les enquêtes menées par les offi ces nationaux de la statistique des pays africains. Banque mondiale, région Afrique

Emploi dans le secteur informel: personnes travaillant à leur compte, travailleurs familiaux non rémunérés travaillant au moins sept heures par jour, et employeurs et employés des petits établissements (moins de cinq personnes)

Nationale

Malawi 1998 Bulletin d’enquête normalisé fondé sur les enquêtes menées par les offi ces nationaux de la statistique des pays africains. Banque mondiale, région Afrique

Emploi dans le secteur informel: personnes travaillant à leur compte, travailleurs familiaux non rémunérés travaillant au moins sept heures par jour, et employeurs et employés de petits établissements (moins de cinq personnes)

Nationale

Tanzanie 1990, 1995

Indicateurs clés de la base de données sur le marché du travail

Emploi dans des entreprises de moins de cinq personnes

Villes

Zambie 1998 Bulletin d’enquête normalisé fondé sur les enquêtes menées par les offi ces nationaux de la statistique des pays africains. Banque mondiale, région Afrique

Emploi dans le secteur informel: personnes travaillant à leur compte, travailleurs familiaux non rémunérés travaillant au moins sept heures par jour, et employeurs et employés de petits établissements (moins de cinq personnes)

Nationale

Zimbabwe 1990, 2002

Rani (2008) L’emploi informel est défi ni comme étant la différence par rapport à l’emploi formel.Emploi formel: entreprises employant plus de cinq personnes et administration publique.

Nationale

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189ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES

B. Indicateurs économiques et sociaux utilisés dans l’analyse empirique

Le tableau ci-après indique les variables utilisées dans l’analyse empirique du chapitre 6 et dans l’annexe 2 qui suit, avec leur défi nition et leur source.

Variable Défi nition Source

PIB par habitant (niveau)

Produit intérieur brut par habitant en prix constants de 2000, en dollars EU

Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde (2009)

Croissance du PIB Taux de croissance annuel du PIB réel Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde (2009)

Croissance démographique

Taux de variation annuelle de la population

Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde (2009)

Population en âge de travailler

Population en âge de travailler (15 à 64 ans) en pourcentage de la population totale

Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde (2009)

Diversifi cation des échanges

Indice de diversifi cation des exportations et des importations des pays et groupes de pays

CNUCED, 2009

Concentration des échanges

Indice de concentration des exportations et des importations des pays et groupes de pays

CNUCED, 2009

Part de la production de produits manufacturière faisant l’objet d’échanges

Somme des exportations et des importations de produits manufacturés en pourcentage du PIB

Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde (2009)

Ouverture commerciale

Somme des exportations et des importations en pourcentage du PIB

Fonds monétaire international, Perspectives de l’économie mondiale, 2007, chapitre 4

Indice de mondialisation du KOF

Indice (0-100) correspondant à la moyenne pondérée des indicateurs relatifs aux «fl ux économiques», aux «restrictions au commerce», aux «contacts personnels» et aux «fl ux d’information»

Dreher et al. (2008)

Flux économiques Indice (0-100) correspondant à la moyenne pondérée des échanges, des investissements étrangers directs, des investissements de portefeuille et des paiements au titre du revenu des ressortissants étrangers

Dreher et al. (2008)

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190 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Variable Défi nition Source

Droits de douane pondérés par les échanges

Moyenne du taux de droit effectif (recettes tarifaires rapportées à la valeur des importations) et des taux de droits moyens non pondérés

Fonds monétaire international, Perspectives de l’économie mondiale, 2007, chapitre 4

Taux de la nation la plus favorisée (NPF)

Droit NPF moyen appliqué CAMAD, 2009

Taux de la nation la plus favorisée (produits manufacturés)

Droit NPF moyen appliqué (produits manufacturés)

CAMAD, 2009

Restrictions commerciales

Indice (0-100) correspondant à la moyenne pondérée des obstacles dissimulés à l’importation, du taux de droit moyen, des taxes sur le commerce international et des restrictions aux opérations en capital. L’indice va du plus restrictif au moins restrictif.

Dreher et al. (2008)

Réformes commerciales

Variation annuelle en pourcentage de l’indice des restrictions au commerce

Calculs des auteurs sur la base de Dreher et al. (2008)

Recettes provenant des taxes sur le commerce

Indice calculé sur la base du montant des taxes sur le commerce international en pourcentage des exportations et des importations. La formule utilisée pour calculer cet indice est: (Vmax − Vi) / (Vmax − Vmin) multiplié par 10. Vi représente les recettes provenant des taxes sur le commerce international en pourcentage des échanges commerciaux. Les valeurs de Vmin et de Vmax sont fi xées, respectivement, à zéro et 15%.

Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

Taxes à l’exportation Indice calculé sur la base du montant des taxes sur le commerce international en pourcentage des exportations et des importations. La formule utilisée pour calculer cet indice est: (Vmax − Vi) / (Vmax

− Vmin) multiplié par 10. Vi représente les recettes provenant des taxes sur le commerce international en pourcentage des échanges commerciaux. Les valeurs de Vmin et de Vmax sont fi xées, respectivement, à zéro et 15%.

Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

Engagement d’investissement étranger direct

Apports d’investissements étrangers directs en pourcentage du PIB

Fonds monétaire international, Perspectives de l’économie mondiale, 2007, chapitre 4

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191ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES

Variable Défi nition Source

Contacts personnels Indice (0-100) correspondant à la moyenne pondérée des indicateurs relatifs aux «appels téléphoniques sortants», aux «transferts (en pourcentage du PIB)», au «tourisme international», à la «population étrangère (en pourcentage de la population totale)» et aux «envois de courrier internationaux (par habitant)»

Dreher et al. (2008)

Flux d’information Indice (0-100) correspondant à la moyenne pondérée des indicateurs relatifs aux «hôtes Internet (pour 1 000 habitants)», aux «utilisateurs d’Internet (pour 1 000 habitants)», à la «télévision par câble (pour 1 000 habitants)», aux «ventes de journaux (en pourcentage du PIB)» et aux «récepteurs de radio (pour 1 000 habitants)»

Dreher et al. (2008)

Distance géographique

Distance géographique entre un pays et ses partenaires commerciaux, pondérée par les échanges

Fonds monétaire international, Perspectives de l’économie mondiale, 2007, chapitre 4

Dépenses publiques Indice calculé sur la base des dépenses de consommation des administrations publiques en pourcentage de la consommation totale. La formule de calcul utilisée pour cet indice est: (Vmax − Vi) / (Vmax − Vmin) multiplié par 10. Vi représente la consommation effective des administrations publiques du pays en pourcentage de la consommation totale. Les valeurs de Vmax et de Vmin sont fi xées, respectivement, à 40 et 6.

Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

Taux d’imposition marginaux maximum

Indice calculé sur la base des taux marginaux d’imposition des revenus de la tranche supérieure. Le chiffre est plus élevé pour les pays ayant des taux marginaux d’imposition plus élevés prenant effet à des seuils de revenu plus bas.

Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

Recettes fi scales Indice calculé sur la base des recettes fi scales totales de l’État en pourcentage du PIB

Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

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192 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Variable Défi nition Source

Transferts et subventions

Indice calculé sur la base des transferts et subventions des administrations publiques en pourcentage du PIB. La formule de calcul utilisée est: (Vmax − Vi) / (Vmax − Vmin) multiplié par 10. Vi représente le ratio des transferts et subventions au PIB. Les valeurs de Vmax et de Vmin sont fi xées, respectivement, à 37,2 et 0,5.

Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

Primauté du droit Indice (allant de - 2,5 à + 2,5) des perceptions de la confi ance des agents dans les règles sociales et du respect de ces règles, et en particulier des perceptions de la qualité de l’exécution des contrats, des droits de propriété, de la police et des tribunaux, ainsi que de la probabilité de la criminalité et de la violence.

Kaufmann et al. (2009)

Corruption Indice (allant de - 2,5 à + 2,5) des perceptions de la mesure dans laquelle la puissance publique est exercée pour obtenir un gain privé, y compris les formes mineures et majeures de corruption, ainsi que de la captation de l’État par des intérêts privés.

Kaufmann et al. (2009)

Responsabilité de l’État

Indice (allant de - 2,5 à + 2,5) des perceptions de la participation des citoyens au choix de leur gouvernement, ainsi que de la liberté d’expression, de la liberté d’association et de la liberté des médias.

Kaufmann et al. (2009)

Coût de la création d’entreprises

Indice calculé sur la base du temps et de l’argent nécessaires pour créer une société à responsabilité limitée. Plus il faut de temps et d’argent, plus la notation du pays est basse.

Banque mondiale, Doing Business et Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

Réglementation des marchés de produits

Indice calculé sur la base d’une moyenne (non pondérée) des sous-indices relatifs au «coût de la création d’entreprises», au «contrôle des prix» et au «fardeau administratif «

Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

Contrôle des prix Indice calculé en fonction de l’existence d’un contrôle des prix ou d’un offi ce de commercialisation dans les différents secteurs.

Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

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193ANNEXE I. DESCRIPTION DES DONNÉES

Variable Défi nition Source

Fardeau administratif

Indice calculé sur la base des réponses à la question ci-après du Rapport sur la compétitivité mondiale: «Le respect des prescriptions administratives (permis, règlements, déclarations) édictés par le gouvernement de votre pays est-il (1 = contraignant, 7 = non contraignant)»

Forum économique mondial, Global Competitiveness Report et Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

Salaire minimum Indice calculé sur la base du ratio du salaire minimum obligatoire à la valeur ajoutée moyenne par travailleur. Plus ce ratio est élevé, plus la notation du pays est basse. La formule utilisée pour calculer la note de zéro à 10 est: (Vmax − Vi) / (Vmax − Vmin) multiplié par 10. Vi représente le ratio entre le salaire minimum et la valeur ajoutée moyenne par travailleur. Les valeurs de Vmax et de Vmin sont fi xées, respectivement, à 79% (écart-type de 1,5 au-dessus de la moyenne) et zéro.

Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

Centralisation des négociations salariales

Indice calculé sur la base des réponses à la question ci-après du Rapport sur la compétitivité mondiale: «Dans votre pays, les salaires sont-ils fi xés dans le cadre d’un processus de négociation centralisé (= 1) ou par chaque entreprise (= 7)?»

Forum économique mondial, Global Competitiveness Report et Fraser Institute, Economic Freedom of the World (2008)

Niveau d’instruction Pourcentage de la population totale (15 ans et plus) ayant effectué des études secondaires

Barro et Lee (2000); extrapolation après 2000.

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195ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE

Annexe II. Détails techniques de l’analyse empirique

Cette annexe technique donne des précisions sur l’analyse empirique présentée dans le chapitre  6. Elle traite en particulier de la méthode employée pour produire les différents graphiques; elle décrit les variables, présente les résultats détaillés des régressions qui sous-tendent les graphiques 6.1 à 6.3 et effectue plusieurs tests de robustesse.

A. Considérations méthodologiques

L’analyse empirique présentée dans cette étude, qui est fondée sur des données de panel utilise simultanément les variations des taux d’informalité entre les pays et à l’intérieur des pays. Compte tenu du fait que nos données portent sur une période relativement courte (16 ans au plus), une analyse individuelle n’aurait été possible que pour un tout petit nombre de pays. Par ailleurs, les différences de défi nition de l’informalité entre les pays ne permettent pas d’agréger les données. En utilisant des estimateurs des données de panel, nous supposons que les variations temporelles des taux d’informalité à l’intérieur des pays ne sont pas affectées par le type de défi nition retenu. Toutes les spécifi cations comportent des effets fi xes par pays, et pour certaines d’entre elles, des variables temporelles fi ctives ont été introduites. La spécifi cation générale des équations estimées est la suivante:

itititiit ZXY εγβα +++=

où eit est i.i.d. Dans les équations où Yit représente l’incidence de l’emploi informel, on a utilisé à la fois le taux d’emploi informel par rapport à l’emploi total et le taux obtenu après transformation logit (non décrits ici). Les variables explicatives sont divisées en variables d’intérêt pour l’étude Xit, variables de contrôle Z it et effets fi xes par pays αi. Il faut noter que ces dernières variables tiennent compte de toute différence de niveau entre pays liée aux différences de défi nition de l’emploi informel.

Étant donné le caractère très persistant des taux d’informalité à l’intérieur des pays – confi rmé par divers tests d’autocorrélation (panel) de nos données (non décrits ici) – les estimateurs des moindres carrés types ne peuvent pas être appliqués car ils donneraient des résultats biaisés et/ou exagérément optimistes. Pour éliminer l’effet d’autocorrélation, nous avons pris comme estimateur des moindres carrés

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196 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

généralisés, ce qui permet de corriger aussi l’effet d’hétéroscédasticité et – en fonction de la spécifi cation du modèle – l’effet d’autocorrélation pour l’ensemble de l’échantillon ou par panel. Selon la spécifi cation utilisée, nous avons utilisé aussi des estimateurs de Prais-Winston corrigés par les données de panel. En général, le choix entre les uns et les autres a été fondé sur le nombre d’observations et sur la qualité de l’ajustement.

Bon nombre des variables explicatives souffrent d’une variabilité temporelle limitée, compte tenu en particulier de la période relativement courte qui est considérée. En règle générale, les variables de politique, comme la réglementation du marché du travail ou des marchés de produits, mais aussi certains indicateurs de réforme commerciale qui restreignent considérablement l’échantillon en raison de leur disponibilité limitée font apparaître très peu de variations à l’intérieur des panels par rapport aux variations entre panels. Dans une régression en panel standard éliminant les effets fi xes, il peut devenir impossible de distinguer ces variables des effets spécifi ques par pays. C’est pourquoi, dans une autre spécifi cation, nous corrigeons aussi l’effet de la faible variabilité temporelle en appliquant une décomposition vectorielle des effets fi xes par pays (Plümper et Tröger, 2007).

