mise en page 1 - fondation partage et vie · fondation caisses d’epargne pour la solidarit ......

58
Fondation Caisses d’Epargne pour la solidarité Reconnue d’utilité publique par décret en Conseil d’Etat le 11 avril 2001 5, rue Masseran – 75007 Paris Reconnue d’utilité publique www.fces.fr DIAGONALES - N° 7 DIAGONALES SANTÉ PUBLIQUE, HANDICAP ET VIEILLISSEMENT DIAGONALES SANTÉ PUBLIQUE, HANDICAP ET VIEILLISSEMENT SANTÉ PUBLIQUE, HANDICAP ET VIEILLISSEMENT N° 7 - Janvier 2008 JANVIER 2008 COUVDIAGO6-exé 16/06/08 11:04 Page 1

Upload: duongduong

Post on 12-Sep-2018

212 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Fondation Caisses d’Epargne pour la solidaritéReconnue d’utilité publique par décret en Conseil d’Etat le 11 avril 2001

5, rue Masseran – 75007 Paris Reconnue d’utilité publique

www.fces.fr

DIA

GO

NA

LE

S-

7

DIAGONALESSANTÉ PUBLIQUE, HANDICAP ET VIEILLISSEMENT

D I A G O N A L E S

SANTÉ PUBLIQUE, HANDICAP ET VIEILLISSEMENTS

AN

PU

BLI

QU

E, H

AN

DIC

AP

ET

VIE

ILLI

SS

EM

EN

T

N° 7 - Janvier 2008

JAN

VIE

R2

00

8

COUVDIAGO6-exé 16/06/08 11:04 Page 1

Une Fondation au cœur des solidarités

Son statut

• Fondation reconnue d’utilité publique par décret du 11 avril 2001• Fondateurs : les Caisses d’Epargne et la Caisse Nationale des Caisses d’Epargne• Objet : agir contre toutes les formes de dépendance et d’exclusion sociale• Dotation initiale : 15,24 millions d’euros• Conseil d’administration présidé par Charles Milhaud

Ses modes d’intervention

• Opérateur à but non lucratif du secteur sanitaire et médico-social en sa qualité de gestionnaire d’établissements et de services

• Acteur direct de la lutte contre l’illettrisme• Financeur de projets innovants• Organisateur de débats publics• Hébergeur de fondations sous égide

Une Fondation en rapide développement

De 2002 à 2007, la Fondation est passée de :

• 21 établissements et services à 82 établissements et services gérés ;

• 1800 places d’accueil à 5 000 places d’accueil ;

• 985 salariés à 3 875 salariés ;

• 46,2 millions d’euros de ressources, dont 2,5 millions d’euros de dons,

à 191,5 millions d’euros, dont 7,7 millions d’euros de dons reçus.

La Fondation est désormais le premier réseau privé à but non lucratif de résidencesaccueillant des personnes âgées dépendantes.

Dans ses actions de lutte contre l’illettrisme, la Fondation Caisses d’Epargne pour lasolidarité a développé le dispositif «Savoirs pour réussir », qui comptait, au 31 décembre 2007,17 centres accueillant plus de 700 jeunes de 16 à 25 ans fragilisés par la vie, pour leurpermettre de reprendre goût à la lecture, à l’écriture et au calcul.

www.fces.fr

3

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 2

p. 8 Les vœux de la FondationCharles Milhaud, président de la Fondation Caisses d’Epargne pour la solidarité

p. 18 AccueilDidier-Roland Tabuteau, directeur général de la Fondation et vice-président de la Société française de santé publique

p. 22 Table ronde 1HANDICAP ET VIEILLISSEMENT : LES ENJEUX DE LA PRÉVENTION

p. 24 La prévention des maladies liées au vieillissementFrançoise Forette, directrice générale de la Fondation nationale de gérontologie

p. 34 Comment évaluer les risques de chutes et remédier aux conséquences médicales et sociales ?Gilles Kemoun, chef de service de médecine physique et de réadaptationdu CHU de Poitiers

p. 42 Les enjeux de l’organisation du système de santéMarie-Sophie Desaulle, directrice ARH Poitou-Charentes

p. 46 Présentation du « Plan Alzheimer 2008-2012 »Claude Jeandel, chef de service de gérontologie clinique au CHU de Montpellier

4 5

Cette Diagonale a été animée par Claire Hédon, journaliste santé à RFI

p. 54 InterventionDenis Piveteau, directeur général de la Caisse Nationale de Solidaritépour l’Autonomie

p. 62 Table ronde 2HANDICAP ET VIEILLISSEMENT : DÉFIS DE LA PRISE EN CHARGE

p. 64 L’action en matière de santé publiqueBruno Favier, conseiller technique médical à la Fondation

p. 72 La prise en compte de la santé dentaire chez les personnes handicapées et âgéesPatrick Hescot, président de l’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire

p. 80 ConclusionClaude Jeandel, chef de service de gérontologie cliniqueau CHU de Montpellier

p. 82 Table ronde 3HANDICAP ET VIEILLISSEMENT : LES USAGERS,PREMIERS ACTEURS DE LA SANTÉ PUBLIQUE

p. 84 IntroductionDidier-Roland Tabuteau, directeur général de la Fondation et vice-président de la Société française de santé publique

p. 88 Les défis et conditions de la maîtrise de la nutrition par les patients eux-mêmesDocteur Dominique Malauzat, chef de service en psychiatrie du Centre Hospitalier Esquirol

p. 98 Le rôle des patients et la place des associationsNicolas Brun, représentant de l’UNAF au sein du Comité interassociatifsur la santé

p. 104 L’information et l’éducation à la santé des sujets âgés et de leurs prochesPhilippe Lamoureux, directeur général de l’INPES

p. 110 ConclusionDidier-Roland Tabuteau, directeur général de la Fondation et vice-président de la Société française de santé publique

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 4

76

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 6

98

Les vœux de la Fondation

Charles MilhaudPrésident de la Fondation Caisses d’Epargne pour la solidarité

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 8

10

Mesdames, Messieurs, chers amis,

Il est de tradition de nous réunir en début d’année pour la céré-monie des vœux de la Fondation et cette tradition est agréablequand elle permet de réunir tous ceux qui font, soutiennent ouaccompagnent la Fondation.

D’autant que, cette année, cette cérémonie s’inscrit au mitan du programmedes Diagonales, consacrées aujourd’hui à la santé.

Thème doublement d’actualité que ce sujet de la santé : • actualité de la tradition des vœux, tout d’abord, au cœur desquelss’échangent les souhaits de santé. Tout le monde s’accorde à penser quelorsqu’elle va, tout va ;• et actualité pour les politiques publiques puisque la santé de nos aînéset celle des personnes en situation de handicap est au cœur des travauxgouvernementaux.

À cet égard, les Diagonales, ce matin, accueillent d’éminentes personnalitéssous la présidence du professeur Forette.Denis Piveteau, directeur général de la CNSA, ouvrira, quant à lui, lesdébats de cet après-midi. Je les salue toutes et tous, chaleureusement, et les remercie pour leur éclairageet leur contribution. Je voudrais vous dire la fierté que j’ai de constater la manière dont laFondation a progressivement pris sa place dans le débat public depuisquatre ans maintenant. Et cela, à votre initiative, cher Didier, qui avez suinculquer cette culture à la Fondation.

Culture de la spécialité

Preuve en est la qualité des intervenants qui nous font l’honneur d’êtreavec nous. Preuve en est le déroulé et la rigueur des communications dece matin et de celles prévues cet après-midi. Preuve en est encore, lesDiagonales organisées en mai dernier, portant sur l’exclusion économiqueavec, entre autres, la participation du professeur Bentolila – merci cherAlain – du docteur Xavier Emmanuelli, et de Jean-Michel Severino.

Culture de l’éclectisme également si je m’en tiens à la diversité despersonnalités qui sont venues animer, là encore avec constance, lesdifférentes « Focales » en 2007 :

• Gérard-François Dumont, professeur à l’université Paris Sorbonne pourson ouvrage sur les territoires et le vieillissement en France et en Europe ;

• Mathieu Riboulet, pour ses trois derniers romans. Cette Focale a donnélieu à la publication d’un petit carnet, très apprécié, poétique et sensible,que je vous conseille vivement de lire si ce n’est déjà fait ;

• Béatrice Ceretti pour le témoignage poignant de sa longue maladie, résultantd’une infection nosocomiale ;

• Anne-Marie Dubois, psychiatre, responsable de la célèbre collectiond’œuvres d’art de Sainte-Anne, pour son magnifique ouvrage : De l’art desfous à l’œuvre d’art ;

• et puis en mars prochain, vous recevrez Marie-Claude Blais, historienne,qui viendra éclairer cette belle idée de solidarité et nous dessinera soncheminement politique et sa pratique depuis presque deux cents ans.

11

Charles Milhaud, président de la Fondation Caisses d’Epargne pour la solidarité

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 10

12 131312

Si, depuis bientôt presque quatre ans, la Fondation a pu accueillir de tellespersonnalités, elle le doit essentiellement à son engagement opérationnel.Cet engagement qui la rend légitime sur la scène publique. Le contact permanent que les équipes de travail ont avec les personnesfragilisées, âgées ou handicapées ou encore avec les jeunes en difficulté,accueillis dans les 17 centres « Savoirs pour réussir ». Ce savoir-faire-làconstitue le fondement de la crédibilité de la Fondation.

Un mot dès lors sur la qualité d’accueil et d’accompagnement que la Fondationdéveloppe à l’égard de nos aînés et des personnes handicapées grâce à sonréseau d’établissements.

Sur ce secteur, où les besoins sont si importants, la Fondation a achevéen 2007 :

• 6 nouvelles restructurations et constructions neuves, parmi lesquelles jeciterai Felletin – inaugurée en octobre dernier par Xavier Bertrand que j’ac-compagnais – ou encore Paris XIII avec la création d’un pôle de trois éta-blissements exclusivement dédiés aux personnes handicapées ;

• aujourd’hui, 15 sites sont en cours de travaux à Allevard, Beuvry-la-Forêt,Cherbourg, Corbehem, Coulommiers, Gouts-Rossignol, Meylan, Naves,Le Plessis-Robinson, Le Poët-Laval, Luchapt, Marie-Galante, Montigny-en-Ostrevent, Peipin, Plan-d’Orgon, Saméon et Usson-du-Poitou…

Vous le voyez, ce sont là des noms évocateurs de la France entière, outre-mer compris, qui parlent de la France des terroirs, celle de la proximité etdu lien tissé sous le même ciel.

En 2007, la Fondation représente en effet :

• 82 établissements et services, dont 68 EHPAD qui accueillent près de5 000 personnes ;

• 6 établissements dédiés aux personnes handicapées ;

• 4 établissements sanitaires qui ont accueilli plus de 13000 patients en 2007 ;

• 4 services de maintien à domicile et environ 6 000 personnes abonnées auréseau de téléassistance, principalement en milieu rural.

Partout, pour l’année qui démarre, il est question d’extensions, de trans-formations ou de créations :

• 9 résidences de la Fondation sont concernées par des extensions signi-ficatives du nombre de places ;

• 23 dossiers d’autorisation de création d’établissements sont en cours ouont été déjà déposés. Ce développement correspond aussi à une professionnalisation exigeantedu secteur médico-social. Il met en exergue la capacité de la Fondation àmobiliser une multiplicité de compétences et à constituer des maillonsencore manquants dans les réseaux de prise en charge.

C’est ainsi que 20 résidences proposent un accueil spécifique pour lespersonnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et que 13 accueils de jourexistent également dans les établissements. Car – et les invités de cettematinée des Diagonales ne me démentiront pas –, selon les dernières esti-mations, plus de 50 % des personnes âgées en établissement sont atteintesde la maladie d’Alzheimer ou de pathologies apparentées. Ces accueils, leprogramme d’accompagnement et d’animations qui les caractérisent per-mettent en effet de ralentir les étapes d’une maladie que l’on ne peut, parailleurs, pas encore arrêter.

C’est ainsi également que les établissements sanitaires ont passé avecsuccès leur visite d’accréditation avec la Haute autorité de santé fixant lescontrats d’objectifs pour l’avenir.

Dans tous ces domaines, la Fondation travaille et se développe pour lebien-être des personnes qu’elle accueille. Pour tous ses salariés, je le sais,la personne humaine est la préoccupation première.

Mais qui sont ces personnes ? C’est ici un jeune homme, menuisier, qui, à 22 ans, a reçu une charpentesur la tête et a perdu sa mobilité, son travail, puis sa fiancée. C’est ce monsieur âgé de 88 ans. Dans ses objets personnels il a pris aveclui son violon. Il ne peut plus en jouer. Trop d’arthrose. Il le sort de sonarmoire pour le caresser, de temps en temps.

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 12

15

des secteurs de l’autonomie et de la lutte contre l’exclusion. La vie quotidienne d’une personne tétraplégique constitue unvéritable défi, de l’ensemble de ses déplacements à la saisiedes objets les plus usuels. Seules la haute technologie et la robotique pouvaient avecbeaucoup de travail, de technique et d’intelligence, contribuer àredonner un peu d’autonomie à ces personnes et leur ouvrir denouveau au moins l’espace de leur appartement.

Pendant trois ans, en partenariat avec le réseau APPROCHE, leCEA – acteur majeur en matière de recherche, de développementet d’innovation – a travaillé sur la réalisation, entre autres, d’un pro-totype totalement novateur, l’a testé dans les centres de rééduca-tion et de réadaptation fonctionnelle du réseau APPROCHE. Grâce au nouveau système de vision « Aviso », caméra intelligenteembarquée sur le bras articulé des fauteuils électriques, tous lesobjets sont désormais accessibles… La simplicité d’utilisation apermis aux personnes hospitalisées dans les centres de réédu-cation fonctionnelle de s’approprier ce système très rapidement.Grâce à la robotique et à la domotique, le domaine des aidestechniques est aujourd’hui en plein essor. L’ensemble de cesdéveloppements est appelé à s’étendre à la rééducation maisaussi à l’assistance pour l’autonomie des personnes dépendantes. Je me félicite que la Fondation ait été précurseur dans ce domaineet je l’engage vivement à poursuivre ses efforts.

Dans la lutte contre l’exclusion, il est une bataille qui est loind’être gagnée : l’accès à la culture des personnes en situationde fragilité ou d’exclusion. À travers le partenariat initié en 2007avec le festival du Mot, la Fondation relève, là encore, le défi.

Et ce, sur toute la ligne de l’exclusion : du 6 au 10 juin dernier,pour jouer avec les mots, s’en saisir, penser, imaginer, inventer…Educateurs, écrivains, acteurs, musiciens et saltimbanques ontmené des actions avec les associations, les bibliothèques, lescollèges, les hôpitaux, les maisons de retraite. Ils ont proposé descadres d’expression au jeune public et aux personnes fragiliséeset des thèmes qui ont donné lieu à une représentation publique.

14

C’est cette jeune fille. Elle a 23 ans. Elle fréquente « Savoirs pour réussir »et, lors d’un déjeuner organisé avec des personnes très lourdement han-dicapées, a découvert ce qu’elle aimerait faire : des séances de coiffure etde maquillage, rendre ces femmes plus belles et plus heureuses.

Ils sont justement plus de 600 jeunes en situation d’illettrisme à être épauléset suivis de la sorte dans les 17 sites « Savoirs pour réussir » créés depuis2003. Depuis l’ouverture du premier centre, à Marseille, près de 900 jeunesont pu bénéficier du double accompagnement qui caractérise « Savoirspour réussir ».

Reprendre un contact avec la lecture, l’écriture, le calcul, retrouver le goûtd’apprendre, en saisir l’utilité, reprendre confiance en soi pour oser sedessiner un avenir, trouver un sens au mot « demain » sont les étapes d’unlong cheminement où l’on ne s’aventure pas seul.

Je mesure pleinement l’importance des tuteurs, ces hommes et ces femmes,formés par la Fondation, qui ont choisi de donner du temps, de l’énergieet de la conviction pour assurer la transmission du goût d’apprendre, et leplaisir de partager sans cesse renouvelé dans la continuité du lien intergé-nérationnel si précieux.

Dites-leur, je vous prie, qu’ils ont le soutien plein et entier du président etdu conseil d’administration de la Fondation. Conscient des efforts, de la constance et de la capacité de création et denégociation que la vie d’un centre « Savoirs pour réussir » requiert, je saluetout particulièrement les caisses qui se sont engagées dans cette formeessentielle de solidarité.

« Savoirs pour réussir » est un élément important de la politique de soutienmenée par la Fondation qui a récemment publié une brochure exhaustivesur toutes ses opérations d’intérêt général, tous les projets soutenus quitraduisent les efforts engagés de 2003 à 2007, grâce aux dons versés parles Caisses d’Epargne et les filiales du Groupe. Entre 2003 et 2007, ce sont plus de 18 millions d’euros de dons qui ontpermis de transformer des idées en actions concrètes, utiles, souvent origi-nales, parfois très innovantes. Ainsi 367 projets sélectionnés ont pu de lasorte voir le jour.Là encore je ne prendrai qu’un seul exemple pour chacun des domaines,exemple qui montre à chaque fois le rôle d’expertise et de connaissance

“ Grâce à la robotique et

à la domotique,le domaine

des aides techniques

est aujourd’huien plein essor. ”

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 14

1716

Le mutualisme se joue donc à trois. Trois éléments parfaitement solidaireset de manière spontanée !

Alors mesdames et messieurs, et là je m’adresse aux Caisses et aux filialesdu Groupe, le message n’est pas que poétique. Et vous avez compris quela Fondation a besoin de votre soutien déterminé, progressif et surtoutspontané. Car, j’insiste, à défaut de projets conséquents pour les plusdémunis et les blessés de la vie, leurs souffrances finiront par nous défigurernous-même dans notre humanité.

Avant de conclure, il me revient de saluer tout particulièrement l’ensembledes équipes de la Fondation – et je suis très sincère – car, au-delà d’unplan d’action étoffé, ces équipes se sont fortement investies et ont contribuéde la sorte à poursuivre l’adaptation de la Fondation aux enjeux du secteuret, ainsi, à accompagner sa révolution culturelle.

Mes chers amis, meilleurs vœux de bonne et heureuse année pour vous-même et vos proches.

Partenaire principal de ce festival, la Fondation était présente avec unréseau de partenaires qu’elle a mobilisé pour l’occasion :

• la Fédération nationale d’orthophonie qui a procédé à des dépistagesprécoces des tout-petits ;

• le dispositif nivernais d’accès à l’autonomie linguistique qui a fait participerdes personnes en grande difficulté aux animations ;

• et les centres «Savoirs pour réussir » de Valenciennes et d’Alès avec quel-ques-uns des jeunes, émerveillés devant autant de découvertes.

En juin prochain, attendez-vous me dit-on, à voir des jeunes du dispositif« Savoirs pour réussir » en représentation publique pour des textes qu’ilsauront eux-mêmes composés et mis en rythme avec des slameurs profes-sionnels : c’est là l’objet d’un atelier pédagogique qui va se mettre en place. Dans quelques minutes, autour du verre de l’amitié, vous pourrez voir l’exposition de la Fondation lors de ce festival. Elle retrace de façon émou-vante tout le travail réalisé avec les mots dans les centres « Savoirs pourréussir » bien sûr, mais aussi dans les résidences et enfin au travers desactions soutenues. Je souhaite qu’elle puisse faire le tour de France et êtreaccueillie dans les différentes Caisses d’Epargne. Un très joli livret qui vientd’être également publié va vous être remis à cette occasion.

Au-delà de ce qui vient d’être évoqué et qui peut nous rendre fiers, je souhaitesouligner un point important car il engage le devenir de la Fondation etl’image du Groupe tout entière et où de sérieux progrès restent à accomplir.

Pour cela je veux vous raconter une histoire : celle de l’acacia siffleur, desfourmis, des éléphants et des girafes. Vous souriez, je vois, mais gardez àl’esprit que l’histoire est sérieuse et a des bases scientifiques.

L’acacia siffleur produit du nectar qui permet aux fourmis de se nourrir etaussi des épines qui leur permettent de s’abriter. En échange, les fourmisprotègent l’arbre des insectes herbivores. Jusque très récemment, tout lemonde pensait que ce mutualisme fonctionnait grâce aux deux partenaires.Or, il en faut un troisième : l’éléphant ou la girafe. C’est ce que viennent dedécouvrir les chercheurs. Lorsque éléphants et girafes sont éloignés, toutce bel équilibre se détériore.

« À défaut de projets conséquents pour les plusdémunis et les blessés de la vie,

leurs souffrances finiront par nous défigurernous-même dans notre humanité. »

Charles Milhaud

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 16

Accueil de Didier-Roland Tabuteau

Directeur général de la Fondation Caisses d’Epargne pour la solidarité

et vice-président de la Société française de santé publique

Mesdames, Messieurs.

Je vous remercie d’être avec nous ce matin pour cette mani-festation biannuelle de la Fondation. Le thème que nousabordons aujourd’hui « Santé publique, handicap et vieillis-

sement », recouvre un vaste champ qui sera décliné sous différents aspects.

En préambule à cette journée, je voudrais rapidement préciser les raisonsqui ont présidé au choix de ce thème. Le handicap et le vieillissement sontdeux axes majeurs de l’action de la Fondation Caisses d’Epargne pour lasolidarité. Il nous a semblé utile de relier ces questions, la perte d’autonomieliée au vieillissement et l’absence ou la perte d’autonomie liée au handicap,aux questions plus générales de santé publique, au moment où la santépublique connaît dans notre pays, et d’ailleurs largement dans les payseuropéens, un renouveau et un développement importants.

On oppose souvent santé publique et soin. La santé publique serait uneapproche collective, à la différence de l’approche individuelle, celle du soin,du colloque singulier. Le collectif contre l’individuel en matière de santém’a toujours paru pour le moins surprenant. Comment ne pas plaider pourune approche globale prenant en compte la personne au-delà des soins,mais intégrant les soins dans la démarche de santé publique ?

