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10 ONF - RenDez-Vous techniques N° 58-59-60 - 2018 SESSION 1 Christian Barthod MTES, Conseil gĂ©nĂ©ral de l'environnement et du dĂ©veloppement durable Guy Landmann GIP ECOFOR, prĂ©sident du ComitĂ© de pilotage scientiïŹque de RENECOFOR MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE DU MONITORING FORESTIER ET DU RÉSEAU RENECOFOR Cette mise en perspective historique est proposĂ©e par deux « dinosaures » ayant participĂ© Ă  l’agitation intellectuelle qui a prĂ©sidĂ© Ă  la naissance de RENECOFOR : Guy Landmann Ă  la direction du programme Deforpa* (aprĂšs M. Bonneau) puis au DĂ©partement de la SantĂ© des ForĂȘts, et moi- mĂȘme, Christian Barthod, au DSF et Ă  la prĂ©paration des ConfĂ©rences ministĂ©rielles sur la protection des forĂȘts en Europe. Je vais assumer les deux premiĂšres parties de l’exposĂ©, l’historique, et Guy Landmann se chargera des deux points suivants, un peu plus rĂ©ïŹ‚exifs, critiques et orientĂ©s vers l’avenir. Les conditions de la mise en place du suivi continu des forĂȘts Remontons le temps jusqu’au contexte trĂšs particulier du dĂ©but des annĂ©es 1980. À travers toute l’Europe montait une inquiĂ©tude sur l’intensitĂ© des dĂ©pĂ©rissements attribuĂ©s Ă  la pollution atmosphĂ©rique, qui a abouti Ă  la mise en place de rĂ©seaux de suivi continu (monitoring) des forĂȘts. Cela s’est fait d’abord au niveau national, chacun des pays testant, adaptant la problĂ©matique de son suivi Ă  ses propres questionnements pour l’étendre progressivement Ă  l’ensemble de son territoire, avant que l’Union europĂ©enne ne dĂ©cide, via des rĂšglements communautaires, une homogĂ©nĂ©isation de ces mĂ©canismes de suivi. Ceci a conduit Ă  mettre en place, d’une part, un rĂ©seau systĂ©matique de 16 km sur 16 km et d’autre part, dans la philosophie de ce qui avait Ă©tĂ© discutĂ© dans le cadre du programme PIC ForĂȘts (de la Convention sur la pollution atmosphĂ©rique transfrontaliĂšre), des rĂ©seaux de niveaux 2 et 3 nettement plus intensifs, appareillĂ©s lourdement. À l’époque, on se concentrait sur le dĂ©pĂ©rissement attribuĂ© Ă  la pollution atmosphĂ©rique, le fameux dĂ©bat sur les pluies acides, mais il ne faut pas oublier que bien des questions dĂ©battues dans ces annĂ©es-lĂ  avaient Ă©galement leur origine dans la grande sĂ©cheresse de 1976 et ses consĂ©quences. Durant tout le programme de recherche Deforpa*, il y a donc eu des interfĂ©rences qui invitaient Ă  remonter Ă  des questions sur le fonctionnement des Ă©cosystĂšmes forestiers. Quand on arrive Ă  la ïŹn des annĂ©es 1980, beaucoup de choses ont Ă©tĂ© relativisĂ©es : la disparition intĂ©grale des forĂȘts n’est dĂ©jĂ  plus d’actualitĂ©, mais on reste alors avec une somme Ă©norme de questions sur le fonctionnement et les dysfonctionnements des Ă©cosystĂšmes forestiers et aussi sur les informations qu’on aurait aimĂ© avoir pour gĂ©rer la situation. Dans le dĂ©bat public, le monde forestier a eu l’impression d’ĂȘtre mis en accusation, de ne pas avoir nĂ©cessairement tous les outils, les savoirs, toutes les connaissances pour y rĂ©pondre. Mise en perspective historique du suivi continu des forĂȘts et du rĂ©seau RENECOFOR Christian Barthod, CGEDD/MTES et Guy Landmann, Ecofor 1. Les conditions de la mise en place du suivi des forĂȘts (1/3) Deux rĂ©seaux de suivi continu (monitoring) des forĂȘts mis en place il y a 25/30 ans (1988-1989, 1992), et toujours opĂ©rationnels : - le rĂ©seau systĂ©matique de suivi de la santĂ© des forĂȘts (16 x 16 km) - le rĂ©seau RENECOFOR Parmi les facteurs ayant contribuĂ© Ă  leur mise en place rapide : l’angoisse suscitĂ©e par l’éventualitĂ© d’un dĂ©pĂ©rissement forestier massif en Europe liĂ© Ă  la pollution atmosphĂ©rique (« pluies acides »). En France, les arriĂšre-effets de la sĂ©cheresse de 1976 prĂ©occupaient les dĂ©cideurs. Mais 
 3 1. Les conditions de la mise en place du suivi des forĂȘts (2/3) 4 En France, Landmann, Bazire et Rolley (1987)) concluaient (1 er rapport DEFORPA) « 
 il n’y a pas, ou seulement exceptionnellement, de dĂ©pĂ©rissements d’une forĂȘt identifiĂ©e et a fortiori de dĂ©pĂ©rissements des forĂȘts 
il n’existe pas Ă  l’heure actuelle de cas de dĂ©pĂ©rissement d’une essence Ă  l’échelle rĂ©gionale 
on ne peut Ă©carter l’existence de phĂ©nomĂšne d’amplification, par un facteur nouveau, des fluctuations normales de l’état de santĂ© d’un Ă©cosystĂšme forestier. » 
dĂšs 1985/86, la mise en place, dans plusieurs pays, de rĂ©seaux rĂ©gionaux tel le « rĂ©seau bleu » français de 1983-1988) ou nationaux (Ă  mailles variables selon les pays) avait Ă©loignĂ© le spectre d’un dĂ©pĂ©rissement massif.

