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1 Année 2004-2005 Master de Biologie 1 ère année Spécialité 3 Mémoire de stage Microsatellites, parenté et distribution libre idéale : utilisation de méthodes de génétique des populations pour le test d’un modèle d’écologie comportementale Sarah FERRY Travaux réalisés sous la tutelle de Xavier Fauvergue, Thomas Guillemaud et Cédric Tentelier Equipe Biologie des Populations en Interactions Unité Mixte de Recherche INRA-UNSA n°1112 Réponse des Organismes aux Stress Environnementaux 400, route des Chappes 06903 Sophia-Antipolis

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Année 2004-2005

Master de Biologie 1ère année Spécialité 3

Mémoire de stage

Microsatellites, parenté et distribution libre idéale :

utilisation de méthodes de génétique des populations pour

le test d’un modèle d’écologie comportementale

Sarah FERRY

Travaux réalisés sous la tutelle de

Xavier Fauvergue, Thomas Guillemaud

et Cédric Tentelier

Equipe Biologie des Populations en Interactions

Unité Mixte de Recherche INRA-UNSA n°1112 Réponse des Organismes aux Stress

Environnementaux

400, route des Chappes 06903 Sophia-Antipolis

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RESUME

Ce rapport présente le test expérimental des prédictions d’un modèle théorique

d’écologie comportementale, la distribution libre idéale (Fretwell & Lucas 1970), via

l’utilisation de méthodes de génétique des populations. Ce modèle formalise l’exploitation de

ressources distribuées en agrégats dans l’environnement par des consommateurs en

compétition pour cette ressource. Il prédit une distribution évolutivement stable en

conséquence d’un comportement individuel optimal. En théorie, l’équilibre est atteint lorsque

l’acquisition de la ressource est identique sur tous les agrégats. Pour tester cette prédiction,

nous avons étudié un système d’insectes hôte-parasitoïde dans lequel l’hôte, le puceron Aphis

nerii, constitue la ressource et le parasitoïde Lysiphlebus testaceipes, le consommateur. Pour

L. testaceipes, le comportement d’exploitation de la ressource est le suivant : pondre ses œufs

dans les pucerons et de ce fait produire des descendants dans les colonies que forment les

pucerons. Dans ce cas, l’équilibre est atteint lorsque toutes les femelles produisent le même

nombre de descendants sur toutes les colonies. La population testée est une population

naturelle, échantillonnée sur haie de laurier en 2004. Le polymorphisme génétique neutre de

dix marqueurs microsatellites a permis d’estimer, par une analyse génétique de parenté, les

liens de filiation des descendants déposés dans chaque colonie et rétrospectivement d’estimer

le succès reproducteur des femelles. Les résultats montrent qu’un équilibre est atteint mais

que ce n’est pas celui prédit par l’IFD. La méthodologie toute nouvelle utilisée pour cette

étude, basée sur les analyses de parenté quand les génotypes parentaux sont inconnus, doit

encore être perfectionnée.

Mots-clefs : IFD ; parasitoïde ; Lysiphlebus testaceipes ; marqueurs moléculaires ; analyse de

parenté

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SOMMAIRE

INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE 4

1) L’évolution à travers l’écologie comportementale et la génétique des populations 4

2) Le concept de la distribution libre idéale 6a) Généralités 6 b) Hypothèses 7 c) Prédictions 9

3) Le modèle biologique 11

OBJECTIFS 12

MATERIELS ET METHODES 13

1) Principe général de l’étude 13

2) Echantillonnage 15 a) Récolte des individus en population naturelle 15 b) Emergence des parasitoïdes 15

3) Génotypage des individus 16 a) Extraction de l’ADN 16 b) Les réactions de polymérisation en chaîne 16 c) Séparation et détection des fragments 18 4) Analyse statistique 18

RESULTATS ET DISCUSSION 22

1) Résultats 22 a) Description de la population 22 b) Prédiction sur l’égalité des fitness 24 c) Prédiction sur la distribution des compétiteurs 27

2) Discussion 28

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 31 BIBLIOGRAPHIE 32

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INTRODUCTION

1) L’évolution à travers l’écologie comportementale et la génétique des populations

L’évolution biologique est un processus par lequel les espèces se modifient par

transformations successives. Dans le modèle darwinien, c’est la lente action de la sélection

naturelle qui épluche le grand nombre de petites modifications insignifiantes qui touchent les

organismes et qui dicte les changements évolutifs et les adaptations du monde vivant

(Schwartz, 2002). Au cours du 20ème siècle, l’étude de l’évolution du vivant s’est scindée en

deux courants de pensée distincts, avec d’un coté la théorie des jeux et l’optimalité et de

l’autre la génétique des populations (Marrow et al., 1996).

La théorie de l’optimisation et la théorie des jeux représentent un schéma de pensées

sur lequel l’écologie comportementale se base pour étudier l’évolution. Cette discipline a pour

but d’étudier le comportement animal selon une perspective adaptative, c'est-à-dire qu’elle

fait l’hypothèse que les comportements réalisés résultent de la sélection naturelle. Elle utilise

des modèles d’optimisation ou de théorie des jeux pour comprendre ou prédire les stratégies

comportementales adoptées au sein d’une population au cours des générations et ainsi

rechercher une stratégie optimale ou évolutivement stable (ESS pour evolutionarily stable

strategy). Une stratégie évolutivement stable est définie par Maynard-Smith et Price (1973)

comme la meilleure stratégie en terme de coût et de bénéfice adoptée par les individus d’une

population, et qui de ce fait ne peut être détrônée par aucune autre stratégie. C’est un

comportement idéal qui maximise le succès reproducteur des individus qui l’adoptent. L’ESS

est une stratégie qui peut être sélectionnée au cours des générations car elle maximise la

fitness, c'est-à-dire le succès reproducteur. Cependant des contraintes physiques,

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développementales et génétiques (épistasie, dominance, etc.), qui ne sont pas prises en compte

dans ces modèles, peuvent compromettre leur réalisation.

La génétique des populations, de son coté, est une discipline permettant d’étudier

l’évolution des populations à travers le prisme de leur gène. Elle se base sur deux idées

principales : 1) ce sont les gènes qui déterminent les caractères phénotypiques, y compris

comportementaux. La génétique des populations s’intéresse à leur évolution dans le temps et

permet de faire des prédictions évolutives précises qui incorporent des détails génétiques

(Roughgarden, 1996). 2) Les gènes sont les meilleurs marqueurs pour estimer les relations de

parenté ou de proximité génétique entre individus (structures génétiques des populations).

Leur étude permet donc d’analyser les systèmes de reproduction, les relations sociales entre

individus suivant leur apparentement, etc. La génétique des populations intègre d’autres

moteurs que la sélection naturelle dans son approche de l’évolution tels que les mutations, la

dérive, la migration, les systèmes de reproduction, etc (Roughgarden, 1996). Lorsque la

génétique des populations a pour but d’analyser la structure génétique des populations, la

plupart des modèles théoriques sous-jacents font l’hypothèse qu’il n’y a pas de sélection. En

pratique, les généticiens des populations travaillent avec des marqueurs moléculaires qui sont

supposés na pas être soumis à la sélection naturelle (microsatellites, minisatellites, etc.).

