mille et une histoires 127

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PRESSE ÉVEIL 3:HIKONA=^UZZU]:?a@l@c@h@k; M 04309 - 127 - F: 5,50 E N°127 Les plus beaux contes du monde entier N°127 - MARS 2011 - 5,50 - Bel / Lux / DOM : 6,50 - Suisse : 11 CHF - TOM : 500 XPF - CAN : 5,50 CAD - Tunisie : 5,50 TND - Maroc : 35 MAD - Zone CFA : 2000 CFA - ISSN : 1297-0662 Clac ! Renard se fait couper la queue dans un piège. Il a tellement honte de n’avoir plus sa queue qu’il invente un gros mensonge. Madame Trotte- Menu aimerait que son mignon terrier reste propre. Pas de chance, un crapaud va lui rendre visite... Sissi, la petite souris des bois, doit faire des provisions pour ses souriceaux, mais gare au chat sauvage ! La queue coupée Madame Trotte-Menu La brave petite souris La souris et l’éléphant Mille et une histoires LES SOURIS Le grand éléphant d’Afrique n’a peur de rien et détruit les récoltes des paysans. Qui sera assez fort pour l’en empêcher ?

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Mille et une histoires 127. Magazine de contes traditionnels édité par Fleurus Presse pour les enfants à partir de 3 ans.

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Page 1: Mille et une histoires 127

PRESSE ÉVEIL

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309 -

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50 E

n°1

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Les plus beaux contes du monde entier

N°127 - mars 2011 - 5,50 € - Bel / Lux / Dom : 6,50 € - Suisse : 11 CHF - Tom : 500 XPF - CAN : 5,50 CAD - Tunisie : 5,50 TND - maroc : 35 mAD - Zone CFA : 2000 CFA - ISSN : 1297-0662

Clac ! Renard se fait couper la queue dans un piège. Il a tellement honte de n’avoir plus sa queue qu’il invente un gros mensonge.

Madame Trotte-Menu aimerait que son mignon terrier reste propre. Pas de chance, un crapaud va lui rendre visite...

Sissi, la petite souris des bois, doit faire des provisions pour ses souriceaux, mais gare au chat sauvage !

La queue coupée

Madame Trotte-Menu

La brave petite souris

La souris et l’éléphant

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Le grand éléphant d’Afrique n’a peur de rien et détruit les récoltes des paysans. Qui sera assez fort pour l’en empêcher ?

Page 2: Mille et une histoires 127

P. 3Madame Trotte-Menu

P. 13La souris et l’éléphant

P. 29 : Ta fable

La queue coupée

P. 21La brave petite souris

P. 44Parents44 Une histoire qui fait du bien :

« La souris et l’éléphant »46 Beatrix Potter, la très grande dame

des tout petits livres

P. 34Pour s’amuser34 Poésie : Impression fausse36 Les aventures de Loulou40 La famille Perlimpinpin au grenier42 Ton tableau : « Nature morte » de Georg Flegel

Relations abonnés (9h-18h) De France : tél. 01 75 43 35 42 De l’étranger : tél. +(33) 1 75 43 35 42 mail : [email protected] Fleurus Presse TSA 90324 92898 Nanterre cedex 9 Tarif france : 1 an (11 nos) : 60,50 € suisse : Edigroup tél. (0041) 22 860 84 01 Fax (0041) 22 348 44 82 mail : [email protected] Belgique : Tél. (0032) 70 233 304 Fax (0032)70 233 414 mail : [email protected]

Abonnez-vous sur www.fleuruspresse.comrédacTion (tél. 01 56 79 36 61)Directeur de la rédaction : Pascal TeuladeRédactrice en chef : Valérie ChevereauPremière rédactrice graphique : Julie HaffnerSecrétaire : Valérie Gauchet

onT parTicipé à ce numéro :Adaptation des histoires : « La souris et l’éléphant », Françoise Laurent« La brave petite souris », Valérie Chevereau « La queue coupée », Pascal Teulade« Une histoire qui fait du bien », Dominique Naeger« Pour vous parents », Laurence CaracallaRévision : Catherine Petrini - Iconographie : Nathalie LasserreillusTraTions : Couv. et « madame Trotte-menu » : Illustrations from “The Tale of mrs Tittlemouse” by Beatrix Potter. © Frederick Warne & Co., 1910, 2002. Reproduced under licence from Frederick Warne & Co. www.peterrabbit.com - Illustration from “The Tale of Benjamin Bunny” by Beatrix Potter © Frederick Warne & Co., Ltd, 1904, 2002. « La souris et l’éléphant » et « La queue coupée », Fabienne Teyssèdre« La brave petite souris », myriam Deru« Impression fausse », Laetitia le Saux« Les aventures de Loulou », scénario : Laurence Gay - dessins : Christel Desmoinaux La famille Perlimpinpin, Appoline Harel

Crédits photos : p. 43 : © RMN, S. Maréchalle/Musée Magnin, Dijon - p. 45 : Oval Char Border © Frederick Warne & Co., Ltd, 2006 - Ill. from “The Tale of Peter Rabbit” by Beatrix Potter © Frederick Warne & Co., Ltd, 1902, 2002- p. 46-47 : © Rue des Archives/ The Granger Collection N.Y.C - Ill. from “The Tale of Peter Rabbit” by Beatrix Potter © Frederick Warne & Co., Ltd, 1902, 2002 - Oval Char Border © Frederick Warne & Co., Ltd, 2006 - Drawing of Rabbit Sitting by Beatrix Potter © Frederick Warne & Co., Ltd, 1987 - Ill. from “The Tale of Benjamin Bunny” by Beatrix Potter © Frederick Warne & Co., Ltd, 1904, 2002 - Sketches of rabbit head by Beatrix Potter © Frederick Warne & Co., Ltd, 1955 - p. 48 : Ill. from “The Story of a Fierce Bad Rabbit” by Beatrix Potter © Frederick Warne & Co., Ltd, 1906, 2002 - Ill. from “The Tailor of Gloucester” by Beatrix Potter © Frederick Warne & Co., Ltd, 1903, 2002 - Ill. from “The Tale of Two Bad Mice” by Beatrix Potter © Frederick Warne & Co., Ltd, 1904, 2002 - Oval Char Border © Frederick Warne & Co., Ltd, 2006 - p. 49 : Oval Char Border © Frederick Warne & Co., Ltd, 2006

mille eT une hisToires est un mensuel édité par fleurus presse, SARL au capital de 49 783 €. acTionnaire : Héros et Patrimoine. 34 rue du sentier 75002 Paris www.fleuruspresse.com - DirecTeur de la puBlicaTion : Jean-martial Lefranc - comiTé de direcTion : J.-m. Lefranc, P. Teulade, P. Notarianni. responsaBle adminisTraTion-gesTion : P. Notarianni. dir. commerciale : N. Rollin. dir. adjoinTe pôle peTiTe enfance : V. Boulze. dir. markeTing eT diffusion :