On voit bien les enjeux majeurs qui se dessinent, pour une approche globalede la santé des populations et des personnes, à travers le crible de lasanté publique. Le problème sanitaire du saturnisme, par exemple, appelleune action globale sur le logement, les soins, l’accompagnement social,l’aide aux personnes. L’intervention ne peut être réduite à la seule prise encharge sanitaire. C’est cette approche qu’il nous faut promouvoir. La santé publique conduità d’autres problématiques qui sont également dans les compétences et lesactions de la Fondation : les inégalités sociales, les inégalités territoriales ettoutes les difficultés liées aux pertes d’autonomie dues au contexte familialet individuel des personnes.

19

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 18

2120

L’engagement en santé publique, qui est consacré aujourd’hui par cetteréunion, est, si vous me permettez l’expression, dans les « gènes » de laFondation Caisses d’Epargne pour la solidarité, puisque la Fondation a,depuis sa création, accompagné de nombreuses associations et actionsde santé publique. Deux exemples de projets de santé publique liés aumaintien au domicile : le projet CHUTADOM sur l’évaluation des chutesdes personnes âgées de plus de 75 ans, l’analyse nous en sera présentée,et une étude sur l’état nutritionnel lors des soins à domicile en matière psy-chiatrique, sujet extrêmement important compte tenu de la population quiest confrontée à cette situation.

Nous avons également porté d’autres initiatives en matière de santé publique.Je citerai pour exemple la participation au réseau de prévention et de priseen charge de l’obésité en Martinique, le REPOM, qui est une initiative desensibilisation et de dépistage itinérant des complications du diabète etdes facteurs de risques cardio-vasculaires. De même, nous avons soutenu,avec l’établissement hospitalier d’Esquirol, un projet visant à améliorer l’étatnutritionnel des patients en établissement, dans le secteur psychiatrique.

Ces attentions portées aux questions de santé publique ont trouvé un premieraboutissement, avec la création d’une opération d’intérêt général, le 3 juillet2007. Le conseil d’administration de la Fondation a décidé d’ajouter à seschamps d’intervention, les opérations d’intérêt général (OIG), une OIG« Santé publique et prévention de la perte d’autonomie ». Cela nous a parexemple permis de développer, sur le champ médico-social, des dispositifssanitaires améliorant la situation des personnes prises en charge.

Un partenariat, extrêmement important à nos yeux, a ainsi été établi avecl’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire et la mutuelle Intégrancepour la santé bucco-dentaire des personnes âgées accueillies en EHPAD.Il s’agit d’un sujet de santé publique majeur. La Société Française de SantéPublique en a récemment fait l’une de ses trois priorités.

Nous menons aussi une action particulière en matière de risques infectieux,notamment dans la lutte contre les infections associées aux soins en EHPAD.Nous avons en particulier été partenaires des premiers Etats généraux dela lutte contre les infections nosocomiales et contribué à l’analyse de ce

thème au cours de ces journées. Je n’évoquerai pas l’ensembledes activités que nous essayons d’accompagner, de soutenir,de déployer au sein de la Fondation, mais il s’agit, pour nous,d’un axe majeur : nous sommes convaincus qu’à travers lesquestions de santé publique, c’est une approche nouvelle quipeut se développer sur le secteur médico-social.

Nous soutenons également des initiatives de mise en place decoordination des soins, selon le principe du case managementquébécois, pour les personnes qui sont dépendantes ou dura-blement dépendantes, ou selon le principe du case disease, auvu de l’expérience américaine de coordination des soins dans lesecteur des maladies chroniques.

Enfin, en partenariat avec la Caisse Nationale de Solidarité pourl’Autonomie, nous accompagnons des recherches sur la préven-tion de l’aggravation de la perte d’autonomie dans le champ duhandicap et de la gériatrie. Par l’ensemble de ces activités, laFondation contribue, à sa place, à son échelle, à apporter sapierre à l’édifice qui conduit à progressivement remettre encause, dans la réalité, les frontières entre le sanitaire, le médico-social et le social. Ces frontières s’estompent concrètement, àl’évidence dans les besoins des personnes, dans leurs attentes.

On sait que, socialement, et scientifiquement, ces frontières netiennent plus, et la table ronde de ce matin en donnera l’illustra-tion, mais il faut que progressivement elles se dissolvent, politi-quement, budgétairement, administrativement, pour simplifier lavie de tous. C’est une motivation supplémentaire pour dévelop-per cette approche globale des problèmes soulevés par le han-dicap et la perte d’autonomie.

N’oublions jamais la personne qui est au centre de la prise encharge. N’oublions pas non plus que la maladie ou l’accidentsont, dans la plupart des cas, sinon la totalité, au cœur des dif-ficultés liées au handicap ou au vieillissement.

“ En partenariatavec la CNSA,

nous accompa-gnons des

recherches surla prévention de

l’aggravation de la perte

d’autonomiedans le champdu handicap et

de la gériatrie. ”

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 20

2322

1 Handicap et vieillissement : les enjeux de la prévention

Françoise Forette • Gilles Kemoun • Marie-Sophie Desaulle • Claude Jeandel

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 22

2524

C’est une bonne perspective de penser que nous allons vieillir trèslongtemps, mais cela comporte le risque de vieillir avec un certain nombre demaladies qui provoquent une dépendance. Il est normal que cela entraîneune inquiétude pour la majorité des citoyens français ou du monde entier.

Cette inquiétude est partagée par les pouvoirs publics et en particulier par nosgrands argentiers et nos grands économistes, car, même si la dépendanceest relativement peu importante en pourcentage, elle représentait, il y a deux ans,15 milliards d’euros de dépenses. Sans doute ce chiffre a-t-il augmenté depuis. Cette dépense est à la charge de la communauté et non des familles. Celles-cipaient bien davantage que ces 15 milliards d’euros. Il s’agit donc d’un problème

prioritaire. Il est normal que chacun d’entre nous ait envie de vieillir en bonnesanté, de pouvoir avoir des rapports avec ses enfants, ses petits-enfants ;que chacun puisse avoir un rôle dans la société.Nous touchons là à un grand défi des temps modernes. Il m’avait été initia-lement proposé un sujet qu’il est impossible de traiter : « Comment prévenirle vieillissement ? »On ne prévient pas le vieillissement : le vieillissement est une étape tout àfait normale de la vie. On tente de prévenir le vieillissement que nous appe-lons nous, pompeusement, pathologique. C’est-à-dire le vieillissement quis’accompagne de maladies pouvant entraîner une dépendance.Nous essayons de promouvoir l’idée, peu répandue, que la dépendanceest liée essentiellement à l’apparition de maladies ou de conditions socialesdéfavorables. Ce n’est jamais le vieillissement lui-même qui est le promoteurde la dépendance. On peut dire que l’accroissement de la longévité est une bonne et grandenouvelle, à la condition que la population soit en bonne santé et en étatd’activité. Je reviendrai sur cet état d’activité.

Claire Hédon > Disposez-vous de données sur le nombre de personnesdépendantes suivant les âges ?

Voici quelques chiffres tirés de l’étude Handicap-Incapacités-Dépendance :lorsque l’on considère l’ensemble de la population, on voit qu’environ seu-lement 7 % des personnes de plus de 60 ans sont dépendantes. Cela veutdire que 93 % de la population reste en bonne santé. Bien évidemment, ces chiffres augmentent avec l’âge, mais de façon peuimportante de 60 à 69 ans, ce qui me conforte dans l’idée de promouvoirl’activité dans cette tranche d’âge. Cela augmente progressivement, maisà plus de 90 ans – ce qui est un âge avancé – seules 43 % de personnessont dépendantes. Les hommes lorsqu’ils vivent au-delà de 90 ans sont en meilleure santé queles femmes : 30 % seulement d’entre eux sont dépendants, ce qui veut direque 70% des hommes de plus de 90 ans sont en parfait état de santé. Raisonde plus pour faire de la prévention et leur permettre de rester en bonne santé.

Françoise Forette, directrice générale de la Fondation nationale de gérontologie

La prévention des maladies liées au vieillissement

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 24

27

> Ces chiffres intègrent-ils les situations de dépendance liées à lamaladie d’Alzheimer ?

70 % des causes de dépendance sont liées à la maladie d’Alzheimer ouune maladie apparentée. La maladie d’Alzheimer est le grand cadre de cequ’on appelle les démences, mais que l’on ne peut plus appeler démencespar égard pour les familles qui détestent ce terme. Démence est un termemédical qui a une définition tout à fait précise. On préfère parler des maladieselles-mêmes, maladie d’Alzheimer ou maladie apparentée.

Comme nous l’avons vu, la dépendance augmente avec l’âge bien évi-demment. L’augmentation attendue du nombre des personnes de plus de75 ans et de plus de 85 ans est normale ; il est bon que beaucoup de per-sonnes âgées continuent à vivre. Elles seront deux millions en 2020, il fautse préoccuper d’essayer de réduire cette dépendance pour ces personneselles-mêmes, pour nous et pour l’ensemble de la population.

Quelles sont les cibles de la prévention ? Qu’essaye-t-on de prévenir lorsquel’on parle de prévention ? Ce sont d’abord les maladies liées à l’âge. Mais aussi ce que l’on appelle lafragilité. On parle souvent des personnes âgées fragiles, que les Américainsappellent les frail elderly. Pour agir de façon plus efficace, il nous faut réfléchirpour savoir si cela existe vraiment ou si c’est un concept fabriqué. Enfin,l’inactivité est un grand facteur de dépendance, il faut donc veiller à ce quela population soit active. Toutes les maladies liées à l’âge peuvent être sources de dépendance etpeuvent être prévenues. Elles dépendent toutes de facteurs de risque quel’on peut éventuellement modifier ; ceci est une donnée importante.

Autre point important aussi : il n’est jamais trop tôt et il n’est jamais trop tard.Le problème n’est pas de donner des médicaments nécessairement après60 ans, 70 ans. Il faut que cela fasse partie de la conscience des gens. À titred’exemple : les maladies tueuses que sont les maladies cardio-vasculaireset les maladies cérébro-vasculaires, sont les grandes responsables de ladépendance. C’est avant 20 ans qu’il faut les prévenir en empêchant lesenfants de fumer à l’âge de 10 ans.

La lutte contre l’obésité, et je me réjouis que la Caisse d’Epargne sou-tienne ces projets de lutte contre l’obésité – car l’obésité de l’enfant croîtà l’heure actuelle –, est le meilleur moyen de préserver les coronaires des50 à 60 ans.

26

L’ostéoporose se prévient avant 20 ans. C’est avant 20 ans qu’une jeunefille doit constituer son capital osseux par une ration suffisante en calciumet une activité physique. La promotion de l’activité physique est très importante. Pour ce qui touche aux troubles sensoriels : la cataracte se prévient en neskiant pas sans lunettes de soleil, en n’allant pas faire du bateau sanslunettes de soleil.

Vous constatez que la prévention doit devenir l’affaire de toute une vie. Onne peut pas considérer que les questions de prévention, de capital santé,vont rendre les gens responsables de leur malheur. Il ne faut pas voir leschoses comme cela. Il serait extrêmement toxique de dire : « Vous êtesmalade ; c’est votre faute ». Il faut expliquer aux gens qu’il existe desmoyens pour essayer d’éviter ces maladies. Il faut inverser totalement laproposition. Bien entendu, lorsque l’on souffre de la maladie d’Alzheimer,on n’est pas responsable de l’avoir eue. Toutes les maladies dont je parlepeuvent être prévenues par un certain nombre de moyens très simples.

> Il s’agit vraiment d’une hygiène de vie à adopter. Existe-t-il des trai-tements préventifs intéressants ?

Il s’agit, en effet, d’hygiène de vie. Passé soixante-dix ans, il y a bien évi-demment des traitements. L’hypertension artérielle, par exemple, est legros facteur de promotion des accidents vasculaires cérébraux et desmaladies cardio-vasculaires. Elle peut se traiter par une hygiène de vieadaptée. Cela veut dire qu’il faut maigrir quand on est en surpoids, diminuersa consommation de sel ; quelquefois, cela suffit. Le plus souvent, cela nesuffit pas. Nous disposons de très remarquables antihypertenseurs.Je vous indiquais qu’il fallait promouvoir l’activité physique en cas d’ostéo-porose. Mais il existe également de très nombreux médicaments contrel’ostéoporose, lorsqu’elle est déclarée. La dépression est également une maladie catastrophique et souventméconnue surtout après un certain âge. On parle beaucoup d’une surcon-sommation d’antidépresseurs en France. En réalité, les antidépresseursdoivent être prescrits quand la dépression est authentifiée.

> Ce que vous dites est important. Il faut se soigner.

Bien sûr. Cela veut dire qu’il faut aller voir son médecin praticien. Celui-cidoit soigner les maladies par des médicaments lorsque l’hygiène de vie n’a

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 26

2928

pas suffi, mais c’est en premier lieu l’hygiène de vie qui est importante. Dans le cas des cancers, on essaye de les éviter grâce à une hygiène devie dans certains domaines, mais heureusement les médicaments ou lesinterventions existent. La prévention peut éviter un grand nombre de mala-dies. Elle va être magnifiée par les progrès en cours qui sont absolumentfabuleux dans le domaine des technologies. Parlons d’hygiène de vie. On en connaît très bien les grands principes :nutrition équilibrée, activité physique, activité intellectuelle, etc. On neréussit pas, lorsque l’on promeut cela, à améliorer ce que les Américainsappellent la health literacy (il n’y a pas de traduction de ce mot en français).Ce qui veut dire qu’il ne s’agit pas seulement d’en prendre conscienceintellectuellement, mais d’arriver à l’intégrer complètement dans sa manièrede vivre, et à intérioriser ce style de vie.

Ce qu’il y a de plus important est sans doute l’éducation tout au long dela vie. L’inégalité foncière entre les couches sociales n’est pas seulementune inégalité de moyens financiers ; c’est essentiellement une inégalitédans l’information et l’éducation. Raison pour laquelle on doit s’attacher,dans un pays, à éduquer.

> Cela veut dire qu’il faut que ce soit un réflexe ?

Il faut que ce soit un réflexe et que les données que l’on acquiert dès l’en-fance deviennent tout à fait normales et intégrées à sa manière de vivre. Je vais vous donner quelques exemples de carences de prise en chargeconcernant notamment les médicaments. L’insuffisance cardiaque congestive est un énorme facteur de dépendance.Il est extrêmement pénible de vieillir avec une insuffisance cardiaquecongestive, avec de l’ostéoporose ou des fractures. La fréquence de l’in-suffisance cardiaque congestive augmente avec l’âge et particulièrementaprès 80 ans chez la femme. Les données sont cruciales à cet égard. Desmédicaments efficaces existent et ne cessent de progresser. On sait à présent que la vieille digitaline que l’on donnait avant n’est plusle meilleur des médicaments. Les plus adaptés sont les deux classes demédicaments dits bêtabloquants et les inhibiteurs d’enzymes de conversion.Lorsque l’on a plus de 80 ans, on ne bénéficie pas des thérapeutiques lesplus modernes, ni des progrès de la médecine et c’est inacceptable. Il y aune différence significative d’emploi de ces médicaments chez les personnesde plus de 80 ans. C’est une carence vis-à-vis des personnes âgées.

Une étude a été faite dans les EHPAD français sur 14 000 résidents.

En premier lieu, la fréquence est très importante : dans les EHPAD, 30 %des personnes ont une insuffisance cardiaque congestive parfois méconnue.Les médicaments recommandés ne sont utilisés que dans 50 % des cas,16 % pour les bêtabloquants. Cela veut dire que le traitement de l’insuffisancecardiaque en EHPAD n’est pas convenable : on considère que ce n’estpeut-être pas la peine de les administrer aux personnes de plus de 80 ans. L’ostéoporose augmente avec l’âge et elle est responsable de fractures.Les fractures vertébrales surviennent tôt, dès la cinquantaine souvent chezla femme. C’est un grand facteur prédictif de la survenue d’une fracture ducol du fémur plus tard. L’ostéoporose n’est pas suffisamment prise en compte dans la populationfrançaise. Elle augmente, les fractures aussi. On dispose d’un grand nom-bre de médicaments qui fonctionnent : le calcium, la vitamine D, les biphos-phonates, le ranelate de strontium, etc. Ils ne sont pas employés.

Dans une étude récente sur des personnes âgées de plus de 70 ans, on aconstaté que soixante-cinq d’entre elles avaient une fracture vertébralenotée sur la radio. Ce qui est extraordinaire, c’est que cela n’était mêmepas noté dans leur dossier. C’est-à-dire que cela n’a pas été vu ni pris encompte. Un petit tiers de ces patients, seulement, était traité. Si l’on traite la fracture et le tassement vertébral d’une personne, on luiévite une future fracture du col du fémur quelques années plus tard. On saitque la fracture du col du fémur, en dépit du fait que les chirurgiens opèrentde mieux en mieux – il n’y a pratiquement pas de décès sur table pour unefracture du fémur –, s’accompagne d’une mortalité de 20 à 30 % à un anet d’une entrée dans la dépendance qui est à peu près de 20 à 30 %.

Cela prouve à quel point la vigilance doit être grande en ce qui concernel’ancrage dans les mentalités du style de vie ; il faut aussi qu’elle s’appliquepour que chaque personne, quel que soit son âge, reçoive un traitement quidoit être le meilleur possible.

La maladie d’Alzheimer est un enjeu de santé publique considérable, on lesait. Les médicaments substitutifs symptomatiques disponibles ne sontpas assez utilisés. Pourquoi cela est-il important avec l’âge ? Cela est dû à l’augmentation de la prévalence, en particulier après 85 ans.Plus on a la chance de vivre au-delà de 85 ans, plus on a un risque dedévelopper une maladie d’Alzheimer. C’est un problème mondial.

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 28

3130

Il y a 20 millions de patients dans le monde atteints de la maladied’Alzheimer, essentiellement, ce qu’on ne sait pas, dans les pays en voiede développement. Si la recherche n’avance pas – je pense qu’elle vaavancer –, il y en aura 80 millions très bientôt. Il y a 4 millions de nouveauxcas par an dans le monde entier. Cela veut dire que, dans le monde, unnouveau cas de maladie d’Alzheimer apparaît toutes les sept secondes.

Nous ne somme pas performants en France. D’après les extrapolationsd’une étude épidémiologique, et non des cas qu’on a repérés, nous avons850 000 malades ; 225 000 nouveaux cas par an, 25 % après 85 ans ; 50 %des cas ne sont pas diagnostiqués en France et 17 % seulement sont traités,ce qui n’est pas convenable.

On parle de maladie d’Alzheimer et maladies apparentées. Tous les maladesne souffrent pas de maladies d’Alzheimer mais représentent à peu près70 % des cas. C’est important d’en faire le diagnostic. On sait que la dété-rioration intellectuelle est responsable de 70 % des institutionnalisations etde 72 % des demandes d’Allocation Personnalisée d’Autonomie – APA. Sil’on obtenait un traitement de ces maladies, on économiserait 70 % del’APA. On viderait les institutions de 70 % de leurs habitants, ce qui seraitma grande ambition même si ces institutions sont nécessaires.

On a mis en doute l’efficacité des traitements symptomatiques à tort. Ilsdonnent une amélioration, certes, très modérée. Ces médicaments neguérissent pas la maladie, loin de là, mais ils améliorent de façon modéréeet significative l’ensemble des fonctions de la vie quotidienne. C’est l’entréedans un plan de soin, l’entrée d’une aide aux familles.

Existe-t-il des approches préventives ? Les études épidémiologiques avaientdémontré que les personnes prenant des œstrogènes comme traitementhormonal de substitution, des anti-inflammatoires parce qu’ils sont rhuma-tisants, des antiradicalaires parce qu’ils ont lu la littérature américaine, desstatines parce qu’ils ont une hypercholestérolémie, avaient une réductionextraordinairement importante de l’incidence à la maladie d’Alzheimer. Enétude épidémiologique, on observe la population et on n’intervient pasdessus ; on observe ce qui se passe. Cela a soulevé beaucoup d’espoir.Dans une des études, on constatait même une diminution de 70 % de lamaladie d’Alzheimer.

Pour vérifier l’efficacité de ce type, on doit procéder à un essai randomisé– essai réalisé sur des sujets pris au hasard – en double aveugle contreplacebo. Sinon, le nombre de biais de sélection dans la population peutconduire à considérer que le bénéfice est lié à cela.

Malheureusement, les études qui ont été faites sur l’ensemble de cesmédicaments – comme c’est le cas pour les œstrogènes – n’ont pasdémontré leur bénéfice sur l’incidence de la maladie d’Alzheimer. Le béné-fice des œstrogènes sur la fonction cardio-vasculaire n’a pas été démontrénon plus. Nous avons eu la confirmation de ce que nous savions déjà, unetrès légère mais significative augmentation du cancer du sein. Il devient difficile de légitimer ces approches. En revanche, c’est un plai-doyer en faveur de nouvelles études dans le domaine, en particulier avecles œstrogènes utilisés en France et les statines prescrits contre l’hyper-cholestérolémie.

> Une des explications ne serait-elle pas que toutes ces personnesqui prennent ces médicaments sont finalement plus suivies par desmédecins ?

Il est évident que les femmes qui prennent des œstrogènes ont un niveausocio-économique et socio-éducatif beaucoup plus élevé. Pour les rhuma-tisants, on n’a pas d’explications. En revanche, les antitenseurs réduisentde 40 % le risque d’accident vasculaire cérébral, le risque d’attaque. Deux études ont randomisé que le traitement de l’hypertension artérielle,non seulement réduit les démences qui sont liées à un accident vasculairecérébral mais réduit aussi – l’étude SYSTEUR le démontre – les démencesdégénératives.

