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MEI « Médiation et information », nº 11, 2000 __________ C. Welger-Barboza LECTURES

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MEI « Médiation et information », nº 11, 2000 __________ C. Welger-Barboza

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Françoise Séguy, Les produits interactifs et multimédias, PressesUniversitaires de Grenoble, 1999, par Philippe Bouquillon

Dans ce cinquième titre de la collection La Communication en Plus, F.Séguy traite des produits interactifs et multimédias qu’elle abordeselon trois questionnements, la nécessité d’une méthodologiespécifique au multimédia et non issue d’industries culturelles deréférence comme le cinéma, la conception que chaque auteur de CD-Rom ou site Web se plaît à réinventer, l’émergence d’écrituresinteractives dédiées à ces nouveaux supports. Son texte se découpedonc en trois parties, Méthodologie, Conception et Ecritures. Avant deles détailler, nous dirons de ce petit livre qu’il est agréable à lire,agrémenté de schémas ou de dessins aux passages les plus délicats,toujours illustré d’exemples. Court et efficace, il répond tout à fait àl’objectif que s’était fixé l’auteur “d’offrir au lecteur une meilleurecompréhension de la complexité que représente la conceptiond’interactifs multimédias”.Méthodologie. Le constat initial est le foisonnement qui se crée autourdes mots magiques que sont “Multimédia, on-line, interactivité, imageinteractive, télévision numérique, webphone…”, mots qui témoignentd’un milieu en ébullition dont les acteurs se démultiplient, où lesrachats, les créations, les fermetures d’entreprise sont fréquents, oùseuls de grands noms se stabilisent. Ainsi apparaissent de nombreux“nouveaux entrants”, acteurs, producteurs ou créateurs qui investissentla sphère du multimédia en fonction d’une stratégie opportunisted’occupation des lieux, souvent sans expérience de la conception et dela production de ce genre de produit (l’auteur remarque d’ailleurs quece phénomène est familier en rappelant le développement des sociétésde service d’ingénierie et d’informatique lié à l’explosion de latélématique dans les années 1985). Le jeu est difficile car laconcurrence se manifeste durement, la rentabilité reste faible (saufdans le secteur des jeux et à l’occasion de quelques produits phares),l’instabilité technologique persiste en démultipliant les possibilitésd’accès et les consommateurs privilégient les produits on-line.La première réaction des concepteurs fut de rechercher des référencesauprès des industries culturelles mieux installées et plus structurées.Retraçant en filigrane l’histoire du multimédia, l’auteur détaille lesemprunts faits au cinéma, au livre, au dessin animé. Puis elle met enavant la volonté de ces concepteurs/producteurs de décliner lesproduits : ils cherchent à développer des collections, des sériesfondées sur un principe d’éléments répliquables afin de rentabiliser lescoûts de conception. Le besoin et la quête évidents d’une

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rationalisation de la production et de la conception se marquent doncde plus en plus parmi les acteurs du multimédia interactif quisouhaitent à la fois trouver une logique de production et une méthodede conception permettant de rentabiliser les coûts très élevés deproduction.Conception. L’auteur s’attache donc ensuite à essayer de définir uneméthode de conception qu’elle présente comme une méthode cadre,c’est-à-dire les éléments communs minimaux à l’ensemble dessituations de conception d’interactifs multimédias. Sans la dévoiler ici,notons tout d’abord qu’elle l’a construite au fil de son expérienced’encadrement de projets de conception développée à l’Institut de laCommunication et des médias de l’université de Grenoble 3 où elleenseigne, ensuite qu’elle l’articule en trois grandes étapes : l’analyse,la conception et la réalisation qui s’appuient principalement surl’élaboration de documents techniques (synopsis, architecture, story-board, tracé régulateur) et sur le développement d’une maquette, enfinqu’elle l’établit en référence complète aux sciences de lacommunication dont elle est issue, ce qui l’entraîne à définir un “bon”produit interactif et multimédia comme vérifiant l’adéquation entre lepublic visé, le sujet abordé et les outils techniques employés. Laméthode de conception décrite dans la deuxième partie de ce livreapparaît donc comme “fédératrice car, issue des Sciences de laCommunication, elle prend en compte l’importance du contextegénéral, la vérification des deux aspects information etcommunication (intelligence d’accès du dispositif et adéquation auxconditions d’utilisation ainsi qu’à l’utilisateur), les différentes facettesde l’utilisateur qui n’a pas seulement des capacités d’apprentissage(sciences cognitives), qui ne se limite pas à des moyens ou desaptitudes (ergonomie, design), qui ne réagit pas qu’à des affects(psychosociologie) et qui n’est pas qu’un simple acteur économique(marketing)” (p. 108).Ecritures. Nous entrons dans le domaine de prédilection de l’auteurqui conduit des projets de recherche sur ce thème et dirige d’ailleursl’équipe EMIPU (Ecritures Multimédias et Interactives : Production etUsages) au sein du Gresec (Groupe de Recherche sur les Enjeux de laCommunication). Elle analyse, depuis environ dix ans, les produits offet on line afin d’en déceler les caractéristiques temporaires ourécurrentes qui posent les fondations de ces écritures interactives etmultimédias. Le plus important nous semble être ici la distinctionclaire et détaillée qu’elle fait entre les écritures interactives etmultimédias. Nous résumons bien entendu. Elle entend par écrituresinteractives celles qui concernent l’intelligence d’accès mise en place

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pour accéder à l’information, c’est-à-dire la structure, l’ossature, ledécoupage de l’information et la répartition qui est faite ; elledéveloppe les trois modèles de base que sont l’arborescence, lemulticritère et l’hypertexte. Elle laisse aux écritures multimédias laresponsabilité de la mise en forme des contenus, de leursjuxtapositions ainsi que la combinaison des différents vecteurs detransmission de l’information à l’écran, remarquant d’ailleurs que lesconcepteurs abandonnent progressivement l’idée de cumuler toutes lespossibilités (son, texte, image, animations, multifenêtrage…).Françoise Séguy nous suggère en conclusion que l’innovation, enterme d’écritures, pourrait bien naître des créations les plusaudacieuses. Il s’agit, pour elle, d’œuvres d’art indépendantes descontingences économiques et opérationnelles, comme l’a montré lamanifestation d’Art 3000 “Les troisièmes Etats Généraux de l’écritureinteractive”, organisée en septembre 1999 à Paris.Ajoutons enfin, qu’elle vient de publier un article interactif surl’interactivité, dans la toute jeune revue numérique du Gresec, LesEnjeux (éditions PUG), qui constitue un excellent complément à cepremier livre, que je vous recommande.

Isabelle Rieusset-Lemarié, La société des clones à l’ère de lareproduction multimédia, Actes Sud, 1999,par Jean-Louis Weissberg

Quel parallèle tracer entre le clonage biologique et le clonage virtuel ?Voilà la passionnante interrogation qui guide l’enquête consignée parI. Rieusset-Lemarié dans un très conséquent volume. De la trajectoirede l’automatisme aux théories de la vie artificielle, des marionnettestraditionnelles aux avatars virtuels et aux biotechnologies, des figurescroisées de la mémoire et de l’oubli aux traitements que déploient lestechnologies hypermédias de reproduction, on le voit, les champsinvestis sont d’une grande richesse, souvent adossés à l’analyse demythologies fondatrices et toujours situés dans un horizon artistique.Les préoccupations qui guident l’investigation sont tout aussifondamentales : discussion des apories des visées de la vie artificielle,évaluation du mouvement de standardisation culturelle, mirages etdangers du clonage biologique tel qu’il s’expérimente déjà sur lerègne animal dans les pratiques d’élevage. L’ombre de W. Benjamin,véritable fil directeur de ce parcours, oriente le cheminement,métaphore active de la promenade comme modalité de découverte et