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Page 3: Mille et une histoires 127

Publié pour la première fois en 1910 au Royaume-Uni, ce conte de Beatrix Potter dépeint l’univers de Mada-me Trotte-Menu, une petite souris méticuleuse qui ne supporte pas d’intrusion dans son terrier. Découvrez page 46, le portrait de cette grande dame de l’illustration.

3

Il était une fois une souris des bois, qui s’appelait Mme Trotte-Menu.

Elle habitait dans un talus sous une haie. C’était une drôle de maison !

Il y avait des mètres et des mètres de couloir creusés dans le sable entre les

racines de la haie, conduisant à des réserves à provisions, et à des entrepôts

pour les noix, pour les glands et pour les graines.

Madame Trotte-Menu

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Page 4: Mille et une histoires 127

4

Il y avait une cuisine, un salon,

un office et un garde-manger.

Mme Trotte-Menu avait aussi

sa chambre, où elle dormait dans

un petit lit de buis.

Madame Trotte-Menu était une souris

terriblement soignée et méticuleuse.

Toute la journée, elle époussetait

et balayait le sol sablonneux de

sa maison. Quelquefois, un hanneton

s’égarait dans le dédale de couloirs.

« Pssch ! Pssch ! Sauve-toi avec

tes pattes malpropres ! » disait

Mme Trotte-Menu en tapant sur sa pelle

à poussière. Un jour, elle vit une vieille

dame en manteau rouge à pois noirs

trottiner à sa rencontre.

« Votre maison a pris feu, grand-mère

Coccinelle ! Volez vite au secours

de votre famille ! »

Un autre jour, une grosse et grasse

araignée vint s’abriter de la pluie.

« Vous demande pardon, je suis bien

chez Mlle Moflette ? »

- Veux-tu t’en aller, vilaine effrontée

Page 5: Mille et une histoires 127

5

d’araignée. Je ne veux pas de

tes nids à poussière dans ma jolie

maison toute propre ! »

Elle poussa l’araignée dehors ; celle-ci

tissa un long fil pour descendre le

long de la haie.

Madame Trotte-Menu partit chercher

des noyaux de cerise et des duvets

de pissenlit pour le déjeuner dans une

réserve à provisions assez éloignée.

Tout au long du chemin, elle renifla

et scruta le sol. « Cela sent le miel !

Serait-ce le parfum des coucous

dehors ? Et pourtant, ne voilà-t-il pas

des traces de pattes sales ? »

Un peu plus loin, elle tomba nez à nez

avec Babillon Bourdon. « Bzz, bzz, bzz... »,

fit-il. Mme Trotte-Menu lui jeta un regard

sévère. Elle regrettait de ne pas avoir

pris son balai. « Bonjour, Babillon

Bourdon. Je t’aurais bien volontiers

acheté de la cire. Mais pourquoi faut-il

toujours que tu viennes par la fenêtre

faire tes bzz, bzz, bzz ? ». Mme Trotte-Menu

sentait la colère monter en elle.

Page 6: Mille et une histoires 127

6

« Bzz, bzz, bzz ! » répliqua le bourdon

d’un ton moqueur. À petits bonds,

il entra dans la réserve à glands.

Mme Trotte-Menu avait mangé tous

les glands avant Noël ; normalement,

la pièce aurait dû être vide.

Or, elle était remplie de brins

de mousse sèche.

Mme Trotte-Menu arracha une

poignée de mousse. Trois ou quatre

têtes d’abeille sortirent en

bourdonnant férocement.

« C’est trop fort ! Je ne veux pas

de locataires ici ! s’exclama-t-elle.

Je vais les mettre dehors. »

« Bzz, bzz, bzz ! » «Mais il faut que

je me fasse aider par quelqu’un. »

« Bzz, bzz, bzz ! »

« Je ne peux pas demander

à M. Rodolphe ; il ne s’essuie jamais

les pieds avant d’entrer ! »

Madame Trotte-Menu décida

de s’occuper des abeilles après le

déjeuner. En arrivant dans son salon,

elle entendit une toux grasse.

Page 7: Mille et une histoires 127

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C’était M. Rodolphe en personne !

Étalé sur le petit fauteuil à bascule,

il se tournait les pouces en souriant

béatement, les pieds sur le rebord

de la cheminée. Il habitait derrière

la haie, dans un fossé qui était

toujours humide et boueux.

« Bien le bonjour, M. Rodolphe ! Mais,

dites-moi, vous êtes bien trempé !

- Merci, merci, chère Mme Trotte-Menu,

je me sèche très bien, et dans un petit

moment, il n’y paraîtra plus ! » dit

M. Rodolphe. Immobile, il gardait un

large sourire, et l’eau dégoulinait des

pans de son veston. Mme Trotte-Menu

courut chercher une serpillière.

Il resta assis là si longtemps qu’il fallut

bien lui demander s’il ne prendrait

pas un petit quelque chose pour

le déjeuner. Mme Trotte-Menu lui offrit

d’abord des noyaux de cerise. « Merci

bien, Mme Trotte-Menu, pas de dents,

pas de dents ! » fit M. Rodolphe,

en ouvrant tout grand la bouche,

sans en avoir été prié pourtant.

Page 8: Mille et une histoires 127

8

Il n’avait pas une seule dent,

cela était sûr. Elle lui proposa alors

des duvets de pissenlit.