B. Résultats détaillés de la régression

Les tableaux A2.1 à A2.3 présentent les principaux résultats de régression qui sous-tendent l’analyse fi gurant au chapitre 6. Le tableau A2.1 présente les déterminants économiques de l’emploi informel. Une première série de résultats indique leurs contributions individuelles, en corrigeant l’effet du niveau de développement économique et – en fonction de la spécifi cation – de la taille (relative) de la population en âge de travailler. Les équations 16 à 18 donnent des spécifi cations plus complètes et analysent le degré de colinéarité des différents déterminants. L’équation 18 est la spécifi cation utilisée pour le graphique 6.1.

Comme l’indique le tableau A2.1, tous les facteurs analysés entrent dans les différentes spécifi cations de manière statistiquement signifi cative et avec le signe attendu. L’inclusion simultanée de différents facteurs ne modifi e ni le signe ni la taille du coeffi cient. En particulier, l’ouverture commerciale et l’indicateur concernant les réformes commerciales entrent simultanément et de manière signifi cative dans les équations 16 à 18, ce qui indique que les deux mesures interviennent peut-être à des moments différents pour ce qui est de l’incidence de l’emploi informel. On peut supposer, en particulier, que la corrélation négative entre l’ouverture commerciale et l’emploi informel représente une relation à long terme tandis que la corrélation

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197ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE

positive entre les réformes commerciales et l’emploi informel (c’est-à-dire la corrélation négative entre les restrictions commerciales et l’incidence de l’informalité dans le tableau A2.1) représente une relation à court terme. Cette distinction peut être justifi ée en partie par le fait que, dans notre échantillon de pays, la mesure de l’ouverture commerciale varie davantage entre les pays qu’au fi l du temps à l’intérieur des pays, tandis que le contraire est vrai pour l’indicateur concernant les réformes/les restrictions commerciales. Pour tenir compte de la possibilité d’un biais d’endogénéité entre l’ouverture commerciale et l’informalité, les équations 2), 9) et 18) affi chent aussi des spécifi cations comportant l’indicateur retardé de l’ouverture commerciale, ce qui aboutit à des résultats qui ne sont pas sensiblement différents de ceux des autres spécifi cations.

Le tableau A2.2 approfondit l’analyse empirique en intégrant dans l’équation de régression divers déterminants liés aux politiques. En particulier, l’activité des pouvoirs publics en matière de fi scalité et de réglementation est prise en compte dans les spécifi cations suivantes. Les équations 16 à 19 affi chent des spécifi cations plus élaborées, l’équation 19 étant utilisée pour le graphique 6.2. Là encore, une distinction est faite entre les mesures contemporaines et les mesures retardées de l’ouverture commerciale, ainsi qu’entre les restrictions au commerce et les réformes commerciales (variation annuelle des mesures des restrictions au commerce). Dans l’ensemble, les différentes spécifi cations donnent une image cohérente même si l’on considère des mesures différentes pour des types analogues d’interventions des pouvoirs publics (par exemple, les quatre indicateurs relatifs au «coût de la création d’entreprises», à la «réglementation des marchés de produits», au «contrôle des prix» et au «fardeau administratif»).

Pour tester l’effet de l’informalité sur les différents indicateurs de résultats économiques et sociaux, le tableau A2.3 présente plusieurs estimations qui visent à évaluer la corrélation entre l’incidence de l’emploi informel et la croissance de la production, la croissance de l’emploi, l’inégalité et la concentration des échanges.

C. Tests de robustesse

Pour comprendre dans quelle mesure nos résultats sont infl uencés par certaines caractéristiques des données, nous appliquons trois tests de robustesse:

Premièrement, nous utilisons notre spécifi cation préférée sous la forme d’une régression par quantile avec variables fi ctives, en appliquant la même spécifi cation à différents quantiles concernant l’incidence de l’emploi informel dans notre échantillon de pays. Cela permet de voir si certaines variables sont particulièrement effi caces pour les pays ayant certains niveaux d’informalité.

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198 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Deuxièmement, nous évaluons dans quelle mesure une éventuelle endogénéité entre l’ouverture commerciale et l’informalité infl ue sur nos résultats, en estimant différents modèles à l’aide du système GMM.

