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Le 31 août 2016 Mémoire concernant le Projet de loi C-17, déposé auprès des députés Nous vous écrivons aujourd’hui au nom de la Fédération de la police nationale (FPN), la plus grande organisation syndicale des membres de la GRC en service et qui cherche à devenir leur agent négociateur accrédité. Nos membres sont à l’œuvre dans plusieurs régions du Canada. Ils comptent parmi l’un des représentants du gouvernement les plus visibles dans la vie quotidienne de la population. Ils sont aussi un symbole international d’État très important. En tant que gardiens du système de droit pénal, ils exercent un pouvoir discrétionnaire en matière d’enquêtes, d’arrestations et de poursuites qui peuvent avoir des conséquences permanentes et substantielles sur la vie des Canadiens. La FPN et ses membres envisagent des relations qui reposent sur la compréhension et le respect mutuel, en mesure de résoudre les problèmes qui se posent sans loger de griefs ou sans litiges. Fondamentalement, fournir au public le meilleur service de police dépend de la capacité interne de l’organisation à travailler ensemble. Comme vous le savez, le Sénat a adopté le Projet de loi C-7 en troisième lecture, pourvu de nombreux amendements. Il sera déposé auprès de la Chambre des communes pour y être débattu à nouveau. L’objectif de ce mémoire est de faire connaître le point de vue de la FPN, de référer à la jurisprudence et d’éclaircir la raison pour laquelle le texte original du Projet de loi ne répond pas à l’esprit et à l’intention de l’interprétation de la Cour suprême du Canada de la portée du processus, conformément à l’alinéa 2d de la Charte : la « liberté d’association » 1 . Même si nous apprécions et soutenons les amendements proposés par le Sénat, y compris la suppression des clauses concernant les exclusions et la disposition relative aux droits de la gestion, le Projet de loi C-7 contient toutefois de sérieuses lacunes et omissions, en particulier le non-respect des droits constitutionnels des membres de la GRC, à savoir : 1. Les policiers, comme « titulaires d’une charge », se distinguent des fonctionnaires, ce que leur régime de relations de travail devrait reconnaître. 2. Il faut inclure la GRC même à titre d’un des employeurs avec lesquels les membres de la GRC ont le droit de négocier les termes et les conditions d’emploi. 3. Les exclusions de certaines conditions de travail du processus de négociation prévues au Projet de loi C-7 interfèrent avec le droit des membres de négocier tous leurs objectifs de travail. 1 Dunmore c. Ontario (procureur général), 2001 CSC 94, [2001] 3 RCS 1016; Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, [2007] 2 RCS 391, 2007 CSC 27 (CanLII); Ontario (procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20, [2011] 2 RCS 3.

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Le 31 août 2016

Mémoire concernant le Projet de loi C-17, déposé auprès des députés

Nous vous écrivons aujourd’hui au nom de la Fédération de la police nationale (FPN), la plus

grande organisation syndicale des membres de la GRC en service et qui cherche à devenir leur

agent négociateur accrédité.

Nos membres sont à l’œuvre dans plusieurs régions du Canada. Ils comptent parmi l’un des

représentants du gouvernement les plus visibles dans la vie quotidienne de la population. Ils

sont aussi un symbole international d’État très important. En tant que gardiens du système de

droit pénal, ils exercent un pouvoir discrétionnaire en matière d’enquêtes, d’arrestations et de

poursuites qui peuvent avoir des conséquences permanentes et substantielles sur la vie des

Canadiens.

La FPN et ses membres envisagent des relations qui reposent sur la compréhension et le

respect mutuel, en mesure de résoudre les problèmes qui se posent sans loger de griefs ou

sans litiges. Fondamentalement, fournir au public le meilleur service de police dépend de la

capacité interne de l’organisation à travailler ensemble.

Comme vous le savez, le Sénat a adopté le Projet de loi C-7 en troisième lecture, pourvu de

nombreux amendements. Il sera déposé auprès de la Chambre des communes pour y être

débattu à nouveau. L’objectif de ce mémoire est de faire connaître le point de vue de la FPN, de

référer à la jurisprudence et d’éclaircir la raison pour laquelle le texte original du Projet de loi ne

répond pas à l’esprit et à l’intention de l’interprétation de la Cour suprême du Canada de la

portée du processus, conformément à l’alinéa 2d de la Charte : la « liberté d’association »1.

Même si nous apprécions et soutenons les amendements proposés par le Sénat, y compris la

suppression des clauses concernant les exclusions et la disposition relative aux droits de la

gestion, le Projet de loi C-7 contient toutefois de sérieuses lacunes et omissions, en particulier

le non-respect des droits constitutionnels des membres de la GRC, à savoir :

1. Les policiers, comme « titulaires d’une charge », se distinguent des fonctionnaires, ce

que leur régime de relations de travail devrait reconnaître.

2. Il faut inclure la GRC même à titre d’un des employeurs avec lesquels les membres de

la GRC ont le droit de négocier les termes et les conditions d’emploi.

3. Les exclusions de certaines conditions de travail du processus de négociation prévues

au Projet de loi C-7 interfèrent avec le droit des membres de négocier tous leurs

objectifs de travail.

1 Dunmore c. Ontario (procureur général), 2001 CSC 94, [2001] 3 RCS 1016; Health Services and Support - Facilities

Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, [2007] 2 RCS 391, 2007 CSC 27 (CanLII); Ontario (procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20, [2011] 2 RCS 3.

4. L’obligation de négocier de bonne foi comprend des caractéristiques importantes qui ne

sont pas prévues au Projet de loi C-7.

5. La prestation de services d’arbitrage impartial des griefs en vertu d’une convention

collective inclusive.

En tant qu’agent des forces de l’ordre, nos membres doivent respecter la loi. À l’instar de tous

les Canadiens, nous nous attendons à ce que le gouvernement et le Parlement fassent de

même. Par conséquent, nous trouvons inacceptable que le gouvernement du Canada et le

Parlement cherchent à adopter le Projet de loi C-7 qui ne respecte pas nos droits tels que

prescrits par la Constitution du Canada.

À titre de loi suprême du Canada, la Constitution énonce nos libertés fondamentales,

notamment « la liberté d’association », tel que prescrit à l’alinéa 2(d) de la Charte. En 2015, la

Cour suprême du Canada, dans l’affaire de l’Association de la police montée de l’Ontario c.

Canada (procureur général)2, ci-après l’affaire APMO 2015 statuait que les membres de la GRC

avaient le droit de se syndiquer. Cela renversait une décision antérieure de la Cour suprême

dans l’affaire Delisle c. Canada (procureur général adjoint)3 selon laquelle les membres de la

GRC n’avaient pas le droit de se syndiquer.

Elle concluait que les membres de la GRC n’avaient pas librement opté en faveur du système

représentatif interne, car ils n’avaient pas le choix. Selon la Cour suprême, le régime de

représentation interne avait été créé par la direction de la GRC, même si les représentants

étaient élus par l’effectif.

Puisqu’aucun choix ne s’offrait aux membres de la GRC quant à leur agent négociateur, la Cour

suprême a jugé que le régime des relations de travail PRFF ne respectait pas les droits

constitutionnels des membres en vertu de l’alinéa 2d de la Charte.

La Cour suprême a également déclaré : « Nous avons décrit précédemment l’historique des

relations de travail à la GRC. Celui-ci recèle une attitude d’hostilité envers la syndicalisation au

sein de la Gendarmerie tant de la part de la direction de la GRC que des gouvernements qui se

sont succédé, et ce, depuis longtemps ».

Depuis, le commissaire de la GRC a dissous le régime PRFF et le Conseil de la solde de la

GRC conformément à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire APMO 20154,

éliminant ainsi toute représentation collective pour les membres de la GRC.