« Coâ, coâ, coâ, pffui, pffui, pffui... »,

souffla-t-il en faisant voler le duvet dans

toute la pièce. « Merci bien, merci bien,

chère Mme Trotte-Menu. Vous savez,

ce qui me ferait vraiment plaisir,

c’est une petite bolée de miel... »

« Malheureusement, je n’en ai pas,

M. Rodolphe ! répondit son hôtesse.

- Coâ, coâ, coâ, mais je le sens d’ici ! »

dit M. Rodolphe avec un grand sourire,

« c’est justement pour cela que

je suis venu. »

Il se leva lourdement, et commença

à fouiner dans les placards.

Mme Trotte-Menu le suivait avec

un torchon pour essuyer les traces

de ses pieds mouillés. S’étant assuré

qu’il n’y avait pas de miel dans

les placards, M. Rodolphe s’engagea

dans le couloir. « Attention, attention,

vous allez rester coincé !

Page 9: Mille et une histoires 127

9

- Coâ, coâ, mais non, mais non,

chère Madame ! »

Il dut s’écraser contre la porte pour

rentrer dans l’office.

« Coâ, coâ, où est le miel, où est

le miel ? »

Trois petites bêtes sortirent

en rampant de l’égouttoir à vaisselle

où elles s’étaient cachées ; deux

réussirent à s’échapper. Mais la plus

petite fut attrapée par M. Rodolphe.

Il eut plus de peine encore

à pénétrer dans le garde-manger.

Mlle Papillon y goûtait le sucre ;

elle s’envola par la fenêtre.

« Coâ, coâ, coâ, vous en avez

des visiteurs, Mme Trotte-Menu !

- Et je n’ai invité personne ! » répliqua

Thomasine Trotte-Menu.

Page 10: Mille et une histoires 127

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Ils s’enfoncèrent dans les couloirs.

« Coâ, coâ » « « Bzz, bzz, bzz ! »

Babillon Bourdon leur barrait la route.

M. Rodolphe fit mine de le happer,

et le relâcha aussitôt.

« Je n’aime pas les bourdons :

ils piquent », dit-il en s’essuyant

la bouche du revers de sa manche.

« Ôte-toi de mon chemin, vieux

crapaud ! siffla Babillon Bourdon.

- Je vais devenir folle », se lamentait

Mme Trotte-Menu.

Elle s’enferma dans le cellier à

noisettes, pendant que M. Rodolphe

s’occupait du nid d’abeilles.

Apparemment, les piqûres ne lui

faisaient pas peur. Quand Madame

Trotte-Menu se risqua à sortir, il n’y avait

plus personne. Mais quel désordre !

« Jamais je n’ai vu ma maison dans

un état pareil - des traînées de miel,

de la mousse, des duvets de pissenlit,

des traces de pattes sales partout !

oh, ma pauvre petite maison ! »

gémissait-elle.

Page 11: Mille et une histoires 127

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Elle ramassa la mousse et ôta

les taches de cire. Puis elle sortit

chercher des brindilles pour boucher

une partie de sa porte d’entrée.

« Ce sera trop petit pour M. Rodolphe,

comme cela ! »

Elle alla chercher du savon mou,

un chiffon propre, et une brosse

à parquet toute neuve.

Mais elle était trop fatiguée pour

en faire davantage. Épuisée,

elle s’endormit sur une chaise,

et monta ensuite se coucher.

« Comment viendrai-je à bout

de tout ce désordre ? » se demandait

notre pauvre Mme Trotte-Menu.

Le lendemain matin, elle se leva

à l’aube, et commença un grand

nettoyage qui ne dura pas moins

de quinze jours. Elle frotta, balaya

dépoussiéra, Elle polit ses meubles

à la cire d’abeille, et nettoya

ses petites cuillères d’étain.

Page 12: Mille et une histoires 127

12

Quand tout fut étincelant de propreté, elle invita cinq de ses amis à déjeuner.

M. Rodolphe n’avait pas été convié. Alléché par les bonnes odeurs, il avait

passé le museau par la porte, mais n’avait pas réussi à entrer.

Alors, les souris lui passèrent par la fenêtre des coupelles de glands remplies

de miel, et il ne fut pas vexé le moins du monde. Il était assis au soleil, et ne

cessait pas de dire : « Coâ, coâ, coâ, à votre bonne santé, Mme Trotte-Menu ! »

Page 13: Mille et une histoires 127

« Savez-vous comment avaler un éléphant ? dit un prover-be africain, en le grignotant par petites bouchées ! » Une façon de dire que rien n’est impossible si on a confiance en soi (voir p. 44). C’est le cas de cette drôle de souris qui se distingue des autres ani-maux par son audace et sa malice...

13

Il était une fois en Afrique, un village où les hommes vivaient heureux car

leurs terres donnaient de belles récoltes. Hélas, un grand éléphant s’installe

dans les environs et, à chaque fois qu’il passe, il abîme les récoltes et écrase

les maisons avec ses énormes pattes. Les hommes ont beau essayer

de le faire fuir, aucun guerrier ni aucune flèche ne l’effraient.

La souris et l’éléphant

Page 14: Mille et une histoires 127

14

- Ça suffit ! s’exclame un matin le chef du village. Je vais aller trouver Nzamé,

le marabout, il saura faire partir le grand éléphant.

Après l’avoir écouté, Nzamé hoche la tête et déclare :

- Ce grand éléphant se croit plus fort que tout. Il faut lui faire peur !

Envoyez un animal plus fort que lui et il vous laissera tranquilles.

À ce moment, une petite souris sort de son trou et s’exclame :

- Je suis l’animal qu’il vous faut ! Je saurai faire peur au grand éléphant !

Les deux hommes éclatent de rire. Puis Nzamé dit :

- Toi, une petite souris, tu ferais peur au grand éléphant, alors qu’il ne craint pas

les meilleurs guerriers ? Non, il faut envoyer le léopard aux griffes acérées !

Page 15: Mille et une histoires 127

Les hommes envoient alors

un léopard à l’éléphant. Zou !

le léopard lui saute dessus et plante

ses griffes dans son dos. Mais le grand

éléphant en colère, se dresse

sur ses pattes arrière et vlan ! il jette

le léopard à terre. Effrayé, le fauve

se sauve et va tout raconter à Nzamé.