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de mémorisation, mais aussi présence permanente d’un horizonpolitique constitutif.On ne tentera pas une impossible synthèse de ce foisonnant ouvragemais on pointera quelques questions vives qui le traversent. D’abordle destin de la reproduction est au cœur du souci de l’auteur (au deuxsens du terme, intérêt et inquiétude). Dès l’introduction elle situe saquestion au plus haut niveau, celui du “devenir problématique de lareproduction de l’espèce humaine, dès lors que (la société) a soumiscette reproductibilité technique, elle-même, au modèle triomphant dela standardisation industrielle” (p. 18).Un balancement anime l’analyse. La reproduction est, en effet,souvent considérée comme un costume de la standardisation culturelledans le sillage des courants qui, à partir de l’école de Francfort,s’inquiètent du développement des industries culturelles.Parallèlement, I. Rieusset-Lemariéa parfaitement conscience que lemouvement de reproduction porte en germe, voire appelle, l’ouvertureà l’inédit. Question esthétique mais, on le sait, aussi politique où lapertinence de la référence à Walter Benjamin n’est jamais démentie.On notera, en particulier, l’insistance avec laquelle l’essayiste nousrappelle que, pour l’auteur de L’œuvre d’art à l’époque de sareproduction mécanisée, la reproduction est un antidote à lareconduction stérile de la tradition et, de ce fait, détient une puissancerévolutionnaire potentielle. Très vite, la discussion s’émancipe d’unesupposée menace d’uniformisation par duplication à l’identique. C’estle destin, non pas d’une imitation servile, mais d’une productionvolontaire, d’un design de l’humain qui est en ligne de mire, avec sacharge d’atteinte à l’unicité des vivants. Et là, I. Rieusset-Lemariéfaitrésonner avec subtilité la lignée des créatures virtuelles – qu’onnomme peut-être trop vite “clones virtuels”, puisque précisément ilsne dupliquent pas leurs référents – avec les travaux de géniegénétique. D’un côté, espérer conférer à des automates informatiquesla qualité de “vie artificielle”, et de l’autre concevoir, grâce auxbiotechnologies, l’être vivant comme un artefact, sont deuxmouvements que l’on peut réunir sous les auspices du passage à l’acte.Celui-ci, nourri par le fantasme ancestral d’une origine technique de lavie, caractériserait notre époque, passant d’une “dénégation mythiquede l’humain à sa dénégation réelle”. D’où l’unité des démarchesapparemment différenciées des clonages virtuel et biologique,manifestée par “les effets en retour de la conception par l’homme deses créatures artificielles sur sa propre conception” ; conceptionmarquée à la fois par le refus de reconnaître la finitude et par ladénégation mortifère de la dynamique temporelle. Qu’une question

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politique nodale soit ainsi désignée, la polémique ouverte outre-Rhinpar les écrits de Peter Sloterdijke appelant à une anthopo-technologienous le confirme si besoin était. Sur ce point, la perspective duclonage avec son cortège d’images fantasmatiques où des robotshumains auraient abdiqué toute dimension mémorielle, ferme-t-ellepeut-être un horizon que le philosophe allemand tente, à sa manière –discutable –, d’ouvrir.Le chapitre intitulé “Unicité et mémoire à l’épreuve de lareproduction” concentre un autre questionnement essentiel. Commentla multiplication des supports objectivés de la mémoire interfèrent-ilsavec la capacité mémorielle poïétique, c’est-à-dire celle qui porte àtisser le nouveau à partir de l’héritage, ou encore la mémoirevolontaire avec l’involontaire ? Dans sa réponse, I. Rieusset-Lemariéreconnaît – à l’encontre d’une doxa, superficielle et convenue,de la décadence – les potentialités des mnémo-technologiesnumériques : “Le domaine de prédilection des arts de la mémoire estdonc l’image en trois dimensions et c’est à ce titre que la réalitévirtuelle est en position privilégiée pour renouer avec le discontinuumde cette tradition qui a été interrompue” (p. 379). Ses propositions enmatière d’objectivation et de partage de la mémoire individuelle etcollective ont ceci d’original qu’elles ne se situent pas dans uneperspective fonctionnelle mais expressive. Mais la réalité virtuelle, àla différence des “palais de la mémoire”, demeure une objectivation etdans cette mesure peut-elle parvenir à dessiner un espace intérieur quiexcite le mouvement créatif et ne se contente pas de simplesrestitutions ? L’essayiste nous appelle à considérer que cetteobjectivation ouvre à de nouvelles interactions entre espace mental etespace de représentation, interactions appelées à redéfinir l’unecomme l’autre, et notamment dans cette dimension culturelle etpolitique essentielle, et de plus inédite, qu’est la possibilité ouverted’un partage avec autrui de paysages mémoriels singuliers (dont peut-être, ajouterons-nous, certains sites personnels sur Internet sont latimide esquisse).Fondamentalement, à quelle forme de production la “reproductionmultimédia” ressortit-elle ? La réponse qu’apporte l’auteur estnuancée. Une certaine prudence quant à ce qu’engage la techno-culture de la reproduction doit certainement être mise au crédit d’unepensée qui se refuse à totaliser trop rapidement les mouvements encours. On ne fera donc pas le reproche d’un excès de mesure. Enrevanche, on poursuivra ici la discussion. L’ère de la reproduction esteffectivement symbolisée, comme elle le souligne, par le principe dumassmedia. Mais n’a-t-on pas commencé à quitter cet horizon ? (ce

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qui ne veut pas dire que les médias de masse vont disparaître, maisqu’ils sont eux-mêmes soumis à d’autres exigences que lareproduction-diffusion des mêmes informations). Comments’opérerait alors la mise en commun, l’échange, source de touteconstitution de l’être-ensemble ? Doit-on admettre que l’èrepost–massmedia est celle de l’isolement, du solipsisme dansl’interactif ? N’assiste-t-on pas à l’émergence d’une nouvelle figure dela référence ? Non pas la proposition mass-médiatique où chacunreçoit exactement le même message, ni l’activité fantasmatiquesingulière, mais une forme intermédiaire, fluidifiant les oppositionsclassiques, dans la culture de l’imprimé, entre production et réception.Non pas simple variation dans l’interprétation de formes communes,mais accès à une méta expression dont l’usage croissant de logiciels àfinalité expressive (dans la musique techno, par exemple) dessine lecontour. A l’image de l’évocation, dans le livre, de “tribus” groupantles aficionados des jeux vidéos, le collectif demeurerait. Non pluscomme figure de la recherche du même, mais comme souci communde la différence. Cette production de différence devient alors centrale,notamment comme condition productive au sens marxien du terme. Etl’on rejoint ces palais de la mémoire virtualisés donnés en partage,appelés de ses vœux par l’auteur. On est alors loin de la reproductionde différences mineures (comme dans les choix d’options). Plutôt dansune continuité, qui va de différences mineures à des énonciationsinédites. Soyons optimiste, le vertige d’une reproduction sauvagebrisant l’unicité des biographies et délivrée de tout souci éthique n’estpeut-être qu’une catharsis : repoussoir terrorisant qu’on fait sien pourmieux s’en détourner. Et le livre d’I. Rieusset-Lemariéaidera tousceux qui sont attentifs aux formes contemporaines des rapports entreidentité et différence à formuler plus clairement les termes del’interrogation, grâce au décryptage historique et philosophiqueeffectué. Au-delà des questions qui naturellement appellent lapoursuite de la discussion, saluons donc cet original et passionnantparcours qui marquera la réflexion sur la reproduction, tel que ledéveloppement simultané de l’ingénierie biologique et de corporalitésnumériques en façonne le mouvement, avec tous les enjeux artistiqueset politiques qui en découlent.

