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Premier groupe garage, puis ambassadeurs de ladélicatesse, créateurs de“YouReally GotMe”et“Waterloo Sunset”...En trois ans, entre 1964et 1967, le monde a connu pour son plus grand

bonheur, deux Kinks différents lâchant derrièreeux en un éblouissant sentier lumineux une série de chansonsimmortelles...C’était le 4 août 1964...Ce jour-là sort un single dontla fureur met tout le monde en transe : dans la courte mémoirepop— un an, deux aumaximum—personne n’a jamais entenduchose pareille.Avec“YouReally GotMe”, suivi de“All DayAndAll OfThe Night”qui sort trois mois plus tard, les Kinks invententla brutalité qui va bientôt inspirer lesWho— le jeuneTownshendvénère RayDavies, aîné d’un an seulement mais tellementen avance— et tous les autres suiveurs. Paradoxalement, tantd’années plus tard, c’est surtout pour ses faces délicates etanglo-anglaises qu’on vénère le groupe deMuswell Hill. Pourl’hallucinante série couvrant entre 1966 et 1969,“FaceTo Face”,“Something Else ByThe Kinks”,“The KinksAreTheVillageGreen Preservation Society”et “Arthur OrTheDeclineAndFall OfThe British Empire”.Logique, c’est là que les Kinks fontde grands albums alors qu’auparavant ils ne savaient faire qued’immenses singles et, ici et là, quelques grands morceaux...C’est aussi là que les frères Davies ont imposé ce style délicatet nostalgique, si peu rock and roll dans le fond.Un comblepour ceux qui on quasiment inventé le punk et le garagequelques années plus tôt via une suite de titres destructeursdont l’Everest “ ’TillThe EndOfTheDay” (repris par Big Staren personne quelques années plus tard...) est situé sur “TheKink Kontroversy”, premier vrai bon album du groupe

et par la même occasion pochette mythique,moment charnièrevoyant ces outsiders de génie découvrir la subtilité ironique dontils vont devenir les maîtres.C’est là, dès 1965, que les Kinks fontconnaître ce style qui ne compte aucun rival, particulièrementvia le single “Dedicated Follower Of Fashion” (suivi de“Sittin’OnMy Sofa”en face B légendaire) raillant les “carnabetians”avec un sens du détail qui devient la marque de fabrique dusongwriter déjà considéré comme l’un des deux ou trois meilleursde son époque tellement compétitive...En si peu d’année,RayDavies aura donc dominé deux écoles complètementopposées : la violence proto-garage des débuts, puis la popbaroque des années 1966-1967 et 1968 qui a eu raison du groupe.Alors que tout le mondemonte le son et se met à brailler des“presse-moi le citron” crinière au vent et jeans moulants à quimieuxmieux,Ray chante SherlockHolmes, le styleTudor et lestasses en porcelaine chinoise sur ce qui allait devenir l’un desplus grands monuments de la pop anglaise de tous les temps.Mais “Village Green...” et “Arthur...” ne sont compris parpersonne.Après quoi les Kinks, et RayDavies en particulier,mortellement blessés par ce manque de reconnaissance,ne seront plus jamais les mêmes...“Won’t you tell me,wherehave all the good times gone”, devaient-ils chanter pourl’éternité tandis qu’une armée secrète pleurait leur défaite...Aujourd’hui,on nous pardonnera cette évidence : les Kinksétaient au niveau des Beatles et des Stones. Sans doute leura-t-il manqué unGeorgeMartin, unGlyn Johns ou unAndrewOldham, en lieu et place desquels ils n’ont eu, etbrièvement encore, qu’un ShelTalmy ou un Larry Page.Cequi n’était hélas pas assez pour jouer dans la cour des immortels.