Le marabout déclare :

- Le grand éléphant n’a pas peur

du léopard, qui allons-nous envoyer ?

À ces mots, la petite souris sort

de son trou et dit encore :

- Moi ! je te dis, je saurai faire peur

au grand éléphant !

Mais Nzamé secoue la tête :

- Non ! Il nous faut plutôt le crocodile

aux dents longues et pointues.

Les hommes envoient alors

le crocodile à l’éléphant.

Il s’approche rapidement, la gueule

grande ouverte, prêt à le mordre.

Mais l’éléphant n’a pas peur du tout

et bing ! il lui donne un bon coup

de patte sur la tête.

Page 16: Mille et une histoires 127

Le crocodile s’enfuit sans demander

son reste et file chez le marabout.

Quand elle le voit arriver avec

sa bosse sur la tête, la souris s’écrie :

- Je vous l’avais bien dit ! C’est moi

qu’il vous faut !

Cette fois, Nzamé s’énerve :

- Retourne dans ton trou et cesse

de nous déranger ! Il nous faut le

serpent, au corps long et puissant.

Il saura faire peur au grand éléphant !

Les hommes envoient alors le serpent

à l’éléphant. Le serpent se cache

dans les hautes herbes. Quand il voit

le grand éléphant, il s’approche et

s’enroule autour de sa patte pour le

piquer. Mais l’éléphant secoue fort sa

patte et hop là ! il expédie le serpent

dans les airs. Les villageois pleurent :

- Le grand éléphant n’a peur ni

du léopard, ni du crocodile, ni du

serpent. Il n’a peur de

rien, il continuera à

abîmer nos récoltes et

à détruire nos maisons !

Page 17: Mille et une histoires 127

La petite souris passe encore la tête

hors de son trou et insiste :

- Moi, je ferai partir le grand éléphant.

Je lui ferai peur et croyez-moi,

il s’enfuira très loin !

Cette fois, Nzamé ne rit pas et ne se

met pas en colère. Il dit simplement :

- Très bien, puisque c’est ainsi,

va faire peur au grand éléphant.

La souris part d’un pas décidé.

Mais quand elle aperçoit l’éléphant,

elle se contente de le suivre en se

cachant dans les herbes. Les hommes

l’observent de loin et murmurent :

- Elle a peur. Elle nous a menti !

Comment une si petite bête

pourrait-elle faire fuir le grand

éléphant ?

Le soir venu, l’éléphant s’endort.

C’est alors que la souris

s’approche de lui et, “cric, cric”,

en deux coups de dents, elle

grignote la patte du grand

éléphant.

Page 18: Mille et une histoires 127

18

L’éléphant se réveille en sursaut, mais pfuit ! la petite bête disparaît dans

l’herbe.

- Qui me mord la patte ? s’écrie le grand éléphant, furieux qu’on le réveille.

Il n’y a personne ? Bon, j’ai dû faire un mauvais rêve…

Toute la nuit, la souris revient lui mordre la patte et, à chaque fois, le grand

éléphant se réveille, de plus en plus inquiet. Tout tremblant, il pense :

« C’est un démon qui m’attaque et il disparaît dès que j’ouvre l’œil ! »

Page 19: Mille et une histoires 127

19

Au petit matin, l’éléphant a mal à la patte et est très contrarié. Il se demande

bien qui l’a attaqué durant la nuit. Alors il va voir Nzamé, le marabout, et grogne :

- Nzamé ! Un grand et méchant démon est venu cette nuit pour me dévorer !

Protège-moi de lui !

À ces mots, Nzamé sourit. Puis il lui montre la petite souris et s’exclame :

- Le voilà ton grand démon ! Mais je te préviens, si tu abîmes de nouveau

les récoltes, il recommencera à te tourmenter !

Page 20: Mille et une histoires 127

20

La grosse bête a tellement peur que la souris revienne le grignoter

qu’il promet de se tenir à l’écart des maisons du village et de faire attention

aux champs. Puis il repart plutôt honteux, car les hommes se moquent de lui.

Ces derniers sont si contents qu’ils organisent une belle fête en l’honneur

de la souris qui a sauvé leur village. Toute la nuit, ils dansent au son

des tam-tam en mangeant des galettes. Et c’est depuis ce jour qu’on dit

que les éléphants n’ont peur de rien sauf… des souris !

Page 21: Mille et une histoires 127

Cette vieille histoire, tirée d’une fable d’Ésope, nous montre une fois encore que même si la solidarité est parfois de mise entre les animaux, il faut savoir rester sur ses gardes ! À l’image de cette coura-geuse maman souris qui ne perd pas le sens des réalités !

21

Il y a dans le grand bois, un chêne auprès duquel vivent des bêtes fort différentes.

Tout en haut, niche le vieux hibou. Au milieu du tronc, un peu plus bas, Dame

Belette s’est installée. Entre les racines du chêne, un gros chat sauvage aime

se prélasser et faire ses griffes sur l’écorce de l’arbre. Et puis, un peu plus loin

sous la terre, Sissi la petite souris grise a élu domicile...

La brave petite souris

Page 22: Mille et une histoires 127

22

Elle loge dans son terrier avec sa famille, trois mignons souriceaux qui jouent

du matin au soir à attrape-queue et à saute-raton. Mais ces trois souriceaux-là

ont toujours faim ! Chaque jour, Sissi doit leur rapporter des fruits, des graines, et

toutes sortes de bonnes choses à manger. Quel travail pour la petite souris !

Quand elle met le nez dehors, elle doit être prudente, car elle sait qu’autour

du grand chêne, plusieurs dangers la guettent : le chat sauvage, son vieil

ennemi, ainsi que Dame Belette et le hibou qui apprécient aussi les souris...

Page 23: Mille et une histoires 127

23

Page 24: Mille et une histoires 127

24

Et voilà qu’un matin, alors qu’elle sort faire des provisions, elle tombe sur le chat

sauvage. Sissi sursaute mais se rassure vite, car elle voit que le matou est tout

entortillé dans un grand filet.