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Denis Harvey : La multimédiatisation en éducation, Ed.L’Harmattan, Paris, 1999, par Philippe Marton

Denis Harvey est professeur à la Faculté de médecine vétérinaire del’Université de Montréal. Depuis plusieurs années, il s’intéresseactivement à l’intégration des Nouvelles Technologies dansl’enseignement universitaire. En 1993, dans le cadre d’une annéesabbatique, il effectue un séjour au laboratoire du groupe de rechercheGRAIM à l’Université Laval, afin de prendre contact avec les travauxréalisés et, surtout, pour étudier les bases théoriques de recherchepouvant supporter le développement de documents multimédiaspédagogiques. Passionné pour ce secteur de la technologie éducative,il entreprend alors des études doctorales qui l’ont mené à produire unerecherche originale et importante, que présente cette publication.Avant tout, mentionnons que c’est aussi la première fois qu’uneuniversité a accepté le dépôt d’une thèse de doctorat sur le strictsupport du CD-Rom, qui permet de naviguer et de prendreconnaissance du contenu dans tous les sens, puisque c’est une thèsemultimédiatisée avec peu de texte écrit de façon linéaire, mais avec lapossibilité d’établir toutes les relations désirées en regard de larecherche. Ceci permet une lecture tout à fait différente et nous met encontact avec une nouvelle approche de la connaissance d’unerecherche grâce aux possibilités offertes par la technologie dumultimédia. La présentation du CD-Rom est très bien faite avec uneinstallation automatique et une courte démonstration sur son contenuet sur les diverses façons de naviguer, le programme signalant au furet à mesure les endroits visités. Il y a réellement un souci pédagogiquedans cette thèse multimédiatisée.A qui s’adresse cette publication ? Tout d’abord à toute personne quiconçoit et réalise des documents multimédias. Elle devrait intéresseraussi, à mon avis, tout professeur enseignant intéressé à découvrir lepotentiel des Nouvelles Technologies, car il n’y a encore que peud’études portant sur les aspects pédagogiques du multimédia, ce quiest fort regrettable.De quoi traite cette publication ? Elle traite de la multimédiatisation,c’est-à-dire du processus de la mise en forme des messagesmultimédias. La recherche étudie un ensemble de 32 principes dedesign portant sur la médiatisation “optimale et harmonisée” desmessages imagés (audio et visuel) et linguistiques (parlé et écrit). Apartir des connaissances issues des sciences cognitives et de lapsychologie expérimentale de l’apprentissage, l’auteur a élaboré uncontexte théorique à la formulation de ces principes, qu’il a ensuite

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vérifiés et expérimentés dans une situation concrète d’apprentissagemultimédiatisé avec le simulateur de cas cliniques en hématologieappelée “anémie virtuelle”, dont il est le concepteur-développeur, encollaboration avec le Dr Pierre Leblond de l’Université Laval et del’Hôpital Saint-Sacrement, à Québec. Ce simulateur comporte neufcas et sera publié au début de l’an 2000. Il représente aussi unepremière en médecine.Dans cette recherche, l’auteur décrit bien ce qu’est un SAMI (Systèmed’Apprentissage Multimédia Interactif) et il est questiond’apprentissage, de communication, d’interactivité, d’enseignementindividualisé, de messages, de perception, de motivation, etc., enfindes principaux facteurs qui deviennent les ingrédients pédagogiquesdu multimédia. Les références bibliographiques sont riches,nombreuses et précieuses pour tout chercheur éventuel. L’auteurpropose des conclusions et des pistes de recherche fort intéressantessur cet important travail réalisé qui est une première dans le domaine.Cette recherche propose aussi une méthodologie de recherche-développement originale et précieuse pour le domaine.Les travaux de Denis Harvey s’inscrivent bien dans ceux réalisés parle groupe de recherche GRAIM à l’Université Laval, dont il fait partied’ailleurs, qui sont basés sur l’étude et la recherche d’assisespédagogiques précises des Systèmes d’Apprentissage MultimédiaInteractif (SAMI).Quels sont les apports de cette recherche ? Ils sont de trois ordres :tout d’abord, la conception et le développement du simulateur“Anémie virtuelle” qui est un outil pédagogique “évalué et complet”permettant un auto-apprentissage, un télé-apprentissage (à distance) dela démarche diagnostique en hématologie clinique, et dont un exempleest donné sur le CD-Rom.Et puis, Denis Harvey a développé une méthodologie originale etperformante de collecte, d’analyse et de suivi de données en direct,c’est-à-dire durant la situation d’apprentissage multimédiatisé. Ceciest une première en recherche sur le multimédia et cette approches’avère très prometteuse. Enfin, Denis Harvey a vérifié avec beaucoupde rigueur plusieurs principes de design de messages multimédias. Ilsintéresseront tous les concepteurs désirant produire des systèmesd’apprentissage multimédia pédagogique, c’est-à-dire intéressants etefficaces.Que dire de plus sur cette publication ? Qu’elle est fort intéressante àconsulter et que, très vite, toute personne prend beaucoup d’intérêt etde plaisir à naviguer, à son propre rythme et selon ses besoins. Ce que

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je vous encourage à faire, le plus vite possible, si les aspectspédagogiques du multimédia vous intéressent.

Christian Depover, Max Giardina, Philippe Marton, L e senvironnements d’apprentissage multimédia, Analyse et conception,L’Harmattan, coll. Education et formation, Paris, 1998, par DenisHarvey

Comme il est souligné dans le résumé, “L’ambition de cet ouvrage estde tenter de répondre aux questions que se pose le consommateur demultimédias éducatifs que nous sommes tous appelés à devenir”. Celivre vise donc un large public, même si certains de ses chapitresconviennent sans doute mieux à des lecteurs plus avertis.Dans les premiers chapitres, les enjeux et les fondementspédagogiques des environnements d’apprentissage multimédia sontprésentés. Les éléments qui justifient le recours aux multimédias ainsique les bénéfices éducatifs que l’on peut en attendre sont aussisoulignés. Dans les chapitres suivants, la question du designpédagogique de ces systèmes, de même que des thèmes commel’interactivité significative et la métaphore comme élément structurantdu design, sont développés avec force et détails. Le lecteur peut alorsapprofondir la compréhension de la conception d’un environnementd’apprentissage multimédia en structurant sa réflexion autour d’uncertain nombre de concepts clés. Les bases de l’évaluation desenvironnements d’apprentissage multimédia sont ensuite couvertes etexpliquées. Ainsi un cadre de référence pour l’élaboration et le choixd’outils d’évaluation applicables aux environnements d’apprentissagemultimédia est présenté et discuté. Un chapitre plus théorique suit oùquelques perspectives de l’évolution de ces systèmes sont explorées.Le livre se termine par un chapitre plus technique qui présente lesprincipales technologies actuellement utilisées lors de la réalisation etla production de ces systèmes d’apprentissage multimédiatisé.Dans cet ouvrage, les auteurs réussissent à donner aux lecteurs unevue d’ensemble de la réalisation et du rôle des outils multimédias dansnos systèmes de formation. Ils brossent aussi un panorama juste etprécis des problématiques abordées. Il s’agit donc d’un livreintéressant et pertinent qui, comme le soulignent les auteurs « favorisela lecture plurielle », où chacun trouvera ce qu’il cherche ou alors quiservira de stimulant pour entamer ou poursuivre ses propresrecherches.