Enfi n, nous tentons d’identifi er directement les observations extrêmes susceptibles d’infl uencer nos résultats. Pour ce faire, nous utilisons des mesures statistiques particulières pouvant indiquer les points spécifi ques de notre échantillon qui risquent de déterminer les régressions et qui devraient donc être éliminés.

1. Régressions par quantile

Les régressions par quantile permettent d’évaluer dans quelle mesure les pays de notre échantillon présentant des caractéristiques particulières dominent les résultats. Nous cherchons à comprendre, en particulier, dans quelle mesure l’incidence de l’emploi informel contribue à expliquer l’impact des différents facteurs économiques et politiques identifi és plus haut. Dans le graphique A2.1, quatre facteurs distincts sont retenus, et leur impact est présenté en fonction du quantile d’emploi informel dans lequel leur effet est évalué.

Étant donné la taille relativement petite de l’échantillon et la nature de nos données (données de panel et non séries temporelles ou données transversales), une spécifi cation plus élaborée est impossible. Les quatre facteurs ont été évalués individuellement, et seules quelques variables de contrôle supplémentaires ont été incluses. En outre, des variables fi ctives pour les pays et la période ont été utilisées pour tenir compte des caractéristiques des pays et des chocs communs. Malgré ces limitations, le graphique A2.1 fait apparaître quelques résultats intéressants. En particulier, les quatre graphiques confi rment que les différents facteurs n’ont pas le même effet, indépendamment du quantile auquel ils sont appliqués. Par exemple, l’effet de l’ouverture commerciale sur la réduction de l’informalité est plus marqué aux niveaux intermédiaires des taux d’informalité, mais il semble être statistiquement faible ou non signifi catif dans les pays où le taux d’informalité est élevé ou faible. Pour les autres variables, comme les investissements étrangers directs, le coeffi cient reste statistiquement signifi catif dans l’ensemble de l’échantillon mais sa valeur absolue varie en fonction de l’incidence de l’informalité dans un pays donné.

Ces résultats confi rment la complexité de l’emploi informel, qu’il est diffi cile d’appréhender convenablement à un niveau agrégé comme celui qui est utilisé dans cette étude. À l’évidence, des recherches plus poussées sont nécessaires pour mieux comprendre les caractéristiques des pays et leur rôle dans la transmission des différents facteurs qui infl uent sur la taille de l’économie informelle. Il faut en outre éviter toute généralisation des résultats de notre analyse empirique pour des pays qui ne sont pas inclus dans notre échantillon.

Page 201: MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS …...MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT 5 Remerciements Ce projet a été mené à bien sous la supervision de

199ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE

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200 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

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118

118

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189

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188

176

188

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157

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180

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2022

2222

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Page 204: MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS …...MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT 5 Remerciements Ce projet a été mené à bien sous la supervision de

202 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

2. GMM en système

Les estimateurs de panel, comme ceux qui sont utilisés dans cette étude, ne peuvent rendre compte de l’éventuelle endogénéité entre la mesure de l’ouverture commerciale (de facto et de jure) et celle de l’informalité. Comme cela a été dit dans les chapitres précédents, la taille de l’économie informelle est en soi un facteur susceptible de déterminer le succès d’un pays dans le commerce international. Cet effet inverse peut introduire un biais dans les coeffi cients estimés, en particulier dans les tableaux A2.1 et A2.2. Par conséquent, dans les équations estimées pour les graphiques 6.1 et 6.2, la valeur retardée de l’ouverture commerciale a été retenue comme première solution pour résoudre le problème du biais. Toutefois, du fait du caractère très persistant de notre mesure l’ouverture commerciale, il se peut que cela ne suffi se pas pour corriger un tel biais d’endogénéité.

Pour trouver une autre solution à ce problème, nous appliquons l’estimateur GMM d’Arellano-Bond, qui utilise comme instruments des valeurs retardées pour toutes les variables. Dans les spécifi cations présentées dans le tableau suivant, nous nous concentrons sur la mesure de l’ouverture commerciale de  facto et de jure comme étant les deux variables de notre échantillon risquant le plus de souffrir d’un biais d’endogénéité. Comme le suggèrent les résultats, le signe estimé de la relation entre l’ouverture commerciale de facto et l’incidence de l’emploi informel reste fortement négatif tandis que le signe de la relation entre les réformes commerciales (modifi cation de l’ouverture commerciale de jure) et l’incidence de l’emploi informel reste fortement positif. Plus fondamentalement, la valeur absolue du coeffi cient est presque identique au coeffi cient estimé dans les spécifi cations analogues du tableau A2.1. Des tests directs confi rment que le biais d’endogénéité, s’il existe, est probablement très faible et n’affecte pas le signe de la relation estimée.

