medievales - num 27 - automne 1994

163
8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994 http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 1/163 T^vT T7 langue Ž III K *■*? m VALES * Ml JLmJ histoire ¡ *ÇÁ * Ml JLmJ histoire *ÇÁ 27 - AUTOMNE 1994 A DU BON USAGE ^ DE LA SOUFFRANCE ^ f duCentre evue National ubliée des vec Lettres econcours etduC.N.R.S. ^ JA 1/Jt uCentre ationalesLettrestduC.N.R.S. JA 1/Jt

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 1/163

T^vT

T7

langue

Ž

III

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*■*?

m

VALES

■ *

Ml

JLmJ

histoire

¡

*ÇÁ

■ *

Ml

JLmJ

histoire

*ÇÁ

27

-

AUTOMNE

1994

A

DU BON

USAGE

^

DE LA

SOUFFRANCE

^

f

duCentre

evue

National

ubliée

des

vec

Lettres

econcours

etduC.N.R.S.

^

JA1/JtuCentre ationalesLettrestduC.N.R.S. JA1/Jt

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MÉDIÉVALES

LangueTextes Histoire

NUMÉROS PARUS

1

Mass-media t

Moyen Age.

1982).

Épuisé

2

Gautier

de Coinci

le

texte

du

Miracle.

1982).

Épuisé

3

Trajectoire

du

sens.

1983)

4

Ordres

t

désordres.

tudes édiées

Jacques

e Goff.

1983).

Épuisé

5 Nourritures.1983). Épuisé

6 Au

pays

ď Arthur.

1984).

Épuisé

7

MoyenAge,

mode

d'emploi.

1984).

Épuisé

8

Le

souci du

corps.

1985).

Épuisé

9

Langues.

1985).

Épuisé

10

Moyen

Age

et histoire

politique.

Mots, modes,

symboles,

truc-

tures.

Avant-propos

e

GeorgesDuby.

1986).

Épuisé

11

A

l'école

de la lettre.

1986)

12

Tous

les chemins mènent à

Byzance.

Études dédiées

à Michel

Mollat.

1987)

13

Apprendre

e

Moyen Age

aujourd'hui.

Épuisé

14 La

culture

ur le marché.

1988)

15 Le premierMoyenAge. 1988)

16/17

lantes,

mets

t

mots

dialogues

vec

A.-G. Haudricourt.

1989)

18

Espaces

du

Moyen

Age.

1990)

19

Liens de famille.Vivre

et

choisir a

parenté.

1990)

20

Sagas

et

chroniques

u Nord.

1991)

21 L'an

mil

rythmes

t acteursd'une croissance.

1991)

22/23

Pour

l'image.

1992)

24 La renommée.

1993)

25

La

voix

et l'écriture.

1993)

26 Savoirs d'anciens.

1994)

©

PUV,

Saint-Denis,

1995

Couverture

: dessin

de

Michel Pastoureau

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MÉDIÉVALES

Revue semestrielle

ubliée par

les Presses Universitaires

de Vincennes-Paris

VIII

avec

le

concours

du Centre

National

des Lettres

et

du

CNRS

François

BEAUSSARD

'

'

~

^

ChristineLAPOSTOLLE

T

1^

Michel PASTOUREAU

-r-3 »llfft.

Danielle REGNIER-BOHLER

ļjttfļl VfB

-VgPfflfL

E

Bernard

ROSENBERGER

il

Simonne

ABRAHAM-THISSE

ŽĚrjr-,:

Geneviève BÜHRER-THIERRY

jSSf

ļļjĒ

Laurence MOULINIER

HKAHßN

.

Secrétariat

*

ííÍÚkBLí.

- J

. -

Lada HORD YNSK

Y

-CAILLAT

Les

manuscrits,

actylographiés

ux

normes

habituelles,

insi

que

les

ouvrages pour comptes

rendus,

doivent être

envoyés

à :

MÉDIÉVALES

Presses Universitaires de Vincennes

Université Paris

VIII

2,

rue de la

Liberté,

93526

Saint-Denis Cedex

02

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SOMMAIRE

N° 27 AUTOMNE 1994

DU BON USAGE

DE LA

SOUFFRANCE

Pour une histoire e

la

souffrance

expressions, eprésentations,

usages

Piroska ZOMBORY-NAGY et VéroniqueFRANDON

en collaboration avec David

EL KENZ

et Matthias

GRÄSSLIN 5

Rhétorique

e la

perte.L'exemple

de

la mort

d'Isabelle

de Bour-

bon

(1465)

Christian

KIENING 15

Souffrir n

musique

Martine CLOUZOT 25

Les larmes du Christ dans

l'exégèse

médiévale

Piroska ZOMBORY-NAGY

37

Le

sang

des

flagellants

Anne AUTISSIER

51

L'homme de douleur

protestant

u

temps

des

guerres

e

religion

David EL KENZ 59

La ville et le

corps.

La

perception

du

corps

blessé

à

Nurem-

berg

à la fin du XVe iècle

Valentin GROEBNER 67

ESSAIS ET RECHERCHES

L'imaginaire

de la

prostitution

t la société urbaine en Allema-

gne (xiii«-xvi«

iècles)

Beate SCHUSTER

75

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4

SOMMAIRE

De la cruautécomme principede gouvernement. es Princes

«

scélérats

de la Renaissance

italienneau miroirdu roman-

tisme

français

Patrick

BOUCHERON

95

Verges

et

disciplines

dans

l'iconographie

de

renseignement

Christiane

MATTKE

107

Abstracts

121

Notes

de lecture

125

SAVONAROLE,

Sermons,

crits

olitiques

et

pièces

du

procès (P.

BOUCHERON)

;

Éducation

apprentissages,

initiations

au

Moyen Âge

(D. LETT)

;

Neithard

BULST,

Die

französischen

eneralstände on

1468 und

1484,

Prosopographische

Untersuchungen

u

den Dele-

gierten

B.

CHEVALIER)

;

Carole

LAMBERT

(dir.),

Du

manuscrit la table

Essais sur la cuisine u

Moyen

Âge et répertoire es manuscritsmédiévauxcontenant

des recettes

culinaires

F.

S ABB

AN)

;

Jérôme

BAS-

CHET,

Les

justices

de l'au-delà. Les

représentations

e

l'enfer

en

France

et en Italie

(xiie-xve siècle)

(A.

ROGERET)

;

L'atelier du

médiéviste,

.

Identifier

sources

et citations

(B. LAURIOUX)

;

Dominique

BARTHÉLEMY,

La sociétédans le comtéde Vendôme

de l'an

mil au

xive

siècle

(M. AURELL)

;

Jean-Claude

SCHMITT,

Les revenants

Les

vivants

t les

morts ans

la société

médiévale

D.

LETT)

;

Jean

GOBI,

Dialogue

avec un

fantôme

(D. LETT)

;

CHRÉTIEN

DE

TROYES, Œuvres complètes L. MOULINIER) ; Émile

VAN

BALBERGHE,

Les manuscritsmédiévaux

de

l'abbaye

de

Parc

(B.

LAURIOUX)

Livres

reçus

155

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Médiévales

7,

automne

994,

p.

5-14

Piroska ZOMBOR

Y

-NAGY et

Véronique

FRANDON

en

collaboration avec David

EL

KENZ

et

Matthias GRÄSSLIN

POUR UNE HISTOIRE DE LA SOUFFRANCE :

EXPRESSIONS,

REPRÉSENTATIONS,

USAGES

Les essais

rassemblés ans

ce

volume

sont e fruit u

travaild un

groupe

de

jeunes

chercheurs,

ui

s est réuni une

fois

par

mois

pen-

dant deux

ans,

afin

d examiner

es

expressions,

es

représentations

t

les

usages

de la

souffrance u

Moyen Âge

et au

début de

l époque

moderne.Ce travailsur la souffrance tudiée comme un objet histo-

rique

n est

pas

la

première

entative

n ce

sens. Pour ne

citer

que

deux

entreprises

ollectives

omparables,

l

convient e

rappeler

u en

1986,

un

congrès franco-polonais

est

tenu à

Varsovie sur

La

souf-

france

au

Moyen Âge

avec la

participation

es

plus

célèbresmédié-

vistes des deux

pays

et

que

récemment,

n

colloque,

organisé par

l Université

aul-Valéry

e

Montpellier, rit

pour

thème e

corps

souf-

frant

à

l époque

de

la Renaissance2.

La

spécificité

e notretravail

tient

d abord à

son caractèrenon-

institutionnel.

l origine,

une

«

entreprise

e

copains

»

:

certains es

futurs ollaborateursde ce volume avaient eu l idée d organiserunséminairemensuelhors les mursuniversitaires,uvert tous les

jeu-

nes

intéressés,

tudiants

de

doctorat ou

de

maîtrise3.Les

études de

1. La

Souffrance

u

Moyen

ge,

Cahiers e

Varsovie

4,

Varsovie,

988.

2.

Corpus

olens. es

représentations

u

corps

ouffrant

u

Moyen

ge

au

xvue

iècle

colloque

nternational

nterdisciplinaire,

rganiséar

e

Centre

nterdisci-

plinaire

Étudesur a Renaissance

e

Montpellier,

niversitéaul-

aléry,

u

17

u

20

mars 994. ne

xposition

luridisciplinaire

ur

La

Douleur,

u-delàes

maux

,

coproduitear

a Citédes

Sciencest de l Industriet

e Ministèree

la Recherche

et de

l Espace,

vec

e

soutiene Gordonnd

Breach

nc.,

est

galement

enue

la Villetteu

15

octobre 992

u

29

août1993.

3. Nous enons

remerciernne

utissier,

artine

louzot,

ean-Louis

oletta,

David lKenz, osefaallego, atthiasrässlin,alentinrœbner,hristianeattke,

Sylvain

irón,

Martin

orter,

écile

uentel,

laudia

ademakers,

ikiaus

chlatz-

mann t William

aylor our

eur

articipation,

e

même

ue

e

Collège Espagne

de a

Cité

Universitaire

our

ous voir

racieusement

rêté

a salle e

bibliothèque

pendant

es

deux

nnées.

nfin

ue

toute

équipe

e

Médiévalesrouve

ci

expres-

sionde notre

ratitude.

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POUR UNE HISTOIRE

DE LA

SOUFFRANCE

7

Les travaux récents ur le sujet - qu ils relèvent e la philoso-

phie,

de la médecineou des sciences sociales

-

sont

partagés quant

à la

possibilité

même d une distinction laire. Cette

réserve

ient au

dédoublement du

problème

à la

coupure terminologique

dou-

leur/souffrance en

superpose

une

autre,

portant

sur

le

caractère,

physique

ou

psychique,

du mal.

Dès

lors,

il

s agit

de

se

demander

si les deux manières

de

distinguer

es

maux

sont, d abord,

pertinen-

tes

;

ensuite,

si elles se

recoupent.

Deux

grandes

tendances

s oppo-

sent

alors

: la

première

met l accent sur le

«

flou

sémantique

,

la

«

difficulté

eprésentationnelle

8,

tandis

que

la

seconde

cherche à

affirmer ette double distinction.Selon le

camp

des

sceptiques9, ouffrance

t douleur ne

répar-

tissent

pas

entre elles le domaine

psychique

et

physique

sans ambi-

guïté.

La définition

e l Association nternationale

our

l étude de la

douleur

IASP) coupe

courtà toute distinction e domaineset de ter-

mes

:

«

la douleur est une sensation

désagréable

et une

expérience

émotionnelle n

réponse

à

une atteinte

issulaire

éelle ou

potentielle,

ou décrite

en

ces

termes 10.

D après

un

argument

dont se servent

souvent es médecins

pour

soutenir

a

quasi-synonymie, réquemment

douleur

physique

et souffrancemorale

s accompagnent

t se

provo-

quent

mutuellement.

elon

l analyse

de

J.-B.

Pontalis,

cet embarras

devant le phénomène se retrouve même dans la terminologiede

Freud

11

.

Dans l autre

camp,

Paul Ricoeur

ustifie

a distinction

oncep-

tuelle

il

réserve

e termedouleur

à

des affects essentis omme oca-

lisés dans

le

corps,

et le

terme

ouffrance des affectsouverts ur

la

réflexivité,

e

langage,

le

rapport

aux sens12.La

distinction,

lus

courante

oire

plus

«

spontanée

dans

l usage quotidien,

ntre

a

dou-

leur

qui

serait

physique,

t la

souffrance,

e nature

morale,

va dans

le même sens. Jean-Marie

on

Kaenel,

s

appuyant

sur les

disciplines

du

vivant omme sur les sciences

humaines,

alide ce double

partage

douleur

renvoie

au

corps,

à la

sensation,

constitue

un

processus

physiopathologique, objectivable et localisable souffrance envoie

à la

psyché,

l émotion,

et

apparaît

comme une

réponse subjective

8. C.

Marquez,

Le mal

hronique

,

dans

ouffrances,p.

cit.,

p.

34.

9. Ibid.

C.

Montandon-Binet,

Sur e

concept

e seuil e tolerancela dou-

leur

,

dans a Douleur.

pprochesluridisciplinaires

A.

Lafay

dir., aris, 992,

d. 75.

10.Cité

ar

C.

Marquez,

Le mal

hronique

,

dans

ouffrances

op.

cit.,

.

36

et

par

J.

Bruxelles,

La douleur...

, ibid.,

.

19.

Soulignéar

es

auteurs.)

11. Selon

ui,

Freud

est

galement

eurté

cette

ifficulté

angagière,

isible-

ment

nfranchissable,ui empêche

nedistinction

onceptuelle

laire

il

s était ervi

d unmodèledentiqueour écrireouleurhysiquetdouleursychique,tcelanon

pas

à l aidede

métaphores,

ais

par analogie.

f. J.-B.

ontalis,

Sur a

dou-

leur...

,

loc.

cit.,

p.

259.

12. P.

Ricœur,

La souffranceest

as

a

douleur

,

dans

ouffrances,p.

cit.,

p.

59.

Page 14: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 14/163

8

P. ZOMBORY-NAGYt V. FRANDON

à la douleur13. C est bien le partage entredimensionobjective et

subjective,

enforcé

ar

la

sémantique, ui

est

souligné

dans la défi-

nition

donnée

par Roselyne Rey,

auteur d une

Histoire de la

douleur14.

Nous

sentant

plus proches

de ceux

qui

tiennent

distinguer

es

deux

notions,

e terme e

«

souffrance

semblait nos

yeux

plus

riche

que

celui de

«

douleur

»

:

nous avons donc décidé de travailler

ur

la

souffrance.

C était cibler notre

enquête

sur la

dimension

ubjec-

tive

-

telle

qu elle

s exprime

et se

représente, râce

à la

réflexivité

que

nous

avons circonscrite

lus

haut

-

,

bien

plus que

sur

l image

objectivéedes maux subis. La douleurapparaîtdifficile saisir elle

semble,

ux

yeux

de l historienu du

sociologue,particulièrement

pte

à

échapper

au

témoignage

des documents.

À

l inverse de la nature

fugace

de la

douleur,

la

souffrance

exprimepar

la

parole,

l écrit,

les arts.

En

outre,

parler

de

«

souffrance

permet

de ne

pas perdre

de vue la

douleur

iée

au

corps, puisqu elle

peut

être à

l origine,

ou

constituer

n

aspect,

de

la souffrance

xprimée.

Ainsi,

l histoire

de

la souffrance e situe

à la

lisière

de

l histoire

du

corps

et de

celle des

sensibilités.

inalement,

a diversité

ossible

des

représentations

e

la

souffrance

ermet galement

d étudier a

perception

ociale ou indi-

viduelle

des

douleurs

corporelles.

Cette

«

réduction de notrerecher-

che à la notion de souffrance elleque nous l avons définie, elle de

la douleur

objectivée)

étant

retranchée,

deux

conséquences.

Si

elle

nous

permet,

d une

part,

de tenir

compte

de souffrances

origines

diverses,

lle nous

a

obligés,

d autre

part,

à exclurede

notrehorizon

un

grand

ensemble

de

questions qui portent

tricto ensu sur l his-

toire de la notion

physiologique

de douleur15.

Des

sensibilités n

histoire

Cette

imitation vait

pour

conditionun

parti pris théorique, ui

consiste considérera souffrance ou du moins ce que nous pou-

vons en

percevoir

comme un

phénomène

culturel. Ce

parti pris

impliqueque

la

souffrance,

elle

que

nous la

concevons,

e manifeste

et

signifie

e

manières

différentes une

civilisation

l autre,

d une

époque

à l autre

qu on

puisse

en faire un

objet historique.

En

con-

séquence,

nous

pouvions

dès lors éviter

de

nous mêler

au

débat sur

la

part respective

u

«

naturel et du

«

culturel dans la vie affec-

tive. Ainsi nous avons choisi

de traiter e

l expression,

de la

repré-

sentation

de la souffrance

t

de ses

usages

sociaux.

Défini

ainsi,

notre

projet

s inscrit dans la

lignée

des travaux

engendréspar

la

proposition,

ancée

par

Lucien Febvre

il

y

a

plus

13.

J.-M.

on

Kaenel,

Éditorial

,

dans

ouffrances,p.

cit..

p.

13.

14. R.

Rey,

Histoire

e la douleur

Paris, 993,

p.

6-7.

15. Sur es

problèmes,

f. e

livre

e

R.

Rey,

ité

upra.

Page 15: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 15/163

POUR UNE HISTOIRE

DE LA

SOUFFRANCE 9

de cinquante ns16,d écrire histoiredes sensibilités, ù il s agissait

de rendre

ompte

des

changements

urvenusdans

la

perception,

es

affects,

a vision du monde au

cours de

l histoire,

en

utilisant

a

psychologie

ollective.Formulé

parallèlement l analyse

du

«

proces-

sus de civilisation es mœurs

par

Norbert

lias,

le

projet

de Lucien

Febvre

décrit histoire

uropéenne quivalente

pour

lui du

processus

de

civilisation

e N.

Élias,

comme le

lent refoulement es

émotions

au

profit

e l activité ntellectuelle.

l

s est révélé

depuis que

cette

pro-

position pour

présupposé

fondamentala

croyance

elon

laquelle

les

catégories

et

procédés

de la

psychologie

du

xxe

siècle

peuvent

être

considérés ommeuniversellementalables. Parmi les études ssues dece

projet

aussi difficile

u attirant,

n

peut distinguer

eux écoles ou

plutôt

deux

époques,

la

ligne

de

partage

étant

précisément

adhésion

ou non à cette

croyance.

Le travailde Jean Delumeau

sur

La Peur

en Occident

ppartient

à la

première

endance.Dans son

ouvrage,

auteur

part

d une

analyse

des

phénomènes

de la

peur

et de

l angoisse par

la

psychologie

t la

psychanalyse, our

décrire e

qu il

voit comme le malaise

pathologi-

que

de l Occident chrétien ntre es

XIVe

et

xviie

siècles.

Il

s appli-

que

à la

description

minutieuse es états affectifs

besoin

de

sécurité,

attachement

rimaire...) ui

caractériseraient

homme et

motiveraient,

universellement,on comportement7 et qui, dans le cas présent,

expliqueraient

entièrement

angoisse

collective de

l Europe.

La

méthode

u il préconise

ux historiens

es sensibilitésonsiste

«

opé-

rer la

double

transposition

u

singulier

u

pluriel

et de l actuel au

passé

»18. La démarche

de J. Delumeau

se

fonde

sur

deux

présup-

posés,

hérités es travaux

de Lucien

Febvre,

qui

nous

semblent ésor-

mais discutables.

Le

premier

onsiste

en une

vision

rétrospective

e

l histoire

n tant

qu évolution quasi-biologique

du

genre

humain,

qui

se

complètepar

une confiance

otale

dans

la

validité nébranlable

de

la démarche

cientifique

ontemporaine

le second

contient idée

que

l on

peut,

à l aide de la

psychologie,

pénétrer

ans les

ressorts

achés

d une civilisation,...] en découvrires comportementsécus maispar-

fois

inavoués,

[...]

la saisir dans son

intimité t ses

cauchemars

u-

delà

du discours

qu elle prononçait

ur

elle-même 19.

L image

cari-

caturale

de

l Europe apeurée qui

en résulte

llustre

bien les

dangers

de cette méthode.

16.

L.

Febvre,

La sensibilitéans histoireles courantsollectifs

e

pensée

etd action

,

dans a sensibilité

e hommet de a nature10e emainenternatio-

nalede

Synthèse

7-12

uin 938

Paris, 943,

p.

77-100

repris

ous e titre La

sensibilitét histoire

commenteconstituera vie ffectiveautrefois

»,

Annales

d Histoire

ocialet.

3, 1941,

°

1-2, p.5-20,

ansCombats

our

Histoire

Paris,1953.

17. J.

Delumeau,

a

Peur n

Occident

xiv-xviw

iècle).

ne ité

ssiégée,

aris,

1978,

n

particulier

introduction,

p.

1-27.

18. J.

Delumeau,

a

Peur...,

p.

cit.,

p.

20.

19. J.

Delumeau,

a

Peur...,

p.

cit.,

p.

12.

Page 16: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 16/163

10 P. ZOMBORY-NAGYt V. FRANDON

En coupure radicale avec ce type d approche, les travaux

ultérieurs20,

lus prudents

face aux

transpositions

asardeuses,

ont

établi

qu il

existe une corrélation troite ntre e

comportement

es

gens

et

les

convictions

hilosophiques

t

scientifiques

e leur

temps21.

Comme Marcel Gauchet

l a

montré,

a

théorie

psychanalytique

lle-

même doit être reliée au contexte

cientifique

t

plus

largement,

is-

torique

et

social,

dont elle a

émergé22

et on ne

peut

nier

que

la

psychanalyse

it

également

ransformé

a

réalité

qu elle

sert à décrire

-

en

particulier

a

pratique

t

l expérience

e la sexualité t de l édu-

cation. Cette démarche se réfère

une

théorie de la

construction

sociale de la réalité, elon laquelle les comportementsont largementcommandés

par

les modèles dont les individus

disposent

dans une

société donnée23. C est cet axiome

qui rompt

avec le

projet

de

L. Febvre.

Une

correspondance

écessaire instaure ntre a

grille

de

lecture

proposée

et

imposée par

le

système

e valeurs et de

représen-

tationsdominant

d une

société

donnée,

et la

perception

ffective

ue

ses membres

euvent

voir d un

phénomène.L expérience,

enfermée

dans les codes

qui

servaient

l exprimer

utrefois,

n est

pas

directe-

ment

ccessible

le

sujet

ne

peut

mettre

n

mots son vécu

propre u à

l aide

des

codes et

représentations

n

vigueur,

ux-mêmes

oumis

aux

transformations

istoriques.

e

n est

pas l expérience,

mais ses

repré-

sentations, u on doit viser à reconstituer t à comprendre.

Une

application

éussiede la démarche

roposée peut

se lire dans

le livre du

sociologue

allemand Niklas

Luhmann,

qui

traitedu code

de

description

t de communication moureuse dans la modernité

l auteur

ne cherche

as

à

faire histoire

un

sentiment

éel,

mais

celle

du

code

sémantique qui permet

de le

représenter24.

outefois,

à

l intérieurmêmede

cette

perspective,

ne distinction oit se faire ntre

les

chercheurs

ptimistes A. Corbin)

et

les

plus

radicaux

(M.

Gau-

chet,

N.

Luhmann)

les

premiers spérant

encore

pouvoir

saisir le

mode de

présence

au monde des hommes

du

passé25,

alors

que

les

seconds

ne

visent

qu à interpréter

es

représentations.

Il est nécessairede tenir omptede cette nteraction ntrethéo-

ries

scientifiques

t

représentations

ociales

de

l expérience

ffective,

lorsqu on

entreprend

ne

enquête

historique

u

sociologique portant

sur

les sensibilités.

échec de

la tentative

our transplanter

a

psycho-

logie

dans l histoire

nous

oblige

désormais

à réduire nos ambitions

et

à scruter

oigneusement

es codes

qui

servent décrire es sensibi-

lités d une

époque

donnée.

Bien

qu on

cherche saisir un au-delà du

20. Cf. article

éthodologique

A.

Corbin,

Histoiret

anthropologie

enso-

rielle

,

dans

Le

Temps

le

Désir

t Horreur

Paris, 991,

p.

227-244.

21. Cf.

A.

Corbin,

e Miasme

t

a

Jonquille.

Odorat t

imaginaire

ocial

(xvme-xixeiècle), aris, 982.

22. Cf.

M.

Gauchet,

Inconscient

érébral

Paris,

992.

23. Cf. e séminaire

e M. Gauchet

l EHESS

séance

u

2/03/1994).

24. N.

Luhmann,

mour omme

assion,

aris,

990.

25. A.

Corbin,

Histoiret

anthropologie

ensorielleloc.

cit.,

p.

228.

Page 17: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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POUR UNE HISTOIRE

DE LA

SOUFFRANCE

11

discours,ce n est qu à partirdu discoursque nous pouvons procé-

der,

de sorte

qu il s agit,

avant

tout,

de

comprendre

n

quoi

consiste

son en

deçà

Ainsi

devons-nous

nterroger

e contexte

récis

religieux,

scientifique, ocial)

dans

lequel

naît un

type

de discours

sur

la souf-

france,

de même

que

rattacher es

représentations

leurs

fonctions

sociales.

C est

également

ans cette

perspective u on

doit chercher com-

prendre

intérêt

écent

pour

la souffrance t la

douleur,

dont

témoi-

gne

le foisonnement

es travauxdans tous les domaines des sciences

de l homme

depuis quelques

années.

Bien

qu elle

ait

toujours préoc-

cupé les artistes,a souffrance été priseen comptetrèstardivement

par

les sciences.Luc

Boltanski,

dans son livre ntitulé a

Souffrance

à distance

6

,

dont le

propos principal

st la

justification

e la

poli-

tique

humanitaire,

met en

rapport

éveil de l intérêt

pour

la souf-

france vec la constitution

un

espace public.

Ainsi

comprend-on

e

développement,

ès le

XVIIIe

iècle,

d une

«

politique

de la

pitié

»

-

l obligation

morale,

portée

ur

espace public,

de

réagir

ux malheurs

des

autres

-

,

en corrélation troite vec l élaboration des droits de

l homme,

dont relève

e droitde l homme au bonheur. La souffrance

porte

atteinte

précisément

ce

droit et

la

prise

en

charge publique

du bonheur

mplique exigence

morale

d y

porter

remède.

De cette

sorte,via l examen des racineshistoriques e la politiquehumanitaire,

nous

voyons

s opérer

la

conjonction

délicate du

politique (se

récla-

mant de la

publicité

et d une

objectivité

certaine)

et de l affectif

(domaine

le

plus

individuel t

le

plus subjectif ui

soit).

Après

avoir

montré es

difficultés une

telle

rencontre,

auteur

analyse

trois

«

topiques

»

-

trois manières

de rendre

compte

de la

souffrance

d autrui

-

,

dans la double

articulation e leur évolution

historique

et de leur

agencement

tructural.

Au-delà de

l analyse

des difficultés

ui agencent

ctuellementes

comportements,

ouvent

paradoxaux,

face à la

politique

humanitaire

médiatisée,

e

livrede L. Boltanski

permet

d éclairer

importance

u

phénomènepour notre société. Inacceptabledepuis toujours - bien

qu on

l ait

chargée

de

sens

symboliques

parfois positifs

la souf-

france l est

encore

plus

dans

une société

qui

n a

pour

horizon

métaphysique

ue

son

propre

déploiement.

arallèlement u

déplace-

ment du mal

qui

cause la souffrance

descendu du ciel

(et

monté

de

l enfer)pour

se

loger

d abord dans les autres

et

ensuite

n chacun

de

nous

-

la

quête

du

soulagement

doit

également

e

tourner

vers

nos

propres

moyens.

La

cause,

bien

que

souvent

nconnue,

ne

peut

plus

être

ttribuée des

puissances

nvisibles

l attention oit se foca-

liser sur

la chose

même. C est dans

cette

optique que

l on

comprend

pourquoi

la

médecine,

cience

a

plus

immédiatement

oncernée,

mal-

gré intérêt u elle avait toujoursmanifesté nvers a douleurqu elle

26. L.

Boltanski,

a

Souffrance

distance.

orale umanitairemédias

t

poli-

tique

Paris,

993.

Page 18: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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12 P.

ZOMBORY-NAGYt V. FRANDON

essaye de circonscrire, e soulageret de supprimer, e la considère

comme

objet

d étude à

part

entière

que depuis peu27.

La douleur

vient à

peine

de s affranchir u

joug

de ses causes et

d acquérir

un

statut

utonome ux

yeux

des

scientifiques, epuis qu il

est admis

que

quelqu un

peut

souffrir,

ans son

âme et dans

son

corps,

sans raison

apparente,

ou

éprouver

un mal

corporel

sans cause

organique.

C est

au sein de

ce

processus

global qu a pu

s établir

un

lien,

inimaginable

auparavant,

entre

malaise

psychique

t

douleurs

physiques, orsqu on

a

compris ue

le malaise

de l âme

est

capable

de

produire

on

expres-

sion

organique

ce lien a ensuite

permis

d isoler

et de traiter

es

mala-

diespsychosomatiques entre utrespar la diffusion es médicaments

antidépresseurs.

invention t

l usage

de la

piqûre péridurale, ui

sou-

lage

la douleur

de

l accouchement,

ongtemps

nvestie,

n terre

hré-

tienne,

d une

charge

métaphysique

rès

grande, témoigne

dans

le

sens

inverse

de la même mutation

du

statut

valeur

et

sens)

de la

douleur.

Du sens

des souffrances nciennes

Le lecteur

rouvera ci six essais

ayant

tout d abord comme

point

commun la participationde leurs auteurs à la réflexionde notre

groupe,

mais aussi

le cadre

chronologique

d un

Moyen Âge

chrétien

long,

dont on identifie

a

fin

à l éclatement

de

l entitémédiévale

de

la

Chrétienté

û aux

guerres

de

religion

t à

l apparition

d une reli-

gion

occidentale

moderne. S ils

portent

ous sur

la

perception

de la

souffrance,

es

sujets

abordés

peuvent

être

groupés

autour de deux

axes.

Le

premier

pour problématique

majeure l expression

et

la

représentation

e la souffrance

le second s articule

utour

des

fonc-

tions et

usages

sociaux des

souffrances,

ui

commandent acte de les

infliger

soi ou à

autrui.

Les travaux

du

premiergroupe s interrogent

ur les

moyens

-

artistiques t corporels- de l expressionde la souffrance t souli-

gnent

eur ambivalence.

L article

de Christian

Kiening

nalyse

a

rhé-

torique

de la

perte

à

partir

de la

complainte,genre

apte

à illustrer

les

problèmes

posés par

la

transcription

ittéraire u deuil

chrétien,

dont on connaît

es

ambiguïtés.

our ce

faire,

auteur choisitun évé-

nement,

a mort

d Isabelle

de

Bourbon,

et montre

omment a

trans-

formation

ittéraire

omplète

es

informations

istoriques ue

nous

fournissent

autres

sources sur

la souffrance

prouvée par

ses

pro-

ches.

L étude de

Martine Clouzot s intéresse

la manière

dont

les

moyens

rtistiques

rennent

n

charge

a

souffrance,

ar

une mise en

27. Cf.La

Douleur,

u-delà es

maux,

p.

cit.,

Avant-propospar

G. et M.

Lévy,

.

1

I.

Baszanger,

Émergence

un

groupe

rofessionnel

t travaile

égi-

timation.e

cas desmédecins

e a douleur

,

dans a

Douleur,

pprochesluridis-

ciplinaires,

p.

cit.,

pp.

135-166J.-M.

esson,

a Douleur

Paris,

992.

Page 19: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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POUR

UNE HISTOIRE

DE LA

SOUFFRANCE

13

abîme des genres son articleutilise es sources conographiques ai-

sant

apparaître

des

instruments

e

musique.

Les

images

accusentune

division

nette

des

sons et des

instrumentsu

Moyen

Âge,

les uns

-

les instruments

u

bas

-

soulageant

a

souffrance

ar

leur sonorité

douce,

alors

que

les

autres,

es instrumentsu

haut,

apparaissent

our

illustrera violence de la souffrance

ue

leur

son contribue

causer.

Enfin

article

e

Piroska

Zombory-Nagy

raite u

sens médiéval

onné

à l un des

gestes orporels

onventionnellementenu commeun

moyen

d exprimer

a souffrance les

pleurs.

Dans cet

essai traitant e

l exé-

gèse

médiévale

des trois

occurrences es larmesdu Christ

dans sa vie

terrestre,l s agit de montrer omment interprétationhéologiquedeces lieux

scripturairesnigmatiques permis

de construire n

modèle,

par

le

rapprochement

e ces larmes avec

celles

que

le

chrétien oit

verser

pour

imiter e

Christ. Dans les

deux

cas,

les larmes

paraissent

un

remède à la souffrance

lutôt qu un moyen

de

l exprimer.

On sait

que

le

pouvoir

de

faire

souffrir

st

(et

a

toujours été)

une des

caractéristiques

t

des fonctions

onstitutives

u

pouvoir,

du

moins dans toute ociété

non- ou

pré-démocratique.

ans les troisder-

niers

essais,

la souffrance

rend

son sens

relativement u maintien

et/ou

au bouleversement e l ordre

social,

par

l institution abord

religieuse,

nsuite

étatique.

Anne

Autissier

analyse

le

problème

de

l effusion e sangdans le cadre du mouvementes flagellantse 1349.

En

partant

du contraste

ui

se dessine entre e

discours

ecclésiastique

et

le

discours

ropre

des

flagellants

ur

ce

sujet,

elle montre

ue

l attri-

bution aux

flagellants

e

l acte d effusionde

sang

aide

l Église

à

les

condamner.Dans les

significationsu on

donne à la

souffrance

nfli-

gée

à

soi-même,

l

y

va du

sens social d un tel

acte,

suivant

a

pers-

pective

dans

laquelle

on

se situe

perspective

mmédiate

e

pénitence

et

de

salut

pour

les

flagellants,

yant

un

horizon

eschatologique

et

une

référence

hristique

perspective

ormative

arge pour

l Église que

l activité es

flagellants

menace

dans son

monopole

de

médiation vec

l au-delà.

L article de David

El

Kenz

étudie,

quant

à

lui,

la

naissance

et le fonctionnementun discours calviniste ur la souffrance,ors

de

la

description

e leurs

persécutions

ntre1557

et 1563. Ce

discours

(comme

le discours des

flagellants ailleurs)

met en

scène la souf-

francedes

martyrs rotestants

omme un

duplicata

de la

souffrance

du Christ. Ainsi

le

supplice

devientun

lieu du

déploiement

u divin

au

sein

du

martyre

t

permet

e transcendere

jugement

errestre

ar

l intervention

engeresse

e la colère divine.

Enfin,

Valentin Grœb-

ner,

dans

une

étude

de la

perception

de la

violence à

Nuremberg

la

fin du

xve

siècle,

montre

ue

les

douleurs

nfligées euvent

tre

per-

çues

comme cruelles

quand

elles menacent ordre

social,

alors

que

la

violence,

mise

en

scène

dans toute

son

horreur, eut

servir

reflé-

ter l ordre - voire, à le maintenir.

Notre

société,

où le

discours

politico-idéologique

ominant

place

la

qualité

de

vie,

le bien-être u

premier lan

des

préoccupations

e

Page 20: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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14 P.

ZOMBORY-NAGY

t

V. FRANDON

chacunet des responsables e la vie publique,estaujourd huien crise.

Contrairement

ce

qu on

pourrait

ttendre

d un

monde

qui

a

pour

horizon

principal

e bonheur des

gens,

elle

produit

de

jour

en

jour

plus

de

souffrances,

u-dedanscomme au-dehorsde ses

frontières.

n

ne

peut

éviter

e choc violent e

leur rencontre. a

télévision,

e

métro,

entre

autres,

ntroduisent ous les

jours

le malheur

dans

le

confort

privé

de nos

vies. La

quantité,

a

proximité

t

l ampleur

des souf-

frances endent

e moins

en

moins

possible éloignement

nsouciant.

Nous vivons

dans une société

qui

a

pour principe

e

base l interchan-

geabilité

des

places (sociales

et

psychologiques)28,

ù le mal de

l autre,obligatoirement,ous affecte or l image que nous formonsde ceux

que

nous ne

percevons

u en

tant

que

« malheureux

,

met

en

évidence

es limitesmêmes

de ce

principe. L analyse scientifique

des

souffrances,

ociales

et

individuelles,

hysiques

t

psychiques,

mon-

tre

qu elles

touchent

u

plus

près

au fonctionnement ême de cette

machine

à bonheur

que

voudrait

être la

société

démocratique.

Le

dévoilement

es mécanismes

achés,

qui

en

sont

responsables, ermet

aussi de

comprendre

otre

part

dans

leur création29. ette

pression

croissante,

nséparable

des raisons

scientifiques

u on

a

évoquées,

explique

probablement

intérêt ont

bénéficie e

phénomène

ans

tou-

tes les

sciences

de l homme.

28.

Cf. e séminaire

e M. Gauchet

l EHESS, 1993-94,

iscussions.

29. Cf.

Actes e la Recherche

n sciences

ociales

90,

«

La

Souffrance

,

déc.

1991.

Page 21: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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Médiévales

7,

automne

994,

p.

15-24

Christian

KIENING

RHÉTORIQUE

DE

LA PERTE

L EXEMPLE DE LA

MORT D ISABELLE

DE

BOURBON

(1465)

La

position

du

Moyen

Âge

chrétien

ace au deuil

était,

on le

sait,

ambivalente.

Un

système otériologique

omme e

système

hrétien ù

la mortne possédaitqu un caractère e transitusoù le temporel taittranscendé

ar

l éternel,

vait du mal à

intégrer

e

phénomène

d un

deuil

intramondain,

hénomène

néanmoins

anthropologique1.

Ainsi

voit-on ôte à côte des relati isations u des

réglementations

u

deuil,

commençant

vec

l interdit

ncore

modestede

l apôtre

Paul

(I

Thess.

4,

13

sq.),

et

des

acceptations

d un dolor iustus

(par exemple

chez

saint

Augustin).

l

faut

cependant

ttendre établissement t le

déve-

loppement

des littératures ernaculaires ès

le

XIIe

iècle

-

et avec

ceux-ci

des

conceptionspas originellement

hrétiennes

pour

voir

les

expressions

du deuil et

de

la douleur s étendre

et

s enrichir2.

Cette

«

réhabilitation u deuil

»,

qui

ne

cherchait

as

la confronta-

tion directe vec le modèle chrétien e la consolatio l influençaitour-

tant

profondément.

es dimensions

un

long processus

de

transfor-

mation se manifestentlairement u cours

du

XVe

iècle où

apparais-

sent des

traités,

sous

la

plume

même des

clercs,

qui justifient

es

expressions

u deuil et de la douleur en tant

qu articulations ropres

à

la

nature

humaine

par

exemple

Guilelmus

Savonensis,

An mortui

lugendi

unt an non

,

où la

représentation

es

pleurants

e fait

cons-

1. P. von

Moos,

Consolatio

Studien

ur

mittellateinischenrostliteraturber en

Tod

und

um

Problem

er hristlichen

rauer

4

vol.,Munich,971/72,

.

129

q.

(contientussi nebibliographiebondante)U.Mennecke-Haustein,uthersrost-

briefe

Gütersloh,989,

.

99

sq.

G.W.

McClure,

orrowndConsolationn ta-

lianHumanism

Princeton,

991.

2. G.

Duby,

Reflexionsur a douleur

hysique

u

Moyen ge

,

dansMale

Moyen ge

Paris, 988,

p.

203-209

voir

ussi

es ctes

u

colloque

I dolore

la

morte

ella

piritualità

ei ecoliXII e

XIII,

Todi,

1967.

Page 22: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 22/163

16

C.

KIENING

tituantedes monuments unéraires3, ù complaintes n prose et en

vers,

déplorations

unèbres t

épitaphes

forment

es modes littéraires

auxquels presque

tous les

auteurs

participent4.

Je

retiens

ci le

genre

de la

complainte ui

me

semble

pte

à

illus-

trer es

possibilités

t

les

problèmes

d une

description

historique

du

deuil.

Étant enracinéedans

le

planctus

latin,

la

complainte

trouvé

dans

les

langues

vernaculaires,

n

particulier

ans les

langues

roma-

nes,

des formes

pécifiques émoignant

une évolution utonome du

genre.

Ce

qui

est

caractéristique

e cette évolution

-

que

l on

peut

suivred Eustache

Deschamps

et de Christine

e

Pizan

jusqu aux

deux

premières énérationsdes « grands rhétoriqueurs

5

- c est l aug-

mentation

de

l ampleur

et surtout

a

croissante ubtilité

hématique

aussi

bien

que

formelle

jeux

de

mots,

mètres

omplexes,

ffets ision-

naires

et

allégorisations

inscrivent

ans une

poétique

de l intertex-

tualité et de l autoréférence

ui

touche au

maniérisme6.

n

même

temps,

interaction e l émotion

et de la

rhétorique,

onstitutive

our

toutes sortes des

complaintes, rend

des dimensionsnouvelles.

On

y

joue

avec la

dialectique

de

proximité

t

distance.

