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Mesures pour favoriser et garantir l’investissement en Méditerranée Éric Diamantis, Michel Gonnet et Amal Chevreau DÉCEMBRE 2010 Les analyses du rapport n’engagent que leurs auteurs et ne constituent pas la position officielle des fondateurs de 2IM.

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Mesures pour favoriser et garantir

l’investissementen Méditerranée

Éric Diamantis, Michel Gonnet et Amal Chevreau

D É C E M B R E 2 0 1 0

Les analyses du rapport n’engagent que leurs auteurs et ne constituent pas la position officielle des fondateurs de 2IM.

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 1

L’Initiative pour l’Investissementen Méditerranée (www.2IM.coop)est un projet que la Caisse

des Dépôts (France), la Caisse de Dépôtet de Gestion (Maroc) et l’Institutde prospective économique du mondeméditerranéen mènent ensemble depuismars 2009. En réunissant une trentained’investisseurs, publics et privés, issusdes pays européens, des pays du Sudet de l’Est de la Méditerranée et des paysdu Golfe, mais également des institutionsmultilatérales de coopération etde développement, l’Initiative a eu pourobjectif d’établir un diagnostic partagésur les opportunités et les obstaclesà l’investissement en Méditerranée,d’identifier les outils financiers et juridiquespour le développement des investissementset de formuler des propositions concrètessusceptibles de faire émerger unenvironnement plus propice à de nouvellesopportunités d’affaires.

Les propositions formulées dans le cadrede l’Initiative objet de ce rapport s’inscriventdans une double vision : d'abord à longterme pour donner la vision, mais égalementà court terme pour des actions opération -nelles. À long terme, il s’agit de jeter lesbases d’une architecture financière globalearticulée autour d’une banque dedéveloppement méditerranéenne avec pourobjectif l’orientation des investissements

vers les besoins structurants à long termedes Psem plutôt que leur mobilisationen direction de secteurs spéculatifs. Il s’agitde mettre en place une véritable architecturefinancière ambitieuse, propre à la régionqui s’inspire de celle des institutionsde Bretton Woods : banque, fonds monétaire,agence de garantie, mécanismes derèglement des différends, etc.

À court terme, il s’agit de palieraux insuffisances de la sécuritéjuridique des investissements

dans cette région et de mettre en placedes outils de financement desinfrastructures et des PME. Pour attirerdavantage d’investisseurs, la Méditerranéese doit d’améliorer le climat des affaireset la perception des investisseurs. Elledoit également se doter d’outils financierspour faire face aux besoins considérableset aux difficultés de financementdes infrastructures et des PME.

Le moment est venu de jeter les basesd’un vrai partenariat euro-méditerranéenpour accompagner les moments historiquesque vit la Méditerranée et favoriserson émergence en tant que régioncomplémentaire, solidaire et compétitivedans le contexte de la mondialisation.Les mesures proposées dans le cadrede l’Initiative peuvent certainementy contribuer.

P R É FA C E

Radhi Meddeb Présidentd’Ipemed

2 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

introduction ............................... 3

État des lieuxde l’investissementen Méditerranée ......................... 4

Bilan des financements del’investissement en Méditerranée .... 5

Principaux freins au dévelop pe ment de l’investissementen Méditerranée................................. 8

• Volatilité des IDE et capacité de larégion à les attirer dans la durée .... 8

• Faiblesse de l’équilibre monétaire :euro vs dollar ? ............................... 9

• Insuffisance des financementsdédiés aux PME ............................... 10

• Besoins structurels en financementsdes infrastructures .......................... 12

• Mauvaise perception du climatdes affaires....................................... 13

Propositions pourle financementde l’investissement en Méditerranée ......................... 16

Vision à long terme : architecturefinancière pour une meilleureintégration de l’espace financier euro-méditerranéen ........................... 17

• Une institution financière de déve-loppement spécifique à la région .. 18

Vision pragmatique et opérationnelle :outils et mesures pour garantir et dynamiser l’investissement enMéditerranée...................................... 22

• Sécurisation et garantie desinvestissements pour les grands projets prioritaires........................... 22

• Outils financiers pour le financement des infrastructures et des PME....................................... 24

• Fonds de garantie des infrastruc -tures initié par l’Union européenne sur une liste d’investissementslabellisés UpM................................. 24

• Fonds de garantie pour les PMEalimenté notamment par les régions centré sur les clusters ..................... 27

• Mobilisation de l’épargne localeau service des investissements long terme des Psem (infrastructures, PME) .................... 29

• Mobilisation des acteurs publics-privés des deux rives de laMéditerranée pour développerdes initiatives communes de circulation de l’information et de travail en commun................. 31

• Union méditerranéenne Nord-Suddes assureurs crédit ........................ 34

conclusion ................................... 36

Éric Diamantis Avocat associé ausein d’un cabinetd’avocats interna -tional, il est parailleurs vice-prési -dent du conseild’adminis trationd’Ipemed, dont ilest l’un descofondateurs.

Michel GonnetPrésidentd’Eudoxia Conseil.Adminis tra teurcivil hors classe,il a occupé depresti gieusesfonctions auGroupe Caissed’Épargne, à laCaisse des Dépôts,au ministèrede l’Écono mie etdes Finances…

Amal Chevreau Juriste de droitpublic, spécialiséeen sciencespolitiques, elle estchef de projetà Ipemed chargéede l’agriculture,la finance etla coopérationdécentralisée.Elle a collaboréplus de 10 ansavec les agencesde développe mentdu Maroc. AFDu Agence

française dedéveloppement

AMGIu Agencemultilatérale degarantie desinvestissements

BafDu Banqueafricaine dedéveloppement

BEIu Banqueeuropéenned’investissement

BIDu Banqueislamique dedéveloppement

BMu Banquemondiale

Bricu Brésil IndeChine

CDCu Caissedes Dépôts etConsignations

CDGu Caissede Dépôt et deGestion

CDPu Cassadepositi e prestiti

CEu Commissioneuropéenne

Fadesu Fondsarabe dedéveloppementéconomique etsocial

Femipu FacilitéEuro-méditerra -néenned’investissementet de partenariat

FIVu Facilitéd’investissementpour le voisinage

IAPu Instrumentd'aide depréadhésion

IDEu Investisse -ments directsétrangers

IEVPu

InstrumentEuropéen deVoisinage

OCDEu Organi -sa tion decoopération etde développementéconomiques

PEVu Politiqueeuropéennede voisinage

PMEu Petiteset moyennesentreprises

Psemu Pays duSud et de l'Est dela Méditerranée

SFIu Sociétéfinancièreinternationale

UEu Unioneuropéenne

UpMu Unionpour laMéditerranée

A B R É V I AT I O N S

S O M M A I R E

l’initiative pour l’investissement en Méditer-ranée (2IM) a été lancée le 13 mars 2009 dans lecadre d’un partenariat entre la Caisse des Dépôts,CDC (France), la Caisse de Dépôt et de Gestion,CDG (Maroc) et l’Institut de prospective écono-mique du monde méditerranéen (Ipemed). Le pro-jet 2IM a pour objectif de réunir des investisseurspublics et privés pour identifier les outils à mêmed’accélérer la cadence des investissements dans lespays des rives sud et est de la Méditerranée (Psem)et d’y améliorer le climat des affaires. La réflexionmenée depuis 2009 dans le cadre de 2IM porteprincipalement sur trois thèmes majeurs : • le renforcement des liens entre les opérateurséconomiques en Méditerranée pour accélérerl’avènement d’un espace économique intégrédans la région méditerranéenne.• la nécessité d’instaurer la confiance entre lesacteurs économiques de la région avec commepiliers la coresponsabilité et la codécision.• et enfin la sécurisation des investissementsafin d’augmenter l’attractivité de la région et sacapacité de résilience face aux chocs économiqueset financiers.

suite à la réunion de lancement de ce projet,les pistes d’approfondissement ont été identifiéeset deux groupes de travail juridique et financieront été constitués avec pour mission d’élaborerdes propositions d’outils juridiques et financiersà partir d’un diagnostic partagé des freins maiségalement des atouts qui caractérisent la région.Les travaux des groupes de travail ont été présen-tés et débattus au sein du comité de pilotage de2IM composé de représentants de l’AFD, d’EFG-Hermès, de l’OCDE, Proparco, de la SFI, en plusde la CDC, la CDG, de la CDP et d’Ipemed. Ils ontpar ailleurs, fait l’objet d’examen en ateliers de tra-vail à l’occasion de la seconde réunion plénière duprojet 2IM, tenue le 25 février 2010 à Rabat(Maroc) à l’initiative de la CDG. Enfin, ils ont étéprésentés aux représentants de KfW à Bruxellesen septembre 2010.

Le présent rapport est une synthèse des recom-mandations des groupes de travail financier etjuridique qui ont donné lieu à des rapports élabo-rés par plusieurs auteurs.

Groupe financier• Investissement en Méditerranée : constats et pers-pectives, Guillaume Almeras et AbderrahmaneHadj Nacer, mars 2009 • Outils de dynamisation des investissements enMéditerranée, Michel Gonnet, septembre 2010

Groupe juridique • État des lieux des mécanismes juridiques inter-nationaux de protection de l’investissement étrangeren Méditerranée, Sabrina Robert-Cuendet, avril2010 • Propositions pour une meilleure garantie des inves-tissements en région méditerranéenne, Eric Diaman-tis, juillet 2010

par ailleurs, les principales conclusions de lacommission sur le financement du codéveloppe-ment en Méditerranée, présidée par M. CharlesMilhaud ont été intégrées dans le présent rapport.Le rapport est composé de deux parties. La pre-mière partie dresse un état des lieux de l’investis-sement dans la région en faisant état des finance-ments existants ainsi que des principaux freins àl’investissement en Méditerranée. La seconde par-tie présente les propositions des promoteurs duprojet 2IM en faveur de la dynamisation de l’in-vestissement dans la région à travers d’une partune vision à long terme visant à doter la régiond’une architecture financière complète articuléeautour d’une institution financière dédiée. D’autrepart, une vision opérationnelle et pragmatique àcourt terme qui consiste à mettre en place unensemble de mesures pour garantir et sécuriserde manière durable les investissements dans larégion et à proposer des outils financiers favori-sant le financement de deux secteurs clés : lesinfrastructures et les pme. l

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 3

I N T R O D U C T I O N

Mesures pour favoriser et garantirl’investissement en Méditerranée

LA PREMIÈRE

PARTIE DU

RAPPORT DRESSE

UN ÉTAT DES

LIEUX DE

L’INVESTISSE -MENT DANS LA

RÉGION LA

SECONDE PARTIE

PRÉSENTE LES

PROPOSITIONS

DE DYNAMISATION

DE L’INVESTISSE -MENT.

la situation de l’investissement en Méditerra-née est très contrastée. D’une part, les Psem pré-sentent des atouts qui leur ont valu d’attirer desinvestissements directs étrangers (IDE) et demaintenir des taux de croissance de l’ordre de 3 %au plus fort de la crise. D’autre part, la régionméditerranée reste une des régions du monde oùles besoins en investissements sont très élevés, enparticulier dans le domaine des infrastructures etdu financement des pme.

En effet, la région est caractérisée par l’éten-due de ses besoins en investissements pour lesdix prochaines années. Ceux-ci sont estimés aminima à environ 250 milliards d’euros, soit100 milliards d’euros dans le domaine énergé-tique, 110 milliards d’euros pour l’aménagementurbain (eau, assainissement, traitement desdéchets, transports urbains), 20 milliards d’eurospour la logistique (ports, aéroports, autoroutes) et20 milliards d’euros pour le soutien au dévelop-pement d’entreprises, en anticipation des 50 mil-lions d’emplois que les Psem doivent créer d’ici2020.

par ailleurs et en dépit d’un certain rattrapagedes Psem en matière d’attractivité des IDE quifluctuaient autour de 45 milliards d’euros en2006, une tendance à la baisse a été constatée en2009 du fait de la crise économique mondiale(chute de 72 % au Maroc, 50 % en Israël, au Liban,Tunisie et Turquie)(1). Néanmoins, une améliora-tion de la dynamique des IDE n’est pas à exclurecompte tenu de la tendance cyclique des IDE quicaractérise la région. Les Psem ont traversé la crisefinancière et économique mondiale, au moins àcourt terme, en conservant des taux de croissancesupérieurs à 3 %. À titre d’exemple, les prévisionsdu FMI pour l’année 2011(2) oscillent entre 3 etplus 7 % pour la Turquie.

De plus, selon la banque HSBC, deux pays dela région, la Turquie et l’Égypte, «comptent à côtéde la Colombie, l’Indonésie, le Vietnam et l’Afriquedu Sud parmi les pays à haut potentiel de croissance,susceptibles de rejoindre le quatuor des Bric»(3).

Les bailleurs de fonds internationaux multila-téraux et bilatéraux ont accru leur apport financierdans la région mais force est de constater que lesmoyens d’action restent largement insuffisants etque la charge d’investissement pouvant êtreapportée par les Psem, est limitée par la nécessitédu maintien d’une situation budgétaire saineselon les critères de la Banque mondiale. Larégion méditerranéenne présente également deréels atouts de part la taille de sa population, deson dynamisme et de sa relative résilience face àla crise financière et économique qui a frappédurement les pays de l’Union Européenne.

la population des pays constituant l’Unionpour la Méditerranée atteindra 874 millions d’ha-bitants en 2030 et dépassera 900 millions en2050(4). Le Maghreb et l’Égypte atteindront les130 millions d’habitants chacun en 2020. Àl’heure où l’on constate un retour aux élémentsqui font le fondement de la puissance écono-mique à savoir la taille de la population et sonniveau de formation (exemple des Bric), l’argu-ment de la taille de la population pourrait devenirà terme un atout majeur de la région.

La première partie du présent rapport dresseun bref bilan des IDE et des financements allouéspar plusieurs bailleurs de fonds à l’investissementen Méditerranée. Les principaux freins à l’inves-tissement seront également exposés dans cettepartie.

4 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

État des lieux de l’investissementen Méditerranée

(1) Rapport dela commissionMilhaud, mai 2010.

(2) Idem.

(3) Ipemed News,septembre 2010,article signé parAkram Belkaid,conseiller éditorial.

(4) Source: Faostat,© FAO StatisticsDivision 2009,13 August 2009.

LA RÉGION EST

CARACTÉRISÉE

PAR L’ÉTENDUEDE SES BESOINS

EN INVESTISSE -MENTS POUR LES

DIX PROCHAINES

ANNÉES :ENVIRON

250 MILLIARDS

D’EUROS.

Bilan des financementsde l’investissementen Méditerranée

selon l’observatoire Anima-Mipo, auxquelsces chiffres sont empruntés, le nombre d’an-nonces de projets d’IDE concernant les Psemrepart à la hausse avec 581 projets détectés aucours des trois premiers trimestres 2010 contre542 au total en 2009 (soit une augmentation de43 %). Le montant total des annonces atteint20,4 milliards d’euros au 30 septembre 2010contre 28,6 milliards d’euros en 2009. Le mon-tant moyen des projets est de 35 millions d’eurosen 2010 contre 50 millions d’euros en 2009. Ilest également constaté que les partenariats d’en-treprises poursuivent leur progression :362 annonces pour les trois premiers trimestres2010 contre 303 au total pour 2009. figure 1

La Turquie et Israël attirent davantage d’inves-tisseurs que tous les autres pays de la région. LaSyrie et le Liban sont en nette progression en atti-rant des IDE dans le secteur bancaire pour l’es-sentiel. Les capitaux bancaires syriens sont ouvertsà des participations étrangères jusqu’à 60 %depuis le début de l’année 2010. Le montant glo-bal des annonces en Syrie est de 2,2 milliardsd’euros en 2010 contre 0,9 milliard d’euros en2009. S’agissant du Maghreb, le flux d’annoncesd’IDE représente 3 milliards d’euros sur les troistrimestres de 2010 contre un montant moyenannuel dépassant les 8 milliards d’euros depuis2003. Le nombre le plus élevé d’annonces d’IDEest enregistré en Tunisie avec 92 annonces pen-dant les trois premiers trimestres 2010 contre 78pour l’année 2009.

les entreprises européennes arrivent toujoursen tête au cours de l’année 2010 avec 30 à 40 %d’annonces des projets. Néanmoins, l’origine desIDE tend à se diversifier avec une nette percée despays émergents qui représentent 30 % des projetsannoncés. Les pays du Golfe sont, quant à eux, enperte de vitesse compte tenu de la crise financièreet de l’éclatement de la bulle immobilière.figure 2

Par ailleurs, les Psem drainent une multitudede financements de bailleurs de fonds internatio-naux multilatéraux et bilatéraux. Selon le rapportélaboré par la commission Milhaud, les montantsprovenant de différentes sources, alloués à cetterégion au titre de l’année 2009 sont de l’ordre de20 milliards d’euros, dons et prêts confondus.

Globalement, le partenaire multilatéral le plusimportant dans la région est l’Union européenneavec 2 milliards d’euros d’aides et 5 milliards d’eu-ros de prêts accordés par la Banque européenned’investissement (BEI). L’Agence française dedéveloppement (AFD) constitue le bailleur defonds bilatéral qui compte le plus d’engagementsfinanciers avec un volume dépassant un milliardd’euros. tableau 1

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 5

8 812 11 828

39 526

66 25859 073

38 738

28 687 27 241

10 000

20 000

30 000

40 000

50 000

60 000

70 000

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Prévision

Source : Anima-Mipo

Source : Anima-Mipo

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010Prévision

Europe

Golfe

Autres pays

Med 11

États-Unis Canada

figure 1 Évolution des montants nets d’IDE annoncés (millions d’euros)

figure 2 Montants nets d’IDE annoncés par région d’origine(millions d’euros)

tableau 1 Financements multilatéraux par bailleur de fonds En millions d’euros – 2009

Bailleur Montant Union européenne 2 206,80 Banque européenne d’investissement 5 009,00 Groupe Banque mondiale 3 954,40 Berd 416,00 Groupe Banque africaine de développement 948,20 BID et Fades 956,40

Bailleur Montant Autres institutions 805,50

France 1 292,80 États-Unis 1 183,80 Autres États 2 192,90 États et Fonds arabes et islamiques 462,20

Total 19 428,00 Source : Rapport commission Milhaud

Ci-après quelques éléments qui permettent demieux éclairer ce montant.

L’Union européenne (UE) est le bailleurde fonds le plus important de la région

l’ue intervient principalement à travers l’ins-trument européen de voisinage (IEVP), la Facilitéeuro-méditerranéenne d’investissement et de par-tenariat (Femip) gérée par la Banque européenned’investissement et depuis l’année 2008 à traverségalement la Facilité d’investissement pour le voi-sinage (FIV). La dotation globale de l’IEVP, enaugmentation par rapport aux années passées,s’élève à 12 milliards d’euros pour la période2007-2013.

Les crédits de l’IEVP sont affectés majoritaire-ment à des actions bilatérales, c’est-à-dire à desprojets de coopération par pays. Des crédits sontégalement affectés aux deux régions IEVP (Sud etEst), ainsi qu’aux initiatives et mécanismes régio-naux et transfrontaliers.

La Femip dispose pour la période 2007-2013d’une enveloppe 8,7 milliards d’euros pour finan-cer des prêts garantis par l’UE et de 2,2 milliardsd’euros pour ceux non garantis pour l’UE destinésau développement des entreprises, le financementdes infrastructures correspondant aux prioritésdéfinies dans le cadre de l’UpM.