3. Observations infl uentes

Les modèles empiriques qui comportent, comme les nôtres, un nombre limité d’observations et des échantillons de petite taille concernant la dimension pays ou la dimension temporelle risquent d’être affectés par des observations infl uentes (extrêmes) qui peuvent fausser les résultats des régressions. Plus précisément, dans les spécifi cations agrégées comme les nôtres, cela peut être dû à des erreurs de mesures ou à des variables omises. Pour déterminer dans quelle mesure les observations infl uentes affectent les résultats ou même les rendent statistiquement non signifi catifs, nous identifi ons un (petit) nombre possible d’observations et nous refaisons les estimations sur la base de l’échantillon réduit.

Pour identifi er (automatiquement) les observations infl uentes, on peut utiliser le résidu studentisé de chaque observation, qui correspond à la statistique t d’une

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203ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE

variable fi ctive pour cette observation particulière, ajoutée à l’équation estimée initiale. Bien qu’elle soit attrayante et très intuitive, cette statistique tend à éliminer les observations ayant des résidus importants mais un faible effet de levier, qui infl uent peu sur le coeffi cient estimé (dans le cas où la variable fi ctive est orthogonale aux autres régresseurs), faussant vers le haut la statistique de la qualité de l’ajustement. D’autres indicateurs plus complexes reposent sur la notion de courbe d’infl uence. Cette courbe évalue l’effet marginal asymptotique que l’ajout d’une observation spécifi que a sur les coeffi cients estimés, sur la base du modèle initial. Pour les besoins de l’étude, nous utilisons deux indicateurs, la distance de Welsch-Kuh (dénommée «Dfi ts» dans les tableaux ci-dessous) et la distance de Welsch (dénommée «Welsch»), qui tentent de fournir une approximation empirique de la courbe d’infl uence et de détecter les observations infl uentes (Chatterjee et Hadi, 1988). La distance de Welsch a généralement été préférée à la distance de Welsch-Kuh pour éliminer les observations infl uentes, car il y avait moins d’observations à écarter. Mais parfois, cette dernière a été retenue lorsque la signifi cation statistique du modèle estimé était moins affectée.

Les résultats de l’élimination des observations aberrantes ainsi décelées sont présentés dans les tableaux A2.5 à A2.7. Comme le montrent ces trois tableaux, dans la plupart des spécifi cations, les coeffi cients estimés restent signifi catifs et le signe est inchangé. En particulier, les spécifi cations retenues pour les graphiques 6.1 à 6.3 restent presque identiques, y compris en ce qui concerne la valeur absolue du coeffi cient estimé. Il convient de noter que dans la plupart des cas, seules quelques observations ont été écartées en tant qu’observations infl uentes (généralement moins de 10%). Toutefois, comme la taille de l’échantillon est limitée, il a été suffi sant, dans quelques cas, d’écarter ces observations infl uentes, pour affecter la signifi cation statistique du modèle estimé.

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204 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Graphique A2.1 Quelques régressions par quantile

Note: Ce graphique présente les résultats de régressions par quantile utilisant des erreurs-types estimées par bootstrap. Les coeffi cients avec leurs limites inférieure et supérieure pour la mesure de l’ouverture commerciale, des restrictions commerciales, l’indice de mondialisation du KOF et les investissements étrangers directs, sont estimés à l’aide des équations 1), 8), 15) et 11) du tableau A2.1. Les coeffi cients sont indiqués pour les déciles d’emploi informel de 15% à 90%, pour chaque spécifi cation. Les limites supérieure et inférieure sont calculées sur la base d’un écart-type de +/- 1 par rapport au coeffi cient estimé.

Source: Calculs des auteurs.

Limite inférieure

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0,00

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15% 25% 35% 45% 55% 65% 75% 85%

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15% 25% 35% 45% 55% 65% 75% 85%

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0,00

0,05

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0,20

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15% 25% 35% 45% 55% 65% 75% 85%

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0,00

0,02

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15% 25% 35% 45% 55% 65% 75% 85%

Déciles d'emploi informel

Déciles d'emploi informel

Déciles d'emploi informel

Déciles d'emploi informel

Page 207: MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS …...MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT 5 Remerciements Ce projet a été mené à bien sous la supervision de

205ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE

Tableau A2.4 Estimations selon la GMM en système

(1) (2) (3) (4) (5) (6)0,68*** 0,54*** 0,47*** 0,57*** 0,54*** 0,47***(0,10) (0,09) (9,2e-2) (0,10) (0,09) (0,10)