2 Association de la police montée c. Canada (procureur général) 2015 CSC 1 http://canlii.ca/t/gfxx8

3 Delisle c. Canada (procureur général adjoint), [1999] 2 RCS 989

4 Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (procureur général) 2015 CSC 1),

Dans plusieurs décisions qu’elle a rendu au cours de la dernière décennie, la Cour suprême du

Canada a interprété ce que signifie la « liberté d’association » en milieu de travail. Elle a

énuméré les caractéristiques d’un processus dans le cadre de la « liberté d’association » qui

permet aux travailleurs et à leurs représentants de poursuivre d’importants objectifs en milieu

de travail. L’essence de ces décisions expliquant les droits des membres de la GRC figure au

Rapport Aust 2012. En 1993 et 1995, M. Aust avait (à la demande des commissaires

précédents et des co-présidents des représentants des membres de la GRC) rédigé deux

rapports indépendants qui formulaient des recommandations sur la création, la structure et le

fonctionnement du Conseil de la solde de la GRC. Ce dernier a été établi sur la base des

recommandations du Rapport 1995. Il a été opérationnel pendant 20 ans jusqu’à sa dissolution

par le commissaire en 2016.

En 2012, le commissaire Bob Paulson et les représentants des membres ont convenu de

charger Edward Aust de mener une enquête indépendante sur la façon d’améliorer le Conseil

de la solde de la GRC.

Dans le cadre du mandat général qui avait été donné à M. Aust, le Rapport 2012 devait prendre

en compte les « objectifs, la culture et le contexte de la GRC ». Il convient de noter que le

commissaire a adjugé le mandat sous forme de marché à fournisseur unique pour la somme de

98 000 $. Le mandat du Rapport Aust 2012 stipulait aussi qu’il devait tenir compte des

« développements actuels dans le droit du travail, en particulier ceux ayant trait aux membres

de la GRC ».

L’examen des droits des membres de la GRC contenu au Rapport Aust 2012 décrit les

caractéristiques d’un processus de relations de travail auquel les membres ont droit. Il explique

l’évolution du droit, tel que requis, y compris les droits constitutionnels des membres de la GRC

en vertu de l’alinéa 2d de la Charte compte tenu de plusieurs décisions de la Cour suprême du

Canada, de 2000 à 2011. En fait, ces droits constitutionnels seraient applicables à toute

législation tel que le Projet de loi C -7 ou tout régime de relations de travail.

Il est à noter que le Rapport Aust 2012 n’a jamais été traduit, pas plus qu’il n’a été remis au

gouvernement précédent ou au pouvoir, une fois terminé, ce qui porte à croire que la direction

de la GRC était consciente de tous les défis que le Projet de loi C-7 poserait au gouvernement

et qu’elle n’a rien fait pour atténuer ces préoccupations, comme le révèle le témoignage du

commissaire Paulson, ci-dessous :

OTTAWA, le lundi 13 juin 2016

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE PREUVE

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup d’être venu, monsieur le commissaire. Nous sommes vraiment heureux que vous soyez avec nous. Je sais que vous écrivez chaque mois une lettre aux hommes et aux femmes qui travaillent avec vous, alors dans mon rôle de vice-présidente, je vous demanderais de bien vouloir leur faire part de notre profonde gratitude pour le travail extraordinaire qu’ils accomplissent pour assurer la sécurité de notre pays et de nos villes.

J’aimerais d’abord vous demander une précision, commissaire Paulson, au sujet du rapport d’Edward Aust. Il a comparu devant nous la semaine dernière pour parler de son rapport de 2012 sur les relations de travail, et je voulais que vous nous disiez pour quelles raisons vous avez décidé de le recruter. Son rapport contient 25 recommandations, si je ne me trompe pas. Qu’en est-il de ces recommandations? Les avez-vous présentées au comité de la Chambre des communes?

M. Paulson : Tout d’abord, j’ai décidé d’engager M. Aust juste après avoir accédé à mes fonctions de commissaire. J’ai découvert à ce moment-là que le Conseil de la solde de la GRC manquait de pouvoir; autrement dit, il devait justement remettre une présentation sur la rémunération, il avait travaillé très fort pour produire une présentation importante sur la rémunération que je trouvais équitable. Cette présentation a passé par tous les processus gouvernementaux, et quand elle est finalement arrivée au Conseil du Trésor, elle a été rejetée; alors voilà, il n’y avait plus rien à faire.

Je suis tout de suite allé au Conseil du Trésor, et nous avons examiné les faiblesses du système. Si j’ai bien compris, nous avions des membres RRF, des cadres et des tiers qui géraient le Conseil de la solde. Ils avaient mené une analyse empirique fondée sur des données probantes en comparant des corps de police, puis ils ont préparé leur présentation en fonction des résultats de cette analyse. Ils l’ont envoyée et tout d’un coup, boum, non, vous n’aurez pas cet argent.

Je voulais que le Conseil du Trésor, ou plus exactement le secrétariat, accepte les recommandations du Conseil de la solde. J’y tenais, parce qu’en fin de compte, le rapport Aust n’a pas été présenté au Parlement — nous n’avions jamais eu l’intention de le présenter au Parlement —, il a été présenté au Secrétariat du Conseil du Trésor. Certaines de ses recommandations ont été acceptées et mises en œuvre, mais un grand nombre d’entre elles ont été rejetées. Tout cela reposait sur ce qui est maintenant le cadre inconstitutionnel des RRF, mais nous avions apparemment l’intention de pousser les RRF d’un échelon sans rien dire — je suppose que je parle au nom du secrétariat.

Le secrétariat a pris pour position de refuser de discuter avec une classe d’employés non syndiqués, ce qui a causé de graves préoccupations au sujet de l’utilité et de la rentabilité du Conseil de la solde. Celui-ci s’est avéré être un élément important pour la GRC dans le domaine du travail. En comparant nos salaires et notre rémunération globale avec ceux d’autres corps de police, nous découvrons que le conseil est très utile. M. Aust a rédigé ses recommandations pour un monde post-APMO sans projet de loi C-7.

Le 22 juin 2016, Brian Sauvé de la Fédération de la police nationale a remis le Rapport Aust

2012 au ministre de la Sécurité publique et l’a présenté au Comité sénatorial sur le Projet de loi

C-7 https://npf-fpn.com/breaking-news/

Télécharger le Rapport Aust 2012

https://npf-fpn.com/wp-content/uploads/2016/06/The-Challenge-and-the-Royal-Canadian-

Mounted-Police-1.pdf

1. Les policiers, comme « titulaires d’une charge », se distinguent des fonctionnaires,

ce que leur régime de relations de travail devrait reconnaître.

Les policiers ne sont pas que des fonctionnaires, subordonnés, tel que requis par la nature de

la relation de travail. Étant « titulaires de charge », ils exercent, en sus, un pouvoir

discrétionnaire et de prise de décision indépendante en matière d’enquêtes, d’arrestations et de

poursuites. Par conséquent, ils ne sont pas subordonnés au moment d’effectuer ces tâches et

ils nécessitent une protection complémentaire contre toute personne qui tenterait d’usurper leur

discrétion. Les policiers devraient-ils être assujettis à la Loi sur les relations de travail dans la

fonction publique? Ces pouvoirs discrétionnaires sont-ils plus alignés avec les obligations

professionnelles qu’avec un modèle d’organisation paramilitaire? Consulter l’affaire Roncarelli c.

Duplessis5 et l’affaire R. c Campbell6, ayant fait l’unanimité. Dans l’affaire historique de R. c.

Campbell, la Cour suprême a jugé que :

27 La tentative du ministère public d’assimiler la GRC à l’État pour des fins d’immunité

dénote une conception erronée de la relation entre la police et la branche exécutive du

gouvernement lorsque les policiers exercent des activités liées à l’exécution de la loi. Un

policier qui enquête sur un crime n’agit ni en tant que fonctionnaire ni en tant que

mandataire de qui que ce soit. Il occupe une charge publique qui a été définie à l’origine

par la common law et qui a été établie par la suite dans différentes lois. Dans le cas de la

GRC, l’une de ces lois pertinentes est maintenant la Loi sur la Gendarmerie royale du

Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10.

……..

