methodes numeriques en mecanique des...

2
METHODES NUMERIQUES EN MECANIQUE DES SOLIDES Alain CURNIER Notes de lecture par Philippe PASQUET, CISI L'enseignement des méthodes numériques telles que la méthode des éléments finis est, depuis une trentaine d'années, confronté à deux écoles opposées (mathématicienne et physicienne) mais également estimables si leur but est de former des ingénieurs et non des théoriciens jonglant avec espaces de Sobolev et lemme de Lax-Millgram. L'idéal est la complémentarité, qui consiste à donner aux ingénieurs un solide bagage théorique permettant d'aborder plusieurs types de problèmes et pas seulement de lire les notices d'utilisation des codes généraux, même s'ils sont de plus en plus sophistiqués. En ce sens, la présentation de la méthode des éléments finis a retenu l'attention de maints auteurs, aussi bien anglophones que francophones. Chacun de leurs ouvrages est le résultat d'un travail original, reflet d'une expérience personnelle. Nous avons tous en mémoire des titres que l'on consultera plus volontiers si l'on s'intéresse à la formulation des éléments, à la dynamique des structures, ou au comportement non linéaire. Aucun de ces livres ne peut toutefois préten- dre à l'exhaustivité. Il n'existait pas, à notre connaissance, d'ouvrage permettant une approche globale et équitable des méthodes numériques les plus utilisées en statique, en dynamique, en non linéaire. Ce vide vient d'être en partie comblé par Alain Curnier avec Méthodes numériques en mécanique des solides (paru aux Presses Polytechniques et Universitaires Romandes), qui se présente comme une tentative d'unification en s'intéressant à la description spatiale, à la résolution des systèmes non linéaires et aux algorithmes de résolution dynamique pour tous les problèmes de la mécanique, qu'ils soient représentés par des équations différentielles elliptiques (divergence σ = constante), paraboliques (T = dT/dt) ou hyperboliques (divergence σ = d²u/dt²). Comme dans la majorité des ouvrages, l'auteur rencontre dès le départ deux écueils : l'intro- duction et les notations. En ce qui concerne l'introduction, il choisit le modèle barre pour présenter l'ensemble des ingrédients qu'il utilisera dans les chapitres suivants en mécanique ou en thermique. Ce modèle – qui a l'avantage d'être simple puisqu'il permet, dans la majorité des cas, des développements manuels – donne aussi l'occasion de préciser les notations qui sont un peu déroutantes, bien que parfaitement décrites. Par exemple, la loi de Hooke s'écrit S = ε . E, avec ε = module de Young et E = déformation de Green-Lagrange ! Conscient de l'originalité de ses notations, l'auteur ponctue à plusieurs reprises son propos d'un "traditionnellement dénoté" introduisant les notations usuelles (exemple du module de Young, de la matrice de rigidité, de la matrice de masse). La méthode des éléments finis (MEF) est choisie pour illustrer la description spatiale des structures, parce qu'elle est la plus générale même si, et l'auteur le souligne, elle est approchée et parfois difficile à expliquer simplement, surtout si l'on utilise comme ici un formalisme plus mathématique que physique. Dans cette partie sont décrites, toujours avec l'élément barre, les principales propriétés des fonctions de formes même si, bien entendu, il n'est pas question de

Upload: lamhuong

Post on 06-Feb-2018

216 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: METHODES NUMERIQUES EN MECANIQUE DES …ipsi.asso.free.fr/pdf/Notes_de_lecture/Curnier_XVIII-3.pdf · METHODES NUMERIQUES EN MECANIQUE DES ... suivant les cas, en fonction du temps

METHODES NUMERIQUES EN

MECANIQUE DES SOLIDES

Alain CURNIER

Notes de lecture par Philippe PASQUET, CISI L'enseignement des méthodes numériques telles que la méthode des éléments finis est, depuis une trentaine d'années, confronté à deux écoles opposées (mathématicienne et physicienne) mais également estimables si leur but est de former des ingénieurs et non des théoriciens jonglant avec espaces de Sobolev et lemme de Lax-Millgram. L'idéal est la complémentarité, qui consiste à donner aux ingénieurs un solide bagage théorique permettant d'aborder plusieurs types de problèmes et pas seulement de lire les notices d'utilisation des codes généraux, même s'ils sont de plus en plus sophistiqués. En ce sens, la présentation de la méthode des éléments finis a retenu l'attention de maints auteurs, aussi bien anglophones que francophones. Chacun de leurs ouvrages est le résultat d'un travail original, reflet d'une expérience personnelle. Nous avons tous en mémoire des titres que l'on consultera plus volontiers si l'on s'intéresse à la formulation des éléments, à la dynamique des structures, ou au comportement non linéaire. Aucun de ces livres ne peut toutefois préten-dre à l'exhaustivité. Il n'existait pas, à notre connaissance, d'ouvrage permettant une approche globale et équitable des méthodes numériques les plus utilisées en statique, en dynamique, en non linéaire. Ce vide vient d'être en partie comblé par Alain Curnier avec Méthodes numériques en mécanique des solides (paru aux Presses Polytechniques et Universitaires Romandes), qui se présente comme une tentative d'unification en s'intéressant à la description spatiale, à la résolution des systèmes non linéaires et aux algorithmes de résolution dynamique pour tous les problèmes de la mécanique, qu'ils soient représentés par des équations différentielles elliptiques (divergence σ = constante), paraboliques (∆ T = dT/dt) ou hyperboliques (divergence σ = d²u/dt²). Comme dans la majorité des ouvrages, l'auteur rencontre dès le départ deux écueils : l'intro-duction et les notations. En ce qui concerne l'introduction, il choisit le modèle barre pour présenter l'ensemble des ingrédients qu'il utilisera dans les chapitres suivants en mécanique ou en thermique. Ce modèle – qui a l'avantage d'être simple puisqu'il permet, dans la majorité des cas, des développements manuels – donne aussi l'occasion de préciser les notations qui sont un peu déroutantes, bien que parfaitement décrites. Par exemple, la loi de Hooke s'écrit S = ε . E, avec ε = module de Young et E = déformation de Green-Lagrange ! Conscient de l'originalité de ses notations, l'auteur ponctue à plusieurs reprises son propos d'un "traditionnellement dénoté" introduisant les notations usuelles (exemple du module de Young, de la matrice de rigidité, de la matrice de masse). La méthode des éléments finis (MEF) est choisie pour illustrer la description spatiale des structures, parce qu'elle est la plus générale même si, et l'auteur le souligne, elle est approchée et parfois difficile à expliquer simplement, surtout si l'on utilise comme ici un formalisme plus mathématique que physique. Dans cette partie sont décrites, toujours avec l'élément barre, les principales propriétés des fonctions de formes même si, bien entendu, il n'est pas question de