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4,97*** 5,76***(1,92) (1,88)

0,12*** 4,5e-2*(1,8e-2) (2,6e-2)

152 152 160 128 51 5117 17 18 16 13 13

0,84 0,77 0,26 0,65 0,70 0,75

Variable dépendante: incidence de l'emploi informel

Informalité (t-1)PIB par habitant(niveau)Population en âge de travaillerOuverturecommercialeRéformescommerciales

Investissementétranger directObservationsNombre de pays

Text desuridentificationde Sargan (valeur p)

Note: Ce tableau présente le résultat d’estimations, effectuées selon la GMM en système, de certaines spécifi cations tirées des tableaux A2.1 et A2.2. Le coeffi cient relatif aux réformes commerciales se réfère à un indice lié à la variable «variation annuelle en pourcentage des taux de la nation la plus favorisée»; une valeur plus élevée de cet indice indique une baisse plus prononcée des taux de la nation la plus favorisée (correspondant à l’équation 8) du tableau A2.1)

Source: Calculs des auteurs.

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206 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(6)

(7)

(8)

(9)

(10)

(11)

(12)

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(14)

(15)

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(17)

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e-4)

(5,3

e-4)

(5,3

e-4)

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e-5)

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**83,0***01,1

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Page 209: MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS …...MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT 5 Remerciements Ce projet a été mené à bien sous la supervision de

207ANNEXE II. DÉTAILS TECHNIQUES DE L’ANALYSE EMPIRIQUE

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(6)

(7)

(8)

(9)

(10)

(11)

(12)

(13)

(14)

(15)

(16)

(17)

(18)

(19)

-3,4

e-3*

**-2

,5e-

3***

-3,1

e-3*

**-5

,1e-

3***

-5,6

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3***

-2,2

e-3*

**-2

,8e-

3***

-2,9

e-3*

**-1

,6e-

3***

-2,7

e-3*

**-3

,6e-

3***

-3,2

e-3*

**-3

,1e-

3***

-3,7

e-3*

**-4

,3e-

3***

-4,6

e-3*

**-3

,3e-

3***

-2,7

e-3*

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,6e-

4)(8

,7e-

5)(2

,1e-

4)(4

,5e-

4)(6

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4)(1

,1e-

4)(4

,2e-

4)(3

,4e-

4)(4

,5e-

4)(3

,6e-

4)(1

,3e-

4)(1

,6e-

4)(1

,4e-

4)(5

,9e-

4)(3

,6e-

4)(4

,7e-

4)(4

,6e-

4)(4

,2e-

4)(7

,7e-

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99**

*0,

52**

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*0,

410,

54**

*0,

61**

*0,

27**

0,80

***

0,63

***

-1,6

6***

1,13

***

1,15

***

1,05

***

0,79

***

0,64

***

1,03

***

-1,5

2***

0,40

***

(0,1

2)(5

,7e-

2)(0

,15)

(0,3

7)(0

,15)

(5,1

e-2)

(0,1

1)(0

,11)

(7,3

e-2)

(0,2

8)(8

,8e-

2)(0

,12)

(0,1

0)(0

,15)

(0,1

2)(0

,13)

(0,2

9)(5

,8e-

2)***2-e7,3-

***2-e3,5-*2-e0,3-

***2-e1,3-**2-e8,2-

***2-e0,6-***2-e4,8-

***21,0-***2-e7,4-

*2-e2,2-) 2-e3,1(

)2-e4,1()2-e5,1(

)3-e8,9()2-e1,1(

)3-e2,9()2-e1,1(

)2-e3,1()2-e4,1(

)2-e2,1(***11,0-

***2-e7,1-2

,4e-

2***

)2-e 3,1()3-e0,6(

(7,1

e-3)

1,02

***

3,2E

-22,

2E-2

0,30

**(0

,26)

(2,3

e-2)

(2,4

e-2)

(0,1

2)15

,30*

**26

,71*

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,96)

(2,2

2)-0

,70*

**-4

,6e-

1***

(7,0

e-2)

(3,9

e-2)

3,78

***

(0,2

4)-2

,80*

*0,

14(1

,12)

(0,1

2)0,

59**

*0,

29**

*(0

,11)

(5,5

e-2)

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0***

-0,2

6***

-0,3

1***

-0,2

9***

(6,3

e-2)

(6,3

e-2)

(7,0

e-2)

(4,3

e-2)

-7,0

1***

(0,9

9)1,

47*

2,62

***

2,07

***

(0,8

1)(0

,82)

(0,3

2)-1

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**(0

,23)

-3,7

e-3

(1,3

e-2)