5 Roncarelli c. Duplessis, [1959] CSC 121

http://www.canlii.org/en/ca/scc/doc/1959/1959canlii50/1959canlii50.html 6 R. c. Campbell, [1999] 1 RCS 565 http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/1999/1999canlii676/1999canlii676.html

33 Bien qu’à certaines fins, le Commissaire de la GRC rende compte au Solliciteur général, il

ne faut pas le considérer comme un préposé ou un mandataire du gouvernement lorsqu’il effectue des enquêtes criminelles. Le Commissaire n’est soumis à aucune directive politique. Comme tout autre agent de police dans la même situation, il est redevable devant la loi et, sans aucun doute, devant sa conscience. Comme lord Denning l’a dit relativement au commissaire de police dans R. c. Metropolitan Police Comr., Ex parte Blackburn, [1968] 1 All E.R. 763 (C.A.), à la p. 769 :

Ces décisions font valoir que le public est protégé par l’État de droit, car il empêche le

gouvernement ou quiconque d’usurper des pouvoirs légaux d’un titulaire d’une charge.

Consulter le Rapport 2012, comme le souligne Kent Roach dans son introduction de son

mémoire dans le cadre de la Commission d’enquête sur Ipperwash :

L’affaire Campbell a sans doute rehaussé le degré d’indépendance de la police dans les

enquêtes criminelles par rapport à une convention constitutionnelle qui, dans la pratique,

retient les exercices de pouvoirs ministériels à un composant de l’un des principes

d’organisation constitutionnels du Canada, à savoir la primauté du droit.7(trad.)

Certes, en raison de la fonction de titulaire d’une charge, une considération supplémentaire

dans la détermination de la rémunération des policiers peut être extraite du raisonnement de la

Cour suprême en ce qui concerne le traitement d’un juge : leur salaire doit être soumis à un

processus spécial pour assurer la protection du public. Consulter le Rapport Aust 2012 à la p.46

et à la page suivante :

Dans tous les cas, il est utile de voir comment l’indépendance est assurée en se référant

au raisonnement de la Cour suprême du Canada au sujet de la relation entre rester

indépendant et le niveau de rémunération. La magistrature provinciale avait fait valoir que

le salaire et les avantages convenables étaient nécessaires pour garantir l’indépendance

du pouvoir judiciaire et que cela était dans l’intérêt du public. Dans le Renvoi relatif à la

rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard; Renvoi relatif à

l’indépendance de l’impartialité des juges de la Cour provinciale de

l’Île-du-Prince-Édouard8, la Cour a jugé que la Constitution protège les traitements des

juges afin qu’ils ne tombent pas sous un niveau minimal acceptable.9

Le juge en chef Lamer, rédigeant la décision majoritaire de la Cour suprême du Canada, a

conclu que :

7 Professeur Ken Roach “The Overview: Four Models of Police Government Relations”, Travaux de recherche

commandés pour l’enquête sur Ipperwash (2007), http://www.ipperwashinquiry. ca/policy_part/meetings

/pdf/Roach.pdf, p. 4. 8 Renvoi relatif à la rémunération des juges de la province de l’ÎPÉ ; Renvoi relatif à l’indépendance et à

l’impartialité des juges de la Cour provincial de l’ÎPÉ [1997] 3 RCS 3. 9 The Challenge and the Royal Canadian Mounted Police, https://npf-fpn.com/wp-content/uploads/2016/06/The-

Challenge-and-the-Royal-Canadian-Mounted-Police-1.pdf

193. Je n’ai aucun doute que la Constitution protège les traitements des juges afin qu’ils

ne tombent pas sous un niveau minimal acceptable. Cette protection a pour but d’assurer

la sécurité financière des juges afin de les prémunir contre l’ingérence politique exercée

par le biais de la manipulation financière, et d’assurer par le fait même la confiance du

public dans l’administration de la justice. Si les traitements sont trop bas, il y a toujours un

risque, aussi théorique soit-il, que les juges puissent être tentés de trancher un litige d’une

certaine façon, en vue d’obtenir un traitement supérieur de l’exécutif ou l’assemblée

législative ou certains avantages d’une des parties à ce litige. Facteur peut-être plus

important encore, dans le contexte de l’al. 11d), il y a la perception que cela pourrait se

produire. Comme l’a écrit le professeur Friedland, op. cit., aux pp. 61 et 62 :

Nous ne voulons pas que nos juges soient tentés d’espérer un avantage financier s’ils

favorisent l’une ou l’autre partie. Et nous ne voulons pas que le public puisse

concevoir pareille possibilité.10

Je veux qu’il soit bien clair que le fait de garantir un traitement minimal ne vise pas à avantager

les juges. La sécurité financière est plutôt un moyen d’assurer l’indépendance de la

magistrature et, de ce fait, elle est à l’avantage du public. Comme l’a dit le professeur Friedland,

en tant que citoyen concerné, une telle mesure est « dans notre propre intérêt ».

En ce qui concerne l’inclusion de la GRC dans le régime de la Loi sur les relations de travail

dans la fonction publique (LRTFP), il est important de rappeler les conclusions de la Cour

suprême dans l’affaire APMO 2015 et les alternatives mentionnées, tout comme en ce qui

concerne la position du procureur général du Canada à l’effet qu’il est nécessaire d’exclure la

GRC de la LRTFP pour fournir une force de police indépendante et objective.

Le juge en chef et LeBel J. :

[137] Cette conclusion ne signifie pas que le législateur doit inclure la GRC dans le

régime de la LRTFP actuelle. Comme nous l’avons vu, l’al. 2d) de la Charte n’impose pas

un modèle particulier de relations du travail. Notre conclusion quant à la constitutionnalité

de l’exclusion prévue par la LRTFP actuelle signifie seulement que le législateur ne doit

pas entraver substantiellement le droit des membres de cette organisation à un processus

véritable de négociation collective, à moins que cette entrave puisse être justifiée au

regard de l’article premier de la Charte.

10

Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’ÎPÉ; Renvoi relatif à l’indépendance et à l’impartialité des juges de la Cour provinciale de l’ÎPÉ [1997] 3 RCS 3, http://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/1541/index.do

Par exemple, le gouvernement fédéral peut toujours examiner d’autres processus de

négociations collectives qui seraient plus adaptés au contexte particulier dans lequel les

membres de la GRC s’acquittent de leurs fonctions.

……..

[142] À cette étape, la question est de savoir si l’objet de la mesure attentatoire est

suffisamment important pour justifier en principe une restriction des droits et libertés garantis par la Constitution (RJR-MacDonald (1995), par. 143). Le procureur général du Canada soutient que l’exclusion des membres de la GRC du régime de la LRTFP actuelle et l’adoption du Règlement de la GRC visaient à préserver et à renforcer la confiance du public à l’égard de la neutralité, de la stabilité et de la fiabilité de la GRC à titre de force policière indépendante et objective. Nous concluons que la nécessité de mettre en place une force policière indépendante et objective constitue un objectif urgent et réel au titre de l’article premier de la Charte.

……..

[156] Cet argument procède d’une mauvaise interprétation de notre conclusion. Nous ne

concluons pas que le processus prévu par la LRTFP actuelle est constitutionnalisé, mais

plutôt que le régime de relations de travail existant et l’objet de l’exclusion prévue par

cette loi sont incompatibles avec la Charte et doivent être annulés en application de l’art.

52 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette conclusion ne requiert pas l’adoption d’un

régime de relations de travail en particulier ni n’empêche le gouvernement fédéral

d’adopter un modèle autre que celui prévu par la LRTFP actuelle pour régir les relations

de travail au sein de la GRC. En effet, s’il le juge à propos, le législateur demeure libre

d’adopter tout modèle qu’il estime indiqué pour régir les relations de travail des employés

de cette organisation, dans le respect des limites constitutionnelles imposées par la

garantie prévue à l’al. 2d) et par l’article premier de la Charte.11

La distinction entre la GRC et d’autres groupes de la fonction publique se reflète non seulement

dans le mandat, la structure et l’organisation, mais aussi dans les différences fondamentales

dans la nature du travail. Jour après jour, les membres de la GRC sont exposés aux éléments

les plus désagréables de notre société, souvent dans des situations conflictuelles et qui

présentent parfois un risque pour eux-mêmes. Dans l’accomplissement de leur devoir et de leur

obligation en vertu de l’alinéa 4.2 de la Loi sur la GRC (2014), les membres de la GRC traitent

avec des agresseurs d’enfants, des meurtriers, des délinquants sexuels, des conducteurs ivres

et des terroristes.

