minot, ferme de vÉroille fouille d'une cabane … caco/1832...44 i-oriu.ks et il n'en...

11
MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE GAULOISE * La commune de Minot, à mi-distance à vol d'oiseau entre Aignay-le- Duc et GraHcey-le-Châteati, s'étend au pied d'une ample ligne de crêtes qui marque la séparation entre le bassin de la Seine et celui de la Saône. Les fouilles de la ferme de Véroille ont été conduites sur un site de « tumulus » (on verra ensuite pourquoi le mot doit être, ici, écrit entre guillemets) et de murées, ces amoncellements de pierres pouvant se prolonger sur plusieurs centaines de mètres, et qui quadrillent de leur réseau capricieux tant de sites proto- historiques de la Bourgogne. Le site, de Véroille fait lui-même partie d'un plus vaste ensemble de vestiges similaires, qui s'allonge par grappes sur plusieurs kilo- mètres, en profitant des terrasses du bas des versants d'une vallée sèche. Une série de fouilles protohistoriques y ont été effectuées principalement par H. Corot à la fin du siècle dernier et au début, de celui-ci. Au Nord, celles de la ferme de Banges ; au Sud, celles de la Moloisc, des Crais de Yauchebaux ou Vendues de Véroille, et celles des Vendues de Montmorot *. Entre 1971 et 1976, quelques campagnes de fouilles ont été conduites sur une parcelle appartenant à la ferme de Lochères, qui est limitrophe du site de Véroille 2 . Il est à présumer que la vallée sèche, dont le fond est régulier, assez large et aisément praticable, a servi, du moins avant que la conquête. romaine installe ses routes sur les plateaux, comme itinéraire de passage entre la région du Mont Lassois et la vallée de la Tille, elle- même allluenl de la Saône. Le sous-sol, en outre, est riche en minerai * Texte établi pur M. Christian Peyre. •le désire assurer de nia gratitude tous les i'ouillcurs qui m'ont assisté, et jilus particulièrement Serge Benoit et Manuel Royo, auxquels je dois plusieurs suggestions précieuses pour la mise au point de cette notice ; ainsi que mou fils Philippe, qui a mené à bien l'interprétation et la mise au net de toute la documentation topographique de la fouille. 1. I". IIKNHY. Les tlllnultis du département de la Côle-d'Or, Paris, 1933, p. 157- 1G4. 2. Chr. I'iiYiiii, » Tumulus el enclos funéraires celtiques carrés en Côle-rt'Or », dans L'Age du Fer en France septentrionale (Mémoires de la Société archéologique champenoise, t. 2), Chàlons-stii-Marne, 1981, p. 243-262 (voir à la note 3, p. 259, la bibliographie des fouilles de Lochères). Ce site, apparu à l'occasion d'un déboisement, avait alors été signalé à la Direction des antiquités historiques par R. Hatel, et ce dernier, avec sa propre équipe de t'ouillcurs, a participé aux deux premières campagnes de recherches.

Upload: others

Post on 18-Jan-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE … CACO/1832...44 i-oriu.Ks et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierres les plus endommagées par l'érosion

MINOT, FERME DE VÉROILLE

FOUILLE D'UNE CABANE GAULOISE *

La commune de Minot, à mi-distance à vol d'oiseau entre Aignay-le-Duc et GraHcey-le-Châteati, s'étend au pied d'une ample ligne decrêtes qui marque la séparation entre le bassin de la Seine et celuide la Saône. Les fouilles de la ferme de Véroille ont été conduitessur un site de « tumulus » (on verra ensuite pourquoi le mot doitêtre, ici, écrit entre guillemets) et de murées, ces amoncellementsde pierres pouvant se prolonger sur plusieurs centaines de mètres,et qui quadrillent de leur réseau capricieux tant de sites proto-historiques de la Bourgogne.