Ira-t-on plus loin ? Va-t-on prévenir la maladie d’Alzheimer ? La réponseest « oui ». Cela va venir. Le problème est quand ? La maladie d’Alzheimerest liée au dépôt d’une protéine dite protéine amyloïde au niveau du cer-veau. Tout au moins, c’est l’hypothèse la plus évidente. Les essais diversvisent à réduire ce dépôt de la protéine amyloïde au niveau du cerveau. Sicela réussit, surtout au tout début de la maladie, on peut considérer qu’onaura pratiquement une guérison de la maladie. C’est un plaidoyer dans le plan Alzheimer. En France comme dans d’autres

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 30

33

pays, guérir la maladie d’Alzheimer n’est pas hors de portée. Dans le casdu vaccin anti-Alzheimer, on voit chez une souris transgénique porteuse deslésions de maladie d’Alzheimer exactement ce que l’on voit dans le cerveaudes patients ; dans le cas d’une souris qui a été vaccinée par la protéineamyloïde, la protéine qui se dépose est totalement vierge. On a fait un essai récent qui s’est traduit par des effets secondaires extrê-mement importants : 18 encéphalites sur 300 patients. L’essai a été arrêtémais d’autres pistes sont à l’étude. J’appartiens au safety committee,comité de sécurité de l’étude sur un autre vaccin qui a lieu à l’heure actuelle.

> La fragilité peut-elle être aussi une cause de dépendance ?

La fragilité. Est-il vrai de dire qu’il y a des personnes âgées fragiles ? C’estdifficile. La définition est difficile. Celle donnée par un consensus récent estde dire que la fragilité est un état de vulnérabilité à un stress secondaire, àde multiples déficiences du système qui conduisent à une diminution desréserves physiologiques. On peut moins réagir au stress, on n’a pas lescapacités physiologiques de réagir à n’importe quel stress, à une maladieaiguë, que quelqu’un de plus jeune.

Il n’y a pas d’accord sur le phénotype qui veut dire : « qu’est-ce que c’est ? »On ignore s’il est irréversible. On dit qu’il y a un déclin des fonctions physio-logiques, que ce déclin est responsable d’un certain nombre de symptômes– perte de poids, faiblesse musculaire, fatigue, lenteur, inactivité – et d’uncertain nombre de signes, en particulier la sarcopénie : c’est-à-dire la diminu-tion de la force musculaire avec l’âge et la diminution de la masse musculaire.Il y a une ostéopénie dans cette définition-là, des troubles de l’équilibre, dela marche, une dénutrition. Le risque en est la dépendance.

C’est un des phénotypes de la fragilité. Il manque les troubles de la cognition.La détérioration intellectuelle, même si ce n’est pas une maladie Alzheimer,fait partie de cette fragilité. Cette diminution de la cognition est aussi, avecles facteurs psychologiques et sociaux, non signalés dans l’autre définition,quelque chose de très important.

Peut-on retarder cela ? Quelle est la prévalence, la fréquence ? C’est trèsfréquent chez les personnes de 65 à 74 ans. Cela concerne 10 % des per-sonnes de 75 à 80 ans et 25 % des plus de 85 ans.

Est-ce réversible ? Une recherche très importante sur la sarcopénie existesur la façon dont on peut rétablir la force musculaire en plus de l’activitéphysique bien évidemment. On peut traiter l’ostéopénie et l’ostéoporose.On peut s’occuper des troubles de l’équilibre et de la marche. On doits’occuper de la dénutrition. Il existe une recherche fondamentale pouressayer de guérir cette fragilité.

Dernière cause de dépendance : l’inactivité. Le risque de mortalité en fonction du statut : si l’on considère que les actifsoccupés ont un risque de 1, les inactifs ont cinq fois plus de risque.Pourquoi est-on inactif ? On est inactif, aussi, parce que l’on est malade.Quand on voit les chômeurs, a priori, il n’y a pas de raison qu’ils soientmalades. Ils ont pourtant des conditions de vie extraordinairement précaires.C’est effrayant de voir qu’un chômeur a trois fois plus de risques de mortalitéqu’une personne en activité. Là encore, le problème social est important.

L’espérance moyenne de vie en France grimpe, en apparence, jusqu’auplafond. La cessation d’activité tire vers le plancher. Cet écartement descourbes n’est bénéfique, ni pour la France ni pour les individus. Il faut fairequelque chose à cet égard. Il faut promouvoir massivement l’emploi desseniors, le maintien dans l’emploi des plus de 50 ans. C’est à 50 ans queles gens commencent à craindre de perdre leur emploi ; il faut changer lesconditions de travail, les mentalités.

Enfin, les dernières étapes de la prévention : la prévention secondaire despersonnes autonomes mais fragiles. Une filière gériatrique complète s’im-pose et aussi une intégration familiale et sociale et des revenus suffisants.Enfin, la prévention tertiaire, très bien faite dans les EHPAD à l’heure actuelle,est importante : elle allie prise en charge médico-sociale d’excellence etinnovations sociales intégratives.

32

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 32

34 35

Claire Hédon > La chute est l’une des grandes craintes despersonnes âgées. Elle marque parfois, et même souvent, le début dela dépendance. C’est un domaine où la prévention est particulière-ment importante. Pour commencer, je souhaiterais vous faire réagir àla phrase du professeur Françoise Forette : « Même pour éviter leschutes, l’activité physique est importante ».

On ne peut qu’abonder dans ce sens : la nécessité de promouvoir la pré-vention et surtout d’œuvrer pour un changement culturel de notre popula-tion et aussi de nos institutions. C’est la clé pour essayer de diminuer cesénormes problèmes de santé publique que vous avez décrits.

Gilles Kemoun, chef de service de médecine physique et de réadaptation du CHU de Poitiers

On sait à présent et depuis fort longtemps que l’activité physique est unélément fondamental de bienfait pour la santé. Cela a été initialementdéveloppé dans le cadre des maladies cardio-respiratoires. Puis, on s’est aperçu que tous ces principes mis en place pour ces maladiestrès spécifiques pouvaient s’appliquer à tous les domaines pathologiqueset à tous les champs de la santé.

Pour en venir au problème du vieillissement, comme le montrent quelquesétudes américaines et françaises sur la maladie d’Alzheimer, et nous sommesen train de mettre en place une étude là-dessus, l’activité physique estégalement un élément de prévention du déclin cognitif. Il semblerait qu’une activité physique bien conduite sur un temps suffisam-ment long permette de retarder la survenue de démences et des maladiesd’Alzheimer. Cet élément fondamental devra et doit être complémentairede tous les traitements médicamenteux qui, à ce stade, donnent un soutienaux patients mais peinent à faire progresser la prise en charge.

> Quels sont les facteurs de risques ? Le manque d’activités physiquesen est-il un ?

En effet, un autre principe est fondamental dans la prévention : plus onpart de haut, moins on a de chances, à un moment donné, d’arriver austade de la dépendance. On doit retenir ce qui sera une phrase clé de lajournée : « ni trop tôt, ni trop tard ». Il faut commencer très tôt pour avoirune marge fonctionnelle. C’est-à-dire être en mesure d’y puiser lorsqu’onse trouve en situation de risques, quand on est alité ou malade. C’est departir de très haut sur le plan fonctionnel par l’activité physique.

La chute est un énorme problème de santé publique qui représente uncoût considérable. On enregistre 30 % de chutes de personnes de plus de65 ans par an ; 50 % chez les personnes de plus de 80 ans.

Il s’agit de la première cause de mortalité accidentelle dans cette catégoriede la population. Une personne qui tombe a vingt fois plus de risques detomber dans l’année qui suit ; d’où l’intérêt de prévenir la première chute

Comment évaluer les risques de chutes et remédier aux conséquences médicales et sociales ?

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 34

37

Quand de surcroît il n’y a ni centralisation, ni coordination au niveau dessoins, la catastrophe est difficilement évitable. Ce ne devrait plus virtuelle-ment être le cas, ça ne l’est plus administrativement. Les autres facteurs liés au comportement appartiennent à la vie quoti-dienne. Une personne montée sur un escabeau, sur un tabouret à roulettes,une personne âgée qui se lève la nuit sans allumer la lumière, provoquentdes effets terribles. Les tapis qui rebiquent, le fil du téléphone qui traîne en travers de la porte,le petit seuil de marche qui n’est pas matérialisé, le chien ou le chat quipasse entre les jambes. Ce qui est terrible également pour nous et surtoutpour la personne concernée ce sont les parquets cirés, les mules qui ontla préférence des personnes âgées et qui sont un grand vecteur de clientspour les chirurgiens orthopédistes.

La troisième catégorie concerne les facteurs liés à l’environnement, audomicile. On s’attache beaucoup au domicile parce que globalement entre50 % et 60 % des chutes y surviennent. Il est vrai qu’un certain nombre dechutes sont liées à l’environnement urbain. De gros progrès restent à faire en matière d’entretien des voiries, de lamatérialisation des trottoirs, de la signalisation, de la mise en place derampes, d’accessibilité. L’accessibilité ne concerne pas simplement lesbâtiments, mais aussi l’environnement urbain.

> Venons-en à ce que vous avez mis en place à Poitiers à partir decette connaissance des facteurs de risque ?

Nous avons constitué à Poitiers une équipe d’intervention appelée« Padchute », ce qui veut dire prévention à domicile des chutes de la personne âgée à domicile. C’est une équipe pluridisciplinaire composéed’un médecin, d’un kinésithérapeute et d’une ergothérapeute, qui intervientà domicile et qui évalue, en situation de vie quotidienne, l’ensemble desfacteurs de risque tels que nous les avons rapidement évoqués tout àl’heure. Cette évaluation nous donne une photographie très complète et très précise de l’état de santé de la personne ainsi que de l’état de safonction dans son environnement quotidien et de son risque réel.

36

mais aussi de mettre en place une prévention secondaire après cette pre-mière chute. Cela représente 9 000 à 12 000 décès par an et un risqueconsidérable d’institutionnalisation. On estime que 40 % des institutionna-lisations sont directement et indirectement liées à une chute. C’est également un coût de santé publique phénoménal : 1 % du budgetde santé d’un pays, soit environ 2 milliards d’euros pour la France.

On a parfaitement identifié les facteurs de risque. La littérature est abondanteen la matière. De nombreuses équipes dans le monde se sont penchéessur ce problème depuis très longtemps. Le grand nombre de facteurs derisque pose aussi problème. À un moment donné, l’évaluation ne peut sefocaliser sur un facteur et contraint à envisager l’ensemble de ces facteursde façon simultanée. On mesure l’ampleur du problème quand on saitqu’on dénombre plus de 400 facteurs de risque. Je ne vais pas les énumérer. On peut distinguer trois grandes catégories :les facteurs de risque liés à la personne, ceux liés au comportement etceux liés à l’environnement.

Les facteurs de risque liés à la personne sont ceux que Françoise Forettea présentés comme étant des éléments de fragilité, c’est-à-dire le déclinphysiologique, la diminution de la force, des amplitudes des articulations,le vieillissement des capacités sensorielles, le vieillissement cognitif.

Les autres facteurs sont les maladies surajoutées aiguës ou chroniques.Les problèmes d’arthrose, les séquelles de maladies neurologiques, d’hé-miplégie ou de polynévrite, la maladie de Parkinson, l’hypotension orthos-tatique – ces problèmes de baisse de tension quand on se met debout.Tous ces facteurs sont liés à la personne et l’intervention est médicale.

Viennent ensuite les facteurs liés au comportement, dont, par exemple, laconsommation médicamenteuse. La prescription de psychotropes danscette catégorie de population a des effets extrêmement pervers et nocifs.L’association de médicaments a un effet colossal : on ignore les effets desmédicaments lorsque l’on en associe plus de trois, or certaines personnesabsorbent 10, 14, 15 médicaments dans la journée, on imagine les effetsimprévus et tout à fait indésirables qu’ils peuvent avoir.

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 36

38

Cette évaluation médicale et fonctionnelle est complétée par une évaluationtechnique au moyen d’un dispositif dit de posturographie : il s’agit d’uneplate-forme technique, normalement réservée à l’hôpital, que nous appor-tons au domicile du patient. Elle permet d’évaluer ce qui ne peut être faitpar le seul examen clinique. Cet examen nous permet de voir réellementles conflits organiques entre les différentes fonctions sensorielles sur les-quelles nous devons insister pour améliorer les troubles de l’équilibre de lapersonne.

Fort de cette évaluation tout à fait exhaustive, nous pourrons déterminerdes préconisations pragmatiques, sur ce qu’il faut faire pour améliorer lesfacteurs de risque. Ces propositions seront souvent de l’ordre d’un amé-nagement du traitement médicamenteux ; elles peuvent aller, lorsqu’ils’agit de la cataracte – les troubles visuels sont formidablement importantsdans ces catégories de population –, vers la préconisation d’une consulta-tion ou une intervention ; cela peut être une intervention sur le plan ORL,cela peut être une consultation gériatrique pour la prise en charge de trou-bles nutritionnels, élément également important.

Vient ensuite une série d’appréciations de l’environnement et de proposi-tions d’aménagement de l’environnement, que ce soit sur le plan matérielou sur le plan des comportements. Il ne faut pas négliger un élément important à nos yeux : l’implication de lapersonne dans les activités physiques adaptées dont nous lui proposonsun programme. Nous avons mis en place des équipes pouvant délivrer dessoins adaptés et personnalisés pour améliorer et compléter le programmede prévention par une activité physique adaptée.

La prévention est compliquée, la prévention primaire l’est encore plus. Ils’agit ici de prévention secondaire qui nécessite un accompagnement.Notre rôle ne se borne pas à voir la personne et à lui faire ces propositions,nous l’accompagnons. Nous la suivons pendant un an et faisons une éva-luation à six mois, à un an.

Nous travaillons en réseau avec le médecin traitant, les partenaires libéraux,le réseau gérontologique le cas échéant, selon celui qui nous a sollicités.Qui peut solliciter ? Le réseau gérontologique, les médecins traitants, lapersonne elle-même, parce que nous avons diffusé l’information et som-mes un peu connus en la matière, les maisons de retraite. L’équipe d’unemaison de retraite nous a interrogés pour avoir une idée du risque de chutepour ses résidents et savoir comment améliorer les choses.

> Vos visites à domicile ont-elles permis de changer les comportements ?

La grande difficulté, tous les professionnels qui travaillent avec les personnesâgées le savent, c’est de changer les habitudes dans cette catégorie depopulation. Il faut faire preuve d’ingéniosité pour contourner les préjugés etpour les faire changer. C’est-à-dire leur permettre d’aménager l’environne-ment sans qu’ils perdent leurs repères.

Au tout début, nous avons eu quelques difficultés, puis ensuite, avec l’aidede la famille qui est un support très important, car elle comprend différem-ment le caractère fondamental d’améliorer l’environnement, nous avons pu faire évoluer les gens sur les facteurs de risque et, de fait, enlever toutes les chausse-trappes du domicile, les fils qui traînent, les tapis quirebiquent. Parfois nous nous contentons de les bloquer simplement avecun des meubles.C’est de la négociation pied à pied avec l’aide de la famille. Le problèmele plus important de l’aménagement, c’est lorsqu’il entraîne des travaux.

> Et qui les finance ?

Généralement il y a implication de l’environnement familial, de la personneet de son entourage et on peut faire appel éventuellement, en fonction dela lourdeur des travaux, au Pact Arim. C’est une association dont c’est l’objet, qui est un partenaire intéressant

39

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 38

4140

et volontaire en la matière. Les aides techniques peuvent être financéespar les dossiers Maison Départementale des Personnes Handicapées oupar des demandes directes au Conseil général. Aucun dossier ne ressemble à un autre. C’est un problème parce que jepense qu’il ne faut pas que la personne attende tout d’une prise en chargepar le système de soins ; cela fait partie du système de prévention que l’onsoit capable de repeindre sa chambre, de repeindre son salon parce quel’on a envie de changer de couleur. Je pense qu’il faut que la personne comprenne que, pour sa qualité de vie,il faut qu’elle s’implique financièrement.

> Concernant les aides de l’Etat, n’y a-t-il pas un intérêt économiqueprouvant que la prévention est source d’économie ?

Une de nos grandes difficultés, c’est que nous disposons de tous les élé-ments de preuve montrant que la prévention est tout à fait pertinente entermes d’intérêts médico-économiques et, bien que l’investissement dansla prévention induise un retour sur investissement tout à fait intéressant, iln’est pas encore rentré dans la logique de financement de l’Etat. Je penseque c’est une logique très occidentale que de financer le soin direct. Onest malade, on soigne.

Ce qui la différencie de la logique chinoise ou asiatique où l’intérêt de lamédecine est de ne pas tomber malade. On essaie de montrer par l’argu-mentaire scientifique, par les études médico-économiques, qu’il y a un réelintérêt économique à investir dans la prévention parce qu’on aura unretour sur investissement.

Malheureusement, en ce qui concerne la chute, on a dénombré trois étudesau monde qui montrent le bien-fondé de cette attitude. Une étude améri-caine, en particulier, montrait que l’investissement moyen de 980 dollarsdans un programme tel que celui que je viens de décrire, c’est-à-dire une

évaluation multifactorielle, une intervention multidisciplinaire et un suivi,permettait un retour, en termes d’économies de santé, de 2 000 dollars.Les chiffres parlent d’eux-mêmes, c’est véritablement intéressant. Aucuneétude francophone n’a été faite.

Puisqu’on ne veut pas nous croire sur parole, nous avons mis en placecette étude. Dans le cadre du dispositif « Padchute » à Poitiers, nous avonsobtenu le financement du ministère de la Santé pour une étude nationale,multicentrique sur l’évaluation médico-économique d’une interventionmultifactorielle de prévention.

C’est la première étude française qui donne des résultats préliminaires toutà fait encourageants qui montrent que le nombre de chutes diminue et parlà même la consommation de soins. Ce ne sont pour l’instant que desrésultats préliminaires, nous aurons les résultats finaux d’ici deux à trois ans.On dispose d’une littérature très riche en matière de troubles de l’équilibre.On sait ce qu’il faut faire en fonction de la population à laquelle ons’adresse. Effectivement, on adopte telle ou telle méthode en fonction duniveau de dépendance, du niveau d’indépendance.

Le problème est, qui va pouvoir dispenser ces méthodes ? C’est là que le bât blesse, car nous avons très peu d’équipes qui peuventdispenser ces soins et cette approche. On essaie de les développer, onessaie de les promouvoir. On a du mal aussi à offrir un accès à tous les élé-ments secondaires qui ne sont plus d’ordre médical, qui concernent parexemple l’activité physique adaptée. On essaie aussi de former des professionnels. J’ai mis en place un masterà la faculté des sports pour former des professionnels du sport dans lecadre de ces troubles de l’équilibre. J’ai des étudiants qui ont créé desassociations, qui vont dans les EHPAD pour dispenser ces soins. Les moyens, les connaissances existent, c’est un problème d’accès et definancement.

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 40

434242

L’organisation du système de santé repose sur une certaineconception du temps. La prise en charge sanitaire s’inscrit dans le courtterme, la logique d’accompagnement médico-sociale s’inscrit dans lemoyen terme. La prévention appartient au long terme et de ce fait le retoursur investissement n’est pas aussi rapide que le souhaiteraient profession-nels et politiques.

L’organisation de notre système de santé, en France, mobilise plus demoyens sur les soins que sur l’accompagnement et la qualité de la vie despersonnes en perte d’autonomie et consacre moins de moyens encore àla prévention. Ce décalage de moyens, à l’inverse de l’organisation africaine,est symptomatique de la France et de la plupart des pays européens.

En Europe du Nord et dans certains pays anglo-saxons, la réflexion portesur le moyen terme, la qualité de l’accompagnement et sur une façon dif-férente de mobiliser les moyens financiers : c’est un choix politique, unchoix de société. À cela s’ajoute, en France, le problème du cloisonnementde l’organisation du système de santé.

Le système hospitalier obéit à une réglementation spécifique ; le systèmed’accompagnement relève du dispositif particulier de la prise en chargemédico-sociale et la prévention appartient à un troisième dispositif. Le GRSP – Groupement Régional de Santé Publique – traite de la préven-tion et n’a pas de véritable lien avec les DRASS et les Conseils générauxqui gèrent le médico-social, eux-mêmes peu liés au secteur hospitalier.

L’absence de synergie entraîne une déperdition dans la répartition desmoyens financiers et dans l’organisation administrative, et de fait compli-que la coopération entre professionnels. La difficulté est grande, dès lors,d’intégrer la prévention dans une logique hospitalière ou médico-sociale etla réussite de l’entreprise repose sur la seule bonne volonté des acteurs.

Claire Hédon > Justement, après ce tableau un peu noir, parlez-nousde quelques initiatives intéressantes où cela fonctionne ?

Marie-Sophie Desaulle > Les réseaux de santé, les réseaux ville-hôpitalfonctionnent.

Gilles Kemoun > La question de la synergie est effectivement fondamen-tale. C’est notre façon de travailler depuis très longtemps. L’intervention àdomicile a renforcé et fait évoluer notre façon de travailler à l’hôpital etnous fait persister dans l’idée qu’il faut impérativement décloisonner l’hôpital de l’intérieur : décloisonner les disciplines entre elles en mettanten place systématiquement des interventions multidisciplinaires. La miseen place de la concession pluridisciplinaire se fait avec les gériatres, lesORL, les ophtalmologistes. Il faut également décloisonner vis-à-vis de l’ex-térieur. Ce qui implique l’ouverture de l’hôpital sur la ville, sur le mondesocial ; ce n’est que comme cela que le résultat sera véritablement inté-ressant. La question repose effectivement la volonté individuelle, il fautfaire tomber les barrières.

Les enjeux de l’organisation du système de santé

Marie-Sophie Desaulle, directrice ARH Poitou-Charentes

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 42

4544

L’enjeu culturel majeur aujourd’hui en France est de réussir à faire évoluerles logiques culturelles et les logiques métiers des uns et des autres pourque, sur un objectif commun, celui de l’amélioration de la qualité de viedes personnes, une organisation puisse être trouvée. Cette réflexion a eulieu dans le cadre du plan Alzheimer, mais elle peut s’appliquer à toutes lesmaladies chroniques.

Si on prend l’exemple de la prévention primaire et secondaire, dans un cer-tain nombre de structures médico-sociales, comme pour des personnessouffrant de perte d’autonomie, la maladie qui provoque le handicap, seuleest vue la prévention du cancer du sein, du cancer de l’utérus, souventlaissée pour compte. Plus de personnes meurent finalement de ce type depathologie, de type cancer, parce que la prévention que l’on fait au niveaude la population n’a pas été faite chez eux. Cela mérite réflexion.