On

ne

déplore pas

la mortde sa

propre pouse,

mais la mortde

personnes

e haut

rang

et on

s adresse

insi

à un

public auprès

de la

cour,

cercledont auteur

lui-même ait

partie.

On se réfère

un

consensus

présumé

par lequel

l auteur devient orte-parole e la communauté,mais qui réduit ussi

les libertés

de Yinventio

poétique.

Ainsi,

les

complaintes

e situent u

point

d intersection e deux

lignes

la

lignediachronique, ui

définit a

position

d un

texte n rela-

tion avec l évolution

du

genre,

et la

ligne synchronique, ui

joint

un

événement

istorique

son

adaptation

ittéraire. es

complaintes

our-

nissent es

renseignements

istoriques ui complètent

ouvent es

rap-

ports

des

chroniques,

urtout ur

le

plan

de

l émotion,

mais elles doi-

vent être

aperçues

dans leurs formes

pécifiquement

ittéraires.

our

mieux saisir es

interférencesntre

histoire t la littérature n

peut

considérer es

cas où

plusieurs omplaintespartent

du même événe-

ment,du même décès. C est le cas, parmid autres,de la mortd Isa-

belle de Bourbon

dont

(au

moins)

trois

complaintes

nrichissent

on

seulement

es récits

plutôt maigres

des

chroniqueurs,

mais manifes-

tent,

emble-t-il,

n tournant

u

genre

«

Au

fil

des

années 1460

»,

constate

Claude

Thiry,

le concertdes

voix

poétiques s amplifiepour

3. É.

Mâle,

L Art

eligieux

e la

fin

du

Moyen ge

en

France,

aris, 949,

5e

d.,

p.

418

q.

cf. aussi e

catalogue

e

l exposition

es

pleurants

ans art u

Moyen ge,Dijon,

1971.

4. C.

Thiry,

a

Plainte

unèbre

Turnhout,

978

avec

une

bibliographie

om-

mentée)voir ussiV. B.Richmond,amentsortheDead n Medieval arrativeNew

York,

966.

5. C.

Martineau-Genieys,

e thème

e

a mort ans

a

poésie rançaise

e 1450

à

1550, aris, 978,

.

295

q.

6. Cf. P.

Zumthor,

e

masque

t

a

lumièreLe siècle es

grandshétoriqueurs

Paris,

978.

Page 23: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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RHÉTORIQUE

E LA PERTE

17

chanter a gloire. La Mort restehaïssable,mais elle peut être domi-

née

[...]

;

de

plus

en

plus fréquemment,

e deuil est

balayé

par l apo-

théose,

les larmes séchées

au

souffle de la Renommée .

7

La

pers-

pective synchronique

onfirme-t-elleette

description

Lorsqu Isabelle

de Bourbon mourutde la

tuberculose

e 26

sep-

tembre 465 à

l âge

de 31

ans,

ce ne fut

pas

un

grand

événement

our

la

politique

contemporaine

à

part

le fait

qu elle

n avait

donné à

son

mari

qu une

seule

fille,

Marie

(de Bourgogne),

et

pas

d héritier

mâle8. La

plupart

des

chroniqueurs enregistrèrent

e

décès,

qui

fut

précédé

de

longs

mois de

maladie,

que laconiquement9.

Pour eux

l événement e plus intéressant e la vie d Isabelle fut son mariage

avec

Charles

e

Téméraire,

n

1454. Ce

mariage

politique,

décidé

sans

l accord de son fils

par

le duc

Philippe

e Bon et

arrangé

n

cachette,

se

changea

inopinément

n une

liaison

d amour

-

«

tellement

,

comme

le

dit

Jacques

Du

Clercq

dans ses

Mémoires,

«

qu il

n estoit

point

sceu

que puis que

le comte euist

espousée

».

Il

est

bien

possi-

ble

que

cette ura du

couple

amoureux it

inspiré

es auteursdes com-

plaintes,

car aucun n oublie de mentionner amour entre

sabelle

et

Charles

-

d autant

plus que

Charles,

occupé

à des

négociations oli-

tiques après

sa victoire ans la bataille de

Montlhéry,

e

put

assister

au décès de son

épouse10.

Amé

de

Montgesoie,

dans sa

complainte,

fait contraster ortementa « triumphant ictoire de Charles et le

malheurd « avoir

perdu

du

siecle

la meilleur

(v. 44/48)11.

Et une

chanson

anonymeexprime

e

regret

Isabelle

«

sans mesure et sans

compas

/ Pour

son

mary

ui

n y

fut

pas

/

Qu elle

avoit amé

de cœur

bon

»

(v. 36-38)

2.

Cette chanson de six

couplets 48 vers),

en

annonçant

un

«

piteux

recors

,

invite

xplicitement

es auditeurs

la

compassion

et conduit

successivement

usqu aux

derniersmoments

e la

mourante.

Les

deux

premiers

iers du texte décrivent e deuil de

tous les

gens

liés à

Isa-

belle et la

perte

douloureuse

qui

touche toute a

société,

Église

aussi

bienque les « pauvresgens» (v. 25 sq.). Le dernieriers ocalise e cen-

7.

C.

Thiry,

De la mort

marâtrela mort aincue

attitudesevanta mort

dans a

déploration

unèbre

rançaise

,

dans

Death

n the

Middle

ges

H.

Braeit

et

W. Verbeke

d., Louvain, 982,

p.

239-257

cit.p.

250

.).

8. Sur Isabelle f. L.

Hommel,

arie

de

Bourgogne

u le

Grand

éritage

Bruxelles,945, p.

59-66

G.H.

Dumont,

arie e

Bourgogne,aris,

982.

9. Cf.

Olivier

e a

Marche,

Mémoires

[...],

H. Beaune

tJ.Arbaumont

d.,

Paris, 833-36,

.

ll,

p.

24. La

description

a

plus

détailléestdonnée

ar

Jacques

du

Clercq,

Mémoiresdans

Chroniques

Enguerrand

e

Monstrelet,

. A.

Buchón

éd., Paris, 826/27,upp.,

.

XV, p.

59.

10.

Sur Charles f. P.

Contamine,

es

Pouvoirs n

France

Paris, 1992,

pp.87-98.

11. T.

Walton,

Les

poèmes

Amé

e

Montgesoie

,

Medium evum

t.

2,

1933,

.

133

texte

p.

21-28)

sur

Amé,

f. articleans

e Dictionnairees

Lettres

Françaises

Le

Moyen

ge

G. Hasenohr

t M. Zink

dir.,

Paris, 992, .

55

q.

12. Chants

istoriques

t

populaires

u

temps

e

Charles IIet

de LouisXI

[...],

M. Le

Roux

de Lincy

d., Paris, 857,

.

77

q.

Page 24: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 24/163

18

C.

KIENING

tre des événements, n montrant omment sabelle prend congé de

sa famille

«

son

lignage

de Bourbon

»

;

v.

40),

comment lle recom-

mande ses

parents

et finalement

a fille

qui

n était

pas présente)

Dieu.

La

fin

de la

chanson

rejoint

son

début,

où l auteur avait

demandé

la miséricorde

ivine

pour

Isabelle.

Tous les

éléments

e cette

complainte

la

lamentation,

apolo-

gie,

le

regret

t la

prière

-

sont bien connus ils se subordonnent

assez

clairement

l intention e

présenter

a

fin

de

«

madame de Cha-

rolloix de

façon

authentique

t émouvante.

Avec

sa mortbien

orga-

nisée dans

le cerclede la

famille,

sabelle

offre

exemple

d une bonne

mort hrétienne,exempled un acte harmonieux e mourir en con-

formité

vec sa

vie

qui

fut consacrée

«

Sans chesser

[...]

traittier

l accord

et la

paix

»

(v.

23

sq.).

La concordance

profonde

entre es

sentiments

e

la mouranteet ceux des

conjoints

survivants insère

parfaitement

ans

le

paradigme

«

de

l humaine mortalité

(v. 8).

Ceci est aussi

la

perspective

entralede la

complainte

d Amé de

Montgesoie

qui

donne,

en

effet,

ne

description eaucoup plus

com-

plexe

des

circonstances

u

trépas.

Amé,

valet de chambre

d Isabelle,

qui

fut

présent

la mort de sa noble

dame,

enrichit e

tableau

par

un nombre considérable

de détails

historiques

oncernant

ar

exem-

ple

le

«

grief

mal

qui

trois

mois lui dura

»

(v.

59),

les

réactionsdes

gensen face d une « pertetresmaleureuse (v. 127) ou le « findrap

d or bordé de

velours noir

»

(v. 257) qui

couvrait e

corps13.

l

pré-

sente

un

«

long reportage

imé

»,

d une

prétention

ittéraire

lus

éle-

vée,

lequel

débute

par

une forte

ttaque

contre a Mort et

s élargit

enfin vers

des réflexions

lus globales

sur

la loi de la nature et la

fragilité

umaine.

Avec son

attaque

contre a

Mort,

Amé

reprend

ne

figure

héto-

rique qui

était

déjà

établie

de cette

façon

par

Eustache

Deschamps

et

Alain

Chartier,

et dont les antécédents

se laissent

poursuivre

jusqu aux

œuvres de

Chrétiende

Troyes

et aux

planh

provençaux14.

Souvent,

chez Amé

aussi,

l élaboration

figurative

e la

personnifica-tionrestepâle ; le seulélément oncret ui apparaîtdans presquetous

les

textes st

le

«

dart

»

de la

Mort. La

figure

xprimepourtant

un

phénomène

psychologique

ssentiel

5

:

d une

part

la déviation de

la

douleur en

agression

contre une

puissance

insaisissable,

d autre

part

la substitution

aradoxale

d un

Toi

perdu

par

un

Toi

«

jamais

exis-

tant

»

qui

représente

a

«

contre-force

par

excellence,

1 « Ennemie

des

œuvres de

Nature

»

(v.

3), principe

de la

destruction,

ause

de

13. Cf.

T.

Walton,

oc.

cit.,

.

32,

qui

cite n

passage

es ivres es

comptes

A

Jehan

ulon,

our

voir

ait t refait

ar

deux ois

ng

ale

de

drap

or ra-

moisyresriche,ordé e veloursoir).14. E. Schulze-Busacker,La

complainte

es mortsans a littératurecci-

tane

dans

e sentiment

e la mortu

Moyen ge,

C. Sutto

d., Montréal,

979,

pp.

231-248.

15. Cf. H.

Stubbe,

ormen

er Trauer:

ine

kulturanthropologische

ntersu-

chung

Berlin,985,

.

100

q. (« Trauerzerstörung

nd

agression

).

Page 25: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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RHÉTORIQUE

E LA PERTE

19

la souffrance. e double caractère e l apostrophe e la Mort se mani-

feste lairement

hez

Amé

par

l entremêlementes éléments

gressifs,

plaintifs

t

glorifiants.

Après l exposition

du

grant

dueil

excessif

(v.

31),

en

particu-

lier celui du

malheureux

poux,

Amé

conduit

ses lecteurs irectement

dans

«

la maison borbonnoise

(v.

52)

pour

mettre n

scène les der-

niers

moments

de la comtesse de Charollais.

Son récit confirme

e

que

l on

sait,

par

la chanson

nonyme,

ur es recommandations Isa-

belle et

il

ajoute

très

précisément

omment a

mourante

eçut

es

sacre-

ments,

fit lire un ars

moriendi,

baisa la croix

et

rendit on

esprit.

Les réactionssont unanimes « Sospirs cuisans, langoreusescom-

plainctes,

/ Cris

angoisseux,

effusions

e

lermes

(v.

118

sq.).

Eux

aussi,

«

ces

gens

doulans

»,

attaquent

«

la Mort

maugré

»

(v.

132),

plaignent

a

perte

d un

exemple

et

d un miroirde

vertu,

expriment

une douleur

«

sans

recueil,

/ Sans faire fais

digne

de hault louer

»

(v.

215f.).

Amé,

en

reprenant

es

lamentations,

es rend

plus

généra-

les,

faisant

référence la

natureentièred une

façon

qui rappelle

es

poèmes

sur

la mort

d Orphée

;

il

imagine

que

la Terre

transformerait

«

son

vert

(v.

197), que

les éléments

rejetteraient

out ce

«

qui

a

plaisir

sortisse

(v. 203), que

les

oiseaux

changeraient

eurs chants

mélodieux

en

coy

frenesieux

(v.

205).

Mais la

complainte

ontient

déjà des points de la consolation Amé évoque le fait qu aucune

lamentation,

ucune douleur

ne

peut

ranimer n

corps

transi,

ue

tous

les hommes tomberont

ans les

mains de la mort. C est

justement

en tournant

e

regard

vers

a

nature,

ui

semble

êtreviolemment

les-

sée

par

la

mort,

que

l auteur découvre inéluctable

régularité

e

ses

lois

sa labeur

ordonnée

,

v.

233),

qu il

reconnaît

e

principe

bien

connu

de la

fragilité

umaine l homme n est

pas

autre chose

qu une

«

fleur

ui

passe

sans

duree

»

(v. 236), qu une

ombre

diminuante.

n

conséquence,

Amé

souligne

que

de

1

«

excellent

orps

d Isabelle

de

Bourbon

»

(v. 10),

couvert

par

un beau

linceul,

ne

reste

plus qu un

cadavre« pourestrehabandonné s vers» (v. 257). Et il s insère insidans une

longue

tradition hrétienne u

contemptus

mundi comme

les

plaintes

ne servent

rien,

Amé

conseille de se rendre Dieu et

il

demande

finalement e ne

pas prier

seulement

pour

l âme d Isa-

belle mais aussi

pour

la

sienne

pour qu «

amé de moult

e soye

»

(v. 270).

Ce rébus en forme

de

prière

finale

que

l on

retrouve ussi dans

la deuxièmeœuvre

d Amé,

le Pas de la

Mort)

signale

que

le

panegy-

ricus chantant a

gloire

d une

personne

morteou

vivante,

vise

égale-

ment

à

l augmentation

e la

gloire

de l auteur. Ceci

ne remet

pas

en

question

a sincérité es

sentiments,

ar la

complainte

Amé de Mont-

gesoie exprime ussi bien le deuil des parents urvivants ue sa pro-

pre

douleur,

on

«

angoisseulx esplaisir (v. 222).

Mais

le

poète oue

le double rôle du

plaignant

t du

consolateur. C est

pour

cela

qu il

tente,

en élaborant

argement

e récit du

trépas,

en

rassemblant

es

faits et des

émotions,

n

insérant irectementes

réactionsdes

parti-

Page 26: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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20

C. KIENING

cipants,de généraliser arallèlementa confrontation vec la mort.

Le

modèle,

présent

n

arrière-plan,

st encore

celui de

1

rs

moriendi.

Mais

il

ne résout

plus

tous les

problèmes ui

se

posent

face à la

mort,

qui

naissent

e

l exigence

d authenticité. n

rencontre,

ans ce drame

de la

perte

itué

au

«

Parc de Dueil

»

(v.

9),

une

ambivalence atente

entre

accroissement

hétorique

u deuil et la

nécessité

hrétienne e

l abolir.

La fin

du texte étant

encore

réservée u retour

vers

Dieu,

la consolation emble

plutôt

effectuer travers e

regard

ur a nature

en tant

que principe

de vie et de

mort.

Pour

pouvoir

estimer a

représentativité

e

cette

perspective

ur

la mort, l fautprendre n considérationa troisièmeomplainte, elle

de Pierre

Michault,

e texte e

plus

long (512

vers)

et

sans doute

le

plus

orientévers des modèles ittéraires16.

ichault,

bien

qu oeuvrant

auprès

de la cour

d Isabelle,

ne fut

pas présent

ors de sa

mort.

Il

n y

a

pas

de

raison

de douter de l indication du début

de sa com-

plainte qu il

eût

séjourné

dans ce

temps-là

«

En

ung

país

loingtain-

nement distant

(v.

1),

probablement auprès

de

Charles le

Téméraire17. e fait

que

Michault ne

pouvait

connaître

a mort

de

la

comtesse

ue

de seconde main

-

par

un

«

raport

(v. 15)

et

peut-

être

par

la

complainte

Amé

qu il

a

utilisée,

emble-t-il,

ans la

partie

finale de sa

complainte

change

profondément

a forme

du récit.

La perspective est plus personnelle, lle exclutpresquetotalement

la

présence

d un

public qui

était

si

important our

les deux

autres

complaintes

our témoigner

u

caractèreuniversel e la douleur. Au

lieu

du

récit

historique

le raisonnement

ersonnel.

La nouvelle

de la

mort

d Isabelle,

considérée

galement

n tant

que

résultat

de l action

puissante

de

la Mort

par

sa

rudesse

/ et

par

son dart

»,

v.

17

sq.), évoque

la réflexion.

our

Michault,

action

de la Mort

représente

ne

«

énormité

qui

n est

pensable que

si l on

admet

que

«

Dieu

n en tient

ompt

ou Raison

n y

voit

goûte

»

(v. 39).

Il

ne veut

pas accepter

a

«

difformité de la création

divine,

agres-

sion contre

a

nature,

contre e

principe

de la vertu

«

Ou

il

con-

vient oy estable nterrompre ou nouvellecreationreprendre autre

moyen

ur

ce ne

puis

entendre

(v. 62-64).

Les alternatives

ont,

bien

sûr,

rhétoriques,

mais elles

prouvent

e

déplaisir

de

supporter

a mort

de

celle

qui

était

«

en tout honneur

de

pure

vertu

sainte

»

(v. 50).

L auteur,

absorbé dans ses

pensées,

e

retire

ans

un

verger

ans

pou-

voir oublier.

Brusquement

l

lui arrive

«

en

estasie /

par trop pen-

ser et

par

ymaginer

(v.

78

sq.)

-

de voir

apparaître

deux dames

bien

différentes

evant

lui,

figurant

on

conflit ntérieur Vertu et

la Mort.

Ensuite,

l

se

développe

en 28

couplets

une altercation

ui,

16.PierreMichault,Œuvrespoétiques, . Folkart éd., Paris,1980,

pp.

143-169

texteritique

ans article

u

même uteur

«

Perspectives

édiévales

sur a mort

,

Le

Moyen rançais

t.

4, 1979,

p.

29-74).

17.

En

novembre

466 harlese retientomme secrétaire

ignant

(cf.

arti-

cle du Dictionnaire

es Lettres

rançaises

op.

cit.,

p. 1186).

Page 27: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 27/163

RHÉTORIQUE

E LA PERTE

21

caractéristiqueourles altercationsmédiévales, ppose plutôtdes argu-

ments

t des

concepts

que

de véritables

igures.

Vertuaccuse d abord

la Mort d être

dure,

fausse et chétive.

Celle-ci se montre

urprise,

ne

veut

pas

s y

reconnaître

t demande des

précisions.

Vertu

se

nomme

et

s explique,

en

variant urtout es

lamentations

ur

la

perte préma-

turée

de sa

«

noble

creature

(v. 158),

sur a

«

disjuncture

t divorce/

de deux

vrays

uers

»

(v.

187

sq.).

La

position

de la Mort

est,

somme

toute,

plus

nuancée.

Elle insiste ur

son

droit,

son activité

veugle,

son

indifférence

ace aux vices aussi

bien

qu aux

vertus.

Elle

répond

aux

plaintes

navrées

vec des

phrasesgénérales,

urtout

toïques,

con-

tentevoire mbued elle-même.Et c est la Mort, enfin,qui se tourne

vers

a

gloire

de la

défunte,

ui

souligne ue

c est

par

son action

même

qu Isabelle

s inscrit

dans une mémoire

éternelle

«

en

cronique

ou

hystoire

), qu elle

reçoit

a

«

gloire

de Paradis

»

(v.

289-296).

C est

la Mort

qui,

en accentuant

a

fin

«

tres

ertueuse

,

la bonne mort

chrétienne

e la

comtesse,

donne

le

branle

à une modification

mpor-

tante

du

dialogue

:

sa dernière

éplique

se

termine

ar

la

sommation,

adressée

Vertu,

de raconter es

derniers

moments,

es

dernières

hra-

ses

de

la mourante.

Vertu

donne,

après

une brève

ntroduction,

a

parole

à Isabelle.

Par cette astuce

narrative

d une double

diffraction ans le

récit,

Michault rrive rendre résenteses circonstancesu décès sans avoir

été lui-même

résent.

On trouvedans les

paroles

finalesd Isabelle

une

sorte

de combinaison

de

deux formesnarratives es

autres

complain-

tes

:

rapportant,

omme

la chanson

anonyme,

en

discours

direct es

prières

de la

«

gisant

»,

Michault suit

en même

temps

l élaboration

plus

détaillée

de l acte

de mourir

qu avait

donnée Amé. Les

prières

elles-mêmes e

rattachent

celles,

fortement

épandues,

des livres

d heures

et des

livresde bien

mourir.

sabelle,

en insistant ontinuel-

lement ur

la

pauvreté

de

la

créature,

mplore

a miséricorde

u

Dieu,

créateur et

rédempteur,

aide

de Notre Dame et des saints.

Elle

s adresseenfin son époux absentet prendcongéde sa famille.Tousles élémentsde cettedernière

phase

sont en

parfait

accord avec la

description

Amé

: la lecture

de l ars

moriendi

le souhait des inter-

cessions

après

la

mort,

le baisement de la

croix,

etc. C est encore

l exemplarité

une mort

ui

s y

manifeste

t

qui

est

soulignée

de nou-

veau dans les deux derniers

ouplets par

la bouche de

Vertu.

Or,

la

complainte

e PierreMichaultdoit se

comprendre,

n

rap-

port

avec celle

d Amé,

en

tant

que conceptioncomplémentaire

ussi

bien

que

contrastante.

Michault n offre

pas

un

deuxième

reportage

complet

des circonstances

e la mort

d Isabelle,

mais

il

fait de néces-

sité

-

son absence

à

l événement

vertu.

l

transfère oute action

dans un espace clos qui, vide de presquetous les aspectsd un public

de

cour,

reflète a

réciprocité

e

l intérieur t de l extérieur

juste-

ment

u centrede

l altercation,

a

Mort

apprend

à Vertu

qu elle

avait

déjà

entendu

arler

de

son

aveuglement

en

ung

traictié

ar

cest

auteur

dité

»

(la

Dance

aux

aveugles

v.

210).

Ainsi Michault suit e modèle

Page 28: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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22

C. KIENING

littéraire u récit llégoriquerêvé où l individu ongeant st lui-même

impliqué,

mais

il

caractérise on

apparition

expressément

et de

manière

plus

différente

ue

dans la Dance aux

aveugles

-

comme

une

«

ymagination

n

estasie

»,

pas

comme un rêve.

Quoique

l atti-

tude de Michault

face à cette

apparition,

ugée

en tant

qu aberration

des sens

(v.

80

;

«

la dure

frenesye

,

v.

77),

reste

critique,

es

ter-

mes dont

il

use manifestent

ependant exigence

d une

plus

grande

véridicité

de cette

«

ymagination que

celle d un

rêve.

Comme

Michault ne

pouvait pas dépasser

la facticité u

récit de

son

prédé-

cesseur,

l

cherchaune nouvelle authenticité

ui

se fonde

sur les

faits

connus, mais qui les insère dans un processusd expérience.

On

peut y

trouver a raison du

changement

e

registre

ssez

frap-

pant

entre e

dialogue

et

Yexemplum

8.

L altercation entre a

Mort

et Vertune résout

pas

le

problème

principal l acceptation

de la mort

d Isabelle.

Bien

que

la Mort ait

les meilleurs

rguments,

Vertu,

obs-

tinée,

ne

cesse

pas

ses

complaintes,

ar

l argumentation

est

pas

suf-

fisante

pour

faire

comprendre

et événement

ugé

inconcevable

ce

qui

est

nécessaire,

est

la

représentation

u

trépas.

C est elle

qui

con-

firme e

qui

n était

connu

d abord

que par

ouï-dire,

t c est

par

elle

que

la mort en tant

que figure

nsaisissable st

transformée

n

mort

en tant

qu événement

historique.

l

est ainsi

significatif ue

le

seul

élément ue Michaultajoute sur le plan des faits soit le derniermot

de la mourante

«

Credo

»

(v. 496).

Ce

mot

peut

être

conçu

égale-

ment omme

aveu de l auteurd avoir

accepté

ce

qui

lui

était u début

inacceptable.

Seulement la

fin

de la

vision,

se

retrouvant

eul dans

le

verger,

l

est

capable

de constater

«

j apperceux par

ce

que

lors

j oy

/

que

Mort avoit de

la

dame

joý

»

(v.

507

sq.).

Michault

s approche

ainsi

du

processus d expérience,

du modèle

dialectique

de

la

Consolatio

Philosophiae

de Boèce

(qui

est cité

par

Vertu),

sans

l atteindre.

l

ne scrute

pas

le

raisonnement

hilosophi-

que

sur

l existence

humaine,

mais la

prolongation

e la vertu u-delà

de la mort.

Pourtant

l a

saisi,

à travers a

double

diffractionu

récit,la problématique e l individuface à l événement istorique t la ten-

sion

entre es faits

«

réels

»

et

la

connaissance

personnelle

et il

a

senti,

plutôt

nconsciemment,

a nécessité

du

«

travail du deuil

»

qui

s exprime

de

plus

en

plus

souvent dans des

textes ittéraires t auto-

biographiques

du

XVe

iècle

19.

En

regardant

ensemble

des trois

complaintes,

n ne trouve

pas

de

divergences

ssentielles

ur

le

plan

des

événements,

mais

on

y

trouve,

sur

le

plan

de

l imaginaire,

différentsmodèles

littéraires e

la

consolation

qui

méritent

attention.

Le déroulement

u

trépas

est

aussi

assuré

que

la douleur

profonde que

la mort d Isabelle

pro-

ís. Pierre

Michault,

p.

cit.,

p.

150.

19. Un

exemple

xtraordinaire

n estdonne

ar

e marchandlorentiniovanni

di

Pagolo

Morelli

«

Ricordi

)

à cause e

a mort e sonfils

1406)

voir

.C.Trex-

ler,

Public

ife

n RenaissancelorenceNew

York, 980,

p.

161-186.

Page 29: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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RHÉTORIQUE

E LA PERTE

23

voqua dans tout son entourage.On ressentit ortementa pertede

la noble

dame,

toutefois ans tomber dans le

désespoir.

Après

des

mois

de

maladie,

sa

mort ne fut

pas

une

grande surprise.

Elle

était

«

apprivoisée par

son caractère

public

et, surtout,

ar

l absence

de

Charles

le Téméraire.

Il

se

peut que

les

complaintes

d Amé

et de

Michault s adressèrent

mplicitement,

ntre

utres,

à

Charles

pour

lui

présenter

es récits

plus

détailléset

plus

nuancés d un événement

ui

devait lui

tenir fortement cœur

;

et

il

faut

ajouter

qu un

certain

changement

humeur de sa

part

était

parfois

mis

en

rapport

avec

la mort

de

son

épouse

aimée20. Celle-ci donna

par

sa mort exem-

ple d un décès parfaitementhrétien el qu il était définipar les arts

de bien mourir

«

Avoir

conscience

de

sa

fin

prochaine,

avoir

du

temps pour

recevoir e saint

viatique,

avoir autour de

soi

assemblés

clercs

et

laïcs,

parents

et

amis,

telles

sont

les conditionsde la meil-

leure

mort

;

et

il

semble

que

les

auteurs,

avec

une

grande

unani-

mité,

se sont saisis de la chance de

pouvoir parler

d une

mort

qui

était

-

comme

peut-êtrepeu

d autres

-

conforme

au modèle21.

Mais ils n en restèrent

as

là.

En

exposant

tout un

spectre

d éléments

de

la douleur

-

tels

que

le

choc,

l agression,

identification vec la

défunte,

tc.

-

ils

ont

aussi

présenté

e

que

la

psychologie

moderne

a

découvert

en tant

que

phases

essentiellesdu deuil humain.

Il y a d autres onvergences lutôt ittérairesarmi es complaintes

-

comme celle de l accentuationde la

gloire

ou

celle de

l exigence

de l authenticité

qui pourraient intégrer

ans la tendance

ue

l on

a

appelée

«

la victoire

ur

la mort

(cf.

note

7).

Or,

la

situation st

plus

complexe.

La

perspective ynchronique

montre

que

les auteurs

ont tentéde créer authenticitéoit

par

l extériorisation,

oit

par

l inté-

riorisation

es

événements.

es

implications

de

ces deux

approches

se manifestentlairement

ne

génération lus

tard,

dans les

complain-

tes de Jean

Molinet et Olivier de

la Marche lors de la mort

de la

seule

fille

d Isabelle,

Marie de

Bourgogne22.

ean

Molinet,

commen-

çant sa complaintepar une longue description e la ville de Brugesau

jour

de l enterrementt de ses difficultés trouver n

logement,

la

termine

ar

un

dialogue

-

en latin

-

entre e

malheureux

poux,

Maximilien,

t la

défunte,

ialogue qui

ranime

momentanémente Toi

perdu

et

qui

réaliseune dernière

résence

e

l absente

«

À

cœur vail-

lant

il

n est

riens

mpossible

,

v.

400).

Olivier

de la

Marche,

quant

à

lui,

après

avoir offert ans une

première artie

plutôt

traditionnelle

les circonstances u

trépas,

clame enfin

sa

propre

douleur et

déve-

loppe

une altercation

aperçue

«

en

une

dorme-veille

-

entre

20.

Cf. L.

Hommel,

p.

cit.,

p.

66.

21. R.Chartier, Les arts emourir,450-1600, Annales SC t.31, 1976,

pp.

51-70,

n

particulier.

66.

22. Jean

Molinet,

aictz

t

dictz

N. Dupire

d.,

.

, Paris, 937,

p.

162-180

Olivier e

a

Marche,

Complainte

ur a Mort

e Madame

arie e

Bourgogne

,

dansRecueiles

hansons,

oèmes

t

pièces

n vers

rançais

elatifs

u

Pays-bas

t.

II,

Bruxelles,878,

p.

25-38.

Page 30: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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24

C.

KIENING

l œil, qui ne veut pas croirece qu il voit, et l âme qui confirme t

console. Les

tendancesde l extériorisationt de l intériorisation

ppa-

raissent insi

inextricablementiées. C est dans

l exigence

d authenti-

cité

que

la

documentation,

e

plus

en

plus

détaillée,

des événements

extérieurs

un

décès

rejoint

a

présentation,

e

plus

en

plus

nuan-

cée,

d un conflit ntérieur.

Mais,

en insérant a mort

dans

un

entre-

mêlement e circonstances

t de

sentiments,

n

lui rend aussi une nou-

velle

formede

présence.

C est

elle

que

l on

retrouve ans la dialecti-

que

presque

paradoxale

de

deux attitudes ace à la mort d une

part,

sur

le

plan idéologique,

a

négation

ou la

diminution e la mort

par

la renommée t la gloire,d autre part, sur le plan anthropologique,

l acceptation

du

phénomène

du deuil. Les

conséquences

de cette dia-

lectique,

touchant

profondément

l efficacité u modèle

chrétien e

la

consolation,

pparaissent éjà

en

arrière-plan

e la

bonne mortdont

parlent

es

complaintes our

Isabelle de Bourbon. Et c était

déjà l apô-

tre Paul

qui

les

anticipait

n

apprenant

ux

Thessaloniciens

ne

pas

se

plaindre

«

comme

les

autres

qui

n ont

pas d espérance

».

Page 31: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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Médiévales7,automne994, p.25-36

Martine CLOUZOT

SOUFFRIR

EN

MUSIQUE

Plaisir des

sens,

a

musique paraît

oin

d'évoquer

le moindre

en-

timent e

douleur,

puisque

sa

principale

vertu

serait

d'«

adoucir les

mœurs

»*.

Néanmoins,

diverses sources

iconographiques réparties

entre e

xme

et le

XVe

iècle

témoignent

u caractère

persécuteur

e

la

musique

en certaines irconstances.

Or

il

semblerait

ue

ces deux

visages

de la

musique

face à la souffrance ont

déterminés

ar

les

instrumentse musiqueetjeurs sonorités espectives. eux-ci sont eneffet

répartis

u

Moyen Âge

en deux

grandes

familles,

n fonction

de Tintensité

e leur

volume

sonore

l'ensemble

des

«

hauts

»

ins-

truments

egroupe

eux

qui

font

beaucoup

de

bruit,

els

que

les

trom-

pettes

et les

tambours,

tandis

que

les

représentants

e

la

famillede

«

bas

»,

comme es

flûtes t les

cordes,

produisent

es sonorités

plus

douces2.

À

partir

de ces notions

acoustiques,

nous

tenterons

e

cer-

ner la

nature et

l'intensité

es relationsentre

ces

deux

familles ns-

trumentalest

la

souffrance. es incidences onoresde ces

instruments

sur la sensibilité

t

les émotionshumaines e manifestent

ans

un

pre-

mier

temps

dans les

images

mettant n

scène les

propriétés hérapeu-

tiques et apaisantesde la musique instrumentale. n revanche,nous

verrons travers

un second

ensemble

conographique

ue

les mélo-

dies

des

instruments e

musique participent arfois

de la

souffrance

des hommes.

1. Platon eliee

mot

musique

au mot

muse et

au verbe

rec

désirer

qui

ui

correspond

«

Quant

ux Muses

t à la

musique

n

général,

'est u

fait e

désirermôsthai)emble-t-il,e la recherchet de Pamoure la scienceuece nom

a été iré

,

Le

Cratyle

406a,

rad. ouis

Bédier, aris,

989,

.

84.

De là dérive-

raient muser

,

«

amuser et

«

cornemuser

,

d'après vangheliosoutsopoulos,

La

musique

ans 'œuvre e

Platon

Paris, 959,

.

6.

2.

E.A.

Bowles,

La

hiérarchiees

nstrumentse

musique

ans

'Europe

éo-

dale

,

Revue e

Musicologie

t.

42, 1958,

p.

155-169.

Page 32: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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SOUFFRIR N

MUSIQUE

27

Fig.

-

Tacuinum

anitatis,ienne, NB,

ms.nv. ser.

2644,

° 100.

la foliefurieuse,mais

cette

affection eut également e prêter une

interprétation

'ordrethéologique. L'emprisedes

passions

sur la rai-

son humainedénote en effet hez

certainshommes

d'Église

une sorte

d'abandon ou d'absence de Dieu en

Saül,

dont

seule la douceur de

la

harpe

de David

peut

rétablir

a

présence.

Dans le même

ordre

Page 34: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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28

M. CLOUZOT

d'idées, si le pauvreJob,ruinéet abandonnépar les siens surun tas

de

cendre,

peut

trouver n

certainréconfort

pirituel

t

une sérénité

intérieure,

'est

parce que,

dans

un tel contexte

héologique,

es mélo-

dies discrètes

des bas instruments

ue

ses trois amis sont venus lui

jouer,

apparaissent

omme e reflet

ur

terrede l'harmoniedivine

-

la musica

mundana

-

et

de

la

musique

céleste.

En

cela,

elles seules

détiennent

e

pouvoir

de rétablir n

équilibre

moral et une

présence

divine chez les êtres souffrant

e

désespoir

et de

mélancolie8.

Fig.

-

Psautier

e la reinesabelle

'Angleterre,

près

308.

Munich,

od. Gall.

16,

35

v°.

Dans

une autre

perspective,

es vertus

hérapeutiques pécifiques

des

instruments

cordes

pourraient

voir

pour origine

es connota-

tions

fondamentalementéminines

u'ils

véhiculent,

otamment

tra-

vers leurs cordes9.

La

littérature

t

l'iconographieprofanes

en don-

nent

'exemple

à

travers

e Roman de Tristan dont

plusieurs

manus-

8.

Pierre e

Nesson,

es

Neuf

eçons

e

Job

Paris, .N.,

ms.fr.

225,

°

40,

xvc

iècle,

tun Livre 'Heures

l'usage

e

Rouen, aris, .N.,

ms.

at.

1381,

°

62,

xvc

iècle.

e référeru texte

iblique

ob

1,

8 à 12.

9. Les cordes e

sont

as

es seuls lémentsémininse

ces

nstruments.

eurs

instrumentistes

ont n effetouvent

es musiciennesu fort

ouvoir

usicalelles

que

es irènes

éductricest

maléfiquesui ouent réquemment

e a

harpe

ans 'ico-

nographieesbestiaires.eplus,a féminitétde eur ersonnetde eur nstrument

à cordes 'est

as

étrangère

u milieu ans

equel

lles

voluent,

savoir'eau.Ce

thèmest

galement

ommunu Roman e

Tristant seutdans

equel

'attachement

des

peuples

rlandaisla fois la mer t

à la

harpe

st out fait

xplicite

tencore

très ctuel.

Page 35: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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SOUFFRIR N

MUSIQUE

29

critsdu XVe iècle sont ornésde l'image d'Iseut cherchant consoler

Tristan

de leur

séparation,

au

moyen

des mélodies

douces,

et

sans

doute

maternelles,

e

sa

harpe10.

Grâce à cette

harpe,

Iseut

est assu-

rée de

toucher

Tristan au

plus profond

de ses

émotions et de son

désespoir

d'une

part,

'instrumentst au cœur de leur

amour,

puis-

que

c'est Tristan

qui

lui a

appris

à en

jouer

;

d'autre

part,

il

est à

l'image

d'Iseut,

orné de

longues

cordes blondes comme

sa

chevelure,

et

il

est délicat et doux

comme

elle. La

harpe

de Tristan et

Iseut est

d'une certaine

manièreune

source

d'espoir

et

de

réconfort

our

leur

amour

désespéré.

Aussi,

du

XIIIe

iècle au

XVe

iècle,

l'iconographie

révèleque les instruments cordes tiennentieu de palliatifs pirituels

et

affectifs ux

désespérés

et aux

mélancoliques.

Mais cette

conographie

évèle

également ue

l'emploi systémati-

que

des instruments cordes

de

l'ensemble de

«

bas

»

en

musicothé-

rapie

serait

d'ordre,

non

plus acoustique,

mais

historique.

La con-

naissance des vertus édativesde

la

musique

remontant

l'Antiquité,

il

est effectivementort

probable que

les

penseurs

médiévaux

e sont

contentés e

reprendre

ans leurs traitésde médecine

es

instruments

à cordes

que

les

philosophes antiques

avaient cités

certainement n

connaissancede cause.

Depuis Pythagore,

ui

conseillait e

jeu

de

la

cithare

pour

calmer es

passions11

t

qui

fut

reprispar

Platon

dans

le Cratyle par Aristote ans son ProblèmeXXX12,puis par ses suc-

cesseurs

médiévaux,

'idée dominante st

qu'«

il

y

a

du

rythme

t du

nombredans

le

corps

comme

dans

l'âme

»

;

or le

rythme

t

le nom-

bre constituent

récisément

es fondements e la

musique.

Aussi une

âme est-ellemalade

quand

ses

mouvements,

es

rythmes

t

son

har-

monie ntérieurs

âtissent

'un

déséquilibre ythmique

t

harmonique.

L'influence

des

mouvements

xtérieurs

t

harmonieux e la

musique

lui

permet

de

retrouver on harmonie nitiale et

donc de

ramener

l'ordre ses

passions

déréglées.

L'action

apaisante

de

la

musique

sur

l'âme

est encorecouramment

voquée

à

travers

'expression

la

musi-

que adoucit les mœurs»...Tout en résumant vec une certaine

ustesse

les

qualités

théra-

peutiques

ttribuées

la

musique

dans

les cas de

mélancolie t

d'hysté-

rie,

un extrait

u Livre

III

des

Étymologies

d'Isidore

de Séville

indi-

que par

ailleurs

que

la

musique

ne

soigne pas

seulement

es

maladies

nerveuses,

mais

s'applique

aussi

à

celles

qui

sont de

nature

rganique:

«

La

musique apaise

les

excités,

comme on le

lit à

propos

de David

qui

débarrassaSaiil

de

l'esprit

mmonde

u

moyen

de

10.

Vienne,

.N.B.,

ms.

537,

°

103, 18,

74

Paris,

.N.,

ms. r.

02,

° 134

v°, 159, t ms.fr. 03, ° 1 Bruxelles,ibl.Roy.,ms.14697,°99v°,213v°,449

v°,

vers 435

Genève,

ibl.

Univ.,

ms.fr.

189,

ers 470.

11. Cf. J.

Pigeaud,

olie t

cures e la

folie

hez

es

médecinse

l'Antiquité

gréco-romaine

Paris, 987,

.

159.

12.

Aristote,

es

Problèmes

trad.J.

Barthélemy

e

Saint-Hilaire,

aris, 891,

2

vol.

Page 36: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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SOUFFRIR

N

MUSIQUE

31

provientmanifestementu bruit ui règne utour de lui : à sa droite,

un homme

agite

de la

main

une

énorme

cloche,

tandis

qu'à

sa

gau-

che une femme

'apprête

à lui souffler

n

coup

de

trompette

ans

les oreilles.

Cette scène donne ainsi

un

exemple

concret

d'agression

physique

de

l'oreille,

provoquée

par

le

«

bruit musical

»

des instru-

ments de

«

haut

».