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Page 1: MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE Christian Barthod DU

10ONF - RenDez-Vous techniques N° 58-59-60 - 2018

SESSION 1

Christian Barthod MTES, Conseil général de l'environnement et du développement durable

Guy LandmannGIP ECOFOR, président du Comité de pilotage scientifique de RENECOFOR

MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE DU MONITORING FORESTIER ET DU RÉSEAU RENECOFOR

Cette mise en perspective historique est proposĂ©e par deux « dinosaures Â» ayant participĂ© Ă  l’agitation intellectuelle qui a prĂ©sidĂ© Ă  la naissance de RENECOFOR : Guy Landmann Ă  la direction du programme Deforpa* (aprĂšs M. Bonneau) puis au DĂ©partement de la SantĂ© des ForĂȘts, et moi-mĂȘme, Christian Barthod, au DSF et Ă  la prĂ©paration des ConfĂ©rences ministĂ©rielles sur la protection des forĂȘts en Europe.

Je vais assumer les deux premiĂšres parties de l’exposĂ©, l’historique, et Guy Landmann se chargera des deux points suivants, un peu plus rĂ©flexifs, critiques et orientĂ©s vers l’avenir.

Les conditions de la mise en place du suivi continu des forĂȘts

Remontons le temps jusqu’au contexte trĂšs particulier du dĂ©but des annĂ©es 1980. À travers toute l’Europe montait une inquiĂ©tude sur l’intensitĂ© des dĂ©pĂ©rissements attribuĂ©s Ă  la pollution atmosphĂ©rique, qui a abouti Ă  la mise en place de rĂ©seaux de suivi continu (monitoring) des forĂȘts.