Ces deux disciplines restent bien disjointes, cependant de nouveaux concepts apparus

récemment (comme la théorie du « tramway » de Hammerstein) ont vu le jour et permettent

une réconciliation entre les deux courants de pensées(Marrow et al., 1996). Le thème de

recherche de ce stage entre dans cette problématique. Il s’agit de faire un lien entre génétique

des populations et écologie comportementale en utilisant des méthodes de génétique des

populations dans le but de tester un modèle d’écologie comportementale.

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2) Le concept de la Distribution Libre Idéale

a) Généralités

Bien souvent dans la nature, les ressources (nourriture, proies, hôtes, sites de

reproduction, etc.) sont distribuées de façon hétérogène. Elles forment des agrégats de qualités

différentes et distants les uns des autres que l’on nomme « patchs ». L’exploitation de ces

patchs de ressources par un organisme de niveau trophique supérieur (prédateur, parasite)

engendre un gain (énergie calorifique, nombre de descendants, etc). Dans la perspective de

maximiser ce gain, cet organisme ira sur les patchs de bonne qualité, c'est-à-dire riches en

ressources. Cependant, l’exploitation simultanée d’un patch de ressources par plusieurs

organismes peut engendrer une gêne mutuelle (généralement appelée interférence) qui peut

alors faire diminuer le gain (Sutherland, 1983). En conséquence, le gain sur un patch dépend

donc non seulement de la densité de ressources disponibles mais aussi de la densité

d’organismes présents en compétition pour la ressource, si bien qu’il existe une distribution

des compétiteurs à l’équilibre pour laquelle la perte liée à la densité de compétiteurs

compense exactement le gain lié à la densité de ressources. Cet équilibre correspond à

l’égalité des gains individuels sur chaque patch. Il représente la prédiction majeure de la

Distribution Libre Idéale (IFD pour « Ideal Free Distribution »), proposée par Fretwell et

Lucas en 1970. Ces derniers proposent le nom d’IFD car les compétiteurs sont supposés être à

la fois idéaux (dans la mesure où ils connaissent la qualité de tous les patchs) et libres (de se

déplacer entre les patchs) (Weber, 1998; Tregenza, 1996). L’IFD est quantitativement la

meilleure façon de se distribuer autour de la ressource (Cézilly and Benhamou, 1996) et de ce

fait, l’IFD est une stratégie évolutivement stable. En effet, tant que les gains individuels sur

chaque patch ne sont pas égaux, les compétiteurs qui gagnent moins doivent se redistribuer

vers les patchs sur lesquels le gain est supérieur, si bien que l’équilibre n’est atteint que

lorsque les gains sont identiques sur tous les patchs.

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L’IFD est un modèle qui peut permettre de lier l’écologie comportementale et la

génétique des populations. En effet, si les compétiteurs déposent des descendants sur les

patchs, alors l’IFD se traduit en une structure génétique intra-populationnelle (apparentement

entre patchs et à l’intérieur des patchs) particulière. Dans ce cas, il est alors possible de

connecter les stratégies comportementales liées à la dispersion des compétiteurs entre les

patchs et les structures génétiques populationnelles engendrées par ces stratégies.

b) Hypothèses

Le modèle initial de Fretwell et Lucas (1970) est caractérisé par six hypothèses : 1) les

ressources sont distribuées en patchs ; 2) les compétiteurs ont tous la même capacité à

exploiter un patch et sont égaux face à la compétition (l’interférence est propre à une espèce

donnée) ; 3) les compétiteurs peuvent circuler librement entre les patchs ; 4) les compétiteurs

sont omniscients, i.e. ils ont une connaissance complète de l’environnement, et donc, du gain

réalisable sur tous les patchs ; 5) il n’y a pas de déplétion de la ressource : elle reste constante

dans le temps ; 6) le gain d’un compétiteur, dû à l’exploitation d’un patch, augmente avec la

densité de ressources dans le patch et diminue avec la densité de compétiteurs présent sur le

patch, donc seules ces deux variables limitent le gain (Kacelnik et al., 1992; Kennedy and

Gray, 1993; Tregenza, 1996). La réponse fonctionnelle de type II permet de modéliser de

manière assez réaliste cette dernière hypothèse (Kacelnik et al., 1992) (figure 1). Le gain

individuel obtenu sur un patch i, W i , correspond au gain résultant du comportement

d’exploitation de la ressource par un compétiteur sur le patch face à la variation de densité de

ressource et de la densité de compétiteurs présents. Il peut être formalisé de la manière

suivante :

)...(1...

thCRQCRTQW m

ii

mii

i −

+= équation 1

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où Q représente l’efficacité de recherche de la ressource (constante pour une espèce donnée,

surface/temps) ; iR est la densité de ressources disponibles sur le patch i (#/surface), iC , la

densité de compétiteurs présents sur le patch i (#/surface), m le coefficient d’interférence

(constante pour une espèce donnée), T le temps total d’exploitation (temps)et th le temps de

manipulation (temps) (Kacelnik et al., 1992; Sutherland, 1983). L’hypothèse d’égalité des

compétiteurs 1, 2 et 3 sur un patch i se formalise ainsi :

iii WWW 321 == équation 2

0

20

40

60

80

100

35

79

1113

1517

19 0

100

200

300400

500

Wi

Ci

Ri

A

B

Figure 1 Gain d’un compétiteur en fonction de la densité de compétiteurs (Ci) et de la densité de ressource (Ri). Ce graphique matérialise la réponse fonctionnelle c'est-à-dire les effets simultanés de la densité de ressource et de la densité de compétiteurs lorsque l’interférence est faible. Wi augmente lorsque Ri augmente, et diminue lorsque Ci augmente. L’équilibre représenté par la droite continue est atteint lorsque Wi ne varie plus quel que soient les valeurs de Ci et Ri. Par exemple, un compétiteur sur le patch A caractérisé par 3 compétiteurs et 170 ressources aura le même gain qu’un compétiteur sur le patch B caractérisé par 8 compétiteurs et 440 ressources.

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c) Prédictions

Ces hypothèses combinées avec le fait que chaque compétiteur se déplacera sur les

patchs où il pourra obtenir un gain maximal, mènent à deux prédictions interdépendantes sur

la distribution des compétiteurs à l’équilibre :

• Prédiction sur l’égalité des gains individuels:

La conséquence de la recherche de maximisation du gain par tous les compétiteurs

entraîne l’égalité des gains de chaque individu 1, 2, 3, etc sur chaque patch i, j, etc de

l’environnement (Kacelnik et al., 1992):

jjiii WWWWW 21321 .. ===== équation 3

Cela implique la compensation de l’effet initial positif de la densité de ressources et de l’effet

négatif de la densité de compétiteurs sur le gain (Fauvergue et al., 2005a) (cf figure 1).