La FIV est orientée principalement vers lefinancement des infrastructures. Elle a été dotéed’une enveloppe de 700 millions d’euros pour lapériode 2007-2013. Les États membres ont été sol-licités pour égaler progressivement la contributioncommunautaire afin d’optimiser l’effet de levierdes prêts octroyés. Fin 2009, des projets totalisant4,3 milliards d’euros ont pu être financés dans cecadre avec une contribution de l’ordre de 74,8 mil-lions d’euros accordés par la FIV.

En comparaison, l’Instrument d’aide depréadhésion (IAP) qui bénéficie aux pays candi-dats potentiels dont la Turquie dispose d’uneenveloppe de 11,5 milliards d’euros. Le rapportsouligne que les dix pays de la rive sud qui comp-tent 205 millions d’habitants ont reçu 887 mil-lions d’euros soit 4,3 euros/habitant/an au titrede l’IEVP en 2009 contre 921 millions d’eurospour les pays bénéficiant de l’IAP et qui comptent87 millions d’habitants soit 10,5 euros/habi -tant/an.

Les autres institutions multilatéralesaccordent des financementsqui répondent en partie aux besoinsde la région

le groupe banque mondiale (BM) est inter-venu dans la région pour un montant global de4 milliards d’euros pour la période 2008-2010réparti entre l’énergie (25 %), le financement dusecteur privé (25 %) et les transports et l’eau(25 %). La Société financière internationale(SFI/IFC), filiale de la Banque mondiale dédiée aufinancement privé notamment industriel, estintervenue à hauteur de 860 millions d’eurosrépartis entre fonds propres et prêts en 2009.L’Agence multilatérale de garantie des investisse-ments (Amgi/Miga) intervient pour garantir lesinvestissements contre certains risques politiques.Son intervention dans la région en 2009 s’élevaità 497 millions d’euros pour couvrir des investis-sements en Syrie et en Turquie. La Banque mon-diale intervient par ailleurs dans la région à traversdeux fonds : • le Fonds pour l’environnement mondial (FEM)par le biais d’un programme intitulé SustainableMed lancé en 2009 et doté de 800 millions de dol-lars ; • le Fonds pour les technologies propres CleanTechnology Fund qui projette de financer pour750 millions de dollars de projets dans le cadre duPlan solaire méditerranéen.

le groupe banque africaine de dévelop-pement (BAfD) a accru ses financements dansla région tout en les concentrant sur l’Égypte, leMaroc et la Tunisie. En 2009, le montant de sesengagements s’élevait à 948 millions d’eurosconsacrés pour l’essentiel aux projets de trans-ports, d’énergie et d’industrie.

la banque islamique de développement(BID) a consenti en 2008 des prêts concession-nels à hauteur de 567 millions d’euros concentréssur la Tunisie, le Maroc et la Turquie pour le finan-cement notamment de projets d’infrastructures,de développement humain et du secteur privé.

le fonds arabe de développement écono-mique et social (Fades) a financé des projets àhauteur de 400 millions d’euros durant l’année2008 avec une nette préférence pour le secteurénergétique.

6 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

LA DOTATION

GLOBALE DE

L’IEVP( INSTRUMENTEUROPÉEN

DE VOISINAGE )S’ÉLÈVE À 12MILLIARDS

D’EUROS POUR

LA PÉRIODE 2007-

2013.

Les financements bilatéraux sontconséquents dans la région et se sontélevés à 4,4 milliards d’euros en 2008

les engagements de la France sont les plusimportants après ceux des États-Unis d’Amérique.Ils sont essentiellement gérés par l’AFD qui estintervenue dans la région à hauteur de 853 mil-lions d’euros en 2009. À ces engagements il fau-drait ajouter les interventions en capital ou par desprêts de la Proparco, filiale de l’AFD. Au total, lesengagements globaux de l’AFD au titre de l’année2009 s’élèvent à 1,1 milliard d’euros, consacrés engrande majorité à la Turquie, le Maroc et la Tuni-sie. L’AFD intervient davantage dans le finance-ment du secteur privé de la région à travers lefonds Ariz et la Facilité d’investissement et de sou-tien en Méditerranée. La France, l’Allemagne etl’Espagne assurent 42 % de l’aide au développe-ment allouée à la région. figure 3

Les investisseurs souverains jouent un rôle moteur dans la régionet interviennent pour faciliter la créationd’entreprises

kfw a réalisé en 2008 des investissementspour compte propre qui se sont élevés à 150 mil-lions d’euros. La CDC a lancé Averroès I en 2003et Averroès II en 2009 et prévoit d’investir entre50 et 80 millions d’euros pour la création d’entre-prises. Enfin une action conjointe de la CDC(France), la CDP (Italie), la CDG (Maroc) et EFG-Hermès (Égypte) et de la BEI a permis le lance-ment du fonds Inframed pour le financement deprojets d’infrastructures à long terme. Ce fonds a

été doté par ses promoteurs d’une enveloppe ini-tiale de 400 millions d’euros. Ils ont pour objectifde lever des fonds à hauteur d’un milliard d’euros.Plus de détails sur ce fonds seront donnés dans laseconde partie de ce rapport.

Des initiatives conjointes sont en courspour mieux cibler les investissements,alléger le processus d’approbationdes projets et mieux répartir le risque

l’afd, kfw et la bei ont signé un accord pour«harmoniser leurs modes d’intervention dans la zoneet cofinancer des projets»(5). La même démarche estégalement adoptée par les filiales de financementprivé des bailleurs de fonds à travers la EuropeanFinancing Partners (EFP) qui permet aux bailleursde financer de projets en opérant comme un gui-chet unique.

Les financements disponiblessont majoritairement accordéspar trois bailleurs de fonds au profit de trois pays de la région

en effet, la turquie, l’Égypte et le Maroc sont lestrois pays qui «captent 53 % de l’aide disponible»(6)

alors que l’UE, la BEI et la Banque mondiale sontles principaux bailleurs de fonds qui «assurent60 % de l’aide totale» dans la région.(7)

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 7

(5) Rapportcommission sur le financement ducodéveloppementen Méditerranéeprésidée par Charles Milhaud.

(6) Idem.

(7) Idem.

France1 100,0024 %

États-Unis1 183,8026 %

Allemagne393,209 %

Espagne402,609 %

Japon296,407 %

Autres États1 100,825 %

figure 3 Financementsbilatéraux par pays En millions d’euros,2008

Source : rapportcommission Milhaud

Principaux freins audéveloppementde l’Investissementen Méditerranée

la réalité de l’investissement en Méditerranéeest complexe et recouvre plusieurs enjeux liésd’une part à l’hétérogénéité des économies desPsem : deux pays exportateurs de pétrole (Algérie,Syrie), trois pays étroitement liés à l’UE (Algérie,Maroc, Tunisie), cinq pays concernés à différentsdegrés soit par les pays du Golfe et le reste dumonde soit les deux (Égypte, Liban, Palestine, Jor-danie Israël), la Turquie étant un casà part. Cette hétérogénéité est égale-ment présente au niveau de leur rela-tion avec l’UE. En témoigne, levolume des échanges entre les Psemet l’UE : alors que 50 % des échangess’effectuent avec l’UE pour l’Algérie,le Maroc et la Tunisie, le volume deséchanges avoisine 30%(8) pourl’Égypte, le Liban, la Palestine, la Jor-danie, Israël et la Syrie.

il faudrait également signaler le rythme parti-culièrement lent du processus d’intégration éco-nomique euro-méditerranéen. Si les enjeux et lesfreins sont multiples, nous avons retenu cinqprincipaux freins au développement de l’investis-sement en Méditerranée identifiés dans le rapportélaboré par Guillaume Alméras et AbderrahmaneHadj Nacer. Ils nous semblent être les plus déter-minants pour l’avenir de cette région car ils«mobilisent la gamme complète du financement desinvestissements»(9) :• volatilité des IDE et capacité de la région à lesattirer dans la durée ;• faiblesse de l’équilibre monétaire: euro vs dol-lar ? • insuffisance des financements dédiés auxpme ;• besoins structurels en financements des infra-structures ;• mauvaise perception du climat des affaires.

Volatilité des IDE et capacité de la région à les attirer dans la durée

de 2000 à 2007, les Psem avaient rattrapé leurretard en matière d’IDE. Ce rattrapage est dû enpartie à la diversification des origines des flux deces IDE. Les pays européens ne sont plus les seulsà investir dans les Psem ; les pays du Golfe, la Tur-quie et les pays asiatiques sont de plus en plus pré-sents à la fois pour satisfaire les marchés locauxet aussi pour exporter. Par ailleurs, on assiste à lamontée en gamme de production dans les Psemdû à un recours accru à la recherche et à l’innova-tion ainsi qu’aux cadres locaux qui acceptent des

niveaux de rémunération plus faiblesqu’en Europe. En 2008 et 2009, dufait de la crise financière et écono-mique mondiale, le flux des IDE abaissé.

Selon l’Observatoire de l’investis-sement et des partenariats en Médi-terranée Anima-Mipo, «L’année 2010s’inscrit donc dans la continuité des ten-dances enregistrées en 2009. La reprisedes décisions d’investissement des entre-prises étrangères se confirme au gré des

prévisions économiques rassurantes pour les paysméditerranéens (4 % de croissance pour les paysarabes en 2010 d’après le FMI), mais avec des projetsplus petits, moins risqués». Les pays méditerra-néens bien que non épargnés par la crise, ont purésister du fait du redéploiement des chaînes devaleur, near-shoring par certaines entreprises euro-péennes soumises à des pressions compétitivesaccrues. Les entreprises européennes ont égale-ment accéléré leur recherche de nouveaux gise-ments de croissance sur des marchés plus dyna-miques et plus proches.

toutefois, la part de la Méditerranée dans lesIDE demeure insuffisante. «Les flux d’IDE à desti-nation de la région méditerranéenne représententmoins de 5 % des IDE mondiaux.»(10) Cette insuffi-sance s’explique par la volatilité des IDE et par lanon-capacité des Psem à être perçus commeattractifs de manière durable. tableau 2

Guillaume Alméras et Abderrahmane HadjNacer ont avancé les raisons suivantes pour expli-quer l’impact des IDE sur la région. «Alors qu’ils’agissait, pour les Psem, d’attirer des capitaux quileur étaient indispensables, les IDE furent souventsubis plus que pilotés ; les projets ont créé de l’activitémais leurs retombées locales ont été souvent assezmaigres. D’après les estimations d’Anima-Mipro, la

8 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

tableau 2Part des PM dans les entrées d’IDEdans le monde Total PM Monde % PM IDE1995-2005 10 978 741 045 1,48 % IDE 2007 55 748 2 099 973 2,65 % IDE 2008 54 867 1 720 873 3,19 % IDE 2009 32 437 1 114 189 2,91 %

Source : Cnuced, Data Base 2010

(8) Crise et voies desortie de crise dans lespays partenairesméditerranéens de laFemip, Femise,2010.

(9) RapportInvestissement enMéditerranée.Constats et perspec -tives, GuillaumeAlmeras etAbderrahmane HadjNacer, mars 2009.

(10) RapportCommission sur lefinancement du co-développement enMéditerranéeprésidée par CharlesMilhaud.

création d’emplois directs dans les Psem du fait desIDE (2 millions d’emplois en six ans) aura naturel-lement été largement inférieure aux besoins, maissurtout aura baissé ces dernières années (101 000emplois en 2006, 86000 en 2007, 76 000 en 2008)faute de politiques industrielles nationales suffisam-ment dynamiques.

Beaucoup d’IDE, dans l’énergie notamment, uti-lisent des équipements et de la main-d’œuvre étran-gère et conduisent à exporter des produits peu trans-formés, créant ainsi peu de valeur ajoutée locale.Dans les domaines du BTP […] les IDE accroissentl’offre sur un segment étroit de clientèle moyen ethaut de gamme qui correspond pour l’essentiel à despopulations étrangères (cadres expatriés, résidencessecondaires pour les diasporas). Une partie de lapopulation locale et des professionnels du secteur peu-vent alors souffrir d’effets d’éviction (indisponibilitédu foncier de qualité, inflation du prix des terrains).

Les IDE peuvent par ailleurs provoquer d’impor-tantes sorties de capitaux. Dans ces conditions, latentation peut être forte de revenir à une stratégieplus fermée. L’exemple de l’Algérie l’illustre. En com-paraison des pays comme la Chine, l’Inde, la Coréedu Sud (principe d’ouverture « filtrée»), la Thaï-lande et très récemment le Brésil ont mis en œuvredes stratégies plus nuancées et sélectives vis-à-vis del’afflux d’IDE .»(11)

leur principale conclusion est qu’il faut placerl’attractivité des IDE dans une perspective pluslarge : celle de l’ouverture internationale des Psemvers l’UE mais également vers des partenairesautres que l’UE avec deux principales caractéris-tiques : • un afflux d’IDE venant de l’UE, ainsi que despays du Golfe (avant la crise), qui pour l’essentielreviennent à utiliser les Psem comme plateformede production ou d’accueil (tourisme, immobilier)pour des marchés largement extérieurs à eux ;• des mouvements d’affaires se développantparallèlement, entre les Psem eux-mêmes, ainsiqu’avec de nouveaux marchés hors UE, qui condui-sent aujourd’hui à des montants d’investissementsplus modestes mais davantage tournés vers lesmarchés locaux et ayant ainsi une orientationindustrielle forte.

Pour sa part, le Femise (12) émet notammentquatre observations concernant les IDE :• ils contribuent différemment à la croissancedes Psem selon que les pays ont opté pour lamodification de leur climat des affaires, pour lesprivatisations et la libéralisation ou sont restésdans un modèle de forte régulation domestique.

Compte tenu de ces éléments, il faut distinguerles pays qui ont une politique agressive d’accueildes IDE (Égypte, Tunisie, Maroc, Jordanie) au seindesquels la présence des entreprises étrangèresjouent un rôle quantitatif dans la croissance, et lespays qui ne sont pas engagés dans la mêmelogique d’attraction des IDE car ils sont de tailleéconomique importante (Turquie) ou parce qu’ilsdisposent de ressources financières ou d’épargnesignificatifs (Algérie, Syrie et Liban) ; • les IDE sont devenus un facteur décisif decroissance. Néanmoins, leur contribution estmoins claire dans la croissance dynamique, l’em-ploi et l’équilibre des territoires.• les IDE peuvent être porteurs de croissance àlong terme si les pays qui les accueillent ont lacapacité d’absorption dans la durée de la techno-logie que les IDE apportent ;• afin de favoriser l’émergence de championsméditerranéens pouvant prendre place dans lastructuration mondiale de la production, il estnécessaire d’envisager un mécanisme analogue àl’Asean Comprehensive Investment Agreement.

enfin, la commission Milhaud insiste sur lanécessité pour les Psem récipiendaires des IDE defournir un effort d’épargne et d’investissementdomestiques importants et de disposer de cadresréglementaires et juridiques clairs pour encoura-ger l’investissement. Les mesures de cette naturepourraient induire un effet multiplicateur des IDEet amener les pays émetteurs d’IDE à transférerdes technologies et des savoir-faire nécessaires aumaintien ou à l’amélioration de leur compétitivitédans les pays où ils ont investi.

Faiblesse de l’équilibre monétaire : euro vs dollar ?

la crise financière mondiale n’a pas épargnéles Psem. Elle pourrait menacer leurs équilibresmonétaires. Un partenariat euro-méditerranéendevrait être envisagé autour de cette question. Il nes’agit pas de plaider pour la réflexion autour del’instauration d’une monnaie unique dans larégion qui reste un objectif de long terme. Cetteréflexion suppose que les États acceptent des trans-ferts de souveraineté assortis d’une nécessairecoordination des politiques budgétaires et fiscales.

Il s’agit plutôt d’engager le débat autour dequestions qui se posent avec acuité du fait de l’ali-gnement des économies de la région sur l’euro ou

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 9

(11) RapportInvestissement enMéditerranée.Constats et perspec -tives, GuillaumeAlmeras etAbderrahmane HadjNacer, mars 2009.

(12) Crise et voiesde sortie de crise dansles pays partenairesméditerranéens de laFemip, Femise, 2010.

sur le dollar. En effet, la crise a eu pour consé-quence la baisse des revenus liés à la baisse de lademande externe ; la baisse de la capacité des tra-vailleurs émigrés à opérer des transferts d’argentdu fait de leurs difficultés d’emploi dans les paysd’accueil, la baisse des flux touristiques et enfin labaisse des flux des IDE. La croissance domestiqueobservée ces dernières années a certes contribuéà la croissance globale dans les Psem, en partiedue à l’augmentation de la part de la consomma-tion privée. Toutefois, la croissance domestiquetoute seule ne pourra pas compenser la baisse desexportations. De plus, les Psem subissent le ren-chérissement des prix des matières premièresdont l’impact provoque, entre autres, une réduc-tion substantielle du pouvoir d’achat.

Certains Psem ont des importations venant del’UE payées en euros alors qu’ils ont des exporta-tions dans le reste du monde éventuellementlibellées en dollars. Un effet de ciseau va apparaî-tre avec la guerre des monnaies qui risque demettre en danger le décollage de ces pays qui n’ysont pour rien.

la question d’un accrochage monétairedes Psem à l’euro doit donc être posée. Une tellequestion dépasse le sujet du présent rapport. Pouren rester à la problématique de l’investissement,des coopérations monétaires euro-méditerra-néennes pourraient être développées dans deuxdirections : • couvrir les risques de change des ressources delong terme levées par les investisseurs ; • dans le cadre de certains projets, permettrel’accès des investisseurs publics et privés desPsem aux marchés de financement en euros auxmeilleures conditions : vis-à-vis de ses partenaires,l’UE pourrait ainsi «compenser» la cherté del’euro face au dollar en abaissant le coût de levéede leurs ressources.

L’enjeu à travers une véritable mise en réseaudes banques centrales des pays concernés seraitnon seulement de faciliter les investissements,mais encore de rassurer les investisseurs dans lecontexte d’une crise qui pourrait saper les fonda-mentaux macroéconomiques des Psem et fairecraindre des tensions sur leurs monnaies.

Insuffisance des financements dédiés aux PME

la création de pme est vitale pour l’économiedes Psem car elle permet de résoudre le problèmemajeur de l’emploi. En 2009 le Maghreb comptaitun peu plus de deux millions de petites etmoyennes entreprises (pme), dont 1,2 million auMaroc, 410 à 430000 en Algérie et 450 à 490000en Tunisie (13). Pour le Maghreb seul, il faudraitcréer chaque année environ un million d’emploispendant vingt ans pour contenir le taux de chô-mage à son niveau actuel.

Plusieurs outils destinés au financement de lacréation des pme manquent dans les dispositifsmis en place par les Psem : garanties, assurances,prêts en monnaie locale, couverture du risque dechange et prises de participation en direct. Néan-moins, nous avons identifié deux sources definancement qui pourraient contribuer à apporterune solution au financement des pme par le capi-tal : le private equity et les marchés financiers.

le private equity. Comme beaucoup d’autrespays émergents, les Psem ont encore une offrebancaire insuffisante en matière de crédits d’in-vestissement. Les banques locales semblent sou-vent mal armées face aux besoins de financementà long terme des acteurs économiques. Le recoursà des vecteurs de financement plus spécialisés tantpour la création et le développement des entre-prises, que pour leur accès direct aux marchés estnécessaire pour assurer un complément de l’offrebancaire.