Le site, de Véroille fait lui-même partie d'un plus vaste ensemblede vestiges similaires, qui s'allonge par grappes sur plusieurs kilo-mètres, en profitant des terrasses du bas des versants d'une valléesèche. Une série de fouilles protohistoriques y ont été effectuéesprincipalement par H. Corot à la fin du siècle dernier et au début,de celui-ci. Au Nord, celles de la ferme de Banges ; au Sud, cellesde la Moloisc, des Crais de Yauchebaux ou Vendues de Véroille,et celles des Vendues de Montmorot *. Entre 1971 et 1976, quelquescampagnes de fouilles ont été conduites sur une parcelle appartenantà la ferme de Lochères, qui est limitrophe du site de Véroille 2. Ilest à présumer que la vallée sèche, dont le fond est régulier, assezlarge et aisément praticable, a servi, du moins avant que la conquête.romaine installe ses routes sur les plateaux, comme itinéraire depassage entre la région du Mont Lassois et la vallée de la Tille, elle-même allluenl de la Saône. Le sous-sol, en outre, est riche en minerai

* Texte établi pur M. Christian Peyre.•le désire assurer de nia gratitude tous les i'ouillcurs qui m'ont assisté, et

jilus particulièrement Serge Benoit et Manuel Royo, auxquels je dois plusieurssuggestions précieuses pour la mise au point de cette notice ; ainsi que moufils Philippe, qui a mené à bien l'interprétation et la mise au net de toute ladocumentation topographique de la fouille.

1. I". IIKNHY. Les tlllnultis du département de la Côle-d'Or, Paris, 1933, p. 157-1G4.

2. Chr. I'iiYiiii, » Tumulus el enclos funéraires celtiques carrés en Côle-rt'Or »,dans L'Age du Fer en France septentrionale (Mémoires de la Société archéologiquechampenoise, t. 2), Chàlons-stii-Marne, 1981, p. 243-262 (voir à la note 3, p. 259,la bibliographie des fouilles de Lochères). Ce site, apparu à l'occasion d'undéboisement, avait alors été signalé à la Direction des antiquités historiquespar R. Hatel, et ce dernier, avec sa propre équipe de t'ouillcurs, a participéaux deux premières campagnes de recherches.

Page 2: MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE … CACO/1832...44 i-oriu.Ks et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierres les plus endommagées par l'érosion

10 KOUILl.KS

de fer. A l'opposé de la ferme de Véroille, la forêt communale deMinot dissimule une imposante série de puits de mine, qui est connuede la carte géologique 3. Mais cette dernière ignore une foule d'autresvestiges d'extraction, et notamment des puits comblés ou des minières,celles-ci étant, selon la définition donnée par la loi minière de 1810,des excavations où le minerai était exploité à ciel ouvert. Minièreset puits comblés existent justement aussi au-dessus de la ferme deVéroille et dans les environs de la cabane fouillée en 1980 et 1981.Dans l'état actuel des recherches, avec un inventaire et des relevésen cours d'exécution, les perspectives d'interprétation demeurentencore passablement confuses 4. Mais on ne doit pas négliger uneressource naturelle de celte importance pour expliquer l'activitédu site et la manière dont il a été occupé.

Les vestiges de la cabane se présentaient sous la forme d'un pierricrà double monticule (fig. 1), adossé à une dénivellation du terrain.

Fia. 1. — Lee décombres de la cabane avant la rouille, une fois le déboisementachevé. La mire déployée représente une longueur de 4 ni.

3. ,T. AHBAULT et I'. HAT, Carie (i<:iil(>;/i<jiin de lu France au 1/50 000, n" 438,Aignav-le-Duc, XXX-21, Institut géographique national, Paris, 1974.

4. La Notice explicative de la Carte géologique mentionne que les mines de laforêt communale de Minol étaient encore en exploitation au début du xix1- s.Mais G. I'otey, châtelain de Minot à la lin du XIX" siècle, auquel on doit plu-sieurs élude:-; historiques sur le terroir de la commune, ne connaît rien d'unetelle exploitation, ce qui esl surprenant, et croit ces mines antiques : (!. POTRY,« Les mine:; gallo-romaines ou gauloises de Minot », dans le Bull. de la Soc.arctl. cl Itixt. du Châliltonnais, 1891, p. 665-681. Cette élude réunit une documen-tation fondamentale, tant pour la toponymie ancienne du terroir que pourl'inventaire des vestiges miniers et métallurgiques. Dans l'état actuel de:irecherches, qui perlent sur les périodes antique et médiévale (G. Polcy n'envi-sage pas 1:i seconde dans son élude), il semble qu'on doive exclure le dévelop-pement de toute activité importante entre le xvn" siècle et nos jours. .Je renvoie,dans les Actes du Colloque de Toulouse (novembre 1980), Mines el fonderiesindiques de la (iaule, actuellement sous presse, à nia communication « Le ferà Minot : mines, minières et. terriers, cl pseudo-toponymie de la mine », ainsiqu'à la Note additionnelle de S. Benoit concernant l'exploitation des minesdans la commune aux époques médiévale et moderne.