• Prédiction sur la distribution des compétiteurs :

Lorsque les gains individuels sur chaque patch sont égaux, le développement de

l’équation 1 conduit à une nouvelle équation :

mii RC1

.α= équation 4

(α représente une constante).

Cette équation signifie que la densité de compétiteurs est fonction de la densité de ressources

dans chaque patch et du degré d’interférence. Au niveau biologique cela se traduit par la

concentration des individus sur les patchs de bonne qualité et la fuite des patchs de mauvaise

qualité. Mais ce phénomène, que l’on appelle agrégation, est complètement dépendant du

degré d’interférence. En effet, une faible interférence (m = 0,1) conduira à une forte

agrégation des individus et une forte interférence (m = 0,9) empêchera l’agrégation des

individus (figure 2). Les valeurs publiées de m varient entre 0 (pas d’interférence) et 1,13

(Sutherland, 1983)

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Schéma A

0

2E+13

4E+13

6E+13

8E+13

1E+14

1.2E+14

0 5 10 15 20 25 30

Densité de ressources (Ri )

Den

sité

deco

mpé

titeu

rs(C

i)

Schéma B

02468

101214161820

0 5 10 15 20 25 30

Densité de ressources (Ri )

Den

sité

desc

ompé

titeu

r(Ci)

Figure 2 : Densité de compétiteurs (Ci) en fonction de la densité de ressources (Ri) lorsque l’interférence varie. Dans le cas d’une faible interférence (schéma A), les compétiteurs s’agrègent sur les patchs les plus riches en ressources, dans le cas d’une forte interférence (schéma B), les compétiteurs la densité de compétiteurs augmente avec la densité des ressources.

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3) Le modèle biologique

Le système biologique étudié est un système d’insectes hôte-parasitoïde dans lequel le

parasitoïde est envisagé comme le consommateur, et l’hôte comme la ressource. Lysiphlebus

testaceipes (Hymenoptera : Braconidae) est un endoparasitoïde primaire de pucerons,

rencontré sur plus de 100 espèces de pucerons, elles même présentes sur un grand nombre

d’espèces de plantes différentes. Un parasitoïde peut être défini comme étant « un organisme

qui se développe sur (ectoparasitoïde) ou dans (endoparasitoïde) un autre organisme, son hôte,

en tire sa subsistance et le tue comme résultat direct ou indirect de son développement »

(Eggleton et Gaston 1990). Le parasitoïde est un parasite prothélien, i.e. c’est le stade larvaire

qui consomme l’hôte, alors que l’adulte vit à l’état libre. Dans le cas des endoparasitoïdes, les

femelles passent une partie de leur vie à chercher un hôte dans le but d’y introduire un ou

plusieurs œufs. La plupart des parasitoïdes appartiennent à l’ordre des hyménoptères (cet

ordre comprend fourmis, abeilles, guêpes etc.). Ils ont une reproduction de type haplo-

diploïde, certains œufs sont fécondés et donnent naissance à des femelles diploïdes alors que

les œufs non fécondés donnent naissance à des mâles haploïdes par parthénogenèse. L.

testaceipes est un parasitoïde solitaire ce qui signifie que seule une larve peut se développer à

partir d’un hôte, même si plusieurs œufs ont été déposés dans un puceron (auquel cas il s’agit

de superparasitisme). Au cours du développement larvaire, la larve du parasitoïde se nourrit

dans un premier temps de l’hémolymphe de son hôte, puis progressivement, elle s’attaque à

ses organes vitaux et entraîne sa mort. Environ deux semaines après la ponte, un adulte

parasitoïde émerge du puceron hôte dont il ne reste plus qu’une cuticule beige, la momie.

Aphis nerii (Homoptera : Aphididae), constituant la ressource dans ce système, est un puceron

faisant partie du large spectre d’hôtes de L. testaceipes. C’est un ravageur de plantes

ornementales, dont les Apocynaceae (pervenches, laurier rose, etc) et les Asclepiadaceae

(plantes grasses), Euphorbiaceae (ricin, manioc, etc). Il est retrouvé sur de nombreuses

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espèces végétales mais sa plante hôte principale est le laurier rose Nerium oleander. Il est

cosmopolite et probablement originaire des régions méditerranéennes.

Ce système d’insectes hôtes-parasitoïdes est satisfaisant pour l’étude de l’IFD dans la

mesure où les traits d’histoire de vie des deux protagonistes sont en accord avec certaines des

hypothèses du modèle. Notamment, la première hypothèse du modèle est vérifiée, la

répartition démographique de l’hôte est typiquement agrégée en colonies discrètes

assimilables à des patchs. Parmi les autres hypothèses du modèle, l’omniscience des

compétiteurs n’est pas réaliste, néanmoins une population peut converger vers l’équilibre

théorique à condition que les individus estiment leur environnement via l’apprentissage

(Fauvergue et al., 2005a). Or L. testaceipes peut acquérir de l’information sur son

environnement via des processus cognitifs (Tentelier et al., 2005). Le système hôte-

parasitoïde en général est enfin très intéressant car le gain mesuré chez un parasitoïde se

mesure en nombre de descendants produits ce qui est mieux corrélé à la fitness directe, i.e. le

succès reproducteur, que les mesures de fitness indirecte couramment utilisées dans les

modèles d’IFD, comme le nombre de proies consommées par un nombre de prédateurs

(Tregenza et al., 1996).

OBJECTIF

Cette étude vise à tester les prédictions de la distribution libre idéale en déterminant si

dans une population naturelle de Lysiphlebus testaceipes la principale prédiction de ce

modèle, à savoir l’équilibre de distribution correspondant à l’égalité des gains, est vérifiée.

L’étude fait suite à une expérience, menée en serre sur le même parasitoïde en petite

population d’élevage, et dont le but était également de déterminer un équilibre de distribution

des compétiteurs en conditions expérimentales standardisées. Pour tester les prédictions de

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l’IFD, les deux variables de l’équation de la réponse fonctionnelle, à savoir Ri, la densité de

ressources disponibles et Ci, la densité de compétiteurs présents sur chaque patch, seront

quantifiées à partir des données de terrain obtenues. L’estimation de Wi, le nombre de

descendants produits par le parasitoïde par patch, et Ci sera rendue possible grâce à une

analyse de parenté reposant sur le polymorphisme génétique neutre de marqueurs

microsatellites. Cette analyse sera réalisée sur des parasitoïdes ayant émergé de momies

échantillonnées sur le terrain. C’est une mesure de fitness très précise qui contraste avec

l’étude menée en serre pour laquelle l’estimation de la fitness des fondatrices n’était pas

précise car elle se faisait par observations directes du comportement d’attaque et déduction du

nombre d’œuf déposés. La variabilité génétique associée aux microsatellites permettra de

révéler les structures de parentés existantes entre les individus analysés puis d’en déduire le

nombre de fondatrices par patch (Ci) et le nombre de descendants produits par fondatrice et

par patch (Wi). La densité de ressources sur chaque patch (Ri) sera estimée en comptant le

nombre de pucerons et de momies sur chaque colonie. Ces paramètres de reproduction

pourront ainsi être comparés aux prédictions théoriques de la distribution libre idéale

(équations 3 et 4).