Cela s’est fait d’abord au niveau national, chacun des pays testant, adaptant la problĂ©matique de son suivi Ă  ses propres questionnements pour l’étendre progressivement Ă  l’ensemble de son territoire, avant que l’Union europĂ©enne ne dĂ©cide, via des rĂšglements communautaires, une homogĂ©nĂ©isation de ces mĂ©canismes de suivi. Ceci a conduit Ă  mettre en place, d’une part, un rĂ©seau systĂ©matique de 16 km sur 16 km et d’autre part, dans la philosophie de ce qui avait Ă©tĂ© discutĂ© dans le cadre du programme PIC ForĂȘts (de la Convention sur la pollution atmosphĂ©rique transfrontaliĂšre), des rĂ©seaux de niveaux 2 et 3 nettement plus intensifs, appareillĂ©s lourdement. À l’époque, on se concentrait sur le dĂ©pĂ©rissement attribuĂ© Ă  la pollution atmosphĂ©rique, le fameux dĂ©bat sur les pluies acides, mais il ne faut pas oublier que bien des questions dĂ©battues dans ces annĂ©es-lĂ  avaient Ă©galement leur origine dans la grande sĂ©cheresse de 1976 et ses consĂ©quences.

Durant tout le programme de recherche Deforpa*, il y a donc eu des interférences qui invitaient à remonter à des questions sur le fonctionnement des écosystÚmes forestiers.

Quand on arrive Ă  la fin des annĂ©es 1980, beaucoup de choses ont Ă©tĂ© relativisĂ©es : la disparition intĂ©grale des forĂȘts n’est dĂ©jĂ  plus d’actualitĂ©, mais on reste alors avec une somme Ă©norme de questions sur le fonctionnement et les dysfonctionnements des Ă©cosystĂšmes forestiers et aussi sur les informations qu’on aurait aimĂ© avoir pour gĂ©rer la situation. Dans le dĂ©bat public, le monde forestier a eu l’impression d’ĂȘtre mis en accusation, de ne pas avoir nĂ©cessairement tous les outils, les savoirs, toutes les connaissances pour y rĂ©pondre.

Mise en perspective historiquedu suivi continu des forĂȘts et

du réseau RENECOFOR

Christian Barthod, CGEDD/MTES et Guy Landmann, Ecofor

1. Les conditions de la mise en place du suivi des forĂȘts (1/3)

Deux rĂ©seaux de suivi continu (monitoring) des forĂȘts mis en place il y a 25/30 ans (1988-1989, 1992), et toujours opĂ©rationnels :

- le rĂ©seau systĂ©matique de suivi de la santĂ© des forĂȘts (16 x 16 km)

- le réseau RENECOFOR

Parmi les facteurs ayant contribuĂ© Ă  leur mise en place rapide : l’angoisse suscitĂ©e par l’éventualitĂ© d’un dĂ©pĂ©rissementforestier massif en Europe liĂ© Ă  la pollution atmosphĂ©rique (« pluies acides »). En France, les arriĂšre-effets de la sĂ©cheresse de 1976 prĂ©occupaient les dĂ©cideurs.

Mais 
3

1. Les conditions de la mise en place du suivi des forĂȘts (2/3)

4

En France, Landmann, Bazire et Rolley (1987)) concluaient (1er rapport DEFORPA)« 
 il n’y a pas, ou seulement exceptionnellement, de dĂ©pĂ©rissements d’une forĂȘt identifiĂ©e et a fortiori de dĂ©pĂ©rissements des forĂȘts
il n’existe pas Ă  l’heure actuelle de cas de dĂ©pĂ©rissement d’une essence Ă  l’échelle rĂ©gionale
on ne peut Ă©carter l’existence de phĂ©nomĂšne d’amplification, par un facteur nouveau, des fluctuations normales de l’état de santĂ© d’un Ă©cosystĂšme forestier. »


dĂšs 1985/86, la mise en place, dans plusieurs pays, de rĂ©seaux rĂ©gionaux tel le « rĂ©seau bleu » français de 1983-1988) ou nationaux (Ă  mailles variables selon les pays) avait Ă©loignĂ© le spectre d’un dĂ©pĂ©rissement massif.