-4,2

0***

(0,2

4)-1

,11*

**(0

,14)

***84,0-***24,0-

***04,2-)71,0(

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e-3

(6,8

e-2)

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5***

-0,9

2***

(0,1

2)(0

,16)

(0,1

8)(0

,18)

(0,1

5)

R2

99,099,0

99,099,0

99,089,0

99,099,0

99,0C

hi2

5+e1,35+e6,1

5+e7,24+e6,7

4+e3,64+e0,2

5+e2,44+e2,3

4+e8,44+e4,5

7899

7847

6512

712

111

711

849

7878

7899

110

9610

872

7316

1716

715

1923

2222

1316

1616

1819

1819

1718

Oui

O

ui

Oui

O

ui

Oui

O

ui

Oui

O

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Oui

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Non

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on

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N

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Non

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Wel

sch

Wel

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des

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sch

Wel

sch

Wel

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hW

elsc

hW

elsc

hW

elsc

hW

elsc

hW

elsc

hD

fits

Wel

sch

Wel

sch

Dfit

sW

elsc

hW

elsc

hD

fits

RéglementationVa

riabl

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pend

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cide

nce

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form

el a

près

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inat

ion

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obse

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ions

abe

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Ouv

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omm

erci

ale

(t-1)

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rs.

Page 210: MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS …...MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT 5 Remerciements Ce projet a été mené à bien sous la supervision de

208 MONDIALISATION ET EMPLOI INFORMEL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

(1)

(2)

(3)

(4)

(12)

(13)

(14)

(15)

(16)

(17)

***4-e5,9***3-e7,1-

***3-e6,1-***3-e0,1-

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***

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,6e-

4)(2

,4e-

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,3e-

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,2e-

4)-1

,8e-

2***

-3,3

e-2*

**(3

,5e-

3)(7

,8e-

3)-2

,4e-

2-0

,11*

**-0

,16*

**-1

,9e-

1***

1,3e

-3**

*3,

2e-3

***

3,8e

-43,

8e-3

***

2,0e

-3**

*9,

5e-4

***

(2,9

e-2)

(2,4

e-2)

(3,9

e-2)

(4,0

e-2)

(4,7

e-4)

(6,1

e-4)

(5,5

e-4)

(4,1

e-4)

(2,4

e-4)

(3,2

e-4)

5,3e

-2**

*5,

6e-4

***

(9,8

e-3)

(1,2

e-4)

-0,1

7-2

,4e-

2***

(0,1

1)(1

,8e-

3)6,

7e-4

(4,3

e-4)

6,1e

-5-3

,1e-

3***

(6,6

e-4)

(4,7

e-4)

1,3e

-1**

*1,

2e-1

***

(3,5

e-2)

(3,5

e-2)

-3,1

e-3*

**(1

,6e-

4)

R2

39,048,0

34,004,0

72,081,0

Chi

22,

5e+3

9,5e

+32,

5e+3

2,7e

+419

822

011

511

518

311

615

415

418

216

720

1916

1621

1919

1921

21O

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O

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Type

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limin

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n de

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nce

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form

alité

Ouv

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ion

des

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nges

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Taux

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atio

n la

plu

s fa

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Res

trict

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com

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Niv

eau

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n

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ctio

n m

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Nom

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lle d

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O

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Non

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Tabl

eau

A2

.7

Cro

issa

nce

et c

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tion

des

éch

ange

s en

pré

senc

e d

’un

mar

ché

du t

rava

il in

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el, a

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élim

inat

ion

des

obse

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rran

tes

Not

e:

Ce

tabl

eau

prés

ente

les

résu

ltats

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spé

cifi c

atio

ns é

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nt u

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n en

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l’inc

iden

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mpl

oi in

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el e

t d’

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es d

éter

min

ants

éc

onom

ique

s et

deu

x in

dica

teur

s de

rés

ulta

ts:

la

croi

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ce d

u P

IB e

t l’i

ndic

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con

cent

ratio

n de

s ex

port

atio

ns.

Les

est

imat

ions

élim

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t le

s ob

serv

atio

ns in

fl uen

tes.

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utes

les

spéc

ifi ca

tions

tie

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e de

s ef

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fi xe

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Les

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-typ

es d

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indi

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s en

tre

pare

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dis

que

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tique

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risqu

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*:

nive

au d

e si

gnifi

catio

n de

10

%;

**:

nive

au d

e si

gnifi

catio

n de

5%

; **

*: n

ivea

u de

sig

nifi c

atio

n de

1%

Sou

rce:

C

alcu

ls d

es a

uteu

rs.

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