MATERIELS ET METHODES

1) Principe général de l’étude

Une population naturelle de L. testaceipes est échantillonnée. Les momies de pucerons

sont récupérées dans le but d’attendre l’émergence des parasitoïdes. L’ADN de chaque

parasitoïde ayant émergé d’une momie est ensuite extrait pour effectuer une analyse génétique

suivie de tests de parenté. Cette analyse est rendue possible grâce à l’utilisation de neuf

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marqueurs microsatellites supposés hypervariables, développés et testés précédemment par

l’équipe BPI (Fauvergue et al., 2005b). Les marqueurs microsatellites sont des portions

particulières de l’ADN génomique, ou loci, qui présentent des répétitions en tandem de 2 à 6

nucléotides. La variabilité inter-individuelle recherchée est la variabilité du nombre de

répétitions en tandem. Il s’agit donc d’évaluer un polymorphisme de taille aux loci

microsatellites. L’intérêt d’utiliser des microsatellites plutôt que d’autres marqueurs

moléculaires pour l’analyse génétique de parenté est multiple, car les microsatellites

présentent la plupart des caractéristiques d’un « bon » marqueur génétique (Blouin, 2003;

Jarne and Lagoda, 1996; Queller et al., 1993). Dans un premier temps, ils sont très

polymorphes et donc très résolutifs pour les analyses de diversité génétique. Cette

caractéristique leur est conférée par un taux de mutation élevé (10-3 à 10-5 mutations par locus

et par génération) (Jarne and Lagoda, 1996). Ensuite, ils ont l’avantage d’être spécifiques,

c'est-à-dire d’être utilisables dans une seule ou quelques espèces proches, ce qui permet de

limiter les contaminations par d’autres organismes. En effet, les zones flanquantes d’ADN qui

les encadrent et qui servent à l’hybridation des amorces lors des réactions de polymérisation

en chaîne (PCR) sont souvent conservées aux niveaux spécifiques et variables aux niveaux

interspécifiques. D’autre part, ce sont des marqueurs codominants : les deux allèles d’un

hétérozygote sont détectables, ce qui rend les individus homozygotes et hétérozygotes

distinguables. Enfin, ces marqueurs sont insensibles aux effets du milieu, indépendants du

stade ou de l’organe analysés, et sont supposés évolutivement neutres. En effet, les mutations

des loci microsatellites n’ont théoriquement aucun effet phénotypique, à l’opposé des

marqueurs enzymatiques, longtemps utilisés en génétique des populations (Jarne and Lagoda,

1996). La parenté des parasitoïdes analysés sera calculée à partir de leur génotype multilocus,

et il s’agira de reconstituer les fratries selon une méthode de partitionnement de la diversité

génétique par maximum de vraisemblance.

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2) Echantillonnage

a) Récolte des individus en population naturelle

Les individus on été récoltés sur une haie de laurier rose à Juan-les-Pins (Alpes

Maritimes, France) en 2004. L’échantillonnage a été effectué sur 20 plantes à raison d’une

plante tous les 5 mètres, et donc sur une longueur totale de haie de 100 mètres. Dix colonies

de pucerons ont été collectées par plante. En général, les pucerons sont concentrés sur les

apex, et une colonie correspond à un agrégat de pucerons sur un apex. Les apex portant les

colonies ont été coupés et ramenés au laboratoire. Pour chaque colonie, les momies ont été

comptées, numérotées et isolées dans des tubes à hémolyse en verre. Les colonies ont ensuite

été placées individuellement dans des sacs de congélation à -20°C en attendant que les

pucerons soient comptés (au cours du stage).

b) Émergence des parasitoïdes

Chaque parasitoïde ayant émergé a été conservé dans un microtube (1,5 ml) contenant

de l’alcool à 70%. Ces insectes ont été identifiés au moyen d’une clé de détermination portant

sur la morphologie de l’insecte d’après les figures de P.Stary (forme des nervures alaires, du

premier segment abdominal, valve de l’ovipositeur, etc.). La détermination des insectes

permettra par la suite de prendre en compte le nombre de parasitoïdes secondaires dans les

analyses. Ces parasitoïdes parasitent les larves de parasitoïdes primaires, comme L.

testaceipes.

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3) Génotypage des individus

a) Extraction de l’ADN

L’ADN d’un organisme eucaryote peut être extrait en déstabilisant les deux

principales barrières qui le protégent (membrane cellulaire et membrane nucléaire). Cette

déstabilisation est rendue possible grâce à l’utilisation de produits actifs tels que les

protéinases et le chelex. L’extraction choisie a lieu selon une méthode au chelex modifiée

(Estoup et al., 1996).Quatre vingt quinze parasitoïdes sont retirés de leur tube de conservation

au moyen d’un pinceau fin, séchés et placés dans un puit d’une microplaque à PCR suivant un

plan préétabli, le dernier puit servant toujours de témoin négatif. Neuf µl de protéinase K (10

mg/ml) sont déposés dans chacun des 95 puits. Les individus sont alors écrasés au moyen

d’un pilon en plastique, puis 160µl de chelex 10% sont ajoutés à chacun des 95 puits. La

plaque subit un cycle de chauffage, réalisé dans un thermocycleur (Mastercycle, Eppendorf),

comprenant deux étapes : l’une à 55°C pendant 60 minutes et l’autre à 100°C durant 20

minutes.

b) Les réactions de polymérisation en chaîne

La réaction de polymérisation en chaîne va permettre d’isoler et d’amplifier en grand

nombre chacun des loci microsatellites d’intérêt. La spécificité de l’amplification d’un

microsatellite est déterminée par l’hybridation de deux amorces oligonucléotidiques

correspondants à une portion de chacune des deux régions flanquantes du locus. Grâce à une

technique particulière de PCR, la PCR multiplexée, plusieurs loci microsatellites peuvent être

amplifiés simultanément lors d’une réaction unique. La réalisation de cette technique a

nécessité une mise au point de la réaction portant sur le choix des loci multiplexés, les

concentrations des amorces et de l’ADN, et la température d’hybridation. Pour chaque locus,

l’amorce sens est couplée à un fluorochrome, ce qui permet de détecter les loci microsatellites

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après migration dans un polymère de séquenceur automatique. A l’issue des étapes de mise au

point des réactions, nous avons établi le protocole suivant a été déterminé :

Les dix microsatellites utilisés sont répartis en deux groupes afin de réaliser deux

réactions de PCR multiplexée : une PCR en duplexe (2 loci microsatellites), l’autre en

octoplexe (8 loci microsatellites). Pour chaque individu, la PCR duplexe est réalisée dans un

volume final de10µl contenant : 2 µM de chacune des quatre amorces spécifiques des loci

5158 et 5c4 (Fauvergue et al., 2005b); 1 µl d’ADN extrait au chelex, 5 µl de tampon

(QUIAGEN Multiplex PCR Kit) contenant la Taq polymérase et 3 µl d’eau osmosée.