Page 2: MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE Christian Barthod DU

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SESSION 1

C’est dans ce contexte qu’on s’est retrouvĂ© Ă  devoir articuler deux grandes rĂ©ponses aux questions politiques : - d’une part les ConfĂ©rences ministĂ©rielles sur la protection des forĂȘts

en Europe (MCPFE), impulsĂ©es par les ministres français et finlandais chargĂ©s des forĂȘts ; cĂŽtĂ© français, la prĂ©paration en avait Ă©tĂ© confiĂ©e Ă  Georges Touzet (alors directeur gĂ©nĂ©ral de l’ONF), qui m’avait demandĂ© de l’assister ;

- et d’autre part toute la dynamique qui Ă©tait en train de se mettre en place sous le leadership allemand dans le cadre du programme PIC ForĂȘts.

Ce qu’il faut retenir, c’est que l’ensemble de ces questions aboutissait Ă  faire Ă©merger une approche qui n’était plus exclusivement enracinĂ©e dans les disciplines forestiĂšres traditionnelles, mais qui interpellait le milieu de la recherche en Ă©cologie forestiĂšre. Pour la premiĂšre ConfĂ©rence ministĂ©rielle, Ă  Strasbourg, il a fallu Ă©laborer une sorte de doctrine : il y avait la volontĂ© politique de faire quelque chose, mais que proposer aux ministres ? Nous avons rĂ©ussi Ă  faire acter qu’on s’intĂ©resserait Ă  des projets concrets, qu’on se fonderait sur des questions dĂ©jĂ  largement partagĂ©es au niveau du continent europĂ©en, qu’on privilĂ©gierait les rĂ©ponses qui semblaient procĂ©der d’une orientation commune, et qu’on n’irait pas jusqu’à des solutions de normalisation lourde. On se focaliserait sur un tronc commun tout en laissant chacun des pays l’adapter, aller plus loin, et trouver comment s’adresser Ă  ses propres spĂ©cificitĂ©s, Ă  sa propre opinion publique, et valoriser les propositions des chercheurs.

Les conditions de l’émergence du rĂ©seau RENECOFOR

Rendons ici hommage Ă  Maurice Bonneau, car c’est lui qui a permis Ă  Georges Touzet et son Ă©quipe d’avancer concrĂštement sur la rĂ©solution S1 (les objectifs principaux des rĂ©seaux de suivi des forĂȘts) puisqu’il avait Ă©tĂ© aux manettes du programme Deforpa*. Et aussi parce qu’il avait eu l’occasion, mieux que quiconque, de rĂ©flĂ©chir Ă  ce qu’il aurait fallu savoir pour gĂ©rer de façon plus fluide, moins conflictuelle, plus rationnelle, l’ensemble des questions qui Ă©taient adressĂ©es au monde forestier. Il avait un cran d’avance en matiĂšre de rĂ©flexion, et le niveau politique lui a fourni une opportunitĂ© pour passer Ă  l’acte : il Ă©tait en mesure de faire des propositions. Restait la question de l’organisme support. En France, c’est l’Office national des forĂȘts qui a Ă©tĂ© choisi pour le rĂ©seau de suivi intensif : une solution dont on est trĂšs content a posteriori, mais que la trĂšs grande majoritĂ© des pays europĂ©ens n’a pas retenue. L’ONF a dĂ» s’engager dans une direction trĂšs nouvelle pour lui et il a remarquablement bien rĂ©agi. Je termine cet historique en rappelant les 4 objectifs fixĂ©s par la rĂ©solution S1 de la premiĂšre MCPFE, Ă  Strasbourg en 1990 :1. recueillir des informations approfondies sur l’évolution des Ă©cosystĂšmes

forestiers, en prenant en compte Ă  la fois l’historique, les variations de vitalitĂ© des forĂȘts, les conditions stationnelles et les Ă©vĂ©nements climatiques ;

2. chercher Ă  Ă©tablir des corrĂ©lations entre la variation des facteurs d’environnement et la rĂ©action des Ă©cosystĂšmes forestiers ;

3. dĂ©terminer les niveaux de charge critique en polluants par type d’écosystĂšme forestier ;

4. permettre de comprendre le fonctionnement des écosystÚmes et interpréter les résultats, notamment ceux du réseau européen élémentaire 16 km x 16 km.