Page 3: MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE … CACO/1832...44 i-oriu.Ks et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierres les plus endommagées par l'érosion

MINOT 11

II n'y avait plus aucun mur visible et toute la partie est des soubas-sements de la construction se trouvait en fait recouverte par uneépaisseur importante de terre, que le pierrier avait retenue derrièrelui sur la pente.

La cabane était formée de trois pièces de plan assez régulier(lig. 2). Deux de celles-ci constituaient un corps principal rectangu-laire, orienté de Nord-Est à Sud-Ouest, long, à l'extérieur, de 5 met large de 3 en moyenne. La subdivision d'un périmètre aussi modestecréait des pièces de dimensions très petites : une de 2 m x 2 m auSud-Ouest, l'autre de 2 m x 1,30 m au Nord-Est (dimensionsintérieures). La troisième pièce, au Nord-Ouest, était perpendiculaireaux deux précédentes et constituait une construction accolée, mesu-rant à l'extérieur 3 m x 2,50 m. La présence d'une sorte de rampe,soutenue par un mur solide, qui longeait le reste de la cabane, implique

l'io. 2. - Plan du corps de la cabane, avec la répartition des vestiges formantla couche archéologique.

9 ossements animaux.V céramique,/,',' seuils présumés.

Page 4: MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE … CACO/1832...44 i-oriu.Ks et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierres les plus endommagées par l'érosion

42 i-'orii.i.F.s

là l'existence d'une porte ouvrant sur l'extérieur, tandis qu'une autrepermettait de passer dans la pièce du Nord-Est, comme le montrela répartition des tessons et des vestiges d'alimentation. Une troisièmeporte, au Sud-Est, donnait accès simultanément aux deux piècesdu corps principal ; son seuil était marqué par une grosse dallelenticulaire couvrant l'épaisseur du mur (lig. '.i). Les autres seuils neprésentaient aucune particularité distinctive. L'ensemble de ceplan a dû être déchiffré dans un seul et même blocage compact depierres et d'argile locale, qui constituait à la l'ois le socle, le pavementet la base des murs eux-mêmes.

Un important dispositif de contrebutage renforçait ce massif elfaisait corps avec lui (fig. 3). Au Sud-Ouest, endroit où la dénivella-

(CHIUE METRES

KHI. ,'i. lJlan général du corps de la cabane et de ses conti'ebulages. Lesalignements oui été extraits d'un massif compael <le pierres maçonnées avec

de l'argile locale.

Page 5: MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE … CACO/1832...44 i-oriu.Ks et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierres les plus endommagées par l'érosion

MINOT V.')

tioii est la plus forte, il formait une sorte d'abside, que Manquait,au Nord, le début de la rampe donnant accès à la troisième pièce.Au Nord-Ouest, le cotitrcbutage avait la forme d'un arc de cerclede faible courbure maintenant une petite terrasse l'aile, commele socle de la cabane, de pierres agglomérées à l'aide d'argile. AuNord-Ksi, il maintenait une autre terrasse faite de la même manière,mais, celte fois, rcctiligne, qui éventuellement avait pu supporterun auvent, bien que nulle trace n'ait été conservée des poteauxnécessaires pour le soutenir. La force de tous ces contrebutagesétait destinée à maintenir solidement en place le soubassementde la cabane, qui mettait le sol de la construction légèrement au-dessusdu niveau supérieur de la dénivellation et dominait d'environun mètre son niveau inférieur. Ce dispositif était naturellementdestiné à écarter l'humidité de la partie habitée.