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Dominique Chateau, Bernard Darras, Arts et Multimédia. L’Œuvred’Art et sa Reproduction à l’Ère des Médias Interactifs, Paris,Publications de la Sorbonne, 1999, par Céline Scémama

Les textes présentés par D. Chateau et B. Darras établissent un état deslieux réflexif sur la question Art et Multimédia. L’ouvrage estorganisé selon trois axes.Le premier traite de la reproduction. Ce média n’est pas “responsabled’une surproduction culturelle travestie en surproduction artistique”,selon J. Fol. Deux dissonances sont constatées par B. Darras et A.M.Kindler : entre spécificités du média et attentes du public et entreexperts d’art et novices. G. Pellé reformule les notions d’hypertexte etd’hypermédia et P. Barboza met en évidence les potentiels dumultimédia : expérimentation du non-verbal et de l’iconique dansl’image. C’est autrement que se pose la question de lareproduction ; l’expérience de la littérature générétive de J.P. Balpe entémoigne : une œuvre en perpétuelle reconfiguration n’est jamaisidentique donc jamais reproductible.Le second aborde le CD-Rom sur l’art. O. Bréaud et F. Casanovaétablissent une typologie des formes d’apparition de l’œuvre d’art.Co-scénariste du CD-Rom Lumière, A. Gardies expose les nouveauxproblèmes d’écriture posés par le multimédia. L’étude des CD-Romsur Cézanne de C. Gacongne dégage les intérêts et les limites de cettenouvelle forme d’accès à l’œuvre. D. Chateau démontre l’échec duCD Barnes qui, à la prédominance des traits plastiques a substitué uneapproche historico-encyclopédique et promotionnelle.Le dernier axe est consacré à l’usage muséal du CD-Rom. Il n’est plusquestion de substitution mais de création d’une nouvelle forme demédiation (Davallon/Gottesdiener/Le Marec). C’est aussi le point devue de J.L. Weissberg plaçant l’intérêt du projet Lascaux dansl’émergence d’une genèse de la figuration et non dans sa reproduction.Pour X. Perrot, le média interactif est le ferment de l’évolutioninévitable des musées, même si les rapports d’usage sont encore flousselon B. Goldstein. I. Rieusset-Lemarié pense que le potentiel dumédia interactif n’est pas encore exploité. Plus critique, F. Paynmontre que le CD-Rom Orsay crée un monde-objet où le muséedevient un mythe de lui-même.La particularité de cet ouvrage qui mobilise autant les théoriesesthétiques (Aristote, Benjamin, Malraux…) que la sociologie,l’ergonomie, les sciences cognitives et l’expérience artistique, permetde penser l’œuvre d’art à l’ère des médias interactifs.

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Bernard Darras, Françoise Casanova, L’Annonciation de laRenaissance à nos Jours, Paris, RMN, CD-Rom Mac-PC, 1998, parClaire Gacongne

Ce CD-Rom, tant historique qu’artistique, se distingue par sa valeurencyclopédique. Conçu et réalisé par des spécialistes de l’art, BernardDarras et Françoise Casanova, avec le conseil scientifique de DanielArasse et de Pierre Fresnault-Deruelle, il traite le thème indémodabledu message de l’Archange Gabriel qui annonce à la Vierge laconception miraculeuse.Les toiles du Maître de Flemalle, de Van Der Weyden, de Léonard DeVinci, de Dürer, du Caravage côtoient celles de Marcel Duchamp, deCourmes ou de Jean-Louis Boissier. On peut avoir accès facilement àde riches présentations audiovisuelles, qui permettent de suivre dereposantes visites puisées au cœur des thématiques et des œuvres. Lesanalyses sont concises et les présentations visuelles clarifient lesapproches des artistes. On comprend et on apprend rapidement.En outre, le texte de chaque exposé est consultable sous deuxversions : une abrégée et une intégrale avec la possibilité de lesimprimer, d’en extraire des parties et d’apposer des annotations dansle bloc-notes. Ces fonctions et raccourcis font de ce CD-Rom un outilde recherche très fonctionnel, précieux pour les étudiants en Arts,amateurs et experts qui disposent de quatre niveaux de lecture. Lestextes sont équipés de nombreux hyperliens (mots-clé ou image quirenvoie à un autre document). Les œuvres peuvent être comparéesentre elles par juxtaposition sur un même écran, outil qui peut êtrecombiné avec les deux loupes qui découvrent des détails que leformat, la sécurité ou l’emplacement de la toile prohibent bien souvent– notons que cette démarche ne nuit aucunement à la qualité del’image.Techniquement, ce CD-Rom ne nécessite pas d’installation sur ledisque dur. Il peut donc être lancé directement. Il est accueillant etclair dès le premier contact. Les couleurs et rendus des tableaux sonttrès fidèles à la réalité, tout du moins autant qu’il est possible lorsquedes pixels lumineux remplacent les pigments de la peinture à l’huile.Le réseau en arborescence et la quantité d’informations qu’il contient– de nombreux textes originaux, voire inédits, d’artistes etd’esthéticiens sont disponibles et imprimables – offre au spect-acteurde multiples possibilités de navigations et d’actions. Ce CD-Rom faitintervenir plus souvent l’interactivité que l’interpassivité, ce qui le

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rend actif, l’attitude du spect-acteur s’assimilant plus à la lecture d’unlivre qu’à la contemplation d’un document audiovisuel.L’Annonciation, de la Renaissance à nos jours combine encyclopédie,diaporama et documentaire avec une définition de l’image biensupérieure à celle d’un écran de télévision. Le parti-pris, précis etsérieux mais largement accessible, s’accorde la plupart du temps avecle style. En outre, le choix de certaines œuvres, textes et artistestémoigne d’un réel engagement des auteurs de ce multimédia, ledétournant ainsi de l’académisme vers lequel il aurait aisément putendre.

Michel Covin, Les mille visages de Napoléon, L’Harmattan, coll.Ouverture philosophique,1999, par Pierre Fresnault-Deruelle

Disons-le tout net, le livre de Michel Covin (qui est, à notre avis, unpeu trop long) est véritablement digne d’éloge. Bien écrit (même siquelques coquilles se repèrent ça et là)113. Les mille visages deNapoléon est une réflexion, subtile, sur le portrait, dont la perspicaciténe se relâche jamais. Fils spirituel de Roland Barthes, tout autant qu’ilest tributaire de la pensée de Michel Foucault (en ce sens, il s’agit bienici d’une “archéologie du savoir”), l’auteur s’interroge sur l’art del’effigie au XIXe siècle, art à propos duquel il va creuser et creuserencore ces questions sémio-phénoménologiques que sont laressemblance, la vraisemblance, la vérité d’un visage peint ou dessiné.Le livre de M. Covin pourraît être lu comme un contrepoint à Histoiredu visage de Courtine et Haroche114 ; ce ne sont pas, en effet, tant lescodes sociaux au travail dans l’effigie classique que la question du“réalisme idiopathique” qui anime notre auteur. Prenant pour fildirecteur l’idée que, la photographie n’existant pas encore, quelquechose, cependant, l’anticiperait “pathétiquement” dans le portraitpeint, M. Covin médite sur cette préfiguration, mystérieuse, desclichés à venir qui fait de l’œuvre d’un James Sant ou d’un Delarochedes “captures photo-lumineuses” avant la lettre. L’ouverture du livre,à cet égard, est une facétie philosophique qui traite d’un soi-disant 113 Les choses sont ainsi faites que les auteurs sont, de plus en plus souvent,

obligés d'être leurs propres correcteurs. Ce qui est évidemment uneperversion du système puisque le scripteur est le dernier à pouvoir portersur son texte un regard neuf.