Cette sensation

de douleur auditive

engendre

nécessairement ne

souffrance

morale,

dont

la valeur

émotionnelle mane

pour

une

large

part

du contexte

ocial

et

spirituel

ans

lequel

elle est endurée. C'est

principalement

vec le

développement

e

l'iconographie

profane

des

romans et des chroniquesdu XIVeet du XVe iècle que ce genrede

souffrance

n

musique

est

représenté.

l

met en

scène,

par exemple

dans

une miniature e L'Histoire

de Renaut de

Montauban

datant

du

xve

siècle15,

'annonce

publique

du

bannissement

'un homme

par

un

conseiller

municipal,qui

est

accompagné par

un

trompettiste

t

un

joueur

de

sacqueboute16.

Leurs sonneries

bruyantes

t

clinquan-

tes

participent

lors

activement u cérémonialde

la

déchéance

uridi-

que

et

morale du banni. C'est

une

façon

de lui faire

éprouver

ncore

plus

fortement on déshonneur

et de lui

signifier

a

mort civile.

D'autre

part,

le

message

sonore des deux

trompettes

'adresse

aussi,

et

surtout,

la

population

qui

ne

s'en

trouve

que plus impression-

née : c'est une manièrede garantir 'ordrepublic et la paix sociale.

Le climat

de terreurnstauré

ar

la

musique

au

cours des annon-

ces

de

bannissement

st sensiblement

dentique

celui

qui règne

ors

des exécutions

apitales.

Ce

sont

encore des

trompettes

ui accompa-

gnent

et même

amplifient

a souffrance

morale,

et bientôt

physique,

du condamné

à mort

représenté

ur

la

place publique

dans

les minia-

tures du

De Bello Judaico

de

Flavius

Josèphe

et des

Chroniques

de

Froissart17.

lus elles sonnent

haut et

fort,

plus

elles

communiquent

la douleur

personnelle

u

condamné

au

public,

tout en

suscitant a

peur.

Ainsi,

le rôle des

«

hauts

»

instrumentsiserait

décrire

cous-

tiquemente terrible pectacle auquel assiste 'ensembledes habitantsde la ville. Mais il révèle

également

a troublante

proximité

ue

ces

instruments

ntretiennentvec le

royaume

des

morts,

xpliquantpar

conséquent

a

frayeur u'ils provoquent

chez

les hommes.

L'iconographie

du charivaridu Roman de Fauvel

18

illustre

par-

faitement

a fonction e

médiateurs

ntre e monde

des enfers t celui

des

vivants

u'exercent

es instruments

e

haut.

À

l'occasion du rema-

riage

d'un veuf avec une

jeune

femme,

a bande

des

jeunes exprime

son mécontentement

ace à une

telle entorse ux

règles

de la

commu-

15. L'Histoiree Renaut e Montauban

Bruxelles,

ibl.

Roy.,

ms.

7,

18v°.

16. La sacquebouteppartientla famille escuivres,lle est ancetre u

trombone.

17. Flavius

Josèphe,

e Bello

Judaico

Paris, .N.,

ms.

at.

6067,

°

58 Frois-

sart,

Chroniques

e France t

d'Angleterre

Berlin,

épôt

Breslau

,

ms. Rehd.

,

44.

18.

Le

Roman

e

Fauvel

Paris,

.N.,

ms.fr.

46,

ive

iècle.

Page 38: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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32

M. CLOUZOT

nauté. Elle mène alors un grand tapageen frappant ur des tambours

et des chaudrons

devant

a

maison

des nouveauxmariés.Ceux-ci

ouf-

frent ertes

d'être

bruyamment

malmenés et

agressés

en

public par

le

tintamarremusical

de la

jeunesse

mécontente

ue

l'une

des leurs

ait été

prise

par

un homme mûr. Mais

le

couple

craint

plus

encore

la colère

de la défunte

ui

se

fait entendre

u

monde des

morts

par

le biais

des hauts instruments.

insi,

leur fonctionmédiatrice ntre

le

couple

et la communauté 'une

part,

et le

groupe

des

mortsd'autre

part,

s'avère

fondamentale ans

le rituel du

charivari.

La

souffrance,

a

peur,

la mort et la

musique

instrumentalee

côtoient galementur es champsde bataillede la findu MoyenÂge.

L'iconographieprofane

de cette

époque

les rattache

presqu'exclusive-

ment

au domaine de

la

stratégie

militaire t

politique.

Les scènes de

guerre

ont

nombreuses

n cette

fin

très troublée

du

Moyen

Âge

et

représentent

e

plus

souvent

ux abords

de la bataille

trois

ou

quatre

soldats

à cheval

qui

soufflent

igoureusement

ans une

trompette

droite en direction

de leur

camp.

De cette

manière,

es

ménestrels

royaux

d'une

miniature e L'Histoire

de

Charles Martel

9

signalent

à

leur

armée es différentes

anœuvresmilitaires

suivre,

t

surtout

ils

augmentent

onsidérablemente bruit

ambiant

des combats. Le

recours

fréquent

ux

trompettes

t aux tamboursde

guerre

ert ainsi

à tromper'ennemipar diverses actiquesde bruitage, u à l'effrayer

et à

l'impressionner

avantagependant

e combat.

C'est ce

qui

trans-

paraît

d'une

magnifique

miniature

de la

Bible du cardinal

Maciejowski20

fig. 3),

dans

laquelle

des soldats

à cheval

dirigent

agressivement

eurs

ongues

trompettes

roitesvers l'armée

ennemie,

terrorisée

t en déroute.

Aux souffrances

hysiques

des combattants

blessés

s'ajoute

donc la

peur panique,

avivée

par

les sonorités lin-

quantes

et

percutantes

es

trompettes.

Ainsi,

à

travers es

images

de

bannissement,

'exécution

apitale,

de charivari

t de

guerres,

e rôle essentiel

de la

musique

instrumen-

tale,

et

plus particulièrement

es

«

hauts

»

instruments

vent,

onsiste-

t-il à produireun climat sonorequasiment nsoutenablepour l'audi-

tion et

par

conséquent

émotionnellement

ngoissant.

L'iconographie

eligieuse

es

œuvres

bibliques,

iturgiques

t théo-

logiques

de

la

fin

du

Moyen

Âge

offre

quant

à elle d'autres cas

de

douleur iée

à

la

musique.

Il

s'agit

de nombreuses

eprésentations

u

Jugement

ernier

eintes

ar exemple

ans les

images

des

Heures

dites

de

Sobiesky2].

Sur fond

de crise

politique

et

spirituelle,

es

images

religieuses

nt

en commun

vec les

précédentes

es thèmes

de la mort

et

de la

peur

de

l'Au-delà dont

les

trompettes

roites

t

leurs sonori-

tés

impressionnantes

estent

ndissociables.

ans ces circonstances

ra-

19.

L'Histoire e Charles

Martel

Bruxelles,

ibl.

Roy.,

ms.

9,

416

v°,

xve iècle.

20. New

York,

ierpont organ

ibrary,

s.

38,

13.

21. Les

Heures e

Sobiesky

Windsor,

oyal ibrary,

°

109.

Page 39: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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SOUFFRIR

N

MUSIQUE

33

Fig.

3

-

Bible

e

Maciejowski,

ew

ork,

ierpontorganibrary,

s.

38,

°

13.

Page 40: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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34

M.

CLOUZOT

matiqueset apocalyptiques, lles sont ouées par les anges musiciens

entourant

ieu le

Père. Leur

lien

avec

la souffrance

umaine semble

inscrit

ans

l'orientation

ystématique

e leur

pavillon

vers e

bas

de

l'image,

là où les âmes des

fidèles ommencent sortirde leur tom-

beau et

à

implorer

a miséricorde

ivine. Par

leurs fortes

onorités,

claires

et

majestueuses,

ces

«

trompettes

e la mort

se font les

bruyants

nterprètes

u

Jugement

e

Dieu et

préfigurent

es terribles

châtiments

e la

damnation

ternelle.

n

instaurant insi une atmos-

phère

de

terreur

schatologique,

lles

renforcent

ensiblement

e carac-

tère

apocalyptique

du

Jugement

inal.

Celui-ci trouve son prolongement ans les représentations e

l'Enfer,

comme

par exemple

dans celle

d'une miniature e la Cité de

Dieu de saint

Augustin22.

'Enfer fait certes horreur

voir,

mais

aussi à

entendre au

milieude tant de

flammes,

e

damnés

en

pleurs,

d'instruments

e tortures

t de diablotins

icanants,

l

règne

ans aucun

doute

un

«

bruit

d'enfer

Ne voit-on

pas

un diable

soufflant ans

une cornemuse

u

frappant nergiquement

ur

un

tambour ux oreil-

les

d'un torturé

Associant souffrance

uditive t souffrance

morale,

cette

mage

rejoint

alors

la

marge

du

graduel

du xive

siècle

présen-

tée

plus

haut.

L'iconographie

religieuse

t

profane

du

xive

et du

xve

siècle

a

donc montré a fonction 'intermédiaireonorequ'exerce la musique

des

hauts nstruments

ntre es hommes

t l'ordremoral et social d'une

part,

entre es vivants

et

l'angoisse

de la mort et de l'Enfer d'autre

part.

De cette

manière,

ce

type

de

musique

instrumentalentervient

dans la souffrance

hysique

et

morale des

hommes,

non

plus pour

l'atténuer,

mais

au contraire

pour

lui

ajouter

une note

dramatique.

Déterminée

par

le contexte

olitique

et

spirituelprofondément

er-

turbé

de la

fin du

Moyen

Age,

l'iconographie

musicale de la souf-

francede

cette

époque

se

démarque par

conséquent

de celle des

siè-

cles

précédents.

Un instrumentarium part

est

également

rès

présent

dans les

borduresmarginalesdes livresd'heures, des bréviaires t des psau-

tiers

datant

principalement

u

XIVe

iècle. L'intérêt

de ces

marges

musicales

st

qu'elles

contiennent

n

paradoxe

acoustique

ié à

la dou-

leur. Parmi

les

plus

parlantes

figurent

elles

qui

bordent es

pages

du

Livre

d'Heures

de Jeanne

d'Évreux

datant

des

années

132523,

dans

lesquelles

divers

tres

hybrides rattent

vec un

plectre

u raclent vec

un

râteau

la mâchoire

osseuse

d'un

animal de

type

bovin,

parodiant

le

jeu

du luth

ou de

la vièle

à archet.

De

même,

dans

la

marge

nfé-

rieure

d'un

psautier

anglais

du

xive

siècle24,

ne femme

?),

la tête

22.

Saint

Augustin,

a Cité

e

Dieu

Mâcon,

ibl.

Mun.,

ms.

,

7,

xve

iècle.

23. Les

Heures e

Jeanne

'Evreuxnluminées

ar

Jean

ucelle,

ew

ork,

lois-

ters

Museum,

s.

54.1.2,

°

149,

54 t

183,

ers 325.

24.

Oxford,

odleian

ibrary,

s.Douce

5,

164.

Page 41: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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SOUFFRIR N

MUSIQUE

35

dans un chaudron,frotte n grilavec une pairede pincesà feu tout

comme un

griffon

vièle

»

un soufflet

galement

vec

des

pinces

à

feu

dans

la

bordure

du Psautier

Ormesby25.

Tous ces ustensiles nt de

paradoxal

d'être

utilisés comme

des

instruments

e

musique

sans réellement

n

être. Et

c'est

en

quelque

sorte

dans cette

ambiguïtéqu'ils

se trouvent

iés à la

souffrance

t

par

là à la

mort,

puisque

les

pinces

à

feu,

le

soufflet t le

gril

ncar-

nent sans

équivoque

les instruments e torture e l'Enfer.

De

même,

les

mâchoires

nimales

feraient éférence la

douleur

physique

cau-

sée

par

la

décomposition

harnelle t la mort. Mais

surtout,

ous

ces

objets musicauxet ces instrumentse torture nt la particularité e

ne

produire

ucun

son

musical. Si l'on

songe

à

l'effrayant

intamarre

émis

par

les

instrumentse

«

haut

»,

le

paradoxe

est de taille

Disons

plus

précisément

u'il

est

organologique

t

acoustique

ces instruments

qui

n'en

sont

pas engendrent

es

sentiments

'angoisse

autrement

lus

déstabilisants

ue

les sonneries es

trompettes,

ustement arce

qu'ils

ne

produisent

ue

du

silence,

un

«

silence de mort».

Ces

représenta-

tions annoncent

n

quelque

sorte celles des

danses macabres des

XVe

et

xvie

siècles,

car

il

est

frappant

de constater

que

très souvent

es

squelettes

musiciens

ui

mènent a ronde

brandissenteurs

nstruments

au lieu d'en

jouer.

Ils entraînent insi leurs

victimes ans une

danse

macabretotalement épourvuede toutemélodie,malgré a présence

des instruments e

musique.

De ce vide

sonore naissent névitable-

ment un mal-être t une souffrancemorale.

Ce

rapide panorama

sur la souffrance t

ses relations

avec la

musique

instrumentale

met donc

au

jour

une^

reproduction arfaite

des deux

ensembles

nstrumentauxu

Moyen Âge

: les

sonorités lai-

ronnantes t terrifiantes

es

«

hauts

»

accentuent

onsidérablementa

douleur

humaine,

alors

que

les mélodies douces et

harmonieuses es

«

bas

»

au contraire

'apaisent

et

apportent

un

réconfort

moral au

souffrant. ans toutefois ystématiser outrance etterépartitionns-

trumentale,

l existenéanmoins ans

l'iconographie

e la findu

Moyen

Âge

une relation

très forteentre es

hauts

instruments

t le

monde

des morts

qui

intensifie

rofondément

e

sentiment e

peur

chez

les

hommes t

par

conséquent

eur

souffrance.Ce

rapport

particulier

u

bruit musical

des hauts

instruments

vec la

mort est

sans doute

de

l'omniprésence

t de

l'obsession de la mort

dans la vie et

les men-

talitésdes

hommes

de

cette

époque

de

crises.

En

revanche,

une con-

tinuité nstrumentale

e

poursuit

depuis l'antiquité

grecque

dans les

images

des

xme,

xive

et

xve

siècles. Elle

concerne

es

instruments e

l'ensemble

de

bas

qui

sont

utilisésdans le cadre

de la

musicothérapie

des maladies mentaleset organiques images idéales de l'harmonie

divine sur

terre,

es sonoritésdouces et

suaves des

instruments cor-

des servent e

remède

spirituel

t

affectif ux

âmes et aux

corps

en

25.

Oxford,

odleian

ibrary,

s.

Douce

366,

24,

xive

iècle.

Page 42: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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36 M. CLOUZOT

souffrance.Ainsi, l'écoute du volume sonore et des timbres olorés

des instrumentsu

Moyen Âge

à

travers

'iconographie

e

révèle

être

une

manière

d'appréhender

'influence ienfaisante

u malfaisante

ue

leurs

mélodiesexercent ur la sensibilité es

hommes

de

cette

poque.

L'ambivalence du

pouvoir

de la

musique

instrumentale,

a con-

naissance

et son

utilisation,

e

sont

pas

particulières

u

Moyen

Âge,

puisque

de nos

jours

la

psychiatrie

oderne

encore

recours la

pra-

tique

de

la

musicothérapie26,

andis

qu'à

l'inverse,

les sirènes de

police,

héritières irectesdes

trompettes

municipales,

aissent

planer

sur eur

passage

une

sensation

'inquiétude.

nfin,

de

façon

plus empi-

rique encore, 'instrument e musique est par lui-mêmeun véritable

instrument

e torture.

Qu'il

soit

à

vent,

à cordes ou à

percussion,

sa

pratique

assidue

suppose

en effetune contrainte t une

discipline

du

corps

et de

l'esprit qui

ne vont

pas

sans

souffrance

hysique

et

morale.

26. Dansunautre

omaine,

ertainestations

e métrot de

RER

très

réquen-

tées,

omme

es Halles

ar

exemple,

iffusent

e la

musiquelassique,

réantinsi

une

mbiance

lus

ereine

t sécurisante.

Page 43: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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Médiévales7,automne994, p.37-49

Piroska ZOMBORY

-NAGY

LES LARMES DU CHRIST

DANS L'EXÉGÈSE MÉDIÉVALE1

D'après

le Nouveau

Testament,

Jésus

pleura

trois fois dans sa

vie. Le dernier

pisode,

le

plus

connu,

dont le souvenir

remportera

dans

les mentalités

ommunes

de la

fin

du

Moyen Âge

jusqu'à

notre

époque,

se trouve dans

l'Épître

aux

Hébreux

(5, 7).

En

se retirant

pour prier

dans le

jardin

des Oliviers

après

la

Cène,

Jésus versa

des

larmes de douleur à la pensée de sa Passion :

«

C'est lui

qui,

aux

jours

de

sa

chair,

ayant présenté,

vec

une violente lameur t des

larmes,

des

implorations

t des

sup-

plications

celui

qui pouvait

le sauver de la

mort,

et

ayant

été

exaucé

en

raison

de

sa

piété,

tout Fils

qu'il

était,

apprit,

de ce

qu'il

souffrit,

'obéissance...

»

Cette

mage

familière

u Dieu

incarné

n

hommede

douleur dis-

tille

l'essentiel

de la

représentation hristique

de la

modernité cci-

dentale,par

contraste vec le Christ-roi

lorieux

de la

période

caro-

lingienne.Affliction t pleurss'associent ici : cettefiguredu Christ

incarne a souffrance umaine

ue

Dieu assume

pour

notre alut.

Mais

si Jésus fond en larmes trois fois lors de

sa vie

terrestre,

eules les

larmesde

l'Épître expriment

a

souffrance. xaminons

donc les deux

autres cas.

La

première

cène des

larmes du Christ selon la

chronologie

de

l'histoire ainte st relatée

par

l'Évangile

de

Jean

11, 35)

:

Jésus

pleure

avant de

ressusciter azare. Son

esprit

frémit

lors,

il

se trouble à

la

vue de Marthe et des

Juifs

n

pleurs

il

a

les larmes

aux

yeux,

il

pleure

lacrymatus

st).

Les Juifsvoient en

ses

larmes

une

preuve

de son amourpourLazare ; mais Jésusne pouvait pleurer ur a perte

de son ami

qu'il

allait

ressusciter.

l

connaissait son

pouvoir

et

son

rôle.

1. Je iens

remercierora

Berend,

lain

Boureau,

ilbert

ahan,

Véronique

Frandont

Sylvain

iron

our

eurs

énéreux

onseils,

ides

t relectures.

Page 44: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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38

P. ZOMBORY-NAGY

Le secondépisode présentea mêmeparticularité prophétique .

Selon Luc

(19, 41),

Jésus

pleure

à l'entrée de

Jérusalem

ur

le

sort

futur e

la

ville,

comme

l

le dit lui-même.Le

caractère

prophétique

de

ces

pleurs,

provoqués par

un

événement

venir,

relie

es deux tex-

tes. Le Christ

pleurant

est le Dieu-homme

par

excellence le divin

qui

sait

en lui

n'empêche pas

la

partie

humaine

de

s'émouvoir.

Un travail ur les

interprétations

édiévalesdes larmesdu

Christ

conduità une

interrogation

lobale

sur

le

lien de la

souffrance t

des

larmes dans la culture hrétienne.

'emblée,

nous avons coutumede

les associer

toutefois 'affliction

'a

jamais

été la

cause

unique

des

pleurs. Il apparaît que les pleursmédiévauxdébordentdu champde

la

souffrance

t de la

tristesse

our

s'articuler

d'autres émotions

fortes,

nexprimables

ar

les mots

regret

es

péchés

ors de la

prière

et de la

pénitence

bonheur

céleste

anticipé

des saints

qui disposent

du don des larmes ou

encore

compassion

t

langueur

d'amour. Pour

explorer

ette

fortune es larmes dans l'Occident chrétien u

Moyen

Âge,

on examinera

'exégèse

des trois

passages

néotestamentairesur

les larmes

du

Christ.

Compte

tenu de

l'importance

de la littérature

exégétique

médiévale2,

'enquête

ne

peut

constituer

u'un sondage.

Ainsi le

corpus

des

sources utilisées e réduira

à

quelques

commen-

taires

médiévaux,

mportants, épandus

et facilement

ccessibles,

de

ces troisversets,produitsentre 'époque patristique3 t le XIIIe iè-

cle4.

Les scènes

bibliques qui

font

apparaître

es

larmes

fonctionnent

comme

des

séquences

narratives

hargées

de

sens

pour

leurs

exégètes.

Mais

les commentateurs

'interrogentgalement

ur

la

cause

et

le sens

des

larmes

de Jésus. Les

larmes

christiques

nt servi au

Moyen Âge

2. Pour

epérer

es

ources,

f.

F. Stegmüller

epertorium

iblicum edii

evi,

11

vol.,Madrid,

950-1980..

Spicq,

squisse

'une

histoire

e

l'exégèse

atine

u

Moyen ge

Paris,

Vrin,

944

Bibliothèque

homiste,

XVI)

pour

ne

bibliogra-

phie

de

base,

f. B.

Smalley,

he

Gospels

n

the chools .

1100-1280

Londres,

Hambledonress, 985 LeMoyen ge t a Bible G.Lobrichont P. Riché d.,

Paris,

eauchesne,

984 The

Cambridge

istoryf

the

iblevol. :

The

West

rom

the

athers

o the

Reformation

G.W.H.

ampe

d.,

Cambridge,

ambridge

niver-

sity

ress,

969 H.

de

Lubac,

'Exégèse

édiévale.es

quatre

ens e l'Écriture

4

vol.,

Paris,

Aubier-Montaigne,

959.

3. Parmies

pères

recs,

e

n'ai

pris

n considération

ue

es

plus mportants,

connus

u

Moyen ge

n Occident.

4.

Pour uc

19, 1,

'ai

utilisé

es uteurs

uivants

Origene,

aint

mbroise,

aint

Jérôme,

régoire

e

Grand, ède,

Walafrid

trabon,

runo e

Segni,

a Glose

rdi-

naire,

ierre

omestor,

ugues

e

Saint-Cher,

lberte

Grand,

homas

'Aquin

(Catena

urea

CA),

Bonaventure,

icolas e

Lyre.

ourJean

1,

5

Jean

hrysos-

tome,

yprien,

ugustin,

aint

érôme,

aterius

résumé

e

Grégoire

e

Grand),

lcuin,

Paulin

'Aquilée,

alafrid

trabon,

runo

e

Segni,

a Glose

rdinaire,

obert

e

Liège, ierre omestor,ugues e Saint-Cher,lberte Grand, homas 'Aquin

(

CatenaCommentairee

Jean),

icolas e

Lyre.

our

'Épître

uxHébreux, 7 :

Jean

hrysostome,

lcuin,

aban

Maur,

Ps.) Haymon

'Auxerre,

laude e

Turin,

Pseudo-Brunon,

anfranc,

ervé e

Bourg

ieu,

a Glose

rdinaire,

n

pseudo-Hugues

de

Saint-Victor,

ierre

omestor,

ierre

ombard,

ugues

e

Saint-Cher,

homas

d'Aquin,

icolas

e

Lyre.

Page 45: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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LES

LARMES

DU CHRIST

39

de modèle- rhétoriqueans doute,pratiquepeut-être à des pleurs

qu'on qualifiera

de

«

chrétiens

,

entendant

ar

ceux

qui prennent

sens

dans un réseau

religieux

e

significations

t

de communication.

Finalement

n

verra

que

les

exégètes

colastiques

ont

tenté de

systé-

matiser eur

analyse

des

larmes

à

partir

de

celles

que

le

Christ avait

versées.

Les

scènes

de

pleurs

L'exégèsemédiévale, ui reprend our l'essentiel 'héritage atris-

tique,

confère ne

interprétation

utorisée

ux

passages

bibliques.

Une

signification

énérale

st ainsi

attribuée

chaque

scène,

signification

qui

se

retrouve,

vec

des

variantes,

pratiquement

ans chacun

des

commentaires.

Pour les

exégètes

du

passage

de

Jean,

es larmes et

le troublede

Jésus

pparaissent

omme une ostentation

de la nature

humaine

que

Dieu a

revêtue à

part

Cyprien,

ous

avancent

cette

explication.

La

résurrection

e

Lazare,

qui

préfigure

a Résurrection

e la fin

des

temps,

met en

scène

Jésus,

à

la fois Dieu et

homme6. L'effort

pour

comprendre

es larmes de

Jésus sur

un

mort

-

de ce

Jésus même

qui enseignait a vie éternelle pousse les commentateurs voir en

Lazare le

représentant

e l'humanité entière

que

le Christ

cherche,

en

vain,

à sauver.

l

pleure

lors sur es

péchésqui

ont

rendu 'homme

mortel,

ur son échec

partiel

en tant

que

sauveur.

Les larmesde

Jésus l'entrée e Jérusalem

'expliquent

ar

l'évo-

cation

des

péchés

de la ville et de

son

aveuglement, ui

entraî-

nera

-

comme

punitionpour

la mise à mortdu

Christ

,

sa

propre

perte.

Sur la base du

rapprochement

tabli entre a

Jérusalem

isto-

rique

et

«

notre

Jérusalem

,

à savoir le

siècle

l'on

vit7,

a

scène

permet

a

moralisation les

péchés

de la

ville

qui

ne

se

repent pas

et ne

reconnaît

pas

son visiteur

le

fils de

Dieu) représententous lespéchés des hommes.

5. Cf.

Paterius,

iber e

Expositione

eteris

c

Novi

Testamenti

de diversis

libris

.

Gregoriiagni

oncinnatus,

L

19,

col. 1079

Walafrid

trabo,

xpositio

in

quatuorvangelia

In

Johan

em,

L

114,

ol.

910

Glossa rdinaria

dansBiblia

Sacracum

Glossa rdinaria...t

Postilla icolai irani

ranciscani

Douai, 617,

.

V,

col. 1194 Alberte

Grand,

n

Evangelium

ohannis

XI,

3335,

ans

Opera

mnia

A. Borgnet

d.,

t.

24,

Paris,

.

Vivès, 896,

.

450

Thomas

'Aquin,

uper

van-

gelium

ancii ohannis

ecturaR. Cai

éd.,

Turin-Rome,

arietti,952,

désormais

abrégé

n In

Joh.)

ap.

XI,

lectio

,

p.

497

Nicolasde

Lyre,

ostilla

op.

cit.,

t.

V,

col. 1194.

6.

Augustin,

n

Johannis

vangelium

ractatusXXIV CC

SL

36,

Turnhout,

Brepols,954, 9, 18,pp.428-9 Paterius, p.cit., ol.1079 Walafrid trabo,

op.

cit.,

ol.910 Thomas

'Aquin,

n

Joh.,

I,

op.

cit.,

.

496 Nicolas e

Lyre,

op.

cit

t.

V,

col.

1194,

tc.

7.

Cf.

Origene,

oméliesur

aint uc

38,

SC

87,

H.

Crouzel,

F.

Fournier,

P.

Périchon

d., Paris,

e

Cerf, 962,

p.

444-445.

Page 46: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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40

P. ZOMBORY-NAGY

Dans l'épîtreaux Hébreux, les larmes fontpartiedu dispositif

de

signes qui accompagnent

e

processus

menant la mort

de

Jésus,

preuve principale

de la

réalitéde l'Incarnation. Les

pleurs

du

jardin

des Oliviers

-

des larmes

d'agonie8

-

renvoient

directement la

souffrance

uturedu Christ. Larmes et cris s'assimilent

ux

prières

et aux

supplications

écoutées

et

exaucées

par

le

ciel,

elles

créent

un

type

d'efficacité

nouveau. C'est

pourquoi

la

prière

en

larmes

consti-

tuera une condition

privilégiée

e l'écoute céleste. Par

ailleurs,

si les

larmes

du

Christ

réfigurent

a

Passion,

elles

participent éjà

à l'acte

salvateur.

Dans

l'Épître,

Jésus e

transforme

ar

sa

prière

n une

hos-

tie recevable hostia acceptabilis)9pour Dieu. L'offrande de sa per-

sonne e

rend

digne

de

l'accomplissement

e son vœu. Le

Père

accepte

le

sacrifice,

e

don de soi

(oblatio)

10

du

Christ ncarné sa mort

se

comprend

lors

par

la

métaphore ucharistique ue

Jésusvient

d'ins-

tituer ors

de la Cène.

Les causes des

pleurs

la mort et le

péché

Le Christ

pleure

sur

la mortde Lazare

;

ses

pleurs 'interprètent,

selon saint

Cyprien

au

IIIe

siècle,

comme

l'expression

du

regret

es-

senti à l'idée de ramener azare aux misères errestres11ont il vient

d'être libéré. Cette

explication

de la cause des larmes versées

sur

Lazare subit une transformation

ensible de

l'époque patristique

u

Moyen Âge, parallèlement

l'adoucissement

raduel

de l'attitude cclé-

siastique

face au

deuil12.

l

s'agit,

tout

d'abord,

d'autoriser es lar-

mes de

deuil,

avant de

préciser

es conditions t les

causes des

pleurs

qu'un

chrétien

oit verser.Les

premiers

extes

xégétiques

utorisant

8. Luc

22,43

envoie

cette

cène

xplicitement

omme

l'agonie

cette éfé-

rence

pparaît

ussidans es

commentairesu texte es Hébreux.

9. Alcuin, xpositionepist., eb. V PL 100, ol. 1054. e passage,uitait

partie

u

premier

ommentaire

atin es

Hébreux,

st

opié

ar

Raban

Maur,

xpo-

sitio

n

Epistolam

d

Hebraeos

PL

112,

ol.

743-744,

e

(Ps.)

Haymon

'Auxerre,

Expositio

n

Epistolam

d Hebraeos

PL

117,

ol.

856,

Claude

de

Turin,

xpositio

in

Epistolas

auli

In

Epist.

d

Hebr.,

L

134

sous

e nom 'ArroN

e

Verceil),

col.

753

q.

10.

Pierre

Lombard,

ollectanea

n

Epistolas

ivi

Pauli,

n

Epistolam

d

Hebraeos,

L

192,

ol.

437

parle

e victima

le thèmeu sacrificest

présent

ans

tous escommentaires.

blatio cf.

Alcuin,

xpositio

n

epistolas,

eb.

V.,

PL

100,

col.

1054;

Raban

Maur,

Expositio...,

L

112,

col.743-744

(Ps.)

Haymon

d'Auxerre,

xpositio...,

L

117,

ol.

856.

11.

Cyprien,

pistola

d

Turasium

resbyterům,

L

4,

col.

435.

12. Cf.

entre

utres

.

de

Martino,

Morte

pianto

ituale

elmondo ntico.

Del amentoaganolpianto iMaria, urin,inaudi,958, p.322-333« La pole-mica ristiana; A.C.Rush, eath ndBurialnChristianntiquityWashington,

1941,

p.

176-184,

t sur e

Moyen ge

entral,

.

Lauwers,

a Mémoirees

Ancê-

tres,

e

souci

esmorts.onction

t

usage

u culte esmortsans 'Occident édié-

val

diocèse

e

Liège,

ie-xme

iècles),

hèse e

doctorat

'histoire

ouveau

égime,

dirigée

arJacques

e

Goff, aris, HESS,

1992.

Page 47: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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LES LARMESDU CHRIST 41

les pleursdu deuil datentde l'époque patristique ils mettent'accent

sur

le

comment

sur

la

façon

de

pleurer.

Pour Jean

Chrysostome,

déplorer

es défunts

emble humain son

argument

écisif

porte

sur

le

fait

que

ne

pas pleurer

erait

digne

d'une bête

sauvage,

et donc

inhumain13. ans

certaines

onditions,dit-il,

on

peut,

il

faut

verser

des larmes.

Comme

l'indique

Jean

Chrysostome,

l

convientde

pleu-

rer avec

modération,

ar

seule

la

séparation

d'avec l'être

aimé

peut

être cause

légitime

e tristesse et non

pas

la mort

elle-même,

ui

libère e défunt

u

joug

terrestre,

n attente e la Résurrection. eux

façons

de

pleurer

a mort de l'autre doivent alors être

distinguées

l'une, désespéréeet incroyante, pparentéeau péché de Yacedia et

l'autre,

modérée,

modelée

sur les larmes

du

Christ,

qui

tient

ompte

de la

Rédemption.

Ces

deux

types

de

pleurs

font

cho,

sous

la

plume

de saint

Cyprien,

ux deux tristesses selon le siècle et selon Dieu

-

mentionnées

ar

la

seconde

Épître

de Paul aux

Corinthiens

II

Cor

7>

10>-

Dans une deuxième

période,

qui correspond

u

Moyen

Âge

cen-

tral,

l

s'est

agi

pour

l'institution

cclésiastique

de

prendre

progressi-

vement n

charge

es

rituelsde deuil

qu'elle

n'avait

pas

réussi à éra-

diquer

à

part

entière.

i

Hugues

de Saint-Cher ite

encore

'argument

de

Cyprien en

l'attribuant

saint

Bernard)14,

homas

d'Aquin, puis

Nicolas de Lyre15 ui reprend on argumentation,herchent éjà à

justifier

a

douleur ressentie

la

disparition

'un

proche.

Thomas

lui-

même

s'indigne

e la cruautéde la

mort,

ntrée ans

le

monde à

l'ins-

tigation

u

Diable,

par

le

péché,

avant de défendre

onguement

a

légi-

timité

de la tristesse u deuil16.

Le

Christ,

sans

avoir

commis

ui-même

de

péché, pleure

sur la

mortalité atale des hommes

peccamineux.

Ce

sont bien la

déprava-

tion et

l'ignorance

ncarnées

par

Jérusalem,

ui

la

conduisent sa

perte.

Le

passage

concernant a ville

qui

condamne

Jésus

permet

ux

exégètes

d'actualiser

e

problèmegénéral

du

péché

(celui

de

la

chair

pour Origène,celui de l'hérésiepour JeanChrysostome).De même,on l'a

vu,

la mortde Lazare

s'interprète

omme a mortdu

pécheur.

Mais si

le

péché

est

pour

l'homme la

cause de toutes

ses souffrances

et aussi

de sa

mort,

a chute

est

également

l'origine

de

la

mission

terrestree Jésus.

Ainsi,

e Christfrémit

evant e tombeau de

Lazare

à

l'idée

même du

péché17.

Quant

au

chrétien,

l

doit

pleurer

ui-

même le

regret

permettant

'effacer

es

péchés

se traduit

par

des

larmes,

qui

contribuent insi au

processus

de

purification

e

l'huma-

nité

nauguré

par

l'avènement u

Dieu-homme18.

es

pleurs

avent

a

souillure

-

ils rendent

digne

de la

grâce.

13. JeanChrysostome,orn. 2 inJoh, PG 59,Horn. XII,4, col. 346.

14. Hugues

e

Saint-Cher,pera

mnia

Venise, 703,

n

Joh.,

.

VI, p.

357.

15. Nicolasde

Lyre, ostilla,

n

Joh.,

oc.

cit.,

.

V,

col. 1193.

16. Cf. Thomas

'Aquin,

n

Joh.,

oc.

cit.,

pp.

496-497.

17. Hugues e

Saint-Cher,

p.

cit.,

n

Joh.,

.

VI,

p.

356.

18.

L

exemplear

excellence

n est

Marie-Madeleine.

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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LES LARMES

DU CHRIST

43

pécheurs. (Mt 9, 13)24. On comprend lors que dans le monde ins-

tauré

par

Jésus,

affliction t amour détiennent e

pouvoir

d'amoin-

drir e

poids

existentiel u

péché.

Les larmes sont

signe

d'humanitécar

elles

découlent

d'un senti-

ment. Entre

'intérioritét

le

comportement

extérieur

de l'homme

se

dessine

une

correspondance

directe. Comme

l'explique

Albert

le

Grand,

dans

son commentaire

u

passage

de

Jean,

les

pleurs expo-

sent les affects ans médiation

«

Il

frémit,

mettant u-dehors e son

de

quelqu'un qui

se

lamente. Il est troublé intérieurementlorsqu'il considère la

misèrede

la

conditionhumaine dans

laquelle [l'homme]

tombe

à cause du

péché

et de nouveau

il

pleure, parce

que

les

lar-

mes se

répandent

de

l'intérieur ers l'extérieur 5.

En

ce

sens,

es larmes

pparaissent

omme a

garantie

de la véra-

cité

du

sentiment,

arantie galement

e

l'unité de

l'homme,

composé

de

corps

et d'âme. Ce texterévèle ussi le rôle

véritable es manifes-

tations

corporelles

elles ne

peuvent

voir

qu'un

statutd'effetd'une

cause intérieure

c'est-à-dire,

pirituelle, our

les

commentateurs

médiévaux.

Les

pleurs

sont

perçus

comme des

produits

de l'âme

plu-

tôt que du corps, de cette âme que le discours et l'action du Christ

visent

à

convertir.Aussi

renvoient-ils son

enseignement.

L'enseignement

es vertus

Dès les débuts

de

l'époque patristique,

es commentaires ont

explicites

ce

propos

:

Jésus

a

pleuré pour

nous

apprendre pleu-

rer. Le vocabulaire des

exégètes

l'atteste26.Chacun

des actes du

Christ

est

exemplaire

pour

le

fidèle,

ses larmes doivent 'être

aussi.

Ce sont les Béatitudesdu Sermon sur la Montagne qui constituentla base de

l'enseignement

u Christ au

sujet

des

larmes

24.

Augustin,

p.

cit.,

.

429,

t Thomas

'Aquin,

n

Joh.,

oc.

cit.,

p.

496-7.

25.

Albert e

Grand,

n

Joh.,

I,

37,

op.

cit.,

.

24,

p.

451

Fremebat

extra

sonum

ugentis

mittens.urbatur

n

us,

miseriam

onditionisumanae

onsidérons

in

quam

nciditx

peccato

et rursus

acrymatur,

uare acrymae

e

interioribusd

exteriora

rorumpunt.

souligné

ar

'auteur ans a

citation,

DLR)

26.Augustin,p.cit., .430 Quarenim evit hristusnisi uia iere omi-

nem ocuit

,

et cet

rgument

st

repris

ar

Thomas

'Aquin, A,

In

Joh,

.

I,

p.

382 Bruno e

Segni,

omment,n

Joh.,

L

165,

ol.543-4

Glossa

rdinaria,

In

Joh.

XI,

35,

t.

V,

col.

1194

Thomas

'Aquin,

n

Joh.,

oc.

cit.,

.

497b Ori-

gene,

Homéliesur aint

uc,38,

oc.

cit.,

p.

443 Bruno

e

Segni,

omment,n

Luc,

PL

165,

ol. 438.

Page 50: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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44 P. ZOMBORY-NAGY

« Toutes les béatitudesdontJésusparle dans l'Évangile, il

les démontre

ar

son

exemple,

t ce

qu'il

a

enseigné,

l

le

prouve

par

son

témoignage27.

Cependant,

es

exégètes

colastiques

du

xiiie

siècle

sont les

pre-

miers

adopter

une attitude

nalytique

face au

contenude cet

ensei-

gnement.

À

leurs

yeux,

chacune des occasions

des

pleurs

christiques

offre e modèle

d'une

des vertus ssentielles

e

l'enseignement

hrétien.

Lorsqu'il

ramène Lazare à la

vie,

Jésus

fait

preuve

de

compas-

sion

et de

piété.

Sa

compassion

face à Lazare

et ses sœurs

est susci-

tée par la contagiondes sentiments es femmes n larmes puis, mû

par

la

piété,

l

prend

a

décision de ressuscitere

mort28. on huma-

nité se manifeste

omme une

sensibilité,

ne

ouverture ux

autres

mais

Jésus

perçoit

a douleur des

endeuillés

puisqu'il

est

source de

piété

29

,

de sorte

que

son amour semble être une

vertu de sa

per-

sonne

divine,

elle se

rapproche

de la

miséricorde.

Devant

Jérusalem,

es

pleurs

sont des

exemples

de

miséricorde,

de

piété

et de

compassion

à la fois mais ce

sont ses

pleurs

en

prière

dans

le

jardin

des Oliviers

qui englobent

e

plus

de vertus.

Jésus res-

sent tout

le

poids

de sa

mission,

es

pleurs

visent 'humanité

ntière.

Au-delà

de la

miséricorde,

e la

piété

et de la

compassion,

ses

lar-

mes expriment a charité, 'obéissance, l'humilité30 t la révérence

envers

e Père. Toutes ses

paroles

sont

prouvées

par

ses actes.

Les vertus insi recensées e

présentent our

les

exégètes

omme

l'extériorisation

ationalisée t

moralisée

des

sentiments31u

Christ.

Un

mot,

dont a

fréquence

st

remarquable

ans les textes u

XIIIe

iè-

cle,

atteste 'attention

ortée

aux

phénomènes

ntérieurs.

n

arrivant

à

Jérusalem,

Jésus

approche

de la ville en

y

projetant

ce

qu'il

sent

pour

elle. Comme le dit

Hugues

de

Saint-Cher,

l

y

entre

«

selon

¡'affect de

compassion

»

;

pour

Bonaventure,

ui

semble bien con-

naître le texte de

celui-ci,

«

selon l'affect de

son cœur

»

(cordis

affectu).Le mot affectus 'accompagne le plus souventd'un génitifou d'un

adjectif

qualificatif

ormé base du substantif

ésignant

a

vertu

correspondante

affectde

piété affectus ietatis)

ou

affect

de

compassion

(compassionis

affectu)

chez

Hugues

de

Saint-Cher et

Albert

sous

la

plume

de

Bonaventure,

Jésus

pleure

sur

la

ville de

Jérusalem

'une affection rès

pieuse (affectio iissima)

et

par

com-

27.