La prévention dans le domaine psychique à présent. Je suis absolumentabasourdie de ce que l’on dit à l’heure actuelle sur le stress en entreprise.Car tant que les personnes ne seront pas heureuses dans leur milieu dutravail, on rencontrera des phénomènes tels que la dépression, mais il fautrevenir à l’origine du problème et à ce qui se passe dans les entreprises.On ne disait pas cela il y a une dizaine ou une quinzaine d’années quandon s’occupait de prévention. Or l’entreprise est probablement le milieu devie le plus favorable pour faire de la prévention.

Didier-Roland Tabuteau > J’ajouterais que depuis une dizaine, une quin-zaine d’années, il y a eu une montée de la préoccupation du stress dansl’entreprise qui est forte. Cela dit, il ne faut pas non plus idéaliser les lieuxde travail il y a vingt, trente ou quarante ans. Il y avait aussi des entreprisesà la chaîne, il y a trente ou quarante ans, qui étaient extraordinairementstressantes, pénibles. On assiste à une transformation du stress au travail.On a pris la mesure de ce que cela peut produire. L’expression de l’autoritéaujourd’hui a changé et elle est sans doute insuffisamment prise encompte dans les réflexions de santé publique d’une manière générale.

Marie-Sophie Desaulle > La volonté individuelle ou les barrières ne sontpas seules en cause ; la question reste : qui paie quoi ? Lorsque nousavons voulu faire intervenir les équipes mobiles de gériatrie à l’extérieur del’hôpital et nous l’avons fait – le projet était en cours –, nous nous sommesréunis avec l’hôpital d’une part et les EHPAD de l’autre, pour que les équipesse rendent dans les EHPAD et à domicile. Le directeur de l’hôpital nous aindiqué qu’il ne paierait pas un médecin, une infirmière supplémentairespour intervenir à l’extérieur. Il incombe donc à l’EHPAD, ou au service desoins à domicile, de payer les médecins. Finalement, personne ne veutpayer et le projet n’aboutit pas.Il faut assouplir les règles pour éviter que l’on se heurte aux problèmes definancement. Certains professionnels souhaitent faire avancer ces ques-tions-là, mais nombre de blocages finissent par les épuiser. Des initiativesintéressantes existent : celle de Poitiers ; celle dans le Nord où des réseauxpour la prise en charge des soins dentaires de personnes en perte d’auto-nomie avec des difficultés à se faire soigner ont été créés. Il s’agit bien làde prévention. Des plate-formes sont en train de se mettre en place, pourla prise en charge des problèmes sensoriels, véritable articulation entre lesoin et la qualité de vie. Disposer d’un lieu unique qui traite de l’ensemblede ces problèmes représente indéniablement un confort supplémentairepour la personne. Ce ne sont que des problèmes d’organisation qui peuventse régler sous quelques conditions.

La première condition est le respect des uns et des autres et de la compé-tence de chacun. Il faut éviter qu’un professionnel prenne le pas sur l’autre.Sujet culturel s’il en est et ceux qui se trouvent confrontés à ce type d’ex-périence peuvent en témoigner, cela ne fonctionne que si les compétencesdes métiers sont acceptées : les compétences des métiers du soin, lescompétences des métiers de l’accompagnement, celles du travail sur laqualité de vie des personnes. La tendance est à privilégier les profession-nels du soin parce qu’ils interviennent sur le court terme au détriment, parfois,des accompagnateurs des personnes en perte d’autonomie ou des per-sonnes nécessitant un accompagnement médico-social, dont l’approches’inscrit plus dans un parcours de vie.

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 44

474646

Claude Jeandel, chef de service de gérontologie clinique au CHU de Montpellier

assignée à ces huit groupes était d’appréhender les différents aspects dela maladie d’Alzheimer en partant de la recherche – un point insuffisammentdéveloppé lors des deux plans précédents – pour aller jusqu’à la fin de vie.Certains groupes ont travaillé sur l’éthique, comme celui de FrançoiseForette, « éthique, communication, formation ».

Un groupe avait pour mission de réfléchir plus sur l’aspect diagnostique,la place de l’imagerie, la place de la biologie. Un autre travaillait sur larecherche fondamentale : recherche génomique, protéomique. Un autresur les essais thérapeutiques et sur les pistes de traitement. Un groupe tra-vaillait sur l’accompagnement au sens large ; un groupe sur les aspectséconomiques, sur les aspects démographiques. Un autre encore sur lescomparaisons internationales. Enfin, le groupe que j’ai coordonné moi-même traitait de la prise en soin et de la manière d’optimiser la continuitéde la prise en soin du diagnostic jusqu’à la fin de vie.

Ce rapport, dont on connaît les grandes lignes, est articulé autour de 10axes qui énoncent 28 recommandations et 48 mesures. Sans énoncer les48 mesures, je souhaite mettre en avant certains points particuliers.

L’originalité de ce rapport sur le précédent est d’avoir mis l’accent sur larecherche, notamment la recherche translationnelle, qui vise à faireconverger toutes les sources vives, les ressources recherches françaisespour pallier le cloisonnement existant. Ce qui implique que toutes les dis-ciplines puissent participer à cette recherche. L’accent a été mis sur l’importance du rôle des chercheurs en immunologieinsuffisamment exploité en France. La recherche doit impliquer égalementles pharmacologues.

La recherche ne peut se cantonner à la seule recherche fondamentale. Letravail consiste à partir de la molécule pour aboutir à la recherche appliquéedans les services de soin afin qu’elle trouve sa place dans des EHPAD, neserait-ce que pour valoriser les acteurs qui œuvrent dans ces établissements.On pourrait parler de recherche translationnelle, décloisonnée, qui irait dufondamental à la recherche appliquée sur le terrain, à la recherche soi-gnante, et impliquerait les sciences humaines et les sciences sociales.

Monsieur Ménard a été chargé par le président de la Républiqued’instruire une réflexion approfondie sur la maladie d’Alzheimer et desmaladies apparentées. En rappelant les deux plans qui avaient été envisagésau préalable et avaient tracé des jalons et mis en place un grand nombrede mesures structurantes sur le territoire français. Des insuffisances persistaient, Joël Ménard a commencé par constituerune commission d’une dizaine de membres représentant les grandesadministrations, quelques professionnels.

Puis, il s’est entouré de huit groupes de travail, dont deux professionnels,experts de la maladie d’Alzheimer, assuraient la coordination. La mission

Présentation du « Plan Alzheimer 2008-2012 »

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 46

48

Il était important de rendre au médecin traitant la place majeure qui luirevient afin qu’il s’approprie cette maladie, tout en respectant le conceptde parcours de soins.

À cette fin il est prévu un forfait Alzheimer annuel, intégrant la participationdu médecin dans des actions de formation, dans l’instruction du dossierd’Affections de longue durée, dans l’instruction de la mise en place desdifférents prestataires de la coordination, ainsi que dans le suivi. Lesconsultations mémoire, qui maillent déjà le territoire français, seront renforcéespour que celles insuffisamment dotées aujourd’hui puissent se déployer pourse rapprocher des patients.

Une filière de soins gériatriques incluant le court séjour, les soins de réa-daptation et les soins de longue durée – sans spécifier la filière Alzheimer– doit voir le jour afin que le patient Alzheimer y trouve toute la place. Cettedémarche implique d’identifier des soins dits « soins de suite réadaptationpour rééducation des troubles psycho-comportementaux » notammentpour ce qui concerne la stimulation cognitive ou comportementale. Il s’agi-rait d’une entité spécifique destinée à ces patients ; elle serait proche ouintégrée aux filières gériatriques.

Parmi les mesures nécessaires à mettre en place, on note le renforcementde tous les dispositifs d’évaluation, dont l’hospitalisation gériatrique de jour ;celui, dans le champ du médico-social, des services de soins infirmiers àdomicile, du déploiement des accueils de jour. L’accueil de jour thérapeutique, qui concerne à la fois l’aidant et le patientet l’accueil de jour de répit, doivent être mieux répartis afin de favoriser laproximité d’accès.

Le plan stipule le nécessaire renforcement des mesures du Plan « solidaritégrand âge » telles qu’elles avaient été annoncées au début de l’année 2007 :renforcement des personnels et des moyens des établissements EHPAD,développement des conventions entre les EHPAD et la filière hospitalièregériatrique, amélioration de l’annonce du diagnostic.

Enfin, pierre angulaire du dispositif : rendre attractifs les métiersconsacrés à la personne âgée, en général, et à la personne souffrantde la maladie d’Alzheimer, en particulier.

Les formations de niveau cinq, qui comportent à l’heure actuelleplus de quinze métiers différents, doivent être révisées à la baisseet certaines formations doivent être plus spécifiques.

Il faudra, en outre, créer une assistance gérontologie qui serait unpont entre les niveaux quatre et les niveaux cinq des métiers ;créer des masters professionnels de formateurs et d’encadrementqui valoriseraient les métiers dédiés à la personne âgée.

Enfin, il apparaît indispensable de lancer un débat sur la gouver-nance, sur le lien nécessaire entre gouvernance nationale et gou-vernance décentralisée. Aucune décision n’a été prise mais la réflexion est engagée surce point car il est impératif que l’ensemble de ces mesures soitmis en application dans des délais proches. Tout cela rejoint la réflexion actuelle sur l’avenir des Agences Régionales del’Hospitalisation, les Agences Régionales de Santé.

Je souhaite évoquer la question d’un nouveau métier : le casemanager ou gestionnaire cas, qui s’applique à toutes les maladieschroniques incapacitantes.

Le case manager est une personne qui fait le lien entre le médecintraitant et l’ensemble des autres acteurs qui délivrent une prestation.Cette articulation n’est pas opérante actuellement en raison dela multiplicité des dispositifs sanitaires et médico-sociaux.Il y a confusion et chevauchements dans les missions. Lesbesoins ne sont pas bien identifiés ou le sont par trop d’acteursdifférents. Il n’est pas possible de faire le lien entre les besoinset la mise en place des moyens.

“ Il était important de rendre

au médecintraitant la placemajeure qui lui

revient afin qu’il s’appropriecette maladie. ”

49

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 48

5150

La place des Centres Locaux d’Information et de Coordination,par exemple, n’est pas parfaitement précisée. Ce métier degestionnaire de patients présentant une maladie chroniqueinvalidante pourrait être une des solutions, encore faudrait-il sesouvenir que l’on parle d’une maladie mais que le malade peutsouffrir, par ailleurs, de plusieurs maladies chroniques. Nerenouvelons pas l’erreur du passé lorsque les réseaux parpathologie ont été créés.

Ce gestionnaire serait capable de gérer la complexité du maladeet de faciliter la tâche du médecin. Une fois le diagnostic posé, leplan d’aide établi, la mise en place du plan d’aide sollicite plu-sieurs prestataires, plusieurs acteurs.

Ce gestionnaire de cas aurait le rôle de solliciter les prestataireset de remplir la fonction de coordination. Si l’on s’inspire desmodèles anglo-saxons, on estime qu’il faudrait un gestionnairede cas pour 25 à 30 patients.

Ce métier existe dans d’autres pays. Il est précisé dans ce rapportque la réflexion se poursuit, mais rien n’a été acté. Quelques expé-rimentations ont lieu actuellement en France. Peut-être, demain,ce métier à part entière verra-t-il le jour.

La question se pose également pour les médecins coordonnateursqui vivent une difficulté quotidienne entre leurs 11 missions et unesituation mal assise, non statutaire, pris en étau entre leurdirecteur, qui est leur responsable d’établissement, et le médecintraitant, qui conserve toutes les prises de décisions. Il est difficile de faire évoluer les comportements et les pratiquesde médecins qui sont parfois 70 pour 70 résidents. C’est un défi.

On peut élaborer deux pistes. L’une, difficile à envisager dans l’état actuel,consiste à appliquer la réglementation des soins de longue durée car il y aparfois peu de différences entre les typologies de résidents et les patientsde soins à longue durée.

Le poids des corporatismes est un frein à cette démarche. L’alternativeserait d’établir une charte de bonne conduite, précisant dans un règlement,non pas intérieur, mais national, le rôle et la place du médecin traitant parrapport au médecin coordonnateur. On pourrait s’inspirer d’un modèle existant, celui des hôpitaux locaux quireproduisent l’hybridation entre le sanitaire, parce qu’ils disposent de litsde médecine, de lits de soins de suite, de lits de soins de longue durée etles EHPAD. Dans ces établissements, on commence à voir des médecinsstatutaires, c’est-à-dire salariés.

Dans la lettre que le président avait adressée à Joël Ménard, il y avait notam-ment deux mots forts qui me viennent à l’esprit, c’est « équité territoriale ». Tous les dispositifs sont bons en tant que tels. On peut avoir deux approches :soit on laisse les choses se faire de manière pêle-mêle à partir d’initiativestout à fait pertinentes ; soit on a une approche plus formelle ou formalisable :on souhaite que tout le monde ait un égal accès à tous ces dispositifs.

Cela m’amène à évoquer une approche d’organisation qui m’a été demandéedans le cadre d’une réflexion sur un programme de gériatrie qui rejoint lanotion de réseau.

On a eu tort dans le passé, il y a plus de cinq ans, de vouloir mettre en placedes réseaux. Un certain nombre d’initiatives ont abouti, mais beaucoup sesont interrompues très rapidement, parce qu’on s’était trompé de para-digme. On avait sans doute voulu aller trop vite avant même qu’un mini-mum d’offres existent.

“ Encore faudrait-il

se souvenir quel’on parle d’une

maladie maisque le malade

peut souffrir,par ailleurs, de plusieurs

maladies chroniques. ”

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 50

5352

Une approche graduelle vaut pour la plupart des situations rencontrées.On ne peut pas imaginer disposer d’un scanner dans tous les EHPAD.L’idée serait de partir du malade le plus complexe, de celui nécessitant leplus de prestations, de tenter de résoudre cette complexité et, de fait, derésoudre les autres.

Un malade complexe souffre de pluripathologies, qui sont des pathologieschroniques, incapacitantes – la maladie d’Alzheimer – et d’autres qui sontdes maladies aiguës qui viennent interférer, qui jouent l’intercurrence, etprécipitent le malade dans des décompensations d’organes : il ne peutpas être maintenu, dans la plupart des cas, dans son établissement. Il fautrecourir à l’hôpital et par définition l’hospitalisation n’est pas programmablepuisqu’il s’agit d’une situation de crise.

Nous avons besoin d’établissements de santé proches des établissements,facilement accessibles et sollicités à bon escient. C’est la filière gériatriquequi s’organise dans les établissements de santé du territoire.Elle est censée comporter des lits de médecine aiguë gériatrique en suffi-sance pour éviter de passer par les urgences, faciliter les accès directs,des lits de soins de suite, T2A oblige, pour réduire les durées de séjour encourt séjour.

Enfin, il y a deux entités sur lesquelles s’appuyer : l’équipe mobile de géria-trie, et le volet consultation de l’hôpital de jour.

L’hôpital de jour de la filière est censé comporter un fauteuil et un dentistequi pourra procéder à un bilan annuel. Cela concerne les résidents GIR 2à 5, il faut éviter de déplacer les GIR 1, mais on peut s’appuyer sur leséquipes mobiles de gériatrie qui, dans certaines régions, se déplacentdans l’EHPAD et viennent en complément de l’action du coordonnateur oudu médecin-coordonnateur, et de l’équipe soignante par ailleurs.

C’est le travail d’équipe. Sans parler de l’hospitalisation à domicile quipeut être sollicitée dans les situations particulières en EHPAD, qui constituele deuxième cercle.

Le troisième cercle, une fois la filière constituée, offre des pratiques cohé-rentes de soins et de prévention en s’appuyant sur les référentiels de pra-tique, sur les chutes comme sur la nutrition. Il suffit ensuite d’ajouter auxdeux cercles, les professionnels du secteur ambulatoire, les services desoins infirmiers à domicile, les Services Polyvalents d’Aide et de Soins àDomicile, les Centres Locaux d’Information et de Coordination, tous lesautres acteurs et le réseau est formé.

La circulaire du 15 mai 2007 donne la conduite à suivre pour créer unréseau de personnes âgées à partir d’un guide national. À la différence de ladémarche en réseau qui a tenté de se mettre en place dans le passé, oncommence ici par le centre.

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 52

Intervention de Denis Piveteau,

directeur général de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie

55

L a table ronde de ce matin a permis, en concentrant leregard sur les enjeux de prévention, de mettre en lumièrecette dimension fondamentale de la santé publique qu’est

la prévention : fondamentale parce que permettant justement de ne pasréduire la santé à l’intervention d’un acte soignant. C’est une évidence : biendes enjeux de santé, dans le handicap, bien des enjeux du « bien vieillir » enbonne santé, pour le grand âge, ne sont pas strictement des enjeux de soins.

Je voudrais profiter de ce temps d’ouverture pour essayer précisémentd’élargir encore le périmètre des considérations. Et m’efforcer pour cela devous convaincre qu’il faut identifier spécifiquement au-delà, non seulementdes stricts actes soignants, mais même je crois, au-delà du champ de lasanté publique proprement dite – en tout cas dans un voisinage à définir –un autre domaine qui entretient des liens extrêmement étroits avec lesenjeux de santé, de santé individuelle et de santé publique, mais qui estdifférent et qui d’une certaine façon les éclaire de l’extérieur : le champ del’autonomie et de la perte d’autonomie.

On l’a dit ce matin, si le handicap et le vieillissement appellent des consi-dérations particulières en matière de santé publique, ce n’est pas parcequ’ils appellent par eux-mêmes des soins particuliers : vieillir n’est pas unemaladie. Mais le fait de vieillir, ou le fait de vivre avec un handicap, sont desfragilités particulières, qui constituent d’importants « facteurs de risque »face à la maladie et à la capacité d’y résister.

Ces fragilités physiologiques sont aussi « facteurs de risque » dans la relationà l’environnement de vie, dans la relation aux actes les plus courants de lavie quotidienne, dans les actes ordinaires de la vie sociale. Cette fragilitédu handicap et du vieillissement qui se traduit dans le champ de la santépar la plus grande survenance de certaines maladies et par de fréquentessituations de polypathologies, va se traduire dans le champ de la relation àl’environnement de vie par des difficultés, voire à une impossibilité à faireseul ou sans aide toute une série de choses ordinaires. Ce que l’on qualifiede manque ou de perte d’autonomie.

« Santé publique, handicap et vieillissement »

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 54

5756

L’état de vieillissement ou de handicap a donc un double retentissement :dans le champ de la santé et dans le champ de l’autonomie.C’est ce double jeu de conséquences, très interactif, très entremêlé, quej’aimerais explorer rapidement avec vous. En défendant pour cela, vousl’avez compris, le bien-fondé du concept de perte d’autonomie.

L’identification du terme et de la notion est relativement récente. Elle doitbeaucoup, vous le savez sans doute, au modèle de WOOD du début desannées quatre-vingt, redéfini par l’OMS il y a six ans, qui a clairement distin-gué dans une « séquence » désormais célèbre, premièrement, la déficienced’une fonction organique, cognitive ou psychique, liée à une maladie ou àun accident (une cécité, une surdité, lésion nerveuse ou musculaire…),deuxièmement, l’incapacité qui en découle ou qui peut en découler, limitantune ou plusieurs activités fondamentales comme voir, entendre, faire desmouvements, comprendre un enchaînement logique, et enfin – troisièmeterme qu’il faut bien distinguer des précédents – toutes les restrictions quivont découler de l’interaction entre ces incapacités et l’environnement devie. Et c’est cette restriction de participation, ce troisième terme du boutde la chaîne, qui constitue le handicap (ou, dans la formulation de WOOD,le « désavantage » de vie).

Autrement dit, l’impossibilité ou la difficulté durable à accomplir seul et sansaide ce que l’on peut appeler les « actes » de la vie quotidienne, qu’il s’agissedes actes élémentaires (prendre son bain, s’habiller, s’alimenter), des activités« instrumentales » (se déplacer hors de chez soi, faire ses courses et sesrepas, gérer son budget, passer un coup de téléphone) ou plus largementencore de tous les actes de participation à la vie civique et sociale.

En somme, la perte d’autonomie, le désavantage de vie surgissent (ou plutôtpeuvent surgir, en trois étapes : déficience – incapacité – désavantage) dela perte de santé. Et on peut ajouter que, presque toujours, elle y retourne,en favorisant l’aggravation de l’état de santé.

D’un côté, par expérience (et par construction, dans la fameuse « séquence »en trois termes, dont je viens de parler) toutes les pertes d’autonomietrouvent leur source dans une altération, accidentelle ou pathologique, del’état « physiologique » de la personne.

Et en retour, d’un autre côté, le simple bon sens mais aussi plusieurstravaux épidémiologiques, montrent que l’altération de l’autonomie a des

retentissements multiples sur la santé psychique et physique. Ce dernierpoint mérite toutefois d’être mieux documenté et mieux compris qu’il nel’est aujourd’hui, et j’ai souhaité que la CNSA s’associe à la Mutualité fran-çaise et à la Fondation Caisses d’Epargne pour la solidarité pour accompa-gner des travaux de la Haute Autorité de santé sur ce sujet.

C’est en ce sens, en ce double sens d’aller et retour direct (et quelquefoisrapide) entre l’état individuel de santé et l’état individuel d’autonomie, quel’on peut dire que la perte d’autonomie soulève un problème de santépublique. Est-ce que pour autant on peut dire qu’elle fait partie de la santépublique, et que la perte d’autonomie ne représente qu’un sous-ensemble,un segment des problématiques globales de santé ?

Même si la question paraît abstraite, je crois qu’il n’est pas inutile d’essayerd’y voir clair, dans le contexte où l’on parle très activement, aujourd’hui,d’un « cinquième risque » de protection sociale qui pourrait être spécifique-ment consacré à l’autonomie – et qui se distinguerait, par conséquent, dessoins et de la prévention que couvrent aujourd’hui l’assurance-maladie etles couvertures complémentaires de santé. Surtout parce que cela signifierait alors que le cinquième risque n’est pasun risque « pour les vieux » ou pour les handicapés, ou propre à tel ou telpublic, mais un risque lié à une situation, à un état, tout comme le risquemaladie est lié à un état de santé. J’y reviendrai.