114 Jean-Jacques Courtine et Claudine Haroche, Histoire du visage, Rivages,Paris, 1988.

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portrait photographique de Napoléon que nous n’avons jamais vupuisque, contrairement à l’histoire officielle, l’Empereur ne serait pasmort à Sainte-Hélène, mais en France, à 79 ans, après avoir faitfortune en Amérique ! Et l’auteur d’exhiber l’image argentique de ceNapoléon-là115… Certes, nous rions du piège que l’auteur nous atendu, mais nous comprenons tout aussitôt que se trouve là, enamorce, l’objet que s’apprête à explorer M. Covin : le portrait en tantque s’y superposent les dispositifs antagonistes du fascinum et de larhétorique.Au-delà de l’humour de l’auteur, il convient de saluer, en tout premierlieu, l’établissement d’un corpus. Non pas la collection – la plus largepossible – des portraits de L’Empereur (la chose est sans douteimpossible), mais la constitution d’un ensemble véritablement informédes visages du Corse, autrement dit une mise en perspective de ceux-ci en regard de ce que l’auteur nomme leur schème, cet objet abstraitobtenu par récapitulation du champ de dispersion des unités retenues.Car si, dans la seconde partie de son ouvrage, M. Covin passe enrevue (c’est le moins pour un militaire) les images du Général, puis duConsul, celles de l’Empereur, enfin, l’auteur n’a de cesse de comparerles unes aux autres dans l’ordre de leurs occurrences, c’est-à-direselon une distribution étrangère à la biographie de Bonaparte (il estévidemment des portraits post mortem plus jeunes que certaines deseffigies faites d’après nature du vivant de l’homme). On a compris queLes mille visages de Napoléon, qui est un essai d’iconographieraisonnée (autrement dit une sorte d’iconologie) instaure un réseau deva-et-vient entre les portraits du monarque qui tient plus compte d’unecertaine “chronologique” (où interfèrent le souvenir, l’invention, larestitution, le mythe, l’intuition, l’historicisme, la symptomatologie, laphysiognomonie, l’art) que de la chronologie stricto sensu. Bref,l’anthropologue l’emporte de loin sur l’historien pur et dur, dontl’auteur nous dit dans son introduction : qu’il (l’historien) “n’aime pasles détails particuliers, escamote les visages, disqualifie le portraitdans l’ordre de la connaissance scientifique”. Et, plus loin (p. 16), M.Covin de préciser “L’idéal de tactilité [induit par le portrait] est[considéré comme] une métaphore générale de la ruine de l’analyse,car comprendre un mystère c’est se défaire de l’épaisseur des corps :(…) intelligere non est tangere !”. Or, ce qui intéresse(scientifiquement) M. Covin, c’est le fantasme, l’effet de réel, lefétiche, le magique, à tout le moins l’indice ou la trace, bref ce qui, 115 Simon Leys aura eu une idée analogue en publiant, il y a quelques années,

une petite fiction intitulée La mort de Napoléon, Hermann ed. Paris.

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dans la représentation laisse place, si peu que ce soit, à la présentation.Dans la première partie de l’ouvrage, intitulée Pathographie, l’auteurn’écrit-il pas (p. 39) : “La "monstruosité", comme la catastrophe, sontles modes privilégiés de l’existence, parce que, secouant nos habitudeset ruinant le confort des idées communes (des schèmes), ellesmaintiennent à l’envi que tout ce qui est vivant est imprévu…” ?Comment donc retrouver tout cela sous le vernis des convenances, desgestes, si contradictoires avec LA geste ?La seconde remarque touche à ce qui vient d’être dit, qui a trait àl’approche sémio-phénoménologique du portrait. Réfléchissant sur lafascination procurée par ces images, l’auteur va se mettrepassionnément à la recherche de ce “quelque chose (qui gît) sousl’éteignoir de la signification”, cette sémaphorique qui cherche à nousfaire lire les visages, alors qu’il s’agit de restituer à ces derniers leur“idiotie” et de faire ressortir en quoi l’effigie exige, en fait, un “Volime tangere” (p. 19). Alors, ce qui retient notre essayiste est cela mêmequi, l’emportant sur le rendu et l’observation, travaille secrètement àcapter la participation du spectateur. Non pas ce qui permet à cedernier de dire : “oui, c’est bien lui”, mais bien “le voilà” (p. 231), ou,pour le dire autrement, à ce qui fait du portrait non pas uneremémoration mais un surgissement, un événement bouleversant.C’est, en effet, à l’aune de ce dispositif fantasmatique que M. Covinmesure la force des portraits de l’Empereur. Car, si l’art du portrait apour vocation de nous dépeindre des “existants” (p. 48), il ne doit pasnous présenter des personnages qui sont (dans leur assiette, p. 23),mais des personnages qui apparaissent. Il n’est véritablement deportraits que d’images épiphaniques.Fort de ces remarques, M. Covin, approche les portraits de Napoléonqu’il considère être comme exemplaires, positivement ounégativement. Pour ce qui regarde les peintures ou les dessins dont ilpense qu’ils sont porteurs de force ou de vérité, l’auteur insisteévidemment sur l’œuvre de Paul Delaroche de 1814, ainsi que surcelle de l’Anglais James Sant, où l’artiste s’est arrangé pour faire ensorte que les signes de la nature (les symptômes) se confondent avecceux de la culture (au travers desquels semble se lire un Destin).Parmi les portraits que M. Covin récuse, on citera l’œuvre dePhilippoteaux Bonaparte (2e République), où les traits du jeune chefd’armée (qui porte des épaulettes) ont été inconsidérément repris auConsul qu’en son temps avait peint David….D’une manière générale, le livre de M. Covin regorge de formulesbien venues, de bonheurs d’expression, de métaphores éclairantes,toutes modalités qui nous confortent dans l’idée qu’il est des sujets,

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notamment en sciences humaines, où le travail de l’écriture estdécidément un pré-requis pour produire une réflexion qui se tienne.

Gérard Pelé, Le festin de l’ange, l’Harmattan, coll. Art et Sciences del’art, 1999, par Claudine Roméo

Ce titre prometteur de Gérard Pelé n’annonce pas du tout un genre niune espèce d’écrit – le petit livre ainsi désigné a “faict” son auteurautant qu’il a été “faict” par lui (Montaigne), je veux bien le croirequand il s’agit de cet artiste. Mais fidèle à la collection dans laquelle ilest publié, il concerne bien l’art et les (nouvelles) sciences de l’art.Nous avons, dans l’introduction et le prologue, l’exposé d’uneméthode, de sa mise en application expérimentale, et les origines de laméthode élaborée par l’artiste – ou le savant – articulée sans ordrepréétabli à ce qu’on peut néanmoins appeler – avec Hume – unenature humaine, avec son aptitude, sa raison, sa fantaisie. Les troischapitres ensuite, l’enfant, le dessin, la chose sèche, désignent desniveaux d’investigation – dans le social même, expérience enfantineou des toxiques, de la folie, pour en revenir à notre bricoleur – où se“trouvent” des images toujours improbables bien que préparées.Le discours ici tenu intègre aussi l’étagement de ce qu’Aristotenomme les points de vue – mise en place du dispositif – mêlésdirectement et sans pédagogisme à la “pagaïe” de la mise en couleurde la passion, ou d’une sorte de contrat aux produits toxiques dont leseffets semblent très proches de l’Infini Turbulent d’Henri Michaux,tout cela est énoncé d’une même voix, la pulsion pédagogiquepréparatoire est enlevée, comme les fils de bâti en couture.Ce qui par contre se montre et s’affirme, avec la position délicate à laLévi-Strauss d’être à la fois savant et bricoleur, c’est la dévoration,production d’expériences limite. Et c’est la volonté, de la part del’auteur, de “ne pas céder sur son désir”. Expériences dont la tracematérielle est autant expérimentale, technique, que sensuelle,métaphysique. Ces expériences s’égrènent dans une durée d’unBergson revu par Deleuze (Empirisme et Subjectivité).La porosité des espaces/ temps ainsi marqués, tremblés, d’expériencesimprobables et fortes, laisse aussi filtrer comme une sémiologieleibnizienne, telle que Deleuze en parle aussi dans le Pli. Mais striéesou lisses ces zones chargées, magnétisées, ne sont pas totalementinaccessibles au rationnel. Seulement, la part de scientificité n’est enrien fixée, encodée – l’obscénité de notre excès d’être doit induire unretrait, peut-être ?