Page 2: METHODES NUMERIQUES EN MECANIQUE DES …ipsi.asso.free.fr/pdf/Notes_de_lecture/Curnier_XVIII-3.pdf · METHODES NUMERIQUES EN MECANIQUE DES ... suivant les cas, en fonction du temps

formulation d'élément, de fonctions hiérarchiques ou de considérations sur les problèmes de maillage – car ce n'est pas l'objet de l'ouvrage. Les méthodes générales de résolution des problèmes non linéaires sont regroupées sous le nom de méthode des itérations linéaires (MIL), ce qui suggère qu'elles sont considérées comme une suite de problèmes linéaires dont rien n'est dit sur les méthodes de résolution (Gauss, Cholevski). Elles sont toutes dérivées de la méthode de Newton et seront utilisées, suivant les cas, en fonction du temps de calcul qu'elles nécessitent mais aussi de leurs caractéristiques de convergence, qui font l'objet d'un rappel tout à fait salutaire et beaucoup plus complet que celui décrivant la convergence des solutions statiques au chapitre précédent. Cette partie est complétée par la description des critères d'arrêt, où l'on explique que l'arrêt des itérations doit se faire à partir de la combinaison de deux quantités : la norme de force résiduelle relative et la norme incrément de déplacement relatif, qui seules assurent la convergence en déplacement et en contraintes, simultanément et de manière indépendante du système d'unités choisi. Pour la résolution temporelle, l'auteur a choisi de décrire la méthode des différences finies (MDF), ce qui est justifié par le caractère directionnel de l'écoulement du temps : la fameuse "flèche du temps" si chère aux thermodynamiciens du XIXème siècle. Elle implique la connaissance de conditions initiales dont le nombre est égal à l'ordre de dérivation en temps, qui sont plus faciles à imposer en différences finies qu'en éléments finis. De nombreuses explications sont consacrées aux problèmes de stabilité, de précision et de convergence. Elles utilisent l'analyse modale pour chaque type d'équation (des ondes ou de la chaleur) alors que les outils théoriques ne sont pas décrits. Heureusement que l'on travaille encore sur l'élément barre, ce qui permet quelques simplifications. Toutes les données sont ici supposées connues, y compris l'amortissement qui n'est qu'un opérateur parmi les autres. On l'aura compris, cet ouvrage ne fournit que l'essentiel : pour les compléments, prière de se reporter à des livres plus spécialisés. On signalera aussi quelques extensions concernant les problèmes bi ou tridimensionnels : ce n'est pas la partie la plus convaincante, les développe-ments relatifs aux différents tenseurs étant trop peu explicités ; elles sont surtout le prétexte à un retour sur les lois de comportement. On peut d'ailleurs penser que la description de leur algorithmie constitue un des apports essentiels de l'ouvrage. Chacune des trois méthodes ainsi décrites est complétée par un historique présentant l'évolu-tion des concepts : si, au XIXème siècle, on y trouve une majorité de Français, un glissement géographique s'est opéré vers les Etats-Unis depuis les années cinquante environ, entraînant en conséquence un déséquilibre dans les publications ; même dans cet ouvrage, toutes les réfé-rences sont anglo-saxonnes. Cela peut paraître injuste mais est sans doute représentatif de la formation d'Alain Curnier. On aurait aimé, par exemple, des références plus nombreuses sur les sujets non traités dans ce livre comme l'analyse modale ou les modèles de coques – qui sont les deux domaines les plus fréquents de l'analyse des structures – mais aussi les éléments finis hiérarchiques – qui sont l'une des voies les plus prometteuses vers l'automatisation des calculs. Malgré ces quelques réserves qui, pour la plupart, résultent d'un choix délibéré de l'auteur, cet ouvrage renouvelle complètement la présentation des méthodes numériques. Il servira de base à l'ingénieur de développement et de complément théorique à l'ingénieur d'application. Bien entendu, l'étudiant en tirera un grand profit et s'attachera particulièrement à la résolution des exercices proposés.

Paru dans le bulletin XVIII-3 de ΦΦΦΦ2AS (distribué le 8 novembre 1994) IPSI