Pour ma part, je crois que l’autonomie ne fait pas partie de la « santé »,même si de nombreuses imprécisions marquent encore les discours etmême s’il n’est, il est vrai, pas toujours très facile de distinguer l’un et l’autre.Pas facile, en effet, car avec la définition très large de la santé, donnée auniveau international en 1946 et que l’on connaît bien : « état complet debien-être physique, mental et social » – le « désavantage social » de la perted’autonomie vient très vite rejoindre les thématiques de santé, et pourraitse ranger dans les enjeux de santé publique.

Je pourrais – plaidant par conséquent contre ma propre paroisse – en donnerdes tas d’exemples. Ainsi, il n’est pas douteux que la presbyaccousie, liéeà l’âge ou à l’exposition au bruit est un enjeu de santé publique. Et elle l’esttout simplement parce qu’elle altère la relation quotidienne à l’environne-ment. Pas la peine de chercher d’autre justification : si la presbyaccousieest une question de santé, c’est parce qu’elle entraîne un handicap, uneperte d’autonomie et uniquement pour cela.

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 56

5958

D’où, je l’admets et je le répète, la difficulté fréquente de distinguer lesdeux. J’ajoute que, plus une situation de perte d’autonomie est grave, plusl’exécution de quelques gestes élémentaires d’alimentation, de toilette, decontinence, sont rendus difficiles, et plus il apparaît évident qu’il s’agit,pour la personne ou le groupe de personnes concernées, de quelque chosequi touche à la santé : car il s’agit de gestes tellement liés à l’élémentairede la vie, ou même de la survie, qu’il est bien question de santé.

Bref, quand les deux notions se rejoignent à ce point sur certains de leurssommets, il n’est pas interdit d’être sceptique sur l’intérêt de les distinguer.Et il ne vous est pas interdit de vous demander, à ce stade en tout cas demon exposé, s’il est bien nécessaire que le directeur de la CaisseNationale de Solidarité pour l’Autonomie, fasse tant d’efforts devant vouspour justifier de son existence, et de celle de son organisme, en séparantà ce point les questions d’autonomie des questions de santé.

Et pourtant, je maintiens, et vais essayer de vous convaincre, de ce que lesdeux choses doivent bien être traitées à part l’une de l’autre. Étroitementdialogantes, mais séparées, et ayant chacune leurs instruments de définition,de diagnostic et de traitement.

Deux choses font, je crois, très profondément la singularité de la perted’autonomie.La première est qu’elle ne se définit que dans une radicale subjectivité. Laperte d’autonomie se détermine dans une relation unique à une personne,à ses conditions de vie, à son entourage, et – radicale subjectivité – à sonpropre projet de vie. À part l’extrême limite des actes qui conditionnent lasurvie immédiate, le besoin d’autonomie n’existe jamais abstraitementpour lui-même, ne se définit jamais dans l’absolu, mais par rapport à unprojet de vie – même pour des personnes dont le projet de bonne santé« physiologique » paraît complètement fermé.

Permettez-moi de citer en exemple le cas d’une personne que je connaisbien, mariée et père de trois enfants, qui – après l’accident d’automobilequi a fauché sa vie et l’a laissé tétraplégique il y a quelques années – n’estplus capable de communiquer qu’en construisant ses mots lettre à lettrepar une imperceptible pression sur la main de celui qui épelle devant lui l’alphabet à haute voix.

Eh bien, et je prends à dessein ce cas terrible – extrême, il n’est pas pos-sible de formuler le besoin d’autonomie, le besoin d’aide à l’autonomie decet homme sans tenir compte, non seulement certes de son état physio-

logique et de ses capacités fonctionnelles objectives – ou de cequ’il en reste –, mais aussi de sa situation de vie et de famille,des attentes qu’il manifeste à l’égard de la vie, de l’envie qu’il a,ou non, d’être présent à l’éducation de ses enfants, du besoinqu’il a ou non de voyager, de se tenir au courant de l’actualité,de revoir des amis ou de préférer la solitude, bref : le diagnosticde son besoin d’aide à l’autonomie partira de la confrontationentre certaines données physiologiques, objectives et pratique-ment immobiles, et toute l’imprévisibilité créative d’un projet devie.

C’est en ce sens qu’on peut dire qu’il n’y a pas de personnehandicapée : il n’y a que des « situations de handicap » – quelque soit l’âge – définies au cas par cas par le système complexeque forment une personne, son environnement de vie, et ladiversité infinie de ses aspirations.

Dans cet environnement de vie, et c’est une deuxième singula-rité tout à fait capitale de la perte d’autonomie, il y a souvent,très souvent, des proches – conjoint, ascendants, descendants –qui jouent un rôle d’accompagnement et de soutien tout à faitessentiel.Ne pas avoir l’autonomie nécessaire à son propre projet de vie,c’est être dépendant d’une relation à l’autre. C’est là une autresingularité de l’autonomie par rapport à la santé : on peut éven-tuellement se soigner soi-même (si l’on est suffisamment méde-cin), on peut souvent, tout seul, se faire l’artisan de son propremaintien en bonne santé.

En revanche, on ne peut pas (je dirais : par construction) com-penser tout seul son propre manque d’autonomie. Certainesaides techniques, c’est vrai, permettent de lever partiellementcette espèce d’obstacle logique. Mais il reste que, pour l’essen-tiel, la perte d’autonomie met structurellement en jeu la relationhumaine, le rapport à l’autre, et questionne par conséquent lamanière dont ce rapport s’organise dans chaque collectivité devie, en famille ou en institution.

Au point d’ailleurs que celui qui est auprès de, et qui aide celuique l’on appelle « l’aidant familial » ou « l’aidant naturel » – etmême l’aidant professionnel – se trouve embarqué lui aussidans l’interaction, l’aller et retour, que je décrivais tout à l’heure

“ La perte d’autonomie

met structurel-lement en jeu

la relationhumaine,

le rapport àl’autre. ”

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 58

6160

entre problème d’autonomie et problème de santé : la fatigue, physique etpsychologique des aidants et particulièrement des « aidants naturels » estune réalité connue, un peu mesurée (20 % de surmortalité chez lesconjoints aidants âgés) et un vrai enjeu de santé publique. Il en est ques-tion d’ailleurs dans le rapport de la commission Ménard sur la maladied’Alzheimer présenté ce matin par le professeur Jeandel.

Il faut donc bien tenir ensemble ces deux affirmations qui ne sont pascontradictoires :

• d’une part, l’aide à l’autonomie est un accompagnement d’une natureparticulière – qui part du projet de vie, qui s’adresse à une relation d’en-tourage – et qui a du coup ses propres règles de diagnostic et d’évaluation,et mérite d’être pour elle-même un sujet de solidarité collective ;

• mais en même temps, et d’autre part, il faut voir globalement les chosesdans leurs interactions et ne pas aborder l’autonomie sans la santé ou lasanté sans l’autonomie. Tout comme il ne faut pas aborder les situationsde perte de revenu ou de précarité sans prendre en compte leurs consé-quences sur la santé et réciproquement.

Avoir la santé, ce n’est pas avoir son autonomie, mais l’une et l’autre setiennent. Avoir la santé ce n’est pas avoir des ressources suffisantes pourvivre, mais l’une et l’autre se tiennent. Ces trois notions, conserver sasanté, conserver ses revenus, conserver son autonomie, sont en quelquesorte en relation de « prévention » les unes par rapport aux autres : chacunefait partie des actions de prévention de l’autre.

Chacune concourt à protéger contre les atteintes aux deux autres :

• l’autonomie (éventuellement accompagnée par des aides humaines et tech-niques) est évidemment un déterminant de la santé et de l’accès aux revenus ;

• la lutte contre la pauvreté est à son tour une manière de combattre les sur-prévalences de morbidité et de handicap que l’on constate chez les personnesen situation de précarité ;

• et la santé est enfin elle aussi, à l’évidence, condition et conséquencedes deux autres.

Et c’est pour cela que nos mécanismes de prise en charge collective sontappelés à les couvrir tous les trois. La protection solidaire contre la pertede santé, la protection solidaire contre la perte de revenus et la protectionsolidaire contre la perte d’autonomie dessinent – dans ce rapport de prévention mutuel – un triangle de solidarités, auxquelles s’attachent lesstructures financières que sont :

• l’assurance-maladie, ou l’assurance-accident du travail et maladie pro-fessionnelle, ou la couverture maladie universelle, pour la perte de santé ;

• l’assurance-chômage, l’assurance-vieillesse (c’est-à-dire les retraites),ou les différents minima sociaux, pour la perte de revenus ;

• et, pour la perte d’autonomie, diverses aides qui offrent encore un pay-sage pas très structuré : allocation personnalisée d’autonomie, prestationde compensation du handicap, complément de troisième catégorie despensions d’invalidité. Autant d’embryons de ce que pourrait être demaince que l’on appelle le « cinquième risque ».

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce « cinquième risque », dont onparle beaucoup aujourd’hui, mériterait plutôt de s’appeler – si l’on s’attacheà la structure fondamentale des choses, plutôt qu’à l’organisation historiquedes branches de sécurité sociale, « troisième » risque, ou « troisième champ »de protection sociale. C’est en tout cas comme cela que l’aborde le récentrapport d’octobre 2007, du Conseil de la CNSA.

Voilà donc tout simplement, mesdames et messieurs, ce que je voulaissuggérer, en introduction de cet après-midi, sur la mise en perspectiveparticulière qu’offrent le handicap et le vieillissement aux sujets de santépublique. À mes yeux, l’une de leurs particularités, c’est qu’ils obligent àarticuler la notion de santé et celle d’autonomie, à bâtir des réponses desanté publique qui tiennent compte des besoins d’aide à l’autonomie,dans une sorte de dialogue réciproque.Je ne doute pas que les deux tables rondes qui vont se succéder mainte-nant offrent des illustrations de tout ce que ce dialogue suppose commeattitudes et comme savoir-faire professionnels, ne serait-ce que pour per-mettre aux personnes handicapées et âgées d’être effectivement, avecleur entourage, les premiers acteurs actifs de leur santé.

« Avoir la santé, ce n’est pas avoir son autonomie,mais l’une et l’autre se tiennent. Avoir la santé ce n’est pas avoir des ressources suffisantes pour

vivre, mais l’une et l’autre se tiennent.»Denis Piveteau

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 60

6362

2 Handicap et vieillissement : défis de la prise en charge

Bruno Favier • Patrick Hescot • Claude Jeandel

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 62

6564

Bruno Favier, conseiller technique médical à la Fondation

Avant de détailler nos actions en matière de santé publique, il fautexpliquer quand, comment et pourquoi la nécessité de traiter les problèmesde santé publique dans les établissements d’hébergement de personnesâgées dépendantes est survenue. L’idée est relativement récente. Il y a quinze ou vingt ans, on ignorait l’exis-tence de problèmes de santé publique dans les établissements d’héberge-ment de personnes âgées. Les résidents de ces établissements étaienttraités au cas par cas sans imaginer que la concentration de personnes ausein d’une collectivité pouvait entraîner des problèmes. Le virage s’estproduit il y a une dizaine d’années.

La prise de conscience de cet état de fait est due, vraisemblablement, à lademande des usagers de ces établissements de bénéficier de soins dequalité, là où ils résidaient. Cet élément, qui s’accompagne d’une certainedéfiance à l’égard des établissements, est déterminant et le traitement juri-dique et médiatique de certaines affaires, quand cela se passe mal, ne faitqu’accentuer le phénomène.

Cela correspond à de véritables enjeux de santé publique ; le coût induitpar ces problèmes dans les établissements de personnes âgées est trèsimportant, de même qu’il remet en cause la question d’efficacité. C’est le cas pour les infections, notamment l’émergence des bactériesmultirésistantes, que l’on ne pourra éradiquer et pour lesquelles on netrouvera pas de solution, si on ne traite pas en même temps, de manièreconcomitante, les problèmes infectieux qui se posent dans les établisse-ments sanitaires et dans les établissements médico-sociaux.

Lors de la canicule de 2003, où 15 000 personnes sont mortes, et mêmesi les maisons de retraite et les EHPAD en particulier n’ont pas été ceux quiont le plus souffert, nous avons pris conscience qu’un grand nombre depersonnes âgées pouvaient mourir et que nous n’y étions pas préparés.

Absence de préparation au domicile et légère meilleure préparation dansles établissements d’hébergement.

Cette prise de conscience, en France et également au sein de notre Fondation,a conduit à consacrer les moyens nécessaires afin d’apporter des solutions. En 2006, la réalisation des coupes PATHOS a été introduite en EHPAD.Ces coupes doivent permettre d’évaluer les soins médicaux nécessaires àl’état de santé des résidents et de donner des moyens suplémentaires auxrésidents pour assurer ces soins.

La Fondation a réalisé une enquête sur la maladie d’Alzheimer : dans nosétablissements environ 75 % des résidents accueillis souffrent de démence(quel qu’en soit le degré de sévérité et quelle qu’en soit l’étiologie, trèssous-diagnostiquée pour la maladie d’Alzheimer). Nous accueillerons deplus en plus de personnes démentes. Si nous nous projetons à cinq ou dixans – ce qui est difficile –, il est possible que la totalité des résidentsaccueillis dans les établissements seront des personnes atteintes dedémence (dont 80 %, statistiquement, souffriront de la maladie d’Alzheimer).

L’action en matière de santé publique

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 64

66

La question se pose de la même façon pour les personnes vieillissant dansles établissements, accueillant des personnes handicapées et pour ledomicile : le souhait de la population, les raisons démographiques, l’aug-mentation de l’espérance de vie, font que de plus en plus de personnesatteintes de la maladie d’Alzheimer resteront à domicile, étendant le cadredes lieux à surveiller sur le plan des infections.

Nous avons établi un partenariat avec l’Observatoire du Risque Infectieuxen Gériatrie (ORIG). Nous participons à leurs recherches, de manière nonexclusive mais importante, sur les causes des pathologies infectieusesdans les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes.Et nous financons une partie de l’enquête PRIAM 2 qui a débuté en 2007.Nous savions qu’il y avait des infections, mais nous en connaissions malla nature. L’enquête préliminaire régionale (PRIAM 1) indiquait que 50 %étaient des infections respiratoires aiguës hautes ou basses, que 25 ou30 % étaient des infections gastro-intestinales de tous ordres, des plusbénignes, virales, aux plus graves, enfin que 15 % étaient des infectionsurinaires. Ces résultats restent à confirmer sur le plan national.

Nous avons établi un second partenariat avec l’Union Française pour la SantéBucco-Dentaire dans le cadre duquel nous développons un programme ambi-tieux et inédit de formation du personnel de nos établissements et de soins.

Enfin, le troisième volet de nos actions en matière de santé publique concernela nutrition. Nous avons récemment mis en route un comité de pilotage afinde trouver des solutions aux problèmes de nutrition des personnes âgéesdépendantes et des personnes handicapées résidant en établissement.

Nous allons également nous préoccuper de ce qui se passe au domicile.De même que l’on ne peut traiter des problèmes dans les hôpitaux si onne s’occupe pas de ce qui se passe dans les établissements, on ne peuttraiter les problèmes dans les établissements si l’on ne prend pas encompte les difficultés qui peuvent survenir au domicile.

Lorsque l’on interroge les directeurs d’établissement et les médecins qui ytravaillent, on s’aperçoit que l’un des grands problèmes reste celui destroubles psycho-comportementaux qui sont difficiles à prendre en charge.Ils font partie de ces grands problèmes de santé publique : problème d’unindividu qui, à un moment donné, est malade et souffre, mais aussi, pro-blème de la collectivité et des retentissements sur la qualité des soins quenotre Fondation, et au-delà l’Etat, peut offrir aux citoyens. Que peut-onfaire pour cette tranche de population ?

Claire Hédon > Vous allez maintenant nous parler plus précisémentdes problèmes d’infections. Quel est le lien avec les infections noso-comiales dans les hôpitaux ?

Il s’agit des mêmes microbes, en général, avec les mêmes risques, mais ila fallu du temps pour s’en rendre compte. On trouve les mêmes microbesdans les établissements et dans les hôpitaux, mais, dans ces derniers, on saitqu’il s’agit de microbes dangereux. Dans les établissements d’hébergementdes personnes âgées dépendantes, on ne connaissait pas, en particulier,ces fameuses bactéries multirésistantes. Ce sont exactement les mêmesdans les hôpitaux, dans les établissements d’hébergement et au domicile,même si la concentration d’individus au domicile est beaucoup moinsimportante. On trouve les mêmes microbes dans les établissements quiaccueillent des personnes handicapées.

> Ce sont des infections qui arrivent par le biais des soins ?

En établissement, on la nomme « infection associée aux soins ». Il n’y a pasde lien de causalité. Elles sont le fait de personnes, visiteurs, ou médecins,qui transportent des microbes. Elles sont associées aux soins et non causéespar eux, comme dans le cas des infections nosocomiales. Toute infectionqui se produit à l’hôpital, dans les quarante-huit heures après l’entrée, estconsidérée comme infection nosocomiale. Les circuits à risque ont été

67

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 66

6968

> Avez-vous déjà une idée des mesures qu’il faudrait prendre ?

La première et principale mesure à prendre consiste en un lavage desmains de tous les personnels. À l’hôpital les personnels sont sensibilisésau problème de l’hygiène et adoptent des comportements qui ne sont pasà risque. Dans un établissement qui accueille des personnes âgées ouhandicapées et à plus forte raison au domicile, les personnes ont tendanceà ignorer les précautions d’hygiène et à minimiser le risque d’infection« manuportée ».

Le lavage des mains est très difficile à faire respecter. D’autres précautionss’imposent et de plus en plus l’utilisation systématique des gels hydro-alcooliques (GHA) ; puis, pour chaque risque – le risque aérien, le risque detransmission manuportée –, on adopte des comportements d’évitementdifférents. Concernant le lavage de mains, rares sont les établissementspour lesquels on peut dire un jour J à un instant T que tout le monde s’estlavé les mains, il s’agit pourtant d’une mesure facile, si l’on met à dispositiondes postes de lavage et que l’on réfléchit à leur implantation. Idem pourl’utilisation des GHA.

> Est-ce que cela est plus facile ou plus difficile d’imposer ces règlesd’hygiène dans des maisons de retraite qu’à l’hôpital ?

La partie la plus difficile a été réalisée : faire prendre conscience aux per-sonnes qui y travaillent ainsi qu’aux familles, puis à l’opinion publique engénéral, que ce risque existe. Didier-Roland Tabuteau a imposé la partici-pation de la Fondation aux Etats généraux des infections nosocomiales, il expliquait que la seule présence de représentants d’établissements d’hébergement à une telle manifestation était déjà, à l’époque, une énormevictoire, c’était en février 2007.

clairement identifiés, qu’il s’agisse des allers-retours entre l’hôpital, les foyers-logements, les EHPAD, les EHPA, des ambulances qui n’ont pas été systé-matiquement désinfectées, des stéthoscopes qui n’ont pas été nettoyés,et surtout des mains « sales » et en tout cas porteuses de ces microbes.

Avant 2005, date de la commande du ministère à l’Observatoire du RisqueInfectieux en Gériatrie, pour la situation dans les établissements d’héber-gement de personnes âgées dépendantes, on ignorait ce qui se passait entermes de quantité, de qualité et quels étaient les microbes.

L’enquête PRIAM 1, qui s’est déroulée en région parisienne, a pointé lesmicrobes qui circulaient, les risques réels auxquels étaient confrontées lespersonnes vivant dans les établissements. L’étude PRIAM 2, réalisée sur l’ensemble de la France – on ne connaît pasencore les résultats définitifs –, va permettre d’affiner les éléments dontnous disposions : si l’enquête est réalisée en janvier ou en février onconstatera nécessairement plus de grippe que si l’enquête est réalisée enjuin ou juillet. Notre intervention dans le cadre du partenariat se situe au niveau desrecommandations faites avec l’ORIG. À titre personnel, en dehors de monactivité principale, je participe à un groupe d’experts qui recensent la litté-rature et les écrits sur le sujet et proposent des recommandations. Nous saurons quels types d’infections existent dans les établissements,quelles sont les mesures à adopter pour qu’elles ne se diffusent pas chezles résidents et à l’extérieur des établissements.

Enfin, nous saurons quel type de formation donner au personnel des éta-blissements pour éviter la propagation. Le personnel au sens large duterme qui comprend l’ensemble des intervenants libéraux, salariés ou nondes établissements.

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 68

70

On ne pouvait pas imaginer quelques années avant que le risque nosocomialexistait en EHAPD. La reconnaissance du problème est là. Le niveau moyende formation du personnel salarié et des intervenants à domicile qui viennentdans les établissements est beaucoup moins important que dans les hôpitaux.Il faut donc trouver les outils de formation appropriés.L’utilisation d’autres techniques, comme le e-learning, est sans doute unebonne solution. L’initiative Grenobloise du Campus Numérique Hygienosia,avec la formation de la totalité du personnel soignant et non soignant desEHPAD, apporte de très bons résultats en termes de diminution des infections.

> Je voudrais juste revenir sur le lavage des mains. Nous parlions cematin de réflexes dans les questions d’hygiène de vie. Ce lavage desmains ne devrait-il pas être un réflexe ?

Soit c’est un réflexe culturel – chez moi, je me lave les mains –, soit c’estun réflexe apporté par la formation initiale. Encore que je ne sois pasconvaincu – je ne plaide pas pour les chapelles des médecins qui sont àcette table – que les médecins soient forcément les meilleurs vecteurs del’hygiène dans les établissements ; je suis même assez persuadé, à titrepersonnel, du contraire. Effectivement, ce sont des réflexes qui sont acquis par formation. Nousavons bien réussi à faire réduire la vitesse des gens au volant en les menaçantd’une amende en cas d’excès.

> Pouvez-vous nous expliquer maintenant les actions que la Fondationva mettre en place dans le cadre du partenariat avec l’Union Françaisepour la Santé Bucco-Dentaire ?

Améliorer la santé bucco-dentaire des personnes âgées et handicapées estun enjeu de santé publique. La perte d’autonomie rend difficile aux personnesâgées et handicapées l’accès aux cabinets des chirurgiens-dentistes.