Les premières files de pierres, à la base des murs, étaient sans douteelles-mêmes encore maçonnées à l'argile, comme le soubassementde l'édifice. Mais tout le reste de l'élévation était en pierre sèche,avec des dalles de dimension et d'épaisseur variables, et non pasavec des moellons bien équarris. Il n'y avait aucune trace décelablede colombages ou de parois en pisé. Aucune broche ni pointe decharpentier, aucun fragment de tuile n'ont été retrouvés. Dans cesconditions, ou bien le toit était, fabriqué en matériau léger (branchageset chaume), ou bien, au contraire, il était construit en lauses (ou laves)et selon la technique de la Voûte à encorbellement, qui dispense decharpente à demeure. Les vestiges conservés suggèrent l'idée d'uneborie, cette « maison des champs », que l'on rencontre fréquemment,bien conservée ou toujours en usage, en Provence, dans la Lozère,en Auvergne, dans le Bourbonnais et, bien entendu, en Bourgogne.En règle générale, ces petits édifices n'ont qu'une pièce, ce qui confèreun regain d'intérêt au plan découvert à Véroille 5. La hauteur desmurs est faible et, malgré le poids énorme de la toiture de pierre,leur épaisseur n'est jamais importante, car, au lieu d'être édifiésd'aplomb, ils présentent un profil rentrant vers le haut destiné àcompenser la pression que leur sommet supporte et qui tend à lesécarter. Si le terrain est en pente, même faiblement comme à Véroille,leur base est fortement contrebutée pour offrir une rigidité inébran-lable. Bien de tout cela ne contredit les observations qu'ont permisde l'aire le soubassement de cette nouvelle cabane et ses contre-butages. Quant au massif d'effondrement, qui formait, on l'a vu,un double monticule, il était exclusivement de pierre sèche et conte-nait de nombreux fragments de dalles de très faible épaisseur, quis'étaient vraisemblablement brisées dans l'écrasement du toit.Tout le bas des murs, sans doute resté debout plus longtemps, avaitprobablement fini par être démonté pour fournir de la pierre à bâtir

5. I-". BHNOIT, /.« Provence et le Comtut Venaissin, Avignon (rtl. Aubanel),KI7(i, p. 08-72.

Page 6: MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE … CACO/1832...44 i-oriu.Ks et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierres les plus endommagées par l'érosion

44 i-oriu.Ks

et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierresles plus endommagées par l'érosion et par le gel.

La couche archéologique comprenait d'abord, à l'extérieur dela cabane, les traces de deux foyers installés l'un, au Sud, contrel'abside, l'autre, au Nord, devant l'angle du contrebutage. On n'ytrouvait, ni déchets alimentaires, ni tessons, mais des débris decharbon de bois, des lentilles de cendre, des pierrailles et des granulesd'argile rubéfiés. A l'intérieur de la cabane, avec une densité nette-ment plus forte pour la pièce sud-ouest, existait un niveau d'occu-pation homogène, contenant des ossements animaux et quelquestessons. L'étude des ossements ° a montre que le mouton et lachèvre dominaient très largement dans l'alimentation des occupantsde cette cabane. Le porc était très faiblement représenté, le bœufabsent, du moins dans le niveau d'occupation, lui ce qui concerneles quelques vestiges de vaisselle, il faut d'abord souligner l'absencede débris de porcelaine, de faïence ou de grès, c'est-à-dire (\u moindreindice d'un niveau moderne ou médiéval. Les tessons sont tous encéramique grossière, fabriquée avec de l'argile locale. Ils sont faible-ment cuits, friables et atypiques à l'exception de quatre d'entre euxqui sont jointifs et forment un fragment de col et d'épaule d'unepetite urne, fabriquée au tour à rotation rapide. Trois de ces tessonsproviennent de la pièce nord-ouest, un de la pièce nord-est, ce quiconfirme l'existence d'une porte entre elles. D'après ce qui estconservé du profil, il peut s'agir d'un de ces vases à balustre, dontl'épaule est globuleuse, la base fortement pincée. Dans les nécropolesde Champagne, cette forme est à la mode pendant les décennies quiprécèdent la conquête, soit pendant le deuxième quart du iel" siècleavant notre ère 7. La fabrication au tour à volant implique de soncôté une datation relativement tardive, qui confirme la conclusionprécédente, lui outre, comme le caractère fragmentaire du profilintroduit une marge d'incertitude importante, il pourrait s'agiraussi, éventuellement, d'une de ces urnes globuleuses comme onen a retrouvé à Alcsia, dans les dépôts du parvis du temple, où lastratigraphie permet de les dater entre l'époque de Domitien etcelle de Trajan 8. Il sera préférable, pour la cabane de Véi'oille, detenir compte aussi de cette seconde possibilité, en retenant une four-chette chronologique qui aille des dernières décennies de l'indé-pendance gauloise jusque vers la fin du ier siècle après ,).-C, époque

(i. M"10 lu Docteur l ' au le Lhussier a bien voulu se c h a r g e r «le c e l l e é tudeen vue de la publication générale du site, et les conclusions que je résume i< isont le fruit de sa contribution. Je l'en remercie vivement.

7. J .-J . H A I T et 1'. RouALET, « La chronologie de I.u 'l'eue en Champagne »,dans la liev. arch. de. l'Uni et du Centre-Est, XXVI II, fa.se. 1-2, janv.-juin 1977,p. 7-36 (pi. XVTI). La phase à laquelle appartiennent les urnes a balustre,dans cette chronologie champenoise, est celle de La Tènc finale II. datée entre80 et 50 av. J.-C.