- Mazette ! s’exclame la petite souris, assez contente de voir son ennemi

prisonnier. Qu’est-ce qui t’arrive ?

- Tu vois bien, grogne le chat, des chasseurs ont posé ce filet et me voilà pris !

Sissi rit un bon coup, puis fait demi-tour en sifflotant, son panier à la main...

Page 25: Mille et une histoires 127

25

Soudain... une feuille tombe.

La souris lève la tête et aperçoit

le vieux hibou sur sa branche qui

déploie ses ailes, prêt à foncer

sur elle. Sissi veut filer dans son terrier,

mais zut ! Dame Belette lui barre

la route ! « Par mes moustaches !

Je suis faite ! pense Sissi affolée.

Que vont devenir mes souriceaux si

je me fais croquer ? »

Le cœur de la pauvre petite souris

bat très fort. Si elle échappe aux

serres du hibou, ce sera pour tomber

entre les griffes de la belette. Alors, ni

une ni deux, Sissi s’approche du gros

chat tigré et chuchote à son oreille :

- Écoute, si tu me protèges du hibou

et de la belette, je promets

de te délivrer.

- Sornettes ! répond le chat.

Comment t’y prendras-tu pour

me sortir de là ?

- Eh bien, c’est simple, je rongerai

les mailles de ton filet, dit la souris.

- Marché conclu, dit le matou.

Page 26: Mille et une histoires 127

26

La moustache frémissante, il sort une

patte par un trou du filet et invite

la petite souris grise à s’y réfugier.

- Ne crains rien, viens, ronronne-t-il.

- Merci, souffle Sissi, pas très rassurée,

car les yeux du chat brillent

de gourmandise.

La voyant faire, Dame belette s’écrie :

- Cette souris est folle !

- Complètement, rétorque le hibou,

sur sa branche. Tant pis pour elle !

Déçus, la belette et le hibou

décident d’aller chasser plus loin.

Sissi se met tout de suite au travail.

Elle ronge patiemment les mailles

du filet. D’abord avec ardeur, puis,

petit à petit, elle ralentit...

Le chat trouve le temps long dans

son filet et il ronchonne :

- Alors, ça avance ? Tu traînes,

petite ! On dirait que tu n’as plus très

envie de me sortir de là.

- C’est que j’ai peur que tu

me croques dès que j’aurais fini,

murmure Sissi.

Page 27: Mille et une histoires 127

27

- Moi ? s’étonne le chat. Te croquer ? Quelle idée ! Je ne te toucherai même pas !

Mais la souris sait bien qu’elle ne devrait pas faire confiance à un chat et

elle ronge le filet, maille par maille, le plus lentement possible. Enfin, à force de

gagner du temps, voilà qu’un chasseur arrive sur le sentier... « Sauvée ! » pense

Sissi en croquant la dernière maille. Aussitôt, le chat sauvage court se cacher

dans un buisson tandis que Sissi se faufile tranquillement dans son trou.

Page 28: Mille et une histoires 127

28

Le chat a eu tellement peur du chasseur qu’il en a oublié la petite souris.

Et c’est tant mieux pour elle !

À son retour, les souriceaux de Sissi lui font la fête car leur maman a tout

de même eu le temps de cueillir quelques framboises au passage.

Quant au chat sauvage, on n’est pas près de le revoir dans le grand bois.

Il est trop honteux d’avoir été sauvé par une souris, pardi !

Page 29: Mille et une histoires 127

29

Il hurle de douleur, puis file chez Docteur Blaireau, qui lui dit :« Ne t’inquiète pas, je vais te soigner. »

Un renard était le chef d’un village. Un soir, il veut attraper une poule dans une ferme quand, clac ! un piège se referme sur sa queue, qui est coupée sur le champ !

Cette amu-sante fable de La Fontaine trouve sa source chez Ésope (“Le re-nard écourté”). Son message : méfions-nous de ceux qui nous conseillent par intérêt et non par bienveillance ! Ici le goupil, très persuasif, ne parvient pourtant pas à lancer sa drôle de mode !

La queue coupée

Page 30: Mille et une histoires 127

30

Pendant qu’il le soigne, Docteur Blaireau se met à rire. « Pourquoi ris-tu ? » grogne Renard. Le blaireau répond : « Vraiment, un renard sans queue, c’est trop ridicule... »

Renard lui dit : « Blaireau, si tu dis à quelqu’un que je n’ai plus de queue, je te croque illico ! »

Renard rentre chez lui et enfile une longue cape...

Puis il appelle les villageois et dit : « Chers amis, j’ai une chose importante à vous révéler... » Comme il est le chef, tout le monde l’écoute. « Il y a chez nous, les animaux, quelque chose d’inutile. Savez-vous ce que c’est ? »

Page 31: Mille et une histoires 127

31

L’âne propose : « Les oreilles ! » « Mais non, dit Renard, les oreilles servent à entendre ! » « Les taches ! » lance la vache.

« Non, dit Renard, ce qui est inutile, c’est la queue. C’est salissant, ça ne sert à rien... » Le chien dit : « Il n’a pas tort. » « Il a raison, ajoute le cheval, il faut toujours la peigner ! »

Le chat continue : « Moi, je dois la lécher, quel travail ! » « Eh bien, dit le renard, je propose que nous nous coupions tous cette chose inutile... » Le cochon dit : « Toi aussi, Renard, tu la couperas ? » « Heu, oui... comme tout le monde ! » répond Renard. Tous les animaux sont convaincus par l’idée du chef.

Page 32: Mille et une histoires 127

32

Tous, sauf le singe qui a sa petite idée. Il dit : « Moi, j’aime bien ma queue. Elle me sert à grimper...

... aux arbres ! Zou ! il grimpe sur la branche au-dessus du renard. Mais elle me sert aussi à autre chose... » « À quoi ? demande le renard en se retournant. « À démasquer les menteurs ! »

Et hop ! avec sa queue, le singe soulève la cape du renard. Tous se mettent à rire. « Tu les as bien eus, Renard. Tu as fait le malin, mais le singe l’est plus que toi ! » dit Docteur Blaireau.

Honteux, le renard s’en va. Il part pour un pays où les animaux n’ont pas de queue... Adieu Renard !