Pour qu’elles puissent bénéficier de soins dans les meilleures conditionsde confort, des mallettes de soins portatives d’équipements dentairesseront mises à la disposition des chirurgiens-dentistes membres du réseaude l’UFSBD au sein des EHPAD. Ils pourront ainsi se déplacer directementdans les EHPAD auprès des résidents. Trois mallettes financées par la Fondation seront mises en circulation enIsère lors de la phase d’expérimentation du dispositif. D’ici la fin de l’année,il devrait être étendu à l’ensemble des établissements de la Fondation.Les praticiens, les chirurgiens-dentistes qui se déplaceront dans les établis-sements, se trouveront confrontés à des personnes parfois très désorientées,mais les conditions de soins seront infiniment meilleures dans l’établissementque dans un cabinet dentaire qui n’est pas adapté.

Des modules de formation et de sensibilisation des intervenants accompa-gnant les personnes âgées en EHPAD seront également mis en place dansles établissements, notamment auprès des médecins-coordonnateurs etdu personnel soignant. Ils pourront ainsi mieux accompagner les résidents.

On s’aperçoit que de nombreux problèmes de santé qui se posent chez lespersonnes âgées n’intéressent pas les médecins, soit par manque de for-mation, soit par manque d’intérêt. Il faudrait revoir intégralement la formationinitiale des médecins et la formation continue pour sensibiliser les médecinsaux problèmes d’hygiène et de santé bucco-dentaire.

71

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 70

72 73

Il est extrêmement difficile de faire un état des lieux concernantla situation bucco-dentaire des personnes âgées. Des études épidémiolo-giques ont été réalisées sur différentes couches de population. La dernièreaction menée l’était au titre de l’OMS. J’avais mené une enquête il y a déjàdix ans. On constate, dans toutes les actions entreprises, un réel problème,totalement méconnu, pour ne pas dire sous-estimé, voire sous-évalué,mais qui n’est pas si catastrophique que cela.

On considère qu’en 2008 les choses ne devraient pas se passer commecela et on oublie que les personnes que l’on voit, en 2008, sont nées avantla guerre de 40 ; elles ont rencontré – et dans le domaine bucco-dentaire,c’est très important – beaucoup de problèmes de nutrition, d’infections.Elles ont connu la guerre, les privations. L’histoire dentaire se construit lors de la prime enfance, or malheureusementpour cette tranche d’âge, les conditions étaient difficiles. Les actuellespopulations âgées ont fréquemment cumulé les inconvénients en santépublique, ce qui entraîne des problèmes bucco-dentaires fréquents dansles EHPAD, dans les maisons de retraite et dans les hôpitaux. On peut direque la quasi-totalité des personnes a un problème bucco-dentaire.

Claire Hédon > Ce problème peut être lié au niveau socio-culturel, auxmoyens financiers ? Les consultations dentaires sont souvent consi-dérées comme coûteuses.

Je vais répondre d’une façon directe. Vous avez raison mais cela dépendde chacun d’entre nous, car s’il est un domaine où la prévention fonctionneà 95 %, pour ne pas dire à 100 %, c’est la prévention bucco-dentaire.

La prévention est un état d’esprit et non une série d’actes prophylactiques.C’est une éducation à faire le geste qui empêchera la maladie de s’aggraver.

Faire un appareil complet est un acte de prévention en cela qu’il permet àla personne de continuer à se nourrir, donc d’empêcher les infections et,éventuellement, de ne pas en mourir. Les personnes qui pâtissent du coût de la santé dentaire sont malheu-reusement souvent celles qui n’ont pas fait de prévention. Le domaine dela santé dentaire, comme celui de la santé en général, est avant tout unproblème culturel.

En travaillant avec la Croix-Rouge, le Secours Populaire et les Restos duCœur, nous nous sommes aperçus que, lorsque nous donnons la gratuitédes prothèses et des soins à tout le monde, seules 10 à 15 % des personnesfont la démarche d’aller chez le chirurgien-dentiste et d’aller jusqu’au boutdu traitement. La Sécurité Sociale a évolué depuis quinze ans, les actespréventifs faits en cabinet sont pris en charge.

Tout le monde a pris conscience que l’argent était sans aucun doute unfrein à la santé, mais le frein véritable est sans conteste culturel : c’estl’éducation à la santé.

La prise en compte de la santé dentaire chez les personnes handicapées et âgées

Patrick Hescot, président de l’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 72

7574

Cela va sans doute paraître choquant, mais on constate que le fait de travaillerde façon roborative, d’avoir un travail guère passionnant, de rencontrer desdifficultés au quotidien, rend moins disponible pour penser à soi et s’occuperde sa santé. La formation des dentistes n’est pas en cause. C’est une question delogistique. Il est vrai que les cabinets dentaires ne sont pas équipés pourrecevoir des personnes handicapées en fauteuil. La formation des prati-ciens, aujourd’hui, leur permet de soigner toutes les personnes, qu’ellessoient dépendantes ou handicapées. Un certain nombre de personneshandicapées principalement ne peuvent être soignées que sous anesthé-sie générale, ce qui ne peut se faire, ne serait-ce que pour des raisons desécurité sanitaire, dans un cabinet dentaire libéral. Nous comptons 38 000 chirurgiens-dentistes en France et près de 66 % à70 % des Français vont dans un cabinet dentaire ; autrefois, ils n’étaientque 30 %. On a enfin pris conscience, en France, que la santé dentairefaisait partie de la santé, mais il reste du travail à faire.

> Quels sont les liens entre les pathologies dentaires et les autresquestions de santé ?

Nous sommes dans un pays où l’on aime manger et boire. L’odorat est lecontact de la langue avec le palais. Si entre la langue et le palais s’immisceun élément étranger, le contact ne sera pas le même et, de ce fait, le goûtnon plus. Comment parler sans dents ? Comment apparaître comme un être sociablelorsque l’on n’a pas de dents pour sourire ? Toutes les personnes qui travail-lent autour de la personne âgée s’accordent à dire que le plus important,pour une personne âgée, est l’estime de soi : se regarder, s’accepter. MarcGentilini, le président de la Croix-Rouge, disait que l’on pouvait savoir siun RMIste allait se réinsérer ou non dans la société par deux gestes essen-tiels : aller chez le coiffeur et chez le dentiste. Cela veut dire qu’ils acceptent de se regarder dans la glace, de se traiterà nouveau comme un individu, comme un être humain. Ils seront parconséquent plus à l’écoute de tous les avantages que la société offre. Laquestion n’est pas de créer des avantages, mais de convaincre la personneque ces avantages lui sont destinés.

Pour ce qui concerne les différentes pathologies il a fallu, dans un premiertemps, convaincre les médecins que le diabète pouvait entraîner des risquesde chutes de dents. Lorsque l’on parle de perte d’autonomie, on parle decécité, d’audition, mais on oublie que la perte des dents représente unhandicap aussi lourd dont il faut prendre conscience.

> Que faudrait-il faire pour améliorer la situation ?

C’est relativement simple : convaincre toutes les personnes que la santédentaire fait partie de leurs priorités. De même que l’on doit se laver lesmains, il faut se laver les dents : cela fait partie du quotidien. C’est difficileet compliqué, il y a des impondérables, mais, petit à petit, on peut com-mencer à sensibiliser et à éduquer.

> Comment peut-on faire avec des personnes âgées dépendantes ? Il n’est pas toujours facile de se rendre dans un cabinet dentaire.

Nous avons prévu cela avec la Fondation : c’est au dentiste de se déplacer,ce que nous sommes en train d’organiser. Nous ne sommes pas destinésà rester enfermés dans nos cabinets. Cela fait partie de la prévention quede ne pas attendre que les gens viennent à nous, mais au contraire d’allervers eux. C’est aux dentistes de se déplacer, de voir les personnes, de lesécouter, de tenir compte de leur habitat, de leurs habitudes. Nous avonsmis cela au point pour les personnes âgées dépendantes, nous sommescapables aujourd’hui d’aider, de sensibiliser, de former, d’éduquer. Nousavons la capacité et la mobilité nécessaires au dépistage et aux soins dansles établissements.

> Vous pouvez vous déplacer avec le matériel ? Quand on voit un cabinet dentaire c’est une grosse machine. Vous vous déplacez avecl’ensemble de votre équipement ?

Cette machine est ramenée simplement à une mallette. Il faut égalementrelativiser. Les trois quarts des besoins des personnes âgées dépendantes

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 74

7776

sont simples : un appareil dentaire blessant, une petite carie. L’ambitionn’est pas d’aller faire des prothèses chez ces personnes-là, car la plupartsont déjà appareillées. L’objectif reste l’amélioration de leur confort. Chezles personnes âgées dépendantes, la moindre petite chose prend uneimportance énorme. Nous écoutons leurs besoins et tâchons d’y répon-dre. Il serait prétentieux de dire que l’on répond à 100 % des besoins, mais75 % des besoins peuvent être résolus avec cette mallette. Les 25 % restantssont du ressort des services hospitaliers et nous nous chargeons de lesmettre en relation.

> Depuis le début de la journée, plusieurs intervenants ont soulignéqu’il n’est jamais trop tard. En va-t-il de même pour la santé bucco-dentaire?

Il n’est, en effet, jamais trop tard pour bien faire. On sait que la préventionbucco-dentaire fonctionne toujours, ce qui n’est pas le cas dans les autresdomaines de la santé. La preuve en est que nous sommes aujourd’hui letroisième pays européen en termes de qualité de santé bucco-dentaire.Il y a trente ans, nous étions parmi les derniers. Encore faut-il en être soi-même convaincu. Nous devons néanmoins évoquer le coût. La prise en charge pour changerun appareil est la même que pour poser un appareil. Il n’est pas indispen-sable de changer l’appareil d’une personne âgée dépendante, il suffit de leréhabiliter, de le réadapter, ces interventions sont prises en charge. Celas’est fait en région parisienne ; nous allons, avec la Fondation, étendre lesystème en allant voir la Caisse d’Assurance Maladie et en créant un réseau. Autre exemple, trivial mais quotidien : dans les établissements, les person-nels s’occupent de nettoyer les appareils de cinq pensionnaires, or ils nese souviennent plus, au moment de la restitution, de celui auquel appar-tient tel ou tel appareil. Nous avons donc mis en place un système de pucequi permet d’individualiser l’appareil.

Claude Jeandel > Je voudrais ajouter à ces propos que la notion d’hygièneréunit les deux interventions, que ce soit l’hygiène relative aux infectionsou de la prévention bucco-dentaire. Cela réhabilite le mouvement des

hygiénistes. Deuxième point : je ne sais si le cinquième risque prendrait encharge les prothèses, mais on pourrait se poser la question, car il s’agitbien d’une perte d’autonomie.

Troisième point : la question des pathologies. On sait que la cavité bucco-dentaire est au carrefour des maladies. On peut démontrer scientifique-ment que 80 % des pathologies les plus prévalentes sont liées, cause ouconséquence, à la cavité bucco-dentaire. Il a été démontré que l’hygiènebucco-dentaire est un bon facteur de prévention des infections nosoco-miales, en particulier des infections pulmonaires.

Quatrièmement : je m’interroge, non sur la faisabilité, mais sur l’efficienced’une action de prévention des infections nosocomiales ou associées auxsoins, qui ne prendrait pas en considération la notion de vecteur. Pourquoi y a-t-il autant d’infections associées aux soins, aujourd’hui, dansles établissements du type EHPAD ? Pour différentes raisons dont la pre-mière : la population a considérablement changé, elle s’apparente plus àune population hospitalière aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Nous nous trou-vons face à l’« hospitalisme » et l’hôte, qui vient d’un milieu hospitalier, estle problème.

Le second problème tient à ce que nous voulons faire d’un lieu de soin unlieu de vie, on ne peut donc pas faire l’impasse sur les visites, sur la mul-tiplicité des acteurs : 70 médecins parfois pour 70 résidents. Autant direque cela fait 140 mains et 140 fois 5 doigts.

Le problème reste si l’action se limite à la prévention uniquement enEHPAD et que rien ne se fait à l’hôpital. Actuellement, dans les serviceshospitaliers en gériatrie, on applique des référentiels de pratiques, maisqu’en est-il des autres services ? Qu’en est-il notamment des pratiques enchirurgie ? Que fait le Centre de Coordination de Lutte contre les InfectionsNosocomiales – CCLIN ? Le CCLIN ne devrait-il pas sortir de l’hôpital pouraller vers les EHPAD ? Je pose la question.

Si aujourd’hui les établissements médico-sociaux font des efforts et c’estimportant, il faut aussi que l’hôpital avance au même rythme, faute de quoiles résultats ne seront pas à la hauteur des attentes.

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 76

7978

> Bruno Favier, vous souhaitiez compléter ces propos ?

Bruno Favier > Des progrès ont été faits, effectivement, à l’hôpital notam-ment dans la prise de conscience, mais ces progrès ne sont pas à lamesure des besoins, puisque le nombre d’infections existe toujours et quele problème est loin d’avoir été réglé. Pour en revenir aux interventions des CCLIN, toute la difficulté consiste àfaire sortir des équipes hospitalières des hôpitaux : qui paie ? Est-ce lebudget hospitalier ? Les équipes soignantes des EHPAD interpellent souventles équipes soignantes des CCLIN. Bien qu’officiellement les missionsd’intervention soient liées, en termes de renseignements, aux CCLIN.Quand on demande aux équipes des CCLIN d’intervenir, il ne s’agit pasd’une mission officielle et elle n’est donc pas budgétée. Rien se sera régléaussi longtemps que n’aura pas été réglé conjointement le problème destransferts de microbes d’un établissement à un hôpital.

Il est important que les équipes soignantes des établissements d’héberge-ment de personnes âgées, les équipes soignantes des établissements quiaccueillent des personnes handicapées, nouent des partenariats conven-tionnels avec l’hôpital. Encore faut-il effectivement que l’hôpital en ait les moyens. Je pense quec’est l’organisation interne des établissements avec le domicile en amont,et l’hôpital en aval, avec l’hôpital de jour dans le cadre de la filière gériatri-que, qui permettra d’organiser cela.

Pour discuter sur un plan médical de ces conventions, il faut une présencemédicale suffisante, ne serait-ce que l’augmentation du temps de présencedu médecin-coordonnateur dans les EHPAD, faute de quoi les résultats necorrespondront pas aux besoins réels des établissements.Les postes vacants sont souvent non pourvus, il faut s’organiser rapide-ment pour trouver le moyen de préserver cette présence médicale dans lesétablissements. Les transferts de compétences pourraient être une solu-tion. L’utilisation de nouvelles technologies comme la visioconsultationpourrait apporter des solutions aux problèmes de démographie médicalequi seront très problématiques dans les dix ans à venir.

> Ce transfert de compétences des médecins se ferait vers quels pro-fessionnels ? Les infirmières ?

Bruno Favier > Le transfert de compétences touche à des choses délicatesà aborder. D’autres pays l’ont fait, où les fibroscopies gastriques sont trans-férées à des non-médecins, à des personnels spécialement formés à cela.

Patrick Hescot > Dans tout ce qui s’est dit, il y a deux mots essentiels quel’on oublie, ce sont les mots « bonheur » et « plaisir ». On parle toujours santé,pathologie, douleur, horreur, amputation, mais la santé est avant tout duplaisir. Nous oublions qu’en termes de santé nous sommes presque touségaux, du moins pour ce qui est de la santé dentaire, hormis quelques pro-blèmes génétiques qui touchent 0,5 % de la population. J’encourage leschirurgiens-dentistes à viser quatre objectifs : confort, plaisir, bonheur,esthétisme. Ce qui impose de changer de langage et dès lors la Sécuritésociale, la santé, les politiques suivront.

L’expérience anglaise en matière d’éducation thérapeutique est fantastique.Elle est facile à faire fonctionner : il faut que le médecin, le patient et laSécurité sociale y gagnent. En Angleterre, le médecin qui fait en sorte queson patient suive une éducation thérapeutique verra sa consultation mieuxrétribuée que la consultation qui sert à soigner une pathologie. En dentaire,un soin ne sert à rien si le patient, en sortant du cabinet, ne se lave pas lesdents et mange du sucre.

L’éducation à la santé est également de la responsabilité de chacun. Desparents avec les enfants, des enfants avec les parents, dans la vie profes-sionnelle, comme dans la vie privée. Il faut réformer l’éducation primaire. Ilfaut réintroduire l’éducation sanitaire au même titre que l’éducation civique,à l’école primaire.

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 78

Conclusion de la deuxième table ronde par Claude Jeandel,

chef de service de gérontologie clinique au CHU de Montpellier

81

Ce sera bref et volontairement provocateur. J’ignore si l’ondoit parler vraiment de trou de la Sécurité sociale dans lamesure où l’on ne parle pas du trou de l’Éducation, on

ne parle pas du trou du ministère de la Défense. Pour conclure, quelquesmots simplement. Nous avons deux exemples d’actions très ciblées, desinterrelations très fortes. Ce qui m’importe surtout, c’est le décloisonne-ment des établissements, pour que les pratiques soignantes soient harmo-nieuses entre les établissements, avec les établissements de santé dans lemédico-social et inversement. L’usager est le vecteur, le trait d’union entre les deux. C’est la raison pourlaquelle ils transposent les vecteurs de l’infection.

Il faut revoir la notion de parcours, on parle beaucoup de parcours de soins ;le parcours d’un usager lui fera rencontrer des pratiques différentes, desacteurs différents, des établissements différents, des organisations différentes.C’est ce système-là qui est à revoir et, si on veut suivre le modèle que j’aiprésenté tout à l’heure, et encore faut-il qu’il y ait eu évaluation, l’obstaclemajeur reste l’« infrangibilité » des organisations.

L’Agence nationale d’évaluation du secteur médico-social va-t-elle travaillerde concert avec la HAS qui évalue les établissements de santé ? Y aura-t-ildes interrelations, des traits d’union ? Je n’en sais rien. Les infections associées aux soins, le bucco-dentaire, les chutes, la nutrition,sont les mêmes problèmes. La manière de les résoudre n’est pas plurielle.Les référentiels de pratique qu’édicte la HAS, et peut-être demainl’Association Nationale des Étudiants en Médecine de France – ANEMF –,sont les mêmes. Nous ne disposons pas de pratiques différenciées selonle lieu de vie ; aujourd’hui ce sont les mêmes référentiels.

Il faut que les acteurs se les approprient et, pour cela, ils doivent se formerensemble, se rencontrer. On doit imaginer un fonctionnement où établisse-ments de santé et EHPAD se réunissent régulièrement autour de thématiques,échangent leurs pratiques et tentent d’utiliser les mêmes référentiels, celaaboutira à un résultat certain à moyen terme.

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 80

8382

3 Handicap et vieillissement : les usagers, premiers acteurs de la santé publique

Didier-Roland Tabuteau • Dominique Malauzat • Nicolas Brun • Philippe Lamoureux

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 82

Introduction de la troisième table ronde par Didier-Roland Tabuteau,

Directeur général de la Fondation Caisses d’Epargne pour la solidarité

et vice-président de la Société française de santé publique

Quelques brefs mots d’introduction pour souligner l’im-portance de l’évolution qui s’est produite sur le secteurmédico-social et le secteur de la santé avec l’affirmation

du rôle premier des usagers et des malades. Le lien entre usagers et santécommence, aux Etats-Unis dans les années trente, avec l’apparition d’unmouvement fondamental pour comprendre l’évolution de la santé publique :l’organisation des Alcooliques Anonymes.

Pourquoi est-ce fondamental ? D’autres associations existaient, maisc’était la première fois que des non-médecins créaient des associationspour s’occuper de questions de santé, et ils sont restés très isolés pendantlongtemps. Ensuite on a vu apparaître, notamment en France et aux Etats-Unis, lemouvement d’humanisation des hôpitaux qui a conduit à une prise deconscience de la place de l’usager, de la responsabilité, de la dignité de lapersonne, et de la prise en compte des enjeux qui s’y attachent. Enfin s’est produit le choc du sida, avec la déflagration que cela a entraîné :la place des associations et le droit de la personne d’être maître de seschoix dans le système de santé.

Parallèlement à ce mouvement qui a conduit à la consécration des droitsdes malades par la loi Kouchner de 2002, une réflexion s’est imposée.Moins évidente, moins commentée dans la presse, mais tout aussi impor-tante sur le secteur médico-social. Elle s’est concrétisée, en janvier 2002,par une autre loi, qui reconnaît aux résidents des droits spécifiques.

L’idée de ces droits spécifiques est une idée neuve dans le système de santé,comme dans le système médico-social. Elle a été fortement combattuependant longtemps, par des juristes au motif que, s’agissant de droits de

85

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 84

8786

la personne, le Code civil suffisait. Puis, on s’est rendu compte que danscertains secteurs, lorsque l’on est en situation de faiblesse, de fragilité, ilfaut autre chose. Cette évidence de la place de l’usager, de la représenta-tion des usagers, du besoin d’une prise en compte de l’autonomie de lapersonne, au sens le plus intellectuel et humain du terme, s’est traduitedans la législation. Le paradoxe c’est que les deux lois de 2002 ont été faitesindépendamment l’une de l’autre, alors que des dispositifs auraient pu trèslogiquement se nourrir mutuellement s’il y avait eu une réflexion commune,si la segmentation dont on parlait ce matin n’existait pas.

Un exemple, la personne de confiance qui est intéressante dans le systèmede santé, mais qui le serait encore plus dans le système médico-social,n’existe pas dans le secteur médico-social. La question se pose de l’intro-duire. Le cloisonnement juridique mais aussi psychologique est tenace,même lorsque l’on parle de droits, même lorsque l’on s’approche au plusprès de l’individu.

Aujourd’hui, une part du chemin a été faite, d’où l’importance de cettetable ronde. C’est une évidence que de poser la question du rôle desacteurs, des personnes directement concernées par ces questions, mais ilreste encore un travail d’harmonisation à faire. La personne prise en charge ne doit pas changer de casquette parcequ’elle change de lieu de vie. Prenons le cas d’un patient à son domicile.

S’il est hospitalisé, il devient un usager du service public. S’il va dans unEHPAD, il devient un résident et, pour peu qu’il s’adresse au Conseil général,il devient un bénéficiaire de l’aide sociale.