Origene,

omélies

ur saint

Luc, 38,

loc.

cit.,

p.

443 cf. aussiJean

Chrysostome,

om.

2.

in

Joh.,

G

59,

col.

347.

28.

Bonaventure,

n

Joh.,

oc.

cit.,

.

VI,

p.

402.

29.

Thomas

'Aquin,

A,

n

Joh.,

.

I,

p.

382.

30.Après ean hrysostomeuiparle e 'obéissancee Jésus sonPère, 'est

Hugues

e Saint-Cher

ui

reprend

e

premier

e thème.

31. Les

textestilisente

plus

ouvente mot

ffectus,ue

nous

ouvons

raduire,

dans e texte e

Hugues

e

Saint-Cher,

'Alberte Grand t de Bonaventureomme

«

sentiment

de quelque

hose)

;

dans e texte e Thomas

'Aquin

t de

Nicolas e

Lyre,

omme affect

.

Page 51: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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LES LARMESDU CHRIST

45

passion affectueuse compassio affecîuosa) 2. Mais Yaffectussans

référence des

vertus33,

u utilisé avec humānus34

exprime

un état

affectif

ui

permet

nsuite 'exercice des vertus.

L'enseignement

u

Christ

au

sujet

des larmes

devient

alors une éducation

morale et

sociopsychologique

la

fois

qui

met en relation

sentiments,

ertus

et leur

expression ppropriée partir

d'une

disposition

ffective

éné-

rale

propre

l'homme.

En

fonction u

type

de

situation ù

elles

nter-

viennent,

es

larmes,

à

l'instar d'autres

manifestations e

l'âme,

se

réfèrent lors

à

une vertu

précise.

Classifier es

larmes

Les

exégètes

colastiques

-

à

l'exception

de Thomas

d'Aquin,

qui

fait un travailde sélection

orsqu'il

construit es chaînes

exégéti-

ques

-

cherchent

dégager

un

système

rganisé

t

signifiant

es

trois

occurrences es

pleurs

du

Christ

t de

son

enseignement

ffectif.

insi

se

construit out un

dispositif

es

pleurs

et

des vertus

que

le Christ

nous

enseigne,

d'abord dans

le

commentaire e

Luc fait

par

Hugues

de

Saint-Cher,

nventeur

robable

de ce

système

puis

dans ceux

d'Albert

e

Grand et de Bonaventure

ui

le

copient.

Les trois occur-

rencesdes larmeschristiques onstituent our eux le pointde départ

de la codification

Jérusalem

our

la

compassion

envers es

péchés

des autres

la

mort

de Lazare

pour

la

misèrede la vie

d'ici-bas

;

et

le

jardin

des

Oliviers

pour

le

désir

du ciel.

Mais

Hugues

et,

sur ses

traces,

Albert et

Bonaventure,

ournissent

uatre types

différents

e

larmes,

associés à

quatre

causes et/ou

sentiments

ecommandés.Les

classifications

'Albert et de

Bonaventure

présentent

es

différences

perceptibles ar rapport

au schéma de

Hugues, qu'il

n'est

pas

lieu

d'analyser

ci

;

je

renvoie ce

propos

au

tableau

présenté

n

annexe.

En

effet,

ux causes

dégagées

dans les trois

scènes,

ils en

ajoutent

une quatrième ui ne peut toucherque les hommes le regret e ses

proprespéchés

le

Christ ncarné

yant

une nature

particulière,

assi-

bilis

sed

non

peccabilis35).

Bonaventure,

qui

n'associe

pas

directe-

ment

es

quatre types

de

pleurs

aux

quatre

affectus u'ils

exemplifie-

raient et

qui réorganise

eurs

interprétations,

voque

une

quatrième

occurrencedes

pleurs

du Christ

qui

eut

lieu dans

son enfance

«

À

noter l'on lit

que

le

Christ a

pleuré

trois

fois

pour

nous :

sur Lazare

qu'il

allait

ressusciter,

ean,

chapitre

onze :

32.

Bonaventure,

n

Lucam loc.

cit.,

.

VII,

p.

493.

33. Thomas 'Aquin,n Jon.,oc.cit.,p.497b Nicolasde Lyre, ostilla

col.943-944

t col. 1193.

34. Robert

e

Liège,

Commentario

n

Evangelium

ohannis

R. Haacke

éd.,

CC

SL,

CM

9,

Turnhout,

repols,

969,

(5,

30-32),

.

282

Albert e

Grand,

n

Joh.y

ap.

XI,

33,

op.

cit.,

p.

450.

35.

Nicolasde

Lyre,

p.

cit.,

.

VI,

col.

843.

Page 52: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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46 P.

ZOMBORY-NAGY

Jésus pleura ; sur la ville de Jérusalem, omme [il est écrit]

ici

; enfin,

ur

la

croix,

aux

Hébreux,

chapitre inq

: avec

des

grands

cris et avec

larmes,

et

ayant

été exaucé à

cause de sa

piété

;

par

là la

piété

du Christ nous a été

manifestée e la

manière a

plus parfaite.

Aussi

on croit

qu'il

a

pleuré

dans son

enfance,

quand

il entra dans l'état

de misère

présent,

el

que

le chante

'Église

sur lui :

L'Enfant-Dieu

resserré ans

l'étroite

prison

de sa crèche

pousse

des cris

plaintifs

36

Une

interprétation

oisine des

trois occurrencesde

larmes se

retrouve ans le commentaire e l'épître ux Hébreux de Hugues. Ici,

il ne recense

que

trois

types

de larmes sur la

gravité

du

péché

et

l'ignorance

sur la misèreterrestre sur

le

désir de la

patrie

céleste

et la faute de l'homme.

L'idée

de

la

classification

es

pleurs

nous

met

en contact avec

une

tradition ieillede

plusieurs

iècles,

ui

cherche

recenser

es

types

différents

e larmes

qu'un

chrétiendoit verser.

Depuis Grégoire

e

Grand,

il

a existéen Occident des codifications es

sentiments

t

des

pensées génératrices

e larmes37.

'originalité

u

système

e nos

exé-

gètes scolastiques

résidedans l'association

qu'ils

font

entre es

larmes

du Christ t celles des hommes.

Ainsi,

leur

classification

méthodique

- conséquencedirecte e leur souci d'enseignement sertde manuel

pratique pour

YimitatioChristi

i

chère aux

ordres

mendiants

ux-

quels

ils

appartenaient

ous38.

Pour

conclure

sa

classification,

Hugues

de

Saint-Cher

xplique

«

ce sont

les

quatre

fleuves

qui

irriguent

e

paradis,

c'est-

à-dire,

'âme,

ou

l'Eglise,

et

qui proviennent

'une seule source

la

grâce

»

39

.

Cette

comparaison,

riche

d'enseignement,

st

reprise

par

Albert

et Bonaventure.Elle situe les larmesdans le monde créé par Dieu.À

l'image

de l'eau de

pluie

et des fleuvesdu macrocosme, es larmes

36.

Bonaventure,

ommentarius

n

Evangelium

ucae,

oc.

it.,

.

493 Et

nota,

quod

Christus

egitur

er

levisse

ro

nobis

super

azarům

uscitandumIoanni ndé-

cimo

«

Et

lacrymatus

st esus

;

super

ivitatem

erusalem,

icut ic et tandem

incruce ad

Hebraeus

uinto

«

Cum lamorealido

t

acrymis

fferens,

xauditus

est

ro

ua

reverenda

;

ex

quo

perfectissime

uit ietas

hristi

anifestata

d

nos.

Creditur

dam

levisse

n ua

nfantia,

uando

ntravit

n

praesentis

tatus

miseriam,

secundum

uod

Ecclesia e

pso

antai

Vagitnfans,

nterrcta onditus

raesepia.

Le

passage

oncernant

es armes 'enfant

e Jésus

ait éférencela

fin

u

Pange

lingua

hymne

es

Matines

u

our

de

la Passion.

37.Cf.premièrement. Adnes, Larmes, dansDS t. X,col.287-303.38.

Hugues

e

Saint-Cher,

lberte Grand tThomas

'Aquin

taientomini-

cains,

onaventure

t Nicolas

e

Lyre

ranciscains.

39.

Hugues

e

Saint-Cher,

n

Lucam,

p.

cit.,

.

VI,

p.

247

Maec

unt

ua-

tuor

luminauae

rrigantaradisum,

d

est, nimam,

el

cclesiam,

uae

b uno

onte

exeunt,

d

est,

gratia.

Page 53: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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LES LARMESDU CHRIST 47

sont nécessaires l'âme dans le microcosme comme l'eau pour les

terres t les

plantes,

elles ont une

qualité

fertilisante

our

la nature

humaine.Elles découlent

de la

grâce

de Dieu

et,

descendant e l'ordre

céleste,

lles

viennent méliorer e sortdes

hommes ur terre n s'asso-

ciant aux vertus.

On

comprend

insi la

place

de

Jésus dans les

ours

de sa chair

«

de la mortalité t de l'infirmité

,

il avait

beaucoup

souffert les

jours

de

son

âme étaient ceux de

sa

compassion

et de

sa

piété40.

Entre les deux

coulèrent es

larmes...

* *

L'étude

menée ci nous

permet

de tirerune

première

onclusion,

quant

à l'histoire

e

l'exégèse.

Même si

ses méthodes e transforment

avec

le

temps

t

atteignent

n haut

degré

de

systématisation

ussi bien

dans

l'appréhension

des textes

que

dans leurs

connaissances,

e

sens

général

conféré ux versets

de l'Écriturene

change

que

peu,

hormis

les

questions

ur

lesquelles,

un

moment u

un

autre,

'Eglise

devait

prendre

ne

position tratégique.

ans ce

domaine,

on

peut

bien

repé-

rer 'évolution des

dispositions

nstitutionnelles. e

type

de

question

est

représenté

ans

notre

corpus par

le

problème

de l'attitude

face

à la mort mais la singularité e cet exemple permetde souligner a

continuité es

interprétations

ur la

plupart

des thèmes

évoqués.

La

permanence

e

l'enseignement égagé

dans les

commentaires

u

sujet

des

pleurs

permet

e confirmer

'hypothèse

e

départ.

On

peut

en effet

parler

de larmes chrétiennes

ce

sont celles

enseignéespar

le

Christ,

recommandées ux chrétiens.

Cependant, plusieurs

ransformations otables

peuvent

être

per-

çues

au

XIIIe

iècle.

Les

exégètes scolastiques portent

une

attention

accrue à

la recherche ur l'intériorité l'affect

ui-même,

e

qui

est

ressenti

ntérieurement,

rend

une

importance

bien

plus

grande que

son expression.Une codificationminutieuse es sensations éprou-ver et des vertus orrélatives e met en

place

et

participe

l'élabora-

tion

d'un modèle de

comportement ui prend

en

charge

l'homme

entier,

orps

et âme. Ce modèle de

comportement

lobal,

élaboré

par

des

scolastiques appartenant

ux

ordres

mendiants,

oucieux d'offrir

un

exemple

Yimitatio

Christi

sert de

prototype

ans leur

enseigne-

ment

ux

fidèles.

À

l'instardes

pleurschristiques,

es

pleurs

chrétiens

peuvent

evêtir

es

significations

ariées selon les

situations,

t

s'asso-

cier à des vertus différentes.

Mais avant

tout,

aux

yeux

des

commentateurs,

es

larmes

du

Christ sont une

métaphore

de sa

souffrance toutefois

lles

partici-

pentaussi à l'efficacité ymboliquede la Passion. Larmes et sang du

Christ s'avoisinent t

peuvent

e mêler ou se

remplacer.

La

possibi-

40. Hugues

e

Saint-Cher,

n

Hebr.,

p.

cit.,

.

VII,

p.

248.

Page 54: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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48

P. ZOMBORY-NAGY

lité de cette transformation'offreégalement l'homme il pourra

s'épargner

de la souffrance

n

pleurant.

En

ce

sens les larmes chré-

tiennes,

i

elles

proviennent

ouvent

d'une

souffrance,

ident surtout

à la

dépasser

plus que l'expression

d'une

douleur,

elles en sont un

remède.

Page 55: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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LES LARMESDU CHRIST 49

ANNEXE

Les classificationses larmes ans

l'exégèse

u

xiiie

iècle

passage

Luc

19,

41

Jean

11,

35 Hébreux

,

7

Hugues

de Jésus Jésus Jésus

nous

Saint-Cher,

sur Luc

compassio

compunctio

devotio

pro

contritio

pro

pro peccatis

pro

incolatu dilatione

propriis

alienis

hujus

patriae (peccatis )

miseriae

exemple Jerem, 1 Ide 1, 15 Ide 1, 15 Ps 6, 7

irriguus irriguus

inferior

superior

Albert

e DOMINUS

IN

SEIPSO DOMINUS

IN

Grand,

ur

MEMBRIS

Luc

Causae

fletus

ex

attaediato devotio

pro compunctio

in

genere

compassione pro

miseria

casu

quo

pro peccatis

hujus

vitae cecidimus

propriis

beatitudine

patriae

exemple

Jer

9,

1

Jn

11,

35 Hebr

5,

7

Ps

6,

7

Bonaventure, ésus Jésus Jésus Jésus nfant

sur Luc

Le

19,

41

Jn

11,

35

Heb

5,

7

PAS D'ASSOCIATION

AUX PASSAGES NEOTEST

nous

nous nous nous

ex

pro

incolatu

pro appetitu

ex

compassione praesentis

felicitatis

compunctione

miseriae aeternae

exemple

lob

30,

25 Jn

16,

20 Ps

6,

7

Jer

9,

1

Ps

119,

5

Mt

5,

5

Mt

26,

75

Idc

1,

14-15

Hugues

de

Jésus Jésus Jésus

Saint-Cher,

pro peccatum ro

incolatu

pro

desiderio

sur Hébreux gravitate hujusmise- patriae culpa

ignorantia

riae miseria hominis

Nicolasde

Lyre,

sur

Hébreux ex

pietāte

pro

totius

humāni

eneris

redemptione

4

pleurs

1)

Hugues

haec sunt

uatuor

lumina

uae

irrigant

aradisum,

d

est,

ni-

mam,

vel

Ecclesiam,

uae

ab

uno fonte

xeunt,

d

est,

a

gratia.

Gen

2,

10.

2) Albert haec suntquatuorflumina aradisi, uae ex uno fonte ratiae

Dei derivantur. en

2,

6

et Gen

2,

10.

3)

Bonaventurehis modis

acrymandi

rrigari

ebet

paradisus

onscientiae.

Gen

2,

10.

Page 56: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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Médiévales7,automne994, p.51-58

Anne

AUTISSIER

LE

SANG DES

FLAGELLANTS

«

En

ce

temps

couroit

une commune et

générale

mortalité

par

universelmonde de

une maladie

(...)

ains

pensoientplusieurs

que

ce

fut

miracle et

vengement

e Dieu

pour

les

péchiés

du

monde. Dont

il avint

que

aucunes

gens

commencèrent aler

par

le

pays

à

grand

pénitance

t devise

par grand

dévotion

...)

et

se bastoient

quanques

ils

povoient d'estorgies

t

d'aguilles

ens

fiché,

sique

le

sane de

leurs

espaules couroient val de tous costez... »'. Cet extrait e chroniquedécrit a violence de l'

autoflagellation

ollectivedes

pénitents

ui,

en

1349,

en réaction la Peste

Noire,

firent es

processionspour

obte-

nir la

rémissionde leurs

péchés

et de ceux

de toute

l'humanité,

et

pour

calmer les effetsde la colère

divine.

Cette

pratique religieuse

es

flagellants

endait

nutile a

confes-

sion auriculaire t

son

dispensateur,

e

prêtre.

L'Église

les

condamna

en les déclarant

hérétiques.

es

arguments ortaient

ur leur

autofla-

gellation

collective le

principal

objet

de

réprobation

tait la

nature

du

sang

effusé

ar

le fouet.

Cet

angle

d'étude n'a

pas

été encoreenvi-

sagé

dans les articles es

plus

récents.Les

documents

utilisésont été

mis à jour par l'historiographie rançaise ur les flagellants t por-

tent ur

les

pays

impériaux roches

des

marchesnord-est u

royaume

de France

(Brabant-Hainaut)

et

sur la Flandre2.

1. Jehane

Bel,

Les

Vrayes

hroniques,

ans

Corpus

ocumentorum

nquisi-

tionis

aeriticae

ravitas

eerlandicae,

aul

Frédéricq

d.,

t.

2,

Gand,

J.

Vuylsteke,

1896,

.

122.

2. G.

Alberigo,

Flagellants

,

dans

Dictionnaire'Histoiret de

Géographie

Ecclésiastique

t.

17,Paris,

etouzey

t

Ané, 971,

ol.

327-336..

Bailly,

Flagel-

lants

,

dans ictionnairee

Spiritualité

t.

V, Paris,

eauchesne,964,

ol.

392-408.

Dom

U.

Berlière,

Trois

raitésnéditsur es

Flagellants

e

1349

,

Revue énédic-

tine

1908,

p.

334-358..N.

Biraben,

eshommest

a

peste

n

France

ans es

pays

européens

t

méditerranéens,

.

1

La

peste

ans

'histoire,

aris-La

aye,

.H.E.S.S.,

1975, p.65-70. .Cohn, esfanatiquese 'Apocalypse.seudo-messies,rophètes

et

lluminésu

Moyen

ge,

urin,

ottega

'Erasmo,975,

p.

111-117..

Coville,

«

Documentsur es

Flagellants

,

dans istoire

ittérairee a

France,

.

37,

Paris,

mpri-

merie

ationale,

938,

p.

390-411..

Delaruelle,

a

piété opulaire

u

Moyen

ge,

Turin,

ottega

'Erasmo,975,

p.

111-117.

.

Vauchez,

es

aïcs u

Moyen

ge

pratiques

t

expérienceseligieuses,

aris,

e

Cerf,

987,

p.

109-112.

Page 57: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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52

A.

AUTISSIER

Le silence des pénitents

Les Grandes

Chroniques

de

Saint-Denis

contiennent es

textes

émanant

des

flagellants,

ecueillis

t

retranscrits

ar

des autorités cclé-

siastiques

ocales. Ces

documents ont au nombre de

cinq,

trois

en

latin

et deux en

français

le

premier

e

compose

d'articles extraits

d'une

lettre

rétendument

nvoyéepar

Dieu aux

pénitents

e

Malines

pour

les

exhorter se faire

pardonner

eurs

péchés

et ceux

de toute

l'humanité

n

se

fouettant,

vitant insi

la

destruction u monde. Ces

pénitents

nt remis cette

lettre à

l'évêque

de Cambrai3.

Viennent

ensuitedeux règles ommunautaires es flagellants e Bruges, oumi-

ses

au

chapitre

de

Tournai

pour

être

approuvées4.

Les deux

textes

en

français ui

complètent

ette

érie ont deux

prières

hantées urant

leurs

processions

publiques5.

Aucun de

ces textes

ne

mentionne e

sang

versé

durant a

pénitence.

euls les chants insi

que

l'un

des

arti-

cles

d'une des

deux

règles

des

flagellants

e

Bruges

mentionnenta

dureté

des

coups

de fouet. Dans le

premier

as,

les chants

exhortent

les

pénitents

se

frapper

durement

our

obtenir

rémission

de

leurs

péchés6

dans le second

cas,

la

règleappelle

au contraire la

modé-

ration

pour

éviter a maladie voire

la mort7.

Quoi

qu'il

en

soit,

l'ensemble

de ces textes ne

fait

pas

de

l'effusion

de

sang

des

péni-

tents n argument e revendicationu de légitimationu sein des con-

fréries

l'organisation

de leur

pérégrination

t des

processions,

eur

recherche

e

légitimité

ivine aux

échos millénaristes emblent tre

leurs

principaux

oucis.

On

peut

aussi

supposer que

ces

documents

adressés

pour

trois

d'entre

eux

(la

lettre t les deux

règles

commu-

nautaires)

ux

autorités

cclésiastiques

n'abordent

pas

la

question

du

sang

effusé

pour

éviter

out conflit vec

l'Église

dont les

flagellants

semblent

rechercher

'approbation

et

la

reconnaissance.

Pourtant a

description

e l'effusion e

sang

des

pénitents

e

fla-

gellant

au cours

de la

procession

pparaît

dans

la

chronique

de Gil-

les

Le

Muisit,

abbé

de Saint-Martin

Tournai

l'auteury

narre 'arri-

vée dans sa ville de plusieursgroupesde flagellants enus des régions

avoisinantes

pour

une série

de

processionsqui

eurent ieu

à Tournai

3.

Froissart,

hroniques

K.

de

Lettenhove

d.,

t.

XVIII

pièces

ustificatives

1319-1399,ruxelles,

877,

p.

306-307.

a lettree

trouveu folio

6

du manus-

crit es

Grandes

hroniques

e Saint-Denis

conservé

la

Bibliothèque

ationalee

France,

onds

rançais

598.

4.

Froissart,

p.

cit.,

pp.

308-310.

.N.,

ms.

fr.

598,

°56v°-57.

5.

Froissart,

p.

cit.,

pp.

312-315.

.N.,

ms.

fr.

598,

°

57

v°.

6. Ibid.

«

Jhésus

ar

es

trois

ignes

oms

Faynousdenozpechiezardons,Jhésusartes inqrougeslayes

De mort

oudaine

ous

eslayes.

Or

rebatonsotre

har

illainne

Que

Dieu

aulve

restienté...

7. Ibid.

p.

309

u

57

Item u us

lagellabit

e ad mortemel

nßrmitatem.

Page 58: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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LE

SANGDES FLAGELLANTS 53

entre e 15 et le 30 août 1349)8 et dans de nombreuses utreségale-

ment. Cet

aspect

spectaculaire frappé

es

contemporains.

e fouet

était utilisé

dans la

discipline scétique,

ndividuelle t

monastique

du

haut

Moyen Âge

;

cette

pratique

a été diffusée

ar

les ordresfrancis-

cain et

dominicainchez les fidèles

au

XIIIe

iècle. Mais

alors

que

le

fouet

était souvent

un faisceau

de

verges

au

contact

douloureux,

a

flagellation

es

pénitents

e

1349

se fait avec un véritable

nstrument

de

supplice.

Gilles Le Muisit décrit les fouets

appelés

en

français

«

scorgies (« escorgie, escorge

»

:

courroie de

fouet) ayant

trois

nœuds

munis de trois

pointes

n fer9. La

chronique

de

Guillaumede

Nangis indique qu'ils faisaientpénitence n se frappantviolemment,

jusqu'à

effusion

de

sang,

les

omoplates

et

les bras

avec

des fouets

munis de

pointes

0. On observe

donc une

opposition

entre es docu-

ments

des

flagellants

'exprimant

ollectivementt le

regard

des

per-

sonnes

extérieures

leur mouvement

pour

les

premiers,

'effusion

est

inexistante,

our

les

seconds,

elle

est

omniprésente.

Le statut

du

sang

Le texted'un

sermon,

prononcé

à Tournai devant a

population

et conservé dans les Grandes Chroniquesde Saint-Denisn, montre

qu'à

défaut

d'une

expression

collective

des

pénitents

ur

leur

sang

versé,

le

porte-parole

'une

communauté tenu un

discours sur

le

sens

à donner ce

sang.

Ce sermon

e trouve

galement

ans la chro-

nique

de Gilles

Le Muisit

12

: les deux documents mentionnent a

même

provenance

du

frère,

Liège,

et le même lieu de

prédication,

Tournai.

Le titredu document ontenudans les Grandes

Chroniques

est succinct

il

indique

seulement

ue

ce sont des

articles

prêchéspar

un frère e

Liège

devant es

gens

assemblés. Le Muisit

précise

es cir-

constances

dans

lesquelles

ce

sermon

fut

prononcé

le

jour

de la fête

de saintJean-Baptiste,ne communautéd'environcent-quatre-vingts

personnes,

enue de

Liège,

arriva

Tournai,

y

resta a

journée

entière

et le lendemain

ui

était

un dimanche. Avec elle se trouvaitun

frère

dominicain

ui

obtint

'autorisationdu

doyen

et du

chapitre

de

prê-

cherau monastère aint-Martin e Tournai.

À

cette

nouvelle,

a

popu-

lation se

rendit n masse au

monastère13.

a

brièvetéde

la

descrip-

tion

du

contextedans

lequel

eut lieu

le sermon aisse

penser

que

le

8. Gilles

e

Muisit,

ecueil es

chroniques

e

Flandres,

.J. met

d.,

t.

2,

Bruxelles,

841,

p.

341-361.

9. Ibid.,p.357.

10.

Chronique

atine

e

Guillaume

e

Nangis

e 1130

1300 vec es

continua-

tions

e cette

hronique

e

1300

1368,

H. Géraud

d.,

Paris, 844,

.

217.

11.

Froissart,

p.

cit.,

pp.

310-311.

.N.,

ms fr.

598,

°

57.

12. Gilles e

Muisit,

p.

cit.,

pp.

349-350.

13.

bid.,

p.

349.

Page 59: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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54

A. AUTISSIER

document ontenudans les GrandesChroniques e Saint-Denis st ins-

piré

de la

chronique

de Le Muisit.

Les

deux textes

s'accordent sur le nom

que

le

frèredonne aux

flagellants,

chevaliers

rouges

». Les

adjectifs

rubeus

et

rubicundus

désignent

e

sang

rouge rédempteur

t

sanctificateur

ui

donne

la vie

et

qui purifie,

celui du sauveur14.

Le

rouge

renvoie

également

à

l'Église

: en

effet,

partir

du

xnie

siècle,

cette couleur

est

de

plus

en

plus

utiliséedans la haute hiérarchie

cclésiastique.

La

papauté

a

contribué

la

développer

ans les vêtements es cardinaux.

Cette évo-

lution st due à l'exaltation roissante

u

XIIIe

iècle

pour

le

corps

san-

glantdu Christpar le culte du saintSang et l'iconographiedu pres-

soir

mystique.

Le termede

«

chevaliers

rouges

»

fait

référence ux

croisés

mais

également

l'Apocalypse

le frère

dominicain,

dans la

chronique

de Gilles Le

Muisit,

traitede

scorpions

et

d'antéchristses

autres

frères

es

ordresmendiants

ui

ne

prêchent as

cettenouvelle

formede dévotion.

Ce vocabulaire

permet

d'avancer

l'hypothèse ue

le terme chevaliers

ouges

»

fait référence u

Combat

Céleste

Apo-

calypse

19,

11-16) apparaît

à

saint

Jean,

sorti du ciel

ouvert,

un

cheval blanc

et celui

qui

le

monte

s'appelle

Fidèle et Vrai

;

il

juge

et fait la

guerre

vec

justice.

Ses

yeux

sont un feu ardent et

sur sa

tête se trouvent

lusieurs

diadèmes,

l

a un

nom

que

lui

seul connaît.

Il est vêtu d'un habit couvert de sang. Il s'appelle Verbe de Dieu.

Ces

éléments

euvent

tre

nterprétés

e deux

façons

différentes,

'une

part

comme une

appropriation

es

emblèmes

de

l'Église

et,

d'autre

part,

ce discours

à teneur

eschatologique égitime

e mouvement

es

flagellants

t

encourage

'adhésion

des autres fidèles cette nouvelle

formede

dévotion,

grâce

à

la

puissance persuasive

de

l'annonce de

l'arrivée des

temps

derniers.

Ce nom collectif ux

sens

multiples

ntroduit e

sermon

du

frère

dominicain.

Dans

la

chronique

de Gilles Le

Muisit,

l

compare

e

sang

du

Christ

celui des

pénitents

depuis

l'écoulementdu

sang

du

Sau-

veur,

l

n'y

avait

pas

eu d'effusion

de

sang

aussi noble

que

celle des

flagellants5. Cette affirmatione trouveégalementdans la version

du sermon

ontenue

dans les Grandes

Chroniques

6.La

pratique

des

flagellants

st

conçue

par

le frère

prêcheur

omme

un

sacrifice

ui

rend

hommage

à celui

du Christ

en le

reproduisant.

i cette démar-

che

valorise es

pénitents

n créantun

rapportprivilégié

t

direct vec

14. M.

Pastoureau,

Ceci

st

mon

ang,

e christianismeédiéval

t a cou-

leur

ouge

,

dans

e

pressoir

ystique

colloque

e Reclosesu

27

mai

1989

Paris,

Le

Cerf, 990,

p.

43-56.

15.Gilles

e

Muisit,

p.

cit.,

p.

349-350

(...)

comparons

tiam

anguinem

llo-

rum uosvocabantúbeosmilites,routmultintellexerunt,anguiniomini ostriJesu hristidicens

uod,

ost

missionem

anguinis

alvatorisostrinon ueratam

nobilis

ffusio

anguinis

sicut rat

llorum,

uam

e verberandomittebant.

16.

Froissart,

p.

cit.

p.

310.

B.N.,

ms

fr.

598,

°

57 Item

raedicavit

t

dixit

idem

raedicator

uod ost

ffusionemanguinis

hristi

actam

ie venerisnon

uit

tam

retiosus

ffusus

icut

anguis

storum

li um.

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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56

A.

AUTISSIER

s'il a lu le sermondu frèredominicainet les autres documentsdu

dossier,

selon

l'hypothèse

de

Coville. Le fait

qu'il

ne

fasse mention

ni

du

sermon,

ni

des

arguments

u'il

contient

uggère

une

réponse

négative.

À

moins

que

du

Fayt

ne

l'ait

pas jugé

suffisamment

erti-

nent

pour

être utilisé dans son sermon

devant le

pape19.

Il

semble

plutôt

qu'il

se soit servi

de cette

question

de la nature

du

sang

des

flagellants

ous une

forme

différente,

lus adaptée

à

son souci de les

faire condamner.

En

effet,

un document atin sur les

«

Cérémonies et

supersti-

tions

»

des

flagellants

0

contenu dans les Grandes

Chroniques

de

Saint-Denis et le sermonde Jean du Fayt mettent 'accent sur la

croyance

des

pénitents

n la

possibilité

de

faire des

miracles21.

à

encore le

point

de

départ

est

la

chronique

de Le

Muisit

l'auteur

indique

seulement,

e

façon

succincte,

ue

lui

«

fut

rapportéqu'en

plusieurs

ieux,

es

flagellants rétendaient

aire

des miracles

par

leur

pénitence

22.

Dans

le documentcontenu

dans les Grandes Chroni-

ques

ce

point

est

développé

à

propos

de la nature

du

sang

des fla-

gellants

«

en de

multiplesvillages,

les

pénitents

e

frappaient

t

quelques-uns mprégnaient

es

morceaux 'étoffes e

lin

avec leur

sang,

comme si elles

étaientdes

reliques

de

saints. Des hommes

t

des

fem-

mes

prenaient

es

linges

et s'en frottaientes

yeux

». Le document

ajoute que « les pénitents roclament ue Dieu fait des miraclespour

eux

»23.

Du

Fayt,

dans son

sermon,

reprend

cet

argument

son

compte

puisqu'il

se déclare

témoindes événements

u'il

décrit

«

les

gens

croient

que

les

flagellants roduisent

des miracles

par

la

péni-

tence

»

24

. Du

Fayt

écrit avoir surtout

vu

que

«

les malades étaient

attirés

par

les

flagellants

pour

recouvrer a santé.

Certains

simples

d'esprit

taient ombésdans

une telledémence

u'ils

vénéraient

e

sang

effusé

de la

flagellation

omme

des

reliques

des vieilleset des sim-

ples

essuyaient

e

sang

avec un

morceau

d'étoffe

n

lin et

appliquaient

ces

reliques

sur

leurs

yeux

et sur ceux des

autres»25.

19. P.

Frédéricq,

Deux

ermonsnéditse Jean u

Fayt

,

Bulletine 'Aca-

démie

oyale

e

Belgique

classe

es ettres

1903,

p.

688-718.

20.

Froissart,

p.

cit.,

p.

311-312.

.N.,

ms.fr.

598,

°

57 Istae unt eri-

moniae,

uperstitiones

t

fraternitates

orum,

uae

visae

unt

ieri

n multisocis.

21. Paul

Frédéricq,

Deux ermons...

,

loc.

cit.,

p.

700.

22. Gilles

e

Muisit,

p.

cit.,

p.

353.

23.

Froissart,

p.

cit.,

.

311

Visumst n multisillis

uod

dum ieti

œm-

tentese

verberabant,

liqui

abebant

anniculos

ineost os

tangebant

n oruman-

guine,

t

quasi

ssent

anctorum

eliquiae,

liqui opulares

amviri

uam

mulleres

petebant

llos

anniculos,

t

aliqui

orum

etebant

lis

anniculis

culos ibi

angi,

et ta

fiebat.

tem icunt

t

publicant

uod

Deus

facit

ro psis

miracula

...)

24. P.

Frédéricq,

Deux

ermons...

,

loc.

cit.,

.

700

Credunttiam

uius-

modi lagellatoresanctitatemuiusmodienitentieiraculaperari.25. Ibid. Vidi

tique,

uod

dhuiusmodi

lagellatores

dducebantur

nfirmi,

t

sanitatem

aberent

...)

quidam

implices

d tantamementiam

euenerunt,

uod

an-

guinem

er

huiusmodi

lagellationemffusum

ro eliquis

enerantur.

...)

quedam

etule

et alii

impliceseciis

anni

inei

etergebant

uiusmodi

anguinem

t

psum

uis

t

aliorum

culis

uasi

reliquiaspponebant.

Page 62: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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LE

SANGDES FLAGELLANTS 57

L'analogie entre e textedu document des Grandes Chroniques

et

celui du sermon

de Jean du

Fayt

peut

laisser

penser

que

l'un

des

deux est

inspiré

e l'autre mais

il

est

difficile

e savoir

equel

:

l'hypo-

thèse de

Coville sur le dossier

d'enquête envoyé

à la facultéde

théo-

logie

auquel

Jean du

Fayt

aurait

pu

accéder,

ne

s'applique qu'aux

textes

qui proviennent

e Tournai. Cette

croyance

des

flagellants

n

l'élévation

de leur être

et donc de leur

sang

vers la

saintetéest

un

argument

e condamnation

xploité par

les

autorités

cclésiastiques.

Pour ces

dernières,

n

effet,

oute effusion e

sang

humain

reste

une souillure.

Gilles Le Muisit

quitte

sa

place

d'observateur

dans sa

chroniquepour prendre articontre 'effusionde sang des pénitents.

Il

invoque

le droit

canonique

concernant

a

conservation e

l'intégrité

des

lieux sacrés les

flagellants

ne

peuvent

faire couler de

façon

violente

e

sang

en

pratiquant

eur rite dans des

lieux

sacrés comme

les

monastères,

es

églises

»26. Jean

du

Fayt s'appuie

sur

la Bible

pour

condamner

e

ritedes

flagellants

u'il

associe

à

celui,

païen,

des

prêtres

de Baal

(Rois

:

I,

18) par analogie

:

ils sont

sanglants

tous

les

deux.

Il

ajoute

que

le

sang

humain attire es démons27.

Outre

cette

attaque,

les

flagellants

ont accusés

de verser

par

la violence e

sang

des

autres,

en l'occurrence

celui des

Juifs.

En

effet,

Jean

du

Fayt

attribue ux

pénitents

es

massacres

de

Juifs28.À ses yeux, les pénitents nt mal interprété n passage de

l'Épître

de

saint

Paul aux

Romains

(XI, 25-26)

:

l'Église

entend a

conversion

t non l'extermination es Juifs

la

fin

du monde. Tou-

tefois,

cet

argument

ontredit

n article de la lettre

éputéeenvoyée

par

Dieu

aux

pénitents

e Malines et dont le texteest

conservé

dans

les

Grandes

Chroniques

il

y

est

spécifiéque

les Juifs célébreront

le

dimanche

,

c'est-à-dire e

convertiront29. e

surcroît,

du

Fayt

prête

ux

flagellants

es accusations raditionnelles

nti-j

ives

d'empoi-

sonner 'eau

des

puits

et des fontaines

uand

se déclarentdes

épidé-

mies

de

peste.

Ces deux

arguments ermettent

du

Fayt

de décrire

les agissements es pénitents omme des erreurs ommises rencon-tre de la Bible dont seule

l'Église

détient a véritable

nterprétation,

et comme des

superstitions

ux

conséquencesdangereuses our

l'ordre

public.

Le lien entre es

flagellants

t

les Juifs st

créé

de

toutes

piè-

ces

par

Jean du

Fayt pour

associer ces confréries e

pénitents

la

violence et à l'effusion meurtrière e

sang,

la

plus

négative.

Sa

démonstration

ut d'ailleurs suffisammentonvaincante

pour persua-

der Clément

VI

de les condamnerdans sa bulle

Inter sollicitudines0.

26. Gilles

e

Muisit,

p.

cit.,

p.

353.

27. P. Frédéricq, Deux ermons..., loc.cit.,p.704.

28.

Ibid.,

pp.

706-707.

29.

Froissart,

p.

cit.,

.

307.

B.N.,

ms.fr.

598,

°

56

Item

uod

Judaei

celebrabunt

iem

ominicain.

30. J.D.

Mansi,

acrorumonciliorum

ova

t

amplissima

ollectio,

.

25,

Paris-

Leipzig,

927,

ol. 1153-1155.

Page 63: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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58

A.

AUTISSIER

L'étude de la questionde l'effusionde sang chez les flagellants

montre

u'elle

fut avant tout un discours de condamnation

onstruit

et entretenu

ar

les

autorités

cclésiastiques ui,

en le faisant

remon-

ter

usqu'au pape,

réussirent

faire

déclarer

ce

mouvement

héréti-

que.

Ses

arguments

e

concentrent utour de la nature

du

sang

versé

par

les

flagellants

à leurs

propres

yeux,

leur

pratique pénitentielle

assure

la

sainteté

de ce

sang,

mais leurs

détracteurs

eur

prêtent

e

pouvoir

de faire des

miracles,

pour

classer

cette

croyance

parmi

les

superstitions

t s'en

servircomme

argument

de condamnation. En

effet,

our l'Église,

toute effusion e

sang

humain

est une

souillure,

d'autantplusgrave i elle est liéeau meurtre c'est pourquoi es auto-

rités

ecclésiastiques

éprouvent

e

sang

versé

par

les

flagellants

t

les

accusent

de massacrer es Juifs.

Pourtant,

dans les

documents,

es

points

sont secondaires

par rapport

leur

hétérodoxie,

rovenant

es

implications

acramentelles

e

l'autoflagellation

ollective. Ce

n'est

qu'au

début

du XVe

iècle,

en

1417,

avec le

Traitécontre a secte

des

Flagellants

de Jean Gerson31

ue

la

maturité

u

discours sur le

sang

versé

par

les

pénitents

st atteinte tous les

arguments

e

cette

nalyse

sont

regroupés

ans ce texte

provoqué par

la recrudescence es

mou-

vements de

flagellants

u début du

xve

siècle et

par

le

désir de

l'auteur de voir

l'Église garder

sa cohésion face à ce

phénomène.

31. Jean

Gerson,

uvres

omplètes

t.

X

Œuvre

olémique

P.

Glorieux

d.,

Paris,

esclée t

Cie,

1973,

p.

45-51.

Page 64: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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Médiévales7,automne994, p.59-66

David

EL KENZ

L'HOMME

DE

DOULEUR

PROTESTANT,

AU TEMPS DES GUERRES DE RELIGION

Dans

les années 1550 se

développe

un discours calviniste ur la

souffrance

eligieuse1.

l

prend

la forme

d'un

récit

hagiographique

dont

'objet

est la

patience

des fidèlesdevant

a

répression.

ette atti-

tude est révélatrice

e

la

formationd'une sensibilité

ui prend

en

compte

des

impératifs

la fois factuels

persécutiond'État), politi-

ques (résistanced'une minorité),religieux confessionalisation 'un

groupe)

et

anthropologiques seuil

de tolérance à la douleur et à la

mort)3.

À

partir

d'un traité

d'Antoine de la

Roche-Chandieu

,

ministre

ui présida

à

l'organisation

de

l'Église

réformée

e

France,

nous

verrons n

quoi

la

séquence

1557-1563 st une

période

de

crise

radicale

pour

le

peuple

réformé.

Comment,ensuite,

e

constitue

une

interprétationésangoissante

ace aux

tentatives

e

marginalisation

e

1.

Trop ongtemps

ous-estimée

ar 'historiographieui

veut oir

ans e calvi-

nisme ne

religionositive

u dans es

persécutions

u

xvie

ièclea

violenceanati-

quede 'obscurantismeléricaltétatique,a souffrancee a nouvellegliseutmino-

rée.Les

récents

ravaux

e Denis rouzet

nt

montré,

n

revanche,

ombienesvio-

lences

taient

orteuses

e

sens.

hez

es

atholiques,

a

violence'exerceans n

désir

d'union

mystique

t

d'avancement

essianique

lors

ue,

hez es

protestants,

a vio-

lence e

veut

e-formation

u

temps

u

premier

hristianisme.

f. Les

Guerrierse

Dieu.La violenceu

temps

es

troubles

e

religion.

ers 525-Vers610

Mayenne,

1990,

t.