Les entreprises dans la région dessinent unesorte de pyramide : au sommet, un nombre réduitde grandes entreprises qui captent l’essentiel desIDE. Ces entreprises créent une grande part de lavaleur ajoutée, injectent du capital, mais n’y créentpas suffisamment d’emplois. À la base, les pme,les entreprises informelles et les très petites entre-prises (TPE), qui créent beaucoup d’emplois maiséchappent au private equity et relèvent de modesde financement à inventer. Entre ces deux blocs,le capital-investissement pourrait avoir un rôle depremier plan.

Le private equity est un outil en pleine crois-sance sur les rives sud et est de la Méditerranée.Après une période d’apprentissage dans lesannées 1990-2000 pendant lesquelles les fondsont dégagé une rentabilité nulle, mais ont investidans leur métier (formation des équipes, travailde terrain pour identifier des projets, prise en

10 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

(13) Revue Afkar,n°24.

(14) Anima MedFunds : panoramadu capitalinvestissement dansla région Meda,septembre 2008.

(15) Rapport,Investissement enMéditerranée.Constats et perspec -tives, GuillaumeAlmeras etAbderrahmane HadjNacer mars 2009.

LA CRÉATION DE

PME EST VITALE

POUR L’ÉCONOMIEDES PSEM CAR

ELLE PERMET

DE RÉSOUDRE

LE PROBLÈME

MAJEUR

DE L’EMPLOI.

compte des spécificités locales, mise en place dela réglementation locale, choix de partenaires), oncompte aujourd’hui une quarantaine d’équipesgérant environ 150 fonds.

Selon une étude réalisée en 2008 parAnima(14), «320 fonds de capital-investissement dont181 en Israël ont été recensés dans les Psem et enEurope du Sud […] Tous ensemble, ces 320 fondsreprésentent 40 milliards de dollars en dotations viséeset 31 milliards de dollars en capitaux levés»(15).

Plusieurs fonds sont actifs sur l’early stage enÉgypte (EFG Hermès, IT Ventures) ou en Turquie(iLab Ventures, Golden Horn Ventures, Isgirisim).Certains pays possèdent des fonds d’amorçagedédiés à l’early stage dans des secteurs porteurs :les TIC (Maroc et Tunisie).

Néanmoins, dans le rapport qu’ils ont élaboréen 2009, Guillaume Alméras et AbderrahmaneHadj Nacer affirmaient que malgré l’émergenced’une économie du private equity capital désor-mais bien ancrée dans les Psem, celle-ci, du faitde sa relative jeunesse, n’est pas encore complète,notamment sur les premières phases de dévelop-pement des entreprises.

Le private equity doit démontrer son apport entermes de croissance et de transmission de pmesouvent familiales pour les transformer en entre-prises plus rentables et plus internationales. Carsi le private equity a beaucoup collecté dans lapériode récente (15 milliards de dollars sur troisans), il a insuffisamment investi (15 à 20 % desfonds souscrits).

à cela s’ajoute le problème des sorties de fondsd’investissement. Une étude de l’Associationmarocaine des investisseurs en capital (Amic) syn-thétise les données d’exit sur 29 sorties d’investis-sement de fonds marocains ces dernières années.Le TRI moyen brut est de 26 % pour ces projets.Après intégration des frais de gestion, de l’intéres-sement et du risque de change, le taux net resteacceptable pour des investisseurs privés euro-péens (de l’ordre de 15 %. D’autres exemples évo-quent des multiplicateurs souvent élevés à larevente d’entreprises : 2,5 à 3).

Toutefois, les exigences de TRI ne doivent pasêtre excessives ; la rentabilité des ces investisse-ments devait être inférieure à certains marchésactions ou aux placements immobiliers spécula-tifs. Il faut y insister : la nature du capital-dévelop-pement, qui finance des pme non cotées, est encontradiction avec une politique spéculative desortie rapide ; la création de valeur industrielle nepeut s’effectuer que sur le moyen terme.

Le private equity est certes une des pistes lesplus prometteuses pour financer la création d’en-treprises dans la région à condition de s’attaqueraux difficultés qui subsistent : • le problème d’image de la région très souventnégative ; • la nécessité de stabiliser le cadre réglementairedans un cadre régional si possible, pour drainerdurablement une épargne vers l’entreprise ; • le besoin de diversification des ressources(souscripteurs), car jusqu’à présent, sans lesgrands bailleurs de fonds internationaux (BEI,IFC, AFD-Proparco, etc.), très peu de fondsauraient pu démarrer ; • le risque que la crise financière actuelle servede prétexte à des décisions inappropriées (taxerdavantage les fonds, repli comme en Algérie, etc.) ; • le risque de change (fonds souscrits en eurosou dollars, recettes en monnaie locale), sachantque les techniques de couverture de change sontpeu développées et que la rentabilité n’est vrai-ment connue qu’à la sortie, à une date et avec untaux de change incertains ; • la poursuite de l’amélioration de la qualité desgérants et des équipes ; • la nécessité d’une séparation nette d’avec lesactivités bancaires classiques (prêt, gestion de tré-sorerie), afin d’éviter les conflits d’intérêt.

enfin, il faut insister sur la nécessité d’uneprésence locale, pays par pays, car on ne peut pas«sourcer» les projets depuis le Nord. Il n’y auraitpas d’intérêt particulier à délocaliser des équipesde gestion européennes au Sud ; des fondsMaghreb se développent et le Moyen-Orient attiredes fonds locaux et régionaux. En revanche, desforums régionaux de professionnels sont trèsutiles pour les échanges d’expériences et de bestpractice.

Le private equity bénéficie souvent d’incitationsfiscales dans les pays européens (Espagne, Franceet Grande-Bretagne) : ces expériences de la rivenord pourraient inspirer les gouvernements de larive sud, parfois enclins à considérer le privateequity comme une activité trop rémunératrice àtaxer ou à contrôler d’une façon ou d’une autre.

les marchés de capitaux. S’agissant des mar-chés de capitaux, il est à noter que l’ensemble dela région Mena ne représente que 5,6 %, des mar-chés mondiaux(16). Néanmoins, il est à noter quecertains Psem comptent quelques belles réussitesboursières, parmi lesquelles l’Amman Stock

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 11

(16) Crise et voiesde sortie de crise dansles pays partenairesméditerranéensde la Femip,Femise, 2010.

POUR LE

MAGHREB, ILFAUDRAIT CRÉER

CHAQUE ANNÉE

ENVIRON

UN MILLION

D’EMPLOISPENDANT VINGT

ANS POUR

CONTENIR

LE TAUX DE

CHÔMAGE À SON

NIVEAU ACTUEL.

Exchange. En nombre d’entreprises cotées (262),la Jordanie se compare à des pays de beaucoupplus grande taille, sa capitalisation boursièrereprésente 200 % de son PIB et est détenue à plusde 50 % par des non résidents.

La Bourse de Casablanca développe des liensavec le Forum des Bourses arabes, tout en s’inté-ressant aux pays africains (Côte d’Ivoire, Sénégal,Gabon). La Bourse de Casablanca est prestatairede service auprès de la Bourse de Libreville, elle ades coopérations engagées avec la Côte d’Ivoire etle Sénégal).

Cependant, le dynamisme de certaines Boursesdes Psem ne se traduit pas par un investissementmassif dans la création d’entreprises. Ces boursesjouent un rôle de complément en matière definancement des entreprises, même si leur apportest limité.

un certain nombre de facteurs communs auxpays de la région expliquent cet insuffisant déve-loppement boursier, marqué par une faible pro-fondeur de marché. «Parmi les facteurs à l’originede cet état de fait, plusieurs tiennent sans doute à larelative nouveauté des mécanismes boursiers dansbeaucoup de Psem, ainsi qu’aux comportementshabituels de beaucoup d’entrepreneurs locaux, à latête de sociétés souvent familiales et peu coutumièresdes obligations de reporting et de transparence impo-sées par les marchés de capitaux. En revanche, dès1992, trente-cinq des plus grandes sociétés jorda-niennes finançaient plus de 50 % de leurs investisse-ments par le biais d’émissions d’actions.

La relative faiblesse des marchés financiers ren-voie d’abord à celle des investisseurs institutionnelset, particulièrement, au très faible développement descompagnies d’assurance – non tant en nombre qu’entaille : l’Égypte compte 21 compagnies d’assurance.Trois d’entre elles détiennent, conjointement avec unecompagnie de réassurance, 70 % d’un marché quine dépasse pas 2 % du PIB (dans la région, le pour-centage le plus élevé est atteint en Jordanie, avec seu-lement 2,5 % du PIB). En Algérie, ce marché repré-sentait 0,6 % du PIB en 2005, malgré l’existence de16 compagnies (dont 7 publiques).»(17)

Afin d’améliorer l’approfondissement desmarchés des capitaux de la région et de permettreaux places boursières des Psem de jouer pleine-ment leur rôle, elles pourraient être mises enréseau et pourraient elles-mêmes s’ouvrir sur despays hors zone, pour la diffusion des cotations etle passage des ordres (principe d’un one stop shop-ping) ; ainsi que par l’élaboration d’indices com-muns. Des exemples de coordination existent à

l’instar du forum des Bourses arabes qui est uneinstance de dialogue et de concertation.

Néanmoins, il est à noter que les membres dece forum n’ont pas les mêmes préoccupations etne se définissent pas comme des auteurs deréformes. Plusieurs opérateurs boursiers de larégion sont favorables à la création d’un réseau deBourses méditerranéennes avec une coordinationà géométrie variable, afin de favoriser une conver-gence normative, mais également la cotationd’une même valeur sur plusieurs places. La miseen réseau permettrait également de favoriser uneoffre de plate-forme commune pour les investis-seurs institutionnels que l’étroitesse des marchésnationaux peut rebuter.

L’approfondissement des marchés des capi-taux passe également par la possibilité de créationd’un index des Bourses méditerranéennes, sousréserve de sa définition et de sa gestion par uneinstance indépendante reconnue à l’échelle inter-nationale.

Dans tous les cas de figure, l’approfondisse-ment du marché boursier de la région est néces-saire car il permettra d’offrir aux entreprises l’ac-cès à une ressource non-bancaire ; d’élargir lagamme des possibilités de sorties pour les inves-tisseurs, de mobiliser l’épargne locale et de donnerdes gages aux pays d’accueil d’investissementsdirects étrangers sur la durabilité de ceux-ci et surleur apport pour les économies d’accueil.

Besoins structurels en financements des infrastructures

les besoins d’investissement dans les Psemsont énormes. Deux études récentes chiffrentautour de 150 à 200 milliards de dollars lesbesoins en financement d’infrastructures au seindes Psem, dans un horizon de cinq à quinze ans :• selon la BEI, pour les dix prochaines annéessur la seule rive sud de la Méditerranée, 100 mil-liards de dollars seront requis dans le domaineénergétique, 110 milliards de dollars pour l’amé-nagement urbain (eau, santé, traitement desdéchets, transports urbains), 20 milliards de dol-lars pour la logistique (ports, aéroports, auto-routes) et 20 milliards de dollars, enfin, pour lesoutien au développement d’entreprises.• Le cabinet McKinsey recense lui un pipe deprojets publics à cinq ans atteignant tous ensem-ble 200 milliards de dollars dans neuf secteurs

12 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

(17) RapportInvestissement enMéditerranée.Constats et perspec -tives, GuillaumeAlmeras etAbderrahmane HadjNacer, mars 2009.

LE DYNAMISME

DE CERTAINES

BOURSES

DES PSEM NE SE

TRADUIT PAS PAR

UN INVESTISSE -MENT MASSIF

DANS LA

CRÉATION

D’ENTREPRISES.ELLES JOUENT

UN RÔLE DE

COMPLÉMENT

EN MATIÈRE DE

FINANCEMENT

DES ENTRE -PRISES.

d’activité de onze Psem, en retenant un niveaumoyen d’equity de 25% à 40% et un taux d’inter-vention du secteur privé de 15 à 20% pour la plu-part des projets, un besoin de 30 à 40 milliards dedollars de capitaux privés (dont de 7,5 à 16 mil-liards de dollars en equity).

Force est de constater que l’ensemble des bail-leurs de fonds intervenant dans la région, n’estpas à même de couvrir de telles sommes mêmes’ils ont accru leurs moyens d’action dans larégion. Les sommes engagées resteront largementinsuffisantes (20 milliards d’euros en 2009).

au-delà des dons et prêts en provenance de larive nord et des bailleurs de fonds multilatéraux,une grande part des financements devra provenirdes investisseurs de toute origine, publics et pri-vés, internationaux comme locaux. Ces investis-seurs ont besoin d’un régime ad hoc pour rendreattractifs ces investissements et pour s’engagerdans des projets durables de long terme.

On voit bien les difficultés pour attirer et fixerdes capitaux de placement sur des projets à reve-nus différés (plusieurs dizaines d’années de matu-rité) et à rentabilité modérée (de l’ordre de 4 à 7 %).Au-delà de l’investissement, le principal problèmeavec la crise financière est de lever de la detteconsommatrice de plus de fonds propres (Bale III)et avec des risques de liquidité qui pèsent sur lebilan des banques et les amènent à privilégier desprojets dans des zones moins risquées.

Dès lors, des choix et des coordinations serontindispensables. Le manque de collaboration entreles Psem ne permet pas de définir des modalitésde coordination propice à la mise en place definancements susceptibles de bénéficier à plu-sieurs projets d’infrastructures.

Le diagnostic établi par Guillaume Alméras etAbderrahmane Hadj Nacer dans le cadre de leurrapport a révélé que dans certains Psem, les pro-jets d’infrastructures sont très nombreux etn’obéissent pas dans leur ensemble à des critèresde sélection de taille, d’opportunité ou mêmed’importance.

les psem se caractérisent en effet par un foison-nement de projets se retrouvant d’un pays à l’autremais ignorant tout des projets des pays voisins etse faisant ainsi concurrence à l’échelle régionale,notamment dans le domaine logistique.

Ce manque de coordination renvoie systéma-tiquement aux besoins de financement qui sontconsidérables, «une manière de les estimer est deraisonner en termes de formation brute de capital

fixe. En partant du niveau que représente cette der-nière dans les différents Psem et en estimant […] quepour faire face aux investissements nécessaires enmatière de logements, infrastructures, développe-ments industriels, formation, etc., elle doive se situerà 30 % du PIB, le besoin d’investissement supplé-mentaire atteindrait 200 milliards de dollars dès lapremière année pour l’ensemble des Psem ! Un chif-fre recevable si l’on considère que le Maroc, à lui seul,envisage un investissement public de 100 milliardsd’euros ces cinq prochaines années»(18).

On voit de façon pragmatique que la priorisa-tion des projets est seule à même de répondre àl’objectif de concentration des moyens qui estindispensable. Cette priorisation pourrait s’inspirerdes objectifs prioritaires de l’UpM (dépollution dela Méditerranée, autoroutes de la mer et terrestres,Plan solaire méditerranéen) et avoir des dimen-sions régionales (Sud-Sud, Sud-Nord), en privilé-giant la cotation des projets eux-mêmes en termesde risques mais aussi en adoptant des critèresinnovants et structurants tels qu’environnemen-taux ou d’entraînement sur l’économie en général.

Mauvaise perception du climat des affaires 

dans la région méditerranéenne, il existe unréseau conventionnel de 317 traités bilatéraux deprotection de l’investissement (TBI) conclus entreles différents États constitutifs de cette zone(19). Laprotection offerte par ces accords comprend quasi-systématiquement les dispositions suivantes :• traitement national ;• traitement de la nation la plus favorisée ; • traitement juste et équitable ;• garantie en cas d’expropriation ; • garantie en cas de pertes ;• liberté de transfert ; • clause de respect des engagements (umbrellaagreement) ;• pleine et entière protection et sécurité.

à côté de la protection dite substantielle, lesaccords comprennent également des garantiesprocédurales. Il s’agit de permettre à l’investis-seur de saisir un tribunal arbitral international àl’encontre de l’État hôte en cas de différends. Cerecours à l’arbitrage même s’il est limité dans cer-tains cas, fait référence dans le cadre méditerra-néen au mécanisme du Cirdi, le règlement d’ar-bitrage de la Cnudci et le règlement d’arbitrage

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 13

(18) RapportInvestissement enMéditerranée.Constats et perspec -tives, GuillaumeAlmeras etAbderrahmane HadjNacer, mars 2009.

(19) Rapport Ipemedsur l’état des lieux desmécanismes juri -diques internatio nauxde protection del’investissement étran -ger en Méditerranée,élaboré par SabrinaRobert-Cuendet,avril 2010.«Il s’agit d’une partdes États membres del’Union européenne :Allemagne, Autriche,Belgique, Bulgarie,Chypre, Danemark,Espagne, Estonie,Finlande, France,Grèce, Hongrie,Irlande, Italie,Lettonie, Lituanie,Luxembourg, Malte,Pays-Bas, Pologne,Portugal, Républiquetchèque, Roumanie,Royaume-Uni,Slovaquie, Slovénie,la Suède. Et d’autrepart, des Étatsriverains de laMéditerranée nefaisant pas partie del’Union européenne:Albanie, Algérie,Bosnie-Herzégovine,Croatie, Égypte,Israël, Jordanie,Liban, Maroc,Mauritanie, Monaco,Monténégro, AutoritéPalestinienne, Syrie,Tunisie, Turquie etLigue arabe. Ontégalement été pris encompte les accordsconclus par la Libye,qui sans être partie auprocessus deBarcelone y estobservateur.»

de la CCI (avec une nette préférence pour lerecours à l’arbitrage Cirdi). Certains accords fontréférence à des mécanismes moins connus etplus spécifiques comme le Centre d’arbitragecommercial international du Caire ou d’Istanbul,le Centre d’arbitrage international de la chambrefédérale autrichienne d’économie, le Tribunalarbitral de la chambre de commerce de Stock-holm ou encore la Cour des investissementsarabes dans les pays arabes. Il faudrait signalerque le recours à l’un des deux principales institu-tions d’arbitrage Cirdi, ou CCI représente un coûtextrêmement élevé pour les parties. Les pme setrouvent quasiment exclues de ce système qui, defait, n’est accessible qu’aux investisseurs d’impor-tance significative.

Toutefois, et par rapport à d’autres régions dumonde, la région méditerranéenne prise dans sonensemble de la Mauritanie à la Turquie avec la Jor-danie et Israël (même si les situations indivi-duelles peuvent être plus contrastées), apparaîtcomme offrant une rentabilité des investisse-ments relativement moins intéressante, ou à toutle moins plus risquée, et plus complexe à structu-rer du fait de la diversité des cadres nationaux del’investissement.

les investisseurs européens, qui demeu-rent les principaux investisseurs dans la région,réservent à peine 3 % de leurs investissementsdirects extérieurs aux Psem, contre une moyennede 20 % pour les firmes américaines ou japo-naises dans leur sud respectif. Les autres investis-seurs intervenant dans la région se concentrentessentiellement sur le secteur pétrolier et gazier(Amérique du Nord) et les actifs immobiliersoffrant une rentabilité à relativement court terme(pays du Golfe arabo-persique). Un grand nombred’investisseurs expliquent pour partie cet état defait par une perception de l’investissement à longterme dans cette région comme risqué, et lesfonds d’investissement privés autorisés par leursstatuts à intervenir dans la région sont encore rela-tivement peu nombreux en grande partie pourcette même raison. De fait, l’on assiste depuis peuà une multiplication des demandes de garantiefinancière visant à couvrir les risques de rupturedes contrats à conclure avec un partenaire publicou parapublic du Sud de la Méditerranée ou dedéni des obligations financières par l’État hôte del’investissement.