Page 33: Mille et une histoires 127

34

Impression fausse

ame souris trotte

Noire dans le gris du soir,

Dame souris trotte

Grise dans le noir.

On sonne la cloche,

Dormez, les bons prisonniers !

On sonne la cloche :

Faut que vous dormiez.

Pas de mauvais rêve,

Ne pensez qu’à vos amours.

Pas de mauvais rêve :

Les belles toujours !

Le grand clair de lune !

On ronfle ferme à côté.

Le grand clair de lune

En réalité !

Page 34: Mille et une histoires 127

35

Un nuage passe,

Il fait noir comme en un four.

Un nuage passe.

Tiens, le petit jour !

Dame souris trotte,

Rose dans les rayons bleus.

Dame souris trotte :

Debout, paresseux !

Paul Verlaine

Page 35: Mille et une histoires 127

36

Tonton James a pris son avion pour emmener Loulou et ses amis visiter des studios de cinéma en Amérique. « Hello Hollywood ! » s’écrie Tonton James en amorçant la descente.

Devant les studios, il leur présente son ami Steven qui est réalisateur de films.

« Vous voulez voir la voiture de Batman ? » propose Steven. « Oui ! » s’écrient les amis.

Loulou fait

du cinéma

Page 36: Mille et une histoires 127

37

Ils pénètrent alors dans un grand hangar où Steven leur montre la Batmobile, mais aussi la maquette d’un vrai bateau de pirates. « À l’abordage ! » lance Loulou en sautant sur le pont.

Puis Steven dit : « Vous aimez Toy Story ? » « Oui ! On va voir Buzz ? » dit Jean Édouard.

« Non, rit Steven, mais j’ai une panoplie de son copain Woody le shérif pour vous. »

« Allez les cow-boys ! dit Tonton James. Steven a un tournage à finir. On continue sans lui. »

« J’aimerais voir les décors de Ratatouille », dit Gudule. « On y va ! » lance James.

Page 37: Mille et une histoires 127

38

« C’est là ! » s’écrie Rocco. Près d’un ordinateur et d’une caméra, les amis aperçoivent plein de gourmandises miniatures. Hop ! Jean Édouard engloutit deux mini-gâteaux.

Mais pouah ! il les recrache illico. « Eh oui, explique Loulou. C’est de la pâte à modeler ! »

« Il y a même des petites casseroles et des mini-couverts. C’est trop mignon », sourit Gudule.

Soudain, un terrible cri résonne : « Au secours ! » « Quelqu’un a besoin d’aide ! » dit Loulou.

Vite, les amis se précipitent et découvrent une scène terrible…

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… un affreux vampire s’apprête à mordre le cou d’une jeune fille !

« À l’attaque ! » hurle Loulou. Les amis foncent sur le vampire et Loulou le saucissonne avec son lasso.

« Quelle entrée en scène ! » s’exclame Steven. « Oh, bredouille Loulou, on a gâché votre film ! »

« Au contraire, rit Steven. Vous m’avez donné une idée. Écoutez... »

Steven a apporté quelques changements à l’histoire du film. Il s’appellera Dracula chez les cow-boys et voilà comment nos amis font leurs débuts d’acteurs à Hollywood !

Page 39: Mille et une histoires 127

Retrouve toute la famille Perlimpinpin cachée dans l’image !

La famille Perlimpinpin au grenier

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Page 40: Mille et une histoires 127

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Page 41: Mille et une histoires 127

42

Spécialis-te de la représen-tation de repas, de bou-quets, d’oiseaux et de fruits, Georg Flegel (1566-1638) est considéré comme le premier peintre allemand de natures mortes. Apparues au XVIIe siècle, celles-ci mettent en scène des ob-jets chargés d’une signification spi-rituelle, souvent religieuse. Ici, par exemple, la souris symbolise le Mal ; le raisin, le sang du Christ ; le sucre, la connaissance, et les fleurs, le temps qui passe...

Mais la souris préfère cette friandise…

… ou cette noix.

Une pomme appétissante.

Des fruits secs, comme ces dattes.

Et des pièces d’argent.

… cette amande

Des grains de raisin bien brillants.

Elle s’approche d’un drôle de bâton en sucre. Osera-t-elle le grignoter ?

Voici des graines, comme cette noisette…

La souris gourmandeVois comme cette souris a l’air intéressée par ce qui est

sur cette table : des fruits, des graines, des fleurs et même des pièces d’argent. On appelle ce tableau

une nature morte. Retrouve ces détails.

DevinetteVois-tu le dessin d’un visage dans

le tableau ?

Page 42: Mille et une histoires 127

43

Nature morte, Georg Flegel. XVIIe siècle

Page 43: Mille et une histoires 127

44

UNE HISTOIRE QUI FAIT DU BIEN

Les animaux ont un rôle important

dans cette histoire, quelle est leur

fonction ?

Dans les contes africains, les animaux

sont de vrais personnages qui parlent

et agissent comme les hommes : ce

sont des animaux à « figure » humaine.

Ils conservent leurs caractéristiques

dans les rivalités qui les opposent

entre eux ou aux hommes. Ils sont

parfois aussi dans un compagnonnage

avec ceux-ci en les secourant. Ces

récits inscrivent les hommes et les

animaux, domestiques ou sauvages,

dans une communauté où le désir

d’assurer une alliance entre le monde

des hommes et des animaux, entre

les êtres et leur environnement, est

essentiel. En cela, l’animal est animé

d’une pensée et il endosse les quali-

tés et les défauts de l’homme. Sym-

boliquement, ils représentent nos

angoisses, nos peurs, nos désirs, nos

conflits. Ils deviennent ainsi le sup-

port d’identifications partielles ou

de projections affectives.

Et que représentent plus particuliè-

rement la souris et l’éléphant ?