Ici,

nous

oulons

nalyser

a

réaction

uguenote

ux

premièresgressions

royales

u

Temps

es

feux.

2.

Il

existe ne

héologie

alvinisteu

martyre

ur

aquelle

ous ravaillons

ctuel-

lementans e cadre 'une hèse

Les

martyrs

atholiques

t

protestants

u

xv/e

iè-

cle,

n

France.

tude

partir

es

pamphlets

t

occasionnels.

3. Jean respin ait n

premier

ecensementes

protestants,

orts

our

eur oi.

Cf.Livre es

Martyrs

qui

estunrecueile

plusieurs artyrs

ui

ont

nduréa mort

poureNom e Nostreeigneuresus hristdepuis ean us usques ceste nnée

presente

.D.

LIII,

Genève,

554.

4. Cet

ouvrage

st

representatit

e la

production

artyrologique.

f. A. de a

Roche-Chandieu,

istoire

es

persecutions

t

martyrs

e

'Eglise

e

Paris

epuis

'an

1557

usques

u

temps

u

Roi Charles

eufviemme,yon,

563,

42

p.

et

epistre

LXXVII

.

Page 65: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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60

D.

EL RENZ

l'Église nouvelle5 t quelles sont les significations'un tel imaginaire

de la

souffrance.

«

Que

noz

adversitez

passées

soient

marques,

que

le

temps

ne

puisse

jamais

effacer

pour

la confirmation e nostre salut

»

6

Antoinede la Roche-Chandieu

publie

son traité u lendemainde

l'édit

de

pacification

'Amboise

(19

mars

1563)

:

une victoire imitée

des

huguenots7

ui

assure

cependant

a

survie

de

l'Église.

Il

relate

les violences contre es calvinistes epuis le pogrom catholiquede la

rue

Saint-

acques

(4

septembre

1557)

jusqu'à

la mort

du roi Fran-

çois

II

(5

décembre

1560).

En

revanche,

l

fait

silence sur le

premier

essai de tolérance

dans

l'année

1561 et sur

la

première

uerre

e Reli-

gion.

Le traité

met

donc

en évidence deux

phases

successives t con-

trastées une

première équence (1557-1560) pendant aquelle

domi-

nent

es

persécutions

l'édit

d'Écouen du 2

juin

1559

condamne

mort

tout

protestant

n

fuite,

comme criminel de

lèse-majesté)

et une

seconde

séquence (1559-1563)

au cours de

laquelle

le

calvinisme st

définitivement

rganisé

synode

de

Paris

qui adopte

la

confession t

la

discipline

de

Genève)

et se révèle

gressif

ans les terres

onquises

(protection rméedes Bourbon-Condé,vague iconoclasteet rébellion

en

1560

puis

1562-1563).

Durant ces six

années,

la douleur

constitue

une

épreuve initiatique,

une

païdeia

historique

de la

persécution

l'élan victorieux.Ces afflictions

nt un

sens

qu'un

Écrit doit

inscrire

et

propager

«

Voilà donc une autre

cause,

explique

Antoine de

la

Roche-Chandieu,

pour laquelle

la lecturede ceste histoirevous

sera

proffitable quand

elle vous

remettra evant les

yeux

voz

persecu-

tions,

et fera

revivre n voz cœurs le sentiment e l'amour de

Dieu,

qui

vous a aussi

exercezcomme ses chers

enfans,

elon

sa coutume...

Ce sera

plustost

pour

vous

resjouir,

et esmouvoir louèr

Dieu,

qui

vous a

fait

part

en

quelque façon

de la croix et

afflictions,

e nostre

Seigneur

Jesus Christ,comme ses membres et freres 8. Ainsi, la

paix

d'Amboise est-elle

acralisée

par

les

premiers upplices,

comme

le fut la

paix

de Constantin

par

les

premiers

martyrs

hrétiens.

5.

Alphonse

upront

montré

ue 'objet

e Yhomo

eligiosus

taita tension

vers 'Autre

pèlerinage,

ulte es

aints,

roisade,

tc.).

Cf. Du

sacré.

roisadest

pèlerinage.magest angages,aris, 987, .59.Lemartyreuguenotst nemodalité

pour

onnerens une ituationù

apparemment

ieua abandonnées fidèles.

6.

A. de a

Roche-Chandieu,

istoire

es

persecutions

t

martyrs

e

'Eglise

e

Paris,

p.

cit.

p.

Vili.

7. La liberté

e culte ecule

arrapport

l'édit

e

anvier

e 1562.

8. A. de

a

Roche-Chandieu,

p.

cit.,

p.

V11I-IX.

Page 66: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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L'HOMME

DE

DOULEURPROTESTANT

61

« Voici marcherde rang par la porte doree,

L'enseigne

d'Israel dans le

ciel

arboree

»9

Antoine

de la Roche-Chandieudécrit

rente-cinqmartyres.

ha-

que

récit e

compose

de trois

tapes

l'arrestation,

a

prison

t le

pro-

cès

(où

le calviniste

prouve

sa cause

en

privé

et

en

public)

et, enfin,

le

supplice.

Ainsi,

une

dramaturgie

e l'arrestation

usqu'à

la

mort

du

martyr

met

en scène

a

souffrance u fidèle.

l

convient 'en

analy-

ser

les ressorts fin

de

comprendre

es

représentations

e la

souffrance

huguenote.

L

'

arrestation

15 %

des arrestations

ésultent 'un

comportement

rosélyte.

es

autres

cas sont la

conséquence

du

refus d'observer es rites catholi-

ques,

à moins

qu'on

ignore

es circonstances.

Marin

Rousseau,

com-

pagnon

orfèvre,

t

Philippe

Parmentier,

ompagnon

ordonnier,

urent

ainsi

démasqués pour

ne

pas

avoir

eu

le

comportement

u

plus grand

nombre,

ors

d'une fête

catholique.

«

Cars les festes ls

avoyent

este

coustume,

au lieu

que

les

autres

s'amusent

à

boire,

et

follâtres,

de

se trouver nsemblepour se resouïr en Dieu, chanterpseaumes, et

faire

prieres.

Le

diable,

mal content de

cela,

leur

suscita un

traistre10.

Le

martyr

est donc avant tout l'innocente victime

(l'agneau christique), ersécutée

ar

la

haine

populaire

t

par

une

légis-

lation

nique.

L'ouverture u

martyre

rotestant

e

place

sous le sceau

d'une

pratique pieuse

non

dissimulée,

lective ans

pour

autant être

militante

1

.

La

prison

et le

procès

La

prison

et sa face

publique,

le

procès,

sont des lieux fonda-

mentauxdans la

geste

du

martyre.

Aux

prisons,

écrit

'apologiste,

on

cognoit

Dieu

estre veritable

en

ses

promesses...

il

leur

[les

martyrs]

onne force

pour

surmonter es

tenebres,

a

puanteur,

es

liens,

la

faim,

la

soif,

le

froid,

es

injures, mocqueries,

batures,

et

subtilitezdes ennemis de

vérité,

es

tourmens,

ourtures,

uestions,

et autres

choses

que

tous les

jours

leur sont

opposés.

Brief

ces

pri-

sons sont

eux

d'escrime,

ou on

cognoist

tous les

coups que

sçavent

ruer a

chair,

e

Diable,

le monde et

y apprend-on

e

du

grand

mais-

9. A. d'Aubigné,esTragiques(lre d.1616), . Bailbé d.,Paris, 968, . IV,

Les

Feux

v. 1-2.

10. A.

de a

Roche-Chandieu,

istoirees

persecutions

t

martyrs

e

l'Église

de

Paris,

p.

cit.,

p.

345.

11.

Dans e

programme,

n retrouvela

fois a

condamnation

alvinisteu nico-

démismet

'exigence

e la

prudence

e la

part

es

Églises rançaises

éformées.

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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62

D.

EL KENZ

tre,qui nous donne le vouloir, a science et le pouvoir,à les repous-

ser.

Que

personne

donc ne

craigne

plus

d'estre emmené en

prison,

veu

que

c'est

le

lieu,

ou

Dieu

desployepleinement

es

graces

».

12

La

prison

est

l'épreuve ndispensable

u chemindouloureux

vers

a

grâce

divine.C'est

que

la douleur errestree trouve

oulagée par

le divin.

Le

martyr

evient lors

un athlètede la foi.

Il

résiste la

maladie,

à la torture

hysique

et morale13.

Ainsi,

Jean

Amalric,

très affaibli

par

l'enfermement,

eprend-il igueur

ar

la

grâce

de

Dieu,

pour dépo-

ser

au Parlement.

«

Il

estoit desia tirant la

mort,

et

ne se

povoit

soustenir

u'à

grand'pene,

quand

on

l'appela pour

aller

devant Mes-

sieurs.Lors il commença reprendrees forces, t s'en alla tout deli-

beré

à la

Tournelle,

t

parla

si

franchement,

u'on

ne

l'estimoit

oint

malade

: et

disoit

qu'il

ne sentit ucune douleur

pendant qu'il

fut

»

14

Le

supplice

Le

supplice

est

le couronnement u

martyre.

ors

du

séjour

en

prison,

'homme

garde

ses faiblesses

t

peut

succomber.

l

dialogue

avec le Dieu secourable

mais

il

n'est

pas

encore uni à Lui ou

possédé

par Lui. En revanche, ors de l'exécution, 'écart disparaîtentre a

condition

humaine et l'action divine.

L'homme

supplicié

n'est

plus

homme

mais

le

Christ

vivant.

«

Magnifions, roclame

e

panégyriste,

celuy

qui

a vaincu

et surmonté

n eux.

»15

Le

crime d'hérésie est

puni par

le

supplice

du

bûcher,

vec

étranglement

u non.

À

travers

la

description

e

la

peine

se dessine

e

topos

du Christ sur la croix.

Le

supplice

se construit

n deux

étapes

le chemin

usqu'au

bûcher

puis

l'exécution

proprement

ite.

Dans

le tombereau

menant

u

bûcher,

e condamné

paraît

trans-

figuré.

l

est

oyeux,

recouvremiraculeusement

a

santé

et

se

pare

de

toute sa beauté. La demoisellede Luns

«

assise devant e tombereaumonstroit ne face vermeille, t d'une excellentebeauté. Elle avoit

au

par-avant

loré

son

mary,

t

porté

e

deuil,

habilléede

linges

blancs

à

la

façon

du

pays

: mais alors

elle avoit

posé

tous ces habillemens

de

vevage,

et

reprins

e

chapperon

de velours

et autres accoutremens

de

joïe,

comme

pour

recevoir

est

heureux

triomphe,

t

estre

ointe

à

son

espous

Jesus

Christ

16.

Quand

leur

langue

n'est

pas coupée

12.

A.

de a

Roche-Chandieu,

istoire

es

persecutions

t

martyrs

e

l'Église

de Paris

op.

cit.,

pp.

254-255.

13.20 7o esmartyresommencentarun reniementais ussitôtnnulé arunretourlavraie

oi,

près ue

des

ompagnons

ecellulent dmonestées

postats.

14.

A. de

a

Roche-Chandieu,

istoirees

persecutions

t

martyrs

e l

Eglise

de

Paris,

p.

cit.,

p.

146.

15.

bid.,

p.

XXXIV.

16.

bid.,

p.

86.

Page 68: Medievales - Num 27 - Automne 1994

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64

D.

EL KENZ

comme es autresmartyrs,efuse la croixde bois toutepoudreuse

qu'on

lui

apportait,

«

disant

qu'il

l'avoit

imprimée

dedans son

cœur »21.

«

Tant

de

sang

que

les Rois

espanchent

ruisseaux

S'exhale en douce

pluye

et

en fontainesd'eaux

»

22

La

souffrance

rocède

de

Yimitatio

hristi

Aussi est-elle

n

sacri-

fice. Par

l'immolation de

l'agneau,

la victime

nstaure un

langage

sacré. Elle constitue n ensemblede sacra et de signa que l'historien

doit décoder23.

Le

discours

udiciaire

La souffrance

du

corps

doit être resituée au

sein

d'un

rituel

juridique24.

Jusqu'à

l'édition de 1570 du Livre

des

martyrs

Jean

Crespin

et à sa suite Antoine

de la

Roche-Chandieu

xigent

ne

pro-

cédure officielle

pour que

le condamné

réponde

aux

critères

du

martyre.

es

pièces uridiques

doivent uthentifier

a mortvolontaire

pour l'Église et ainsi la dissocierd'une condamnationpour sédition.

Une fois

que

l'historien scellé

par

des

archives

la

geste

du

martyre,

l

met

en

place

une

rhétorique

de l'inversion.

Plus

la

vic-

time est

martyrisée ar

le

pouvoir

terrestre,

lus

elle récoltera

de

récompenses

ivines.

Cette

stratégie

e

calque

sur

celle du

Christ la

passion

du crucifié

nourrit a

plénitude

de la

résurrection ivine.

La

souffrance,

xe du

monde

renversé

TERRE HUGUENOT

SUPPLICE

JUSTICE ROYALE

CONDAMNÉ MORT

INVERSION

CIEL

ÉLU

ÉTERNITÉ

JUSTICE

DIVINE

21.

Ibid.,

p.

202.

22. A.

d'Aubigné,

es

Tragiques,p.

cit.,

.

III,

La chambreorée

v. 659-660.

23. Les acra

ésignent

esoutils

our

ntrern

contactvec e divin lors

ue

les ignaont esmanifestationsmmanentese Dieu.Cf.O. Herrenschmidt,Reli-

gion

, dansP. Bonté tM. zarddir., ictionnaireel'ethnologietdel'anthro-

pologie,

Paris,

991,

.

624.

24.

François

estringant

identifiéa mentalité

uridiqueui

prévaut

ans e

martyrologe

e Jean

respin

tdans

es

Tragiques'Agrippa'Aubigné.

f.

La Cause

des

martyrs

ans es

Tragiques'Agrippa

'Aubigné

Mont-de-Marsan,

991.

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L'HOMME

DE

DOULEUR

PROTESTANT 65

Ainsi,par l'agirdivin, e discours égitime-t-ila protestationace

à

la

géhenne

royale.

Au

sacré

de la

Rex Lex le

martyr

ppose

un

sacré

supérieur l'immanence

de

Dieu) qui prend

formedans la souf-

france

de son

corps.

Il

disqualifie,

par conséquent,

ses bourreaux.

Le discours

confessionnel

Le

martyre

st

aussi destiné à

la communauté

des

réformés.

l

sert

à encadrer

a nouvelle

Église

et à la

justifier

par

sa souffrance

sacrificielle. a communauté ait e don de l'un de ses frères u Sei-

gneur.

Le

condamné,

en

effet,

'offre

n sacrifice

arce qu'il

suit les

règles

dictées

par

la loi

de Dieu.

Il

instaure insi

un

rapportprivilé-

gié

et intime ntre

ui et

le

divin.

Mais comme

il

représente

a com-

munauté,

l

devient

ussi un médiateur

ntre lle et

le

souverain éleste.

Il

est à

la fois

l'expression

ollectivede

l'Église

et la

grâce

de Dieu.

Ce lien

sacral,

établi

par

le

martyr

ntre a communauté éformée t

Dieu,

doit être

préservé

t mis

à

profit ar

les

croyants.

Ainsi,

a

geste

du

martyr révient-elle

es

trahisons,

ntretient

t

encourage

a foi.

Cependant,

par

cette

communion

acrificielle,

e

groupe

se fait

égale-

ment créancier

du Dieu souverain.

«

Il

attend,

explique Roger

Cail-

lois, que les puissancesqu'il révère 'acquittent n exauçantses vœux

de la

dette

qu'elles

ont

contractée son

égard25.

Sûre du

sacrifice,

la communauté

cquiert

a certitude

u soutien divin

qui précipitera

sa

victoire ontre es

ennemis.

L'apologiste

protestant eut

ainsi

affir-

mer

que

la cruauté

des

catholiques

a tellement

ervi

pour

faire

place

au

regne

de nostre

Seigneur

Jesus

Christ,

et à son

Evangile,

que

la

Papauté

s'en

va

tresbucher

u tout

et ce

qui

estoit

couvert t caché

entre

peu

de

personnes,

t en

quelques anglets

de

la

France,

mainte-

nant est

respandu par

tout

et en

pleine

lumière

26.

Au-delà de la

souffrance

Toutefois,

u

martyre

ncore

civilisé,

'oppose l'éruption

u chaos

de

la

guerre

civile et de la violence hors-norme.

Le

martyrologe

s'achève

par

la

description

des victimes du Tumulte

d'Amboise

(17

mars

1560) qui évoque

une effusion acrificielle

auvage.

Bien

que

l'auteur

souligne

eur

constance,

es victimes e

reçoivent

as

explici-

tement

a

couronne

du

martyre27.

eur

rapport

u

sang

et à

la souf-

france

xplique

ce nouveau statutde l'homme de douleur.

«

Il

y

en

25. R.

Caillois,

L'homme

t e

sacré,

aris, 988,

.

34.

26. A.

de a

Roche-Chandieu,

istoire

es

persecutions

t

martyrs

e

l'Eglise

de Paris

op.

cit.,

p.

LXIII.

27. N'étant

aspassées ar

a

procédureuridiquendispensable

u

martyre

ffi-

ciel,

es victimese

peuvent

énéficiere ce

privilège.

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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66

D.

EL KENZ

eut un entre es autres,nous relate Antoine de la Roche-Chandieu,

lequel

estant monté sur

Péchafaud,

trempa

es mains au

sang

de

ses

compaignons,

ui

avoient esté sur

l'heure

decapitez,

et

les éleva vers

le ciel tant

qu'il peut,

s'escriant n semblables

aroles

Seigneur

oicy

le

sang

de tes

enfans,

tu en

feras la

vengeance

28.

Ici,

le

sang

se

présente

l'état brut29.

Le faire couler

est

une

grave transgression.

Le

précieux

liquide

30

constitue une souillure

qui

demande une

purification31. longer

les mains dans le

sang

est le

témoignage

de

cet affront t de ce bouleversement

es valeurs

les

victimes ont des

nobles et sont exécutées ans

jugement).

Le retour

l'ordre

des

cho-

ses ne peut advenirque par l'interventionengeresse e l'ire divine

contre

e

responsable,

urdéterminé

égativement.

insi,

e

chancelier

Olivier,

coupable

de ce

crime,

«

fut

frappé

d'une

maladie

estrange,

et en mourut.

l

jettoit

de si horribles

ris,

qu'ilz

estoient

ntendus

de toute a courtdu

chasteau.

l

souspiroit

tous les

coups,

et

disoit

va

cardinal

Charles

de

Guise,

cardinalde

Lorraine],

u

nous fais tous

damnés

»

32. La mort de

François

I

est aussi

interprétée

omme

une

«

délivrancemiraculeuse 33. L'écriturede la

souffrance u

peu-

ple protestant,

l'aube des

guerres

e

Religion,

st donc riche

de sens.

À

la

fois

légitimation olitique,

fédératrice 'une

communauté,

lle

prépare

'insubordination evant

e

scandalon des

massacres à venir.

L'esquisse de l'homme de douleurprotestant ermetde nuancer

fortementa

rupture

des

sensibilités

u'aurait provoquée

la réforme

calviniste. e

peuple

huguenot artage

a

culture e la

souffrance hré-

tienne. S'enracinant ux

origines

de

l'Église

primitive,

l

retrouve a

vocation de

la

mort

pour

la foi.

Mais

plus

encore,

il

traverse

ette

religiosité

pécifique

des

renouveaux

mystiques

du

XVIe

iècle,

la

possession

de Dieu se

passe

des médiateurs léricaux t

royaux,pour

vivredans la

passion

du

Christ. Les

Tragiques d'Agrippa d'Aubigné

s'achèvent

insi

«

Tout

meurt,

'ame

s'enfuit,

t

reprenant

on lieu

/

Exstatique

se

pasme

au

giron

de son Dieu »34.

Réponse

à la très

catholiqueThérèsed'Avila :

«

Mouriret souffrir,elsdoivent trenosdésirs 35.

28. A.

de a

Roche-Chandieu,

istoire

es

persecutions

t

martyrs

e

l'Église

de Paris

op.

cit.

p.

436.

29. Ce n'est

as

un

hasard

i

'apologiste

voque

es

décapitations

tnon es

pen-

daisons

ui

eurent

ieu,

u même

moment,

u

château 'Amboise.

30. Dans a

Bible,

e

sang ignifie

âme,

oufflet

respiration.

f. J.-P.

Roux,

Le

Sang.

Mythessymboles

t réalités

Paris,

988,

.

48.

31.

bid.,

pp.

36-39 t

pp.

102-106.

32. A.

de a

Roche-Chandieu,

istoirees

persecutions

t

martyrs

e l

Eglise

de Parisop. cit. p.437.33.

bid.,

.

442.Dans es

pamphletsrotestants,

loccasionesmortse HenriI

et

de Charles

X,

on

retrouvee thèmee a malédictionivine

ui

frappe

es ouverains.

34. A.

d'Aubigné,

es

Tragiques

op.

cit.,

L.

VII,

Jugement

v. 1217-1218.

35.

Thérèse 'Avila

trad.

M.

Auclair),

Pensées

t

sentences

dansŒuvres

complètes

Paris, 964,

.

1063.

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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Médiévales7,automne994, p.67-74

Valentin

GROEBNER

LA VILLE

ET LE

CORPS.

LA PERCEPTION DU CORPS BLESSÉ

À

NUREMBERG

À

LA

FIN

DU

XVe

SIÈCLE

Les témoins

oculaires sont-ils érieux

Dans les

années

quatre-

vingts

du

xve

siècle,

Heinrich

Deichsler,

brasseur et

citoyen

nurem-

bergeois

isé,

entreprend

écrire a

chronique

de

sa

ville,

mi-récit es

événements

olitiques,mi-journal

ersonnel.

Au

travers es

pages,

elle

se

présente

omme une suite

nterminable

e

rixes

anglantes,

homi-

cides et de châtiments orporels.En 1493, l auteur note sans com-

mentaire

u on

a

poignardé

inq

hommes

dans la ville entre e 26 mai

et le

24

août,

sans

qu on

ait

pu

saisir

aucun des

agresseurs.

a même

année,

un

homme rmé tue sans raison

apparente

n écolier

ui

chante

dans la rue

en

quête

d aumônes. Encore

en

1493,

un

certainAnton

Schetzel

guette

rmé de son

couteau une femme nceinte

ui

se rend

à

l église,

lui

coupe

les

tendons au niveau des

genoux

et

la

frappe

au

visage

si

violemment

u elle

meurt e

jour

même1.

Ce

qui

étonne

dans la

description

e

Deichsler,

ce

n est

pas

seu-

lement a

répétition réquente

e ces

faits,

mais encore a manière aco-

niqueet concisedont ls sontprésentés. emaineaprèssemaine l enre-

gistre,

ans émotion

pparente,

es oreilles

coupées,

les crânesenfon-

cés et les

victimes ventrées.

Cette

«

cruauté

»

a fait

partie

des lieux

communs

à

partir

desquels

se construitnotre

perception

du

Moyen

Âge

: dans la littérature

istoriographique,

a

population

urbaine

de

la

période

est

présentée

omme

violente,

anguinaire,

ndifférenteux

douleurs du

corps

tourmenté,

oire comme

«

hébétée

. La

violence

quotidienne

dans les villes

du bas

Moyen

Âge

a été

interprétée ajo-

ritairement

omme un

symptôme

e

crise,

comme une manifestation

de tensions

ociales,

du

«

déracinement

,

de la

«

dissolutionde liens

traditionnels

2.

Certains

travaux

récents,

n

revanche,

renoncent

1

Die

Chronik

esHeinricheichslers

488-1506,

ans ie

Chronikener euts-

chen tädte om 4. bis

ns

16. JahrhundertK.

Hegel

éd.,

vol.

11,

Leipzig,

872,

dp.

574-575.

2.

N.

Gonthier,

risde haines t rites

unité

la

violenceans es villes

xnie-xvi

iècles,

urnhout,992,

.

191. Crise

et

«

déracinementchezB. Gere-

Page 73: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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68

V. GROEBNER

rattacher etteviolenceaux phénomènesde la « crise». Quand les

sources

permettent

e

préciser origine

sociale

des

agresseurs

t

des

victimes,

n constate

que

les

premiers

ne sont

que

dans

une

faible

mesure

des éléments

déclassés ou

marginalisés

de la

société. Entre

autres,

les

provocations

et les rixes dans les rues semblent ervir

la consolidation

d une hiérarchie

ociale,

tout

en

fixant

chaque

fois

un

«

pecking

order

»

nouveau : elles renvoient l existence d un

système

ui réglemente

équilibre

précaire

de l honneur ndividuel t

général,

honneur

ui,

d une

part,

doit être

protégé

t

imposé

-

fût-

ce

au

prix

du

sang

-

,

et

qui,

de

l autre,

doit être

préservé

t main-

tenu pour assurer ordre et la paix municipale3.

L exposé

suivant

porte

sur

la

perception

t la

réglementation

e

la

violence

physique

dans une

grande

ville allemande à la fin

du

XVe iècle.

À

l époque, Nuremberg, qui compte

environ

40 000

habitants,

st

un des

grands

centres

ommerciaux e

l Europe

centrale,

ne

ville autonomeet

puissante.

Ville

d Empire,

elle est

gou-

vernée

par

un conseil

dominé

par

les

grandes

famillesmarchandes t

banquières, désigné

par

la suite comme

«

le

conseil

»

der Rat

»).

Un

voyageur

allemand

du

XVe

iècle

rapporte qu on

disait

à

Venise

que

toutes les

villes

allemandes étaient

aveugles

il

n y

avait

que

Nuremberg

ui voyait

d un

œil4. Dans l œil de cette

ville,

de

quelle

manièrese reflétaita violence? Comment décrire es attitudesdes

citadins de

Nuremberg ar rapport

au

corps

blessé

et mutilé

La violence

au

quotidien

?

Dans les lois

et les

ordonnances

enregistrées ar

le

conseil

de

Nuremberg

urant

es dernières écennies

du

xve

siècle,

il

est

ques-

tion

de manière

roissante

e la violence dans les rues

de la ville.

En

1471,

le conseil

déclare

que

celui

qui

a

coupé

les

doigts,

les

mains

ou d autresmembres

d un

adversaire,

era

puni par

la

perte

de ses

mek,

es

marginaux

arisiens

ux

xiv et

xv

siècles,

aris, 976,

t

J.

Chiffoleau,

«

La

violence

u

quotidien.

vignon

u xive iècle ans es

registres

e la cour em-

porelle

,

Mélanges

e Ecole

rançaise

e Rome

Moyen ge/Temps

odernes)

2,

1984,

p.

325-371.

3. S.

Burghartz,

Disziplinierung

der

Konfliktregelung

ZurFunktion

täd-

tischererichte

m

Spätmittelalter

Das Zürcher

atsgericht

,

Zeitschriftür

histo-

rische

orschung

6,

1989,

p.

385-407

P.

Maddern,

iolence

nd ocial rder.

ast

Anglia

422-1442

Oxford,

992

Cl.

Gauvard,

De

grace special

. Crime

État

et

Société

n France

la

fin

du

Moyen

ge

2

vols, aris,

991.

u

mêmeuteur

voir

ussi

Violenceitadine

t

réseauxe

solidarité.

exemple

rançaisux

xive

t

xv» iècles,AnnalesSC 1993, ,pp.1113-1126,vec uelques énéralisationsansladéfinitione a« criminalitéetdes criminelsdu bas

Moyen

ge

ui

me em-

blent

roblématiques

«

Lescriminels

e recrutentans ne

opulation

xogène,

ais

familière

es ieux

rbains

u elle

réquenteégulièrement.

-

ibid.

p.

1115.

4. Voir

Nürnberg.

eschichte

iner

uropäischen

tadt,

.

Pfeiffer

d.,

Munich,

1971,

t W.

von

Stromer,

berdeutsche

ochfinanz

350-1450,iesbaden,

970.

Page 74: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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LA VILLE ET LE

CORPS 69

membres orrespondants l homicidepar une amende et dix ans de

bannissement

u

par

la

peine capitale.

En

1482,

tous ces

châtiments

sont

alourdis,

le nombre

de

sbires

et de

sergents

e ville

multiplié5.

Comme dans d autres

villes

médiévales,

e conseilde

Nuremberg

ssaie,

à

coups

d ordonnances

répétées,

e

proscrire

u au

moins de restrein-

dre

le

port

d armes

dans la ville6. De

temps

à

autre,

les sources

nous

renseignent

ur

a

résistance

pposée

aux

sergents

ors

de

la con-

fiscationd armes mais

la

discipline

des

forces

de

l ordre elle-même

laisse

à

désirer.

En 1471

et à nouveau en

1480

et en

1490,

tous les

sergents

ont sermonnés

our

avoir malmené

ans cause les

bourgeois

et les gens dans la rue ; dans les dernièresdécenniesdu XVe iècle,

un

bon nombrede ces

sergents

st

congédié.

Leur

corruption

t leur

brutalité ont

proverbiales

dans un dit

satirique,

e

poète

nurember-

geois

Hans

Rosenpliit

ompare

a bonne foi des

sergents ui

font han-

ter et maltraitentes

gens qu ils

seraientcensés

protéger,

l amour

et la fidélité

«

die lieb und trew

-

entre

prostituées

t

soute-

neurs ou entre

uifs

et chrétiens7.

Malgré

l abondance des archives

municipales,

es

registres

rimi-

nels

de la ville

qui

pourraient

ous

renseigner

ur

l application prati-

que

des lois sont

perdus.Cependant,

l

existeun autre

groupe

de

sour-

ces

jusqu à présent

mal étudié. Les Libri conservât

rii,

registres

e

la basse justicemunicipale, nregistrenton seulementes plainteset

les arrêts oncernantes

dettes,

es

loyers,

aisies,

héritages,

mais reflè-

tent

galement

es

procédures

e la

juridiction

non

obligatoire,

est-

à-dire des actes

privés

reconnaissances e

dette,

héritages,

ontrats

de

travail, et,

surtout,

de

dommages-intérêts8.

Dans

une de ces

inscriptions,

e

boulanger

Cuntz

Rosenzweig

on-

firme e 22 octobre

1485

avoir

payé

dix Gulden

pièces d or)

aux

repré-

sentants

d Endres

Wagner

que

son fils avait

blessé

-

en

dédomma-

gement

de ses blessures

t

du salaire du médecin.

En

1486,

le

frère

de Heintz

Hutler,

victime un

homicide,

tteste voir

reçu

35

Gulden

des deux famillesd agresseurs titrede compensation9.Entre 1485et

1498,

les Libri conservatorii

nregistrent

9 de ces contrats de

dommages-intérêtsour

homicides,

es

doigtscoupés,

des

coups

reçus

au

dos,

au

bras

etc.

Compte

tenu de la violence

quotidienne

dans les

5.

Nürnbergerolizeiordnungen

es 14. und15.

Jahrhunderts,

. Baader

éd.,

Stuttgart,

861,

p.

41-46 t 49-51 H.

Knapp,

Das alte

Nürnberger

riminalver-

fahren

,

Zeitschriftür

die

gesamtetraf

echtswissenschaft

2,

1892,

p.

201-276t

437-552,

n

particulier.

267.Voir ussi

taatsarchiv

ürnbergep.

60

b,

Ratsbü-

cher

désormais

brégés

n

«

RB

»)

2,

79

r°,

RB

6,

113r°.

6.

Nürnbergerolizeiordnungen,

p.

cit.,

pp.

51-52 RB

5,

262

RB

6,

41 v°.

7. RB2,f° 19v° RB6,f°48v° Hundertoch ngedruckteriamelnes15.

Jahrhunderts,

.

Euling

d.,

Paderborn/Münster,887,

.

87.

8.

Stadtarchiv

ürnberg

14

/

I,

Libri

onservatorii

désormais

brégés

n

«

Lib.

ons.

).

Voir

V.

Groebner,

konomiehne

Haus. Zum

Wirtschaften

rmer

Leute n

Nürnberg

m

Ende

des 15.

Jahrhunderts

Göttingen,

993.

9. Lib.

ons

D,

121 °

et

155

°.

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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70 V. GROEBNER

rues, cela semblepeu. Mais évidemment,eule une petite partiede

ces accords sont inscrits ans les dossiers

udiciaires.

Dans les chro-

niques

des années 1480 et

1490

et dans

les

procès-verbaux

es séan-

ces

du

conseil

de cette

période,

l

est souvent

question

de

cetteforme

de

règlement,

ans

que

les cas

apparaissent

dans

les Libri conser-

vatorii 0.

Encore

plus fréquemment,

es

indemnités

ont

leur

apparition

dans les

fragments

e

registres

es

punitions

t

amendes de la ville

conservés

ux archives

de

Nuremberg

ans les

«

Differentialakten.

Ils datentdes années trente u

xvie

siècle et ont

pour

origine

un

con-

flit pposant a ville de Nuremberg son puissantvoisin, e margrave

de

Brandenburg-Ansbach,ortant

ur

les droits

de

juridiction

de

la

ville dans son territoire. ans ces dossiers

figurent

es

transcriptions

des

registres

riminels oncernant

niquement

es habitants e la

région

dont la

juridiction

st contestée

la ville

par

le

margrave

cela

expli-

que

le

fait

qu ils

ne contiennent

u une partie

nfime

des

jugements

prononcés par

les autoritésurbaines.

Mais ils

peuvent

nous

rensei-

gner

sur

la

gradation

entre

châtiment

ublic

et

règlement

l amia-

ble.

Les actes concernantes années

1483

à

1499

enregistrent

1

arrêts,

dont 10 cas de vol : sur les

21

cas subsistants

homicides,

plus

des

deux tiers

15)

ont

été

arrangéspar

un

paiement

de

compensation11.

Dans d autres cas de lésioncorporelle,de telsrèglements ar indem-

nité

augmentent

ncoreen nombre

t

fréquence.

Nos sources

désignent

cette forme

de

dédommagement

ar

un terme

particulier,

savoir

«

Taidigung

ou

«

taidigen

:

négocier,

se

mettre

d accord. Ces

«

Taidigungen

constituent la

fin

du

XVe

iècle à

Nuremberg

e

pro-

cédé normal et

ordinaire

pour

régler

es

coups

et

blessures et les

homicides.

Le

prix

du

corps

châtiment

t

règlement

l amiable

Dans le même

temps,

Nuremberg st une ville gouvernéede

manière

rigoureuse

non

seulement

lle

promulgue

des ordonnances

très

détaillées, mais,

de

plus,

elle

entretient n

système

de

sécurité

étendu.

Les

formes e

règlement

l amiable et les accords de dédom-

magement

écrits emblent

eu compatibles

vec les châtiments ra-

coniens

du conseil sur

le

port

d armes,

es

rixes t les homicides.Mais

contrairement

ux ordonnances

qui

n en

parlent qu en marge,

les

«

Taidigungen

sont souvent

mentionnées

ans

les

procès-verbaux

es

séances

du

conseil

elles sont

encouragées ar

les

autorités,

t,

en cas

de

refus,

on n hésite

pas

à les

imposer

par

la contrainte.

n

1516,

il y estmême ordonnéqu on accordeun contratde dédommagement

favorable

un

agresseur,

condition

qu il

se déclare

prêt

à

prendre

10. Voir

Die Chronik

es Heinricheichslers

op.

cit.,

pp.

384

et 562.

11. Staatsarchiv

ürnberg,

ifferentialakten

3b,

18r°-26 °.

Page 76: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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LA

VILLE ET LE

CORPS 71

soin du pèrede la victime 2.Ces règlements privés de la violence

sont

placés

sous le contrôle

rigoureux

u

conseil toutes es réconci-

liations ont besoin de son autorisation

pour

être valides. Le conseil

se met en scène comme arbitre

ui organise

e contrat t

l abandon

de la

vengeance

t

qui,

surtout,

onne

son autorisation la réconci-

liation,

tout en se faisant

payer

ses

services

en

argent

comptant.

Dans d autres

cas,

ces

négociations

ont

interdites

une

ordon-

nance de

1474

défend

xpressément

une

veuve de trouver n accord

avec les

assassins

de son mari13. De

plus,

il

n y

a

pas

de

«

Taidi-

gung

»

dans les affaires

épertoriées ar

les autorités

omme

meurtre

(« Mord ») et non comme homicidevolontaire « Todslag »). La dis-

tinction fficielle

ntre un et l autre

est floue ce ne sont

pas

telle-

ment es circonstances

action

préméditée

u

non,

légitime

éfense

tc.)

qui

sont

prises

n

compte,

mais

plutôt

a

personnalité

es

participants.

Pour les meurtres

pectaculaires,

es conflitsmeurtriersntre

époux

ou

parents,

et

pour

la

plupart

des cas

qui

concernent es

membres

des

familles

du

conseil,

es

procès-verbaux

t

les ordonnances

parlent

tout de suite de

«

mord

», meurtre,

our lequel

n existe aucune

pos-

sibilité

d arrangement

l amiable.

Dans ce

cas,

de

fortes

écompen-

ses

sont

promises

t criées

pour

l arrestation es auteurs du crime

on ferme es

portes

de

la ville et on

organise

une

véritable hasse aux

coupables silon arrive les arrêter, ensuivent e spectacle udiciaire

et celui de l exécution

publique14.

Si la

distinction ntre meurtre t

homicide

volontaire

reste

mal

définie,

a limite entre ce

dernieret

l accident n en est

pas

mieux tracée.

Dans

une

inscription

ux dos-

siers

udiciaires

de

1501,

un certain

Hanns

Reuter

s engage

à

payer

aux

parents

Albrecht

tenngel,

u il

a tué accidentellement

ors d un

concoursde

tir,

a

sommeconsidérable

e 200

Gulden. Comme

garan-

tie

pour

les héritiers

e

Stenngel,

l

est

contraint

e donner

sa

mai-

son en

gage15.

Cet accord

est

passé

exactement

ans les mêmes ter-

mes

et

les mêmes formulations

uridiques que

ceux dont

se servent

nos « Taidigungen . Afinde régler es conséquencesde la violence,les contractantsouscrivent la fiction elon

aquelle

es blessuresnfli-

gées

à la

victime,

voire

sa

mort,

n étaient

pas

le

résultatd une

pré-

méditation. eulement ous ces conditions accord

devient

possible.

Si la violence

dans les rues de

Nuremberg

st

quotidienne,

lle

n en coûte

pas

moins très cher aux

coupables.

Dans un

contratde

1498,

Hans Lebendter et

Hans

Grym

se font un devoir

de rendre

12

Gulden à Erhard Tofel

qu ils

avaient blessé

dans un autre de

1490,

le

prix

d une

main

coupée

se monte à

27

Gulden en

1506,

les

12. RB

11,

86r°.

13. H. Knapp, DasalteNürnbergerriminalverfahren, op.cit., .507 voir

aussi

p.

254.

14. Voir

ar xemple

ie

ChronikesHeinrich

eichslers,

p.

cit.,

p.

582,

90,

602.

15. Stadtarchiv

ürnberg,

14/1,

ibri

itterarum

7,

190

°

cf.Die

Chro-

nik

des

Heinricheichslers

op.

cit.,

p.

375.

Page 77: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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LA VILLE ET LE

CORPS

73

ment Cuntz Schott,noble franconien n conflit vec la ville, coupe

la main de son

prisonnier,

e marchand

nurembergeois

WilhelmDer-

rer

-

description

troce,

qui

dépeint

comment chott force

Derrer

mettre a main sur

e

billot.

Derrer ui

demande

grâce,

en vain.

Il

pose

finalement a main

gauche

sur le billot Schott e menace de le tuer

sur-le-champ

il

n y pose pas

sa main droite.

Ensuite,

il

donne un

coup

de

son

épée

-

mais,

Derrer

yant essayé

de retirer un

mouve-

ment

brusque

sa

main,

épée

n atteint

ue

les

doigts.

Schott

aisit

une

hache et

frappe

à nouveau. Cette

fois-ci,

a victime

retire ncore sa

main,

et le

coup

tranche a main au

milieu,

de

façon

à ce

que

le

pouce

ne tienne lus qu à un lambeaude peau, commenous le décrit e chro-

niqueur.

«

Avec

ça

tu

n écriras

plus

de

lettres

,

lui

recommande

Schott,

cynique

«

Rapporte

ta main à

tes

seigneurs.

20

Cette

description

ne

manque pas

de

produire

un certain

effet

même

pour

le lecteur u

XXe

iècle. L événement essemble un

mas-

sacre

grossier,

out en suivant es

règles

d une

dramaturgie

articu-

lière

-

néanmoins,

e

rang

social du marchandDerrermutiléne

suf-

fit

pas

à

justifier

ette

abondance

de

détails.

Pour

Deichsler,

cette

main a été

coupée

de manière

llégale

et

illégitime,

ontrairementux

mains tranchées

par

le bourreau de

Nuremberg

ors d un

jugement

légal,

et contrairementussi aux mains blesséesdans les rixes

qui peu-ventfaire objet d une « Taidigung . Le chroniqueur est rienmoins

qu indifférent

la violence

il

la

perçoit

de

manière

précise.