Le moment est venu de réunir toutes les facettes de l’individu pour n’avoirplus qu’une personne face à l’ensemble des dispositifs sanitaires, médico-sociaux et sociaux. Une personne qui assume ses droits et ses responsa-bilités. Je pense que l’objet de la table ronde est de voir dans quellemesure ces personnes, je n’emploierai plus d’autre terme, sont desacteurs de la santé publique.

« Le moment est venu de réunir toutes les facettesde l’individu pour n’avoir plus qu’une personne

face à l’ensemble des dispositifs sanitaires,médico-sociaux et sociaux.»

Didier-Roland Tabuteau

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 86

8988

Comme entrée en matière, je voudrais prévenir que je suis unpsychiatre très pragmatique parce que, face à la folie, il faut être rationnel,au contraire des banquiers qui peuvent être irrationnels – il suffit de voir lespublicités actuelles que font les banques. Nous allons voir comment la psy-chiatrie peut s’intéresser à des phénomènes annexes.

En ce qui concerne les soins en psychiatrie : les Français ignorent qu’ilsont le seul pays au monde qui, depuis plus de trente-cinq ans, a mis en placeune filière extraordinaire qu’on appelle les soins de sectorisation en psy-chiatrie. Nous sommes passés de 120 000 lits à 36 000 lits. L’ensemble duterritoire français est couvert et offre la possibilité d’accéder à des équipes

extériorisées. Les équipes mobiles de secteur existent depuis 1973,notamment au fin fond de la Haute-Vienne. Les psychiatres hospitaliers serendent dans les EHPAD, dans les dispensaires, désormais appelésCentres Médicos-Psychologiques, et de façon totalement gratuite.Curieux pays où un modèle qui fonctionne n’est pas reproduit. On enconnaît les limites du fait du cloisonnement des filières et la question quise pose à la filière psychiatrique est de devenir un vrai réseau.

L’étude nutritionnelle posait le problème de la filière psychiatrique et de lafaçon de ne pas recréer un asile, certes doré, à l’extérieur, au domicile, oùles malades sont tout aussi coupés du reste du monde. La question qui s’est posée dans notre hôpital était de savoir pourquoi ces256 malades psychotiques gravement malades depuis plus de cinq ans,parfois depuis plus de trente ans, suivis médicalement par leur médecingénéraliste, par un psychiatre, par beaucoup de spécialistes, par des infir-miers, visiteurs à domicile appelés équipes mobiles, pourquoi donc cesmalades avaient un problème de santé simple : ils mangeaient mal et ils’agissait d’étudier la façon dont on pouvait améliorer ce problème.L’étude a révélé l’énormité des résultats lorsque l’on parle de manger mal.

Une inquiétude ressort de cette étude. La schizophrénie est une maladie dujeune qui se déclare avant 35 ans pour la phase aiguë, et qui dure quarante ans.Lorsque je vois un malade de 18 ans qui débute une schizophrénie, que jele vois avec ses parents, je sais déjà que le coût de la prise en charge dela maladie au cours de sa vie de schizophrène sera de 2 millions d’euros.On est face à quelque chose d’extrêmement lourd et qui ne touche pasque l’« auréole ». Je ne soigne pas l’auréole, j’essaie de soigner la totalitéde l’être. Les psychiatres sont considérés comme les médecins du psy-chisme. Cela n’a aucune réalité, le patient n’arrive pas avec son cerveau,il arrive avec ce qu’il est, avec la difficulté qu’entraîne son handicap trèsrapidement et les conséquences de sa désinsertion sociale.

Etre schizophrène, c’est vivre avec 700 euros par mois et être schizophrènede surcroît. Il est déjà difficile de vivre avec cette somme sans être schi-zophrène mais, lorsqu’on l’est, les problèmes se cumulent d’une façonextrêmement nette. Les décès sont très spectaculaires. Environ un quart

Dominique Malauzat, chef de service en psychiatrie du centre hospitalier Esquirol

Les défis et conditions de la maîtrise dela nutrition par les patients eux-mêmes

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 88

90

d’entre eux se suicidera ; un quart va mourir d’un cancer du poumon parceque le tabagisme est terrible dans cette population. Pour un quart, ledécès sera directement lié aux troubles nutritionnels, notamment l’obésitéet ses conséquences : le diabète, l’hypertension et tous les problèmes quileur sont liés. Le dernier quart de décès sera essentiellement lié à toutesles autres causes, les causes infectieuses et la mort subite, car près de2 % des schizophrènes meurent de mort subite avant 35 ans.

Claire Hédon > Quelles sont les conclusions qu’apporte cette étudesur le problème de la nutrition ?

Cette étude très précise concernait 256 malades au long suivi très médi-calisé. En France, il y a environ 32 % de personnes en surpoids, parmi eux8 % d’obèses. Dans la population que nous avons observée, 64 % est ensurpoids, dont 32 % sont obèses. Pour vous donner un point de référence, en France, la normalité nonpathologique est d’avoir un tour de taille inférieur à 94 cm : nos hommesschizophrènes ont une moyenne de 116 cm. La normalité pour les femmesest d’avoir un tour de taille inférieur à 80 cm : nos femmes schizophrènesont une moyenne de 103 cm, ce qui double le risque cardio-vasculaire.

Deuxième point, la moyenne, en France, de diabétiques tous typesconfondus, avec une grosse dominante du type 2 est de 3,5 %. Dans notreétude, on atteint 13,5 % de diabétiques essentiellement de type 2, sansparler du cholestérol, où les chiffres sont totalement hors norme. C’est-à-dire qu’ils ont tous atteint des taux pathologiques. On ne peut pas parler de populations non suivies et le problème est trèsproche, en termes de chiffres, chez les trisomiques. Le handicap s’accom-pagne d’autres troubles que le handicap psychique, entraînant des consé-quences liées à tout ce qui tourne autour de la vie d’un handicapé jeune.

> Une partie de ces troubles n’est-elle pas due aux traitements eux-mêmes ? En particulier l’obésité ?

La réponse est oui, mais, tout d’abord, il faut insister sur le fait que le trai-tement est formidablement positif. Madame Forette a rappelé que le termede démence n’était pas à la mode. En 1900, un schizophrène était appelédément précoce et l’autisme infantile s’appelait la démence précocissime.En clair, cela voulait dire qu’on était Alzheimer à 20 ans, et que l’espérancede vie d’un schizophrène à cette date était de sept ans. Actuellement sonespérance de vie, s’il est diagnostiqué entre 18 et 25 ans, est de quaranteans. Ce qui signifie une espérance de vie comparable aux mineurs de fonddes années trente ou à celle d’un Ukrainien actuel. Mais cela représentenéanmoins seize ans d’espérance de vie perdue par rapport à la moyennenationale. Les cancers en France ne font perdre que quatre ans et demid’espérance de vie, l’hypertension artérielle ne fait perdre que trois ans etdemi d’espérance de vie, la psychose de l’adulte jeune, seize ans. Il s’agitd’une maladie longue, douloureuse et mortelle.

> À partir de ce constat, que pouvez-vous mettre en place ?

Il y a tout d’abord l’importance du constat. En médecine, nous sommestoujours confrontés au fait que, lorsqu’un constat ne trouve pas de solution,on n’en fait rien ; on attend qu’elle apparaisse pour considérer qu’elle estdu domaine de la médecine. La médecine ne s’implique que là où elle croitêtre efficace, raison pour laquelle la maladie d’Alzheimer n’a intéressé per-sonne pendant longtemps, parce qu’on pensait qu’il n’y avait rien à faire.Le constat que nous faisons et que l’on retrouve dans la littérature interna-tionale relative au très mauvais état physique, somatique des handicapéscognitifs et psychiques, n’est pas pris en compte, alors que si l’on n’estpas handicapé psychique, en France, cela devient une priorité sanitaire ;

91

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 90

93

peser 140 kilos à 25 ans est considéré comme en état de risque. S’il s’agitd’un schizophrène, il ne se passe rien. Le constat nous a amenés, dans notre hôpital, à émettre des recomman-dations : rendre obligatoire, pour toute personne prise en charge en psy-chiatrie, la création d’un volet nutritionnel dans son dossier psychiatriqueau même titre que la symptomatologie délirante, anxieuse, dépressive ouque sa tension artérielle. Une obligation est d’un bilan annuel que l’on refaittous les trois mois s’il est anormal. Le caractère obligatoire est indispen-sable si l’on veut que les choses aboutissent.

Ensuite, il fallait que l’aspect nutritionnel soit pris en charge par un référentnutritionnel : psychiatre, nutritionniste, généraliste, infirmière, aide-soignant,peu importe, pourvu qu’il y ait un volontaire qui assure le suivi et aide lapersonne.

La troisième chose simple et essentielle était d’informer et de sensibilisertous les intervenants, mais en premier l’usager, le malade. Lorsque l’on esthospitalisé, les hôpitaux ne donnent pas les doubles des examens biolo-giques qui sont faits ; ils sont adressés au médecin traitant, contrairementà ce qui se passe dans un laboratoire de ville. Nous avons demandé au laboratoire de notre hôpital d’éditer les résultatsen double pour que le malade puisse en être informé. Le fait d’être schi-zophrène ne rend pas forcément incapable de comprendre ces nécessités.C’est en sensibilisant les gens que l’on peut les rendre conscients du pro-blème existant.

Tous ceux qui travaillent dans ce monde savent très bien ce qui se dit :« Ce n’est pas grave, le seul plaisir qu’il a, c’est la bouffe, le tabac et picoler,donc ce n’est pas grave. » Il existe d’autres plaisirs sur lesquels on peuttravailler, comme les ateliers cuisine qui ne fonctionnent que s’il y a du plaisir.Si l’on est restrictif, cela ne fonctionne pas.

92

C’est un drame pour les patients parce que, si en plus d’être schizophrèneou psychotique ou de souffrir d’un autre handicap psychique, on leurannonce qu’ils sont diabétiques, hypertendus, obèses, s’ils ne sont pasreconnus, aidés, que l’on ne fixe pas des objectifs pragmatiques, réalisables,on ne fait qu’ajouter un problème supplémentaire. Il est suffisamment difficile d’être schizophrène, sans que l’on soit stigma-tisé par le poids, par l’incapacité à maigrir, à manger correctement, autantse suicider tout de suite. Toute l’ambiguïté du message est là : arriver àfaire passer un message directement personnalisé. Accepter que l’objectifpuisse être de perdre seulement cinq kilos par an, au lieu des dix néces-saires. C’est difficile à faire admettre à un nutritionniste : il faut être foucomme un psychiatre pour tenir de tels discours. On doit pouvoir dire qu’iln’est pas grave d’avoir pris vingt kilos, d’avoir fait le yoyo. S’il a été capa-ble de faire dix régimes, peut-être que le onzième fonctionnera.

Arrêtons de culpabiliser les gens. Il est absolument déterminant d’utiliserces systèmes-là pour pouvoir les reprendre, en les personnalisant, carl’image du corps dans le handicap psychique et la schizophrénie est à labase même du trouble. Dire à quelqu’un qu’il va bien alors que son poidsa doublé n’est pas sérieux. Certains malades prennent quarante kilos dans l’année ; un kilo parsemaine c’est banal. Ce n’est pas anodin. Les schizophrènes sont plusgros que les pauvres de la Nouvelle-Orléans. En France, cette populationa déjà un risque 50 % plus élevé que la population américaine pauvre.

> Obtenez-vous des résultats auprès des personnes qui sont déjà enétat d’obésité et pouvez-vous également prévenir l’obésité ?

Les résultats oui. Nous avons développé des propositions qui prendronttrois ou quatre ans pour se réaliser. Dans mon hôpital, il y a 1 400 salariés,

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 92

94

1 200 soignants, c’est lourd de mobiliser ces gens. L’intérêt principalréside dans les changements de pratiques qui représentent beaucoup dechangements culturels.

> Est-ce que certains de ces malades se sentent mieux avec ce suivinutritionnel ?

Oui quand ils sont reconnus, aidés et non stigmatisés ; non, dans le cascontraire. Si l’on s’engage dans cette démarche, il faut accepter le pro-blème et dire que cela va durer 10, 15, 20, 30 ans. C’est une attitude, etnon une sanction, une exclusion. La grande difficulté pour nous est de nepas exclure cette population. Nos populations, du fait du handicap, ontdéjà du mal à suivre, ils vont beaucoup moins vite, ils ont du mal à com-prendre, ce qui entraîne leur exclusion du groupe. Ils ont, en plus du han-dicap social, très peu de moyens. En fait, la plupart subit des problèmestout à fait comparables à ceux que l’on retrouve chez les SDF ou les gensen très grande difficulté sociale. Il ne faut pas rêver qu’ils soient intégrés àun groupe de nutrition où de très jolies dames font de l’aérobic tous lesmatins. Il faut développer des programmes très spécifiques et adaptés quine leur renvoient pas une image négative du corps : c’est très difficile, pourquelqu’un qui pèse 140 ou 180 kilos.

Je voudrais simplement ajouter un point sur l’hygiène. On avait autrefoisdes dispensaires d’hygiène mentale. L’hygiène, c’est le triomphe du XIXe

siècle. Le XXe siècle est le triomphe de la lutte contre les infections etl’apparition des médicaments efficaces. Je suis sûr que le XXIe siècle serale triomphe de l’autonomie et de la nutrition saine mais individualisée etnon celui de programmes généraux.

Je vais raconter une histoire vécue, très psychiatrique et hors sujet qu’en

apparence. C’est l’histoire d’une femme atteinte de la maladie d’Alzheimerdont on se demandait si elle était plus ou moins continente ou incontinenteurinaire. Le médecin pensait qu’elle n’était pas incontinente, sa fille aussi.Or cela faisait sept ans que l’auxiliaire de vie lui apportait les garnitures,elle s’arrangeait pour les faire disparaître, parce qu’elles avaient passé uncontrat entre elles. Il va falloir apprendre à gérer ce genre d’événement.Certaines choses doivent être respectées même s’il avait été important deles connaître au niveau de la prise en charge. Il faut trouver le juste équilibreet là, il n’y a pas de bon sens, il n’y a que des individus.

Je crois qu’il est dommage que, dans le monde du handicap et en particulierpour la trisomie 21, qui est aussi un handicap très particulier, il n’y ait pas deregard des nutritionnistes et des endocrinologues. En effet 80 % des trisomi-ques ont, à 20 ans, un problème thyroïdien et ils n’ont pas accès aux mêmessoins que les personnes non trisomiques qui souffrent du même trouble.

On a souvent considéré qu’il fallait démédicaliser le handicap, mais il s’ac-compagne de maladies et il faut que les handicapés aient accès aux soinsque nécessitent les maladies dont ils sont porteurs. Dans le cadre de la trisomie, les filles en particulier, ont une obésité mani-feste dès l’âge de 6 à 7 ans ; cela survient un peu plus tard chez les garçons.La majorité des trisomiques ont 50 % d’excès corporel ; ils pèsent 90 kilosau lieu de 60, avec toutes les conséquences que cela entraîne en plus d’unproblème cardiaque extrêmement fréquent.

Ne soyons pas surpris, sans parler des problèmes infectieux qui viennentse greffer, que l’espérance de vie des trisomiques se situe, en France, autourde 60 ans, ce qui est un énorme progrès, puisque dans les années cin-quante, l’espérance de vie était de 7 ans. Mais ils ont un problème de laxitéarticulaire qui accompagne le surpoids et entraîne des transformations desarticulations, qu’ils vont payer à 35 ans, par des arthrites douloureuses.

95

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 94

9796

Le laisser-aller qui consiste à penser que le bonheur doit s’accompagnerde maladies est dangereux. Le plaisir ne doit pas amener à la maladie,mais au bien-être et à la santé. Nous pouvons très bien manger sans avoirdes problèmes liés à l’excès. Certains pensent que le plaisir n’est que dansl’excès, cela s’appelle une addiction. C’est une pathologie, ce n’est pas unétat de santé. Le schizophrène, de plus naturellement sans aucun traitement, a deux foisplus de risques de développer un diabète que la population générale. Il ya bien là un problème biologique, est-il lié à l’expression de la maladie ?Personne n’est capable de le dire.

Les traitements sont formidables, les antipsychotiques sont bien meilleursque les neuroleptiques, mais ils ont aussi des effets indésirables. Ils multi-plient le risque de diabète par deux, ainsi que la prise de poids. Certainsproduits entraînent des prises de poids de un, deux, trois kilos par semainede traitement, ce qui le rendra intolérable et entraînera son interruption : onne peut pas transformer une personne comme cela, même si elle va mieuxdans sa tête.

Ces maladies sont tellement graves qu’elles détruisent l’individu, la per-sonne dans ce qu’elle est, et que l’on se satisfait de réduire les troubles ducomportement, les délires, les automutilations terribles, en pensant quec’est le prix à payer. Quand un médicament a fonctionné, on se moque duprix à payer, on ne veut pas interrompre le traitement de peur que les effetsreviennent : le cercle vicieux s’installe. Ces traitements ont fait beaucoupde progrès, mais ils comportent des complications et on ne doit pas jeterle bébé avec l’eau du bain. Force est de constater que, s’il n’y avait pas euces psychotropes, la personne ne serait plus là. Il faut trouver un justeéquilibre et se mettre en situation de négociation. Dans les cas d’affectionsque sont les psychoses schizophréniques, on sait à présent que le poidspris ne sera jamais perdu.

En revanche, si d’entrée on peut entamer une négociation avec les malades,les familles et les associations, pour les convaincre que trois semainesd’hospitalisation supplémentaires seront nécessaires pour changer le trai-tement parce que la courbe de poids devient inquiétante, on obtient desmodifications intéressantes. Tous ne réagissent pas de la même façon auxtraitements : un tiers des malades ne prend pas un gramme et en tirebénéfice, alors que deux tiers d’entre eux grossissent énormément. On fera certainement des progrès dans les années à venir, mais il ne faut pasoublier qu’après l’altération corporelle il faudra gérer l’image corporelle.

C’est un élément de nos suivis : être alzheimerien, ce n’est pas simplementêtre incontinent et perdre la mémoire, c’est se trouver confronté, au quotidien,à sa propre détérioration. Lors d’un congrès aux Etats-Unis, on a donné laparole aux alzheimeriens, leur vision n’est pas celle des aidants, ni celledes médecins ou des autres soignants, il faut les entendre. Etre schizophrène,c’est dur et c’est notre travail de donner une réponse à celui qui dit : « Jene peux pas continuer comme cela ».

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 96

9998

Le fait d’édicter explicitement des droits ne suffit pas à changerdes relations et des habitudes vieilles de décennies, voire de siècles. Lareconnaissance de droits subjectifs aux malades n’est pas survenuecomme cela, en 2002. C’est une construction beaucoup plus ancienneissue du mouvement d’humanisation des hôpitaux et de la réflexion decertains politiques. Ainsi madame Veil, alors ministre de la Santé, avaitcréé dès 1972 un comité des usagers chargé notamment de réfléchir auxévolutions de l’hôpital notamment à partir d’une analyse visant à mesurerles attentes des usagers en ce domaine.

Dès le début des années quatre-vingt, un certain nombre de rapports ontabordé le sujet de la participation de représentants des usagers, au seindes établissements de santé, que ce soit au Conseil d’administration ou àune commission annexe à ce conseil d’administration.

Parallèlement, un certain nombre de textes législatifs ont été produits etcomportaient déjà explicitement la reconnaissance de certains droits (lespremières lois bioéthiques sur le consentement, la loi de 1999 sur les per-sonnes âgées, sur la dignité…).

C’est donc une succession d’événements qui a débouché sur les lois de2002 (celle de janvier et celle de mars), préparées dans deux voies diffé-rentes, sans aucun lien d’ailleurs les unes avec les autres, alors même queles éléments que l’on retrouve dans ces deux lois sont assez proches. Jusqu’en 2002, le Code de déontologie déterminait les obligations profes-sionnelles dont on déduisait les droits des patients.

La loi du 4 mars 2002 a permis de rassembler, dans un même titre du Codede la santé publique, un certain nombre de droits existants qui étaient dis-persés et ignorés des usagers comme des professionnels, et a créer denouveaux droits tant d’un point de vue individuel que collectif.

Il est regrettable que le mouvement des droits des patients, des malades,ait été considéré parfois par certains professionnels comme une défiancevis-à-vis d’eux, comme une position négative représentant le consumé-risme médical dans sa face la plus noire. Il ne s’agit pas du tout de cela,c’est bien au contraire une nouvelle chance pour les professionnels dereconstruire, de redéfinir leur relation avec le patient et d’établir un dialoguepouvant s’inscrire dans un cadre de confiance et de qualité.

Claire Hédon > Ces associations de patients ne favorisent-elles pasune bonne observance du traitement ? Peut-on dire que ces associa-tions de patients appuient le travail du médecin ?

Bien évidemment. Le problème ne se pose pas pour l’association que jereprésente qui est une association généraliste, mais pour mes collègues desassociations où l’on s’occupe de pathologie ; ils travaillent depuis des dizainesd’années sur l’éducation thérapeutique qui ne peut se faire que grâce à unecollaboration entre les associations et les professionnels de santé.

Le rôle des patients et la place des associations

Nicolas Brun, représentant de l’UNAF

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 98

101

cette pluralité. On peut se demander, en effet, pourquoi les associationscomme France Alzheimer, maladie Parkinson et autres, n’ont jamais fait lademande de nous rejoindre.Peut-être que quelques associations n’avaient pas encore pris le tournantd’associations élaborant des positions plus participatives voire revendica-trices, ce qui fait que leur voix est sans doute aujourd’hui plus difficile àentendre. Le vieillissement de la population et l’arrivée de générations plushabituées à une expression participative verront sans aucun doute cefossé se combler rapidement et permettront à ces associations et à cespersonnes de prendre toute leur place dans ces débats.

> À l’UNAF, vous travaillez également sur la question de la formationdans ces associations de patients.

À l’UNAF mais également dans le cadre du Collectif interassociatif sur lasanté, la loi du 4 mars 2002 a créé un véritable droit collectif à la représen-tation des intérêts des usagers. Elle a parallèlement reconnu un droit à laformation pour les représentants des usagers.