11

Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (procureur général) 2015 RCS 1 http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2015/2015csc1/2015csc1.html

« Les membres font preuve de diligence dans l’exercice de leurs fonctions et de leurs

responsabilités, y compris prendre les mesures qui s’imposent pour venir en aide à toute

personne qui est exposée à un danger potentiel, imminent ou réel » (trad.)

La FPN souhaite ajouter que cette distinction a été citée par des arbitres qui ont traité des

conventions collectives des forces policières municipales. Reprenons en particulier les mots de

l’arbitre Stan Lanyon Q.C, le 29 juillet 2014, dans sa décision sur le renouvellement de la

convention collective du service de police de Vancouver (soulignement ajouté) :

Le travail des agents de police diffère de celui de tout autre employé du service civique.

Voici ce que j’ai déclaré lors de l’affaire de la Commission des services de la police de

Vancouver c. le Vancouver Police Union, 1997 C.-B. A.A.A. No. 621 :

Tout d’abord, j’accepte le caractère unique des forces de police. Ce n’est pas une

occupation ou une profession comparable à d’autres employés du secteur public. La

nature du travail ainsi que la nature des responsabilités publiques sont différentes. Cela

a à voir avec leurs fonctions et leurs pouvoirs et, tel que relevé dans des décisions

arbitrales antérieures et dans la documentation spécialisée, la nécessité à un moment

ou l’autre de « risquer leur propre vie » (trad.)

Dans l’accomplissement de leurs fonctions, les policiers sont tenus de s’exposer au danger et le

Code criminel les autorise à suspendre temporairement la liberté et à prendre la vie d’autrui si

les circonstances l’exigent. Ces décisions sont souvent prises en une fraction de seconde. Les

responsabilités sont lourdes et servent à distinguer la GRC. Il est essentiel que la capacité des

membres de la GRC de négocier collectivement leurs conditions d’emploi ne souffre pas d’une

assimilation à d’autres groupes de services publics.

D’autres différences entre la GRC et d’autres groupes de la fonction publique viennent s’ajouter

à cette dissimilitude fondamentale :

Les membres de la GRC affirment et prêtent serment, ce qui leur confère une plus

grande imputabilité envers les lois du Canada.12

Les infractions au Code criminel contre l’ordre public distinguent aussi les membres de

la GRC de toute la fonction publique du Canada.13

Tous les membres de la GRC servent sous la direction du commissaire, du gouverneur

et du conseil de la GRC.14

Tous les membres de la GRC doivent se conformer aux qualités physiques nécessaires

et autres qualifications promulguées pour une nomination dans les Forces comme le

commissaire peut, par règle, prescrire.15

12

Lettre d’engagement, formulaire A115B 13

Code criminel, Article 56 14

La Loi sur la GRC

Le(la) commissaire de la GRC a l’autorité législative de déployer des ressources

humaines à sa direction, à l’échelle nationale et internationale.16

Les membres de la GRC servent dans plus de 750 détachements dans tous les

territoires et provinces du Canada.17

Les membres de la GRC font fonction d’agents de liaison dans 26 endroits dans le

monde.18

Les membres de la GRC administrent ou appliquent plus de 250 lois et ententes

fédérales.19

Les membres de la GRC ont été déployés dans des zones de guerre (cavalerie, prévôté

et maintien de la paix).20

Depuis 1873, deux cent trente-sept membres de la GRC ont été assassinés, tués ou

sont morts dans l’exercice de leurs fonctions au service du Canada.21

Les membres de la GRC se distinguent clairement des autres groupes de la fonction publique

et sur cette seule base leur régime de relations de travail doit refléter cette distinction.

Les membres de la GRC ne devraient pas compléter les besoins de la sécurité publique en

général à leur propre péril là où des mesures raisonnables et nécessaires peuvent être prises

pour optimiser leur santé, leur sécurité et leurs conditions de travail personnelles. Les

associations policières du monde entier ont prouvé leur efficacité dans la représentation des

membres dans ces domaines. Là où un besoin a suffisamment été démontré, les associations

policières cherchent à modifier les dispositions de leurs conventions collectives afin d’assurer

une couverture plus large des pratiques sécuritaires pour tous les membres.

En bref, la FPN pose la question suivante : « Le Parlement peut-il nous aider à comprendre

pourquoi la force policière nationale du Canada devrait être traitée différemment que tout autre

policier au Canada en matière de conditions d’emploi, y compris avoir confiance que la sécurité

sera une composante primordiale de leur relation de travail »?22

2. Il faut inclure la GRC même à titre d’un des employeurs avec lesquels les membres de

la GRC ont le droit de négocier les termes et les conditions d’emploi.

15

La Loi sur la GRC 16

La Loi sur la GRC 17

Fiche d’information sur la GRC 18

Fiche d’information sur la police internationale de la GRC 19

Fiche d’information sur la GRC 20

Fiche d’information sur la GRC et Archives 21

Tableau d’honneur de la GRC 22

Fédération de la police nationale, juillet 2016, Mémoire déposé auprès des députés concernant le Projet de loi C-7

Selon le Projet de loi C-7, le Conseil du Trésor est l’employeur. En conséquence, les

représentants des membres de la GRC devraient négocier avec lui. Cette fiction juridique quant

à savoir qui est l’employeur peut s’appliquer à certains autres fonctionnaires fédéraux.

Toutefois, par rapport aux membres de la GRC, le Conseil du Trésor ne dispose que d’une

autorité légale, pour traiter essentiellement de la rémunération et des catégories d’emploi.

La GRC est, au minimum, un employeur commun. (Consulter le Rapport Aust 2012, p. 22, 23,

34 à 42).

Dans l’affaire APMO 2015, la Cour suprême a clarifié ce qu’est un processus « significatif », à

savoir rencontrer les gestionnaires avec lesquels leurs intérêts interagissent et avec lesquels

les représentants des salariés peuvent influer les règles en milieu de travail. Ceci est la GRC -

le juge en chef et LeBel J. :

[68] Tout comme l’interdiction pour des employés de s’associer, le modèle de relations

de travail qui entrave substantiellement la possibilité d’engager de véritables négociations collectives sur des questions relatives au travail porte atteinte à la liberté d’association. Les employés privés du droit de poursuivre collectivement des objectifs relatifs aux conditions de travail pourraient se retrouver essentiellement impuissants dans leurs échanges avec leur employeur ou pour influencer leurs conditions d’emploi. L’idée n’est pas nouvelle. Comme la Cour suprême des États-Unis l’a souligné dans l’arrêt National Labor Relations Board c. Jones & Laughlin Steel Corp., 301 U.S. 1 (1937), à la page 33 :

Il y a longtemps nous avons exposé la raison d’être des organisations ouvrières.

Nous avons dit qu’elles se sont formées pour répondre à l’urgence de la situation; qu’un simple employé était démuni quand il traitait avec un employeur et qu’il était habituellement tributaire de son salaire quotidien pour ce qui est de son entretien et de celui de sa famille; que si l’employeur refusait de lui payer le salaire qu’il estimait juste, il était néanmoins incapable de quitter son emploi et de résister à un traitement arbitraire et injuste . . . [Nous soulignons]

[80] Pour récapituler, l’al. 2d) protège contre une entrave substantielle au droit à un

processus véritable de négociation collective. Historiquement, les travailleurs se sont

associés pour « faire face, à armes plus égales, à la puissance et à la force de ceux avec

qui leurs intérêts interagissaient et, peut-être même, entraient en conflit », c’est-à-dire leur

employeur (Renvoi relatif à l’Alberta, p. 366).

La garantie prévue à l’al. 2d) de la Charte ne peut faire abstraction du déséquilibre des

forces en présence dans le contexte des relations du travail. Le permettre reviendrait à ne

pas tenir compte « des origines historiques des concepts enchâssés » à l’al. 2d) (Big M

Drug Mart, p. 344). Portera donc atteinte au droit à un processus véritable de négociation

collective tout régime législatif qui prive les employés de protections adéquates dans leurs

interactions avec l’employeur de manière à créer une entrave substantielle à leur capacité

de véritablement mener des négociations collectives.