Pour

lui,

ce ne sont

pas

les mutilations

u

les douleurs

infligées

n tant

que

telles

qui

sont

cruelles,

mais seulement elles

qui

sortent un cer-

tain

cadre,

qui

mettent mal l ordre

la

cruauté,

c est le

renverse-

ment des

règles.

La

juridictionpénale

du conseil de

Nuremberg

bonde en

élé-

mentsthéâtraux t

qui

renvoient cette notion

d une violence

uste

reflétant

ordre,

organisée

comme une

mise

en

scène21.

l

semble

que

les

contemporains

nterprétaient

es

manifestations e la

justice

littéralementommedes spectacles dans un poèmedu nurembergeois

Hans

Folz,

imprimé

n 1480

sous le titre

Dialogue

du Riche et du

Pauvre

»,

le

pauvre déplore

a

persécution

e tant

d innocents

par

la

juridiction

rbaine.Son interlocuteurui

oppose que

ces

procédés

ont

nécessaires

il

faut

bien

attraper uelqu un.

Si on

ne

pendait

pas

les

gens

sur un

simple

doute,

on ne

pourrait

plus pendre personne

or

il

faut

pendre22.

De

telles mises

en

scène de la

justice

et du

châtiment ont

de

véritables

shows

»

:

il

faut es

arranger

e la

manière a

plus

spec-

20. Ibid.p.598.21. En

conséquence,

e conseil e tolère

as

que

ses

spectacles

oient

érangés

il

menaceous

eux

ui

nsultent,

ttaquent

u

maudissente bourreau

e

peines

évè-

res

RB

e,

98 r° Die

Chronikes

Heinrich

eichslers,

p.

cit.,

p.

671 t

680.

22.

«

DerArme nd

erReiche

,

dansH.

Folz,

Die

Reimpaarsprüche,

.

Fis-

cher

d., Munich,

971,

.

217.

Page 79: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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74

V.

GROEBNER

taculaire, finque les spectateurs e puissentpas détourner es yeux

-

car,

dans

la

plupart

des

cas,

les autoritésde la ville n ont

pas

les

moyens

de

saisir les malfaiteurs

n fuite. S il

veut exercer

on droit

de

justice

avec

succès,

le conseil a besoin de la

coopération

de

tous

les

deux,

auteurset victimes u crime. Ses

pouvoirs

de

dénomination

-

«

mord

»

ou

«

todslag

»,

justice exemplaire

u

règlement

l amia-

ble

-

et

son rôle

d arbitre

dans les

«

Taidigungen

sont

les seuls

moyens

dont

dispose

le conseil

pour réglementer

a violence.

Ces

moyens

doux

s associent

à la terreur t à

l exemplarité

es

exécutions

publiques.

Dans ce

contexte,

a

corruption

t la

brutalité es

sergents

de ville ne peuventplus êtrequalifiéesde « dysfonctionnelles. Au

contraire,

lles sont nécessaires t contribuent

u maintien e

l ordre.

Leur nombre elativement

estreint

t

leurs

moyens

n

réalité rès

imi-

tés forcent es

sergents agir

de manière

démonstrativement

iolente

pour

incarner t

représenter

e

façon

convaincante e

pouvoir

et la

force de la ville.

Les

inscriptions téréotypées

ans les

dossiers

uridiques

nous

fournissent

eu

de

détails sur

le

déroulement es

«

Taidigungen

.

Mais

on

peut

en retenir

ue

ces

conciliationsritualisées

ssument

a

même fonction

ue

les exécutions

ui,

elles,

sont bien

documentées

ce

sont des

systèmes ui,

en

classant

et

distinguant

es

délits,

créent

l ordre en le rendantvisible. Cette structuration u monde est puis-

sante. Le rituel uivi

régulièrement

ait

disparaître

a violence

physi-

que

et

ses

conséquences

derrière

ordre,

et ce n est

que

la

perturba-

tion

du

rite u

de

son déroulement

ui

les

rend

visibles.

À

ce moment-

là Deichsler

rapporte

e

sang,

les

cris,

le

gémissement,

est là

qu il

décrit

de manière i détaillée es sursauts

de la victime t le

lambeau

de

peau

qui

rattache a

main au bras.

Seuls les rituels

dérangés

don-

nent à voir le

corps

blessé

et

tourmenté.

Page 80: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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76 B. SCHUSTER

Les prostituées ans le droit

Je ne

parlerai

ni

du droit

canonique

ni

du droit romain.

Jusqu'à

la fin

du

XVe

iècle,

dans les villes

allemandes,

les

allusions

à

ces

droits savants restentdes

emprunts

solés et

théoriques

sans

effets

durables2. Les statuts

du

faubourg

de Vienne

de

1241,

par

exemple,

stipulent

ue

le salaire d'une

prostituée,

omme le

gain

d'un

joueur

professionnel,

e

peut pas

être

revendiquépar

une

plainte

devant e

conseil

municipal, parce que l'argent

a été

gagné par

un acte

immoral3.

Cette

clause se réfère une

discussion

universitaire u

XIIIe iècle, qui tourne autour de la question du droitde la prosti-

tuée à son salaire4. Mais même si

nous trouvons un

statut

équiva-

lent au

xve

siècle à

Bâle5,

nous

ne

pouvons prouver

u'il

a vraiment

affecté es relations ntre

prostituées

t

clients. Ces deux

décretsres-

tentdes cas isolés et

signifient lutôt

une mise à

l'écart

symbolique,

proche

d'autres mesures

diffamatoires,

ont

je parlerai plus

loin. À

ma

connaissance,

un

client,

qui

ne

voulait

pas payer

dans un

bordel

municipal,

devait

partout

'attendre être

puni.

Un

exemple

encore

plus

convaincant

du

décalage

entre e droit

urbain et le droit

romain

nous

est fourni

par

le

Sachsenspiegel

cette rédaction

du droit

coutu-

mierdu XIIe

iècle

qui

a

profondément

nfluencé e

développement

u

droitdans l'Allemagnedu Nord usqu'aux tempsmodernes.Eike von

Repgow,

'auteur de cette

collection,

roclamequ'une

femmene

peut

pas

être

déshéritée

cause

de

ses mœurs.

l

distingue

ettement'hon-

neur et le droit en disant

«

Une femme

peut

détruire

on honneur

par

son

impudicité,

mais

elle ne

perdra

ainsi

ni

son droit

ni

son héri-

tage

»6.

Le droit

canonique,

en

revanche,

influencé

par

le droit

romain,

interdisait

a

capacité

testamentaire es

prostituées7.

Néanmoins,

a

présence

de

prostituées

e

préoccupaitpas

seule-

ment es clercs

éruditsmais aussi les autorités

ocales,

selon un

point

de vue tout

à fait différent.

n

ses

débuts,

e droit

municipal

procé-

dait d'une association

de

citadins,qui s'étaient mis d'accord contrele

seigneur

e la ville et

s'obligeaient

régler

acifiquement

eurs

que-

2. Pour

a

réception

ardive

u droit omain ans es villes llemandesoir

E.

Isenmann,

ie deutschetadt

m

Spätmittelalter

250-1500.

tadtgestalt,

echt

Stadtregiment,

irche,

esellschaft,

irtschaft,tuttgart,

988,

.

144.

3. G.

Winter,

Das WienerNeustädter

tadtrecht

es13.Jahrhunderts

,

Archiv

für

österreichische

eschichte

t.

60, 1880,

p.

230-31.

4. J.A.

Brundage,

aw,

ex

ndChristian

ociety

nMedieval

urope,

hicago,

1987,

p.

393,

523.

5.

Rechtsquellen

onBasel

tadt ndLand

J.Schnell

éd.,

t.

1,

Bàie,1856,

d.23.6.

Sachsenspiegel

Landrecht),

.A. Eckhardt

d.,

Göttingen,

955,II,

15

§ 2,

p.

77.

7. J.A.

Brundage,

p.

cit.,

pp.

30,

46 J. A.

Brundage,

Prostitution

n

Medieval

anon aw

,

dansV. L. Bullough t J. A. Brundage

ir.,

exual rac-

tices

nd

theMedieval

hurch,

ew

York,

982,

p.

149-160,

ci

p.

154.

Page 82: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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L'IMAGINAIRE

E LA

PROSTITUTION

77

relies,en les déférant un tribunal rbitralconstitué ntreégaux8.

Ce

règlement

tait

suffisamment

fficace

pour empêcher

es

hostilités

entre es

familles

ésidentes,

même s'il ne

pouvait pas

mettre

in

aux

affrontements

ntre

particuliers

ans une cultureoù l'honneur

mas-

culin

reposait

ur une démonstration e forceet

d'agressivité9.

'éta-

blissement

de

la

paix

reste

une

préoccupation

des

villes

jusqu'aux

temps

modernes.

Les

étrangers

ui

venaient n ville

-

dont

beaucoup

de femmes

-

constituaient

n

problèmepour

les

communautés rbaines

des

xnie

et

xive

siècles.

Le droit communal de Vienne de 1278

par exemple

refuse e parlerde communibusmulieribus,uia indignumsset, psas

legum laqueis

innodare

10. Ici l'idée de

communauté urbaine

s'exprime ar

la

métaphore

u filet enduentre es

hommes

de

la

ville.

La version

vernaculaire u droit de Vienne

rédigée

en 1340

explique

l'indignité

es femmes ommunes

e

façon

plus

explicite.

e textenote

qu'il

serait

indigne

et

inapproprié

de

les

forcerà

se marier11. es

femmes ans relation exuelle exclusive

posaient

un

problème,parce

qu'elles

ne

faisaient

as partie

d'une famille.

Mais

il

était

quand

même

indispensable

e trouver

n

statut

pour

«

les femmes

ibres

12,

une

expression

qui

reflète

eur

position

à

l'écart du réseau

judiciaire

et

familial.

La solution ui s'imposait tait imple. l fallait rouver uelqu'un

qui

fût

responsable

d'elles. Au

début,

toute la

communauté es

pre-

nait en

charge.

Tout homme

pouvait plaider pour

une

prostituée

devant e

conseil,

si elle

avait

été

agressée13.

t

si

les femmesmena-

çaient

la

paix,

chaque

homme

pouvait

les

punir

comme

il

punirait

sa

servante,

a fille

ou

sa

femme14.

ette

responsabilité

ommunede

la

paix

est un

signe

de la

territorialisationu droit en ville.

La

dési-

gnation

des

prostituées

omme

«

femmes ommunes

,

qui apparaît

assez

tôt,

montre

que

les

fondementsdes

communautés urbaines

étaient en train de

changer.

Mais la responsabilténdividuelle es habitantsne s'affirmapas

longtemps.

Au furet à mesure

que

le conseil

municipal

'institution-

8. E.

ISENMANN,

p.

Cit.

p.

74

S.

9. S.

Burghartz,

Disziplinierung

der

Konfliktregelung

Zur

Funktion

tädtis-

cherGerichte

m

Spätmittelalter.

as Züricher

atsgericht

,

Zeitschrift

ür

historis-

che

Forschung

t.

16,

1989,

p.

385-407,

ci

pp.

394-5.

10.Die Rechte ndFreiheitener Stadt

Wien J. A. Tomaschek

d.,

t.

1,

Vienne,877, . 46, §

26.

11.

Tomaschek,

p.

cit.,

p.

108.

12. Pour es

expressions

ourantes

ésignant

es

prostituées,

oir

.

Bloch,

Die

Prostitutiont.

1, Berlin, 912,

p.

733-737

pour

a

conception

édiévalee la

« libertévoir . Schmugge,Mobilitätnd reiheitmMittelalter, dansJ. Fried

dir.,

ieabendländischereiheitom 0.bis

um

4.Jahrhundert.er

Wirkungszu-

sammenhang

on deeundWirklichkeitm

uropäischen

ergleich

Sigmaringen,

991,

pp.

307-324,

ci

pp.

323-4.

13.

Cf.

G.

Winter,

oc.

cit.,

p.

231.

14. Landshuter

rkundenbuch,

.

Herzog

d.,

Neustadt/Aich,

963,

.

70.

Page 83: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 83/163

78

B. SCHUSTER

nalisait, l s'occupait lui-mêmedes femmes ommunes. Et à la lon-

gue,

cette

tâche fut

déléguée

à des officiers e

la

ville,

aux

baillis

ou

aux

bourreaux15.

es femmes ans hommes furent

ar

la suite con-

traintes

'habiter

près

de ces

officiers,

t

quelquefois

dans la même

maison

qu'eux.

On

les

obligeait

aussi

à

rémunérer

eurs

protecteurs.

Cette

taxe,

qui

pouvait

se

rapprocher

e la dot

des

femmes

mariées,

devait être

payée

en

petites

ommes,

régulièrement,

arce que

le

rap-

port

entre es

prostituées

t les

«

fonctionnaires de la

ville

restait

provisoire.

Car les

prostituées

e la

«

première

génération

étaient

des femmes

rrantes,

onstamment

n

route à la

recherche e

clients

qui leur permettaient e vivre.

Ce ne

fut ni

l'ambition

personnelle

es

conseillers

ni

la

bureau-

cratisation

ui,

à

partir

de la

fin

du

xive

siècle,

poussèrent

l'insti-

tutionnalisation

e la

prostitution

ans une

maison

qui appartenait

à la ville. Le

développement

'une administration

rbaine,

comme

e

droit,

procédait

du souci de

garantir

a

paix.

Les

protocoles

udiciai-

res

montrent

ue

les actes

violents

ontre

es

prostituées

osaient

un

problème

réel dans

la vie

quotidienne.

On

les

agressaitfréquemment,

et la nature de la violence révèle

que

la

société urbaine ne

reposait

pas

seulement

ur un droit communmais

aussi sur des

valeurs

parta-

gées.

On

coupait

les

cheveux

des femmes

libres16,

on

les

déshabillait17,n détruisait es fenêtres e leur résidence u bien on

en enlevait es

portes18.

ace à une telle

hostilité,

ne

prise

en

charge

de ces femmes

ar

le

conseil onstituait

n

moyen

de

pacifier

a

société

urbaine.

La

protection

es faibles est

un

aspect

de la

responsabilité

du

souverain

médiéval. Les conseils suivaient insi

l'exemple

du

roi.

Et

il

est

frappant

de voir comment

es ritesde la cour

persévéraient

dans

ce nouveau contexte de

la

prostitution.

Nous

savons

qu'au

XIIIe

iècle

les

prostituées

e

la cour

française

ffraient

haque

année

un

bouquet

de

fleurs

au

souverain19,

este qui exprimait

eur lien

direct avec

lui. La même coutume

nous

est

rapportée

à

Francfort,

où, jusqu'au

xvie

siècle,

les

«

femmes ommunes offraient

e don

au conseil20.

15.Das Stadtbuchon

Augsburg

C.

Meyer

d.,

Augsbourg,

872,

.

71

Frank-

furter

mtsurkunden

K. Bücher

d.,Francfort,915,

.

63

. Cette

ratique

st rès

répandue

n

Allemagne

t ailleurs.our ne numération

omplète,

e

renvoie ma

thèse Die unendlichen

rauen à

paraître

n 1995. ans e

cadre

e cet

rticle,

e

me imiteci

et dans a suite

quelquesxemplesignificatifsour

e

pas multiplier

les

annotations.

16. Archives

unicipales

e

Constance,1/1,

28

1378)

B

1/5,

39

1429).

17.

D.O.

Hughes,

Distinguishing

igns Earrings,

ews nd

Franciscanhe-

toric

n talian enaissance

ity

,

Past nd

Presentt.

112,

986,

p.

3-59,

ci

p.

30.

18. K.D. Bechthold, unftbürgerschaftndPatriziat.tudienurSozialges-chichteer tadt onstanzm 14. und15. Jahrhundert

Sigmaringen,

981,

.

238.

19. J.

Rossiaud,

a

prostitution

édiévale

Paris, 988,

.

78,

p.

255note 1.

20. A. A.

von

Lersner,

achgeholte

vermehrte

nd

ontinuierte

hronica

er

weitberühmten

eichs

,

Wahl- ndHandelsstadt

ranckfurth/Main,

rancfort,734,

p.

693.

Page 84: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 84/163

L'IMAGINAIRE

E LA

PROSTITUTION

79

L'imaginairede la prostitutionmunicipale

Mais si

une morale

rigiderégnait

n

ville,

pourquoi y

admettait-

on la

prostitution

Ce

problème

nous

oriente

vers a clientèle t

ses

attentes.

Le droit communal

d'Augsbourg,

qui

date de

1276,

défend

aux femmes rrantes

oute

mpudicité

ans

la ville

et

oblige

le bour-

reau à les chasser

en dehors des murs21 cette

mesurene fait

pas

de

distinction

ntre

a

communauté

de droit et la

communautéurbaine.

Mais

je

doute

que

l'on

puisse

interpréter

e textecomme une

prohi-

bition

de la

prostitution,

ar le même droit

parle

d'une taxe

des fem-

mes à verser u bourreau,ce qui suppose que les prostituées taient

tolérées.

La contradiction

isparaît

i

on tient

compte

d'un fait

rap-

porté

à Bâle et à Sélestat les

prostituées

ivaienten

dehors de la

ville,

dans les

faubourgs, armi

d'autres

gens marginaux,

éparées

mais

toujours

accessibles

2

;

car

il

y

avait des

occasions

où leur

présence

était

ugée

indispensable.

a loi

d'Augsbourgprévoit u'elles

peuvent

entrer

l'intérieur es

murs,

i des nobles visitent a ville23.

D'autres

indicesnous

font

upposerque

la

prostitution

aisait

partie

de la cul-

ture des nobles.

Une

chronique

de

Magdebourg

rapporteque

le

prix

d'un

tournoi ocal au

xme

siècle

était une

«

femmebelle ». La suite

de

l'histoire

montre

u'il s'agissait

d'une

prostituée

u

sens

large

du

mot. Le vainqueur,un marchandde Goslar, renonça à la garderà

son

service.

l lui

paya

une

dot,

afin

qu'elle

pût

se marier t

quitter

sa

vie

déshonorante24.

ette

femme, emble-t-il,

'avait

pas

de valeur

proprepour

le

gagnantqui

était marié. Le

prix

de la

compétition

ui

offrait eulementa

possibilité

e

manifester

a

charité hrétienne. ais

que

se

serait-il

produit

si

un

jeune patricien

élibataireavait été le

vainqueur

En

aurait-il sé d'une

autre

manière Avant 'institution-

nalisation

de la

prostitution,

a

possession

d'une

«

belle

femme

sem-

ble avoir été un

signe

de richesse t de

puissance,

un

étalon

social.

La culturede la

bourgeoisie

e

modèle

selon un

style

de vie noble.

Quand des aristocrates isitaienta ville,on les recevait e façonnobleen invitant es

prostituées participer

u

banquet

à l'hôtel de ville25.

Plus

tard,

au

XVe

iècle,

lors

d'une

visite

de

l'Empereur,

on

permet-

tait

à sa suite

de boire du

vin

pris

aux caves

municipales

t de

s'amu-

ser dans le bordel aux frais de la ville26.

21.

Meyer,

p.

cit.,

p.

71.

22. Rudolf

on

chlettstadt,

istoriae

emorabiles.

ur

Dominikanerliteratur

und

Kulturgeschichte

es

13. JahrhundertsE. Kleinschmidt

d.,

Cologne,

974,

p.

43

D.

A.

Fechter,

Topographie

it

erücksichtigung

erCultur-

nd

ittenge-

schichte

,

dansBasel

m

14.

Jahrhundert,

àie,1856,

.

112.

23.

Meyer,

p.

cit.,

p.

190.

24.Die Chronikener eutschentädte om 4-16. ahrhundertt.7,Magdeburg

1,

Leipzig,

869,

.

168 .

25.

A

Francforta coutumee a

participation

es

prostituées

ux

dînersu con-

seilfut bolie n 1529

A.

A.

Von

Lersner,

p.

cit.,

p. 693).

26. P.

Etterlin,

ronica on er öblichen

ydtgenoschaft

r

harkomennd

ust

seltsamtrittennnd

geschichten,

àie,

1507,

°

63.

Page 85: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 85/163

80

B.

SCHUSTER

La fête vaitdans la ville non seulement on lieu social maisaussi

son

temps propre.

Pendant les foires et les

grandes

fêtes,

es

règles

qui

assuraient

'ordre du

quotidien

perdaient

de leur force.

À

cette

occasion,

les

prostituées

t leurs

compagnons,

es ruffians

ouvent

experts

n

jeux,

affluaient. ertaines

hroniques

notent e

nombrede

femmes

ubliques

présentes

ors d'un tel événement. e chiffree

plus

extraordinairee

repère

ors

du Concile de

Constance,

de

1414

à

1418,

700

prostituées

nt été

comptées par

le

chroniqueur

fficiel,

ui

enquêtait pour

l'un

des

responsables

de

l'organisation

du concile27.

Cette information

lottedans toutes les

chroniques

de la

région

du

xvesiècle28.Certes, l'intérêtpour la présencedes prostituéespeut

être

ambivalent,

ar tout un discoursclérical sur

le

Concile de Cons-

tance voulait

prouver

une

dégénérescence

morale

par

l'afflux des

prostituées29.

Mais les

prostituées

uscitaient

a rumeur

plutôt par

leur

prix

exorbitant

t

par

le succès matériel de certaines d'entre

elles30.

L'indignation

morale restait imitée.

Pendant

les

fêtes,

es

conseils,

oin de défendre a

présence

des

femmes ibres

en

ville,

prenaient

oin de les

héberger31,

ls

organi-

saient

des

jeux,

souvent des

courses dotées de

prix32,

e

qui

consti-

tuait

une véritable

nvitation. ette exaltation

de

la fête

marque pro-

fondément

'imaginaire

e la

prostitutionusqu'au

XVe

iècle.

Les

fem-

mes communes sont souvent appelées « femmes uxurieuses ou

«

femmes

elles

»

:

par

leur

manière e vie et

par

leur

apparence,

lles

étaient

proches

des femmes

iches. Par souci d'éviter une confusion

entre ces

deux

catégories,

e conseil

s'efforçait

de

placer

les

prosti-

tuées

à une certaine

distance

de

«

la

société

». On leur défendaitde

vivredans

les

quartiers

des

privilégiés

t de

porter

des robes

précieu-

ses

ou on

leur

prescrivait

e

porter

un

signe

révélant eur statut

particulier33.

e ne crois

pas que

ces mesures

'expliquent

eulement

par

leur

portée

symbolique

elles se référaient

une

réalitéévidente

pour

les

contemporains.

'idée de

luxe entourait a

prostitution,

t,

après l'institutionnalisation,

onnait

aux

clients,qui

se

recrutaient

27.

Ulrich

von

Richenthal,

hronikes

Constanzeronziis

414-1418M.

Buck

d.,

Hildesheim,962,

.

215.

Un

témoignage

lus

détaillé

'après

ne utre

rédaction

u texte

stdonné

ar

H.

vander

Hardt,

Magnum

cumenicumons-

tantienseoncilium

e universali

cclesiae

eformatione

unionet

fide,

.

5,

Helms-

tedt,

699,

.

20.

28. W.

Matthiesen,

Ulrich ichentals

hronik

es Konstanzeronzils. tu-

dien

ur

Behandlung

ines niversalen

roßereignisses

urch ie

bürgerliche

hronis-

tik

,

Annuarium

istoriae

onciliorum,

.

17,

985,

p.

71-191,

p.

323-455,

ci

p.

185.

29. Johannes

ider,

e visionibus

c

revelationibus,

.

vander Hardt

ed.,

Helmstedt,

692,

.

618

.

30. On

rapportait

u

une

femme

uraitinsi

agne

a

sommexorbitante

e

800

fl. H.VanderHardt,Conciliumop. cit.,p.52.31. Chroniken

op.

cit., .22,1892, .232.

32. W.

Schaufelberger,

er

Wettkampf

n der lten

idgenossenschaft.

ur

Kulturgeschichte

es

Sports

om 3-18. ahrhundert

Berne, 972,

.

90.

33. On trouvees

mesuresans

toute

Europe

voirJ.

Rossiaud,

p.

cit.y

p.

238,

note

3.

Page 86: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 86/163

L'IMAGINAIRE E LA PROSTITUTION

81

désormaisparmitoutes es couchessociales, l'illusiond'échapperaux

restrictions

e la vie

quotidienne.

Mais

bien

qu'on

mît

ainsi des fem-

mes communes

la

disposition

de

tous,

la

distinction

ntre

femmes

riches t

femmes

auvres

gardait

oute sa réalité.

Quand

les

patriciens

visitaient

a

maison

commune,

ls le faisaient n

qualité

de

représen-

tants

du

conseil,

chargés

de

l'organisation

de la

prostitution34.

ans

leur vie

privée,

ls

préféraient

encontrer

es concubines

ui

leur étaient

propres.

La démarche

'une entremetteusee

Nuremberg

u

XIVe

iècle est

révélatrice

e

l'imaginaire

e la

prostitution

cette

époque.

Elle

pro-

mettait ses clientsétrangers e leur procurerdes femmes u filles

patriciennes,

ui

n'étaienten fait

que

des

prostituées éguisées.

Elle

fut finalement

unie parce que

les

hommes dans leur

propre

cité se

vantaient e leurs

exploits

exuels,

ce

qui

revint ux oreillesdes con-

seillers

nurembergeois35.

ette entremetteuseavait ce

que

les hom-

mes recherchaientans

la

prostitution

l'illusionde

faire

partie

d'une

société

de

riches

dont ils étaient exclus. Les

relations exuelles avec

des femmes iches

ugmentaient

'honneur

masculin

et

offraient ne

occasion de se

vanter.Mais

«

coucher

»

avec les

filles

ou

les femmes

de l'élite

sociale

de la ville constituait

lus

qu'une

aventure

exuelle

ce rêve constituait ne

attaque

contre a

morale féminine es

couches

supérieures, onçue commeun privilège ocial, puisque les fillespau-

vres,

obligées

de

gagner

eur

vie,

échappaient

argement

u

contrôle

de leurs

parents.

Mais,

même

si

l'égalité

sociale

en ville

restait n

mythe,

es

mai-

sons

communesconservaient ne

atmosphère

de

luxe. Elles ressem-

blaient à des

foyers respectables,

vec un

jardin,

quelquefois

des

bains

le toit était recouvert e tuileset les

fenêtresvaientdes

vitres.

Les murs

et

les

meubles

étaientdécorés

avec

des

peintures,

t

chaque

chambre

tait chauffée36. n

y

mangeait

bien.

Un

statutd'Ulm

parle

de trois

plats obligatoires,

deux

plats

de

viande ou de

poisson pour

le tempsdu carême,accompagnésde vin, de fromageet de fruits.Et il ne

s'agit

que

du

repas moyen,

car le statut

précise que

cha-

que

femme

peut

se

faire

payer

un

supplément.

Ces

repas,

nous le

savons,

étaient n

généralpartagés

et

payés

par

les

clients.

Le

même

statut

voque

les

vêtements es femmes ils

appartenaient

u tenan-

cier

et,

s'il voulait en vendre

uelques-uns

ux

femmes,

n

demandait

la

présence

'un tailleur

apable

d'estimer eur

valeur.

l

s'agit,

semble-

t-il,

de

robes de

luxe,

nécessairesau métier37. a

visite au

bordel

34.

E.

Schubert,

aunerDirnen ndGelichter

n den

deutschen

tädtenes

Mittelalters,ansC. MecksepertE. Schraut ir.,MentalitätndAlltagmSpät-mittelalter

Göttingen,

985,

p.

97-128,

ci

p.

118.

35. bid

,

p.

113.

36.

Ibid

,

p.

119.

37. T. L. U.

Jäger,

uristisches

agazin

er

deutschen

eichsstädte,

.

2, Ulm,

1791,

p.

209-211.

Page 87: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 87/163

82

B. SCHUSTER

permettaite vivre uelquesheuresdans un autre monde. Une femme

prête

à comblertous les désirs

faisait

partie

de ce

rêve. Mais on

n'y

cherchait

as

exclusivement n

plaisir

sexuel. Les

bains

présents

ans

les

bordels ou

aux

alentours

et

l'existenced'étuves

spécialisées

dans

la

prostitution

ontrent

ue

l'ensembledes

plaisirs

orporels

taitvisé

lors

d'une visite chez les

prostituées38.

lles n'étaient

pas

seulement

des

partenaires

exuelles,

mais des

compagnes

de

plaisir

et

d'amuse-

ment. On

mangeait

nsemble,

n

buvait,

on

se

baignait,

on

dansait,

bref,

on observait

ce

qu'une chronique

du

XVIe

iècle

appelle

un

«

jour

de

corps

»

39. Cet

aspect

de la

prostitution

rienta

'interpré-

tation cléricaledu phénomène.

Les

discours

religieux

ur la

prostitution

Il

y

a au

Moyen

Âge

plusieurs

discours cléricaux

qui intégraient

l'image

de la

prostituée.

es

prédicateurs

vaient une attitude

igou-

reuse envers es

femmes.

En

se référant leur

désignation

e

«

fem-

mes

communes,

ubliques,

belles

etc.

»,

Berthold

e

Regensbourg ro-

posait

par exemple

de les

appeler

«

peaux

mauvaises

»,

afin de les

priver

d'un titrehonorable40.

l

leur

promettait

'enfercomme

puni-

tion,parce qu'elles ne se contentaient as de gâcher eurproprevie,

mais

entraînaient

eurs clients dans la débauche41.De

même,

beau-

coup

ďexempla

racontentdes

histoires d'hommes

pieux qui

sont

séduits

par

une femme belle et

méchante

envoyée

par

le

diable42.

Mais la

portée

de cette

représentation isogyne

es

relations exuel-

les,

qui

fait des

femmes es seules

responsables

de la

débauche,

reste

limitée. es

prédicateurs

menaient es

croisades

pour

le salut des

gens.

Pour les

convertir,

ls utilisaient

es

images

apocalyptiques.

On ne

peut

pas

réduire

'expression

de

l'attitude de

l'Église

vis-à-visdes

prostituées

ce discours

pédagogique.

L'image

de la

femme éduc-

trice et diabolique était

contrebalancée

ar l'image

de la

pécheresse

exemplaire

t sainte. J'en prendraicomme exemplele discoursqui

s'attache

à sainte

Marie-Madeleine43.

38. Le mot

nglais our

ordel,

stew

,

qui signifie

u

départ

bain

,

témoi-

gne

du lien ntre

es étuves

t a

prostitution

J.

de

Cleugh,

oveLocked ut.

A

Surveyf

Love,

icencend

Restrictionn the

Middle

ges

Londres,963,

.

163).

39.

Zimmerischehronik

P.

Herrmann

d.,

t.

4,

Meersburg,eipzig,

.

207.

40. Berthold

on

Regensburg,

ollständigeusgabe

einer eutschen

redig-

ten

F. Pfeiffert

J. Strobl

d.,

t.

2,

Vienne, 880,

.

148.

41.

Ibid.,

.

1,

p.

207 t.

2,

pp.

148, 87,

08.

42. F. C. Tu ach,ndexxemplorum.HandbookfMedievaleligiousales,

Helsinki,

969,

.

193n°

2444,

.

194n°

2452,

.

195n°2461,

.

276 n° 3566.

43. Sur e

discours

t

'image

e la sainte oir

Marie-Madeleineans a

mysti-

que,

es rts

t es ettres.

ctes u

colloque

nternational.

vignon

0-22

uillet

988,

E.

Duperray

d.,

Paris, 989,

t a collection

'articlesur e

sujet

ans esMélan-

ges

de l'École

rançaise

e

Rome.

Moyen

ge,

.

104,

1992.

Page 88: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 88/163

L'IMAGINAIRE

E LA PROSTITUTION 83

Sainte Marie-Madeleine st un hybride onstruit ar une identi-

fication

aite

par Grégoire

e Grand entre rois

personnages

ibliques

la

pécheresse

onvertie

par

Jésus,

la

sœur

de Marthe et

Lazare,

et

Marie de

Magdala, premier

émoinde la résurrection u Christ. Elle

fut

rapidement

onfondue

vec

Marie

l'Égyptienne,

rostituée epen-

tie de

l'Antiquité

tardive,

qui

se

réfugia,

près

sa

conversion,

dans

le désert t vécut

une vie

ascétique.

Le culte de sainteMarie-Madeleine

connut

un

essor

formidable

partir

de la

réforme

régorienne.

lle

devint

une

figure

mblématique

ans

la

prédication

es Dominicains

et

des Franciscains.

Sa

représentation

ans les

images

et la mise

en

scène dramatiquede la Passion du Christà Pâques, où elle jouait

souvent

un rôle

important,

montrent

u'elle

était dentifiée

l'Église

ou

la

Chrétienté,

ombées dans

le

péché

à cause de

leurs

liens avec

le monde.

Sainte Marie-Madeleine

ervait aussi

d'exemple

aux fidè-

les,

en raison

de sa contrition

t de sa conversion. Le

choix d'une

femme omme

figure

mblématique

e

la conditionhumaine

s'expli-

que par

la conviction

es clercs

que

leur sexe rendait es femmes

lus

faibles

que

les

hommes,

t

qu'elles

se laissaient

donc

plus

facilement

séduire

par

les

joies

du

monde. Dans la

Légende

dorée et dans les

représentations

lastiques,

on faisait de

Marie-Madeleineune femme

noble

et riche

qui

succombait

aux tentationsd'une vie facile en

oubliant on salut éternel. es images a montraient,usqu'au xvesiè-

cle,

avec les attributs

conographiques

de la

superbia

et de la

luxu-

ria : les

cheveux

ongs

et

bouclés,

un miroir ntre es

mains,

une robe

luxueuse

et des

bijoux précieux

faisaientd'elle le

type

de la

femme

prise

dans

le monde. Les affinités

ntre

es

conceptions cclésiatiques

et

laïques

de la

prostitution

araissent

alors évidentes.

Mais

d'autres discours

s'attachaient Marie-Madeleine. Dès le

XIIIe

iècle,

une nouvelle

représentation

e

la

prostituée

pparut

en

milieu urbain.

Certains

prédicateurs

aisaientde la conversiond'une

femme

publique

une

réalité n fondantdes asiles

pour

les

prostituées

converties44. ne de ces initiatives ut l'appui du Pape et conduisità la fondationde l'ordrede sainteMarie-Madeleine. La

légende

de

la

fondationde cet

ordre raconte

que

Rudolf de

Worms

rencontra

des femmes

ui

attendaient es clients un carrefour.

l

les insulta

à cause

de leur vie de

débauche,

mais elles se

défendirent n

disant

qu'elles

étaient ontraintes

gagner

eur vie de cette manière

cause

de

leur

pauvreté.

e

clerc

e

montra

ompréhensif.

our leur

permettre

de se

convertir,

l

collecta des aumônes et acheta avec cet

argent

une

maison en

ville où

elles

purent

désormaisvivre

ans

souci

matériel45.

Cette histoire

présente

ne

image

très différente e la

prostituée.

La

femme

uxurieuse,

ictimede

son

goût

de

luxe,

devientune victime

de la pauvreté.

44.

L. L.

Otis,

op.

cit.,

pp.

72-73.

45. MGH SS t.

17, Hanovre, 861,

.

234. Sur 'histoire

e l'ordre oirA.

Simon,

'ordre esPénitentese sainte arie-Madeleinen

Allemagne

u

x/iie

iècle,

Fribourg,

918

J.

Schuck,

ie

Reuerin,

aderborn,

927.

Page 89: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 89/163

84

B. SCHUSTER

L'ordre de sainteMarie-Madeleine, 'abord dirigé ontre es dan-

gers

moraux

de la

pauvreté,

ne

pouvait pas

trouver a

place

dans

le

cadre de

l'Église

traditionnelle. ès

1251,

l'ordre

décréta

que

seules

des femmes

honorables

pouvaient

désormais

y

être

admises46,

uivant

ainsi les chemins

raditionnels

e

l'Église, qui

conférait ux femmes

chastes

e rôle de

prierpour

le

salut

du monde.

Mais les citadins ffir-

maient eur

propre

conception

de

la

piété.

Des

bourgeois

richesfon-

daient

d'autres asiles

pour

les femmes

auvres,

et le

conseil

garantis-

sait

souvent

eur fonctionnement

u-delà de la

mort

du

fondateur47.

La dotation de femmes

tait encore

plus répandue48.

Une telle fon-

dation visait à réintégreres bénéficiaires ans le monde bourgeois

par

le

mariage,

n combinant

a charité vec le

souci d'assurer 'ordre

social en

ville.

Même

si les

deux traditions

eligieuses

n'étaient

pas

incompatibles, uisqu'il

existait ussi

des

cloîtresféminins

n

ville,

a

pratique

charitabledes

bourgeois signale

un

tournantdans l'histoire

de la

prostitution.

a

représentation

e la

prostituée

n femme

pau-

vre

est

liée aux

changements

u milieu urbain.

La définition

e la

prostitution

u bas

Moyen

Âge

L'essor économiquedes villesdepuis le XIIIe iècle modifiait ro-

fondément

eur structure

ociale.

En

espérant

trouverune condition

de vie

meilleure,

es femmes

t des hommes

de la

campagne

envahis-

saient

les centres

urbains. Les

jongleurs

et

les

prostituées

n'avaient

été

que

les

précurseurs

e cette

migration.

Cette évolution ffecta a

réalité

de la

prostitution.

Au

xiic

et au

xiiie

siècle,

une

séparation

entre

a

société

et les

femmes

ituées hors

de l'ordre matrimonial e

semblait

pas

impossible,

ar les

prostituées

taient

pour

la

plupart

des

femmes

rrantes.Mais

la

présence

permanente

t massive

de

femmes

pauvres

sans liens

familiaux

posait

un

problème

nouveau49. Leur

mode

de vie se

différenciait

ondamentalement

e celui des

bourgeois.Elles cherchaient gagner eurvie par tous les moyens de petits ra-

vaux sur le

marché

ou dans

le

bâtiment,

e

petits

ommerces

t ser-

vices assuraient

une survie

toujours

précaire.

Pour

des raisons maté-

rielles

mais certainement

ussi

psychologiques,

es femmes

ormaient

46.

N.

Backmund,

ie kleineren

rden

n

Bayern, ürzburg,

974,

.

72.

47.

L'exemple

e

Viennest ci

ignificatif.

oir .

Schrank,

ie

Geschichte

er

Prostitution

n Wien

t.

1,

Vienne,

886,

p.

79-80,

7.

48. G.

Lammert,

urGeschichte

es

bürgerlichen

ebens ndder

ffentlichen

Gesundheitspflege

sw. n

Süddeutschland

Ratisbonne,880,

.

97 O. Winckel-

mann,asFürsorgewesener tadttraßburgor ndnach erReformationis umAusganges16. JahrhundertsLeipzig,922, p.96-97194 R. Kiessling,ürger-

liche

Gesellschaft

ndKirche

n

Augsburg

m

Mittelalter,

ugsbourg,

971,

.

224.

49. Pour

a situation

éminine

ans es

villes oir

.

Opitz,

Contraintest

iber-

tés

,

dans

G.

Duby t M.

Per

ot

éd.,

Histoire

es

emmes

n Occidentt.

2, Paris,

1991,

p.

277-335.

Page 90: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 90/163

L'IMAGINAIRE E LA

PROSTITUTION

85

avec d'autres des communautés e vie et d'entraide.Elles étaient ou-

vent

accompagnées

de

journaliers,

ux

aussi exclus du

cadre familial.

Personne

ne

pouvait

es forcer

préserver

eur

virginité.

haque

liaision sexuelle offrait ne chance de

trouver n

homme

susceptible

de

les

protéger

t de

les

aider

par

des cadeaux ou

par

un

soutien

maté-

riel

permanent.

e

concubinage,

rès

répandu parmi

elles,

nourrissait

leur

espoir

de devenir

n

jour l'épouse respectable

'un

artisan. Mais

les hommes t les

femmes

auvres

taient

ontraints la

mobilité

our

survivre.Leur mode de vie ne

permettait uère

l'existencede

com-

munautés stables.

En raison de ces liaisonssexuelleséphémères,a différencentre

ces

femmes

pauvres

et les

prostituées

araissait

faible

une

grande

partie

d'entre lles était

probablement rête

se

prostituer.

ésignées

comme

«

unendlicheFrauen

»,

les femmes

ans

fin

(expressionqui

signifiait u'elles

ne se limitaient

as

dans leurs

relations

sexuelles)

n'étaient

pas perçues

comme une

catégorie

à

l'écart,

mais

plutôt

comme

des femmes

qui

avaient

trop

de

contacts

avec les

hommes.

La différence

ntres

lles et

les femmes

auvres

était

plutôt

de

degré

que

de nature50. n

outre,

a conviction

ue

l'indigenceforçait

une

femme la

prostitution

réait un lien

entre

es

femmes

pauvres

et

celles femmes

ui

vivaient

dans

le

bordel.

Les

deux

catégoriesparti-

cipaient ux mêmesrituels. es prostituéesmunicipales ouvaient spé-

rer,

comme les autres

pauvres,

des

aumônes51,

t

elles

connaissaient

bien les

formes raditionnelles

'extorsion.

Quand

l'Empereur

vint

à

Nuremberg

n

1471,

les

femmes

publiques

l'enchaînèrent,

usqu'à

ce

qu'il

se

libérât

par

un don

d'argent52.

Les

prostituées

municipales

usaient

d'un rituel

caractéristique

es

pauvres.