Par ailleurs, l’existence d’instruments juri-diques ayant pour vocation d’offrir une sécuritéde l’investissement ne semble pas avoir aujour -

d’hui d’effet significatif sur la perception durisque régional : la protection offerte par lescadres juridiques des investissements reste com-plexe (existence de régimes juridiques nationauxdifférents ; multiplicité des traités bilatéraux deprotection de l’investissement et des conventionsconclues sous l’égide de la Ligue arabe, del’Union du Maghreb arabe ou de l’Organisationde la conférence islamique), encore imprécise(rôle des clauses de la nation la plus favoriséedans l’extension de l’application de clauses d’untraité de protection de l’investissement à unautre ; divergences jurisprudentielles des tribu-naux arbitraux, et coûteuses à appréhender (coûtsde transaction plus élevés – chaque investisse-ment dans un pays de la région nécessitant uneanalyse distincte à cet égard – ; coûts et délaisassociés au règlement des litiges et à l’exécutiondes décisions rendues).

l’image globale offerte par la région enmatière de protection de l’investissement souffrenotamment de la comparaison avec un régimecomme celui mis en place au sein de l’Alena, quipermet à des investisseurs d’envisager leurs pro-jets en tenant compte de standards de protectionconnus et identiques dans toute la région.

Les intervenants permettant d’assurer lesinvestissements sont multiples : agences natio-nales de garantie des investissements étrangers,et parfois des investissements domestiques (àl’exemple de la Cotunace en Tunisie), agences dedéveloppement (comme l’AFD), les institutionsmultilatérales : banques (Banque mondiale,Banque africaine de développement ou Banqueislamique de développement, SFI, BEI) etagences de garanties (Miga, Compagnie inter-arabe de garantie des Investissements, Sociétéislamique d’assurance des investissements et decrédit à l’exportation).

Mais les garanties financières disponiblesoffertes par ces intervenants sont à la fois limitéesen montant en rapport avec le niveau et le calen-drier des besoins d’investissements nécessaires àla région dans les vingt prochaines années si cecidevait se réaliser. Elles sont relativement coû-teuses et par ailleurs pas toujours parfaitementadaptées (coût, conditions d’intervention, multi-plicité des intervenants) à une demande de projetsde taille inférieure à 50 millions de dollars, quisont de plus en plus nombreux et dont les spon-sors peuvent être des sociétés de taille moyenne,ou pour des projets d’une durée supérieure àquinze ans.

14 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

L’EXISTENCED’INSTRUMENTSJURIDIQUES

OFFRANT UNE

SÉCURITÉ DE

L’INVESTISSE -MENT NE SEMBLE

PAS AVOIR

D’EFFETSIGNIFICATIF SUR

LA PERCEPTION

DU RISQUE

RÉGIONAL.

De plus, si le risque politique (non convertibi-lité, non-transfert, expropriation, guerre, terro-risme et troubles civils, rupture des obligationscontractuelles de l’État ou d’entreprises publiques)est généralement susceptible de couverture par lesagences nationales de garanties, dans les limitesévoquées au paragraphe précédent, tel n’est pas lecas d’un certain nombre d’autres types de risques,qui jouent pourtant un rôle dans la décision d’in-vestissement.

Les risques systémiques, tels que le risque dedévaluation ou de dépréciation monétaire, ne sontainsi généralement pas couverts, et la couverturedu risque politique ne bénéfice par ailleurs géné-ralement pas (notamment pour des questions desouveraineté) aux banques locales qui pourraientêtre associées au financement des projets en mon-naie locale et contribuer ainsi dans un certainnombre de cas à la réduction du risque de change.Des instruments financiers sont disponibles pourlimiter ce type de risque dans le cadre des grandsprojets mais, outre leur coût, ils ne couvrent queles projets impliquant des devises convertiblesbénéficiant d’un historique satisfaisant.

par ailleurs, les mécanismes institutionnels degarantie existants n’offrent généralement pas unegarantie globale risque poli tique-risque commer-

cial qui bénéficie pourtant d’une forte demande,en particulier de la part des pme. Des expériencesde partage entre risque politique et risque com-mercial ont déjà été menées (ainsi au niveau de lagarantie communautaire des prêts de la BEI horsUE et dans des financements de projets), maisaucune offre structurée pérenne n’est disponible,notamment du fait de la question de savoir qui vaavancer les sommes à l’investisseur ou auxbanques en cas de mise en jeu de la garantie.

Enfin, en pratique, les différents instrumentsde garantie financière, et y compris ceux disponi-bles dans le secteur privé (pour des durées de cou-vertures généralement moins longues et à desconditions plus fluctuantes que pour les instru-ments publics) doivent être coordonnées dans lamesure où les couvertures (tous ne couvrent deplus pas à la fois dette et fonds propres et certainsinstruments requièrent une contre-garantie del’État hôte), l’éligibilité, les coûts et les procéduressont rarement identiques.

L’expérience argentine a en outre convaincuun certain nombre de grands investisseurs de lanécessité de renforcer l’efficacité des mécanismesde protection de l’investissement, en particuliereu égard aux délais de règlement des litiges inves-tisseur-État et aux garanties d’exécution. l

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 15

nul besoin de revenir sur le nombre impor-tant de projets structurants nécessitant des finan-cements dépassant les capacités des bailleurs defonds et des Psem. De même, la crise financière etéconomique a démontré que le processus vertueuxd’attraction des IDE, dont on constate déjà unebaisse significative, peut être sérieusemententravé. Compte tenu de ces éléments, nos propo-sitions ont pour finalité de s’appuyer sur tous lesoutils existants et de proposer ce qui est de natureà apporter un avantage positif supplémentaire.

Ces propositions s’inscrivent dans une doublevision : à long terme et à court terme. À longterme, il s’agit de mettre en place une architecturefinancière complète articulée autour d’une insti-tution financière de développement dédiée à larégion. L’objectif est d’orienter les investissementsvers les besoins structurants à long terme desPsem au détriment des secteurs spéculatifs.

À court terme, il s’agit de palier aux insuffi-sances de la sécurité juridique des investissementsdans cette région et de mettre en place des outilsde financement des infrastructures et des pme.

vision à long terme. Les besoins considéra-bles de financement dans les Psem dessinent desopportunités nouvelles pour l’émergence à longterme d’un espace financier intégré dans la régioneuro-méditerranéenne. Le moment est opportunpour mettre en place de manière progressive et enadoptant le principe de la géométrie variable, unevéritable architecture financière ambitieuse, pro-pre à la région qui s’inspire de celle des institu-tions de Bretton Woods : banque, fonds moné-taire, agence de garantie, etc.

En effet, l’Europe doit identifier des relais decroissance dans son environnement immédiat.Elle est également dans une zone d’étiage due àson ralentissement démographique et à la fai-blesse de ses gains de productivité. Face aux puis-sances émergentes (Brésil, Inde, Chine) et auxcrises sévères que traversent certains pays de lazone euro, l’Europe pourrait être confrontée à un

affaiblissement de sa capacité d’influence sur desrégulations internationales. De leur côté, les Psemne peuvent trouver individuellement les moyensde faire face aux risques monétaires, aux risquesde débouchés des IDE à long terme et aux risquesd’exportation.

Néanmoins, l’étude Convergence (Ipemed,2010) démontre qu’une dynamique de conver-gence économique des deux rives est enclenchée,même si elle reste fragile. Des investissementsmassifs de grands groupes européens dans desactivités à faible valeur ajoutée sont progressive-ment complétés par le développement de sys-tèmes productifs intégrés sur différents secteursà faible comme à forte composante technique.L’installation de nouvelles entreprises, attirées parla réussite de leurs partenaires commerciaux ouconcurrents, pourrait mener à une amplificationde cette dynamique. Dans plusieurs secteursindustriels et de service, la plupart des grands lea-ders mondiaux sont déjà présents dans la zone.

De façon plus globale, une nouvelle étape sem-ble se consolider. Des entreprises, conscientes desressources du Sud et de l’Est de la Méditerranée yimplantent depuis le début des années 2000 desactivités à forte valeur ajoutée qui, si elles attei-gnent une masse critique, devraient entraîner lesPsem dans un cycle vertueux de développementqui bénéficiera à l’ensemble de la zone méditerra-néenne. Les entreprises européennes conserve-raient alors leur compétitivité dans l’industriecomme dans les services alors que les Psem ver-raient leur niveau économique augmenter forte-ment. La complémentarité Nord-Sud pourraitainsi être exploitée à travers des partenariatsgagnant-gagnant.

vision à court terme. Nos propositions seconcentrent sur la question de la sécurisation desinvestissements, les outils de financement desinfrastructures et des pme notamment dans lecadre de partenariats. En effet, la question de lasécurisation et de la garantie des investissements

16 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

LE MOMENT EST

OPPORTUN POUR

CRÉER UNE

ARCHITECTURE

FINANCIÈRE

AMBITIEUSE,PROPRE À LA

RÉGION, ARTI -CULÉE AUTOUR

D’UNE BANQUE DEDÉVELOPPEMENT

DE LA MÉDITER -RANÉE.

Propositions pour le financement de l’investissement en Méditerranée

en Méditerranée est centrale car elle revêt uncaractère transversal.

Pour attirer davantage d’investisseurs, la Médi-terranée se doit d’améliorer le climat des affaireset la perception des investisseurs de cette région.Elle doit également se doter d’outils financierspour faire face aux difficultés de financement desinfrastructures et des pme.

Nous plaidons pour la mise en place d’un cadrejuridique régional stable pour donner une meil-leure visibilité à la région et rassurer les investis-seurs internationaux et locaux. Il est nécessaire deprésenter aux investisseurs, sur des projets straté-giquement identifiés, un régime juridique harmo-nisé de protection de l’investissement et des garan-ties de règlement des litiges avec les investisseurs.L’objectif d’un accord international unique au planrégional contenant les clauses classiques de pro-tection des investissements, bien que souhaitable,n’est pas réalisable sur le court terme. En effet, untraité régional général sur la protection de l’inves-tissement soulèverait un certain nombre de ques-tions juridiques et politiques qui ne peuvent êtrerésolues rapidement. L’option qui paraît, parconséquent, la plus opérationnelle consisterait enl’élaboration sous l’égide du secrétariat général del’UpM d’un projet d’accord-cadre définissant unenvironnement juridique uniforme (mais pouvantcomprendre des parties optionnelles) de la protec-tion des investissements UpM avec un mécanismede recours à l’arbitrage.

s’agissant des infrastructures, seul un fonds degarantie des infrastructures, initié par l’Unioneuropéenne sur une liste d’investissements label-lisés UpM, est à même de répondre aux besoinsde financements des Psem. La dimension régio-nale des projets est à privilégier car elle permet dedonner la priorité aux projets structurants quifavorisent l’intégration Sud-Sud et Nord-Sud touten mutualisant les charges et les coûts des projets.Pour le financement des pme, le vecteur du fondsde garantie nous semble également constituer lemeilleur moyen d’aboutir à une démultiplicationvertueuse des moyens engagés.

Il existe au niveau national, au Nord commeau Sud, un certain nombre de fonds de garantievisant notamment à favoriser la création et le déve-loppement des pme en associant des acteurspublics et privés. On peut citer, outre le rôle centralde la BEI, des mécanismes internationaux commeles instruments de garantie Groupe Banque mon-diale-Miga qui a une vocation universelle avec unspectre large allant des pme aux infrastructures.

On peut aussi évoquer l’organisation interarabede garantie des investissements inspirée dumodèle Miga ou les mécanismes offerts par lespays du Nord et du Sud (Hermès-AFD-BFPMEtunisienne…). L’Initiative méditerranéenne dedéveloppement des entreprises est une réponseglobale qui pourrait se traduire par un fonds degarantie initié par l’UE. En complément et defaçon plus ciblée, nous proposons la mise en placed’un fonds de garantie pour les pme, alimenténotamment par les régions, centré sur les clusters.

Vision à long terme : architecture financière pour une meilleure intégrationde l’espace financier euro-méditerranéen

il est proposé de mettre en place de manièreprogressive, en adoptant le principe d’une appli-cation à géométrie variable, une architecturefinancière ambitieuse propre à la région, articuléeautour d’une Banque de développement de laMéditerranée.

Cette architecture s’inspire de celle des institu-tions de Bretton Woods : banque, fonds moné-taire, agence de garantie des investissements,cadre régional harmonisé de la protection de l’in-vestissement, mécanismes de règlement des dif-férends etc. Seul, ce format est en mesure derépondre aux déficiences relevées dans la régiondans le cadre des travaux de l’Initiative pour l’in-vestissement en Méditerranée.

Une telle architecture est nécessaire pour :• soutenir et dynamiser l’investissement auxpremières étapes de la création d’entreprises ;• développer les marchés de capitaux dans larégion et encourager leur rapprochement ;• renforcer et étendre les dispositifs de garantiedes exportations ;• offrir un cadre global, commun et concertépour la sécurisation des investissements ;• garantir une plus grande stabilité monétaire dela région ;• fédérer les initiatives existantes et participer àla dynamisation de l’investissement ;• créer les conditions pour la transformation àlong terme de l’épargne des migrants.

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 17

POUR ATTIRER

DAVANTAGE

D’INVESTISSEURS,LA MÉDITERRA -NÉE DOIT

AMÉLIORER LE

CLIMAT DES

AFFAIRES ET LA

PERCEPTION DES

INVESTISSEURS

DE LA RÉGION.

Une institution financière dedéveloppement spécifique à la région

dans le cadre du rapport de la commissionMilhaud, trois options ont été évoquées avec unenette préférence pour l’option n°2 consistant àcréer une institution financière à partir des struc-tures existantes. L’option n°1 consiste en la créationex nihilo d’une banque de développement dont lecapital serait détenu par les pays et les établisse-ments publics ou multilatéraux du Nord et par lesÉtats du Sud et de l’Est de la Méditerranée. Cetteoption n’est pas retenue car l’obtention d’une nota-tion aaa serait très coûteuse en capital initial. L’op-tion n°3 consiste, quant à elle, en la mise en placed’une caisse publique méditerranéenne sousforme d’une filiale des établissements publics agis-sant en qualité d’investisseurs à long terme. Cetteoption, considérée comme de «second rang», neserait retenue qu’en dernier ressort, car de part sanature, une caisse ne peut mobiliser que des mon-tants limités qui ne peuvent pas répondre auxbesoins énormes de la région.

l’option n°2 a été retenue car elle prône la miseen place d’une institution financière dédiée aufinancement du co-développement de la Méditer-ranée. Elle pourrait résulter d’une filialisation del’activité de la BEI dans la région méditerra-néenne. Son capital serait ouvert aux pays del’UpM mais également à l’Union européenne, lespays du Golfe, la Banque mondiale ou la Banqueafricaine de développement. Cette institution doitêtre notée aaa par les agences de notation, préala-ble incontournable à sa capacité financière et sonefficacité sur le terrain.

Pour notre part, nous croyons fortementqu’une institution financière de développementde la Méditerranée pourrait apporter à la régionune valeur ajoutée indéniable :• sa création serait un signal fort donné auxinvestisseurs. Elle contribuera à restaurer laconfiance vis-à-vis des gouvernements, des sys-tèmes bancaires et des partenaires industriels. Parsa seule existence, elle créerait les conditions de lasécurité des flux d’épargne et d’investissement ;• elle permettra de passer d’une logique de fondsd’investissement à une logique de développementtransversal, régionalement intégré et durable;• elle facilitera la transformation des encaissesoisives en ressources longues et favorisera lesconditions de stabilité et d’ancrage monétaire;• même avec un ticket modeste dans le finance-ment des projets, l’intervention de l’Institution de

développement méditerranéenne aurait un effetcatalyseur en entraînant les banques commer-ciales et autres investisseurs en fonds propres enles rassurant sur la faisabilité des projets ;• cette institution doit remplir les fonctionsessentielles orientées vers la mise à niveau deséconomies de la région et le financement des pmeet du secteur privé ;• elle contribuera à l’amélioration de la qualitédes projets en apportant une expertise et une capa-cité d’identification et d’évaluation des risques lar-gement déficitaires dans la région;• enfin, seule, une Institution financière de déve-loppement régionale sera en mesure de porter desprojets transversaux, ambitieux et mobilisateurs :TGV de la rive sud, interconnexions électriques,autoroutes transversales… Jusque-là, seul le Fondsarabe pour le développement économique etsocial finançait de tels projets, mais avec desmoyens limités.

cette institution serait la clé de voûte permet-tant d’associer le secteur public et le secteur privé.Les États et institutions publiques nationales etinternationales qui y participeraient permettraientde créer un effet de levier considérable sur les res-sources publiques et privées collectées grâce à leurcrédibilité et à la régulation publique, et mettraientleur ingénierie au service de l’innovation àl’échelle régionale, avec une vision stratégiquepour le développement et l’intégration écono-miques en Méditerranée.

À l’instar de la Banque mondiale qui a instauréà l’échelle du globe un ensemble d’instrumentsassurant des fonctions d’identification des projetsdu secteur privé, de financement et de garantie, etde formation, l’espace méditerranéen devrait peuà peu se doter de fonctions analogues, sous l’im-pulsion d’une banque de développement spéci-fique. Cette banque devrait également aller au-delà, en endossant les missions d’innovationd’une banque d’affaires, et en participant notam-ment à l’incubation d’entreprises pour impulserdu développement économique et industriel dansles pays de la rive sud.

L’institution financière méditerranéenne dedéveloppement devrait avoir quatre fonctionsessentielles pour la région : • le soutien aux projets du secteur privé etnotamment aux pme : identification des projets,mais aussi une fonction d’incubateur, de soutienaux initiatives privées, de promotion de projetsdans les filières identifiées comme stratégiques –

18 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

UNE INSTITUTION

FINANCIÈRE DE

DÉVELOPPEMENT

DE LA

MÉDITERRANÉE

POURRAIT

APPORTER À

LA RÉGION UNE

VALEUR AJOUTÉE

INDÉNIABLE.

un cadre d’action qui s’inspire des stratégies pro-ductives de l’Asie orientale ;• la transformation des ressources financières decourt terme en ressources de moyen et long termepour l’investissement ; • à relativement court terme, une fonction deformation et d’échanges d’expériences en matièred’investissements, qui conforterait les systèmesfinanciers au Sud et faciliterait les échanges Nord-Sud comme Sud-Sud. Cela implique une harmo-nisation des normes comptables et un renforce-ment substantiel des statistiques afin de disposerde données harmonisées provenant des institutsnationaux de statistiques ;• à plus long terme, une fonction de garantie, àtravers un fonds méditerranéen de garantie pourl’investissement et l’exportation (FMGIE).

La fonction de soutien au secteur privéet notamment aux pme

les rives sud et est méditerranéennes ontbesoin de financer les pme – mais elles ont surtoutbesoin de créer des pme. Dès lors, la fonction pre-mière de la Banque de développement méditerra-néenne devrait être d’y contribuer par : • un rôle d’incubateur ;• un rôle de soutien aux créations d’entreprises,dans les filières que chaque pays aura considéréescomme stratégiques donc à structurer sur le longterme ;• un rôle d’identification des projets viables et deprêts, ce qui suppose le développement d’unecapacité de calcul du risque économique et derating ;• un rôle de garantie des investissements et degarantie de crédit.

Actuellement, ces fonctions ne sont pas assu-rées ni par les banques nationales de la rive sudni par la BEI et les autres organismes multilaté-raux qui restent trop loin du contact quotidienavec les pme dès lors qu’il s’agirait de contribuerà leur développement. Une Banque de développe-ment méditerranéenne constituée par les États duSud autant que du Nord créerait cet outil de proxi-mité, de confiance, de soutien et promotion dusecteur privé.