THE KINKSInventeurs du garage et dépositaires, trois ans plus tard, de la pop la plus féerique

RééditionCD:“TheKinkKontroversy”,“FaceToFace”,“SomethingElseByTheKinks”,“TheKinksAreTheVillageGreenPreservationSociety”(Sanctuary)

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Bizarrement oublié aujourd’hui, en tout casjamais cité,ManfredMann était pourtant l’undes groupes les plus fascinants de la scène anglaise.Racés, lettrés, ces gens-là jouaient une pop soul

aux accents jazz avec une élégance déconcertante,comme un rêve.Le tout propulsé par l’organe inouï dePaul Jones, sans aucun doute l’un des cinq plus grandschanteurs de son temps. Ils étaient imbattables...L’affaire avait été emballée parManfred Lubowitz, jeune pianistejazz sud-africain récemment débarqué à Londres et obsédépar CharlieMingus.RebaptiséMann en hommage au batteurShellyManne,Manfred décide demonter en groupe,un sextettecarrément.Avec section cuivres et tout le toutim...Et puis enrencontrant les autres dont un jeune chanteur féru de blues et deR&B,Manfred revoit ses ambitions à la baisse et réduit la tailledu groupe à cinqmembres d’une rare cohérence,pratiquant unemusiquemétissée inédite en cette époque (1963)...En dehors desobligatoires reprises de classiques (BoDiddley,Howlin’Wolf,MuddyWaters, etc), lesManfredMannmontraient un goût exquisquant à leur répertoire emprunté :“DoWahDiddyDiddy”desExciters (dont le “There she goes just walking down the street”s’est curieusement transformé, sans raison apparente,en “Vousles copains je ne vous oublierai jamais” dans la bouche de notreSheila),“Sha-La-La”des Shirelles,“WatermelonMan”deHerbieHancock dont ils proposent une relecture idéalementmod et féline,“MyLittle RedBook”deBacharach,enregistrée pour la bandeoriginale de“What’s NewPussycat”— la plus belle version connue,et la première—“ICan’t BelieveWhatYou Say”d’Ike&TinaTurner,“OhNoNotMyBaby”, récent tube pourMaxineBrown,“Groovin’ ”deBenEKing,“IfYouGottaGo,GoNow”(alorsinédit) et“WithGodOnOur Side”deDylan,“WhatAm IToDo”des Paris Sisters (Pomus-Spector) c’est la classe définitive.Et puis,qui plus est,prenant ce groupe parfait par les cornes, il ya la voix hallucinante de Paul Jones.Toujours légèrement affectée,

jamais vraiment naturellemais invariablement super expressive.Paul Jones était un dieu, l’un des plus grands chanteurs de l’époque.Il faut l’entendre sur ces“Pretty Flamingo”et“Sha-La-La”jubilatoires ou le violent“TiredOfTrying,BoredWith Lying,ScaredOfDying”,“YouGaveMe SomebodyToLove”,“ComeHomeBaby”(également repris par un très jeuneRod Stewart enversion démo) ou le férocement northern soul“It’s Getting Late” ;c’est un feu d’artifices.Le jeune homme avait été auditionné auRoaringTwenties, lemythique club jamaïcain deCarnaby Street,spécialisé dans les soirées ska.Embauché sur le champ...Le restedu groupe, les yeux écarquillés,n’en croyait pas ses oreilles.Via un jeu ternaire, jazz cool—ManfredMann est peut-être laseule formation de l’époque dans laquelle la guitare n’est pasprédominante— le groupe entier, avec cuivres, flûtes et vibraphone,étincelle sur des choses comme“You’re ForMe”,“StayAround”ou“WatermelonMan”ou leur version stupéfiante du“DrivaMan”deMaxRoach, sorti de son capital album“We Insist ! FreedomNowSuite”.De vrais lettrés, cesMandredMann...Aux antipodesdu british beat proto-garage, lesManfredMann donnaient dans lafinesse, comme unAlanBown Set plus doué encore,plus abouti.Ces hommes possédaient la quintessence de la classe sixties.Avec unmélange unique de jazz et de soul,parfaitement joué, idéalementchanté, c’était unemachine infernale,avalant d’ailleurstube sur tube, signant le thème deReady! Steady!Go! (“5-4-3-2-1”),se chopant des numéros 1 auxEtats-Unis carrément,et se payantle luxe de sortir une compilation d’instrumentaux (“InstrumentalAsylum”!)...Puis Paul Jones et quelques autres sont partis, legroupe est signé chez Fontana.Mike d’Abo,compositeur de lachanson ultime“HandbagsAndGladrags”a pris lemicro et legroupe réussit à se réinventer, signant au passage quelquesmerveilles dont la bande originale du culte film pop“UpTheJunction”.Bientôt, c’est déjà la fin,avant queManfred nemonte son groupe de jazz rock progressif,ManfredMannEarthBand,qu’on préfère ne pas évoquer par charité chrétienne.