On verra que certaines questions sont totalement d’actualitĂ© et que d’autres nĂ©cessitent d’ĂȘtre reformulĂ©es.

1. Les conditions de la mise en place du suivi des forĂȘts (3/3)

La mise en place de ces deux réseaux "européens" doit beaucoup à :

(i) la dynamique crĂ©Ă©e par la premiĂšre ConfĂ©rence ministĂ©rielle sur la protection des forĂȘts en Europe (MCPFE) (Strasbourg, 1990).

(ii) un accord gagnant-gagnant conclu entre le programme (ONU) de suivi des forĂȘts europĂ©ennes « PIC ForĂȘts1», pilotĂ© par l’Allemagne, et la Commission europĂ©enne.

1. PIC ForĂȘts : Programme international concertĂ© sur l’évaluation et le suivi des effets de la pollution sur les forĂȘts, crĂ©e en 1985 sous la Convention de la Commission Ă©conomique pour l’Europe dans Nations Unies (CEE-NU)(dite de GenĂšve) sur la pollution transfrontiĂšre Ă  longue-distance (1979)

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2. Les conditions d’émergence du rĂ©seau RENECOFOR

Maurice BONNEAU, responsable du programme DEFORPA, a travaillĂ© Ă  l’émergence du rĂ©seau de suivi intensif français (RENECOFOR) en mĂȘme temps qu’il s’investissait dans des groupes de travail de la Commission europĂ©enne, oĂč se confrontaient des approches nationales parfois assez divergentes pour dĂ©cliner les engagements politiques pris.

6

En France, la gestion de ce dispositif est confiĂ©e Ă  l’ONF, opĂ©rateur public de gestion forestiĂšre, une option singuliĂšre en Europe, qui constitue certainement un Ă©lĂ©ment de son succĂšs

Les engagements de la MCPFE de Strasbourg sont accessibles sur le site de Forest Europehttps://foresteurope.org/wp-content/uploads/2016/11/Commitments_all.pdf

Page 3: MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE Christian Barthod DU

12ONF - RenDez-Vous techniques N° 58-59-60 - 2018

SESSION 1

Ce qui a changé en 25 ans

En 25 ans les choses ont beaucoup changĂ©. De nouvelles prĂ©occupations environnementales sont maintenant au premier plan : le changement climatique mais aussi le carbone, la biodiversitĂ©, les services Ă©cosystĂ©miques et quelques autres ; c’est ce qui attire l’attention et les financements publics. De fait, l’impact de la pollution atmosphĂ©rique diffuse sur les Ă©cosystĂšmes, qui Ă©tait le sujet n° 1, est nettement en retrait. Au niveau du processus MCPFE, qui est devenu Forest Europe, les confĂ©rences se sont succĂ©dĂ© depuis celle de Strasbourg, la derniĂšre (7e) ayant eu lieu Ă  Madrid en 2015. On constate depuis quelques temps que les sujets discutĂ©s sont moins concrets que ceux qui ont boostĂ© l’émergence des rĂ©seaux en 1990 ou 93. Forest Europe est motivĂ© par des questions d’une autre envergure ou en tout cas d’une autre nature, comme l’idĂ©e de faire Ă©merger une instance mondiale de gouvernance de la forĂȘt.

Cette Ă©volution s’illustre dans ces deux diapos qui rappellent les sujets qui ont Ă©tĂ© traitĂ©s dans ces confĂ©rences ministĂ©rielles. À Strasbourg en 1990, un certain nombre de sujets dont le monitoring des Ă©cosystĂšmes forestiers qui a fait l’objet de la rĂ©solution S1 (flĂšche rouge) mais aussi d’autres dossiers, notamment en matiĂšre de gĂ©nĂ©tique avec le projet Euforgen (qui existe toujours). Une bonne partie des sujets portĂ©s Ă  l’époque sont toujours trĂšs prĂ©sents. À Helsinki en 1993, il y a eu d’autres sujets dont, dĂ©jĂ , l’adaptation des forĂȘts au changement climatique (2e flĂšche rouge) ; j’y reviendrai.