La question de la formation a d’ailleurs été un des éléments structurants,fédérateurs, d’un travail interassociatif. Notre volonté n’est pas d’avoir desreprésentants d’usagers pour le principe ou pour se faire plaisir. S’ils neparlent pas, s’ils ne disposent pas de suffisamment d’éléments qui leurpermettent de comprendre les enjeux de la discussion, s’ils sont desreprésentants alibis, cela n’a pas d’intérêt, d’où la nécessité impérieuse deprofessionnaliser cette représentation.

Professionnaliser ne veut pas dire en faire des professionnels de la repré-sentation, mais leur permettre de connaître les éléments nécessaires à lafonction de représentation. Dès la parution des ordonnances Juppé en 1996, nous avons pensémutualiser nos forces pour construire un cursus commun à ces représen-

100

Ce sont deux regards qu’il faut croiser : celui du médecin qui est un tech-nicien et celui du patient. Les associations de malades du sida qui ont étéles plus performantes insistent sur le fait que ce sont eux qui vivent leurmaladie au quotidien et savent jusqu’où ils sont prêts à accepter les trai-tements. C’est parfois la qualité de vie que l’on veut privilégier.

De la gestion de ces deux regards va dépendre le suivi du traitement et sabonne observance. Si le dialogue n’existe pas, si l’un n’entend pas oun’écoute pas les demandes, les attentes de l’autre, cette relation sera unéchec. Les patients ne respecteront pas leurs traitements et, ce qui estpire encore, n’en informeront pas leurs médecins.

Il faut, néanmoins, que chacun reste à sa place : les patients, les associa-tions, ne sont pas les prescripteurs. Il est utile de le rappeler parce que l’ona entendu dire récemment que les patients donnaient l’impression d’êtreles prescripteurs. Il faut éviter l’affrontement stérile et préférer collaborer,même si les intérêts sont parfois divergents. Malades et médecins ontchacun besoin de l’autre.

> Nous avons beaucoup parlé des personnes âgées aujourd’hui. Est-ce plus difficile dans ces associations de patients de mobiliser despersonnes âgées ?

C’est, en effet, plus difficile. Lorsque nous avons créé avec Pierre Lascoumesle Collectif interassociatif sur la santé, nous l’avons fait dans la transversa-lité, ce qui impliquait la prise en compte du caractère social et non plusseulement celui de la seule maladie, d’où l’intérêt d’y faire participer lesassociations de malades, les associations de familles, de consommateurs,de personnes handicapées et de personnes âgées.

Nous n’avons jamais pu trouver d’associations représentant les personnesâgées pour se joindre à nous peut-être par peur d’être phagocytées par

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 100

102

tants qui leur donnerait les moyens d’agir. Nous agissons soit individuelle-ment au titre de nos associations, soit collectivement au titre du Collectifinterassociatif sur la santé, afin de former l’ensemble de nos représentantsà cette difficile fonction. En 2007 nous avons délivré plus de quarante ses-sions pour les représentants.

Il reste beaucoup à faire pour améliorer le rôle des usagers : si le cadreréglementaire prévoit cette participation, cela reste beaucoup plus difficilesur le terrain. La représentation est composée de bénévoles parfois âgés,fatigués ou malades. Les conditions d’exercice de cette mission sont par-fois difficiles.

Tout ceci fait que les niveaux d’implication sont extrêmement hétérogènesavec un turnover très important, qui conduit à un phénomène d’éparpillementdû au succès : on compte aujourd’hui plus de seize mille lieux de représen-tation soit seize mille représentants qu’il faut trouver. Nous devons continuerà organiser cette participation qui n’est pas totalement satisfaisante.

> Quelle est la situation de la France par rapport aux autres pays euro-péens sur cette question-là ?

Nous étions très en retard, nous sommes à présent dans le peloton de têtedans un laps de temps relativement court et ce n’est pas si mal.Des textes récents sont apparus, notamment au Conseil de l’Europe, inci-tant les gouvernements à mettre en place des politiques développant laparticipation des usagers et de leurs associations aux grands débats desanté publique. Il y a quinze jours, le Comité économique social européenvient de voter un avis sur le droit des patients.

Il y a aujourd’hui une charte européenne écrite des droits des patients quebeaucoup d’associations européennes essayent de promouvoir dans toutel’Europe. Nous essayons d’obtenir au niveau européen une journée des

droits des patients. Ce mouvement est très profond et, contrairement auxidées reçues, il n’est pas purement franco-français, c’est un mouvementsociétal, transversal à tous les pays européens.

> Internet a aussi un rôle à jouer : la connaissance, l’envie de savoirce qu’il y avait sur Internet, a donné envie de se mobiliser ?

Bien sûr, cela fait partie d’une certaine éducation. Internet est un bonexemple. Beaucoup de médecins se plaignent des exigences de leurspatients qui ont consulté Internet ou vu une émission à la télévision. Nousleur expliquons que c’est une chance parce que, précisément, on trouvetout et n’importe quoi sur Internet. Il est normal que les gens consultent cenouvel outil, il est à leur disposition.

Le rôle du médecin aujourd’hui est entre autres de rassurer, de rectifier etde faire la part des choses. C’est au professionnel de valider ou non cetteinformation.

Par ailleurs, il est certainement plus intéressant pour un médecin de setrouver face à un patient qui a pu réfléchir à sa pathologie, formuler desquestions et qui va permettre que se noue un dialogue participatif. Lesmédecins sont les premiers à affirmer qu’il faut que le patient se batte àleur côté. Les informations permettent de mieux se battre et si c’estInternet qui les fournit, pour partie, alors c’est tant mieux.

103

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 102

105104

Philippe Lamoureux, directeur général de l’INPES

L’information et l’éducation à la santé des sujets âgés et de leurs proches

C’est probablement chez les sujets âgés que la prévention etl’éducation à la santé est la plus difficile à conduire. Pour commencer, ilfaut tordre le cou à un postulat couramment admis et répandu, selonlequel il n’y aurait pas un sujet âgé, mais deux catégories de sujets âgés :les seniors et les grabataires.

C’est une vision dichotomique totalement caricaturale de la vieillesse,alors qu’en réalité, on le sait bien et c’est l’apport de la gérontologie pré-ventive : le vieillissement n’est pas un processus linéaire, ni uniforme. Nousne sommes pas face à une vision caricaturale de la vieillesse, mais bien àdes trajectoires de vieillissement, qui sont influencées par une multiplicité

d’interactions de facteurs, qui interviennent tout au long du parcours de vieet même quasiment depuis l’enfance. Il est possible d’agir sur des facteurscomportementaux, des facteurs physiques, pour prévenir le vieillissement,mais les facteurs psychosociaux et contextuels jouent également un rôlequi permet aux personnes âgées de s’adapter aux changements dus à l’âge.

Lorsque l’on fait de la prévention, on a tendance, c’est un tropisme fran-çais, à se concentrer sur les comportements individuels et à vouloir peserdessus. On s’intéresse beaucoup moins aux facteurs environnementauxqui sont déterminants chez les personnes âgées et à la nécessité de sortirdu modèle biomédical dominant. Lorsque l’on s’adresse à une personneâgée, on se trouve face à une personne généralement atteinte de polypa-thologie, ce qui constitue l’une des difficultés, parmi d’autres.

Quelques éléments tirés de l’enquête santé réalisée en 2000 : chaque per-sonne âgée de 65 ans et plus, hors institution, déclare, tous problèmesconfondus, 7,6 maladies un jour donné ; 6,8 pour un homme ; 8,1 pour unefemme. Si l’on exclut de ces chiffres les pathologies dentaires et visuellesqui sont les plus répandues, on arrive à 4,9 maladies déclarées entre 65 et79 ans et 5,4 maladies au-delà de 80 ans. Quel discours préventif tenir sil’on reste dans une approche centrée sur les risques ?

La situation socio-économique ou socio-démographique constitue ledeuxième élément. Il faut prendre en compte la notion de genre que l’onrencontre souvent en prévention. On fait d’extraordinaires programmes surla nutrition, en direction de la mère de famille de 40-50 ans, considéréeencore à ce jour comme seule concernée. Mais on néglige l’homme qui vitseul ou qui se nourrit de plats cuisinés au micro-ondes saturés en graisseet en sel. Si l’on observe la différence d’espérance de vie entre les femmes et leshommes, les femmes âgées constituent une sous-catégorie de populationà laquelle il faut porter une attention toute particulière. Le niveau socio-économique joue un rôle.

Encore un chiffre : 15 % des ménages de 75 ans ont un revenu de plus de50 % inférieur au revenu médian de la classe d’âge. On constate un phé-

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 104

107

nomène de pauvreté qu’il nous faut intégrer. Parce que la pauvreté induitune vision péjorative ou négative de son propre état de santé, qu’elle renvoiela plupart du temps à des conditions d’habitat ou de logement qui, chezles plus âgés, sont particulièrement déterminants, lorsque l’on parle defacteurs environnementaux. Cela indique souvent un moindre soutien socialet un environnement, un entourage moins présents. Nous nous trouvonsface à des personnes en situations socio-économiques très différentes,des personnes dont les modes de vie sont très variés. Nous rencontrons despersonnes placées ou qui vivent à domicile, qui maintiennent une activitéprofessionnelle pendant un certain temps, au-delà de 65 ans, et quiconservent une activité associative, une activité culturelle.

D’autre part, des modifications de l’emploi du temps hebdomadaire oujournalier s’opèrent. Le temps physiologique augmente avec l’âge ; lestemps de sommeil, de repos, de toilette également, alors que le tempsdomestique, celui qui est consacré à l’accomplissement des tâchesdomestiques, comme à l’occupation du temps libre, diminue avec l’âge.L’individualisation des parcours est un phénomène intéressant car noussommes dans une phase de parcours individualisés et non pas dans laglobalisation d’une population.

Commençons par évoquer la communication. Notre stratégie a beaucoupévolué au fil du temps. Les premiers programmes de prévention faits dansles médias sur les personnes âgées ont été un accident de l’histoire.

Tout a commencé par une demande faite par l’assurance-maladie au CFES,l’ancêtre de l’INPES. C’était une campagne sur les accidents domestiqueschez les enfants qui s’est élargie à une campagne de communication glo-bale sur les accidents domestiques qui touchait les personnes âgées etdont la signature était : « Faire attention à soi c’est faire attention chez soi ».Cela a été une première, le dispositif a ensuite évolué.

Nous avons abordé dans la période plus récente, au début des années2000, la thématique de la prévention des chutes, sujet extrêmement inté-ressant en matière de prévention, car on aborde à travers la chute, par uneapproche transversale, toute une série de thèmes touchant à la santé.

La dernière étape s’inscrit dans la logique du plan « bien vieillir » qui estune approche plus globale. En termes d’outils, nous sommes passés d’unformat spot dont on sait qu’il fonctionne mal chez les sujets âgés à quelquechose qui s’apparente à des programmes courts : des programmes d’uneminute, d’une minute trente maximum, qui donnent le temps d’exposer unproblème, d’expliquer, d’avoir une démarche plus pédagogique, d’installerles situations, de faire jouer les processus d’identification.

Nous avons, de plus, systématiquement post testé ces outils de commu-nication, et acquis aujourd’hui une vision précise de la façon dont lessujets âgés ont envie qu’on communique vis-à-vis d’eux. On avait étudiéles codes de communication et on reproche parfois à nos spots, à noscampagnes, de ne pas être réalistes puisqu’ils montrent des sujets âgésen bonne santé. Il est beaucoup plus facile, quand on n’est pas soi-mêmeen très bonne santé ou âgé, de s’identifier à un sujet que l’on vous montreen bonne santé que l’inverse.

En réalité, les personnes âgées souhaitent qu’on les montre actives, auto-nomes, bénéficiant d’une bonne motricité physique et psychique. Ellessont aussi soucieuses de montrer une ouverture vers les autres ; de mon-trer leur capacité de participer activement à une vie sociale ou à une vieaffective. On retrouve ce que les Anglo-Saxons appellent le victim blame ;il s’agit surtout de ne pas stigmatiser l’âge, de ne pas faire apparaître lespersonnes âgées comme un groupe social homogène. Il y a une forte demande d’informations et l’on constate le refus des sym-boles de la vieillesse dans les communications : la calvitie, les cheveuxblancs, le port de lunettes demi-lune, le style vestimentaire vieillot et surtoutce qui agace beaucoup d’après nos post tests, ce sont les petits-enfants.

Par ailleurs, les post tests ont montré que le mot « santé » était rejeté ; lespersonnes âgées préfèrent que l’on parle de forme, de qualité de vie ou debien-être plutôt que de santé. À ce titre nous avons mis au point, en partenariat avec France 5, un certainnombre d’outils à destination de cette catégorie de personnes. Nous avonsréalisé vingt-huit programmes courts : « la santé à tout âge », sur le bienvieillir, qui avaient pour objectif d’inciter les personnes de plus de 60 ans,

106

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 106

109

une intrusion dans la sphère privée. Le sujet âgé se rend chez le médecinparce qu’il est malade ; il repart avec un traitement, une ordonnance, iln’attend pas qu’on lui donne des conseils sur son hygiène de vie, sur sonmode de vie, sur ses pratiques.

Il y a également un effort de formation à faire en direction des professionnelsde santé. Il leur faut des outils, des référentiels que nous avons dévelop-pés avec nos homologues Québécois, Belges et Suisses, notamment surla prévention des chutes. Nous éditons des petits guides sur la nutrition,un outil d’éducation du patient atteint de la maladie d’Alzheimer. Ces outilsnous permettent de soutenir l’activité des professionnels, mais aussi l’activitédes aidants qui jouent un rôle essentiel.

Claire Hédon > Nous avons beaucoup parlé du médecin et du médecingénéraliste, les pharmaciens sont également un vecteur dans la diffusionde ces brochures entre autres.

Nous diffusons beaucoup par le canal des pharmaciens qui, du fait de leurimplantation, ont une relation plus ouverte, moins centrée sur la pathologie,avec leurs clients que le médecin avec son patient. Néanmoins, et endehors des aspects de formation, l’officine n’est pas toujours aménagéepour faire de la prévention, surtout chez le sujet âgé. Nous réfléchissonsavec les syndicats de pharmaciens et avec l’Ordre à la façon dont les offi-cines pourraient disposer d’un endroit un peu à l’écart pour pouvoir parler,en toute discrétion, avec la personne.

Nous sommes un opérateur qui met à disposition un ensemble d’outils ; en2007 nous avons produit 65 millions de documents de toutes formes ; cha-que outil fait l’objet d’un plan de diffusion, dont les CLIC font partie lorsquec’est adapté et les programmes courts peuvent être utilisés. Nous sommespar ailleurs le premier acheteur d’espace média français public.

108

nouvellement retraitées, actives et en bonne santé, à aborder des réflexesquotidiens pour se maintenir en bonne santé. Des sujets tels que la diges-tion, le sommeil, l’audition, l’acuité visuelle, la mémoire, la ménopause,étaient abordés. Nous travaillons également avec le ministère de la Santésur la façon de gérer la transition entre une période de vie professionnelleactive et le moment où va cesser cette activité qui est souvent synonymede désocialisation partielle, de changement d’attitudes de vie.

Voilà pour les aspects de communication, mais cela ne suffit pas. Ons’aperçoit très vite qu’il faut réussir à développer « la capillarité », ce quiéquivaut à se mettre en situation d’aller au plus près des personnes âgéesdans leur environnement, en s’appuyant sur les relais.

Il y a deux, trois types de relais : les professionnels de santé, les acteursdu champ médico-social, les aidants familiaux.

S’agissant des professionnels de santé, c’est compliqué : nous avions, il ya de cela quelques années, développé en partenariat avec l’assurance-maladie une étude qui visait à faire développer aux professionnels de santéune approche globale du patient, sur trois catégories de populations : lesfemmes enceintes, les jeunes et les personnes âgées. Cela marche remar-quablement bien chez les femmes enceintes qui absorbent les connais-sances et les mettent en œuvre de façon formidable.

La question est plus compliquée chez les jeunes qui viennent à la premièrerencontre et adoptent ensuite un comportement de fuite, pour revenir sixou neuf mois après. Cela nous a permis de faire surgir des sujets qui nesont pas évoqués dans le cadre d’une consultation classique de dix minutescentrée sur une pathologie : le suicide, la drogue, la violence.

Les moins bons résultats obtenus concernent les sujets âgés. Nous enavons évalué les raisons tant chez le patient que chez le médecin, qui atendance, face à un sujet âgé, à tomber dans la consultation de routine ;or s’il l’on souhaite faire de la prévention, ce n’est pas le médecin qui pro-posera les changements, d’autant plus que la personne qu’il a en face neva pas les solliciter et vit toute sollicitation de la part du médecin comme

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 108

111

Conclusion de Didier-Roland Tabuteau

Directeur général de la Fondation Caisses d’Epargne pour la solidarité

et vice-président de la Société française de santé publique

Merci à tous ceux qui ont contribué au déroulement et àla réussite de cette journée. La conclusion, la synthèsed’une journée comme celle-ci ne peut être que le

contraire de la prévention telle qu’elle vient d’être définie : « ni trop tôt, nitrop tard ». La conclusion d’une journée intense intervient évidemment troptard – la journée a été longue – et certainement trop tôt – les débats pas-sionnants auraient pu se poursuivre longtemps. Pour être concis, je neretiendrai que deux points de cette journée.

Partant de l’intervention de Denis Piveteau, je soulignerais l’intérêt dedévelopper une méthodologie ou une approche du type santé publique pourla perte d’autonomie. On a vu le triangle entre les ressources, l’autonomieet la santé. Une méthodologie de santé publique consiste à connaître, àfaire des recherches épidémiologiques, à savoir ce qui se passe et commentcela se passe concrètement. Mettre en place des dispositifs pour ne paspasser à côté d’événements importants, agir en termes de prévention oude soin et enfin évaluer.

Nous devons construire cette démarche systématisée, organisée autourde la perte d’autonomie, pour éviter que des méthodologies extérieures etinadaptées ne s’appliquent dans ce domaine.

Ce d’autant que des logiques de temps divergentes sont à l’œuvre surnotre secteur. Il faut concilier le court terme des soins, le moyen terme dumédico-social et le long terme de la prévention. Un travail d’analyse et deréflexion s’impose. La notion d’espace ne doit pas être négligée : il faut savoir se déplacer.Nous l’avons entendu, le fait de voir un dentiste se rendre avec sa mallettedans un EHPAD est la preuve qu’une étape est franchie même si nous

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 110

113112

Or dans les domaines du handicap, et de la perte d’autonomie, nous som-mes de plain-pied dans la santé publique. On a retrouvé au cours de cettejournée le débat traditionnel, bien connu au sein de la société française desanté publique : quelles sont les limites de la santé publique ? Parle-t-onde rigorisme des comportements ou au contraire de libération ? Je crois,personnellement, qu’il s’agit de liberté. Moins je suis malade, plus j’ai deliberté d’agir, d’avoir du plaisir, de l’intérêt intellectuel, et en fin de comptede vivre pleinement.

Comme mot de la fin, je voudrais simplement former le vœu que l’on puisseoublier ou laisser de côté la santé publique contraignante et ascétique auprofit d’une santé publique souriante et gourmande, ce qui permettraitpeut-être de réconcilier tout le monde.

Merci de votre présence. Merci à Claire Hédon d’avoir animé ce débatavec doigté et finesse. Merci enfin à l’équipe communication de la Fondationet au service technique de la Caisse Nationale, qui ont permis la réalisationde cette manifestation.

ignorons si elle se généralisera. Il faut lutter contre le jeu de ping-pong entreles différentes institutions et développer l’idée d’aller au domicile, d’allervers les gens.

On peut regarder la notion d’hygiénisme comme désuète et datée. Si on larelie à l’hygiénisme rugueux du XIXe siècle et à celui de la première moitiédu XXe siècle, on n’a pas envie d’y retourner. Il n’en demeure pas moinsque, derrière l’hygiénisme, c’est l’idée d’approche globale de la santé quise niche. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés ne peuvent serégler par les seuls soins. La thérapie ne peut pas tout. Un hygiénismemoderne, tolérant et ouvert invite à considérer que ces questions ne serèglent pas uniquement dans le colloque singulier et le savoir du médecin,qu’elles appellent une démarche collective.

Le second point, qui résulte de cette table ronde, c’est que la personne estle premier acteur de la santé publique. Même en matière de santé mentale,où l’on pourrait penser que l’usager a moins de prise, il nous a été montréque la personne a la clé d’entrée dans sa propre prise en charge. La recon-naissance du rôle de l’usager et l’importance des aidants ressortent detoutes les études, des « post tests » et des « pré tests » qui vous ont étécommentés.

En conclusion, je dirais simplement que je suis heureux que la Fondationse soit engagée dans un rapprochement qui n’est pas toujours naturel,ni simple entre le handicap, le vieillissement et la santé publique. Ceschamps sont suffisamment mal définis en eux-mêmes, ont suffisammentde mal à essayer d’exister, à se faire reconnaître dans notre société, pour nese poser que rarement la question de la frontière et du lien avec les autres.

« Il faut concilier le court terme des soins, le moyen terme du médico-social et le long terme

de la prévention. »Didier-Roland Tabuteau

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 112

Les Diagonales du 24 janvier 2008 se sont déroulées à la Caisse Nationaledes Caisses d’Epargne, 50, avenue Pierre-Mendès-France, 75013 Paris

Les actes VII des Diagonales de la Fondation Caisses d’Epargne pour la solidaritéTirage : 2 000 ex. • Edité par Graph Imprim • Adresse de la Fondation : 9, avenue René Coty– 75014 Paris • Publication : directeur de la publication : Didier-Roland Tabuteau, directeurgénéral de la Fondation • Coordination : Marguerite Azcona, directrice de la mission communication • Ensemble des interventions synthétisées avec l’accord des participants :Mary Sills • Secrétariat de rédaction, relecture et corrections : Estelle Le Moing, FlorentGambotti, La machine à mots • Mise en pages : Emmanuelle Valin • Crédits photos :L’Œil Public : Samuel Bollendorff • Diffusion : [email protected]

www.fces.fr

diago7OK 18/06/08 11:59 Page 114