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C’est sans doute le contrat d’impertinence qui rend les chosespossibles : ni l’obscénité métaphysique ou ontologique, nil’obséquiosité ou la complaisance expérimentale et/ou technique nefreinent une dynamique quasi-sonore, où l’encre, comme l’esprit, étalede larges démences, des papiers fébriles, et des pastels de réflexion.Au passage, Gérard Pelé désigne les industries de l’information, de lacommunication, et de la fiction, qui sont des centres de la dissolutiondu réel.Pour en revenir aux expériences – qui concernent vraiment le réel –,elles existent en deux versions du travail, le festin de l’ange etl’exposition de Caen en 1996. Les images ne sont en rien des fictions,mais des prises de vue où on ne répond pas à la question : “Qu’est-ceque la réalité ?”, mais où on la donne à voir passionnellement, sanschoisir, grâce au voisinage bienveillant de quelques philosophes, entreraison et fantaisie. Le dispositif expérimental, décrit dès le début, estlui-même poétique, il montre en quoi les photographies du corps nepeuvent montrer de détail identifiable, car le regard est alors“désorienté”.Parfois le travail de l’artiste le place dans l’écart de règles extensives,comme dans une dissolution de la conscience, et s’il conserve encorele mot raison, c’est pour désigner un phénomène imprévisible ! Toutest alors affaire de rythme (de ritournelle, dirait Deleuze). Ici, l’usagede la causalité est illégitime, comme celui des autres formesd’association. Le sujet et l’objet de l’œuvre d’art se jouent autour de lanotion de but – de cause finale dirait Aristote –, lequel donne lieu àl’individuation.La remontée philosophique à Démocrite - Épicure, à la notiond’atome, de particule élémentaire, puis la redescente historique à lanotion de quark, donne une dimension, un souffle aux nouveaux outilsartistiques : les scientifiques ont décomposé les objets avec desméthodes de résolution numérique, indiquent des espaces discontinus.Or l’expérience de l’artiste, elle, offre un (dé) territoire flottant.

Pierre Barboza, Du photographique au numérique, La parenthèseindicielle dans l’histoire des images, L’Harmattan, 1996,Les nouvelles images, éditions d’art Somogy, cité des Sciences et del’industrie, 1997,par Frank Dutour

En l’espace de deux ans, Pierre Barboza a livré deux ouvrages surl’image qui feront date. Le premier, une recherche consacrée aux

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principes de l’enregistrement confronté à la numérisation se prolongelogiquement dans le deuxième, à caractère grand public, centréproprement sur les applications et les enjeux de l’image numérique.Du photographique au numérique s’interroge principalement sur ledestin de l’image soumise à la primauté croissante du principenumérique. Avec l’enregistrement, nous dit Pierre Barboza, uneparenthèse s’est ouverte, parenthèse que l’ère numérique viendraitclore. L’argumentation, ample et approfondie, fait bien plus querevisiter le stade photographique. L’histoire, richement documentéedes techniques d’enregistrement, de la gravure à la capture optiqueprécise la nature de l’opération photographique. Il se confirmequ’interroger une aventure socio-technique à partir des rupturescontemporaines est d’un grand intérêt heuristique. Là, commesouvent, l’actuel permet de mieux comprendre la logique des phasesprécédentes et l’examen du “photographique” sous l’éclairage de laphase numérique jette de nouvelles lumières sur certaines de sesspécificités, notamment dans ses dimensions temporelles et du pointde vue du souci d’exactitude. De même, l’analyse historique desrelations inverses entre les exigences de rapidité de transmission desimages et leur qualité — montrant comment les premières l’onttoujours emporté sur la deuxième – est d’une pertinence que tout lemonde peut constater à l’ère d’Internet.Mais outre une enquête sur le dépérissement annoncé du“photographique”, le livre de Pierre Barboza ajoute une analyseoriginale de l’opération indicielle propre à la photographie, originaleen regard de l’abondant travail hérité en la matière.La perspective proposée s’appuie sur une distinction entrel’inscription graphique faite à la main – nommée ici, image de“représentation” et l’image photographique qualifiée d’imageindicielle de “reproduction”. Rappelons que l’adjectif indiciel, dans lesystème peircien, désigne un signe obtenu par contiguïté avec laréalité référentielle : la fameuse trace de pas que laisse l’animal sur laneige, ou les altérations d’une surface photosensible provoquées parles rayons lumineux provenant de l’objet photographié, littéralement“inscrit par la lumière”.D’où l’idée qui a donné son titre au livre : le numérique est en train derefermer la parenthèse ouverte en 1839 par la reproductionautomatique de l’apparence visuelle. Avec la photographie numérique,on passerait d’un régime indiciel à une opération symbolique où latransformation continue de l’énergie lumineuse le long de la chaînephotographique cèderait le pas au calcul des caractéristiques discrètesdéfinissant l’image (pixelisation par affectation de valeurs

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numériques). La démonstration est particulièrement convaincante ence qui concerne la simulation informatique réaliste où des modèlesphysico-mathématiques sont effectivement à la source du visible.Peut-être l’est-elle moins pour ce qui regarde la photographienumérique où l’automatisation de la conversion des énergieslumineuses en données numériques conserve l’un des principesfondamentaux de la photographie. Il est vrai, et cela va dans le sens dela démonstration proposée, que la photographie numérique commencelà où la photographie classique s’arrête : avec le traitement logicieldes images, retouchant voire transformant les clichés. Ledéveloppement de la compression des images fixes (JPEG) et animées(MPEG) donne aussi du poids à l’argumentation : la sélectionsymbolique (au sens peircien) s’y oppose nettement à la transcriptionanalogique (et cela pourrait être facilement élargi au son). Constatonscependant qu’il s’agit d’un régime non-stabilisé, marqué par lacroissance des débits et l’évolution permanente des normes, pointantprobablement plus vers des formes hybrides entre transformationalgorithmique et capture indicielle que vers une simple opérationsymbolique.Mais l’enjeu n’est pas seulement ou principalement technique. Lenumérique trouverait ses marques plus du côté des images dereprésentation (initiées avec le dessin et la peinture) que des images dereproduction propres à la capture optique.C’est un rapport à l’image qui basculerait. En effet, la saisiephotographique capture, parfois involontairement, des fragments deréalité figés dans l’instant. La photographie nous livre un surplus deperception échappant à l’intentionnalité de celui qui déclenche lasaisie. Cette part obscure, en deçà de toute visée de maîtrise, seraitprécisément perdue dans l’opération de calcul numérique et l’on sentderrière l’analyse rigoureuse, percer l’affect, teinté de nostalgie, d’unamoureux de la chambre noire peu pressé de voir se refermer laparenthèse.Avec Les nouvelles images, publié à l’occasion de l’exposition“Nouvelles images, nouveaux réseaux” à la cité des Sciences et del’Industrie, Pierre Barboza saute de l’autre côté du fossé et s’intéressepleinement aux images numériques. Le résultat est un livre trèspédagogique, somptueusement illustré et qui a obtenu le prix Roberval1998, lequel récompense chaque année un ouvrage accessible à unlarge public, favorisant la réflexion sur les enjeux sociétaux de latechnologie. Mêlant astucieusement description d’applications etinterrogation sur la fonction des images calculées dans le mondehumain, l’ouvrage clarifie les caractéristiques techniques

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fondamentales de même qu’il passe en revue les principalesapplications (C.A.0., simulation, digitalisation d’images optiques,etc.). Une attention particulière est portée au bouleversement des artsvisuels. Finalement le parcours laisse entendre que prenant le relaisdes images faites à la main et des images optiques, le numérique arompu le lien avec la réalité et érigé l’image elle-même en référencecentrale. Avec le risque qu’elle devienne plus un outil decommunication qu’un moyen d’interroger l’insondable mystère de laréalité. On retrouve en cela l’inspiration qui avait nourri D uphotographique au numérique.