[82] La négociation collective représente un aspect fondamental de la société canadienne

qui « favorise la dignité humaine, la liberté et l’autonomie des travailleurs en leur donnant

l’occasion d’exercer une influence sur l’adoption des règles régissant leur milieu de travail

et, de ce fait, d’exercer un certain contrôle sur un aspect d’importance majeure de leur vie,

à savoir leur travail » (Health Services, par. 82). En termes simples, son objectif consiste

à protéger l’autonomie collective des employés contre le pouvoir supérieur de

l’administration et à maintenir un équilibre entre les parties. Cet équilibre s’établit grâce à

la liberté de choix et à l’indépendance accordées aux employés dans le cadre de ce

processus de relations de travail.23

Comment les négociations peuvent-elles être « significatives » tel que requis par la Cour

suprême si les représentants des membres de la GRC ne peuvent pas négocier avec la

direction de la GRC – « la force de ceux avec qui leurs intérêts interagissaient et, peut-être

même, entraient en conflit ». L’objectif implicite de la négociation collective est d’être en mesure

de discuter franchement avec l’autorité, soit la direction de la GRC détenant l’autorité légale sur

la plupart des conditions de travail.

La direction de la GRC « contrôle » effectivement les individus en milieu de travail par le biais

de son autorité légale sur l’embauche, les promotions, la discipline, l’établissement des règles

de travail, les mutations, les heures de travail etc., etc. Par conséquent, comment est-ce

significatif si les représentants en vertu du Projet de loi peuvent négocier une convention

collective avec le Conseil du Trésor sans avoir autorité légale sur le contrôle sur ses membres

au quotidien? Si l’employeur n’est pas la GRC en vertu du Projet de loi C-7, alors en quoi est-il

logique d’exclure les gestionnaires de la GRC d’une unité de négociation éventuelle?

Dans l’affaire APMO 2015, le juge en chef et LeBel J. :

[74] La mention dans Fraser de l’impossibilité effective de réaliser des objectifs relatifs au

travail doit être interprétée eu égard aux régimes législatifs en cause.

À titre d’exemple, lorsqu’ils se sont penchés sur l’arrêt Dunmore, les juges majoritaires

dans Fraser ont expliqué que le juge Bastarache avait « décid[é] [. . .] que l’omission du

législateur de protéger les travailleurs agricoles désireux de s’associer pour réaliser des

objectifs liés au travail rend[ait] à toutes fins utiles impossible l’association à cette fin et

23

Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (procureur général) 2015 CSC 1 http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2015/2015csc1/2015csc1.html

entrav[ait] de ce fait substantiellement l’exercice du droit garanti à l’al. 2d) de la Charte »

(par. 31 (nous soulignons)). De même, les juges majoritaires dans Fraser ont souligné

que la loi contestée dans Health Services — une loi qui annulait unilatéralement certaines

conditions relatives à l’ancienneté et à la mise en disponibilité dans des conventions

collectives existantes et qui interdisait toute négociation ultérieure sur ces questions —

« rend[ait] impossible la poursuite véritable [d’]objectifs [relatifs au travail] et [. . .]

supprim[ait] dans les faits le droit de ses employés de s’associer » (par. 38).

……..

[89] Tout comme le choix, l’indépendance à l’égard de l’employeur garantit que les

activités de l’association reflètent les intérêts des employés, ce qui respecte la nature et

l’objet du processus de négociation collective et en assure le bon fonctionnement. À

l’inverse, un manque d’indépendance signifie que les employés ne sont peut-être pas en

mesure de faire valoir leurs propres intérêts, mais qu’ils doivent choisir parmi ceux que

l’employeur les autorise à défendre. Au nombre des facteurs à considérer dans l’examen

de l’indépendance, mentionnons la liberté de modifier l’acte constitutif et les règles de

l’association, la liberté de choisir les représentants de celle-ci ainsi que le contrôle sur

l’administration financière et sur les activités que l’association décide de mener.

……..

[93] La Cour a constamment affirmé que la liberté d’association n’imposait pas un modèle

particulier de relations de travail (Delisle, par. 33; Health Services, par. 91; Fraser, par.

42). Aucun modèle particulier n’est requis; seulement un régime qui n’entrave pas

substantiellement la tenue d’une véritable négociation collective et qui respecte donc les

exigences de l’al. 2d) (Health Services, par. 94; Fraser, par. 40). En revanche, les

conditions nécessaires pour permettre une véritable négociation collective varient en

fonction de la culture du secteur d’activité et du milieu de travail en question. Comme pour

tous les examens fondés sur l’al. 2d), l’analyse requise est contextuelle.

……..

[107] Nous avons décrit précédemment l’historique des relations de travail à la GRC.

Celui-ci recèle une attitude d’hostilité envers la syndicalisation au sein de la Gendarmerie

tant de la part de la direction de la GRC que des gouvernements qui se sont succédé, et

ce, depuis longtemps.

Au début du 20esiècle, le gouvernement fédéral a demandé à un des organismes qui ont

précédé la GRC — la Police à cheval du Nord-Ouest (« P.C.N.-O. ») — d’intervenir dans

des conflits de travail, notamment pour briser la grève générale de Winnipeg de 1919. À

l’époque où les services de police municipaux au Canada commençaient à se syndiquer,

le gouvernement canadien a pris le décret C.P. 1918-2213, qui interdisait aux membres

de la Police fédérale et de la P.C.N.-O. « d’adhérer ou de s’associer de quelque façon à

une organisation syndicale [. . .] ou à un syndicat, à une société ou à une association qui

y est lié ou affilié » sous peine de congédiement immédiat.

[145] Le procureur général du Canada soutient que la création d’un régime de relations

de travail distinct, exempt de négociations collectives et de syndicalisme, a un lien

rationnel avec l’objectif d’assurer l’existence d’une force policière stable, fiable et neutre.

À notre avis, le procureur général n’a pas établi qu’il s’agit là d’une inférence raisonnable.

[146] D’une part, il est difficile de comprendre pourquoi l’exclusion d’un groupe d’un

processus de négociation collective protégé par la loi peut assurer sa neutralité, sa

stabilité ou même sa fiabilité. L’exclusion des membres de la GRC du régime de

négociation collective de la fonction publique fédérale, lors de son adoption en 1967, a eu

pour effet de favoriser plutôt que d’atténuer le mécontentement et l’agitation qui régnaient

au sein de cette organisation. D’ailleurs, cette agitation a finalement mené à la création du

PRRF, qui a été adopté [TRADUCTION] « après que les membres de la GRC eurent

commencé à porter à l’attention des médias leurs griefs en matière d’emploi et à se

plaindre publiquement de l’absence de mécanismes pour les régler » (Hardy et Ponak, p.

89).24

Pourquoi le Projet de loi C-7 exclurait-il les représentants (agents et employés de confiance de

la GRC) si elle n’est pas l’employeur?

On peut se demander comment la GRC, l’employeur de facto, s’est elle-même exclue à

titre d’employeur en vertu du PROJET DE LOI C-7?

OTTAWA, le lundi 13 juin 2016 LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE PREUVE

Le président : Merci, monsieur le commissaire. Nous sommes très heureux de vous accueillir et je peux vous garantir que tous les membres de ce comité travaillent ici dans le sens de l’intérêt public. Cela ne fait aucun doute.

Permettez-moi de dresser la table, parce que je crois que vous avez parlé de la principale question à propos de laquelle nous voulons obtenir des précisions, celle des exclusions.

Je vais vous inviter à nous expliquer davantage ce qu’a été votre rôle de commissaire et le rôle de votre bureau dans la rédaction de ce projet de loi. Deuxièmement, pourriez-vous nous expliquer une de vos remarques: « Mais voilà, il n’était pas obligatoire d’énumérer

24

Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (procureur général) 2015 CSC 1(CanLII) http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2015/2015csc1/2015csc1.html

des exclusions telles qu’elles le sont dans le projet de loi C-7. » Répondez-moi d’abord sur ce point, puis nous passerons aux questions.