L’amplification est réalisée dans un thermocycleur (TETRADE MJ Research Inc) selon le

programme suivant : une étape d’activation de la Taq polymerase à 95°C pendant 15 minutes

suivie d’une série d’étapes réalisées 30 fois comprenant la dénaturation de l’ADN durant 30

secondes à 94°C puis l’hybridation des amorces pendant 1 minute à 56°C et la polymérisation

pendant 1 minute à 72°C. Enfin une dernière étape à 60°C pendant 30 minutes sert à

l’élongation finale. La PCR octoplexe a lieu dans 10 µl de volume final contenant 2 µM de

chacune des amorces spécifiques des 8 loci microsatellites 6f4, 1158, 6b12, 5a12, H02, 5e1,

1b6, f10 (Fauvergue et al., 2005b), 1 µl d’extraction chelex, 5 µl de tampon (QUIAGEN

Multiplex PCR Kit) et 3 µl d’eau osmosée. L’amplification a été réalisée dans le même

thermocycleur que précédemment et selon le programme suivant : une étape d’activation de la

Taq polymerase à 95°C pendant 15 minutes suivie d’une série d’étapes réalisées 24 fois

comprenant la dénaturation de l’ADN durant 30 secondes à 94°C puis l’hybridation des

amorces pendant 1 minute à 52°C et la polymérisation pendant 1 minute à 72°C. Enfin une

dernière étape à 60°C pendant 30 minutes sert à l’élongation finale.

Page 18: Microsatellites, parenté et distribution libre idéale ... · Ce rapport présente le test expérimental des prédictions d’un modèle théorique ... une réconciliation entre

18

c) Séparation et détection des fragments

La séparation et la détection des microsatellites amplifiés se fait par une électrophorèse

capillaire réalisée sur un séquenceur automatique (ABI 3100 Genetic Analyzer). Les

fragments amplifiés sont injectés dans des capillaires de 36 cm remplis d’un polymère qui

sous l’influence d’un champ électrique, va séparer les fragments d’ADN. La taille de ces

fragments est déterminée par leur vitesse de migration dans les capillaires. Les résultats bruts

sont interprétés à l’aide du logiciel STRAND 2.2.241 (Acid Nucleic Analysis Software,

http://www.vgl.ucdavis.edu/informatics/STRand/) qui identifie la taille des allèles de chaque

locus microsatellite par comparaison à la vitesse de migration d’un marqueur de taille. Dans le

cas des femelles, i.e. des diploïdes, le génotype à un locus donné est obtenu en combinant la

taille de chacun des allèles à ce locus. Un individu est au final caractérisé par dix génotypes

aux dix loci microsatellites.

4) Analyse statistique

Une des hypothèses pour calculer une parenté stipule que la population parentale doit

être à l’équilibre d’Hardy-Weinberg, de façon à pouvoir déduire la fréquence des génotypes à

partir de la fréquence des allèles. Cet équilibre est normalement atteint lorsque la population

considérée est de grande taille, qu’il n’y a pas ou peu de migration entre cette population et

d’autres populations, que la reproduction se fait sans choix du partenaire sexuel et que les

allèles considérés ne sont pas soumis à la sélection. L’hypothèse de l’équilibre de Hardy-

Weinberg est testé à l’aide d’un test exact (Rousset and Raymond 1995) effectué avec le

logiciel GENEPOP ver. 1.2 (Raymond and Rousset, 1995)

(http://wbiomed.curtin.edu.au/genepop/).

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19

Le logiciel COLONY 1.2 (Wang, 2004) permet d’estimer l’apparentement des

individus au sein d’une population à partir de leur génotype multilocus. Il permet notamment

de déterminer quels individus sont frères et sœurs dans une population dont le génotype des

parents est inconnu (figure 4).

7 individus sur le patch i :

Individus 2, 3 et 4 apparentés

5 familles sur ce patch i :u, v, x, y et z

1

1

1

1

3

=

=

=

=

=

z

y

x

v

u

WWWWW

Maximisation de L

Figure 4 : Exemple de profils génétiques multilocus de 7 individus présents sur un même patch i. Chaque trait correspond à un allèle. Les différents loci microsatellites sont représentés par les différentes couleurs. Sur cette représentation, 7 individus ont été typés à chacun des dix loci. Une fois ces profils multilocus transférés dans COLONY, celui-ci détermine les familles les plus probables en fonction du génotype multilocus de chaque individu. L’analyse a regroupé ces individus en 5 familles et seuls les individus 2, 3 et 4 sont apparentés. Au final on sait que 5 fondatrices (Ci = 5) sont passées sur ce patch et quatre d’entre elles n’ont déposé qu’un seul descendant et une autre en a déposé trois.

La détermination du degré d’apparentement entre deux individus repose sur l’idée suivante :

la probabilité de partager 0, 1 ou 2 allèles identiques par descendance (i.e. d’allèles qui

descendent d’un même ancêtre commun) dépend du degré d’apparentement. Par exemple,

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deux pleines sœurs d’une espèce haplo-diploïde partagent au moins un allèle à chaque locus.

A partir des fréquences allèliques à chaque locus, il est possible de calculer la probabilité que

deux individus possèdent les génotypes G1 et G2 sachant leur degré d’apparentement R

(parent-enfant, frère-sœur, 1ers cousins, etc) :

( ) 221100 ...2;1 KPKPKPRGGP ++=

Les Pi représentent la probabilité que les deux individus aient les génotypes G1 et G2 s’ils ont

i allèles identiques par descendance et les coefficients d’apparentement Ki représentent la

probabilité que deux individus avec un certain degré d ‘apparentement partagent i allèles

identiques par descendance (Blouin, 2003). Ce type de calcul de probabilité peut être étendu à

des groupes contenants plus de deux individus et à plusieurs de ces groupes. On calcule alors

la vraisemblance d’un échantillon sachant une configuration d’apparentement (e.g. nombre de

fratries et composition des fratries) particulière Afin de déterminer la configuration

d’apparentement d’un échantillon la plus probable, il s’agira de maximiser la vraisemblance

de l’échantillon analysé (Wang, 2004). Le logiciel utilisé pour calculer l’apparentement des

individus est construit sur la base de ce raisonnement.

COLONY est un logiciel adapté aux espèces haplodiploïdes telle que L. testaceipes. Il

détermine, grâce à un algorithme de maximisation de la vraisemblance, la configuration

d’apparentement d’une population (nombre et composition des groupes frères-sœurs) la plus

probable étant donné les génotypes multilocus des individus analysés. En premier lieu, chacun

des n individus de la population échantillonnée forme une famille et la vraisemblance L de

cette configuration est calculée. Le principe repose sur le déplacement au hasard des individus

d’une famille à une autre (avec diminution possible du nombre de familles) et sur le calcul de

la vraisemblance correspondante. L’opération est renouvelée jusqu’à ce que la permutation

des individus entre famille ne permette plus d’augmenter la vraisemblance de la

Page 21: Microsatellites, parenté et distribution libre idéale ... · Ce rapport présente le test expérimental des prédictions d’un modèle théorique ... une réconciliation entre

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configuration. De cette manière, COLONY détermine le nombre de familles composant une

population d’individus ainsi que leur composition.