Jean Pierre Esquenazi, Télévision et Démocratie, le politique à latélévision française, 1958-1990, PUF, 1999,par Janine Delatte

Voilà une dizaine d’années que l’analyse des rapports entre les médiaset la démocratie est un des traits récurrents de la recherche encommunication. L’évolution institutionnelle de la télévision, lesrelations entre le champ politique et le champ médiatique, le journaltélévisé, les émissions politiques ou socio-culturelles ont suscité denombreuses analyses réalisées selon divers éclairages. Toutesprésupposent l’existence d’une relation structurelle entre les médias etla démocratie, constituée en objet de recherche ou référée au cours del’interprétation. Peut-on être totalement novateur dans ce domaine ?J.P. Esquenazi poursuit la réflexion et s’en démarque comme lesuggère le sous-titre de l’ouvrage, “le politique à la télévision, 1958-1990”. L’auteur s’attache à cerner les formes d’expression et delégitimation du pouvoir au sein des espaces publics qu’offre latélévision dans la perspective de définir les conceptions de ladémocratie qui s’y manifestent.Dans un long chapitre introductif, J.P. Esquenazi clarifie les conceptsutilisés et souligne les contraintes méthodologiques qu’ils impliquent,exigence que l’on retrouve tout au long de l’ouvrage. Successivement,l’auteur spécifie ce qui caractérise la démocratie et l’espace public àpartir de références théoriques parfois peu conciliables (C. Lefort et samétaphore du “lieu vide” pour qualifier le pouvoir, toujours àconquérir, et J. Habermas qui envisage l’espace public comme unensemble d’espaces concrets). L’auteur rappelle ce qu’il entend par“discours politique”, en précise l’approche (inspirée de la théorie del’énonciation d’O. Ducrot) en termes de “dispositifs énonciatifs”mettant en jeu un locuteur et un allocuteur liés par un ensemble de

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présupositions. Enfin l’auteur choisit la “situation” comme perspectived’analyse, c’est-à-dire le “tout contextuel” envisagé comme entitésignificative pour les agents concernés. Ainsi se précise son projet :“comprendre le fonctionnement des espaces télévisuels en Franceentre 1958 et 1990” à partir de l’analyse interne de programmesparticuliers et contribuer au débat sur la définition de la démocratie,selon l’hypothèse que la parole politique au petit écran et sestransformations croisent les conceptions de la démocratie en vigueurdans une situation historique donnée. Au terme de ces explicitationsthéoriques et méthodologiques, l’auteur dessine un programme quientend lier, dans une même démarche, le contexte médiatique etpolitique dans lequel les programmes ont été conçus et diffusés, lesformes télévisuelles produites et les interprétations que les émissionsont pu susciter.L’ouvrage est organisé en trois périodes caractérisées à partir desparamètres qui lui apparaissent dominants : “l’époque gaullienne”(1958-73) et le poids des institutions politiques ; “la télévisionpoliticienne” (1973-80) marquée par le développement du libéralismeet le rôle pris par les journalistes politologues, enfin “la télévisionéclatée” (1985-90) qui correspond à la déréglementation de l’espaceaudiovisuel français et à la capacité du champ médiatique à imposer saloi au politique. Pour chacune d’elles, l’auteur choisit quelquesprogrammes particuliers, donnant lieu à une analyse fouillée etconvaincante de “situations télévisuelles”, pour exemple l’émission“Face à face” consacrée à l’interview de F. Mitterand en 1965, ledébat entre Mitterand et Sanguinetti de “A armes égales” en 1973 ouune des émission “Psyshow” de 1983. ll est difficile de rendre comptede la richesse de leur description et de leur interprétation. L’ouvragecouvre une gamme variée d’émissions (allocutions présidentielles,débats politiques, Journal télévisé ou émissions dont la dimensionexplicitement politique est absente…). La diversité des terrainsd’observation peut déconcerter. Ils ne sont pas toujours sur le mêmeplan. Selon les époques retenues, certains exemples disparaissent auprofit de nouveaux, bien que ces discours politiques subsistent dansles programmations (les allocutions présidentielles), certains typesd’émissions sont l’occasion d’analyses successives parfois avec deséclairages différents (le Journal télévisé). Cette dispersion apparenteprend son sens au regard du projet : saisir à partir de programmessinguliers, des moments de rupture, des événements emblématiquesd’une évolution des modes d’énonciation politique et destransformations de l’espace public télévisuel. Il ne s’agit pas, bienentendu, pour l’auteur, d’être exhaustif, l’étendue du corpus ne le

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permettrait pas, ni même de privilégier un type d’émissions, mais dechoisir quelques programmes significatifs de nouvelles exigencesdémocratiques, (recomposition du système politique à partir de 1965),de nouvelles conceptions de la démocratie (le “moins d’Etat” intégrépar le Giscardisme) ou de la dépendance du politique auxpréoccupations et à la logique des entreprises médiatiques, à partir desannées 80.Dans cette perspective, l’auteur spécifie les rapports entre le politiqueet la démocratie tels qu’ils se manifestent sur la scène télévisuelle. Apartir de l’intervention de Giscard d’Estaing (1977), J.P. Esquenazirepère le passage progressif d’une “parole performative” qui exprimedes choix et des visions du monde à une “parole performante” où lapriorité est accordée à l’expression de soi ; le passage d’une “logiquedes lieux” où le pouvoir est représenté à une “logique de réseau” (lanotion est largement référée à la problématique de M. Serres) fondéesur sa dissimulation et sa dilution en une multiplicité de scénographiesoù la parole politique s’exprime. En définitive, il conclut au passaged’une “démocratie civique” vers une “démocratie de réseau”. Laquestion des réseaux, que met en scène la télévision, devenant, pourl’auteur, la nouvelle question idéologique. Il reste toujoursproblématique d’établir un lien direct entre l’appareil médiatique et ladémocratie. Que la télévision participe au fonctionnement de ladémocratie en tant que lieu d’expression de la parole politique maisaussi de la parole sociale est une évidence. Peut-on conclure à despropositions sur l’état de la démocratie ? J.P. Esquenazi hésite à seprononcer sur les incidences des transformations des “espaces publicstélévisuels” sur le fonctionnement concret de la démocratie(constitution des opinions, comportements, vote…). La question n’est-elle pas, plus modestement, celle de savoir ce que les programmes etleur évolution nous apprennent sur le débat politique, à une périodedonnée.Plus déroutant, la réticence de l’auteur à se référer, à quelquesexceptions près, à la recherche en communication et à son appareilconceptuel, il semble que le terme de communication ne soit jamaisemployé. Formuler en d’autres termes des phénomènes analysés selondes préoccupations et des perspectives méthodologiques prochespermet-il d’aboutir à de nouvelles propositions concernant les rapportsentre la télévision et la démocratie ? Bien qu’il soit parfois difficile desuivre totalement l’auteur sur le terrain de la définition de ladémocratie à partir des “discours télévisuels”, cet ouvrage demeureexemplaire de rigueur théorique et méthodologique et nous offre des

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analyses originales et passionnantes de la parole politique à latélévision.

Jean-Louis Weissberg, Présence à distance, pourquoi nous necroyons plus la télévision, L’Harmattan, coll. Communication etCivilisation, Paris, 1999, par Pierre Barboza

Annoncé dans une perspective d’anthropologie culturelle, Jean-LouisWeissberg présente son ouvrage comme une enquête sur lesdispositifs de la Téléprésence et les logiques culturelles qu’ilssoutiennent. Cette enquête, particulièrement bien documentée, nousconduit des diverses expérimentations de la réalité virtuelle auxmultiples applications de la téléprésence qui foisonnent sur le net. Sil’objectif d’exploration est très bien rempli, l’intérêt de l’ouvrageréside aussi dans le constant souci de l’auteur de conceptualiser lepaysage mouvant qu’il nous présente.Les nouvelles technologies de l’information et de la communication etle fait technologique de la numérisation suscitent, au-delà de leursimple description, de nombreuses analyses qui varient d’uneapproche optimiste, et parfois promotionnelle, à une vision pessimiste,voire catastrophiste. C’est donc à ces analyses diverses que J.L.Weissberg confronte les résultats de son investigation pour mieux enmesurer les enjeux culturels et politiques.Ce parcours n’est pas hasardeux, l’impulsion qui en tisse l’unité doitêtre reliée aux aspirations à l’autonomie et à l’émancipation quibousculent jusqu’à la définition même des groupes sociaux depuis lesannées soixante. Les aspirations au contrôle de son propre destin nesont pas directement l’objet de Présences à distance, elles enconstituent néanmoins le fil rouge. C’est le troisième intérêt del’ouvrage que de poursuivre à sa manière un questionnement sur lacrise du politique déchirée entre des questions classiques d’ordrepolitique et social et des questions plus nouvelles qui se posent entermes d’identité culturelle ou sexuelle.L’itinéraire s’amorce avec cette loi d’une “augmentation ducoefficient charnel dans la communication à distance” que l’auteurvoit à l’œuvre dans l’évolution des moyens de communicationconsidérée sur le temps long. Téléphone, radio et télédiffusion,photographie, cinéma manifestent toujours davantage, et sous desformes variables, la présence de l’émetteur ou bien du référent dumessage. Sur le plan technique, instantanéité, enregistrement etsimultanéité se combinent pour vérifier cette loi. Si donc cet