MANFRED MANNQuand les Mods se la jouent jazz, avec un chanteur d’exception

Réédition CD : “Pretty Flamingo/ The Five Faces Of”, “The Manfred Mann Album/ My Little Red Book” (Collectables)

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Ah, lesMoodies... Leurs énormes gâteaux sonoresdégoulinants.Leur look absurde, avec moustache,capes, jabots et têtes d’apprenti charcutier jouissantde pouvoir enfin pénétrer la cour des grands.

LesMoody Blues, disons-le, sont absolument,totalement, ridicules.Chez eux, la devise “plus est plus”envahit chaque sillon, chaquemesure, chaque seconde.Et pourtant, cesBrummies (pour Birmingham) péquenaudsont eu deux vies, l’une plus courte que l’autre. Ils se font d’abordremarquer le temps d’un premier album (“TheMagnificentMoodies”, 1966) très conventionnel dans son approche britishbeat (reprises soul et R&B), rencontrant le succès via une reprisecorrecte dumonstrueux“GoNow !”de Bessie Banks, imposturequi pousse saint DaveGodin à prendre la soutane et rentrer dansles ordres soul afin de défendre son credo (“L’original est toujourssupérieur à l’imitation”).Arrive ensuite la métamorphose en 1967avec l’extrêmement poussif “Days Of Future Passed”. Signés chezDeram, lesMoody Blues deviennent les instruments de leur labelqui souhaite leur faire enregistrer une version pop d’une œuvreclassique deDvorak afin de populariser sa toute nouvelletechnologie haute fidélité (le “Deramic Sound System”,pourêtre précis) et fourguer des caisses de l’album au grand public

audiophile... LesMoodies foncent et enregistrent, sans le savoir, leplus grand disque easy listening jamais conçu, quand ils pensent,naïvement, signer quelque chose de rare surpassant les Beatles.Entre arrangements classiques (London Symphonic Orchestra)phénoménaux autant que risibles et chansons pop humides (ledégoulinant “Nights InWhite Satin”), lesMoodies, curieusement,cassent la baraque.Et puis il y a, en 1968,“In SearchOfThe LostChord”, carrément. Sa pochette ignoble digne des pires croutesexécutées à l’aérographe et vendues sur tous les ports dumonde,de Saint-Tropez àMykonos.LesMoodies, on l’a compris, étaientà la recherche de l’accord perdu, en vrais Indiana Jones de la popchoucroute.Et malgré tout, cet albummassif, épais, comme uneode auMellotron qui se répand dans tous les trous, reste assezsympathique.Enorme,pompier, il annonce son successeur, pireencore dans l’amphigourique toxique...En 1969, avec “OnTheTreshold OfADream”, lesMoody Blues touchent le fond dumauvais goût.Mais une fois de plus, il y a des bricoles plus queplaisantes dans cet indigeste cassoulet prog dont on se remetdifficilement (eau et gaz à tous les étages.)...Après quoi, aubord de l’indigestion, on abandonne ces monstruosités sixties,fascinants bubons ayant poussé sur la fesse du Swinging London,rarement pour le pire, souvent pour le meilleur...

THE MOODY BLUESIls sont les Progfathers...

Réédition CD : “The Magnificent Moodies” (Repertoire), “Days Of Future Passed”, “In Search Of The Lost Chord” (Deram/ Universal)

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Les plus violents.Les plus sauvages.Les plus laids.A faire passer les Irlandais desThem pour unechorale scout, les PrettyThings londonienssont à l’origine du garage américain...