Mais progressivement, les sujets sont plus transversaux, c’est-Ă -dire qu’ils traitent Ă  la fois de questions techniques et de questions plutĂŽt de gouvernance, des questions plus politiques. Je ne vais pas dĂ©tailler tous les thĂšmes qui ont Ă©mergĂ© au cours des 20 derniĂšres annĂ©es, des thĂšmes qui sont un peu moins concrets et dont le progrĂšs est plus difficile Ă  tracer. En 2015, le reprĂ©sentant du ministĂšre français de l’Agriculture Ă  cette confĂ©rence a mentionnĂ© que c’était devenu une plateforme de dialogue politique de haut niveau sur les dĂ©fis et les enjeux forestiers, mais de fait les objectifs et la nature des projets discutĂ©s ont Ă©galement Ă©voluĂ©.

Ce qui a changĂ© aussi, c’est le rĂŽle de la Commission europĂ©enne, dont le soutien financier pendant 20 ans a Ă©tĂ© tout Ă  fait essentiel pour faire Ă©merger ces projets europĂ©ens. Au dĂ©part, c’était l’Europe des 12, des 15, etc. mais du coup ça a entrainĂ© dĂšs le dĂ©but tous les pays d’Europe centrale, ce qui a Ă©tĂ© un aspect trĂšs important. Pour diverses raisons, ce soutien n’existe plus depuis 2006 mais on va voir (sessions 7 et 8) que le PIC ForĂȘts (ICP Forests) est toujours actif en tant que programme de l’ONU et, contrairement Ă  ce qu’on aurait pu craindre, la majoritĂ© des pays ont continuĂ© ces activitĂ©s de monitoring. La grande diffĂ©rence c’est que le systĂšme n’est pas autant « portĂ© » qu’il mĂ©riterait de l’ĂȘtre, au niveau financier mais aussi politique.

Remarquons au passage que le Centre Commun de Recherche de la Commission, qui a semblĂ© un moment devoir se saisir de l’aspect technique de tout ce monitoring, n’est pas devenu le centre commun de suivi du monitoring, en tout cas pas du type de monitoring dont on parle ici.

3. Ce qui a changé en 25 ans (1/5))

Enormément de choses !

De nouvelles prĂ©occupations environnementales : changement climatique, carbone, biodiversitĂ©, services Ă©cosystĂ©miques,... attirent attention & financements. L’attention portĂ©e Ă  l’impact de la pollution atmosphĂ©rique diffuse sur les Ă©cosystĂšmes a fortement baisse.

« Forest Europe » (MCPFE) (7Ăšme Ă  Madrid, 2015) porte des prĂ©occupations moins concrĂštes que les 1Ăšres confĂ©rences europĂ©ennes (systĂšme d’indicateurs de gestion, (Cf. the State of Europe’s Forest, instance mondiale de gouvernance de la forĂȘt)

7

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3. Ce qui a changĂ© (3/5)MAAF (2015) « 25 ans aprĂšs Strasbourg, FOREST EUROPE a atteint son objectif de devenir une plate-forme de dialogue politique de haut niveau sur les dĂ©fis et enjeux forestiers et de promouvoir les concepts et outils de la gestion durable des forĂȘts »

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3. Ce qui a changé en 25 ans (4/5)

Commission europĂ©enne : 20 ans de soutien au suivi de Niveaux 1 et 2. ”RĂšgl. (EEC) No. 3528/86 sur la protection des forĂȘts de la CommunautĂ© contre la pollution atmosphĂ©rique”: 1986-2002, RĂšgl. Forest Focus: 2003-2006 (Life+ Futmon 2007-2011). Porte Ă  prĂ©sent des questions plus stratĂ©giques et plus sensibles : dispositifs FLEGT et REDD,


FLEGT (EU) Forest Law Enforcement, Governance and TradeREDD (EU) Reduced Emissions from Deforestation and forest Degradation

Centre Commun de Recherche (CCR) de la Cion n’a pas endossĂ© pleinement, en matiĂšre de suivi continu des forĂȘts, le rĂŽle central qui lui semblait promis.