Les familles ainsi déterminées sont ensuite replacées dans les patchs auxquels les individus

appartiennent. Il est ainsi possible de déterminer combien de familles sont présentes sur les

patchs (Ci) et de déterminer combien de descendants par famille sont présents dans chacun

des patchs (Wi). Dans le but de renforcer la robustesse des résultats produits par COLONY et

de baisser le taux d’erreur dans la composition des familles, la population échantillonnée sur

la haie a été découpée en 15 sous populations d’une cinquantaine d’individus (Wang, 2004).

En effet, la fiabilité de l’analyse dépend du nombre d’individus inclus.

L’analyse statistique des données (Wi, Ci, et Ri) va servir à tester les prédictions du

modèle d’IFD c'est-à-dire à déterminer si les résultats obtenus s’écartent significativement des

résultats attendus en théorie, et dans quelle mesure. Le principe est d’ajuster un modèle

statistique aux données obtenues pour tester les effets des différentes variables considérées

(dans notre analyse, les variables considérées sont Wi, Ci et Ri). Le modèle ajusté pour ce

traitement statistique est un modèle linéaire généralisé (GLM). Il est ajusté aux données en

estimant les paramètres βi :

iiii CRW εβββ +++= 210 équation 5

εi correspondant aux résidus, c'est-à-dire à la variabilité aléatoire.

Le modèle linéaire généralisé permet de faire des régressions linéaires multiples lorsque la

distribution des données ne suit pas les hypothèses standard de normalité et

d’homoscédasticité. Les données de comptage (momies, pucerons, etc) utilisées ici suivent

une distribution de Poisson et avec une telle distribution, la variance est liée à la moyenne par

une relation d’égalité. Le but de cette analyse statistique est de tester l’hypothèse nulle c'est-à-

dire, 021 == ββ (ou W=β0+εi). A l’IFD, l’hypothèse nulle ne devrait pas être rejetée quand on

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teste l’égalité des fitness quelle que soient les densités d’hôtes et de compétiteurs. En

revanche, l'hypothèse nulle d'indépendance entre densité de compétiteurs et densité d’hôtes

devrait être rejetée à cause de l’agrégation des compétiteurs. Pour cela, on utilise un calcul de

rapport de vraisemblance qui teste la significativité des paramètres estimés. Le principe est de

comparer la vraisemblance du modèle avec le paramètre ( iiii CRW εβββ +++= 210 ) à la

vraisemblance d’un modèle emboîté sans ce paramètre considéré (e.g. )20 iii CW εββ ++= . Si

la vraisemblance du modèle considéré est significativement plus grande que celle du modèle

emboîté, alors le paramètre (ici β1) est considéré comme significatif )0( ≠β et la variable

associée à ce paramètre (ici Ri) a un effet. Ces analyses sont réalisées avec la procédure Proc

Genmod dans le logiciel statistique SAS (SAS Institute Inc., 1999)

RESULTATS ET DISCUSSION

1) Résultats

a) Description de la population

D’un point de vue purement descriptif, l’échantillonnage sur la haie donne les résultats

suivants : 116 485 pucerons ont été comptés, et 3 075 momies ont été récoltées et isolées. sur

un total de 214 patchs. L’émergence des parasitoïdes s’est déroulée sur une vingtaine de jours.

Au total, 1381 individus ont émergés dont 884 ont été identifiés comme Lysiphlebus

testaceipes et 497 comme autre que L. testaceipes (parasitoïde secondaire ou espèces

indéterminées). Pour environ deux tiers des momies il n’y a donc pas eu d’émergence

d’individus viables. Les raisons peuvent être diverses, comme une mauvaise manipulation des

momies lors de leur isolement, le passage d’un prédateur, etc. D’autres part, une fois sur trois,

c’est un hyperparasitoïde qui émerge d’une momie, révélant une forte pression

d’hyperparasitisme sur L. testaceipes.

Page 23: Microsatellites, parenté et distribution libre idéale ... · Ce rapport présente le test expérimental des prédictions d’un modèle théorique ... une réconciliation entre

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Les 884 individus L. testaceipes ayant émergés ont été génotypés aux dix loci mais le

génotypage a échoué pour 40 d’entres eux (4,5 % de l’ensemble). L’analyse de parenté a donc

été réalisée sur 844 individus. La lecture des génotypes s’est révélée fastidieuse à deux loci

qui ont été supprimés des analyses ultérieures. Le polymorphisme de chaque locus ainsi que

les fréquences allèliques correspondantes sont reportées dans le tableau 1. Les résultats

révèlent une faible variabilité génétique due à la surreprésentation d’un allèle par locus. En

effet, la plupart des loci sont faiblement polymorphes (entre 2 et 6 allèles), leur hétérozygotie

est très faible et les allèles ne sont pas équifréquents (la fréquence de certains allèles masque

en partie celles des autres). De plus, l’analyse de GENEPOP montre que la population n’est

pas à l’équilibre de Hardy-Weinberg : le Fis, qui mesure l’écart à Hardy-Weinberg, est

significativement supérieur à zéro à chaque locus, signifiant un déséquilibre par rapport à

Hardy-Weinberg.

Tableau 1. Variabilité génétique de chaque locus (le Fis représente l’écart à l’équilibre d’Hardy-Weinberg, p la probabilité de se tromper en rejetant H0 (Fis=0) en se trompant de 5% et l’hétérozygotie de Nei indique le taux d’hétérozygotie à caque locus)

Fréquence allèliques

Fis p hétérozygotie

Locus 1158 0,12 0,01 0,11 Allèle 1 0,05 Allèle 2 0,95

Locus 1b6 0,04 0,00 0,43 Allèle 1 0,00 Allèle 2 0,73 Allèle 3 0,24 Allèle 4 0,03

Locus 5a12 0,16 0,00 0,51 Allèle 1 0,54 Allèle 2 0,00 Allèle 3 0,44 Allèle 4 0,02

Locus 5c4 0,56 0,00 0,02 Allèle 1 0,00 Allèle 2 0,00 Allèle 3 0,99 Allèle 4 0,00 Allèle 5 0,00

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Allèle 6 0,00 Locus 5e1 0,16 0,02 0,04 Allèle 1 0,98 Allèle 2 0,02

6b12 0,19 0,00 0,16 Allèle 1 0,02 Allèle 2 0,00 Allèle 3 0,92 Allèle 4 0,00 Allèle 5 0,01 Allèle 6 0,05

Locus 6f4 0,01 0,09 0,60 Allèle 1 0,00 Allèle 2 0,18 Allèle 3 0,29 Allèle 4 0,00 Allèle 5 0,53