8. .1.-13. DIÎVAUQISS, « Informations archéologiques, Circonscription denourgogne ». dans Gallia, 32, 1974, fasc. 2, p. 427-428, Ug. 1 et 2.

Page 7: MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE … CACO/1832...44 i-oriu.Ks et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierres les plus endommagées par l'érosion

MINOT 45

où la romanisation n'a pas encore pénétré profondément en milieurural. Cette chronologie trouve un parallèle clans celle que per-met tent aussi de proposer les vestiges d'une autre cabane, fouilléeen 1971 près de la ferme de Lochères, à 500 m environ au Nord dela cabane de Véroille(). Cet horizon chronologique prend toutesa signification si l'on ajoute qu 'entre les deux zones, séparées parun pet i t thalweg et par tou t un système de murées, un tumulusfouillé entre 1972 et 1974 a restitué quelques tombes datées entrela fin du ve siècle et la fin du iv e avant J . -C 10. L'occupation dusite n'a rien de temporaire : elle manifeste, au contraire, une remar-quable continuité.

Il est clair, maintenant , que le mol de « tumulus », par lequel ondésigne presque systématiquement tout tertre de terre amoncelée,tout tas de pierres d'aspect antique, sous lequel on conjecture, commepar fatalité, la présence de richesses funéraires enfouies à conquérir,est source d'ambiguïté, sinon d'erreur. Il impose comme le préjugéde la nécropole, il condamne le fouilleur qui dégage une de ces cabanesà passer pour n'avoir rien trouvé, puisqu'il ne récupère ni objetsni squelettes, et, ce qui est bien plus grave, il engendre les pirescontre-sens d' interprétation, et de manière irrémédiable, puisquela fouille de ces vestiges détruit en même temps qu'elle explore,sans laisser nul recours dans une ultérieure vérification.

Le germe de l'erreur est dans l'idée que le « lumulus » fouillé était« vide » " . A partir de là, on continuera de penser qu'il s'agissait

i). Un fragment d'un petit bol en céramique sigillée, provenant d'un angleîle In cabane, est à dater de la première moitié du i1'1 s. après J.-C. (époque deClaude). Il n'y avait aucun vestige moderne ou médiéval. Celle cabane, deplan rectangulaire, était elle-même une borie. Voir Cl. ROLLEY, « Informationsarchéologiques, Circonscription de Bourgogne », dans Gallia, 30, 1972, l'asc. 2,]>. 446-449. Une relation préliminaire concernant les fouilles de Lochères et deVéroille, avec un relevé des parties du site antique entourant les vesliges dégagés,est en préparation pour paraître dans la Revue archéologique de l'Est et duCentre-Est.

10. Voir note 2, p. .'{9. lin outre, au Nord el au sud des Fermes de Lochèreset de Véroille, d'autres sites fouillés par H. Corot, ont livré du mobilier funé-raire du Premier Age du Fer. f.a vallée sèche qui contient tous ces vestigesn'a pas cessé, dans son ensemble, d'être occupée entre l'époque de Hallstatlvi (elle de La Telle, alors que d'autres sites de Bourgogne, connue le Mont[.assois, cessent d'être occupés à la fin de l'époque de Hallslatl. Je renvoie,sur ce problème, à H. Joi'i'Hov, « Les civilisations de l'Age du Fer en Bour-gogne », dans La préhistoire française, II, Les civilisations néolithiques et proto-historiqiws de la l'rance, Paris, 1970, p. 823.

11. F. HKNHY, »/). cil., J). 103, « tumulus V et Vf de Banges (vicies) ». Onnotera, à cet égard, les scrupules qui honorent H. COROT, « Fouilles de la Société,I, Les Crais de Vauchebaux ou Vendues de Verroilles », dans le liull. de la Soc.(irch. et hist. du Cllâtilloiuiais, n" 5-0, 1895-1890, p. 308-309 : « Les tertres funé-raires et autres (en italique dans l'original) y sont fort nombreux... Un monticulede construction et d'aspect liiniulicii... a d'abord été retourné de fond en comble.Nous n'y avons relevé aucune trace de sépulture ». Ibid., p. 313 : « Cet amas depierres de 10 mètres de diamètre sur 2 mètres de hauteur... ne nous a fourniaucun vestige ni d'ossements ni d'objets ». On devine 11. Corot en dillicullé