La fonction de transformation des ressources du court au long terme

les rives sud et est méditerranéennes dispo-sent de liquidités en abondance. Elles ont besoinde pouvoir transformer leur épargne locale oucelle qu’elles reçoivent de leurs diasporas, eninvestissements de long terme dans des projetscrédibles et structurants. À ce niveau, la Banquede développement méditerranéenne devrait assu-rer la transformation d’une partie de la ressourcetrès liquide que sont les transferts migratoires, enépargne longue permettant soit de financer soit degarantir le financement d’investissements produc-tifs. Pour le moment, les banques de la rive sudn’assurent pas cette transformation, sauf excep-tions (au Maroc ponctuellement). La Banque dedéveloppement méditerranéenne doit pouvoirs’associer tous les consortiums privés transmédi-terranéens pour assurer la collecte des remisesmigratoires, et apporter la crédibilité publique desÉtats nécessaire pour assurer la transformation(signature aaa).

Le renforcement des compétences et l’échange d’expériences

la banque de développement pourrait favo-riser les échanges d’expériences. Cette missiond’échange d’expériences et de conseils en matièred’investissement contribuera au renforcement descapacités du secteur public, qui conditionne ledéveloppement et la meilleure gestion des inves-tissements en Méditerranée. La mutualisation del’expertise ne se fait pas naturellement du côté despersonnes publiques, alors que c’est davantage lecas pour le secteur privé. Il existe toutefois des dis-positifs d’assistance technique mis en place parles institutions financières internationales, lesNations unies et la Commission européenne,ainsi que des organismes nationaux visant àappuyer le secteur public en matière d’investisse-ment, au Nord comme au Sud et à l’Est de laMéditerranée. La Banque de développementméditerranéenne pourrait peu à peu les fédérer etles développer à l’échelle de la région. Un réseaupour la formation, la mutualisation et le partaged’expérience sur les investissements serait mis enplace au sein de la banque. Ce réseau seraitfinancé par les agences nationales chargées de lapromotion de l’investissement.

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 19

LA BANQUE DE

DÉVELOPPEMENT

MÉDITERRA -NÉENNE DEVRAIT

ASSURER LA

TRANSFORMATION

D’UNE PARTIEDE LA RESSOURCE

TRÈS LIQUIDE

QUE SONT LES

TRANSFERTS

MIGRATOIRES, ENÉPARGNE LONGUE.

parmi les rôles qui incomberaient au réseaudes agences puis à la Banque méditerranéenne,citons :• l’organisation d’un forum d’échanges d’infor-mations et de promotion de l’autoévaluation de laperformance technique et économique du service,etc. ;• le recensement des bonnes pratiques enmatière de contrôle des contrats impliquant la par-ticipation du secteur privé : analyse coûts/avan-tage permettant d’éclairer le choix d’une fourni-ture publique ou privée des services, utilité de lacontractualisation, mécanismes d’élaboration etde suivi de l’exécution des contrats, etc. L’établis-sement des bonnes pratiques et leur promotionaura lieu sur la base pragmatique des échangesd’expériences à travers le forum d’échanges ;• le conseil aux collectivités locales : à terme, labanque pourra apporter son expertise aux collec-tivités locales en matière d’investissement. Ce ser-vice serait payant : de même que les multinatio-nales sont accompagnées par les meilleuresbanques d’affaires, les collectivités locales doiventpouvoir recourir à un service marchand pour uneassistance de haut niveau. Les services de conseilseraient rendus par des consultants et des fonc-tionnaires détachés, dont la Banque méditerra-néenne assurerait la qualité et le renouvellement.

Le réseau permettrait d’élaborer une premièreébauche de base documentaire destinée auxagences nationales. Rapidement, la constitutiond’un véritable MedStat serait un outil précieuxpour la Banque méditerranéenne et les États. Ilfaciliterait l’échange d’expériences sur les aspectsfinanciers mais également les projets sectoriels(environnement, énergie, transport, etc.) et laprospective économique.

La fonction de garantie à travers la création d’un Fonds méditerranéen de garantie pour l’investissement et l’exportation (fmgie)

se basant sur le principe de la géométrievariable, les pays qui le souhaitent, constitueraientau sein de la Banque méditerranéenne un Fondsméditerranéen de garantie pour l’investissementet l’exportation (fmgie). Il s’agirait de combler lesmanques des dispositifs de garantie existants,nationaux ou internationaux. Ces manques sontessentiellement les suivants :• ces systèmes de garantie ne se cumulent géné-ralement pas (Miga est concurrente avec la Coface,etc.) de sorte qu’il n’y a guère moyen pour un

investisseur de rehausser un risque de coût élevé(pas de fonction de réassurance) ;• ces systèmes de garantie n’ont pas de vocationrégionale, permettant de mutualiser des risquessur plusieurs États notamment pour des projetscommuns ;• ils n’ont guère les moyens pour réagir auxsituations de crise et sont ainsi incapables de met-tre en place des garanties de convertibilité d’inves-tissement à cours fixé.

pourquoi couvrir à la fois l’investissement etl’exportation ? • Les pays du Sud ont besoin d’un instrumentde couverture de leurs risques à l’exportation, qu’ils’agisse d’exportations vers le Nord ou vers le Sud.Or l’assurance crédit est très onéreuse, pas tou-jours à la portée de tous les pays du Sud et pas tou-jours souple; les organismes et mécanismes aux-quels ils ont recours (BAD, BID, Société arabe degarantie des investissements…) ne disposent pastoujours de toutes les compétences profession-nelles ou de la gamme des services dont les opé-rateurs ont besoin pour se couvrir. Cette insuffi-sance dans l’expertise ou la gamme de servicesofferts se traduit par une augmentation des coûtsdes services proposés, l’organisme préférantmajorer ses tarifs quand il n’est pas en mesured’estimer le risque de manière précise ou de lereplacer à travers des réassurances à des condi-tions acceptables. • Les pays du Nord ont besoin de sécuriser leursinvestissements vers le Sud, que ce soit face aurisque politique, face au risque de change, face aurisque de défaut de paiement du pays dans lequelse porte l’investissement, ou encore en cas dedéfaut de paiement pour l’exécution d’une sen-tence arbitrale. Il est donc proposé de coupler cesdeux besoins de couverture de risque, en consti-tuant un fonds de couverture du risque investis-sement et export.

Par rapport à Miga de la Banque mondiale,située à Washington et n’ayant pas de vocationspécifiquement méditerranéenne, ce fonds pré-senterait l’avantage, d’une part, de porter à la foissur l’investissement et l’exportation ; et d’autrepart de renforcer la proximité – et donc laconfiance mutuelle – entre les partenaires. Ilconstituerait un instrument de régulation des fluxd’investissement et d’exportation au sein de larégion : sécurisation des investissements, limita-tion des stratégies d’aubaine notamment à l’occa-

20 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

UN FONDS

MÉDITERRANÉEN

DE GARANTIE

POUR L’INVESTIS -SEMENT ET

L’EXPORTATION(FMGIE)COMBLERAIT

LES MANQUES

DES DISPOSITIFS

DE GARANTIE

EXISTANTS.

sion des délocalisations du Nord vers le Sud,réduction des coûts de la couverture du risqueexport, etc. Et cela tant pour les échanges Nord-Sud que Sud-Nord et Sud-Sud.

les avantages du fmgie seraient donc les sui-vants :• il irait dans le sens de la constitution d’unespace économique méditerranéen intégré  ; ilassocierait le public et le privé, le Nord et le Sud etcomprendrait des capitaux du Golfe ;• il serait mis en place de manière progressive etpragmatique. Il pourrait commencer par couvrirun nombre limité de pays, faire la démonstrationde son efficacité pour ensuite recevoir l’adhésiond’un plus grand nombre de pays et bénéficier derendements croissants. Concernant l’investisse-ment, il pourrait dans un premier temps porterplus particulièrement sur les projets d’intérêtrégional général comme les investissements dansle domaine de l’environnement ;• il serait rentable : comme dans la plupart desautres grands organismes d’assurance investisse-ment ou export, la rétribution du capital apportépar les États à travers leur dotation initiale degarantie, serait assurée par les primes d’assu-rances payées par les opérateurs ;• son assise sur des États et notamment des Étatsdu Nord, lui donnerait une surface financière suffi-sante pour couvrir les risques encourus, et un accèsà la réassurance à des conditions compétitives ;• sa dimension et son expertise lui permettraient(i) de présenter une estimation précise des risques ;(ii) et d’offrir toute la palette des services de garan-tie demandés par les opérateurs. Sa fonction denotation des risques serait accessible au secteurprivé à des coûts abordables. Elle permettrait enparticulier de déterminer des taux de garantie quipourraient être utilisés par d’autres organismesnationaux et internationaux, et rendrait possibledes recotations ;• il contribuerait à faire reculer le bilatéralismedans les relations économiques Nord-Sud enMéditerranée, même si c’est aux dépens de l’appuitraditionnel de chaque État (notamment au Nord)à son commerce extérieur. Cela ouvrirait la pers-pective d’une vraie politique commerciale médi-terranéenne coordonnée, en particulier entre payseuropéens.

la banque de développement méditerra-néenne pourrait également remplir deux autresfonctions essentielles pour boucler l’architecturefinancière qui devrait être mise en place à terme :

La fonction de médiation et d’arbitrage : créer un Centre de règlement des différendsinternationaux en Méditerranée (Cirdiem)

• Les opérateurs souhaitent pouvoir faire appelau droit international, en particulier à la médiationet à l’arbitrage. Un Centre international de règle-ment des différends internationaux en matièred’investissement et d’exportation en Méditerranée(Cirdiem) pourrait être créé à cet effet. Le FMGIEpourrait conditionner ses services au recours auCirdiem en cas de litige. Les États volontaires s’en-gageraient, par une convention internationale, àdoter ce centre des arbitres du niveau requis, laqualité des arbitres étant déterminante pour la cré-dibilité d’un centre d’arbitrage.

Plusieurs centres d’arbitrage sont à la disposi-tion des opérateurs, notamment le Cirdi, le Centrerégional d’arbitrage commercial international duCaire (crcica) et le Dubaï International Arbitra-tion Center (Diac). Le Cirdiem présenterait quantà lui les avantages :• d’une implantation régionale et d’une vocationuniquement méditerranéenne. La signature parles États de la convention internationale instituantle Cirdiem, serait un engagement politique pourune insertion dans un système de règlement desdifférends international, mais commun et partagé(et non pas lointain et imposé). Ce centre consti-tuerait ainsi un précieux instrument de négocia-tion politico-économique pour la région ;• de l’efficacité et de la rapidité d’un organismequi deviendrait rapidement l’instrument de réfé-rence des opérateurs locaux ;• d’une possible péréquation des tarifs qui per-mettrait l’accès aux services de la médiation et del’arbitrage pour des pme (du Sud mais pas seule-ment), qui ont rarement les moyens d’y recourir.

il pourrait être constitué ex nihilo ou biens’appuyer sur une institution existante. Lesmoyens du crcica pourraient ainsi être renforcésafin qu’il devienne la référence pour la régionméditerranéenne. Les conditions de son entréeultérieure dans le giron de la Banque méditerra-néenne restent à préciser. On peut également ima-giner que la Banque méditerranéenne soit dotéed’une fonction de cour de justice régionale quiinterviendrait en dernier recours, et qui seraitconstituée en tant que de besoin.

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 21

LE FONDS FMGIE

CONSTITUERAIT

UN INSTRUMENT

DE RÉGULATION

DES FLUX

D’INVESTISSE -MENT ET

D’EXPORTATIONAU SEIN DE

LA RÉGION.

La fonction d’impulsion pour donner la priorité à l’innovation et à l’incubation

de par sa vocation de banque d’affaires, laBanque de développement méditerranéennedevrait se fixer une mission d’innovation et d’in-génierie financière. Elle devrait être assez soupledans son fonctionnement pour s’adapter et répon-dre rapidement aux besoins identifiés. Dans ledomaine de l’accompagnement des entreprisespar exemple, elle devrait se donner les moyensd’intervenir à chaque stade de développement :amorçage, création, développement, transmis-sion, etc. La fonction d’incubation est en particu-lier fondamentale : au-delà de l’accompagnementdes projets identifiés par des acteurs écono-miques, il s’agit d’être à l’origine de l’innovationen créant des entreprises et en proposant des pro-duits clés en main.

Parmi les services qui peuvent être mis enplace figurent l’hébergement des porteurs de pro-jet (création de couveuses afin de faciliter les par-tenariats et le partage d’expérience), la mise à dis-position d’assistance technique pour l’ensembledes aspects du projet (commerciaux, technolo-giques et industriels, juridiques et réglementaires,financiers, humains et organisationnels), lesfinancements (étude de faisabilité, puis projet àproprement dit). Des fonds et des incubateurspourraient être mis en place dans chaque pays, enfonction des besoins et perspectives identifiés. Àtitre d’exemple, le développement des secteurs duparapétrolier et de la production de blé pourraientêtre encouragés en Algérie.

S’agissant du capital et de la gouvernance de laBanque de développement méditerranéenne, il estproposé qu’il y soit associé à part égales, public,privé, et fonds souverains. • le privé (du Nord et du Sud) doit notammentêtre mobilisé pour la collecte de l’épargne à traversdes consortiums Nord Sud ;• le public doit assurer la sécurisation del’épargne, permettre la transformation en finan-cement de long terme, apporter la qualité de sasignature pour lever des emprunts, mettre surpied les mécanismes de garantie. Ce secteurpublic comporterait :

- les institutions financières multilatérales etnotamment la BEI, pour participer au finance-ment de grands programmes d’infrastructures ouprendre des participations dans des projets d’in-vestissement ;

- les institutions nationales dédiées au finance-ment du développement (AFD, KfW, etc.) et les

États du Nord et du Sud qui le souhaiteraient –dont la liste pourrait s’allonger au fur et à mesureque la banque aura démontré son efficacité. L’en-gagement des États signifierait l’acceptation de faitde l’action de la banque sur leur territoire auprèsde leurs entreprises, au profit d’une intégrationdans un espace financier régional dont chaqueÉtat aura contribué à donner les règles communes– au lieu d’une ouverture internationale soit com-battue soit menée de manière dispersée. • les fonds souverains, notamment du Golfe,doivent contribuer au développement d’unerégion méditerranéenne qui offre un vrai potentielpouvant permettre une valorisation de leurs res-sources financières.

Le capital de la banque se monterait à 10 mil-liards d’euros en cinq ans, dont le quart pourraitêtre apporté par la BEI (0,5 milliard par an). Avecun capital de 10 milliards, l’effet de levier pourlever des fonds serait beaucoup plus importantque ce que les outils bancaires dédiés à la Médi-terranée permettent aujourd’hui.

Vision pragmatiqueet opérationnelle : outilset mesures pour garantiret dynamiser l’investissementen Méditerranée

nos propositions concernent la sécurisationdes investissements et les outils de financementdes infrastructures et des pme notamment dans lecadre de partenariats.

Sécurisation et garantiedes investissements pour les grands projets prioritaires

en effet, la question de la sécurisation et dela garantie des investissements en Méditerranéeest centrale car elle revêt un caractère transversal.Il est primordial d’œuvrer à la clarification ducadre juridique des investissements dans larégion, de manière à présenter aux investisseursun régime juridique harmonisé de protection del’investissement et garantir le règlement des

22 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

litiges Investisseurs-État sur la base d’un corpusjurisprudentiel intégré et dans des délais raison-nables. Cette clarification de la norme applicabledevra également s’accompagner de la mise enplace d’un système spécifique de garantie finan-cière du risque politique et de certains risques éco-nomiques, dont une partie du coût pourrait danscertaines circonstances être pris en charge par lespouvoirs publics.

Un régime juridique lisible et efficace dédié à la protection des investissements stratégiquesdans la région méditerranéenne.

Un régime juridique de protectiondes investissements labellisés UpMcomme on l’a vu, si les instruments de protec-tion juridique des investissements sont nombreuxà couvrir la région, leur nombre même et leurcomplexité n’offrent aucun avantage comparatifévident à la région prise comme un ensemble entermes d’attractivité et alourdissent considérable-ment les coûts d’analyse et de transaction. Par ail-leurs, l’absence de jurisprudence uniforme venantinterpréter les dispositions de ces instruments etla longueur et le coût des procédures de règlementdes litiges créent une insécurité juridique au détri-ment de la réalisation des investissements.

Il apparaît donc souhaitable de favoriser uneharmonisation de la protection de l’investisse-ment.

La conclusion d’un Traité régional de protec-tion de l’investissement, permettant de parvenir àun cadre juridique identique à une échelle régio-nale, ou dont les différences seraient facilementidentifiables (possibilité de dispositions alterna-tives ou optionnelles), est sans doute la solution apriori la plus satisfaisante d’un point de vue intel-lectuel. Pour autant, la mise en place d’un Traitérégional général sur la protection de l’investisse-ment soulève un certain nombre de questionsd’ordre juridique et politique dont le règlementn’apparaît pas nécessairement compatible avec lecalendrier des investissements envisagés.

C’est pourquoi il peut apparaître plus judicieuxde centrer dans un premier temps les efforts desimplification du régime de protection de l’inves-tissement sur la seule catégorie des investisse-ments stratégiques – investissements structurantsde long terme affectant plusieurs pays de la région–, tels qu’ils seront identifiés par l’Union pour laMéditerranée (l’on peut relever à titre d’exemplequ’un instrument de protection comme le Traitésur la charte de l’énergie a ainsi pu organiser un

régime sectoriel de protection de l’investisse-ment), tout en tentant de favoriser dans un autrecadre, une harmonisation à plus long terme desrégimes juridiques nationaux de la région médi-terranéenne.

Un régime offrant une protection juridique claire à l’échelle régionaleil s’agit en premier lieu de proposer un cadreharmonisé qui contribue à assurer la viabilité surle long terme des projets labellisés UpM et desécuriser les investissements réalisés dans lesinfrastructures des pays de la rive sud.

Sur le fond, l’accord en question devra définirles droits et obligations des investisseurs dans lecadre des projets d’investissements considérés. Ildevrait contenir les clauses classiques des accordsd’investissement, et notamment :• définition investissement / investisseur ;• admission ou pré-établissement ;• traitement juste et équitable ;• non-discrimination, traitement national, MFN;• expropriation et indemnisation ;• libre transfert des capitaux ;• règlement des différends (État-État et investis-seur-État).

la question de la nationalité de l’investis-seur et si cet accord pourra s’étendre aux investis-seurs hors-UpM devra faire l’objet d’une attentionparticulière.

La protection offerte ne devra pas être infé-rieure à celle existant du fait d’autres instrumentset pourrait proposer un cadre moderne et uni-forme des investissements suivant les récentesévolutions conventionnelles et jurisprudentielles.Ce cadre juridique pourra éventuellement servir demodèle pour d’autres secteurs et d’autres régions.

Il devra surtout intégrer un organe de règle-ment des litiges permettant l’accès à une justicerapide à un coût raisonnable et à une jurispru-dence uniforme, ce dernier point en particulierapparaissant nécessaire à une amélioration de laperception du risque dans la région. Les modalitéspour y parvenir sont diverses, et peuvent mêmefaire appel aux compétences des centres d’arbi-trage existants, sur le modèle par exemple duTraité sur la charte de l’énergie, dès lors qu’unejuridiction suprême intégrée soit à même de jouerle rôle d’une cour de cassation (contrôle du seuldroit et de l’erreur manifeste d’appréciation etréflexion spécifique sur la prise en charge descoûts, de manière à conserver à la procédure uncaractère rapide et non dilatoire).