Mr. Paulson : Merci, monsieur le président.

Le rôle de la GRC a consisté, tout au long de l’affaire concernant l’APMO, à fournir des avis au gouvernement sur tout ce qui touchait plus particulièrement à la GRC, quant aux effets de cette cause sur les relations de travail. À cet égard, les personnes dont vous avez recueilli les témoignages constituaient les principaux responsables dans ce domaine, soit l’officier de la responsabilité professionnelle et mon officier en chef des Ressources humaines. Ces deux personnes ont collaboré étroitement avec le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère de la Sécurité publique pour faire valoir ce qui était, selon eux, la démarche la plus équilibrée à retenir pour gérer ces questions-là.

Excusez-moi, pouvez-vous me rappeler la deuxième partie de votre question, monsieur le président?

Le président : Dans votre intervention, vous avez dit « Mais voilà, il n’était pas obligatoire d’énumérer des exclusions telles qu’elles le sont dans le projet de loi C-7. »

M. Paulson : Je vais vous donner une explication dans le contexte de mon intervention liminaire.

Permettez-moi, tout d’abord, d’ajouter une chose. Dans vos premières remarques, monsieur le président, vous avez dit que les membres voulaient être entendus sur certaines de ces questions. Même si certains aspects sont exclus de la loi, cela ne revient pas à dire que les membres ou leurs agents négociateurs ne peuvent pas se faire entendre sur ces aspects-là. Voilà pour une chose.

Deuxièmement, ces exclusions dérivent en fait de dispositions contenues dans d’autres textes de loi de notre corpus fédéral. Je crois d’ailleurs avoir cité l’exemple du Code canadien du travail qui contient des dispositions claires sur la sécurité en milieu de travail et sur ce qu’il convient de faire à cet égard.

Nous n’aurions rien pu inscrire dans ce projet de loi qui aille à l’encontre de ces autres dispositions légales. À certains égards, des questions comme la conduite et le harcèlement, par exemple, sont déjà traitées dans le projet de loi C-42. La LRTFP contient une disposition indiquant que cette loi ne peut rien modifier de ce qui existe par ailleurs, dans d’autres textes.

Cependant, compte tenu du climat actuel, je me suis dit qu’il était important de préciser ce genre de chose d’entrée de jeux. À l’évidence, cela a fonctionné, parce que nous avons entamé une discussion dynamique sur le bien-fondé de ces exclusions.

Autre chose, monsieur le président. La portée des exclusions n’est en rien limitée par la façon dont elles sont présentées. Prenons, au hasard, la question des mutations, nous avons bien établi, je crois, le fait que les conditions particulières de déploiement, d’arrangements divers ainsi que le contexte opérationnel de la GRC exigent que la direction ait la possibilité de muter le personnel, mais rien n’empêche un agent négociateur, au moment des négociations, de mettre sur la table la question des méthodes ou des paiements ou encore des systèmes auxiliaires rattachés aux mutations. Au cœur de l’exclusion, on retrouve la notion voulant que le corps policier fédéral puisse effectuer des mutations en vertu d’un pouvoir centralisé, celui de répondre aux besoins de la dotation.

Pour répondre plus précisément à votre question, je dirais que la LRTFP et d’autres lois renferment des dispositions permettant à notre corps policier de négocier sans qu’il y ait conflit avec d’autres lois.

Le président : Si l’on retirait cet article, dois-je comprendre que toutes les autres lois s’appliqueraient, comme dans le cas de toutes les conventions collectives?

M. Paulson : Excusez-moi?

Le président : Je parle de la disposition qui traite des exclusions.

M. Paulson : Oui, ce serait le cas.25

3. Les exclusions de certaines conditions de travail du processus de négociation

prévues au Projet de loi C-7 interfèrent avec le droit des membres de négocier tous leurs

objectifs de travail.

À la suite de la troisième lecture à la Chambre des communes, le Projet de loi C-7 prévoie de

nombreuses conditions de travail spécifiques et importantes relevant de la compétence du

commissaire de la GRC qui ne pourraient pas être négociées ou inclues dans une convention

collective. Cela contredit l’interprétation de la Cour suprême de l’alinéa 2(d) de la Charte, dans

l’affaire Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c.

Colombie-Britannique, [2007], paragraphes 113 et 114 :

82 Le droit de négocier collectivement avec l’employeur favorise la dignité humaine, la

liberté et l’autonomie des travailleurs en leur donnant l’occasion d’exercer une influence

sur l’adoption des règles régissant leur milieu de travail et, de ce fait, d’exercer un

certain contrôle sur un aspect d’importance majeure de leur vie, à savoir leur travail (voir

25

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, preuve http://www.parl.gc.ca/content/sen/committee/421/SECD/52700-f.HTM

le Renvoi relatif à l’Alberta, p. 368, et Wallace c. United Grain Growers Ltd., [1997] 3

R.C.S. 701, par. 93). Le professeur P. C. Weiler a commenté cet aspect du droit à la

négociation collective dans son ouvrage Reconcilable Differences (1980) :

La négociation collective ne constitue pas simplement un moyen de poursuivre des fins

extrinsèques, qu’il s’agisse des avantages pécuniaires habituels ou de règles de droit

privées établies pour protéger la dignité du travailleur face au pouvoir de gestion. Elle

est plutôt intrinsèquement valable comme expérience en matière d’autonomie. Elle

constitue le mode par lequel les employés jouent un rôle dans l’établissement des

conditions de travail au lieu de simplement accepter celles que l’employeur décide

d’offrir [...] [p. 33]

……..

96 Bien que la détermination à l’avance des sujets qui influeront sur la capacité des

syndiqués de poursuivre collectivement des objectifs communs reste impossible, il peut

s’avérer utile de donner des orientations sur cette question. Les lois ou les actes de

l’État qui empêchent ou interdisent la tenue de véritables discussions et consultations

entre employés et employeur au sujet des conditions de travail risquent d’interférer de

manière substantielle dans l’activité de négociation collective, tout comme les lois qui

invalident unilatéralement des stipulations d’importance significative que prévoient des

conventions collectives en vigueur. Par contre, les mesures relatives à des sujets moins

importants comme la conception des uniformes, l’aménagement et l’organisation des

cafétérias ou bien l’emplacement ou la quantité des espaces de stationnement offerts

demeurent beaucoup moins susceptibles de constituer une atteinte substantielle au droit

à la liberté d’association garanti par l’al. 2d) . En effet, on concevrait difficilement qu’une

ingérence dans la négociation collective de telles questions pourrait empêcher les

syndiqués de poursuivre collectivement des objectifs communs. Ainsi, il devient moins

probable, selon le critère énoncé dans Dunmore, qu’une interférence dans la

négociation collective de ces questions constitue une atteinte à l’al. 2d).

……..

(i) Est-ce que la Loi interfère avec la négociation collective?

113 Les articles 4 à 10 de la Loi sont susceptibles d’entraver l’exercice du droit à un

processus de négociation collective de deux manières.

D’abord, ils invalident les conventions collectives existantes et, par conséquent, ébranlent

la validité des processus de négociation antérieurs qui ont servi de fondement à la

conclusion de ces conventions. Ensuite, ils interdisent dans des prochaines conventions

collectives la conclusion de clauses qui portent sur des questions précisées dans la Loi,

ce qui compromet les prochaines négociations collectives sur ces questions. Les

restrictions futures au contenu des conventions collectives constituent une ingérence

dans la négociation collective parce qu’il ne saurait se créer de véritable dialogue sur des

conditions d’emploi qui ne peuvent être intégrées dans une convention collective.