Autre

exemple

de

la

mise en scène

partagée par

les

prostituées

t

les

femmes

pauvres

dans la ville au

XIIIe

iècle,

on

se

plaignait

à

Bâle de la

coutume

des

servantes,

ui

saisissaient es

chapeaux

des

hommes

pour

les for-

cer à

donner une aumône

or,

au

xve

siècle,

e

même

comportement

est rapporté à propos des prostituées,qui racolaient ainsi desclients 3.

Mais

la

confusion ntre

femmes

pauvres

et

prostituées

e

heurta

au

XVe

iècle à des limites. La

mobilité

ociale fut

restreinte

ar

les

corporations ui

exigeaient ue

leurs futurs

membres

ne

se

marient

50.

Même ans e droit

anonique,

a

prostitution

tait

éfinie

ar

a

promiscuité.

Les

imitesu

nombree contacts

exuels

ui

faisait

'une

emmeon

mariée

ne

prostituée

ifféraient

elon

'opinion

es

canonistes

cf.

J.

A.

Brundage,

aw

op.

cit.,

pp.

248,390,

64-5).

51. Le

conseil e

Constance

ssaya

n

1388 e

mettrein

la

coutumees

pros-

tituéesechantere ourduNouvel ndans esmaisonsesbourgeoisour btenirune umône

Archives

unicipales

e

Constance,

I/ 195

1388]).

52.

Chroniken,

p.

cit.,

.

10,

1872,

.

328.

53.

Fechter,

p.

cit.,

p.

112

R. C.

Trexler,

La

prostitution

lorentineu

xvc

iècle.

atronages

t

clientèles

,

Annales

.S.C.

t.

36,

1981,

p.

983-1015,

ci

p.

996.

Page 91: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 91/163

86

B. SCHUSTER

pas avec une femme éshonorée.Les couchesmoyennes aisaient res-

sion

sur

'élite urbaine

n vue de différencieres

prostituées

t

les fem-

mes

pauvres

mais

honorables.

Le conseil

obligea

alors

de

nouveau les

prostituées

porter

un

signe

sur leurs

vêtements

t à

habiter

dans

des

quartiers

éservés.

Mais,

cette

fois-ci,

e

gouvernement

ut

déter-

miner

qui

ces mesures

'appliquaient.

On

avait, semble-t-il,

u mal

à

définir

'honneurdes femmes54. ssez

souvent,

on

distinguait

ntre

les femmes

uvertement

rostituées,

onnues dans toute la

ville,

qui

ne

vivaient

ue

de leurs

iaisons

sexuelles,

et les

prostituées

achées,

qui

se

prostituaient

e

temps

en

temps

ou vivaientdans des

relations

changeantes.Les unes étaientobligéesde vivredans le bordelmuni-

cipal

ou bien dans

un

quartier

éservé,

es autresétaient

olérées,

ant

qu'elles

ne

dérangeaient

as

leurs

voisins55.

Le

problème

de

la définition e la

prostitution

e reflétait ans

des

rituels.

À

Hambourg

et à

Cologne,

le conseil

organisaitréguliè-

rement n

cortègequi

parcourait

es rues de la ville et

conduisait es

femmes

uspectes

au bordel

municipal56.

On

peut supposer que

ces

mesures

reposaient

ur

les

plaintes

d'habitants

qui

se scandalisaient

du

comportement

e leurs voisines.

La

publicité

de cette

cérémonie

était

forte les

baillis de

la ville

portaient

es

drapeaux municipaux,

au son

du

tambour. Les

signes religieux

n'apparaissaientpas

lors de

cettemanifestationla diffamation es femmes 'inspirait 'une mora-

lité urbaine

et

non de la

morale

ecclésiastique.

La

punition

suivait

une

logique

strictement

ociale.

L'attention des habitants tait ainsi

dirigée

ur

les femmes

ui

avaient

transgressé

'ordre de

la ville. On

les

jugeait

et le

jugement

onstituait

n lui-même a

punition,

ar les

femmes

qui

subissaient

ce

rituel

changeaient

insi de

catégorie.

La

publicité

es

excluait

de

la vie normaledes

quartiers

mixtes, ar,

punie

de cette

manière,

une

femme

rrivait arement

échapper

à

son

des-

tin de

femme

publique57.

Nous

le

savons

parce

que

les

clercs criti-

quaient

cette

pratique

en disant

qu'une

punition

devait mener une

conversion

t non sceller

une

exclusion sociale58.

54. Une des

revendications

es

artisans

ui

se révoltentontree conseil

u

xve iècle tait ouvent

'introduction

'unnouveau

odevestimentaire

our

es

pros-

tituéesans

a

ville,

insi

Hambourg

n

1483

Hamburgische

hroniken

n nieder-

sächsischer

prache

J. M.

Lappenberg

d.,

Hambourg,

861,

.

363),

Brunswick

en

1487Chroniken

op

c/7.,

.

35.1, 928,

. 34)

et Osnabrück

n

1488. ne han-

son

populaire

ous

nformeur e

dernier

ncident.

lle llustrees

positions

orales

différentes

u conseil

t des rtisans

Die

historischen

olkslieder

erDeutschenom

13.

bis 16.

Jahrhundert

R.

Liliencorn

d.,

t.

1,

Leipzig,

865).

55.

Pour

es différentes

efinitions

u conseil

e Francfort

oirG. L.

Kriegk,

Deutsches

ürgertum

mMittelalter.

eue

Folge

Francfort,

871,

.

384.

56.

G.

Schonfeldt,

eitrage

ur

ueschichte

es

Hauperismus

naaer

Prostitu-

tion n

Hamburg,

ambourg,

897,

.

99 Chroniken

op.

cit,

.

14,

1877,

.

911.

57. J.Rossiud,op.cit., .43,pouresviols ituelsommisar es bbayeses

jeunes ens

ans esvilles

rançaises.

e droit e la ville 'Ofen éfendette rati-

que,parce

ue

es

femmes

insi

raitéesvaient

ouventécidé

e devenir

femmes

publiques

au lieu

e se

repentir

Das Ofener

tadtrecht.

ine

eutschsprachige

echts-

sammlung

es 15. Jh.

us

Ungarn,

.

Mollay

éd., Weimar,

959,

.

155

.).

58.

Ainsi

Hambourg,

oirG.

Schonfeldt,

p.

cit.,

p.

110.

Page 92: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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L'IMAGINAIRE

E LA

PROSTITUTION

87

Dans d'autresvilles,on permettaitu tenancier u bordel muni-

cipal

ou à ses

habitantes e

mener

des femmes

mpudiques

dans leur

maison59.Mais

cette

délégation

posait

souventdes

problèmes,

ar la

définition

u conseil

ne

correspondait as

toujours

à celle

des fem-

mes ou du

tenancier.Ce dernier

profitait

e

son

privilège our

kid-

napper

des

femmes,

u'il

vendait

grand profit

ans le bordel d'une

ville voisine60.

Non seulement e

tenancier,

mais aussi

les

femmes

publiques

avaient ntérêt

propager

des critères

igides,

ar

elles

pou-

vaient ainsi

souligner

eur

importance

ans le maintiende l'ordre en

ville.

Les

pétitions

es

prostituées

oumises

au

conseil,

dans

lesquel-

les elles se plaignaient e la concurrence,montrent ne nouvelle con-

ception

de la

prostitution

les

prostituées ubliques

se

plaignaient

e

ne

plus pouvoir

se nourrir cause de la concurrence

es autres

pros-

tituées,

ui

n'étaient

as

contraintes,

omme

elles,

de

refuser es

Juifs,

les clercs

et les hommesmariés.

Le rôle de

femme

pauvre

eur

faisait

revendiquer

ne

fonctionmorale61.

Les

prostituées

municipales

avaient

leur

propre

idée

sur

leur

métier.

À

leur

avis,

tous les contacts sexuels hors

de

l'ordre matri-

monial étaient

llicites,

e

que

montreun incident

urvenu Nurem-

berg

au

xvie

siècle. Un

jour,

un

jeune employé

de la ville

mena sa

maîtresse u

bordel

pour passer

la nuit avec elle

;

or,

le

lendemain,

les femmesdu bordel la recrutèrent ans leurs rangsen l'accompa-

gnant

en

cortège

à la fontainede la

place

du marché.

Là,

elles lui

mirent ne couronne de

paille

sur

la tête

et la

forcèrent boire une

coupe

de vin.

En

imitant

es

coutumes

des

artisans,

elles donnèrent

au

public

l'impression

e constituer ne

corporation,

ont les

privilè-

ges

étaient

protégés.

Elles affirmaientinsi leur droit

exclusif ur la

sexualitémasculine n dehorsdu

mariage.

Et même

si elles semblaient

accepter

leur

déshonneur,

n

adoptant

le

signe

de la

couronne de

paille,

elles

affirmaient,

ar

ce

symbole,

un

parallélisme

ntre 'ordre

matrimonial t la

prostitution62.

ais la

définition

urement

exuelle

de la prostitutiontait oin d'êtreacceptée par tous. La jeune femmemanifesta on

désaccord,

essaya

de fuir n

pleurant,

t un

groupe

de

journaliers

a

libéra. Les

jeunes

gens

de la

ville,

eux

non

plus, n'accep-

taient

pas

le

monopole

des

prostituées

ur leur

sexualité ils voulaient

garder

e droit d'avoir

une maîtresse u de

vivre vec une

concubine.

Et le

conseil

prit

eur

parti

il

punit

e fonctionnaire

our

avoir

livré

sa

maîtresse

ux

prostituées.

59. B.

Schuster,

Frauenhandel

nd

Frauenhäuser

m

15.

und

16.

Jahrhun-

dert

,

Vierteljahrschriftür

ozial-

nd

Wirtschaftsgeschichte

t.

78,

1991,

p.

172-189,

ici

p.

181.

60. Ibid.,p. 180.61. G.L.

Kriegk,

p.

cit.,

p.

305,

89n. A. A. von

Lersner,

p.

cit.,

p.

683,

689 J.F.

Malblank,

Geschichte

er

peinlichen

erichtsordnung

aiser

arls

V.,

Nuremberg,

783,

p.

50-52

texte

ntégral

'unetelle

étition

es

prostituées

e

Nuremberg).

62.

Chroniken,

p.

cit.,

.

11, 1872,

.

645.

Page 93: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 93/163

88

B. SCHUSTER

Mais la sexualisationde la prostitution e tardapas à influencer

le statut

du bordel

municipal

et des

femmes ommunes. Les

prosti-

tuées

furent

xclues

progressivement

e toutes es cérémonies

fficiel-

les

au cours

du

XVe

iècle

et c'est

précisément

a

raison

pour laquelle

elles

s'efforçaient

e

souligner

eur

mportance ar

la diffamation es

femmes

vivant en dehors

du bordel.

De nouveaux statuts

réglèrent

les

relations

ntre

e tenancier

t

ses

femmes,

n en

faisant

une rela-

tion

purement

conomique.

Mais l'idée

de la conversion

ropagéepar

l'Église

restait

oujours présente.

e conseil

imitait 'endettement es

femmes

ubliques

chez

le tenancier

t,

si une femmedéclarait

qu'elle

voulaitse repentir,l lui offrait es aides. Le commercede femmes,

jusque-là

accepté

comme

pratique

courante du

métier,

faisait

scandale63, t,

en dehors

de la

prostitution

fficielle,

n accusait les

entremetteuses

'être

responsables

de la

dégradation

morale

des

fem-

mes

pauvres64.

Les

prostituées

evenaient insi

aux

yeux

du

public

les

victimesdes

machinations

d'hommes

et de femmes

upides.

La

faiblesse

des

prostituées

ssumait

une

interprétation

ouvelle elles

étaient,

ux

yeux

de

leurs

contemporains,

a

proie

de la violence de

certains.

En

raison

de

la ferveur

morale

de la fin du

XVe

iècle,

le

con-

seil se

sentit

bligé

de

légitimer

on

rôle

comme

organisateur

t

pos-

sesseurdu bordelen se référant la théoriedu mal nécessaire labo-

rée

par

la

scolastique.

Le bordel

constituait

désormais

un

moyen

d'assurer

'ordre

sexuel

en

ville en offrant es

femmes ccessibles

ux

hommes

célibataires65.

ertes,

dès

le

début,

on avait

interdit ux

hommes

mariés

t aux

clercs

d'aller chez

des

prostituées,

mais les

pro-

tocoles

udiciaires

prouvent

ue

ce n'est

qu'à

la

fin

du

XVe

iècle

que

l'on

fit des

efforts

pour

mettre es statuts

en

pratique.

Le bordel

devint

ainsi

un

lieu réservé

ux

jeunes

hommes

non mariés

dont la

sexualité

était

susceptible

de

menacer

l'ordre urbain66.

Pour éviter

qu'ils

ne s'en

prennent

ux

filles

t aux femmes

e leurs

maîtres,

n

leur

concédait

le

droit de

fréquenter

es

prostituées.Mais,

dans les

corporations, es liaisons étaientstrictementestreintesu domaine

sexuel.

Toute

forme

de sociabilité

entre eurs

futurs

membres t les

femmes

déshonorées

était

interdite67.

63.

B.

Schuster,

oc.

cit.,

assim.

64.

L.

Roper,

Mothers

f

Debauchery

Procuresses

Reformation

ugs-

burg

,

German

istory

t.

6,

1988,

p.

1-19.

65. Cette

onception

e

reflèteans

a

peur

u conseil

e Baie

ue

es

ournaliers

puissent

oycotter

a

ville

près

a fermeture

u bordel

Voir

'avis es

lercsur

ette

question,

ublié

ans

Aktensammlung

ur

Geschichte

erBasler

eformation

n den

Jahren519 isAnfang534P. Roth d,t.6, Bále,1950, p.137-140).66. Cen'est u'à la fin uxve iècleue e conseilait es ffortsystématiques

pour

unir

es

hommes

ariés

ui

allaient

u

bordel

municipal

Pour

UlmvoirG.

Geiger,

ie Reichsstadt

lm

vorder

Reformation,

lm,

971,

p.

173-4.)

67.

W.

Reininghaus,

ie

Entstehung

er

Gesellengilden

m

pätmittelalter,

ies-

baden,

981,

.

99.

Page 94: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 94/163

L'IMAGINAIRE

E LA

PROSTITUTION

89

« Hurerei und Unzucht : la conceptionde la prostitution endant

la Réforme.

Ce nouvel ordre

qui

faisait des

prostituées

ne

soupape

sexuelle

ne se

maintint

as

longtemps.

endant a

Réforme,

es

maisons

publi-

ques

furent

ermées.

our

Luther,

ui s'appuyait

ur 'Écriture

ainte,

il

semblait

ossible

de

restreindre

a

sexualité

xclusivement

u

mariage

si l'on

permettait

chacun de

se

marier

ôt68.

Mais,

malgré

sa con-

viction

profonde,

l était

conscient

qu'on

ne

pouvait

pas changer

e

monde nstantanément.

l

plaidait pour

la

patience,

n

conseillant ux

réformateurs 'influencer 'opinion publique par leurs sermons afin

de

préparer

e

changement

es

mœurs69.Mais le zèle

des

prédica-

teurs

ne

s'arrêtait

pas

là. En

raison

des troublesde la

Réforme,

es

conseils

craignaient

es

révoltes,

insi

était-il

facile

pour

les

prédica-

teurs

de faire

pression

ur les

autorités ocales

et,

dans

la

plupart

des

cas,

le conseil céda.

L'abolition

du

bordel devint

insi le

symbole

du

protestantisme,

ans

qu'il

fût

amais question

de

faciliter e

mariage

des

journaliers

malgré

es

suggestions

e Luther.

Mais la

rupture

vec

la tradition e se fit

pas

sans contestation.

l

est évident

ue

les con-

seils avaient

peur

de

l'opinion publique,

car

ils

prirent

a

peine

d'orga-

niser des débats officiels ntre

uristes

et

théologiens

fin de

légiti-

mer leur décision70.Quelques villes fermèrenteursbordelspour les

rouvrir

uelques

années

plus

tard et

les refermer

nsuite71.

Mais

au

cours

du

xvie

siècle,

tous les

bordels

municipaux

disparurent

'Alle-

magne.

Je ne crois

pas que

cette

volution

oit

e

résultat

ogique

du

déve-

loppement

observé

depuis

le XVe

iècle.

L'exemple

de

l'Espagne,

les bordels

municipaux

e maintinrent

usqu'au

xviie

siècle72,

montre

qu'il

aurait été

possible

de

garder

une

prostitution

fficielle tricte-

ment

ontrôlée u sein d'une

communauté

lus

réglementée.

a muta-

tion,

en

Allemagne,

fut

marquée par

la

personnalité

e Luther

d'un

côté et par le dynamisme évolutionnaire e la Réformede l'autre.L'exclusion des

protestants

e

l'Église

catholique

provoqua

leurextré-

68. Cf. R.

Seeberg,

Luthers

nschauung

ondem

Geschlechtslebennd

der

Ehe

und

hre

eschichtliche

tellung

,

Luther-

ahrbuch,

.

7,

1925,

p.

77-122.

69. Martin

uther,

riefe,

.

10,Weimar,

947,

.

396.

70. M.

E.

Wiesner, irth,

eath nd

thePleasures

f Life.

Working

omen

in

Nuremberg

480-1620

Wisconsin-Madison,979,

p.

279-281

Roth,

op.

cit.,

pp.

135-141,

°

171.

71.

Ainsi

ucerneermaon

bordeln

1572,

e

rouvritn

1576,

our

e

refermer

ensuiteéfinitivement

n 1576

Th.

von

Liebenau,

as alte

Luzern.

opographisch-

kulturgeschichtlich

eschildert,

ucerne,881,

. 82).

À

Fribourg-en-Saxe

n

pensait

aussi érieusementuneréouvertureubordelC.F. vonPosern-Klett,Frauen-häuser ndfreierauennSachsen

,

Archiv

ür

ächsischeeschichtet.

12, 1874,

pp.

63-89,

ci

p. 87).

72. M.

Perry,

Deviant

nsiders

Legalized

rostitution

nd

Consciousnessf

Womenn

Early

Modern

eville

,

Comparative

tudiesn

Society

nd

History

t.

27,

1985,

p.

138-158.

Page 95: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 95/163

90

B. SCHUSTER

misme.Avec la rigidité e leurmorale, ls prirenteursdistances nvers

les

pratiques

des

catholiques,

en

soulignant

eur ambition de réfor-

mer

e monde.

Des

reproches

mutuels

d'impudicité

aisaient

artie

de

la

polémique

confessionnelle

u

xvie

siècle73. es villes

catholiques

n

Allemagne

se

sentaientforcées

de suivre

'exemple

des villes

protes-

tantes

pour

mettre

in

à

la

diffamation,

on sans

hésiter,

ar

l'argu-

ment du

moindre mal issu

de la tradition

cclésiastique

n'était

pas

encore

oublié74.

De nouveaux

mots

à la mode

au

xvie

siècle

témoignent

'un

changement

rofond

de

l'ordre urbain.

Il

s'agit

d'abord de

«

Hure-

rei», expression ouventutiliséepar Lutherpour critiquer'immora-

lité

régnante.

Pour

lui,

«

Hurerei

désignait

out

ce

qui

s'opposait

à

l'ordre

matrimonial ans

le domaine de la sexualité l'adultère et

la sexualité

avant le

mariage,

le

concubinage

des clercs.

Quand

les

réformateurs

e servaient

e ce

mot,

ls cristallisaient'anciennedénon-

ciation

de

la

prostitution.

Autre mot encore

plus

révélateur

«

Unzucht

»

-

l'absence

de

pudicité.

Mais

«

Zucht

»

signifie

avan-

tage

que pudicité

c'est

un

mot

qui appartient

u domaine de l'édu-

cation

il

est

très

proche

de

«

erziehen

,

«

élever

ou

plutôt

«

édu-

quer

».

Cette

expression

raduit a

représentation

e la ville comme

famille,

mage

répandue

depuis

la

fin

du

xve

siècle.

Le

conseil assu-

mait le rôle du père, dans une communautéqui était responsable

envers

Dieu du

comportement

es

citadins,

omme es

pères

de famille

étaient

esponsables

u

comportement

es

femmes t des enfants.Au-

dessus

du

conseil

trônait

Dieu,

qui

lui aussi

veillait

ur

la morale des

villes.

Le châtiment

divin

était

au

xvie

siècle d'autant

plus présent

qu'il

servait

légitimer

e

pouvoir élargi

des

autorités

ui

avaient

pris

en

charge

les institutions

cclésiastiques

pendant

la Réforme75.

La

représentation

e la ville comme

communauté

morale ne

pou-

vait

plus

admettre

a

prostitution

n

ville,

car,

selon

les

réformateurs,

les

prostituées

ffriraient

lors

un mauvais

exemple

tous

et,

en

par-

ticulier, ux femmes t aux jeunes gensqui risquaient

d'être corrom-

pus

par

l'habitudede la débauche. Ce n'étaitplus la paix sociale qui

préoccupait

es

conseils,

mais

l'ordre sexuel

qui,

à

leurs

yeux,

ne

pou-

vait être

assuré

que

par

une éducation

attentive.

Le

mariage,

qui,

depuis

le

xme

siècle,

avait

garanti

a

paix

sociale

devenait,

dans

cette

perspective,

a seule institution

ui

pût

maîtriseres

tendances

dange-

reuses

de la

nature

humaine.

73. R.

W.

Scribner,

opular

ulture

nd

Popular

Movement

n

Reformation

Germany

Londres,

987,

assim.

74. Voir 'avis esclercseCologneoncernanta fermetureubordel,ncoreinédit

Archives

unicipales

e

Cologne,

erf. ndVerw.

181).

75. B.

Mœller,

Reichsstadt

nd

Reformation,

erlin, 987,

pp.

11-12

H.C.

Rublack,

Politicalnd

Social

Norms

n Urban ommunities

n

the

Holy

Roman

mpire

,

dansK.

Greyerz

ir.,

Religion

PoliticsndSocial

rotest. hree

Studies n

Early

Modern

ermany

Londres,

984,

p.

9-36.

Page 96: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 96/163

L'IMAGINAIRE

E LA

PROSTITUTION

91

Les descriptions es prostituées hangèrent e façonsignificative

après

le début du

xvic

siècle.

On

les

imaginait

n

véritables

profes-

sionnelles,

e

s'intéressant

u'à l'argent

de

leursclients t voulant

pro-

fiter e la séduction

de leur

corps pour

dominer es

hommes.

On

fai-

sait

d'elles des menteuses

ui captaient

es hommes en faisant

sem-

blant

de

les aimer.

Dans ce

climat,

es

images misogynes

e la tradi-

tion

cléricale se

répandent

ans les milieux

populaires.

La

responsa-

bilité

de

l'impudicité

etombait,

our

les

autorités,

ur les seules

épau-

les

des femmes.

Dans

l'imaginaire

de la

prostitution,

e sexe faible

devenait e sexe

fort

qui

menaçait

es fondements

e

l'ordre social.

Mais bien qu'on investît es femmesd'un pouvoir sexuel immense,

elles

perdaient

dans

l'imaginaire

eur sexualité

propre, simple moyen

stratégique

dans une

guerre

des

sexes,

tandis

que

la forte

sexualité

des

hommes

menaçait

constamment

eur

raison.

Désormais,

les hom-

mes

qui parvenaient

mal à maîtriser eur

nature,

assumaient e rôle

de

victimes,

rompés par

les

ruses des femmes76.

De nouvelles

figures

mblématiques

irent eur entrée n

scène

au

xvic

siècle. Elles

n'offraient

lus

des

exemples ositifs,

mais des

repré-

sentations

repoussantes,

ar on se fondait sur l'idée d'une identité

sexuelle

différentees deux sexes.

Le fou devenait

'emblème es

hom-

mes. Les humanistes

llemands 'avaient

popularisé,

n

s'appuyant

ur

une tradition laborée depuis la deuxième moitiédu XVe iècle dans

le théâtre

arnavalesque

et

dans

la

gravure

ur bois. Le fou

représen-

tait un

homme dominé

par

ses

passions.

Sa

punition

ne se faisait

pas

attendre,

mais elle

ne venait

pas

de Dieu

:

bien avant sa mort et le

Jugement

ernier,

l

perdait

son

honneur,

c'est-à-dire 'estime

des

autres,

et sa

puissance

économique, puisque

les femmes

profitaient

de sa

faiblesse

pour

s'enrichir77.

ne

image

très

répandue

décrivait

la

relation ntre es sexes

comme une chasse aux oiseaux78.

Dans

de

nombreuses

ravures

insi

que

dans

le

théâtre

éformateur,

es hom-

mes se laissaient

prendre

par

le sexe

opposé, grâce

à des

cages,

des

pièges ou de la glu. Thomas Murnerexploitacettemétaphoredans

le traité

Gouchmat de

1519,

en

construisant

une

fresque

anthropologique79.

l citait

tous les

exemples

historiques

de

femmes

méchantes

ans des

couples

célèbres,

Alexandreet

Thaïs,

Aristote

t

Phylis,

David et Bethsabée

et

d'autres,

selon

une

série

déjà

établie

par

des clercs médiévaux

pour propager

a

chasteté. Cette série con-

nut un formidable uccès

dans la littératuret les

images

du

xvie

siè-

76. L.

Roper,

Männlichkeitndmännlichehre

,

Journal

ür

Geschichte

1991,

p.

28-37.

77. N.

Jörgensen,

auerNarr nd

faffe.rototypische

iguren

nd

hre unk-

tion n derReformationsliteraturLeiden, 988, .21 E. Kimmnich,es Teufels

Werber.

ittelalterliche

asterdarstellung

nd

Gestaltungsformen

er astnacht

Franc-

fort, 986,

.

255.

78.

J.

Müller,

chwert

nd

cheide.

er

exuellend

katologische

ortschatz

im

Nürnbergerastnachtspiel

es 15.

Jahrhunderts,

erne, 988,

p.

59-60.

79.

Thomas

Murner, euchmatt,

. Fuchs

d.,

Berlin,

931.

Page 97: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 97/163

Page 98: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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L'IMAGINAIRE

E LA

PROSTITUTION

93

d'assurer l'ordre. Condamnée pour la premièrefois, une prostituée

était battueavec des

verges

si

elle

récidivait,

n

la

mutilait,

fin

que

tout e monde sût

à

qui

on avait affaire. a

méchanceté evenait nef-

façable

une telle femmen'avait

plus

de chances de

s'intégrer

ans

l'ordre social84.

Son exclusion

passait

de

l'imaginaire

à la

réalité.

Dans les

registres

udiciaires

du

XVIe

iècle,

la

prostitution

ccompa-

gne presque toujours

la

délinquance

criminelle.

es

prostituées

ont

désormais

partie

des

groupes

d'errants chassés de ville en ville

par

les autorités

ocales.

84. E.

Schubert,

Mobilitäthne hance die

Ausgrenzung

esfahrendenol-

kes

,

dans

W. Schulze

dir.,

tändische

esellschaft

nd

Mobilität,

unich,988,

pp.

113-164,

ci

pp.

144-148.

Page 99: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 99/163

Médiévales7,automne994, p.95-105

Patrick BOUCHERON

DE LA

CRUAUTÉ

COMME PRINCIPE

DE

GOUVERNEMENT

Les

princes

«

scélérats

de

la

Renaissance

italienneau

miroir

du romantisme

rançais1

«

Chose

singulière

L'époque

brillante e

l'Italie finit u moment ù les

petits yrans

sanguinairesurentemplacésardes monar-

ques

modérés.

Stendhal,

ome

Naples

et

Florence

Parcourant

avidement es

chroniques

médiévales

pour composer

son

Histoire

de la

peinture

n

Italie Stendhal

n'y

trouvait

u'assas-

sinats

politiques

et ambitions

meurtrières,

engeances, supplices

et

cruauté.

Il

ne s'en scandalisait

pas,

goûtant

'étrange

aveur

de cette

litanie de crimes

«

intéressante omme

Walter Scott

»,

se refusant

refouler

a trouble ttirance

our

la

tyrannie u'il

partageait

vec nom-

bre de ses

contemporains.

l

y

aurait donc deux

Renaissances,

celle

des artistes t des humanistes,u'il fautadmirer, t cellede leursprin-

ces

scélérats,

qu'il

convientde

réprouver2

Stendhal se

refusait ce

clivage,

et

l'historien

non

plus

ne

peut

s'en satisfaire.

l

faut bien se rendre

l'évidence

si les crimes nces-

sants,

la violence

débridée,

a

brutalité

anguinaire

ncombrent

es

récitsd'une Renaissance

qu'on

voudrait

plus

clémente,

n ne

peut

se

contenter e

l'expliquer

par

la débilité ou la

malignité

des familles

1. Cet rticle

eprend,

n e modifiant

égèrement,

e

texte 'une ommunication

prononcée

la Maison es ciencese 'hommee

Bordeaux

n

février

993

ans e

cadre u

colloque

nternational

mages

u

pouvoirrganiséar

e

laboratoire

luri-

disciplinairee recherchesur 'imaginaireppliquéesla littérature.l estpubliéci

avec 'aimableutorisationes

diteurs

es ctes u

colloque

à

paraître

rochainement).

2.

Stendhal,

Rome,

Naples

t

Florence

1826),

aris,

987, olio,

.

86. Sis-

mondi,

uteur 'uneHistoirees

républiques

taliennes

rès

argement

ise contri-

bution

ar

Stendhal,,

dans es

premières

nnées u

xixe

iècle,

onné e ton u

chœur

es historiensibéraux

ffrayés

ar

es

turpitudes

taliennes.

Page 100: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-27-automne-1994 100/163

96 P.

BOUCHERON

princièrestaliennes.Comment 'Italie du Quattrocento,e laboratoire

politique

où se sont élaborées es

techniques

es

plus

modernes e

gou-

vernement,

-t-elle

pu

rester i

longtemps

la mercide la

cruautédes

princes

Et

pourquoi

cette

tyrannie

brutale a-t-elle exercé

pareille

séduction

ur les

penseurspolitiques

et

sur les historiens

rançais

du

XIXe

iècle

? En menantde front es deux

interrogations,

éférant ne

pratique

déréglée

de

gouvernement

la

fascination

aradoxale qu'elle

inspire

des siècles

plus

tard,

on

tente

d'approcher

es

fondements n-

thropologiques

du

pouvoir

autoritaire.

«

Partout des

passions

ardentesdans leur

sauvage

fierté

3

Découragé

par

la veuleriede son

temps,

Stendhal

cherchait

ar-

tout cette

énergie qu'il

avait définie omme

foyer

de

toutes es

pas-

sions et de toutes es créations.

En

France,

l

la trouvait

arfois

dans

la vie

des

grands

criminels.Mais

l'Italie,

seule,

est la

patrie

de

l'éner-

gie.

Il

y

faut

tout

admirer,

n bloc :

les

œuvres d'art comme

e

gou-

vernement

es

princes.

tendhal

e délectedonc de

l'histoire

es

tyrans

du

Nord,

et

singulièrement

es

Visconti,

dont

il

se

plaît

à

réciter a

longue

istedes

méfaits,

es tortures t des

assassinats.

«

Les

passions

gigantesquesdu Moyen Âge éclatentdans toute leur féroceénergie

nulle affectation e vient

es

masquer.

Il

n'y

avait

pas

de

place pour

l'affectation ans

ces âmes brûlantes4.

La

fascination

tendhalienne

our

cette

nergie

ruelle

puise

donc

à la

source

de

sa

propre

théorie

de

la création.

Ce

qu'il

admire

dans

la

tyrannie,

'est

l'expression

ans

retenuede la violence

d'une

pas-

sion.

Ce

faisant,

Stendhal ne

nous livre

pas

que

son

impression

e

«

touriste

,

mais bien

celle

du lecteur assidu de

Matteo

Villani,

Machiavel ou

Guichardin,

héoriciens e

l'idée

de

tyrannie.

Celle-ci

fut définie

par

Aristote omme déviation

despotique

de la

royauté,

de même

que l'oligarchie

dérivede

l'aristocratie,

t

la démocratie

e

la république.Mais la tyrannie, arce qu'elle dévie de la royauté ui

est

cette formedivine rassemblant es vertusde

tous les

principes

e

gouvernement,

éunit

galement

ous

les vices

de

l'oligarchie

t de

la

démocratie.

Ainsi,

«

la

tyrannie

n'a

jamais

en

vue le bien

général,

si

ce n'est

pour

sa

propre

utilité.

Le but du

tyran,

'est

le

plaisir

5.

La

tyrannie

e connaît

pas

de

loi,

qui

est,

selon la formule

ristotéli-

3. C'est insi

ue

Stendhaléfinissaite

Quattrocento

talien

«

De

l'esprit,

e

la

superstition,

es

mascarades,

es

poisons,

es

ssassinats,

uelques

rands

ommes,

un nombre

nfini

e scélérats

abilest

cependant

alheureux,

artout

es

passions

ardentesans outeeurauvageierté voilà exvciècle., Id.,Histoiree apein-ture n talie1817,.1,

p.

15, ité

ar

L. Febvre, ichelett aRenaissance

Paris,

1992,

.

290,

ui

consacre

uelques

elles

ages

la fascination

omantiqueour

es

tyrans

taliense la Renaissance.

4.

Ibid.,

p.

87.

5.

Aristote,

olitique

Livre

,

1310

40s.

Page 101: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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DE LA CRUAUTÉ OMMEPRINCIPE

DE

GOUVERNEMENT 97

cienne,« la raison libérée du désir »6. Au contraire, a seule loi de

la

tyrannie

st la

jouissance

sans

limite du

tyran.

Jouissance,

t violence débridée. Les

chroniques

médiévales ta-

blissaient

onstammente

parallèle

entre a cruautédes

princes

t leur

appétit

sexuel. Ainsi

à

Milan,

au tournant

du

XIVe

iècle,

lorsque

les

troisfrères

Galeazzo,

Bernabò

et Matteo Visconti e

partagent

e

pou-

voir en rivalisant e brutalité.

Le

plus jeune

et le

plus

redouté,

Mat-

teo,

a mis au

point

un

système

e terreur

ar

la

débauche. Tous les

soirs,

l

fait

venir n son

palais

une

vingtaine

e

jeunes

filles t

d'épou-

ses

de riches

citoyens

milanais

pour

leur faire subir les

outrages

de

son effrayanteubricité.Décrivant es scènesorgiaques- avec d'ail-

leurs

quelque

complaisance

dans les détails

-

l'historienMatteo

Vil-

lani,

Florentin

pris

de

libertés,

y

voit rassemblés ous les vices

de

la

tyrannie

milanaise7.

La

puissance

sexuelle

du

prince

est

à la mesure de

sa

malignité

et

toutes es tortures

u'il

inflige

ses

sujets

ne font

que

redoubler

son

excitation

ibidineuse.

l

faut

en effet

maginer

hez Galeazzo Vis-

conti

une

jouissance

dans la

cruauté

proprement

adique pour

com-

prendre

e soin

avec

lequel

il

réglait

e déroulement

es

supplices

de

ses

prisonniers.

Ainsi

les faisait-il

oigner par

ses

chirurgiens près

chaque journée

de tortures

our qu'ils

puissent

urvivre

leur tour-

mentquarante ours, et subirencorele quaranteet unième our une

mort violente8.

Au cœur

de la

tyrannie

onctionne

onc une machine de cruau-

tés,

alimentant

ans cesse

la

jouissance

du

prince,

elle-ci

ne connais-

sant

pas

de

limite

inon

sa

propre perte.

Le

tyran

ne

peut

donc

gou-

verner

ue

dans

l'excès,

et cette

dimension ssentiellement onstrueuse

de la

tyrannie

été

précocement

énoncée

par

les

«

républicains

ita-

liens de

la

fin

du

Moyen Âge.

Parmi

eux,

Albertino

Mussato,

en

1261,

fréquentant

e

milieu des lettrés

t

des

juristes

de l'Université

de

Padoue.

Étudiant

énèque,

écrivant

ombre

d'ouvrageshistoriques,

il donne en 1314 la première ragédie politique» de l'histoiredra-

maturgique

uropéenne,

Ecerinis.Celle-ci connutun succès considé-

rable

et

immédiat,

la mesure

des

enjeux

politiques u'elle

soulevait.

La

pièce

décrit es

turpitudes

'Ezzelino

da

Romano,

gendre

t vicaire

de

Frédéric

I,

mort n

1259.

Or,

on racontait Padoue

que

ce

tyran

sanguinaire

'était réincarné

ans

le

seigneur

e

Vérone,

Can Grande

della

Scala,

qui

menaçait

alors les libertés

de la ville. Ecerinis était

6.

Ibid.,

Livre

II,

1287 .

7.

M.

Villani,

Cronica

F.

Gherardi

ragomanni

d., Florence,846,

.

1,

pp.459-460.our ne utre escription,ilanaiseelle-ci,esviolencesexuellese

Matteo,

oirB.

Corio,

toria i MilanoA.

Morisi

Guerra

d., Turin, 978,

.

1,

p.

791.

8. P.

Azzario,

iber

estorům

n

Lombardia

F. Cognasso

d.,

Rerumtaiica-

rum

criptores

XVI,4,

Bologne,

939,

.

301.

Page 102: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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98

P.

BOUCHERON

donc une œuvre« à clefs», où Mussato prenaitpositiondans le con-

flit

politique

qui

déchirait on

temps9.

La

pièce

s'ouvre

sur

un

dialogue

entre e

tyran

t

sa mère.Celle-ci

se

décide à confier

Ezzelino

sa

diabolique origine.

Loin d'en être

effrayé,

e dernier

écoute avec

intérêt

«

Parle, mère,

il

me

plaît

d'entendre es choses

merveilleuses t atroces

»).

Ezzelino

n'est

pas

né de son

père,

mais

d'un animal

monstrueux,

orti des fumantes

entrailles

de la terre

pour

féconder a mère du

tyran.

Alors décrit-

elle,

avec force

détails,

comment lle fut

possédée par

un taureau

hir-

sute

et

écumant,

l'haleinefétide t aux

yeux

exorbités,

t avec

quelles

souffrances lle porta dans son ventre les fruits de ces amours

monstrueuses10.

n sait

que

le taureau

est,

dans

le

bestiaire

médié-

val,

le

symbole

de la

puissance

sexuelle et de la force

débridée.

Il

est

ici le monstre bsolu

qui

engendre

a

tyrannie,

ondamnant ce

régime

ne

pouvoir

se

survivre

ue

dans

Yubrisd'une

passion

déchaî-

née.

Machine

à

jouir,

la

tyrannie

st animée

d'un

mouvement

erpé-

tuel

(au

sens

classique

:

parce que

l'effet

y

est

plus

puissant

que

la

cause) qui

se nourrit e

cruautésnécessairement

xcessives,

e bruta-

lités nécessairementmonstrueuses.Mais la

tyrannie

st aussi cette

machine

qui

travaille

sa

propreperte,

omme e savait

déjà

Matteo

Villani « De mêmeque les tyrannies'élèvent,grandissentt se con-

solident,

e même

grandit

n

silencedans leur

sein e

germe

fatal d'où

sortiront

our

elles le trouble et la ruine»n.

Princes

cruels,

princes

redoutés

Lorsque

les deux frères e Matteo Visconti e

surprirent

ans son

palais

un

jour

de

débauche où

il

obligeait

des femmesde la

notabi-

lité

milanaise

à se donner à

lui,

ils

comprirent

ue

«

l'État était en

granddanger

»

et décidèrent e l'empoisonner, uelques jours plustard,

pendant

une

partie

de chasse12.Le discours

romantique

ur la

tyrannie

e doit

pas,

en

effet,

ous

égarer

les

tyrans

'Italie du Nord

étaient d'abord des créateurs

d'État,

soucieux

de

sa stabilité. D'où

la contradiction

majeure, qui

rend 'histoire

des deux derniers iècles

du

Moyen Âge

si

chaotique

en Italie

:

de

puissantes

forces sociales

et

politiques

aspirent

la

consolidation

d'un État

territorialdminis-

9. G.M.

Gianola,

VEcerinisi Albertinoussatora zzelino

Cangrande

,

dansG. Cracco

éd.,

Nuovi tudi

zzeliniani

Rome, 992,

oi.

,

pp.

536-574.

e

remercieérard

ippe

e m'avoir

ignalé

ette

éférence.

10. A.Mussato, zzelinideL. Motta d.,Bologne,900. our ituerette u-vre ans 'histoireu

théâtre,oir,

ar xemple,

.

Doglio,

l teatro

ragico

taliano

Parme,

960,

p.

6-17 t

pp.

39-49.

11. M.

Villani,

p.

cit.,

ité

ar

J.

Burckhardt,

a

civilisatione la Renais-

sance n talie

Paris, 958,

.

1,

p.

14.

12. M.

Villani,

op.

cit.,

p.

460.

Page 103: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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DE

LA

CRUAUTÉ OMMEPRINCIPE

DE

GOUVERNEMENT

99

tratif t centralisé endant que les principesde gouvernement yran-

nique

semblent

mettre onstamment ette construction

olitique

en

péril.

Lorsque

cette

contradiction evient

nsupportable,

e

tyranni-

cide

apparaît

politiquement

égitime.

Ainsi la cruautédes

princes

e retournait isément ontre

eux-là

même

qui

en

jouissaient.