Locus H02 0,12 0,00 0,43 Allèle 1 0,70 Allèle 2 0,02 Allèle 3 0,04 Allèle 4 0,00 Allèle 5 0,24

Tableau 1, suite

Pour tester les prédictions du modèle, les informations écologiques (nombre d’hôtes, nombre

de momies, nombre de fondatrices, nombre de descendants L. testaceipes et nombre

d’hyperparasitoïdes) de 168 patchs ont été prises en compte, les patchs éliminés de l’analyse

ne présentant pas toutes les informations nécessaires. Cela amène les résultats de comptage à

95 482 pucerons, 2 784 momies, 819 L. testaceipes et 418 hyperparasitoïdes.

b) Prédictions sur l’égalité des fitness

La densité d’hôtes par patch n’a pas d’effet significatif sur la fitness des fondatrices

( 1364,0;22,2;0001,0 2 ==−= pχβ ). Ceci signifie que les fondatrices déposent le même

nombre de descendants quel que soit le nombre de pucerons par patch. La figure 5 présente

les résultats obtenus pour les tailles des portées des fondatrices ( iW ) en fonction de la densité

de pucerons par patch ( iR ).

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Densité de pucerons par patch(Ri)

0 1000 2000 3000 4000

Taill

ede

spor

tées

desf

onda

trice

spar

patc

h(W

i)

0

2

4

6

8

10

Figure 5 Taille des portées des fondatrices en fonction du nombre d’hôte par patch. Les cercles correspondent aux valeurs des variables Wi et Ci estimées via l’analyse génétique pour chaque patch considéré. La courbe d’équation

)0001,02616,0(ˆ ReW += représente l’espérance issue de l’ajustement du modèle statistique sur les données. Il n’y a pas d’effet significatif de la densité d’hôtes sur la taille des portées des fondatrices par patch.

Les cercles correspondants aux données sont assez dispersés sur le graphique, cela montre une

variabilité importante entre les patchs. Toutefois le coefficient de dispersion est inférieur à 1,

ce qui suggère une dispersion des données inférieure à celle attendue sous une distribution

Poissonienne. La taille des portées est plus souvent égale à 1 que ce que l’on attendrait, elle

est donc peu variable. En moyenne, il y a 1,3 descendant par fondatrice et par patch pour 443

pucerons par patch (entre 25 et 3 836). Pour vérifier l’absence d’effet de la densité d’hôtes sur

la taille des portées des fondatrices, une analyse de corrélation sur les rangs de Spearman

entre iW et iR a été réalisée. Cette analyse confirme l’absence de corrélation entre Wi et Ri

( 0894,0;13147,0 == pr ).

La taille des portées des fondatrices par patch est affectée positivement à la densité de

fondatrices par patch ( 0001,0;32,138;0566,0 2 ⟨== pχβ ). Ceci signifie que les fondatrices

déposent plus de descendants sur les patchs les plus fréquentés. La figure 6 présente les

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résultats obtenus pour les tailles des portées des fondatrices ( iW ) en fonction de leur densité

par patch ( iC ).

Densité de fondatrices par patch (Ci)

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18

Taill

ede

spor

tées

desf

onda

trice

spar

patc

h(W

i)

0

2

4

6

8

10

Figure 6 Taille des portées des fondatrices en fonction de leur densité par patch. Les valeurs de Ci et Wi obtenues sur chaque patch sont représentées par les cercles. Le diamètre des cercles est proportionnel à la quantité de valeurs superposées. La courbe d’équation

)0542,00359,0(ˆ CeW +−= représente l’espérance issue de l’ajustement du modèle statistique sur les données. Il y a un effet positif du nombre de fondatrices sur la fitness par patch.

En moyenne, il y a 3 fondatrices par patch (le nombre de fondatrices par patch pour l’analyse

est compris entre 1 et 17). De la même manière que pour la figure 5, la densité de descendants

par patch a un caractère peu variable du fait que la variabilité observée est inférieure à la

variabilité sous la distribution de poisson. La courbe d’ajustement montre que lorsque la

densité de fondatrices par patch augmente, le nombre de descendants d’une fondatrice double,

elle passe à peu près de 1 à 2. Pour vérifier l’absence d’effet de la densité de fondatrices sur la

taille des portées des fondatrices, une analyse de corrélation sur les rangs de Spearman entre

Wi et Ci a été réalisée. Cette analyse confirme la présence d’une corrélation entre Wi et Ci

( 0001,0;58113,0 ⟨= pr ).

Page 27: Microsatellites, parenté et distribution libre idéale ... · Ce rapport présente le test expérimental des prédictions d’un modèle théorique ... une réconciliation entre

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c) Prédiction numérique

La densité d’hôtes a un effet positif sur la densité de fondatrices par patch (β= 0,0002 ;

χ²= 5,96 ; p= 0,0146). Il y a une légère agrégation des fondatrices sur les patchs les plus riches

en hôtes, ce qui est en accord qualitatif avec les prédictions de l’IFD. La figure 7 montre les

résultats obtenus pour la densité de fondatrices (Ci) en fonction de la densité d’hôtes (Ri).

Densité d'hôtes par patch (Ri)

0 1000 2000 3000 4000

Den

sité

defo

ndat

rices

parp

atch

(Ci)

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

Figure 7 Densité de fondatrices en fonction de la densité d’hôtes par patch. Ce graphique rend compte du phénomène d’agrégation des fondatrices sur les patchs les plus riches en hôtes. Les cercles correspondent aux valeurs des deux variables sur chaque patch considéré. La courbe d’équation )0002,01214,1(ˆ iReC += représente le modèle théorique ajusté (moyenne : trait continu; intervalle de confiance à 95% : trait pointillé). Il y a ici un effet positif du nombre d’hôtes sur le nombre de fondatrices.

En moyenne il y a 3 fondatrices pour 443 pucerons par patch (les valeurs minimales et

maximales de nombre d’hôtes et de nombre de fondatrices sont les mêmes que celles écrites

précédemment). L’agrégation des fondatrices signifie que la distribution démographique de L.

testaceipes est dépendante de la densité d’hôtes. Une analyse de corrélation réalisée entre Ci

et Ri montre également une relation positive significative entre ces 2 variables

( 0001,0;31744,0 ⟨= pr ).

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2) Discussion

Le but de notre étude était de tester un modèle d’écologie comportementale à l’aide de

méthodes propres à la génétique des populations. Ce modèle, la distribution libre idéale

proposée par Fretwell & Lucas en 1970, a été testé sur une population naturelle d’un

parasitoïde de pucerons, Lysiphlebus testaceipes, dont les caractéristiques biologiques sont en

accord avec certaines hypothèses du modèle (Fauvergue et al., 2005a). Dans la présente étude,

la distribution observée ne semble pas être celle de l’IFD.