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 23

IL FAUT METTRE

EN PLACE

UN RÉGIME

JURIDIQUE

LISIBLE ET

EFFICACE DÉDIÉ

À LA PROTECTION

DES INVESTISSE -MENTS

STRATÉGIQUES

DANS LA RÉGION.

l’adoption d’un cadre juridique protecteur,clair et global pour les investissements labellisésUpM devrait avoir deux types d’avantages : • un avantage direct, constitué par une percep-tion améliorée de l’attractivité de la région ;• un avantage indirect, constitué par une diminu-tion des coûts de transaction (coûts d’analyse etcoûts de garantie export et investissement) et parun accès plus aisé aux marchés financiers (émis-sions obligataires, titrisation ou recherche de fondspropres), en particulier pour le financement de pro-jets importants ou la constitution et le financementde fonds d’investissement dédiés à la région – lerecours au marché peut être un des moyens d’arri-ver à structurer le financement d’investissementsà long terme en impliquant dans les quinze-vingtpremières années (perçues comme les plus ris-quées) un financement par le marché et de la dettecommerciale garantie ou de la dette publique, lesbesoins ultérieurs devant être couverts par prioritépar un recours aux banques commerciales locales.

Ces avantages se trouveront encore renforcéspar la mise en place complémentaire d’un régimerénové d’octroi de garanties financières.

Un régime qui devra être mis en placed’une manière adaptée à l’urgence des besoinsplusieurs options peuvent être envisagéesquant aux moyens juridiques qui pourraient êtreutilisés pour mettre en place un tel régime de pro-tection de l’investissement. • une première option, qui consisterait à envisa-ger l’adoption d’une simple déclaration contenantdes principes issus de la pratique internationaleen matière de protection des investissements quiserait adossée à chaque contrat d’État des projetslabellisés, doit d’emblée être écartée. N’imposantaucune norme à valeur juridique obligatoire auxÉtats et aux investisseurs en cas de différend, ellen’apporterait, en effet, rien de plus par rapport auxdispositifs existants et viendrait simplement ajou-ter un degré supplémentaire de complexité au sys-tème existant.• une deuxième option qui consisterait en la réu-nion d’une conférence diplomatique visant àconclure un traité multilatéral régional doit sansdoute également être écartée eu égard en particu-lier aux délais requis pour mener à bien une telleprocédure.• une troisième option paraît en revanche sus-ceptible d’être rapidement mise en œuvre. Elleconsisterait en l’élaboration sous l’égide du secré-tariat général de l’Union pour la Méditerranéed’un projet d’accord définissant un cadre juri-

dique uniforme (mais pouvant comprendre desparties optionnelles) de la protection des investis-sements labellisés UpM. Ce texte serait soumis àsimple ratification des États qui souhaiterontaccueillir ces projets, comme cela a par exempleété fait pour la Convention du cap sur le régimedes suretés sur les matériels mobiles.

Outils financiers pour le financementdes infrastructures et des PME

nous préconisons cinq outils financiers pourcontribuer au financement des infrastructures etdes pme en Méditerranée : • un fonds de garantie des infrastructures initiépar l’Union européenne sur une liste d’investisse-ments labellisés UpM ;• un fonds de garantie pour les pme alimenténotamment par les régions centré sur les clusters ;• la modernisation des marchés financiers assu-rant une meilleure mobilisation de l’épargnelocale au service des investissements long termedes Psem (infrastructures, pme) ;• la mobilisation des acteurs publics-privés desdeux rives de la Méditerranée pour développer desinitiatives communes de circulation de l’informa-tion et de travail en commun ;• la création d’une Union méditerranéenneNord-Sud des assureurs crédit jouant un rôle d’in-terface entre les sociétés d’assurance crédit desdeux rives.

Fonds de garantie desinfrastructures initié par l’Unioneuropéenne sur une listed’investissements labellisés UpM

au-delà des transferts et des dons en prove-nance de la rive nord et d’autres régions dumonde vers les Psem, une grande part des finan-cements devra provenir des investisseurs de touteorigine, publics et privés, internationaux commelocaux. On comprend bien les difficultés pour atti-rer et fixer des capitaux de placement sur des pro-jets à rentabilité différée (plusieurs dizaines d’an-nées de maturité) et à retour financier modéré (del’ordre de 4 à 7 %).

Au-delà de l’investissement, un important pro-blème, renforcé par la crise financière, est la capa-cité à lever une dette désormais encore plus forte-

24 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

UNE GRANDE

PART DES

FINANCEMENTS

DEVRA PROVENIR

DES INVESTIS -SEURS DE TOUTE

ORIGINE, PUBLICSET PRIVÉS,INTERNATIONAUX

ET LOCAUX.

ment consommatrice de fonds propres avec BâleIII, et avec des risques de liquidité qui pèsent surle bilan des banques et les amènent à privilégierdes projets dans des zones moins risquées.

Un outil de garantie apparaît ainsi comme unvecteur idéal de concentration des moyenspublics, aboutissant à une démultiplication ver-tueuse des moyens engagés. Cet outil doit s’ins-crire dans le cadre des restrictions aux aides d’Étatet des subventions (OMC droit communautaire,règles de crédit à l’exportation de l’OCDE). Il doits’appuyer sur un corpus jurisprudentiel clair etdes délais de traitement raisonnables.

De façon pragmatique, un effort de priorisa-tion des projets paraît indispensable. L’effort depriorisation devrait s’inspirer des objectifs priori-taires de l’UpM (dépollution de la Méditerranée,autoroutes de la mer et terrestres, Plan solaireméditerranéen) et privilégier des dimensionsrégionales (Sud-Sud, Sud-Nord).

Un écueil à éviter serait de faire de la cotationdes risques-pays un critère central de la sélection.En revanche, la cotation des projets eux-mêmesest à développer, en termes de risques mais aussien tenant compte du caractère innovant et struc-turant des projets ou bien de leurs impacts envi-ronnementaux ou leurs effets d’entraînement surl’économie générale.

les infrastructures prioritaires pourraientêtre les suivantes.Énergie : production, transport et distributiond’électricité, transport et distribution de gaz, éner-gies renouvelables. Transports et télécommunications : aéroports,transport aérien, infrastructures portuaires, trans-port maritime, routes et autoroutes, ponts, che-mins de fer, télécommunications. Environnement : eau et assainissement, élimina-tion et traitement des déchets solides, lutte contrela pollution, irrigation. Capital humain et social : construction et aména-gement d’hôpitaux et de centre de soins, construc-tion et aménagement d’écoles, d’établissementsd’enseignement technique et professionnel, loge-ments sociaux.

Une condition essentielle du succès d’uneprocédure de labellisation des projets UpM estd’opérer une sélection des projets prioritaires surune base aussi large que possible pour éviter unchoix de projets pouvant paraître non prioritaire

aux yeux des Psem. De façon plus générale, cettesélection devra s’appuyer sur une expertise tech-nique, juridique et financière dans des délaiscourts et s’attacher à éviter toute bureaucratie.

Un outil adapté

régime. Le champ de la garantie pourrait s’éten-dre au-delà des risques politiques, au-delà, certainsrisques économiques et financiers.

les risques politiques sont déjà largementcouverts par de nombreux opérateurs. C’est ainsi,à titre illustratif, que la Miga couvre quatre risquesprincipaux et met progressivement en place lacouverture d’un cinquième (le dernier dans laliste) :• non transfert et non convertibilité en devises(dévaluation exclue);• expropriation (directe et indirecte);• conflits armés et troubles civils (y compris ter-rorisme et sabotage);• rupture de contrat (par l’État ou une entité del’État) ;• non respect d’obligations financières de naturesouveraine.

une sélection des risques économiques etfinanciers retenus serait fixée à la carte en fonctiondes projets. D’ores et déjà, les pistes prioritairesde réflexion semblent être les suivantes :• couverture des prêts indépendants des fondspropres ;• risque de paiement alors même que les parte-naires privés ont respecté leurs obligationscontractuelles (cf. concessions) ;• risque de liquidité (au-delà de quinze ans).

La question de la couverture du risque dechange (monnaie locale/devise convertible) se posemais nécessite des expertises complémentaires carsa couverture, dans le cadre des mécanismes exis-tants, engendrait un surcoût important. Si lesacteurs privés conserveraient seuls le risque deconstruction, le nouveau champ de garantie envi-sagé pourrait également s’élargir à certains aspectsdu risque d’exploitation, en cas de concession. Cemécanisme de garantie s’appliquerait non seule-ment aux investisseurs internationaux mais aussiaux banques et investisseurs locaux pour favoriserla mobilisation de l’épargne locale.

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 25

UN OUTIL DE

GARANTIE EST UN

VECTEUR IDÉAL

DE CONCENTRA -TION DES MOYENS

PUBLICS,ABOUTISSANT À

UNE DÉMULTIPLI -CATION

VERTUEUSE DES

MOYENS ENGAGÉS.

le mécanisme devrait reposer sur et s’articu-ler avec les systèmes de garantie existants interna-tionaux et nationaux (co-garantie, contre-garantie)et pourrait contribuer à une meilleure coordina-tion des instruments pertinents.

Des mécanismes particuliers de garantie pour-raient être mis en place, sur cette base mieux coordonnée, avec l’aide d’entités souveraines oud’institutions internationales pour certains inves-tissements labellisés UpM. Les modalités pra-tiques telles que les plafonds par pays ou projet,le montant des primes, la quotité de la garantie(taux unique ou en fonction des pays ou des pro-jets) devront être arrêtés par les participants à cesfonds de garantie à créer.

La question de contributions extérieures à lazone (pays du Golfe, États-Unis, Chine…) à cefonds de garantie doit être posée. Un principesimple pourrait être adopté : toute entreprise dontle pays contribuerait au financement de la garantieserait bénéficiaire du système mis en place.

Enfin, le processus devra permettre l’examendes projets et une décision rapide dans la négocia-tion avec les partenaires privés sur la base derègles simples et transparentes.

une offre élargie de garantie des investisse-ments ajoutée à la redéfinition et à l’améliorationdu cadre juridique commun de protection de l’in-vestissement devrait logiquement amener à unebaisse significative du coût des primes de risque.Le montant des primes en fonction des risquescouverts pourrait rester demeuré élevé (le systèmeactuel Miga pour l’ensemble des risques poli-tiques longs représente un coût annuel de 2 % desmontants couverts). La baisse des coûts de couver-ture reste néanmoins l’une des pistes de progrèsde la sécurisation des investissements avec l’élar-gissement du champ des risques couverts et l’éla-boration de mécanismes innovants sur la base desressources du dispositif existant et d’une plusgrande coordination entre ses opérateurs.

La possibilité de contribution d’entités souve-raines et d’institutions internationales à la priseen charge des primes d’assurance de certainsinvestissements labellisés UpM contribuerait éga-lement à la baisse des coûts des charges assuméespar les porteurs de projets et donc à la sécurisationde ces investissements. Cette piste mérite d’êtreétudiée notamment pour que, dans une telle éven-tualité, ce dispositif reste compatible avec lesrègles OCDE ou OMC.

portée. Dans le cadre de la mise en place sou-haitable d’un mécanisme régional de garantie desinfrastructures UpM, dont la création serait sus-citée par l’Union européenne, une structurationen deux phases de la garantie apportée aux projetsd’investissement UpM pourrait être imaginée, àtitre exclusivement d’illustration à ce stade.

une phase financement initial (0-15 ans) :• les fonds propres seraient fournis par les paysdu Nord avec la participation possible des fondsd’investissement du Golfe ;• la dette essentiellement fournie par les banquesdu Nord, co-financée par des banques de dévelop-pement régional comme notamment la BEI etd’autres institutions financières qui souhaiteraients’y joindre, associée aux garanties de crédits desagences d’assurance-crédit, dans le respect desrègles internationales applicables ;• intervention d’un fonds communautaire degarantie des infrastructures à créer.

une phase de refinancement (15-25 ans) :• refinancement prioritaire par des banqueslocales : le risque financier serait moindre (detteamortie en grande partie et schéma financier desrevenus déjà validé par quinze ans de mise enœuvre). D’autre part, un refinancement en deviseslocales éliminerait le risque de change des finan-cements de projets ;• réfléchir à une titrisation des créances ban-caires en phase 2 par des acteurs financiers locauxet placement auprès des épargnants locaux ;• garantie partielle possible des opérations detitrisation par le fonds de garantie des infrastruc-tures à créer. Cela permettrait à la fois aux institu-tions financières locales de solliciter les épar-gnants locaux et à ceux-ci de participer audéveloppement long terme de leur pays en ache-tant des titres obligataires sécurisés mais interve-nant dans une seconde phase de vie de projet.

26 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

LA QUESTION DES

CONTRIBUTIONS

À CE FONDS

DE GARANTIE,EXTÉRIEURES À

LA ZONE (PAYSDU GOLFE, ÉTATS-UNIS, CHINE…),DOIT ÊTRE POSÉE.

Fonds de garantie pour les PMEalimenté notamment par les régions centré sur les clusters

les banques locales se concentrant sur lecourt terme, sont axées prioritairement sur lesgrandes entreprises et exigent des garanties quidécouragent les responsables pme. C’est pourquoila zone est et sud de la Méditerranée a, parmi lesgrandes zones géographiques mondiales, le plusfort taux d’autofinancement de ces entreprises(plus des deux tiers).

Une des raisons invoquées à juste titre par lesbanques est le manque de transparence liée sou-vent à la structure familiale et l’absence de com-pétences tant dans les pme que dans les banqueselles-mêmes pour traiter ces problèmes de finan-cement. Si on fait une analyse sectorielle plus fine,on s’aperçoit que les dispositifs existants d’apportsde capitaux via les fonds de capital risque ou lesfonds de garantie excluent certains secteurs jugéstrop risqués et certaines étapes cruciales pour ledéveloppement de ces pme comme l’amorçage, ledeuxième tour de financement au moment de laphase de développement, la sortie des fonds decapital risque au bout des cinq à dix ans de leurprésence au tour de table…).

Enfin, il est clair que l’assistance technique,tant auprès des pme elles-mêmes que des acteurslocaux (banques ou fonds d’investissement), estune condition nécessaire pour expertiser les dos-siers et au-delà assurer des actions de formationde l’ensemble des acteurs concernés dans chacundes pays.

toute initiative doit inciter les banques àaccroître leur volume de prêts et à faciliter la venuedes investisseurs locaux ou internationaux en uti-lisant des mécanismes les plus simples possiblespour inciter les banques et les entrepreneurs à lesutiliser.

Dans le cadre de l’UpM, une des initiatives estl’Initiative méditerranéenne de développementdes entreprises (IMDE) pour favoriser le dévelop-pement économique solide et durable dans le Bas-sin méditerranéen avec une initiative de l’Italie etl’Espagne appuyée par la BEI.

Notre proposition consiste en la mise en placed’un fonds de garantie pour les pme, alimenténotamment par les régions, centré sur les clusters.

La crise économique et financière mondialecomporte le risque pour les États de repli sur soien privilégiant des solutions nationales. Le débatpolitique devient face à des délocalisations qui

seraient par nature nocives, une volonté de rena-tionalisation de certaines activités.

Par ailleurs, la mondialisation amène à la créa-tion de zones de co-développement mutuellementprofitables à tous les pays qui y adhèrent (Alena,marché commun sud-américain, Chine-Japon-Corée du Sud-Sud-Est asiatique).

Si l’Europe veut rivaliser avec ces entités régio-nales, elle doit s’ouvrir vers les Psem. L’objectifest bien de constituer une nouvelle zone écono-mique d’investissement et de consommation quipuisse être en compétition avec ces nouveauxensembles. Les transferts de technologie permet-tent non seulement de constituer des plateformesd’exportation mais aussi de créer des marchésnouveaux de consommation dans les Psem, créa-teurs de richesses et d’emplois sur les deux rivesde la Méditerranée.

une initiative y contribuant est de pro-mouvoir un fonds mobilisant les régions d’Europe(Italie, France et Espagne dans un premier temps)en partenariat avec les régions du Sud et de l’Estde la Méditerranée pour la mise en place d’un ins-trument concret d’appui à la création et au déve-loppement d’entreprises dont la priorité d’inter-vention serait les clusters. Là encore, l’objectif estde concentrer les moyens dans un souci d’effica-cité mais aussi de lier la création et le développe-ment d’entreprises à la volonté d’aménagementdu territoire et de développement régional.

Un des points centraux de cette initiative seraitl’association des régions européennes dans unfonds de garantie en partenariat avec les banqueslocales, les acteurs internationaux comme la BEI,les Caisses des Dépôts, l’AFD, etc.

Au-delà de la garantie, une assistance tech-nique serait apportée aux entrepreneurs et auxbanques pour expertiser les dossiers. Un partena-riat avec les banques locales du Sud, leur permet-tant d’accroître leur capacité de financement despme, sera un des éléments clé du dispositif. Lesprincipes de fonctionnement pourraient être lessuivants (expertise à approfondir) :• l’objectif pour une capitalisation du fonds de10 millions d’euros est un ratio multiplicateur de3 soit 30 millions d’euros d’investissements ;• si on prend un plafond de garantie à 50 %, onaboutit à un maximum de prêts générés par lefonds de 60 millions d’euros ;• le fonds pourrait avoir une durée de prêts detrois ans (chaque garantie à la création du fondsse terminerait à la troisième année) ;

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 27

UNE OFFRE

ÉLARGIE DE

GARANTIE DES

INVESTISSEMENTS

AJOUTÉE À LA

REDÉFINITION ET

À L’AMÉLIORA -TION DU CADRE

JURIDIQUE

COMMUN DE

PROTECTION DE

L’INVESTISSE -MENT DEVRAIT

AMENER À UNE

BAISSE DU COÛT

DES PRIMES DE

RISQUE.

• les 60 millions d’euros de montant seraientdonc multipliés par 3,33 pour aboutir à un maxi-mum de prêts générés de 200 millions d’euros.

les critères d’attribution sont à détermi-ner mais on pourrait imaginer que ces garantiessoient liées à des activités spécifiques ou à descatégories déterminées d’entrepreneurs commeles débutants, les femmes, les spécialistes destechnologies innovantes ou le rural. Elles pour-raient aussi cibler les phases les moins couvertescomme l’amorçage ou les deuxièmes tours néces-saires au développement de pme existantes. Ce tra-vail se ferait en complément des garanties exis-tantes (contre garantie) dans un objectif demutualisation des risques.