Page 8: MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE … CACO/1832...44 i-oriu.Ks et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierres les plus endommagées par l'érosion

d'une nécropole, alors que c'est un habitai : raison pour laquelleun certain nombre d'habitats sont restés introuvables. Ensuite,on cherchera même à expliquer dans un contexte funéraire le » vide »que l'on a constaté. De là est partie l'hypothèse du « tumulus tledissuasion », destiné à égarer et à décourager la convoitise des pillards.En fait, celle des fouilleurs. Et il reste une autre explication, celledu tumulus « ad honores », plus pernicieuse encore, parce qu'il existeen effet des monuments de ce genre dûment authentifiés ia. Cestentatives d'interprétation, qui ne signifient rien d'autre que ladéception de n'avoir pas trouvé de tombes, risquent à leur tourd'induire en erreur les fouilleurs qui viennent se mesurer pour lapremière fois a de tels vestiges dont l'investigation, bien que peuspectaculaire, n'en demeure pas moins particulièrement difficile.La méprise serait en effet moins facile si l'on pouvait, en examinantle « tumulus » avant de le fouiller, reconnaître d'après son aspectextérieur si c'est un véritable monument funéraire dégradé par letemps et par la main des hommes, ou bien un tas de décombres,un simple « meurger », sous lequel se dissimulent les vestiges d'une

devant ceux qui le subventionnent, parce qu'il n'a » rien trouvé ». Et pourfinir, il affirmera hautement que ces tertres • vicies » sont aussi importantsque les autres (Ibid., Les Crais Quarrés ou la Hieppe, p. 316-317) : « Le secondtumulus ne nous a même pas présenté l'aspect de ces laves posées avec ordre ;c'était un chaos absolu dans la masse des matériaux. Toutefois, nous avons puremarquer que si la partie supérieure du tuniulus était bouleversée, la base,offrait toujours cet arrangement particulier de gros blocs lichés dans le sol,et bien qu'il n'y ait eu aucune sépulture, on y voyait le eronileck, ou cerclesacré. Qu'étaient ces tertres sans sépulture ? Dirons-nous... que les tumulussans inhumation sont d'anciennes huttes effondrées '? Ou bien partagerons-nousles idées de Klouest (Les fouilles de Magny-Lamberl, dans la lien, arch., 187H, 2.p. 119), qui prétendait que ces tumulus vides étaient élevés ml honores... '.'A notre humble avis, il fauL fouiller et fouiller encore ces tumulus sans sépul-ture ; peut-être ([lie l'un d'entre eux nous fixera sur la nature et les raisonsd'être des autres. » Cette revendication scientifique est plus que jamais d'actua-lité. Le « eronileck, ou cercle sacré », si sa l'orme n été correctement observée,laisserait penser que cette borie était ronde.

12. ,1. DÉCHELETTB, Manuel d'archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine, IL 2, Premier Aue du Fer ou époque de Uallstall, Paris, 1913, p. 639 :» En Bourgogne et ailleurs, des tertres paraissant intacts ne contiennent nonseulement aucun vestige d'ossements humains..., mais encore aucun débrisd'offrandes, l-'louest les a désignés par l'expression lumuli ad honores : il lesconsidérait connue des monuments coniméinoratifs élevés à des morts disparus...fl faut cependant reconnaître que le nombre parfois considérable de tertresentièrement vides se prête difficilement à cette explication. » C'est donc l'hypo-thèse de tuniulus semblables aux cénotaphes gréco-latins. L'idée de tumulusque j'appelle « de dissuasion » se trouve présentée dans une note à ces dernièreslignes : « les tumulus vides de. cette région (la Thrace) seraient des tertresindicateurs, avoisinant une sépulture plate. Ce dispositif aurait eu pour butde dépister les violateurs de tombeaux ». Un bilan des sites de la Côle-d'Orqui relèvent de ces problèmes d'interprétation a été dressé par .I.-P. NICOLAHDOT,« Nécropoles et habitats de la Côte-d'Or aux Ages du Fer », dans L'habitatet lu nécropole à l'Age du Fer en Europe occidentale et centrale ( A c t e s d u 1 e 'colloque archéologique de la IV'' Section de l'Ecole pratique des hautes études,1972). Paris, 1975, p. 87-93.