La souris exprime la réduction de

taille, on parle communément de « la

petite souris » ! L’éléphant, au sens

large, symbolise la puissance, la force

physique mais aussi une taille impo-

sante ! Il occupe tout l’espace et limite

ainsi l’expression des autres en dic-

tant sa loi. En Afrique, c’est le chef

des animaux, le père. Dans le monde

imaginaire de l’enfant, les animaux

ont une place privilégiée, et lui

permettent une identifica-

tion aisée autour de diffé-

rentes composantes (faible,

fort, petit, désobéissant…)

Par cette proximité, l’enfant va parta-

ger des émotions et ainsi se reconnaî-

tre dans sa vie quotidienne. Tout

comme la petite souris du conte, dont

les propositions sont ignorées par le

chef du village et le marabout, ces

hautes autorités à qui on doit obéis-

sance, le petit enfant peut se sentir

écarté des conversations, des activi-

tés des « grands », jusqu’à se ressentir

limité dans ses expériences ou même

exclu de son environnement.

Quel enseignement les enfants reti-

reront-ils de cette histoire ?

Que les éléphants ont peur des sou-

ris ! Que le plus petit, malgré les épreu-

ves et les étapes à franchir, vient à bout

de ce qui paraît énorme, insurmonta-

ble. Cette petite souris obstinée est

une bouffée de réassurance pour les

enfants qui ont du mal à dépasser leurs

difficultés, et à affirmer leur personna-

lité. Peut-être aussi percevront-ils l’idée

qu’il y a une chance pour chacun et

que le plus fort n’a pas forcément le

dernier mot ! Car, s’épanouir, c’est être

le plus fort ou se sentir fort ?

ProPos recueillis Par

Valérie cheVereau

La souris et l’éléphantÀ sa manière, ce conte africain nous dit que rien n’est impossible, et qu’il faut savoir faire confiance aux « plus petits ». Commentaires de Dominique Naeger, psychologue.

Page 44: Mille et une histoires 127

Parents : des mythes, des images, des symboles

45

Souris et compagnieCheminant souvent auprès du hé-ros, jouant le rôle de conscience ou d’auxiliaire magique, les souris peu-plent les contes, les fables et les dessins animés. D’apparence vulné-rable, elles font preuve de malice et d’intelligence et n’ont pas leur pa-reil pour prendre la poudre d’es-campette. C’est sans doute pour cela que les jeunes lecteurs s’iden-tifient volontiers à cette petite bête, qui tient tête aux hommes comme aux éléphants ! La célèbre illustratrice anglaise, Beatrix Potter, a fait d’une souris une héroïne à part entière, avec L’histoire de Madame Trotte-Menu, que nous vous présentons exceptionnelle-ment dans ce numéro. Tournez la page et entrez dans l’univers fami-lier d’une étonnante créatrice...

Valérie CheVereau

« Il était une fois quatre petits lapins qui s’appelaient Flopsaut, Trotsaut, Queue-de-Coton et Pierre... » C’est ainsi que

débute l’histoire du célèbre Pierre Lapin (1902) qui fut inspirée à Beatrix Potter par ses propres animaux.

Page 45: Mille et une histoires 127

46

Une petite fille bien néeBeatrix Potter naît en 1866, à Londres, en

pleine ère victorienne. Helen et Ruppert

Potter, ses parents, sont issus de familles

d’industriels, et ils sont riches, très riches.

On ne manque de rien chez les Potter. Sauf,

peut-être, d’affection. La fillette est élevée,

comme le veut la tradition, par une gouver-

nante. Elle voit sa mère de loin en loin. Son

père, lui, est plus présent, plus attentif à

cette enfant unique. Elle a six ans quand

naît un petit frère, Bertram, qui deviendra

son meilleur ami. Le père, Ruppert Potter,

même s’il n’est pas obligé de travailler, est

avocat. Il côtoie la société la plus huppée de

Londres : penseurs, peintres et artistes sont

reçus dans la belle maison de Kensington.

Beatrix partage avec son frère, Bertram,

l’amour des animaux, et leur salle d’études

se transforme vite en arche de Noé. C’est là

qu’ils passent le plus clair de leur temps à

recueillir et soigner lapins, canards, souris,

grenouilles, hamsters ou hérissons... Beatrix

a neuf ans quand elle dessine son premier

lapin. Toute l’année, les enfants n’ont qu’une

idée en tête : partir pour l’Écosse. En effet,

quand l’été revient, la famille s’installe

durant trois mois dans un château loué pour

l’occasion. C’est là que Beatrix découvre

une autre passion qui ne la quittera jamais :

Beatrix PotterLa très grande dame

des tout petits livresElle a fait plus qu’écrire des livres pour enfants :

elle a créé un univers et a conquis son indépendance dans l’Angleterre victorienne. Histoire d’une femme

moderne au sacré tempérament.

Beatrix Potter (1866-1943)

devant chez elle à Sawrey,

vers 1907. Ses 23 contes

furent traduits en 35 langues

et vendus à 150 millions

d’exemplaires. Elle fit don de

sa fortune et de ses terres à

une organisation écologique.

En 2006, l’actrice Renée

Zellweger a incarné “Miss

Potter” à l’écran.

Grande amie des lapins,

Beatrix aimait en faire des

croquis

(ci-contre)

qui servirent

de modèles au

fameux “Peter

Rabbit”.

Page 46: Mille et une histoires 127

47

la campagne. En 1882, le manoir écossais

n’est pas libre et les Potter s’installent à

Lake District (la région des Lacs), dans le

nord de l’Angleterre. Beatrix y fait une ren-

contre capitale : le chanoine Canon Rawnsley

qui lui parle de l’environnement et la sensi-

bilise à l’écologie. Il deviendra l’un des fon-

dateurs de la National Trust, une organisa-

tion qui lutte contre l’urbanisation et la

construction des chemins de fer. Grande

observatrice de la nature, Beatrix devient

très jeune une aquarelliste hors pair. Elle

croque sans relâche animaux, champignons,

paysages... Son frère encourage ses talents

et, en 1890, il la pousse à envoyer ses créa-

tions à un éditeur de cartes de vœux. Elle

reçoit son premier salaire, qui symbolise

pour elle un pas vers l’indépendance.

Encore célibataire à vingt-quatre ans, elle ne

supporte plus de devoir tout à ses parents.