Piètres compositeurs, ce qui leur a coûté leur carrière,ils laissent derrière eux cinq albums bancals mais phénoménauxà leur manière et une avalanche de singles foudroyants.Tout le monde connaît l’histoire : début des années 60,DickTaylorjoue de la guitare puis de la basse avec ses potesMick Jaggeret Keith Richard.Puis choisit de revenir à ses études...Avant de décider, finalement, de se consacrer à la musique.Mais lorsqu’il revient chez lesRollin’ Stones, comme ils senommaient encore, la place est déjà prise par BillWyman qui aplein de trucs gros, comme son ampli (et son appendice, à ce qu’onraconte). Il finira chez les PrettyThings, éternels Stones du pauvre,avant que les Faces ne prennent le relais.Combien de cauchemarsDickTaylor a-t-il connus depuis 1964 ? On ne veut pas savoir.N’empêche, avec les PrettyThings, il a sa place au panthéon duBritish Beat... Les PrettyThings étaient parfaits. Incroyablementadorables dans leur malchance,mais magnifiques sur disques,même sur leurs trop rares ballades (“LondonTown”).L’incarnation de la série B dans ce qu’elle a de plus sublime, deplus touchant.Dans le registre British Beat à la sauce BoDiddley,les PrettyThings étaient bien meilleurs que les Stones, et même lesadorateurs des Stones en conviennent.“Rosalyn”,“Don’t BringMeDown”,“Honey I Need”,“YouDon’t BelieveMe”,“ComeSeeMe”...Tout vaut ici dix fois mieux que l’intégralité des troispremiers Stones.Et puis enfin, il y a ce truc insensé, ces parolesdéfinitives :“See you any time I’m feelin’ fine,midnight ’til six, that’s

my time”.“MidnightTo SixMan”.Le titre insensé.Le plus grandmorceau garage de l’histoire est donc anglais.Une perle punk plusde dix ans avant l’heure.Un séisme.Plus encore que les Kinksde“YouReally GotMe”ou lesWho de“MyGeneration”,les PrettyThings incarnaient la violence définitive.Le danger,l’effroi. Ils étaient moches.L’un avait une barbe, l’autre les cheveuxjusqu’aux épaules.Mais ils jouaient comme des dieux.Là encore,bien mieux que les Stones.La batterie deViv Prince, premierbatteur fou bien avant KeithMoon,puis celle de SkipAlan...Un tremblement de terre ! La voix de Phil May comme un Jaggeren camisole...C’est certain, les PrettyThings, comme disent lesAnglais, étaient trop.Trop de tout.Mais hélas un peu justes surles compositions.Malgré tous leurs efforts, ces gens-là n’ontjamais écrit leur propre“Waterloo Sunset”,“The LastTime”,“TicketTo Ride”,“All Or Nothing”ou“Substitute”. Ils sebattaient pourtant, collectivement puisque sans réel songwriteren leur sein, pour faire bien les choses, prenant des risques, seréinventant, allant de l’avant, sans cesse, paniqués à l’idée destagner.D’où cet “Emotions”qu’ils détestent mais qui est leur“BetweenThe Buttons” tout en cuivres pop (voir “MyTime”,beau à pleurer).D’où ce“SF Sorrow”psychédélique etconceptuel, un peumaladroit mais tellement mignon, etsurtout bien mieux que l’affreux“Tommy”.D’où ce“Parachute”inclassable tout au long duquel ils bataillentâprement dans la même catégorie que les Beach Boysde la fin sixties ou les Fab Four de“Abbey Road”.Les PrettyThings,malgré tout cela, ont presque perdusur toute la ligne.Pas pour les connaisseurs, reconnaissanten eux la grâce éternelle de vrais petits maîtres...

THE PRETTY THINGSLes plus violents, les plus sauvages

Réédition CD : “The Pretty Things”, “Get The Picture”, “Emotions”, “SF Sorrow”, “Parachute” (Repertoire)

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C’est un vieuxmarronnier de la presse rock,une histoire mille fois entendue : lorsqu’il s’énerve,PaulMcCartney serait le seul homme blanc aumonde à pouvoir chanter comme Little Richard.