114 En passant, nous rappelons brièvement que le droit à un processus de négociation

collective protège non seulement la présentation de revendications collectives, mais aussi

le droit des employés de se faire entendre par le canal de consultations et discussions

véritables. Ce constat permet d’écarter les arguments de l’intimée selon lesquels la Loi

n’entrave pas la négociation collective parce qu’elle n’interdit pas expressément aux

employés du secteur de la santé de présenter des revendications collectives. Bien qu’en

principe le texte de la Loi n’interdise pas les revendications collectives auprès de

l’employeur, le droit de négociation collective ne saurait se limiter à la simple possibilité de

présenter des revendications. La Loi prévoit, par implication nécessaire, que certains

sujets ne peuvent faire partie du contenu d’une convention collective valide; le processus

de négociation collective perd donc tout son sens à leur égard. Il s’agit là d’une atteinte au

droit à un processus de négociation collective. 26

Consulter le Rapport Aust 2012, p. 17

Dans la décision dans l’affaire APMO 2015, le juge en chef et LeBel J. ont repris l’explication de

la Cour en ce qui fait lieu d’ingérence substantielle :

[72] L’équilibre nécessaire à la poursuite véritable d’objectifs relatifs au travail peut être

rompu de maintes façons. Des lois et des règlements peuvent restreindre les sujets

susceptibles de faire l’objet de négociation ou imposer des résultats arbitraires. Ils

peuvent interdire l’action collective des employés sans offrir de mesures de protection

adéquate en compensation et réduire ainsi leur pouvoir de négociation. Ils peuvent rendre

impossible la réalisation des objectifs des employés relatifs aux conditions de travail. Ou

encore, des lois et des règlements pourraient établir un processus que les employés

seraient incapables de contrôler ou d’influencer.

Quelle que soit la nature de la restriction, il faut essentiellement déterminer si les mesures

en question perturbent l’équilibre des rapports de force entre les employés et l’employeur

que l’al. 2d) vise à établir, de telle sorte qu’elles interfèrent de façon substantielle avec un

processus véritable de négociation collective (Health Services, par. 90).

………. 26

Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, [2007] 2 RCS 391, 2007 CSC 27 (CanLII)

[74] La mention dans Fraser de l’impossibilité effective de réaliser des objectifs relatifs au

travail doit être interprétée eu égard aux régimes législatifs en cause. À titre d’exemple,

lorsqu’ils se sont penchés sur l’arrêt Dunmore, les juges majoritaires dans Fraser ont

expliqué que le juge Bastarache avait « décid[é] [. . .] que l’omission du législateur de

protéger les travailleurs agricoles désireux de s’associer pour réaliser des objectifs liés au

travail rend[ait] à toutes fins utiles impossible l’association à cette fin et entrav[ait] de ce

fait substantiellement l’exercice du droit garanti à l’al. 2d) de la Charte » (par. 31 (nous

soulignons). De même, les juges majoritaires dans Fraser ont souligné que la loi

contestée dans Health Services — une loi qui annulait unilatéralement certaines

conditions relatives à l’ancienneté et à la mise en disponibilité dans des conventions

collectives existantes et qui interdisait toute négociation ultérieure sur ces questions —

« rend[ait] impossible la poursuite véritable [d’]objectifs [relatifs au travail] et [. . .]

supprim[ait] dans les faits le droit de ses employés de s’associer » (par. 38).

…….

[81] Nous avons conclu que l’al. 2d) protège le droit des employés de s’associer en vue

de réaliser véritablement des objectifs collectifs relatifs au travail. Le gouvernement ne

saurait donc adopter des lois ou imposer un processus de relations de travail qui entrave

substantiellement ce droit. Il faut alors rechercher les caractéristiques essentielles d’un

processus véritable de négociation collective au sens où il faut l’entendre pour

l’application de l’al. 2d). Dans la présente partie, nous reconnaîtrons qu’un processus

véritable de négociation collective est tel qu’il offre aux employés une liberté de choix et

une indépendance suffisantes pour leur permettre de décider de leurs intérêts collectifs et

de véritablement les réaliser.

…..

[87] L’obligation de rendre compte aux membres de l’association joue un rôle important

pour apprécier la suffisance de la liberté de choix des employés dans un régime de

relations de travail donné. Ces derniers choisissent leurs représentants en tenant pour

acquis que leur point de vue sera transmis à l’employeur par les gens qu’ils ont choisis (A.

Bogg et K. Ewing, « A (Muted) Voice at Work? Collective Bargaining in the Supreme Court

of Canada » (2012), 33 Comp. Lab. L. & Pol’y J. 379, p. 405). Tout régime qui oblige les

représentants à rendre compte aux employés qui les ont choisis garantit que l’association

travaille à l’atteinte des objectifs pour lesquels les employés se sont associés.

L’obligation de rendre compte assure aux employés un meilleur contrôle sur le choix des

questions soumises à l’attention de l’employeur et sur les ententes conclues en leur nom

à l’issue du processus de négociation collective.

Le Projet de loi C-7 prévoie des exclusions de négociation aux articles 238.19 et 238.22. Il s’agit de conditions de travail en vertu du pouvoir statutaire du commissaire.

Première session, quarante-deuxième législature, 64-65 Elizabeth II, 2015-2016, CHAMBRE DES COMMUNES DU CANADA LE PROJET DE LOI C-7 Une Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comprenant d’autres mesures http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Mode=1&DocId=8305305&Language=F

Comment se fait-il que les exclusions de nombreuses conditions de travail de la négociation

contenues au PROJET DE LOI C-7 se trouvent être celles sur lesquelles la GRC a le pouvoir

légal de déterminer?

OTTAWA, le lundi 6 juin 2016 PREUVE- TRANSCRIPTION http://www.parl.gc.ca/Content/SEN/Committee/421/secd/52665-f.htm?Language=E&Parl=42&Ses=1&comm_id=76 LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT SUR LA SÉCURITÉ NATIONALE ET LA DÉFENSE PREUVE

Le sénateur Carignan : Ma prochaine question s'adresse au ministre Goodale.

J'ai étudié un peu les différentes conventions collectives relatives aux policiers; je connais assez bien le domaine des relations de travail. Je n'ai jamais vu une convention collective exclure les éléments suivants: le licenciement, la rétrogradation, le congédiement, la conduite et l'uniforme.

J'ai ici une liste de différents corps de police: Calgary, Edmonton, Fredericton, Gatineau, Montréal, la Police provinciale de l’Ontario, la Sûreté du Québec, Longueuil, Québec. Tous ont, dans le cadre de leur convention collective, les éléments que vous voulez exclure.

Quel est l'élément rationnel et spécifique qui s'applique à la GRC et qui permet d'exclure le fait qu'une personne congédiée n'ait pas accès à l'arbitrage? C'est du jamais vu pour moi. Je ne vois pas la logique dans le fait qu'une personne congédiée ne puisse pas avoir accès à un processus d'arbitrage indépendant et impartial. C’est le contraire de la pratique qui existe dans tous les corps policiers au Canada.

La Police provinciale de l’Ontario et la Sûreté du Québec couvrent des territoires immenses. Les mutations et les transferts sont courants dans ces deux services de police. Le Nord du Québec et le Nord de l'Ontario sont des territoires difficiles à couvrir. La Sûreté du Québec et la Police provinciale de l’Ontario ont aussi ces paramètres. Qu'est-ce qui fait que la GRC veut exclure ces éléments?

M. Goodale : Monsieur le sénateur, le commissaire est convaincu que l’autorité que lui confère la Loi sur la GRC est indispensable à cet égard. Peut-être que Dan ou Craig pourrait expliquer comment ça s’inscrit logiquement dans les autres pouvoirs exercés par le commissaire.27

4. L’obligation de négocier de bonne foi comprend des caractéristiques importantes qui

ne sont pas prévues au Projet de loi C-7.

La bonne foi exigerait que le seul employeur nommé, le Conseil du Trésor et l’Association future

modifient leurs comportements respectifs en ce qui a trait à la négociation collective, y compris

se rencontrer et s’engager dans un dialogue significatif (la GRC, en vertu du PROJET DE LOI

C-7, n’est pas un employeur). Consulter le Rapport Aust 2012, p. 28 et 29.