Les clusters ne se limiteraient pas à la seulecatégorie high tech mêlant chercheurs, ingé-nieurs, entrepreneurs et investisseurs (Silicon Val-ley) mais seraient étroitement liés à la définitionde projets de développement local, comme entémoignent les quelques exemples qui suivent :• pôles de compétitivité suédois reposant sur lacoopération entre universités et entreprises (exem-ple : Kista concentrant plus de 600 entreprisesdans le secteur des nouvelles technologies et destélécommunications) ;• clusters espagnols qui sont des associationsd’entreprises d’un secteur donné dans un secteurgéographique donné de taille très variable et pasforcément autour de recherche et développement ;• clusters axés sur la production comme des clus-ters italiens ou services productifs locaux (SPL)français qui sont des réseaux d’entreprises mutua-lisant des moyens et développant des complémen-tarités sur un territoire pour créer des économiesd’échelle (appareil productif, développement com-mercial, ressources humaines, formation, innova-tion…). Leur réussite repose sur une multiplicitéd’entrepreneurs, souvent concurrents, mais inno-vants en permanence (grandes entreprises, pme) ;• sept pôles de développement identifiés par leplan émergence II au Maroc (automobile, aéro-nautique, agroalimentaire et produits de la mer,artisanat, textile, électronique embarquée) avec unobjectif de vingt-deux plateformes industriellesintégrées aux standards internationaux ;• stratégie industrielle tunisienne horizon 2016de clustérisation dédiée aux secteurs phares :

- montée en gamme de secteurs existants (tex-tile-habillement, cuir et chaussures, agroalimen-taire, industrie mécanique, industrie électrique,industrie des matériaux de construction, industriechimique des phosphates) ;

- faire émerger des secteurs nouveaux : indus-trie électronique, composants automobiles et aéro-nautiques, plastiques techniques, pharmaceutiqueet paramédical, TIC et centres de service ;

- préparer l’avenir (mécatronique, biotechno-logie, environnement…).

dans l’ensemble du Bassin méditerranéen, lestechnologies park se développent : trois en Égypte,une en Jordanie, quatre au Maroc, deux en Syrieet cinq en Tunisie. L’Algérie a également des pro-jets autour de la pétrochimie et la pharmacie.

Cette approche a l’avantage de concentrer lesmoyens sur des zones déterminées et de favoriserune coordination des actions existantes avec lesactions nouvelles nécessaires (amorçage, capitalrisque, prêts… et toute forme d’accès au finance-ment). Elle concerne toutes les entreprises(grandes entreprises et pme) et tous les territoiresurbains et ruraux.• Elle s’articule avec les acteurs publics et privéssur un territoire.• Elle associe l’enseignement supérieur et lesentreprises.• Elle fait travailler ensemble recherche dévelop-pement et industrie.• Elle favorise une gouvernance de maîtrised’œuvre opérationnelle.• Enfin, elle renforce l’approche d’échanges d’ex-périences Nord-Sud, de co-investissement dans lespays du Sud et de transferts de technologie.

un outil spécifique de garantie permettraitsans nul doute de développer des fonds spécialisésconnectant ces pôles méditerranéens à leur vis-à-vis européens dont le développement des pme ser-virait de pivot. Il faut noter en France la conven-tion entre la DGCIS (Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services) etUbifrance signée en janvier 2009 sur l’internatio-nalisation des pôles de compétitivités.

Cette approche de fonds de garantie s’intègreégalement dans le projet européen dans le domainedu septième programme cadre de recherche etdéveloppement technologique (PCRDT) puisquey sont pour l’instant éligibles un grand nombre depays du Sud (Algérie, Égypte, Jordanie, Liban,Libye, Maroc, Autorité palestinienne, Syrie, Tuni-sie) ainsi que la Turquie en tant que pays associé.

28 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

UN OUTIL

SPÉCIFIQUE DE

GARANTIE

DÉVELOPPERAIT

DES FONDS

SPÉCIALISÉS

CONNECTANT CES

PÔLES MÉDITER -RA NÉENS À LEUR

VIS-À-VISEUROPÉENS DONT

LE DÉVELOPPE -MENT DES PME

SERVIRAIT

DE PIVOT.

Mobilisation de l’épargne locale au service des investissementslong terme des Psem Infrastructures, PME

le sujet d’une intégration entre Boursesdes pays du Sud et de l’Est de la Méditerranéereste posé et la nécessité d’indices communs per-mettant, en acquérant une profondeur de marchésuffisante, le développement de trackers (fondsindiciels) reste une piste opérationnelle à pro-mouvoir.

D’ores et déjà, des coopérations se dessinententre certaines Bourses du Sud (exemple récentde la première introduction en bourse communeà Tunis et Casablanca d’une société tunisienne).Mais la Bourse de Casablanca a aussi une straté-gie, peut être plus volontariste de synergie avecl’Afrique subsaharienne pour en faire le centrerégional de financement des entreprises de larégion.

Nous privilégions sur le court terme les solu-tions nationales avec l’idée que les solutions «ver-tueuses» seront par contagion diffusées dans lesautres pays voisins.

Un des traits communs de la faiblesse desmarchés financiers de la zone reste le poids trèsfaible des investisseurs institutionnels que cesoient les compagnies d’assurances ou les fondsde retraite et de santé (moins de 3 % du pnbcontre 37 % au Brésil, 28 % en Afrique du Sud ou7 % au Mexique).

développer ces marchés suppose de mobili-ser sous une forme financière l’épargne localedavantage qu’aujourd’hui, ce qui suppose deconstruire des produits favorisant l’épargne longterme qui n’existe pas (au Maroc l’assurance vieest à cinq ans). L’exemple extrême est la Syrie oùles banques ont 40 % de liquidités inutiliséesfaute de produits à investir proposés par la banquecentrale (un dispositif législatif de titrisation a étévoté mais n’est pas encore opérationnel).

La priorité est donc de créer nationalement unvéritable marché obligataire attractif pour lesinvestissements locaux. Les acteurs économiquesqui veulent placer à long terme existent mais lafiscalité n’est pas assez attractive et des produitscomme l’épargne salariale ou l’épargne actionn’existent pas.

Au Maroc, le ministre des Finances a pris l’en-gagement pour 2010 de faciliter l’épargne longterme. Ce n’est pas tant le taux d’épargne qui doit

rester stabilisé autour de 30 % que sa structure quidoit passer du court terme au long terme. Par ail-leurs, un contrat de programme va être passé avecles compagnies d’assurances pour investir 200millions de dirhams sur les marchés avec l’objectifde doubler la somme en cinq ans. Un projet detitrisation vient de passer en Conseil des minis-tres, ce qui ouvrirait une nouvelle fenêtre de finan-cement. On voit par rapport aux sujets traités pré-cédemment l’usage qui peut en être fait surl’économie réelle.

L’idée d’une pré-affectation d’une partie decette épargne long terme vers le financement d’in-frastructures ou pme est une première piste. Unpartenariat avec les banques peu actives sur ce cré-neau est indispensable pour plus les mobiliser. LaCDG au Maroc joue dans cette réflexion un rôleessentiel et constitue une piste qui pourrait êtresuivie par d’autres pays de la région sud.

La décision récente en Tunisie de créer uneCaisse des Dépôts avec trois objectifs : interventionet modernisation des marchés financiers, finance-ment des infrastructures et financement des pme,participe de la même démarche.

Dans le financement des infrastructures etdans le cadre d’un fonds de garantie initié parl’Union européenne, on pourrait ainsi imaginerune structuration en deux phases du projet d’in-vestissement.

indépendamment de la nécessité de créer desinstruments financiers innovants de type notam-ment obligataire, il ne faut pas abandonner lesépargnants individuels qui souvent n’ont pasconfiance dans leur système bancaire, ce quiexplique leur aversion à des placements longterme, voire leur volonté de ne pas se bancariser.

Un produit de type livret A en France pour lefinancement du logement social avec un avantagefiscal montre, par sa pérennité et son attractivité,l’efficacité d’un tel dispositif. Suivant les pays, lessommes ainsi collectées pourraient être cibléessur les investissements long terme jugés priori-taires comme le financement des pme ou les infra-structures. Un produit d’épargne investi enactions de pme à créer avec des incitations fiscalespourrait être étudié.

À cette réflexion, il convient d’y adjoindrel’épargne provenant des transferts des migrantsmême si leur apport a baissé significativementavec la crise. La part à 85 % affectée au soutien desfamilles (santé, éducation…) subsistera mais onpeut accroître la part des investissements (endehors de l’immobilier) à l’heure actuelle infé-

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 29

LA CRÉATION

DE PRODUITS

LONG TERME

À DESTINATION

DES INSTITUTION -NELS ET DES

PARTICULIERS

EST NÉCESSAIRE.

rieure à 3 % des transferts. Un produit attractif etsécurisé permettrait de réduire le poids encoreimportant des transferts clandestins et favoriserainsi la bancarisation dont le développement resteun objectif essentiel (40 % au Maroc, 15 % enAlgérie, 15 % en Égypte). Cette politique volonta-riste va bien au-delà des migrants traditionnelsmais touche tous les résidents notammentmaghrébins de deuxième ou troisième générationqui restent intéressés pour investir dans les paysd’origine de leurs parents et mettre une partie deleur épargne sur de nouveaux produits sécurisés.

une initiative associant des banques duNord et du Sud de la Méditerranée serait seule àmême de disposer des réseaux de commercialisa-tion touchant les clients des deux côtés de la Médi-terranée pour constituer une ébauche de marchébancaire commun.

Un des objectifs principaux serait bien sûr labancarisation au Sud des populations bénéficiantdes transferts. Au-delà, une offre commune pour-rait être développée avec des garanties croisées quiconcerneraient non seulement les résidents duSud dans les pays du Nord mais aussi tous les étu-diants, jeunes actifs ou entrepreneurs du Sud quisouhaiteraient ouvrir un compte, demander unprêt ou investir dans les pays du Nord.

l’initiative de la Caisse des Dépôts, de consti-tuer un club des investisseurs long terme qui asso-cie des acteurs publics et privés ayant la mêmevision, est une piste opérationnelle à présenter àde nouveaux partenaires du Nord et du Sud.

La création, le 26 mai 2010, d’un fonds Infra-Med infrastructures, premier instrument definancement de l’Union pour la Méditerranée quiassocie la Caisse des Dépôts, la Cassa Depositi ePrestiti (CDP), la Banque européenne d’investis-sement (BEI), la Caisse des Dépôts et de Gestiondu Maroc (CDG) et la banque égyptienne EFGHermès en est une illustration. Ce fonds sera leplus important pour les investissements dans lesinfrastructures des rives méridionales et orientalesde la Méditerranée. Il comprend deux comparti-ments locaux : un dédié au Maroc et un dédié àl’Égypte.

Doté de 385 millions d’euros (150 millionsd’euros pour la Caisse des Dépôts et la CDP,50 millions d’euros pour la BEI, 20 millions d’eu-ros pour la CDG et 15 millions d’euros pour EFG-Hermès, le fonds devrait mobiliser un milliardd’euros à terme.

Inframed Infrastructure financera des projetsd’infrastructures urbaines, énergétiques et detransport durables. Il investira principalementdans des projets nouveaux, répondant aux exi-gences de base en matière de protection de l’envi-ronnement, d’impact social, de transparence et depassation de marchés, dans un souci d’investisse-ment à plus long terme que les fonds privés tradi-tionnels qui investissent dans les infrastructures.

deux fonds locaux ont été crées pour financerdes projets dans les mêmes secteurs retenus parInframed. Il s’agit des fonds InfraMaroc et Infra-Égypte qui représenteront chacun 20 % de l’engagement total d’ Inframed avec un montantminimum de 100 millions d’euros. Les investis-sements au Maroc seront pris en charge par laCDG et en Égypte par EFG-Hermès. Le fondsInfraMaroc est doté de 100 millions de dirhams.Sa taille cible est de trois milliards de dirhamsdont un engagement minimal de la CDG de550 millions de dirhams. Les pays cibles sont leMaroc principalement ainsi que les autres pays duMaghreb dans la limite de 20 % des engagementsdu fonds. Les sociétés ciblées sont celles dont l’ac-tivité comprend principalement le développe-ment, l’exploitation, la construction ou la déten-tion d’actifs d’infrastructures.

L’expérience d’Inframed et de ses comparti-ments locaux notamment InfraMaroc démontrentque l’intervention d’organismes à même de ras-sembler et gérer de façon sécurisée des ressourcesd’épargne qui bénéficient d’avantages fiscaux etainsi les placer sur les marchés financiers dansune optique long terme apparaît de plus en pluscomme un modèle économique performant.

Il est intéressant de constater que le contextede crise économique et financière a apporté unregain d’intérêt pour un modèle Caisse desDépôts. Une telle institution financière publiquedotée de moyens propres et déconnectée du bud-get général des États doit avoir ce rôle d’investis-seur long terme.

L’analyse repose sur le constat commun que ledéveloppement des marchés privés ne peut se faireque par l’intermédiaire d’un catalyseur public pre-nant en charge les besoins structurant des paysconcernés. Les missions tournent autour de troisaxes : intervenants sur les marchés financierscomme vecteur de modernisation ;  financementdes infrastructures ; financement de l’économie etprioritairement des pme. À cela s’ajoutent, dans laplupart des pays, des réflexions sur le financementdu logement social et des collectivités locales.

30 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

L’INITIATIVEDE LA CAISSE

DES DÉPÔTS

D’UN CLUB DES

INVESTIS SEURS

LONG TERME

ET LA CRÉATION

DE «CAISSESDES DÉPÔTS»DANS LE SUD

ET L’EST DE LAMÉDITER RA NÉE

EST UNE PISTE

OPÉRATIONNELLE.

Deux pays de la zone ont d’ores et déjà décidésde créer une Caisse des Dépôts : le ministère desFinances de Mauritanie a engagé en 2009 uneréflexion sur la mobilisation des dépôts des éta-blissements publics, des caisses de Sécuritésociale et de Retraite et de la Caisse nationaled’épargne à des fins de développement : logement,création d’entreprises, infrastructures des collec-tivités locales avec l’objectif de créer une Caissedes Dépôts et de Développement.

De façon plus immédiate, la Tunisie a lancéofficiellement, lors d’un séminaire à Tunis le25 juin, la création d’une Caisse des Dépôts cen-trée sur la modernisation des marchés financiers,le financement des infrastructures et des pme avecpour objectif qu’elle soit opérationnelle au 1er jan-vier 2011.

Ces réflexions et ces demandes offrent uneréelle opportunité de consolider l’assise du clubdes investisseurs long terme au-delà des parte-naires actuels de la Caisse des Dépôts.

Ce club doit d’abord être un lieu d’échangesdes meilleures pratiques mais aussi de proposi-tions. C’est ainsi que la CDG a lancé, pour la pre-mière fois en octobre 2010, un forum internatio-nal des Caisses des Dépôts.

au-delà des réflexions communes, ce clubdoit s’appuyer sur une vision partagée, pour créerdes outils d’investissement innovants, commel’exemple d’Inframed Infrastructure le démontre.

Pour faciliter ce processus, le noyau dur exis-tant CDC-CDP-CDG pourrait se constituer enconsortium d’appui à la création de Caisses desDépôts avec pour objectif de mutualiser leur expé-rience diversifiée au profit des États qui exprime-raient leur souhait d’une coopération. Cet appuipourrait concerner aussi bien les questions insti-tutionnelles (gouvernance, gestion et contrôle desrisques, doctrines d’investissement) que la forma-tion à des métiers spécifiques des investisseurslong terme ou la réalisation d’expertises ciblées(exemple : gestion sécurisée de l’épargne, parte-nariat public-privé, montage financier des inves-tissements en infrastructures ou des politiquesurbaines et de logement social).

Des pays comme la Syrie se sont déjà déclarésintéressés par une telle initiative. L’Algérie etl’Égypte seraient aussi un champ particulièrementadapté à la création d’un tel outil.

Mobilisation des acteurs publics-privésdes deux rives de la Méditerranéepour développer des initiativescommunes de circulation del’information et de travail en commun

Le capital-investissement

entre les grandes entreprises qui créent de lavaleur ajoutée et attirent des investisseurs inter-nationaux mais ne créent pas suffisamment d’em-plois (environ 100 000 directs et 300 000 indi-rects) et les TPE dont les besoins de financementvont entre 50 et 100 K€, il y a de l’espace pour lecapital-investissement sur un créneau qui repré-sente l’essentiel des entreprises et le plus créateurd’emplois.

Si on examine l’étude Medfunds de 2007, le pri-vate equity a beaucoup collecté lors de la périoderécente (15 milliards d’euros sur trois ans) maisinsuffisamment investi (15 à 20 % des fonds sous-crits).

De fait, la période de maturité pour certainspays (Maroc, Tunisie, Égypte, Turquie…) est récenteet, après la période d’apprentissage et d’investis-sement dans les équipes, le choix des partenaireset la sélection des projets, la rentabilité qui étaitnulle (0+) de 1990 à 2000, est devenue satisfai-sante.

On s’aperçoit que pour les fonds de deuxièmegénération (étude Amic qui a récupéré les donnéesde sortie sur vingt-neuf investissements de fondsmarocains ces dernières années) le TRI moyen estde 26 % brut pour ces projets (11 à 13 % enEurope). Même si ce taux brut de 26 % doit êtreretraité (intégration des frais de gestion et durisque de change), le taux net reste autour de 15 %.

Le marché enregistre maintenant un nombrede sorties à des conditions satisfaisantes. Mais ilest vrai que si globalement il y a beaucoup d’ar-gent investi, il reste des créneaux plus difficiles oùles besoins ne sont pas encore satisfaits et où l’in-tervention publique ou d’institutions internatio-nales de type BEI reste indispensable : on peutciter dans la chaîne de création d’entreprises,l’amorçage ou le deuxième tour de table d’unesociété en croissance. Il faut également mention-ner que les investissements ne doivent pas seconcentrer sur la seule haute technologie maisque des secteurs traditionnels tel l’agroalimentairegénérateurs de plus de créations d’emplois et fac-teur d’équilibre de développement régional doi-vent aussi être priorisés.

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 31

LE DÉVELOPPE -MENT DES

MARCHÉS PRIVÉS

NE PEUT SE FAIRE

QUE PAR L’INTER -MÉ DIAIRE D’UNCATALYSEUR

PUBLIC PRENANT

EN CHARGE

LES BESOINS

STRUCTURANT

DES PAYS

CONCERNÉS.

Une autre question en suspens est commentalimenter le marché secondaire encore peu déve-loppé (constat sur certaines bourses de survalori-sation spéculative). L’élément positif est que, endépit de ses manques, le capital risque est un outilincontournable du développement économiquenon spéculatif et repose sur une création de valeurinitiée par des équipes maintenant constituées dequalité et qui sont locales et donc très proches deleurs marchés.

Paradoxalement, cet état du marché, avec sesinsuffisances mais attractif, doit attirer des inves-tisseurs internationaux mais aussi locaux (familybusiness) en concurrence avec des usages courtterme plus rentables vers l’immobilier mais quiavec la crise actuelle a montré les limites et lesdangers. À quelles conditions peut-on y parvenir ?

un réseau des sociétés de capital risque inves-tissement du Nord et du Sud dans le cadre d’Eu-romed Capital Forum s’est progressivementconstitué et pourrait servir de catalyseur commeforce de proposition pour améliorer le cadre juri-dique et attirer de nouveaux investisseurs. L’infor-mation et la création d’un point institutionnel decommunication sur le capital risque dans le Sudet l’Est de la Méditerranée est un préalable.

Les investisseurs institutionnels (enquêteempea-Coller) souhaitent accroître leurs exposi-tions sur le capital risque mais les arbitragesnécessaires les amènent à prioriser la Chine,l’Inde ou l’Amérique latine au détriment de lazone sud et est de la Méditerranée insuffisam-ment connue. Ces investisseurs potentiels sontdemandeurs d’une information plus complète etde benchmarks plus détaillés.

Le fait que ces investisseurs n’ont pour la plu-part pas d’expérience Midcap dans les pays émer-gents les amène à réclamer d’autant plus d’infor-mations sur les situations des pays et lesperformances détaillées de chacun des fonds.L’amélioration des bases de données, la commu-nication corporate par classe d’actifs et par région,l’identification des bonnes équipes deviennent deséléments du choix géographique déterminant.

Il est proposé avec des instituts indépendantsde construire des bases de données sur les fondsexistants en zone Euromed avec leur taille, leurperformance et la typologie de leur portefeuille.Une communication annuelle de ces bases dedonnées sur un site web et lors d’un événement àorganiser permettrait de créer un rendez-vousincontournable pour tous les investisseurs inté-ressés par la zone. Le prochain forum d’Euromed

Capital pourrait être l’occasion de lancer officiel-lement un tel observatoire.