On constate une faible variabilité génétique dans la population. Ceci est un sérieux

problème pour la reconstitution des familles dans l’analyse de parenté car cette reconstruction

n’est réalisable que si des différences génétiques importantes existent entres individus de

façon à pouvoir les assigner à des familles différentes. Cette faible variabilité génétique peut

s’expliquer par le fait que la population de L. testaceipes a été fondée par un faible nombre

d’individus (effet de fondation). A cause de cette faible variabilité génétique, COLONY

risque de déterminer non pas une mais plusieurs configurations d’apparentement avec la

même probabilité. Autrement dit, par manque de variabilité génétique, la distribution des

vraisemblances risque d’être plate (la vraisemblance varie peu en fonction des différentes

configurations) et la reconstitution des familles sera différente à chaque nouvelle analyse. De

plus, si peu de femelles sont à l’origine de la population analysée, tous les descendants des

générations suivantes risquent d’être apparentés. De ce fait, une des hypothèses de l’analyse

de parenté, l’équilibre d’Hardy-Weinberg dans la population parentale des échantillons

analysés, risque d’être violée. Le nombre de générations écoulées entre l’arrivée des parents

fondateurs et les descendants typés est inconnu mais est probablement inférieur à 5. Ces deux

évènements (faible variabilité génétique et apparentement des parents) risquent de produire

des erreurs importantes dans l’analyse de parenté. Les résultats sont donc à prendre ; avec

précautions.

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Tous les résultats obtenus ne semblent pas en accord avec les prédictions théoriques de

l’IFD : les fondatrices (Ci) s’agrègent en fonction de la densité d’hôtes par patch (Ri) et leur

fitness (taille des portées) (Wi) ne dépend pas de la densité d’hôtes (ce qui est en accord avec

l’IFD), mais la taille des portées par fondatrices et par patch augmente avec la densité de

fondatrices (ce qui est en désaccord avec l’IFD). Dans ce modèle, caractérisé par deux

prédictions, l’équilibre est atteint uniquement si toutes les prédictions sont vérifiées. Les

prédictions n’étant pas toutes vérifiées on peut dire que l’équilibre d’IFD n’est pas atteint.

Il y a plus de femelles sur les patchs sur lesquels il y a plus de pucerons, et de la même

manière, les femelles déposent plus de descendants lorsqu’elles sont plus nombreuses. De ce

fait les femelles devraient déposer plus de descendants par patch lorsque il y a plus de

pucerons par patch. Or ce n’est pas le cas. Toutefois, il est fort probable que ce dernier

résultat soit dû à un biais de l’analyse de parenté. En effet dans le cas où peu de familles sont

reconstruites par COLONY, ces familles auront tendance à être de grande taille. Si on veut

répartir ce nombre de familles trouvées dans des patchs de ressources de tailles variables, on

risque de créer un biais statistique artéfactuel entre le nombre de familles par patch (Ci) et la

taille des portées par fondatrices par patch (Wi). En effet, les « petits patchs » (contenant peu

de descendants, typiquement un) contiendront peu de familles (typiquement une) et

descendants (typiquement un). En revanche, les « grands patchs » (contenant de nombreux

descendants) contiendront plus de familles et plusieurs descendants par famille. Si la relation

découverte entre Wi et Ci est bien due à un biais d’analyse, les résultats de cette étude ont

plutôt tendance à confirmer les prédictions de l’IFD (l’agrégation des fondatrices en fonction

de la densité d’hôtes et l’absence des effets de la densité de fondatrices par patch et de la

densité d’hôtes par patch sur la taille des portées par patch).

Toutefois, la fitness individuelle moyenne trouvée par patch est très faible (Wi = 1). Ce

résultat ne peut être affecté par le biais car COLONY a tendance a surestimer le nombre de

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descendants par famille (Wi = 1 ne peut en effet pas être une surestimation de la taille des

portées). Ce résultat est particulièrement intéressant. En effet, il parait surprenant qu’avec un

nombre moyen d’hôtes par patch de 443 il y ait aussi peu de descendants par fondatrices.

L’IFD fait l’hypothèse que le comportement d’exploitation est optimal (car il maximise la

fitness des fondatrices) et que c’est la densité de ressources qui limite le gain. Or, le ratio du

nombre moyen de momies sur le nombre moyen d’hôtes par patch (0,03) indique que le

nombre d’hôtes n’est pas ici le facteur limitant la fitness. Une des hypothèses principales de

l’IFD est donc violée. La distribution réalisée n’est donc probablement pas la distribution

libre idéale. Cette faible fitness par patch traduit une grande dispersion de chaque fondatrice

dans la haie. Une forte pression de prédation pourrait expliquer ces résultats. La pression

d’hyperparasitisme observée est très importante. Elle pourrait donc expliquer l’apparente

dispersion de L. testaceipes. De plus, en étudiant le nombre d’hyperparasitoïdes en fonction

de la densité de momies et de la densité de pucerons, on constate qu’il y a une forte

corrélation avec les momies ( 0001,0;73721,0 ⟨= pr ) mais aucune avec la densité des

pucerons ( 3934,0;06627,0 == pr ). Ceci signifie que la distribution des hyperparasitoïdes

suit celle des parasitoïdes et non celle des pucerons. De ce fait, une femelle parasitoïde qui

veut éviter l’hyperparasitisme de ses descendants, aura intérêt à éviter les patchs sur lesquels

il y a des momies qui risquent d’attirer les hyperparasitoïdes, et donc à ne pas trop s’agréger.

Elle aura égalementi intérêt à ne pas trop déposer de descendants par patch pour qu’il n’y ait

pas trop de momies. Dans ces conditions, le fort hyperparasitisme subit par les femelles va les

contraindre à disperser leurs descendants. Une autre hypothèse pourrait être avancée. Des

fourmis ont été observées sur la haie lors de la période de reproduction de L. testaceipes. Se

nourrissant du miellat produit par les pucerons, elles protègent les colonies de toute attaque de

prédateurs (X. Fauvergue communication. personnelle.). Cette barrière de protection autour

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des pucerons et fort gênante pour les fondatrices expliquerait la faible fitness observée sur

chaque patch.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Cette étude utilise une analyse génétique d’apparentement pour tester un modèle

d’écologie comportementale. La faible variabilité génétique associée à la population

échantillonnée affecte fortement la méthode permettant le calcul de l’apparentement des

individus. Cette faible variabilité observée est probablement due à un effet fondateur

important. Si tel est le cas, il ne sera pas possible de déterminer la composition exacte des

familles la constituant, même en augmentant le nombre de loci microsatellites. Il paraît donc

urgent d’analyser d’autres populations de Lysiphlebus testaceipes pour vérifier si cette faible

variabilité est une caractéristique biologique de l’espèce ou un cas isolé. Toutefois, dans cette

étude, les biais d’analyse ne semblent pas affecter le résultat biologique d’une forte dispersion

des parasitoïdes dans la haie. Les raisons de cette forte dispersion sont actuellement inconnues

mais des observations préliminaires sur le terrain, notamment sur la prédation et

l’hyperparasitisme qui a lieu sur L. testaceipes, pourraient expliquer en partie les résultats

observés. Des études complémentaires sur la prédation et l'hyperparasitisme sont donc

nécessaires à la poursuite de ce travail.

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