Ontario (procureur général) c. Fraser - décision majoritaire rédigée par la juge en chef Beverly

McLachlin et le juge Louis LeBel :

[41] Puis, en explicitant la notion de négociation de bonne foi, les juges majoritaires ajoutent :

• l’alinéa 2d) exige que les parties se rencontrent et qu’elles engagent un véritable dialogue; elles doivent éviter les retards inutiles et faire un effort raisonnable pour arriver à un contrat acceptable (par. 98, 100 et 101);

• il n’impose pas de processus particulier; différentes situations peuvent commander différents processus et échéanciers (par. 107);

• il n’oblige pas les parties à conclure une convention ou à accepter des clauses particulières ni ne garantit un mécanisme légal de règlement des différends permettant de dénouer les impasses (par. 102 et 103);

• il ne protège que le « droit [...] à un processus général de négociation collective, et non le droit de revendiquer un modèle particulier de relations du travail ou un mode particulier de négociation » (par. 91)28

5. La prestation de services d’arbitrage impartial des griefs en vertu d’une convention

collective inclusive.

27

Le Comité sénatorial permanent sur la sécurité nationale et la défense Preuve http://www.parl.gc.ca/Content/SEN/Committee/421/secd/52665-f.htm?Language=E&Parl=42&Ses=1&comm_id=76 28

Ontario (procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20, [2011] 2 SCR 3, http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2011/2011csc20/2011csc20.html

Aux fins d’arbitrage impartial des griefs en vertu de la convention collective, les parties doivent

convenir mutuellement d’un arbitre.

Au lieu d’inclure des droits légaux dans la convention collective ou de fournir à l’arbitre la

compétence sur les droits légaux pour un recours amical, le Projet de loi C-7 dresse des

obstacles lorsqu’il s’agit de trouver la législation et la procédure unique qui conviennent à

chaque recours légal.

Les membres disposeraient donc d’un recours différent en ce qui concerne les questions de

santé et de sécurité et autres lois, et sans prestation de services d’arbitrage, en vertu de la

convention collective. Cela peut être difficile pour les membres dispersés partout au pays,

parfois seuls dans quelques 700 endroits. N’est-il pas préférable d’être doté d’un régime de

relations de travail plutôt que d’un cadre en vertu duquel les membres doivent constamment se

familiariser avec la procédure?

Comparaisons entre la négociation collective dans la fonction publique d’autres

organismes de polices.

Les versions initiales du Projet de loi C-7 imposent des restrictions relatives à la négociation

plus strictes aux membres de la GRC que celles imposées aux autres fonctionnaires et aux

autres services de police partout au Canada. Le Sénat a constaté que ces exclusions ne

respectaient pas l’esprit et l’intention de la décision dans l’affaire APMO, ni d’autres décisions

de la Cour suprême et a modifié le Projet de loi C-7 pour qu’il se conforme davantage à la

Charte. Voici quelques exemples de conventions collectives qui comprennent des dispositions

fixant les modalités et les conditions sur des questions qu’il est interdit aux membres de la GRC

de négocier en vertu du Projet de loi C-7 (toutes ces conventions collectives sont consignées

aux dossiers du Sénat et elles sont disponibles sur demande) :

Le Conseil du Trésor et l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC)

La discipline est abordée à l’article 17.

La discrimination et le harcèlement sont abordés à l’article 19.

Le harcèlement sexuel est abordé à l’article 20.

La santé et la sécurité sont abordées à l’article 22.

L’examen du rendement des employés (les évaluations) est abordé à l’article 56.

D’autres aspects du « réaménagement des effectifs » (c’est-à-dire, les paiements dus en

raison de renvoi pour des motifs non-disciplinaires) sont abordés à l’annexe « D ».

Le Conseil du trésor et le Syndicat des agents correctionnels du Canada

La discipline est abordée à l’article 17.

La discrimination est abordée à l’article 37.

Le harcèlement sexuel est abordé à l’article 38.

Le Conseil du Trésor et les Services frontaliers – AFPC

La discipline est abordée à l’article 17.

La discrimination est abordée à l’article 19.

Le harcèlement sexuel est abordé à l’article 20.

Le Service de police de Toronto et la Commission de police de la communauté urbaine de

Toronto

La pension - article 8 (en particulier 8.02 énonce les « ajouts » à OMERS, le régime de

retraite statutaire des agents de police en Ontario).

Les congédiements, etc. - article 3.01(b) [on ne peut pas faire de discrimination], article

18 [règles de licenciements].

La probation - article 4.02, PE.

L’Association de police d’Edmonton et la Commission de police d’Edmonton

La pension - article 7.08.

Les congédiements, etc. - 8.03.

La probation - 8.02.

Le processus de promotion - article 9.

L’Association de police de Delta et la Commission de police de Delta

La pension - article 16.3.

Les congédiements, etc. - 21 (licenciements).

La probation – 24.

L’Association de police de Régina et la Commission de police de Régina

La pension - article 15.

Le harcèlement – lettre d’intention, alinéa 6.

Les congédiements, etc. - Annexe « A », article 1.

La probation - 8.02.

Le processus de promotion - Annexe « A », article 3.

Synthèse

Les membres de la GRC se distinguent de la fonction publique, ce que devrait refléter le régime

de relations de travail légal.

La Cour suprême du Canada a déjà statué que les restrictions sur les sujets de négociation

collective contreviennent à l’alinéa 2(d) de la Charte et ne peuvent être justifiées en l’absence

de circonstances atténuantes.

Certaines limites sur la capacité de négociation des membres de la GRC sont appropriées et

largement acceptées dans l’univers de la police, comme préserver la capacité de la GRC de

discipliner les membres pour faute flagrante. Toutefois, le Projet de loi C-7 dépasse ces limites

dont il est amplement convenu, et ne respecte pas la Constitution du Canada, tel que

l’interprète la Cour suprême du Canada.

Sur la base de tout ce qui précède, la FPN recommande vivement de réviser et de modifier le

Projet de loi C-7 et de le modifier en conformité avec la loi suprême du Canada.

Respectueusement soumis,

Brian Sauvé Eddie MacDonald Peter Merrifield

Co-présidents de la Fédération de la police nationale29

Annexe

Chronologie des événements concernant la législation prévoyant l’exercice des droits de

négociation collective des membres de la GRC

La Chambre des communes a suspendu ses travaux jusqu’au lundi 15 septembre 2016. Le Sénat reprendra ses travaux, un jour plus tard.

Le 20 juin 2016, le Sénat modifie le Projet de loi C-7 et le renvoie à la Chambre des communes.

Le 30 mai 2016, la Chambre des communes adopte le Projet de loi C-7 en troisième lecture.

29

Fédération de la police nationale, juillet 2016, Mémoire déposé auprès des députés concernant le Projet de loi C-7

Le 17 mai 2016, le PRFF cesse d’exister.

Le 16 mai 2016, un prolongement de quatre mois du délai accordé par la Cour suprême pour permettre au gouvernement d’adopter une loi vient à échéance, sans qu’aucune loi n’ait été adoptée http://www.cbc.ca/news/politics/rcmp-labour-relations-bill-c-7-extension-deadline-1.3584890.

Le 30 mars 2016, des déductions à la source autorisées par les membres pour le Fonds de recours juridique des membres de la gendarmerie (FRJMG) cessent par décret du commissaire.

Le 18 février 2016, le président du FRJMG écrit au commissaire pour discuter des options. La demande demeure sans réponse.

Le 12 février 2016, le commissaire annule le PRFF. Tous les RFF en service conservent un rôle diminué jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau programme le 17 mai 2016.

Le 12 février 2016, le Conseil de la solde de la GRC est officiellement dissous par décret du commissaire.

Le 5 février 2016 (reçu par le FRJMG le 18 février), le commissaire écrit au président du FRJMG pour l’aviser de l’annulation des retenues à la source.

Le 16 janvier 2016, les douze mois accordés par la CSC pour permettre au gouvernement d’adopter une loi sont échus. La Cour suprême accorde une prolongation de quatre mois, jusqu’au 16 mai 2016.

Le 18 décembre 2015, le gouvernement présente une demande à la CSC pour une nouvelle prolongation de six mois pour adopter une loi prévoyant un régime de relations de travail pour les membres de la GRC.

Le 16 janvier 2015, la CSC rend une décision dans l’affaire APMO et accorde au gouvernement un an pour adopter une loi prévoyant un régime de relations de travail pour les membres de la GRC.

La version anglaise originale a préséance