Un programme de travail à définir pourraits’articuler autour de trois points prioritaires.

1. Stabilité du cadre juridique et fiscal

le développement du capital risque s’est faitsans cadre juridique défini préalablement. AuMaroc, ce cadre n’est toujours pas constitué. Pourfaciliter le financement long terme, le principalmessage à passer au-delà de la transparence fiscaleest une stabilité des règles du jeu qui ont tendanceà être bouleversées presque tous les ans.

L’objectif d’une harmonisation législative auniveau régional, pour nécessaire qu’elle soit, paraîtinaccessible mais les benchmarks qui guideront lesinvestisseurs doivent avoir un effet pédagogiquepour inciter les pays à garantir cette stabilité.

Le capital-investissement, qui ne doit pas êtreassimilé à d’autres instruments plus court termeou spéculatifs (LBO ou hedge funds), a prouvé qu’ilétait générateur d’activité économique et d’em-plois et donc générateur de revenus et d’impôtspour l’État. La simplification et la stabilisation ducode réglementaire doit aussi attirer une partie del’épargne locale (family office ou marchés de capi-taux) vers des activités long terme moins rémuné-ratrices dans le passé que l’immobilier mais créa-trices de valeur pour les économies concernées.

Enfin, cette exigence qui aboutira à diffuser lesbonnes pratiques dans le maximum d’États de larégion pourrait être un des points de l’Observa-toire à créer.

2. Organisation de nouvelles équipes et de nouveaux fonds à favoriser.

Le capital développement doit, pour attirer lesinvestisseurs dans tous les secteurs nécessaires audéveloppement des économies du Sud et de l’Estde la Méditerranée, aller vers la high-tech certesmais aussi vers l’agroalimentaire et l’ensembledes secteurs traditionnels beaucoup plus généra-teurs de création d’emplois.

De nouveaux fonds doivent être constitués etde nouvelles équipes doivent être formées. Or, onconstate que les exigences des investisseurs sesont renforcées du fait des contraintes réglemen-taires de plus en plus fortes mais aussi au vu desnombreux échecs passés dans la région, en com-paratif négatif avec d’autres régions du monde.

L’incubation de nouvelles équipes et de nou-veaux fonds nécessite des missions d’ingénierie

32 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

LE CAPITAL

RISQUE EST

UN OUTIL

INCONTOUR NABLE

DU DÉVELOP -PEMENT

ÉCONOMIQUE NON

SPÉCULATIF ET

REPOSE SUR UNE

CRÉATION DE

VALEUR INITIÉE

PAR DES ÉQUIPES

DE QUALITÉ ET

LOCALES, DONCPROCHES DE

LEURS MARCHÉS.

financières longues (dix-huit mois environ) etdonc coûteuses pour recruter, former les gestion-naires, structurer les fonds et maîtriser le fund rai-sing (200-300 000 euros pour lancer un fonds).

Le financement est donc crucial. Les banqueslocales commencent à investir ce secteur maiselles-mêmes doivent se former à ce nouveaumétier d’où beaucoup d’actions de formationfinancées par les institutions internationales(Commission européenne, AFD, KfW…).

Les fonds de capital-investissement, travaillantdéjà dans la zone, sont les mieux à même pouraider à ces missions et créer des sociétés d’ingé-nierie. Une des solutions pourrait être l’entréedans ces sociétés d’ingénierie de partenaires exté-rieurs publics et privés (internationaux et locaux).

Le fonds de capital-investissement, créateur dece type de société d’ingénierie, investirait encontrepartie dans la société de gestion une foisconstituée (sur un fonds de 100 millions d’euros,la règle est que la société de gestion investisse unmillion d’euros). Mais, en tout état de cause, l’in-tervention publique en appui du privé reste indis-pensable.

On peut citer l’initiative de l’État marocain defonds publics-privés à mettre en place sur 2009-2015 avec un budget global potentiel de 1,05 mil-liard de dirhams. Dans la phase pilote, l’État met-tra en place deux fonds publics-privés orientéschacun vers le capital développement et le capitaltransmission avec un budget public total de350 millions de dirhams. Ces fonds seront géréspar des opérateurs professionnels privés sélection-nés via un appel à manifestation d’intérêt etdevraient être mis en place au plus tard à la fin dupremier semestre 2010.

Afin d’encourager l’investissement privé, l’Étata pris des mesures incitatives, notamment en rétro-cédant une partie de ses gains à l’actionnaire privé.

La structuration en cours en Tunisie du finan-cement des pme avec la création simultanée d’uneholding sous l’égide de la Banque de financementdes pme et d’une Caisse des Dépôts est égalementun exemple à suivre attentivement.

3. Création de fonds de fonds régionauxemerging markets avec des spécialistespermettant de mieux couvrir le besoinde financement long terme

le développement du capital-investissementdans le Sud et l’Est de la Méditerranée a long-temps passé par la nécessaire connaissance du ter-rain local, notamment des entreprises, qui impli-quait d’avoir des équipes nationales par pays.Cette exigence était renforcée par l’absence deréglementation claire et des disparités trop impor-tantes d’un pays à l’autre. Cette proximité resteindispensable.

Si l’investissement dans la zone est plus risquéque dans un pays développé, la rentabilité à enattendre est également beaucoup plus élevée. Lacroissance dans les pays du Sud et de l’Est de laMéditerranée va s’appuyer sur des entreprises quisuivront elles-mêmes les besoins des marchésnationaux ou régionaux ou à l’export. Les secteursconcernés peuvent aller de la haute technologieaux biens de consommation traditionnels s’ap-puyant sur le développement de classes moyenneschangeant leurs habitudes de vie. Ce contexte éco-nomique favorable, mais dans un environnementqui reste aléatoire, doit se faire sur une approchede plus en plus régionale d’où la nécessité defonds de fonds régionaux.

Un fonds de fonds, géré par des équipes pro-fessionnelles pluridisciplinaires connaissant lazone et les acteurs, identifierait les équipes déjàchevronnées et formerait des équipes de gestionnouvelles dans chacun des pays choisis et permet-trait ainsi une diversification des risques par paysmais aussi suivant les stratégies adaptées (mino-ritaire ou majoritaire, jeunes entreprises ou entre-prises matures…).

La construction de ce portefeuille diversifiéserait à même d’intéresser des investisseurs nou-veaux à cette zone en répartissant leurs risquesentre plusieurs pays et équipes de gestion.

Les organismes internationaux mais aussi lesbanques locales (voir les family office) s’associe-raient volontiers à cette démarche pour peuqu’elles permettent à des jeunes équipes, de ges-tion locale en incubation de se mettre en placeavec la sécurité apportée par un haut niveau degouvernance des équipes du fonds de fondscomme pivot opérationnel. Cela permettrait aussiaux souscripteurs du fonds de fonds d’investirdirectement dans les fonds primaires sélectionnésen accompagnement du fonds de fonds.

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 33

LE CAPITAL

DÉVELOPPEMENT

DOIT ALLER VERS

LA HIGH-TECH,MAIS AUSSI VERS

L’AGROALIMEN -TAIRE ET LES

SECTEURS TRADI -TIONNELS PLUS

GÉNÉRA TEURS

D’EMPLOIS.

SI L’INVESTISSE -MENT DANS

LA ZONE EST

PLUS RISQUÉ QUE

DANS UN PAYS

DÉVELOPPÉ,LA RENTABILITÉ

À EN ATTENDRE

EST ÉGALEMENT

BEAUCOUP

PLUS ÉLEVÉE.

Union méditerranéenne Nord-Suddes assureurs crédit

la plupart des psem, à l’instar de leurs voisinsdu Nord, offrent à leurs entreprises nationales desmécanismes d’appui à l’exportation et à l’implan-tation à l’étranger, en ciblant certains types d’entre-prises, notamment technologiques. Ces garantiesdemeurent limitées, tant en nombre qu’en finalitésde financement couvertes, tandis que les banqueslocales conditionnent encore fréquemment l’accèsà des crédits en devises à la constitution de dépôtsen monnaie locale prohibitifs pour les pme.

Dans les Psem, les garanties publiques sont engénéral consacrées quasi exclusivement à la cou-verture du non-paiement des exportations et sontloin de garantir l’ensemble des étapes du parcoursdes entrepreneurs à l’international. En comparai-son, les systèmes occidentaux couvrent successi-vement la prospection de marchés (couvertured’une partie des frais de prospection engagés nonamortis par un niveau suffisant de ventes), le pré-financement des exportations, le risque de changelié à un contrat d’exportation, l’exécution ducontrat et son paiement, la garantie du crédit four-nisseur, celles des biens immatériels (brevets,marques…), celle de la mobilisation des créancesnées sur l’étranger, celle des crédits documen-taires, ainsi que le risque politique susceptible defrapper les investissements.

L’Union méditerranéenne des assureurs cré-dits aurait pour principale mission la promotionde la coopération des opérateurs en jouant lesrôles suivants : • impulser l’harmonisation des réglementationsrelatives à la communication des états financiers ;• mettre en réseau les sources d’informationexistantes pour une fiabilité accrue de l’informa-tion ;• impliquer la diplomatie économique, lesbanques et autres institutions dans la collecte del’information et la mise en relation des opérateurs ;• organiser la co-assurance pour partager lesrisques et mieux accompagner les exportateurs ;• favoriser l’échange d’expertise et créer dessynergies ;• œuvrer à l’établissement d’une black list desdébiteurs ;• faciliter le recouvrement des créances impayées.

de manière globale, le constat est que lesbesoins sont considérables et que les moyens tantpublics que privés ne peuvent être accrus et doncdoivent être optimisés. Les responsabilités même

si elles sont naturellement partagées relèvent res-pectivement de l’initiative des pays du Nord et duSud. L’outil des fonds de garantie est perçu defaçon consensuelle comme le plus adapté et avecl’effet de levier le plus optimal.

Il appartient à l’Union européenne de prendrel’initiative sur un fonds de garantie des infrastruc-tures sur la base des priorités d’investissementarrêtées dans le cadre de l’UpM. Le secrétariat deBarcelone nouvellement créé en serait le brasarmé idéal. Cet outil est seul à même de permettrenotamment pour la dette à apporter par lesbanques, le financement de la plus grande partiedes projets qui ont été recensés.

Cela n’exclut pas des initiatives, où les pays duNord pourraient adhérer de façon volontaire dansune logique de projet : le Fonds de garantie desrégions pourrait être impulsé dans un premiertemps par l’Italie et la France. La focalisation surles clusters permettrait, une fois l’initiative lancée,de rassembler un grand nombre de régions del’ensemble des pays européens en lien avec desrégions du Sud.

La modernisation des marchés financiers duSud relève à l’évidence des autorités de chacun deces pays avec, si possible, une coopération Sud-Sud à renforcer. Le corollaire en est la mobilisationde l’épargne locale sur des emplois utiles à ceséconomies (pme, infrastructures) par la créationde produits long terme sécurisés. Dans ce cadre,l’émergence, dans les pays du Sud, de «Caissesdes Dépôts» peut constituer un accélérateurcomme intervenant sur les marchés financiers etinvestisseur long terme entraînant les acteurs pri-vés internationaux et locaux.

De façon plus générale, une des conditions dusuccès des actions mentionnées précédemmentpasse par la crédibilité des réformes engagées et laconfiance qu’elles suscitent. Cette confiance passepar un cadre juridique clair et stable permettantaux acteurs locaux (institutionnels et particuliers)mais aussi internationaux de s’engager sur le longterme sur un critère de «bonne gouvernance».

L’intervention des États si elle est indispensa-ble en cette période de crise, n’a de légitimité quepour peu qu’elle attire et renforce l’interventiondes acteurs privés tant en dette qu’en investisse-ment. C’est à cette seule condition que les initia-tives privées se développeront et se multiplieront,comme Euromed Capital Forum l’illustre dans ledomaine du capital investissement.

S’agissant de la gouvernance, les fonds, tout enétant portés essentiellement par la Commissioneuropéenne (Fonds de garantie des infrastruc-

34 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

L’INTERVENTIONDES ÉTATS,INDISPENSABLE

EN CETTE

PÉRIODE DE

CRISE, N’A DE

LÉGITIMITÉ QUE

POUR PEU

QU’ELLE ATTIREET RENFORCE

L’INTERVENTIONDES ACTEURS

PRIVÉS TANT

EN DETTE QU’ENINVESTISSEMENT.

tures) ou par des régions qui restent à identifier(Fonds en faveur des pme financé notamment pardes régions) devraient être suffisamment ouvertsde manière à permettre à un maximum d’inves-tisseurs institutionnels et privés des pays de l’UpMmais également à d’autres investisseurs interna-tionaux d’y apporter leur concours financier.

Chaque investisseur ou bailleur pourra partici-per à la prise de décision en fonction de son apport.Les Psem bénéficiaires devraient également êtreassociés au processus de décision en matière d’oc-troi des garanties et financements aux projets.Cette participation est capitale pour s’assurer deleur appropriation des projets qui devraient avoirimpérativement un caractère régional. De plus,associer les Psem bénéficiaires serait un signal fortet une mise en application concrète du nouveaumode de gouvernance paritaire (Nord-Sud) consa-cré par l’UpM. Ce mode de gouvernance est uneavancée politique majeure par rapport au proces-sus de Barcelone. Il devrait être adopté a minimaau niveau de l’expertise qui ne devrait pas être uni-quement originaire du Nord.

il convient de rappeler l’exigence de la coor-dination avec les initiatives existantes : plusieursbailleurs et investisseurs bilatéraux et multilaté-

raux participent au financement des projets struc-turants en Méditerranée. Toutefois et malgré lesconcours financiers apportés par l’UE et l’ensem-ble des bailleurs intervenant dans la région, lesbesoins en infrastructures et en financement despme dans les Psem restent considérables. Lesoutils proposés dans le cadre du présent rapportviennent en ajout des initiatives en cours sans lesconcurrencer. En effet, s’agissant du financementdes infrastructures, nous avons opté pour desoutils dédiés aux projets qui possèdent une fortedimension régionale, ayant fait l’objet d’un diag-nostic partagé entre le Nord et le Sud et d’un enga-gement de la part de pays concernés.

La logique de la géométrie variable toujoursapplicable dans un cadre régional plutôt que l’op-tion de projets réalisés dans un cadre strictementbilatéral fait également partie des critères du choixdes projets. Pour le financement des pme, nos pro-positions visent à impliquer davantage les banqueslocales en insistant sur la nécessité pour cesbanques de prendre davantage de risques et d’ap-porter leurs concours aux pme dans les phases del’amorçage et du développement. Les outils propo-sés insistent également sur la nécessité de financerles pme via les marchés financiers ainsi que via lescollectivités locales. l

INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE ~ 35

les besoins de financement associés aux pro-jets d’investissement structurants dans les pays duSud et de l’Est de la Méditerranée sont considéra-bles. Des ressources existent, mais les ressourcespubliques, à quelques exceptions près, se taris-sent, et les ressources privées, y compris celles ori-ginaires des pays du Sud et de l’Est de la Méditer-ranée, trouvent généralement leur place desemplois plus courts, dans des ensembles régio-naux bénéficiant d’une plus forte croissance ouétant perçus comme moins risqués.

la région méditerranée est perçue commeune addition de systèmes juridiques et écono-miques sans liens réels les un avec les autres. Defait, les droits et les normes sont différents entrechaque pays et la part du commerce intra-régionaln’excède pas 8 % en moyenne. Par ailleurs, lesinstruments traditionnels de la protection finan-cière de l’investissement ne permettent pas davan-tage de réduire le risque perçu d’une manière suf-fisante pour permettre le financement du volumede projets envisagés.

il apparaît ainsi nécessaire de rénover lecadre juridique et financier de la protection de l’in-vestissement par (i) la conclusion d’un accordinternational mettant en place un régime de pro-tection juridique spécifique pour les projets UpMà l’échelle de la région (ou à tous le moins des paysqui le souhaiteraient) intégrant notamment unorgane dédié de règlement des litiges à même deconstituer une jurisprudence claire et (ii) la miseen place, sur la base d’une mutualisation des res-sources publiques et d’un accès au financementprivé, d’un régime de garanties financières, plusimportantes en volume, plus étendues en termesde couverture du risque et plus faciles d’accès.

mais au-delà même de la seule garantie de l’in-vestissement, la promotion des investissementsdans la région Méditerranée passe aussi par unepoursuite de l’harmonisation dans d’autresdomaines, en particulier dans les domaines dudroit des affaires (et notamment du droit des sûre-tés et du droit des partenariats publics privés, maispas exclusivement) et des normes techniques etréglementaires, et par une poursuite de la concer-tation en matière fiscale.

de manière plus générale, un meilleur par-tage de l’information et de l’expertise entre paysde la région, du Nord comme du Sud, sembleindispensable, notamment en matière de négo-ciation des partenariats publics privés. L’octroipar les États de la sécurité juridique des investis-seurs doit avoir pour corollaire une bonne com-préhension par ces États de la portée des garan-ties octroyées et une négociation équilibrée descontrats investisseur-État.

un certain nombre d’autres mesures doi-vent certainement être prises, et notamment envue de renforcer le rôle de transformation desbanques et le rôle des marchés financiers et la pro-ductivité du travail, mais l’amélioration du cadrejuridique et financier de l’investissement devrad’ores et déjà permettre une réallocation des capi-taux dans la région à un coût raisonnable en vuede financer les projets jugés stratégiques, quipourront notamment comprendre, outre la réali-sation d’investissements structurants dans ledomaine de l’énergie, de l’eau et des transports, laconstitution de fonds d’investissement dédiés à larégion dont pourront aussi, incidemment, béné-ficier les pme. l

36 ~ INITIATIVE POUR L’ INVESTISSEMENT EN MÉDITERR ANÉE

L’AMÉLIORATIONDU CADRE

JURIDIQUE ET

FINANCIER DE

L’INVESTISSE -MENT PERMETTRA

UNE RÉALLOCA -TION DES

CAPITAUX DANS

LA RÉGION À UN

COÛT RAISON -NABLE EN VUE

DE FINANCER

LES PROJETS

STRATÉGIQUES.

Abderrahmane Hadj Nacer etGuillaume Almeras, Investissement en Méditerranée :Constats et Perspectives, mars 2009

Sabrina Robert-Cuendet, État des lieux des mécanismes juridiquesinternationaux de protectionde l’investissement étrangeren Méditerranée, avril 2010

Rapport de la Commission surle financement du Co-développementen Méditerranée présidée parCharles Milhaud, mai 2010

Eric Diamantis, Propositions pour une meilleure garantiedes investissements en régionméditerranéenne, juillet 2010

Michel Gonnet, Outils de dynamisation desinvestissements en Méditerranée,septembre 2010

Ipemed News n°13, septembre 2010

Crise et sortie de crise dans les payspartenaires méditerranéens de la Femip,Femise, 2010

Observatoire Anima-Mipo, 2010

B I B L I O G R A P H I E

C O N C L U S I O N

L’Institut de prospective économique du monde méditerranéen, IPEMED, est une association reconnue d’intérêt général, créée en 2006. Think tank promoteur de la région méditerra néenne,

il a pour mission de rapprocher par l’économie, les pays des deux rivesde la Méditerranée. Il est indépendant des pouvoirs politiques dont il ne reçoit aucun financement.

Président : Radhi Meddeb ; fondateur et délégué général : Jean-Louis Guigou

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