La naissance de Pierre LapinLorsqu’elle part en voyage, Beatrix envoie aux

enfants qu’elle connaît, de petites let tres

illustrées. Parfois, elle invente même des

histoires. En 1893, le petit Noël Moore, le

fils de son ancienne gouvernante, tombe

malade. Pour le distraire, Beatrix lui conte

les premières aventures de Pierre Lapin. Son

personnage lui plaît et, dans la foulée, elle

décide d’envoyer son histoire à plusieurs édi-

teurs. Tous refusent le manuscrit. Qu’à cela

ne tienne, Beatrix s’éditera elle-même ! Elle

imprime quelques exemplaires de son œuvre

qu’elle donne à ses proches. Un jour enfin,

les éditions Warne lui proposent de la publier

mais elle devra coloriser tous ses dessins.

Beatrix tient à ce que ses livres soient de

petite taille afin qu’ils « puissent tenir dans

Un lapin plein de ressources !

Femme d’affaires accomplie, Beatrix Potter pensa vite à utiliser ses personnages comme produits dérivés, “attractions dérivées”

disait-elle déjà, et elle déposa un brevet. Ainsi, après une poupée Pierre Lapin, vit-on

fleurir, service à thé, pelu ches, bouillottes ou mouchoirs à son effigie, à celle de Noisette l’écureuil ou

de Sophie Canétang…

Pierre Lapin, le personnage fétiche de Beatrix apparaît dans plusieurs histoires.

À gauche, Jeannot Lapin, où l’on retrouve Pierre en fâcheuse posture ! (1904).

En haut, Jeannot le console : « Pierre, chuchota Jeannot, qui t’a pris tes habits ? »

« C’est l’épouvantail de M. MacGregor, dit Pierre. »

À droite, études de têtes de lapins. Beatrix Potter disait : « Je n’invente pas,

je copie. J’écris pour mon propre plaisir, jamais sur commande. »

Page 47: Mille et une histoires 127

48

de petites mains ». Elle insiste également

pour qu’ils coûtent le moins cher possible

(un shilling) et en discute passionnément

avec Norman Warne, son éditeur. Son

talent réside dans la pré ci sion natura-

liste de son trait qui n’empêche pas l’an-

thropomorphisme de ses personnages.

Elle a aussi le goût du mot juste et

refuse la simplification de ses textes

ou la mièvrerie. En 1902, Pierre Lapin (The

Tale of Peter Rabbit) fait son entrée en librai-

rie et obtient un succès immédiat.

Une écologiste avant l’heureEn 1905, Beatrix est riche. Et toujours céli-

bataire. Malgré la pression sociale, qui trouve

incorrect qu’une femme du monde subvienne

à ses besoins, elle quitte sa famille et s’achète

un ravissant cottage à Sawrey, dans

la région des Lacs. Peu après,

Norman Warne lui demande

sa main. Elle n’a jamais été

aussi heureuse. Mais son

prétendant n’est qu’un

commerçant et les parents

de Beatrix s’opposent à leur

mariage. Beatrix se bat corps

et âme et parvient à un accord :

elle aura le droit de porter son

alliance, mais ne devra divulguer son union

à personne. Hélas, cinq semaines après sa

demande, Norman meurt d’une maladie ful-

gurante. Sa fiancée tente de se consoler en

faisant de longues promenades dans la cam-

pagne. Elle n’est pas le genre de femme à

se laisser aller. Elle aime la communauté

paysanne, les fermiers, le mode de vie rural,

qui est menacé par une urbanisation galo-

pante. Aussi, Beatrix décide de défendre les

valeurs auxquelles elle croit. Ses droits

d’auteurs sont importants : ils vont lui servir

à acheter toutes les terres environnantes et

à rebâtir les fermes abandonnées. Grâce à

elle, Lake District devient la région la plus

préservée du pays. Miss Potter finit par

se marier en 1913, avec William

Heelis, le notaire local, et elle

met un point final à l’écriture

de ses livres.

La légende raconte qu’elle se

promenait chaque jour sur les

terres sans fin de Sawrey.

Qu’elle s’habillait de robes infor-

mes et se chaussait de sabots.

Qu’elle se préoccupait des animaux

croisés sur son chemin. Les gens de la cam-

pagne l’aimaient, la reconnaissaient et l’on

venait parfois de loin pour la rencontrer. À

un ami paysan, elle demanda d’enfouir ses

cendres dans un endroit secret de sa pro-

priété. C’est ce qu’il fit, à la mort de Beatrix,

le 22 décembre 1943. Depuis, les lapins

Pierre, Flopsaut, Trotsaut et Queue-de-Coton

viennent parfois s’y recueillir… ■

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Ci-dessus, Le méchant petit

lapin (1906). À dr., le chat

du Tailleur de Gloucester

(1903). En bas,

Deux vilaines souris (1904).

La vie à Hill Top Farm

permettait à l’illustratrice

d’observer à loisir le petit

peuple des animaux.

Depuis 1946, sa maison

est ouverte au public

et reçoit toujours de

nombreux visiteurs.

Page 48: Mille et une histoires 127

49

La ronde des animaux

Pier

re Lapin et ses amis

Pierre Lapin (1902)Ce petit lapin gourmand et désobéissant veut

explorer le potager de Monsieur MacGregor alors que sa maman le lui a interdit…

Noisette l’écureuil (1903)L’écureuil effronté ose se moquer d’un vieux hibou.

Jérémie Pêche-à-la-Ligne (1906)Attaqué par une truite affamée, le crapaud réussit à se sauver grâce à son

imperméable dont le goût ne plaît pas du tout au poisson…

Tom Chaton (1907)Alors que sa maman l’a habillé avec soin car celle-ci reçoit de la visite,

Tom se salit et accumule les bêtises avec ses petites sœurs.

Sophie Canétang (1908)Sophie la cane naïve rencontre un rusé renard qui tente de la séduire.

Heureusement le chien de la ferme veille…

Madame Trotte-Menu (1910)La méticuleuse souris Madame Trotte-Menu ne supporte pas l’incursion

d’insectes dans son mignon terrier...

L’univers de Beatrix Potter comprend d’autres petits héros animaux dont les aventures sont parues dans la collection

« La Bibliothèque de Pierre Lapin » (Gallimard Jeunesse)

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SPÉCIAL VACANCES !

Le 6 avrilchez ton

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