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accroissement de l’incarnation des représentants se confirme, qu’enest-il de cette tension – peut-on véritablement parler de loi ? – avec lesdispositifs numériques dont on sait la disposition à s’infiltrer dans tousles appareillages de communication pour y faire émerger des logiquesde modélisation et de simulation du réel.Pour répondre à cette question, l’auteur met à bas la conception naïvequi voudrait que la réalité virtuelle ait les caractéristiques de la réalité“de premier niveau” qu’elle ne fait, bien sûr, que simuler avec sesmoyens propres. En fait, chaque moyen de communication tisse desmilieux spécifiques de médiation et de négociation avec et entre leshumains. La présence à distance des réalités virtuelles ne manifesteainsi qu’un milieu de médiation de plus qui constitue le cadred’investigation de Présence à distance.Dans cette double perspective, l’auteur se montre logiquement attentifà la représentation et à la prise en charge des corps dans les interfacesde la communication informatisée. Les analyses proposées mettentl’accent sur les possibilités et les problèmes relatifs à la relation et àl’énonciation prolongeant en ce sens certaines problématiquesdéveloppées par des ingénieurs de la réalité virtuelle et des chercheursen intelligence artificielle. On attend avec impatience unesystématisation d’ordre sémiologique des pistes ainsi ouvertes qui, enl’état, permettent une compréhension stimulante des évolutions encours.Les questions relatives à la subjectivité sont dans ces nouveauxmilieux de médiation indissociables de l’interactivité propre ausystème informatique, au dialogue qui se noue entre l’utilisateur et lesprogrammes par l’intermédiaire de périphériques audiovisuels etgestuels. De la sorte, la téléprésence informatisée ne répond plus à latraditionnelle coupure sémiotique qui sépare au théâtre la scène de sonpublic ou au cinéma l’écran des spectateurs. Les simulations de latéléprésence instaurent des interactions entre le récepteur et lesmessages qu’il reçoit telles que le premier est en mesure d’influer surle contenu des seconds. Pour cette raison, J.L. Weissberg propose dequalifier cette relation par le concept, plus lisible que prononçable, despect-acte puisque le spectateur est devenu physiquement actif, sinonacteur : l’activité d’interprétation du spectateur se trouvant nonseulement prolongée, mais dépassée par une gestuelle qui déterminel’émission de nouveaux messages.L’une des conséquences les plus importantes de l’émergence du spect-acteur réside dans l’apparition d’un nouveau régime de croyance quirépond directement, selon l’auteur, aux aspirations sociales àl’autonomie. Partant du diagnostic partagé d’une crise de confiance du

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public envers les mass media, J.L. Weissberg ne s’attarde pas trop surles modalités de construction de la vérité pour envisager l’effacementde l’enregistrement indiciel soumis aux traitements modélisateurs del’informatique et du numérique.L’ancien régime de croyance né avec la photographie était fondé surle voir/croire quand la trace photographiée pouvait encore témoignerd’un ça-a-été . Le nouveau régime ne s’appuie plus sur unequelconque pérennité de la trace que la numérisation a fait exploser entraitements informatiques, mais sur les pratiques interactives oùtrouvent à s’exprimer une exigence d’expérimentation susceptible deconforter le nouveau régime de vérité.Des simulations de situations complexes ou bien de typecomportemental aux possibilités d’auto-documentation desinternautes, les exemples que donne l’auteur sont suffisammentnombreux pour ouvrir une discussion. Parmi les autres conséquencesde cette thèse, relevons celles qui ont trait à la relativisation desopinions et à l’affaiblissement des relations pyramidales d’autorité, sicaractéristiques des grands médias, au profit de relations transversaleset plus conjoncturelles qui se font jour avec la télévision interactive,les jeux vidéo, les sites et forums sur le Web, les techniques du push etdu pull etc. Toutefois, remarquons que la prolifération desapplications sur le net ne garantit nullement qu’elles débouchent surdes usages sociaux durables.Il reste que les analyses sur l’auto-médiation qui nous sont proposéesalimentent de façon souvent convaincante cette approche d’un régimede vérité fondé sur l’expérimentation. J.L. Weissberg est alors conduità poser le problème crucial de la légitimation des savoirs qui découlede cette évolution.En envisageant de près les différentes pratiques de contournement desinstitutions et des organisations en vigueur sur Internet, l’auteurmesure la portée de la redéfinition des modes de légitimation en cours.Au prix d’une mise entre parenthèses, un peu dommageable pourl’étayage du propos, de l’économie marchande et des enjeuxgéopolitiques de l’Internet, il nous livre des analyses solides de ceformidable mouvement qui, de la musique techno aux pratiques duhouse video ou du home studio, opère une remise en cause“performative” des intermédiaires traditionnels.Prises en tenaille entre les exigences d’expérimentation, qui neconcernent pas seulement les utilisateurs finaux et la mécanisation despratiques de médiation, ce sont toutes les positions des différentsacteurs sociaux qui se trouvent fragilisées. Entre une utopie libertaireet une liberté étroitement contrôlée, J.L. Weissberg prend soin de

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relever toutes les ambiguïtés des modèles proposés en pistant leslignes de partage entre le facteur technique qui vise à laprogrammation des comportements humains et la subjectivité humainequi se déploie dans l’inconnu de ces nouveaux milieux de médiations.Au terme de son parcours, l’auteur fait un bilan des transformationsenvisagées pour montrer que les différents effets de la téléprésence surles modes de pensée et la production culturelle ne font pas système.C’est à un mixage du nouveau et de l’ancien que l’on assiste. Ainsi,l’univers de l’hypermédiatisation n’évacue pas les fonctions décisivesdu local, pas plus qu’il ne dissout le territoire, soumis de surcroît à uncontrôle renforcé.On ne suivra pas forcément J.L. Weissberg dans son souci derelativisation quand il est conduit à soutenir que cet univers n’aboliten rien le primat de la linéarité ou dans sa démonstration d’unralentissement de la communication. Le goût du paradoxe dontl’auteur ne manque pas de faire preuve le conduit parfois à sous-estimer l’éclatement de la communication sous l’effet destechnologies du contact et du direct, également à l’œuvre dans latéléprésence.Pour autant la démonstration autour du paradigme d’une “positionsurplombante sans domination” semble être très opératoire pourarticuler des phénomènes aussi divers que les scénographies et lesrécits interactifs, la redéfinition des intermédiaires et des modes delégitimation et les logiques politiques à l’œuvre dans les pratiques duhome media.En proposant cet ensemble d’analyses précises, Jean-Louis Weissbergva donc au-delà de son programme d’élucidation de la téléprésence. Ilne fait pas simplement écho aux débats en cours qui opposent lesourcilleux souverainisme républicain aux tenants d’une démocratiedont l’État-nation ne serait plus l’ultime fondement. Il verse au dossierdes pièces essentielles et alimente sur le fond, loin des polémiquessimplificatrices, cette discussion importante où se joue l’héritage despensées de l’émancipation.