Page 9: MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE … CACO/1832...44 i-oriu.Ks et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierres les plus endommagées par l'érosion

M1NOT 17

construction ancienne. Il arrive que des lignes ou des angles de mursapparaissent encore, pe rmet tan t de resti tuer rapidement le périmètreapproximatif d 'un édifice. Encore faut-il mentionner qu'il existeaussi de vrais tumulus, qui n 'é ta ient ni ronds, ni ovales, mais où lestombes étaient contenues à l ' intérieur de structures orthogonales,avec des parements appareillés comme ceux des murs d'une cabane.Celui de la Terme de Lochères précédemment cité, issu sans douted'un enclos funéraire carré, étai t précisément dans ce cas, et il enexiste d 'autres exemples l;i. En fait, dans les régions où le rocherallleure, rendant la pierre abondante , celle-ci se retrouve par tout ,y compris pour consti tuer aux authent iques tumulus une chapeextérieure épaisse, en pierre sèche, qui les protège des intempéries,et doit, en principe, limiter le risque du pillage. En fin de compte,le las de décombres ne diffère plus du tombeau, et, en commençantla touille, il est fréquemment impossible de présumer à quelle catégoriede. vestiges on va être confronté. Cette constatat ion invitera à laprudence et imposera une fouille méticuleuse, car il est facile, avecces constructions rudimentaires , de détruire des s tructures réellespour en fabriquer d' imaginaires par la fouille elle-même. Ce sontfinalement les relevés, par procédé photographique ou à la planchettetopographique, en tout cas aussi nombreux et précis que possible,qui orienteront la fouille et confirmeront les données de l'inter-prétation H .

Les perspectives historiques que peut ouvrir la fouille de cettecabane à Véroille sont encore limitées, parce que l ' inventaire dusite, qui est entièrement dissimulé sous un taillis très dense (fig. 1),ne fait que commencer. Il est cependant certain qu 'un hameau d 'unevingtaine de cabanes, dont certaines sont grossièrement alignées,environne celle dont les soubassements ont été dégagés en 1980 et1981. D'énormes murées ja lonnent une partie du périmètre où ilse trouve, au-delà {lesquelles d 'autres meurger.< et d 'autres muréesat tes tent l 'existence d 'autres hameaux. La chronologie de l 'ensemblen'est pas forcément celle qui a été retenue pour les vestiges fouillés.Certaines parties du site, certaines cabanes ou certains groupes decabanes, peuvent être plus récents, ou plus anciens, comme l 'étaitle tumulus de la ferme de Lochères. L'occupation de toute cettepartie du fond de la vallée a commencé au début du Second Agedu Fer. Elle est a t testée à la fin de cette longue période. Il resteà savoir si, sur place, elle fut continue et sous quelles formes elles'est développée. L ' intérêt capital d 'un tel site est d'avoir conservéles vestiges d 'une forme d 'hab i ta t rural gaulois par hameaux jux ta -posés, avec des s t ructures de délimitation ou de fortification dont

\',i. H. HAÏTX, « t.es Unmilus de Villeconitc (Gôtc-tl'Or) ». dans la f{ei>. arc.'i.tic l'Est, XVI, rase. 1-3, 1965, p. 75-101, notamment p. 77, 81 et 96.

14. J'ai utilisé la planchette et l'alidade, dont je dois l'emploi, depuis 1971,au Bureau d'architecture antique de Dijon.

Page 10: MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE … CACO/1832...44 i-oriu.Ks et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierres les plus endommagées par l'érosion

IX FOl'll.l.lvS

les restes constituent les actuelles murées. Ce type d'habitat estaujourd'hui encore pratiquement inconnu.

Son étude est à verser, plus généralement, au dossier des borieset des villages de bories, dans lequel elle peut renouveler un certainnombre de perspectives lr>. Kn général, l'existence de ces boriesà l'époque gauloise a été récusée, leur groupement en villages a étéconsidéré comme un phénomène tardif dans l'époque médiévaleelle-même, et tardif aussi le développement d'un plan de maison-nette un peu plus complexe par subdivision en deux de la cabaneinitiale à pièce unique. La fouille de Véroille, et celles de la fermede Lochères qui l'ont précédée dans une parcelle limitrophe, apportent,sur ces divers points, un témoignage radicalement différent. Quantau contexte rural, qui est généralement reconstitué autour desbories, il doit vraisemblablement recevoir aussi un éclairage nouveau.Les vestiges d'alimentation carnée, où dominent largement le moutonet la chèvre, impliquent un élevage extensif, à caractère pastoral.Autour de cette activité, il est nécessaire d'en restituer d'autres,comme, à l'évidence, la mise en culture d'un certain nombre dechamps dans le fond même de la vallée ou sur le plateau ; comme,aussi, une très vraisemblable exploitation forestière, dans une régionque sa toponymie démontre comme très boisée à l'époque gallo-romaine. Le fait nouveau à introduire peut-être dans ce monde ruralgaulois pourrait être celui d'une activité minière et métallurgique :l'extraction et le traitement du minerai de fer, dont les vestigessont connus depuis longtemps, mais demeurent encore, dans l'étatactuel des recherches, difficiles à dater '*. Ces villages de bories