PIC ForĂȘts : toujours trĂšs actif aprĂšs 33 ans d’activitĂ©s. La grande majoritĂ© des pays europĂ©ens continue Ă  mettre en Ɠuvre les approches de niveau 1 et 2 et Ă  les financer. CapacitĂ© Ă  porter seul des inflexions de fond ?

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Page 4: MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE Christian Barthod DU

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SESSION 1

Ce qui a changĂ© enfin, en positif cette fois, c’est que l’Agence europĂ©enne de l’environnement a vu petit Ă  petit ses prĂ©rogatives s’étendre.

Au niveau français, le potentiel de l’inventaire forestier est beaucoup plus important qu’il y a une trentaine d’annĂ©es : avec le changement de mĂ©thode, le dĂ©veloppement des Ă©tudes autour des donnĂ©es d’inventaire rĂ©vĂšle qu’il y a lĂ  un outil fantastique. Par ailleurs les sites atelier se sont dĂ©veloppĂ©s depuis 1995, et sont en quelque sorte le niveau 3 du PIC ForĂȘts bien que ça n’ait jamais Ă©tĂ© formalisĂ© complĂštement. Ce sont des sites d’observation un peu comme les sites RENECOFOR, mais beaucoup plus lourdement instrumentĂ©s, et qui sont pris en charge par la recherche et non par un organisme comme l’ONF. À cela s’ajoutent des dispositifs expĂ©rimentaux nombreux et trĂšs divers en forĂȘt, qui ne relĂšvent pas du suivi temporel mais qui, s’ils sont maintenus assez longtemps, peuvent fournir des donnĂ©es extrĂȘmement utiles, mĂȘme en termes de dĂ©veloppement des Ă©cosystĂšmes.

Et le changement climatique ?

On l’oublie peut-ĂȘtre, mais Ă  la ConfĂ©rence ministĂ©rielle de Strasbourg en 1990, le rĂ©chauffement climatique figurait dĂ©jĂ  en 3e position parmi les enjeux listĂ©s, avec les grands accidents climatiques. C’était dĂ©jĂ  dans les esprits, mais de lĂ  Ă  pouvoir bien le prendre en compte dans les dispositifs ? En 1993, la 4e rĂ©solution d’Helsinki porte sur ce sujet ; les pays de l’Union europĂ©enne ont pris l’engagement (que la France, en des circonstances fortuites, n’a pas signé ), d’évaluer, dĂ©velopper et coordonner les dispositifs de suivi pour qu’ils apprĂ©hendent mieux les effets du changement climatique.On est assez Ă©tonnĂ© a posteriori de la pertinence de cet engagement. Mais ça venait un peu tard par rapport Ă  RENECOFOR et ses homologues qui venaient juste d’ĂȘtre crĂ©Ă©s, et peut-ĂȘtre aussi trop tĂŽt parce qu’en matiĂšre de connaissance scientifique du phĂ©nomĂšne du changement climatique on n’avait pas les idĂ©es dont on dispose maintenant.