Un beau compliment, pas loin d’être vrai certes,mais tout de même un peu faux.En réalité, un autre individucaucasien est parvenu à cet exploit notable,mais est allé encoreplus loin : cet homme—ou plutôt cette bête, tant son rugissementest effrayant— se nommeGerry Roslie.Et lorsqu’il ouvre le becpour lâcher son cri, l’auteur de“Kansas City”en personne passepour un aimable plaisantin amateur de berceuses.Mais ce n’estpas tout ! Non content de brailler commeTarzan sodomisépar King Kong,Gerry Roslie est responsable d’un pire méfaitsi tant est que ce soit concevable : avec son groupe, lesvicieux Sonics, il a littéralement inventé le garage rock.Certes, avant les Sonics,Kingsmen etWailers (que Roslie etses hommes vénéraient tant) avaient largement débroussailléle chemin et ouvert la voie à des générations d’Américainsdégénérés décidés à en découdre avec les même trois ouquatre accords.Mais les Sonics ont d’un violent coup de reinfait sauter le bouchon, sauf respect, et laisser s’échapperune pestilentielle odeur punk rock, dès 1964 !Natifs deTacoma,dans la région de Seattle, les Sonics, soitGerry Reslie à l’orgueVox Continental et au micro,Bob Bennettaux fûts préhistoriques,Rob Lind au saxophone primal, ainsi queles deux frères Parypa,Larry à la Jazzmaster etAndy à la bassePrecision, avaient débuté en singeant leurs héros, lesWailers,groupe local instrumental champion du frat rock. Il ouvrent poureux dans les salles du coin et, rapidement, une amitié s’instaureentre les deux groupes qui évoquent, dans leur relation, ce quiallait se développer plus tard à Detroit entreMC5 et Stooges.LesWailers sont sur le label Etiquette, les Sonics vont lesy rejoindre !Mais la différence entre les deux est de taille...

Là où lesWailers innovent mais restent sages comme de bonsprovinciaux, les Sonics, qui vénèrent autant Little Richard que lesviolents solos de guitare deDaveDavies chez les premiers Kinks,font preuve d’une sauvagerie maniaque.Dès leur premier single,l’incroyable “TheWitch”, sorti en 1964, le ton est donné : c’est unouragan sonore dont tout n’est que distorsion, stupre et violence.Reslie hurle à s’en faire péter les artères, le sax sort de sa caverneet la guitare déchire les tympans.Quelques mois plus tard, c’estencore pire.“Psycho”, nouveau single, fait voler en éclats toutes lesrègles du bon goût de l’époque.Là, les Sonics vont encore plus loindans la fange.Le solo de guitare et les breaks de batterie, presquequarante ans après, sont encore proprement terrorisants...Les Sonics continueront ainsi de pondre les morceaux les plusviolents de leur époque—“Boss Hoss”,“Strychnine” (reprissur le premier Cramps),“Cinderella”ou une version vraimentdégénérée et ultra féroce de“Louie Louie”qu’ils se permettentcarrément de reprendre tout en accords mineurs— tournant dansleur Etat deWashington, seuls ou en première partie des Shangri-Las, des Kinks ou des Beach Boys, et rencontrant quelque succèssur les ondes régionales.Deux albums allaient suivre, le premierfantastique (“HereAreThe Sonics”, 1965) et le second à peinemoins génial (“Boom”, 1966).Après quoi le groupe allait filer surle label Jerden le temps d’un album très médiocre qui le voyaitmettre beaucoup d’eau dans son vin : après 1966, son rock and rollbasique et punk rock ne pouvait être en phase avec le FlowerPower et le patchouli... Les uns partant à l’armée, d’autresreprenant leurs études, le nom du groupe fut purement etsimplement vendu à un collectif de branques jusque-là anonymes,écumant les Holiday Inn sous l’appellation Sonics jusqu’aumilieu des années 70 ! Une fin à la “SpinalTap”pour ce premiergroupe garage responsable d’une vingtaine demorceauxconstituant, pour ainsi dire, l’ancien testament du punk rock.

THE SONICSCarburant à la strychnine

Réédition CD : “Psycho-Sonic” (Big Beat)

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COLLECTION PHILIPPE MANŒUVRE