15. La question des bories est singulièrement complexe et on doit se garderde prendre polir Vérité générale les observations et la chronologie que leurétude a permis de dégager dans telle ou telle autre légion. Chaque sile demandeune étude particulière, dans son contexte local. Pour Véroille et Loi hère;,ce type d'habitat rural est à joindre à la documentation déjà réunie parA.-M. Ui'1'i.nn, « L'habitat rural en Gaule centrale », dans Histoire et archéologie.(Les dossiers), 58, nov. 1981, p. 70-76. fl faut peut-Être rapprocher le plantriparti te de la cabane de Véroille du module primitif de la maison gallo-romainedu Clinchel (Ferme de Busserolle, en amont de la même vallée sèihe de Lochèreset Véroille), fouillée par R. RATBL (« L'habitat gallo-romain de Busserolle,Commune de Minot, Côte-d'Or », dans Oyam, XVfil, 1966, p. 239-266; voiraussi R. MARTIN, « Informations archéologiques, Circonscription de Dijon »,dans Gallia, 22, 1964, fasc. 2, p. 308-311). Cette maison rurale, qui est d'une dateultérieure (ii<!-inc s. ap. J.-C.), témoigne elle-même de la lenteur avec laquellela romanisation a pénétré dans cette partie de la Côle-d'Or.

16. Deux équipes travaillent maintenant sur le terrain à Minot, avec lesoutien de l'Association pour la sauvegarde et l'animation des Forges de Billion,dont le secrétaire, S. Benoit, s'est chargé du dépouillement des archivesmodernes et contemporaines concernant la commune. La première de ceséquipes est animée par P. Benoit, maître-assistant à l'Université de Paris-I :par prospections, sondages et explorations spéléologiques, elle étudie tous lesvestiges miniers de la forêt communale. La seconde, qui m'entoure, effectuele relevé d'ensemble de ces vestiges en surface, procède à l'inventaire de Ions

Page 11: MINOT, FERME DE VÉROILLE FOUILLE D'UNE CABANE … CACO/1832...44 i-oriu.Ks et il n'en subsistait plus, en las et désappareillées, que les pierres les plus endommagées par l'érosion

MINOT 49

gauloises, des villages miniers '? La poursuite des touilles et l'inven-taire du site permettront peut-être de répondre à une telle question.

Les réflexions a caractère méthodologique que j'ai cru opportund'introduire dans ce bref exposé, m'ont paru d'autant plus nécessairesque j'ai pensé moi-même, à l'issue de la première campagne des fouillesde Véroille, en 1980, avoir commencé à dégager une sorte de cénotaphe.On le verra en se reportant aux « Informations archéologiques »de Gallia (39, 1981, fasc. 2, p. 424), dont la notice doit être rectifiéeet mise à jour conformément aux résultats que la deuxième campagne,en 1981, a permis d'établir, et que je viens d'exposer. Il reste quedes sites d'habitats ruraux aussi vastes, aussi riches en vestiges etaussi complexes que celui de Minot, pourraient accueillir plusieurséquipes de fouilleurs travaillant en liaison et élaborant en communune étude collective du site. Un tel élargissement de la rechercheserait assurément bénéfique et répondrait aux programmes priori-taires de fouille que le Conseil supérieur de la recherche archéologiquea définis. Il faut souhaiter que la possibilité de le mettre en œuvrese présente un jour.

ceux que conserve le territoire communal, enfin poursuit les fouilles et le relevégénéral du site de la Ferme de Véroiile.

Les études permettant de déterminer la chronologie des mines et des terrierssont en cours. Un ce qui concerne les habitats gaulois du groupe Lochèreset Véroille, la probabilité d'un travail du fer est établie par d'assez nombreusesscories de ce métal recueillies pendant les fouilles de 1971 a 1976. Mais riend'autre n'a été découvert a cet égard pendant les campagnes de 1980 et 1981.