Le changement climatique est un sujet extrĂȘmement prĂ©gnant ; doit-il conduire Ă  modifier les suivis actuels ? C’est une question qui se pose maintenant, pour le long terme. On peut dĂ©jĂ  identifier diverses pistes Ă  explorer. Par exemple, RENECOFOR c’est 102 placettes disposĂ©es dans des conditions stationnelles « moyennes » ou en tout cas pas extrĂȘmes ; or dans des situations extrĂȘmes on aurait peut-ĂȘtre un signal diffĂ©rent. De la mĂȘme façon, le rĂ©gime sylvicole est « moyen », dans l’ordre de ce que fait l’ONF en gĂ©nĂ©ral : il pourrait ĂȘtre intĂ©ressant d’avoir une action plus forte ou au contraire des peuplements sans sylviculture. On peut rĂ©flĂ©chir Ă  une transition vers un « RENECOFOR-2 », qui peut se faire de diffĂ©rentes façons, par exemple en recrutant des placettes qui auraient fait leur temps pour les reconvertir dans un dispositif parallĂšle mais qui ferait un tout avec le RENECOFOR actuel. Il y a aussi les outils que j’ai Ă©voquĂ©s, qui fournissent des informations, et dont il faut tenir compte. C’est donc un travail pour le ComitĂ© de pilotage dont le rĂ©seau s’est dotĂ©, et que j’ai le plaisir de prĂ©sider : on va s’y atteler avec tous ceux qui ont des idĂ©es, des connaissances, des avis


Enfin l’avenir de RENECOFOR passe par l’Europe, c’est presque sĂ»r : on n’imagine pas pouvoir faire quelque chose de marquant, de trĂšs fort en termes d’évolution du rĂ©seau, sans le niveau europĂ©en. La prĂ©sence de quelques reprĂ©sentants de l’instance europĂ©enne est une occasion d’en discuter.

4. Focus : changement climatique et suivi continu des forĂȘts (1/2)

Changement climatique : pas un sujet nouveau !

‱ 1990, 1Ăšre conf. MCPFE (Strasbourg) – enjeux listĂ©s : pollution atmosphĂ©rique, incendies de forĂȘts, rĂ©chauffement du climat, grands accidents climatiques, Ă©rosion des sols, ravageurs et pathogĂšnes, dĂ©gĂąts de gibier, sur- et sous-exploitation, et interactions.

‱1993 2Ăšme conf. MCPFE (Helsinki), engagement (H4) des Etats et UE « Ă  Ă©valuer, dĂ©velopper et coordonner les dispositifs de suivi pour qu’ils apprĂ©hendent mieux les variations spatiales Ă  large Ă©chelle et les dynamiques d’altĂ©ration pouvant rĂ©sulter du changement climatique en forĂȘt. ».

RĂ©solution H4 : trop tard, trop tĂŽt ?!

12 4. Focus : changement climatique et suivi continu des forĂȘts (2/2)

Cet enjeu majeur doit-il conduire Ă  modifier les suivis en forĂȘt, en particulier pour RENECOFOR, pour les 30 prochaines annĂ©es ?

Explorer de nombreuses pistes/modalités : stations prises en compte (conditions limites en bordure de niches ?), régimes sylvicoles appliqués,


Réfléchir aux options de transition vers « RENECOFOR 2 » (au fur et à mesure du renouvellement des placettes, autres ?)

Tirer davantage partie des complémentarités avec les autres outils.

Un travail pour le COPILS RENECOFOR et au-delĂ .

Des leviers Ă  identifier et des synergies Ă  mettre Ă  Ɠuvre au niveau europĂ©en !

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Merci de votre attention !

3. Ce qui a changé en 25 ans (5/5)

AEE, l’Agence europĂ©enne de l’environnement voit ses prĂ©rogatives s’étendre progressivement.

Au niveau français, le suivi forestier s’est Ă©toffĂ© :

(i) le potentiel de l’inventaire forestier dans le domaine de l’écologie a fortement augmentĂ©, avec l’adoption d’un nouveau protocole d’inventaire, et le dĂ©veloppement d’une communautĂ© de recherche valorisant ses donnĂ©es,

(ii) des site-ateliers de suivi (trĂšs) intensif Ă  partir de 1995 au sein des Ă©tablissements de recherche, pour atteindre 18 sites (SOERE FORET).

(+ dispositifs expérimentaux divers)

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