La

Storia

di

Milano

de BernardinoCorio

en

porte

abondamment

témoignage.

ssu

d'une

grande

famille de

l'ancienne

oligarchie

milanaise

ui joue

la cartede

la

fidélité

ux

prin-

ces

depuis

Francesco

forza,

Corio est

un familier e la cour de Ludo-

vic le

More13.

Pourtant,

orsqu'il

écrit 'histoire écente e l'État des

Visconti-Sforza, orio ne cherchenullement taire es turpitudes es

prédécesseurs

e son

protecteur.

l

fait

même de l'excès de cruauté

de

certainsducs

de Milan

la

raison

explicative

e la

plupart

des aléas

politiques

de cette

période.

La crise

profonde

du duché milanais

en

1412 n'est

que

la

juste

conséquence,

selon

Corio,

de la

scélératesse

de

Gian Maria Visconti.

La violence

aveugle

avec

laquelle

il

répri-

mait les

émeutes

en arrivait ébranler

a

stabilité

de l'État.

Corio

décrit

omment,

l'issue

d'une insurrection

menée

par

Giovanni da

Pusterla,

celui-ci vait

été

exécuté,

démembré,

t ses restes

parpillés

aux

portes

de

la ville. Mais

le

désir

de

vengeance

e Gian Maria n'était

jamais

assouvi

:

il fit venir un

des fils de

Giovanni,

âgé

de douze

ans, pour le faire dévoreren public par ses chiensenragés14. t là,

poursuit

Corio,

intervint

n véritable

miracle. La

meute,

pourtant

habituée

mettre

n

pièces

es

ennemis u

duc,

s'arrêta

devant e

jeune

garçon

et refusa

de

le mordre.

Le duc fit alors venir

Guerzo,

le

plus

féroce

de ses

chiens,

ui

lui aussi

épargna

a victime.

e

jour-là,

même

les

chiens

du

prince

ressentirent

e

dégoût

du

sang15.

Xénophon

l'a dit

depuis

fort

ongtemps

il

n'y

a

pas

de

tyran

heureux

6.

C'est

au moins

une consolation

pour

les

moralistes,

el

Savonarole dans

la Florence

médicéenne

e

1495,

décrivant

e

prince

tyrannique

ui

«

du fait

de

ses

nombreux

aprices,

de sa malfaisance

et des craintesqui toujours le rongent est voué à la solitudeet à

l'angoisse17.

Les

chroniqueurs

milanais décrivent

omplaisamment

es

13. Sur e

personnage

t 'œuvre

e

Corio,

oir

G. Soldi

Rondinini,

Spuntier

un'interpretazione

ella Storia

i Milano

di

Bernardino

orio

,

dans

d.,

Saggi

di

storia

storiografia

isconteo-sforzesche

Bologne,

984,

p.

205-220.

14. Les chiens

pparaissent

ouventans

'histoireesVisconti.n raconte

ar

exempleue

Bernabò

aisaitntretenir

ar

on

peuple

remblantnemeute e

cinq

mille hiens estinée

la chasse ux

sangliers.

t malheur celui

ui

ose

empiéter

sur e

privilège

ucal

il

est

promis

ux

plus

troceses

upplices.

.

Corio,

p.

cit.,

t.

1, p.

791.

15. B.

Corio,

op.

cit.,

pp.

1019-1020.

16.

«

Or,

craindrea

foule t craindrea

solitude,

raindre'absence e

gardes,

mais raindreussi esgardesux-mêmes,epasvouloirtre ntouréegens ans

armest ne

pas

esvoir

olontiers

rmés,

'est-ce

as

une ondition

énible

»

Hié-

ron

VI,

4. Voir 'éditiont e commentaire

u'en

donne .

Strauss,

e la

tyrannie

trad,

ranç.,

aris,

954.

17. Traité

e

frère

érôme

e Ferraree V rdre

esPrêcheursur

a

façon

e

régir

t de

gouverner

a

cité

e FlorenceTraité

econd,

hapitre

eux,

De la

mali-

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DE LA

CRUAUTÉ

OMMEPRINCIPE

DE

GOUVERNEMENT 101

et sous le contrôle nvisiblemais omniprésent es agentsde la Séré-

nissime.

De même dans

Lucrèce

Borgia

où l'on

passe

du bal véni-

tien ouvert au

palais

du

duc de

Ferrare,

et de celui-ci au

palais

Negroni,

'espace

se refermant

ur

ui-même,

omme se resserre

e lacet

sur

le cou

du condamné.

Le

prince,

virtuose

des cruautés

La liste des

tyrans

battus est

presque

aussi

longue que

celle de

leursturpitudes, t Stendhalprendapparemment n vifplaisirà les

énumérer

«

Matteo

1er,

elui

qui

se

fit

souverain,

mourut du cha-

grin

que

lui causèrent

es

excommunications

u

pape

;

Galéas

1er,

on

fils,

périt par

suite

des mauvais

traitements oufferts

n

prison

ce

fut

le

poison

qui

termina es

jours

de Stefano

Marco fut

eté

par

la fenêtre

Luchino

empoisonné ar

sa

femme Matteo

II

périt

ssas-

siné

par

ses frères

Bernabò

finit

par

le

poison

dans

sa

prison

à

Trezzo

;

et

Jean-Marie

fut

percé

de

coups

comme

il

se

rendait à

l'église.

Voilà les morts

rrivés

dans une seule

famillede

princes,

t

cela en

moins de

cent ans

»23.

On

ne saurait

mieux dire la

fragi-

lité d'un

pouvoir

tyrannique

eposant

sur

la contrainte

t la terreur.

Cette nstabilitéhronique roublaitJacob Burckhardt,ui tentait, n

1860,

dans sa

Civilisation

de la Renaissance

en Italie de décrire

«

l'État considéré

omme

œuvred'art

». Ce

que

l'historien

uisse cher-

chait dans

l'histoire

des

tyrannies

taliennes

par

laquelle

s'ouvre son

livre)

c'est,

comme

Stendhal,

la manifestation

'une

énergie

sans

entrave,

mais

c'est aussi

l'invention

d'un nouveau

mode de

gouver-

nement,

ppuyé

sur

la rationalité.

Là est

un des

paradoxes

qui

fon-

dent

a

philosophie

olitique

moderne.Des

tyrans

e la

fin

du

Moyen

Âge,

Burckhardt

dmet

sans difficulté

ue

«

leurs méfaits étaient

monstrueux

-

et les

descriptions u'il

en donne

le

montrent

loi-

sir -, mais il n'oublie pas pour autant que ces tyranspratiquèrent

également

« le calcul raisonné de tous les

moyens

24. Ainsi en

arrive-t-il

distinguer

une

tyrannie

criminelle et

passionnée

au

xive

siècle,

d'une

tyrannie ui,

au

XVe

iècle,

mesure ses méfaits

et

rationalise

a cruauté

naturelle

«

En

somme,

grands

et

petits yrans

sont

désormais

obligés

de

se

donner

plus

de

peine,

de

joindre

l'intel-

ligence

et

le calcul à

la

force,

et de s'abstenir

de cruautés nutiles

ils

ne

peuvent

plus

commettre 'autres méfaits

ue

ceux

qui

leur

per-

mettent 'arriver

leur but

; ceux-là,

les

juges

désintéressés ans

la

question

les

leur

pardonnent

25.

Commettre es

méfaits

pour

arriver son

but : voici au fond

la marquedu vrai chef d'État. Écrits dans les années 1470, les Corn-

il.

Stendhal,

p.

cit.,

pp.

246-247.

24.

J.

Burckhardt,

p.

cit.,

.

1,

pp.

7-8.

25.

Ibid.,

p.

21.

Page 106: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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102

P.

BOUCHERON

mentaires u célèbre humanistemilanaisGiovanni Simonettaenten-

dent

retracer,

sur le modèle

césarien,

la

carrière de

Francesco

Sforza26. L'ancien

«

condottiere

qui

s'est

emparé

du

duché de

Milan était ncontestablement

omme de

«

fortuna

;

raison de

plus

pour

faire ressortir vec éclat toute

sa

«

virtù .

Faire

l'éloge

de

Sforza,

ce n'est donc

en

aucune manière

brosser le

portrait

d'un

homme

épris

de

justice

et de

bonté,

mais

bien

d'un froid

alculateur,

qui

doit son

pouvoir

à

ses

qualités propres

et non à

des

circonstan-

ces

hasardeuses27.

Voilà

pourquoi

Simonetta

met

constamment n

avant

l'intelligence

actique

de

son héros

rei

militaris

cientia

cons-

tantia,celeritas),et, plus largement, a parfaitemaîtrisedes choses

et des

esprits.

Dans

cette forme

d'exaltation du

pouvoir,

la

cruauté

n'a

pas

à être

niée,

pourvu qu'elle

soit

au

serviced'un

intérêt

upé-

rieur.

Simonetta

n'est donc

pas

avare de

détails sur

la

brutalité vec

laquelle

Francesco Sforza menait sa

guerre

de

sièges,

semant

parfois

terreur t désolation28.C'est la

marque

d'un homme

droit,

qui

ne

plie pas

devant

les dures

exigences

de

la

guerre.

De

même,

la

des-

cription

es

supplices

nfligés

ux

déserteurs29

st

pleinement

ustifiée

en

tant

qu'elle

participe

à une

«

politique

de

l'effroi

30,

qu'elle

manifeste vec éclat la forcedu

prince

et

l'obéissance

qu'on

lui

doit.

Le

prince

de Simonetta st admirable

parce qu'il

maîtrise

arfai-

tement es techniquesde gouvernementt le maniement es esprits.

Ainsi,

a cruauté vec

laquelle

il

assiège

et

affameMilan

doit-elle

tre

portée

à son

crédit,

«

à

partir

du moment

il

était

convaincu

qu'aucun

autre

moyen

ne

pouvait

faire

plier

les

Milanais »31.

Lors-

que

Sforza

entre nfin

dans

la ville

en

triomphateur,

'est

pour y

dis-

tribuer

pleines

brassées

du

pain

et

des victuailles l'affameur

'efface

aussitôt

derrière e sauveur. Simonettane

célèbre

pas

ce

miracle,

l

loue

l'habileté de son

héros

dans la

manipulation

e

l'opinion32.

De

même

lorsqu'il présente

e futurduc de

Milan,

attendant

ranquille-

ment e

27

mars,

our

de

l'Annonciation,

pour

faire

son entrée

dans

la ville33.Comme l'écriraplus tard un autreadmirateur e FrancescoSforza,Machiavel, le princemodernedoit pouvoirallier« virtù et

«

sceleratezza

.

26. G.

Simonetta,

e

rebus

estis

rancisci

fortiae

ommentarti,

. Soranzo

éd.,

Rerumtalicarum

cripîores

XXI, 2,

Bologne,

932-1959.

27.

Sur es

problèmes,

oir .

Ianziti,

umanistic

istoriography

nderhe

f

r-

zas.

Politicsnd

Propaganda

n

Fifteenth-century

ilan

Oxford,988,

otamment

pp.

184-193.

28.

À

titre

'exemple,

oir e sac de Piacenza

G.

Simonetta,

p.

cit

,

p.

211),

de Mercato

ibid.,

.

304)

ou de Pontevico

ibid.

.

388).

29.

bid.,

p.

377.

30. Telle

ue

a

définit .

Foucault

«

Rendreensible

tous,

ur e

corps

u

criminel,a présenceéchaînéeu souverain.e supplicee rétablissaitas a jus-tice ilréactivaite

pouvoir

,

dans urveillert

punir.

aissancee a

prison,

aris,

1975,

.

53.

31. G.

Simonetta,

p.

cit.,

p.

335.

32.

bid.,

p.

335.

33.

bid.,

p.

342.

Page 107: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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DE

LA

CRUAUTÉ OMMEPRINCIPE

DE

GOUVERNEMENT

103

Faire le mal pour le bien de l'État : si le princedoit s'abstenir

de

«

cruautés nutiles

,

selon

l'expression

de

Burckhardt,

'est

pour

rendre

plus

efficace on

pouvoir

de contrainte.

es

progrès

de

l'État

ne consistent

as

en

l'adoucissementde ses

moyens

d'exercice,

mais

dans

la

rationalisation

ontinue

de

la

coercition.

Dans son

Trattato

di

Architettura

Filarete,

architecte

personnel

de

Francesco

Sforza,

dresse

e

plan

d'une

cité

idéale,

c'est-à-dire 'une

ville où le

pouvoir

s'exerce

idéalement34.

ux

portes

de

cette

Sforzinda

est un

inquié-

tant

pénitencier,

ommé

Ergastolon

toutes les

techniques

de

la

torture ont mises au service de la

raison d'État35.

Filarete

décrit,

avec une précisionpresquehallucinée,tous les supplicesqu'on doit

y pratiquer.

Selon la nature de son

crime,

e

prisonnier

e

voit

assi-

gner

l'une

des

quatre

tours,

chacune étant

spécialisée

dans un

type

de

tourment.Les traîtres t les voleurs sont

traînés dans la

Stenta-

mente),

ù ils subissent la force

»,

pendant que

des malheureux

e

font

briser

a tête

dans

la

Martoriata. Les

parricides

ont

placés

dans

Y

Affamata

et ceux

qui

méritent

e feu finissent

ans

la

Senza

Pace.

L'ensembleest savamment ationalisé

t

tenteun

compromis

ntre ne

certaine

discrétiondans

l'art de faire

souffrir

les

prisonniers

ont

enfermés ans ces tours

aveugles

l'État,

monstre

froid,

assouvit

seul son désir de

vengeance)

t

le

maintiend'une

cérémoniedes

sup-

plices propreà frapper es esprits avant d'y disparaître, es prison-

niers ont hissés

en haut des toursoù ils

subissent

n

simulacre 'exé-

cutions

capitales).

Même

assagie,

même

modernisée,

a

tyrannie

ne cesse

jamais

d'être monstrueuse.

n

elle

s'exprime

un

principe

qui

n'est

pas

de

l'ordre du

politique,

mais

simplement

u

pouvoir,

dans sa brutalité

et dans son dénuement c'est-à-diredu désir. Étudiant

le rôle

qu'a

joué

la fictiondu

despotisme

siatique

dans la

philosophiepolitique

de

l'Occident

classique,

Alain

Grosrichard crit

qu'il

réintroduit ce

que

la théorie

politique

n'a cessé de

rejeter,

de

refuserde

penser

comme politique,et qui pourraitbien être,plus fortque la force,

plus

séduisant

ue l'idéologie, plus

entraînant

ue

l'intérêt,

e

ressort

même du

pouvoir politique

l'amour

»

36

.

Pourtant,

en confrontante

système

monarchique

à celui de la

tyrannie

talienne,

es

penseurspolitiques

français

de la

fin

du

Moyen

Age

étaient

parvenus

une formulationrès

précise

de ce

ressort

oli-

tique

essentiel. a

vigueur

de

l'autorité

yrannique,

a

troublante ffi-

cacité ne les

laissaient ertes

pas

indifférents,

ais

l'illégitimité

e ce

34. P.

Boucheron,

De la ville

déale

l'utopie

rbaineFilaretet

Purbanisme

à Milan u tempses Sforza, dans déesde villesvillesdéalesParis« Cahiers

de

Fontenay

,

69-70),

993,

p.

53-80.

35. A. Averlino

dit le

Filarete,

rattato

i

ArchitetturaA.M.Finou

et

L. Grassi

d.,

Milan, 972,

ol.

1,

lib.

XVII,

fol. 40-42.

36. A.

Grosrichard,

tructure

u

sérail. a

fiction

u

despotisme

siatique

ans

l'Occident

lassique

Paris, 979,

.

16.

Page 108: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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104

P. BOUCHERON

pouvoir en constituait pour eux la tare originelle37.Ainsi en

arrivaient-ils

cettedistinction

onstitutive le

tyran, rince

redouté,

est

plus

craint

qu'aimé.

Gian Galeazzo

Visconti,

crit

Froissart,

se

fist cremir

trop plus qu'amer

»38,

et

Christinede Pizan

présentait

ainsi

les Visconti

«

L'un avoit nom Galiache

L'autre Bernabò on nommait

Que

l'on

craignaitplus

qu'on

aimait.

»39

Les fondements nthropologiquesdu pouvoir tyrannique ont

donc radicalement ifférents

e ceux

que

la monarchie

rançaise

ntend

alors se

donner,

autour du roi comme

incarnationdu

corps

social.

Ne

pouvant prétendre

cette

ncarnation,

e

tyran

ne

recherche

as

l'amour de ses

sujets40.

La cruauté ui est donc

principe

de

gouver-

nement,

t

peut-être

même

principe

e

légitimité.

omme

'écritMarcel

Gauchet dans

une réflexion

ur

la

postérité

du

modèle de Kantoro-

wicz,

«

Plus

le

hiérarque suprême

aspire

à la

grandeur,

mbitionne

l'accroissement e son

pouvoir,

plus

il

lui faut

se montrer

issembla-

ble d'essence

par rapport

u commundes

hommes,

nhumain,

urhu-

main,

au-delà de

l'humain,

que

ce

soit en accusant

l'écart de nature

en généralentre maîtres t sujets, en se faisantreconnaître omme

participant

es

puissances

de

l'invisibleou en

exerçant

une violence

sans

merci.

»41

Admirer a

tyrannie,

e n'est

pas

lui trouver

es

excuses,

t

encore

moins

en

gommer

es excès.

Ce

qui

est

désirable,

au

fond,

dans

la

tyrannie,

'est

l'affirmation 'un

pouvoir

distant et

détesté.

l

faut

revenir,

ne dernière

ois,

à

Stendhal,

ui,

en

une formule

aisissante,

dit l'essentiel

«

Au lieu de la

profonde

méfiance

ui,

de

tout

temps,

en

Italie,

sépara

le

prince

t

les

sujets, depuis qu'il y

a

des

bourgeois

de

Paris,

nous les

voyons

aimer le roi.

»42

Voilà l'alternative

ssen-

tielle.Et voilà

pourquoi,

u moment ù

il

faut

faire e deuil de l'incar-

nationmonarchique, u momentoù l'on comprendque ce deuil est

37. Surcette

uestion,

oir .

Gilli,

«

Politiques

taliennes,

e

regard

rançais

(c. 1375-1430)

,

Médiévales

10,

1990,

p.

109-123.

38.

Froissart,

hroniques

K.

de Lettenhove

d.,Bruxelles,872,

.

15,

p.

259,

cité

par

P.

Gilli,

loc.

cit.,

p.

118.

39. Christine

e

Pizan,

e livre e mutacióne FortuneS. Solente

d.,

Pans,

1961,

.

2,

v.

23463-23466,

ité

par

P.

Gilli,

loc.

cit.,

p.

118.

40.

Il va de soi

que

nousnous ituons

cien

deçà

d'une

pproche

sychanalyti-

quequineverraitasde contradictionssentiellentre'amourt a crainteutyran

(voir

es ravauxe P. Legendre,tnotamment'amour ucenseur.ssai ur 'ordre

dogmatique

Paris,

974).

41. M.

Gauchet,

Des deux

orps

u roi u

pouvoir

ans

orps.

hristianisme

et

politique

,

Le Débat

14, 1981,

p.

133-157,

.

144.

42.

Stendhal,

p.

cit.,

p.

247.

Page 109: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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DE LA

CRUAUTÉ

OMME

PRINCIPE

DE

GOUVERNEMENT

105

plus difficile u'on ne l'avait cru43,Stendhal,Hugo, tant d'autres,

se

tournent,

ascinés

et

inquiets,

vers ces

figures

monstrueuses

es

tyrans

célérats

d'Italie du

Nord,

cherchant

percer

ce

qui

consti-

tuait,

pour

Michelet,

e seul véritable

mystère

e l'histoire e

France

pourquoi

avons-nous tant

aimé nos rois

?

43.

Voir,

ur e

sujet,

.

Gengembre,

a

contre-révolutionu

l'histoireéses-

pérante,

aris,

989.

Page 110: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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Médiévales7,automne994, p.107-120

Christiane

MATTKE

VERGES

ET DISCIPLINE

DANS L ICONOGRAPHIE DE L ENSEIGNEMENT

«

Ne renonce

pas

à châtier

ton

fils,

mais ne va

pas jusqu à

le

faire mourir.

(Prov.

XIX,

18)

«

La folie est ancrée dans

le cœur

du

jeune

homme,

et

le

bâton

de la

discipline

a chassera.

»

(Prov.

XX,

15)

«

Baguette

et

réprimande rocurent

a

sagesse,

le

jeune

homme

livré à ses envies

fait honte à sa

mère.

»

(Prov.

XXIX,

15)

*.

Ces

préceptes

ourraient

hoquer

des éducateurs

ontemporains.

Ils

n ont

cependant

heurté

ni

les

pédagogues

antiques

ou

médiévaux,

ni

les

professeurs

e

l âge

moderne.

En

effet,

n châtiait es

enfants

et les élèves

au

Moyen

Âge.

Certaines sources

écrites,

narratives u

normatives,

arlent

de la nécessité

e

punir

physiquement

es élèves

d autres

textes

critiquent

e châtiment u

expriment

a

position

des

victimes

e la correction2.

i ces différents

ypes

de

témoignages

ont

bien

connus

pour

le haut

Moyen Âge,

ils le sont moins

pour

les

pério-

des suivantes.

Les

transformations

ui,

à

partir

du

XIIe

iècle,

tou-

chent es

écoles

en milieu

urbain,

comme a naissance des Universités

au XIIIesiècle et les bouleversementses systèmes e pensées qui les

accompagnent,

nt conduit es historiens

étudier es

institutions,

es

1. La

Vulgate

onne

our

es

passages

XIX,

18 Erudi lium uum e

despe-

res d

interfectionem

utem

iusne

ponas

nimamuam

XXII,

15 Stultitiaonli-

gata

st

n

corde

ueri

t

virga

isciplineugabit

am

XXIX,

15

Virgatque

or-

reptio

ribuet

apientiamuer

utem

ui

dimitturoluntatiuae

onfundet

atremuam.

Ces

versetsont ités

arexemple

ans e

De

eruditione

iliorum

obiliume

Vin-

cent

e

Beauvais

vers 247-1250),

exte ù l auteur

appuie

ur e très ombreuses

citations.

insi u

chapitre

XV

De

la

punition

es

nfants)our

XIX,

18et

XXII,

15,

t u

chapitre

X

VII

Pourquoi

a

discipline

oit tre ubie e bon

ré) our

XIX,

15.

A.

Steiner

d.,

Cambridge

Mass.),

938,

p.

90,

91

et

98).

2. De nombreuseséférencesans . Riché, coles tenseignementans e Haut

Moyen ge

Paris,

979

rééd. 989).

omme

xemple

un

émoignageritique

n

peut

iteres

paroles

e Guiberte

Nogent

«

...

presque

haqueour étais

apidé

par

unefurieuse

rêle

e souffletst de

coups

e

fouet,

et

homme e

ontraignant

à

étudiere

qu il

vait té

ncapable enseigner.(Autobiographie

E.-R.Lab nde

éd.

et

trad., aris,

981,

.

33).

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110 C.

MATTKE

Le mondemonastiquemédiéval constitue e second domaine où

les

verges ouent

un rôle aussi bien réel

que figuratif.

lles intervien-

nent dans le

système

e

répression

monastique,

elles

représentent

l instrument e

discipline

par

excellence10. a

spiritualité

monastique

a

par

ailleurs accordé

une

place privilégiée

la

mortification

ar

le

fouet

ou

les

verges11.

n trouveenfincet

objet

comme

attribut co-

nographique

du moine. De telles

mages

apparaissent

u

xnie

siècle

dans des manuscrits

ui

n offrent

as

forcément

es textes en

rap-

port

direct

avec

les

idéaux

monastiques.

Ainsi

les

abondantes illus-

trations

de la Bible

Moralisée

présentent

e

nombreux

xemples

de

moinespénitenciersu pénitents12.e type conographique u moine

disciplinaire impose

aussi dans

la

figuration

un

miracle de saint

Benoît. Alors

que

le texte

des

Dialogues

de

Grégoire

e

Grand

relate

que

le saint

«

donna seulement n soufflet

à

un

moine

possédé

par

le

démon

pour

chasser

celui-ci

(solummodum

alapam

dédit)

13

,

on

trouve

des

images

qui interprètent

ette

histoire

ar

la

figure

u saint

flagellant

e moine14.

On

peut

donc

supposer que

toute

figuration

es

vergesrappelle

autant les

représentationsui

s attachent la

tradition

conographi-

que

de la Grammaire

ue

les

pratiques

et

images

monastiques.

C est

sur cet

arrière-plan ue

l on

peut

chercher

comprendre

utilisation

plus importante u motifdes vergesdans les images du xiiic siècle.

À

cette

époque,

on

assiste

en effet la

diversification

es

contextes

iconographiques

ans

lesquels

elles

apparaissent.

Cette

diversification

affectemoins

es

types

de

personnages eprésentés

le

plus

souvent

10.

«

Règle

e saint enoît

,

dans

Règles

es

moinesP. Guéranger

rad.,

.P.

Lapierre

d., Paris, 982,

.

94,

cap.

XXIX,

1

«

Si un

frère été

ouvent

epris

pour

ne aute

uelconque,

i Ton été nversui

usqu à

excommunicationt

qu il

ne e soit

as

mendé,

l

faudra

ui

nfliger

ne

orrection

lus

ude,

est-à-dire

ro-

céder

ontreui

par

e châtimentes

verges.

11. Voir ce propose recueil e textes e C. Vogel,Le pécheurt a péni-

tenceu

Moyen ge

Paris,

969.

l

faut iter

ierre

Damien,

ui

a

écrit n traité

sur

L excellencee la

flagellation

{PL

145,

ol.

679-686),

omme

e

plus

ervent

défenseur

e la mortification.

12. Dans a BibleMoralisée

Oxford,

odleian

ibrary

s.270b t

Paris,

N,

ms. at.

11

560)publiée ar

A.

de Laborde

a Biblemoraliséellustrée

onservée

Oxford

Paris tLondres

Paris 911-21

4 vol.),

n trouve

nze ois esmoines

éni-

tenciers.

uatre

ois ls

flagellent

eurs onfrères

planches

4

Oxford

°

94)

273, 11,

419

BN

49v°, 7v°,

95v°)

ixfois lsdonnent

a

pénitence

des aïcs

planches

5,

19,

17

Oxford

°

5v°,19v°,

17v°),

09,

34

Paris

°

85v°,

10)

t 596

Oxford

125)

unefois un

roi

planche

51

Paris

°

27v°).

13.

Dialogues

A. de Vogüe t

P. Antin

d.,

t.

II, Paris,

979

Sources

hré-

tiennes),

ib.

I,

cap.

XXX.

14. Unbel xempleuxiveieclevers387,ttribuéSpinelloretino)e trouveau sein u

cycle

e

fresques

onsacré saint enoît ans a sacristiee

église

an

Miniatol

Monte,

ais n

peut

aire emonterettedée

conographique

la

2e

moi-

tiédu

xie

iècle,

ù on

a trouveans e

cycle

llustranta Vita enedictiu

ms. at.

1202,

°

30

de a

B.A.V.,Rome,

mêmei cettecène exorcisatione

montre

as

les

verges,

ais a

baguette

ypique

e la

représentaion

es miracles

hristiques.

Page 114: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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VERGES

T

DISCIPLINE

111

des moines- que les textes ccompagnéspar ces images. Plusieurs

manuscrits

es

écritsd Aristote

par exemple comportent

es initiales

qui

montrentdes

moines-disciples

devant

un

maître tenant des

verges15.

Ce sont

notamment

V

thique

et P

Analytique

Postérieure

dont les

incipit respectifs

noncent

une

situation

d enseignement

Omnis ars et omnis

doctrina..

et Omnis

doctrina t omnis

disciplina

..

Un

textedestiné ux

étudiants t très diffusédans le monde scolaire

comportant

ans son

titremême e terme

disciplina

est

présenté

vec

une

scène

de correction dans

la

seule

initiale

historiée

du

manuscrit16.

our

comprendre

es raisons de cette

plus

large

utilisa-

tion iconographiquedes verges l est opportund analyserun échan-

tillon

représentatif

images.

Ad sciendam

sapientiam

et

disciplinam

7

Les initialesdes

Proverbes

dans les Bibles

du

xiiie

siècle

adop-

tent rès ouvent

une

composition

ypique

des scènes

d enseignement

le maître

gauche

dont

l importance

st

signifiée ar

sa

taille et

par

ses

attributs,

élève

à droite. Elles

font

également

ntervenir attri-

but

des

verges.

Dans ces

initiales,Salomon,

portant

une

couronne,

trône fig. 1, 2, 3). Il tient es vergesdans l une de ses mains,tandis

que

l autre

main

présente

index levé ou

pointé

vers son

fils-disciple

(fig.

2).

Salomon

peut

de même montrer

u

doigt

le livre ouvert ou

fermé

ue

l élève tient

fréquemment

u

simplement oser

sa main sur

son

genou

(fig.

1).

Le

fils,

souvent

à moitié

dénudé,

est tantôt assis

par

terre,

tantôt assis

sur un

siège

et

accompagné

d autres élèves.

On

peut présenter

ette

conographie

ariable travers

eux exem-

ples

offrant es

caractéristiquespposées.

La scène

qui

illustree début

des Proverbes

dans

la

Bible

Moralisée

(fig.

2)

met

bien

en

évidence

l emploi symbolique

des

verges18.

alomon et

Roboam

sont

plasti-

quementséparés par des éléments rchitecturaux,es vergesne tou-

15. Par

xemple

n

manuscrit

e

Y

thique

Avranches,

ibliothèqueunicipale,

ms.

22,

°

1,

un utre e

Y

Analytique

ostérieure

Oxford,

alliol

ollege,

s.

53,

f° 211v°. Dans

iconographie

iblique

n

peut

iter ne

mage xceptionnelle

une

initiale

u

psaume

antate omino

montree

psalmiste

endanta

verge

un

moine

à moitié

énudé

isant,

lors

ue

a main e Dieusort e la nuée. llustration

are

pour

e

psaume,

u il

faut

ansdoute

xpliquerar

a traditionssociantn

ensei-

gnement

rimaire

u motif es

verges

la

grammaire

st a

discipline

esdébutants

et e

psautier

onstituee

premier

exte

apprendre

n

atin.

aris,

ibliothèque

ainte-

Geneviève,

s.

1273,

° 112.

Des

vergesgalement

ans e

Psautier

ilton,

°

161

(Londres,

ibrary

f the

Royal

ollege

f

Physicians).

16.Paris, ibliothèqueationale,s. at.16082,°353. ls agit un extettribué

à cette

poque

Boèce,

intitulant

e

Disciplina

colarium

O.

Weijers

d.,

Leyde,

Cologne, 976).

17. Prov.

,2.

18. Surtouti on la

compare

ux scenes e

pénitence

ans e

meme

manuscrit,

cf.

upra

note

2.

Page 115: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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112

C. MATTKE

Fig.

1

-

Bible,

nitiale u

livre es

Proverbes.

eaune,

Bibi.

mun.,

ms.

12,

1, France,

ébutdu

xmc

siècle.

Page 116: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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VERGES T DISCIPLINE

113

Fig.

2

-

Bible

Moralisée,

médaillon ssocié u livre

des Proverbes.

aris,

Bibl.

Nat.,

ms. lat.

11560,

40, France,Paris,

vers 1250.

Fig.

3

-

Bible,

nitale es Proverbes.

lençon,

ibl.

mun.,

ms.

54,

191,

France,

nie

siècle.

Page 117: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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114 C.

MATTKE

chentaucunement e fils, qui est d ailleurs habillé. La figure en

revanchemontre

une

image

qui

s apparente davantage

à une scène

de correction.

Salomon tient es

verges

nettement levées dans

une

main,

alors

que

l autre

main

est

posée

sur la tête de Roboam. Ce

contact

physique

ntre

ère

et

fils emble

préfigurer

elui

que

les

verges

vont

prendre

avec l échiné dévêtue

du

fils.

Celles-ci sont

en

effet

recourbées

t

dépassent

e tracé de

l initiale,

ce

qui

leur confère

un

aspect dynamique.

Mais ce

type

de

figuration

este rare19.La

figure

1

montre e

type

d image qui

semble e

plus

universel20. e

geste

de

Salomon

met en valeur les

verges,

très droites

au-dessus de la tête

de Roboam, au centrede la composition.Aucun élémentde celle-ci

n indique

leur

emploi

actif.

La

figure

e Roboam n est

pas

touchée

il

est

penché

sur sa

lecture. Son

corps

à

moitié dénudé et les

verges

ne mettent

onc en

scène

que

la virtualité une

correction,

t non

son exécution mmédiate.

Le choix de

ce

type

de

représentation

st déterminé n

partiepar

le matériau

conographique

dont

disposent

es créateurs

d images

et

en

partie par

les

significations ue

ces derniersveulent donner à

la

figuration.

n

peut

en effet etrouveres

point

communs

qui

relient

cette

conographie,

sant de nouveau du motifdes

verges,

ux

domai-

nes

précédemment

raités,

ù ce motif ntervenait

éjà.

L auteur des

Proverbes,dans lequel la tradition toujoursvoulu reconnaître alo-

mon,

s adresse dès les

premiers

ersets

son

fils Roboam

selon la

généalogie

biblique.

Le contexte

conographique

résuppose

donc une

relation

parentale

t éducative

galement ignifiée

ans la

composition

plastique

et

iconographique

e

l image.

Cette

relation st la même

qui

unit

a Grammairemater actans

à

ses élèves et

l abbé

à

ses moines21.

19. Par

type

on ne

comprendas

ciunmodèle

ermettant

ne lassification

typologique

bsolue. es

variantese détail ntrees

mages

estentssez

mportantes.

Il

serait

éanmoinstile e chercherétablire lien ntreertains

ypes images

t

des teliers

enluminureonnus.

ais e

serait

à un

travail histoirees

tyles

t

des

productions

images

ui

dépasse

a

problématique

e cet

rticle. es

«

types

définisci ndiquentlutôtespossibilitésormellesans a compositiones nitiales.

La

répartition

uantitative

es

ypes

st

nterprétée

ommeévélatrice

une endance

iconographique,

émoine

interprétation

édiévaleesProverbestde a notion e

disciplina

20. Pour e

xme

iècle

l

est

possible

e

recenser,

ur n échantillone 68 nha-

les des

Proverbese toutes

es

origines,

5

exemples

u

type

e la

figure

où les

verges

ont

igurées

ansune

position

rès

erticale,

images

u

type

e la

figure

3

avec

a mise n

évidenceu contact

hysique,images

u

type

e a

figure

avec

une

éparation

patiale lus

u moinsffirmée.es

24 autresnitiales

résentent

es

types lus

mbigus

vec

des

verges

elativementnclinéesu au contrairebsentes.

21.

Alain e

Lille

op.

cit.,

.

394-96)

écrit ctivité aternellet nournciere

de la Grammaire

sunt

arnenn multoactis orrenteotantes

mammesubducti

mentite

amna

udoris

dum

uspirai

dhucactantisd uberamatris

nfantem

ibai

isteiquidoqueouetur.ans arèglee saint enoît,e rôle e abbé st éfiniomme

paternel

téducateur.a

signification

umot bbas

père)

st

rappelée

u début u

chapitre

ur abbé

op.

cit.,

.

59,

ap.

I,

3)

«

Ainsi

l

doit arier

a manière

agir

selon es

momentst es

circonstances,

oignant

es caressesux

menaces,

ontrant

tantôta sévéritéunmaître

ttantôta tendresseun

père (ibid.

p.

61-62,

ap.

II,

24).

Page 118: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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VERGES T

DISCIPLINE

115

Comme la grammaire, remière isciplinedu curriculummédiéval, a

matière

nseignée

ans les Proverbes st destinée ux

débutants.Ainsi

le concevaient est

héologiens

médiévaux onsidérant es livres

apien-

tiaux commeune suite

ogique

où les

Proverbes,

Ecclésiaste

t

le Can-

tique

des

Cantiques

formaient n

parcours

éducatif22. e texte

des

Proverbes

ui-même, nfin,

ccorde une

place importante

ux

recom-

mandations

ui

mettent n

garde

contredes

tentations

hysiques.

La

contrainte t la maîtrise u

corps,

ndissociables e la

flagellation ue

les

verges

voquent,

e trouvent onc associées à une

image qui

semble

les

évoquer

de manière

ymbolique,

voire

emblématique23.

Quand on s interrogeurla naissancede cette conographientro-

duisant

es

Proverbes,

n constate

u auparavant

es

enlumineurs

ou-

vaient se contenter e la seule

représentation

e Salomon

affubléde

ses attributs

oyaux

et d un livre.

Si

le

personnage

du

fils s introduit

dès le

XIIe

siècle

et

transforme

image

d auteur

en

scène24,

attribut

des

verges

se

généralise

eulement

hez

les enlumineurs

rançais

du

XIIIe

iècle.

Une tentative

d explication

de ce choix

iconographique

devra tenir

compte

des lois du

genre que

sont les

Bibles enluminées

du

XIIIe

siècle,

en

grande partie d origine parisienne.

Les

changements ue

connaît

a

fabrication es

livres

notam-

ment

des

Bibles

-

avec le

développement

es écoles urbaines et la

créationde l Universitéde Paris, sont bien connus25. Si les Bibles

22.

Honorius

ugustodunensis,

uaestiones

nProverbia

t

Ecclesiasten

explique

les

bjectifs

e instruction

alomonique

InProverbiaocet

arvulum,

t

er

ariasen-

tentiasnstruit

quasi

lium.n Ecclesiasteero

amperfectae

etatis irummbuii

.

J

In Canticoanticorum

am

virum

onsummatum,

tque

n mnibust

variisxornatum

virtutibus

ponsi

omini

ostri

esu

ungit

mplexibusPL

172

ol.

311-312).

ugues

de

Saint-

ictor

ans on ommentaire

ur

Ecclésiaste

In

Proverbiisalomon

uasi

meditandoncessit.

n

Ecclesiasted

primůmradumontemplationis

scendit.n

Can-

tico anticorum

d

supremum

e transtulit

PL

175,

ol

117

B).

La

question

e savoir

si

iconographie

ssociée ces

ivres

ibliques

elève

ece

type exégèse

ériteraitne

étude

part.

23.

Il

faut oter

ue

initialee

Épître

Tite

résente

réquemment

ne om-

positionrochee celle e la figure. Unmaîtreemblebattreesvergesurun

jeune

moitié

énudé,

nefemmet saint

aul

assistentla scène. .

Eleen,

The

illustration

f

the

auline

pistles

n Frenchnd

English

ibles

f

the

Twelfth

nd

Thirteenthenturies

Oxford,982,

p.

143-144,

ig.

17

321,

xplique

ette

cono-

graphie

ar

a teneur

édagogique

e

épître.

aint aul nvite

évêque

ite accom-

plir

a mission

enseignement

is-à-visesdifférents

roupes âge

t des

catégories

sociales.

l

s agit

onc un

messagenalogue

celui e a suite es

ivres

apientiaux

(cf.

note

2)

et un motif

conographiquedentique

celui es

Proverbesontribue

l exprimer.

24. Ce sont

majoritairement

es

bibles

nglaises

Rome,

iblioteca

postolica

ati-

cana,

ms.Vat. at.

12958

,

f° 208v°

Oxford,

odleian

ibrary,

s.

Laud.Misc.

752,

° 249

Paris,

ibliothèque

ainte-Geneviève,

s. -10

I,

238

Cambridge,

Corpus

hristi

ollege,

s.

3-4,

I

f°. 43

Paris,

ibl.

Chambrees

Députés,

s.

2, f° 189v° Troyes,ibliothèqueunicipale,s.458 I, f°23v°,« Bible e S.Bernard

;

Lyon,

ibliothèqueunicipale,

s.410-411

,

f° 193v°

Winchester,

Cathedral

ibrary,

ible,

II,

260

Paris,

ibliothèque

ationale,

s. at.

11534-35,

II,

54

Durham,

athedral

ibrary,

s.

A II

1

III,

4.

25. Voir

lus pécialement

.

de

Hamel,

Glossed ooks

f

theBible nd the

Origins

f

ParisBook

rade,

Woodbridge,

984.

Page 119: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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116

C.

MATTKE

universitaires e reçoivent as ou peu de décoration26, ne clientèle

suffisamment

isée a

cependant

ommandédes

manuscrits

lus

riche-

ment ornés

dont

il

restede nombreux

xemplaires27.

es Bibles

pos-

sèdentdes

initialeshistoriées

ccompagnant haque

livre

biblique

sui-

vant une

iconographie

elativement

téréotypée.

armi celle-ci

figure

Salomon instruisant

oboam28. Ces initiales

bibliques

illustrent

itté-

ralement

es

premiers

ersets i

elles ne font

pas

référence un

épi-

sode

plus

marquant

du livre en

question.

Pour

mieux

comprendre

a

composition

téréotypée

es initiales

des

Proverbes,

l faut

les

confronter la

structure u

prologue

de

ce livre biblique29. Celui-ci est articulé autour des deux thèmes

«

sagesse

»

et

«

discipline

. Ils forment es

objectifs

de

renseigne-

ment

proposé, assignés

comme tels

par

la

préposition

d. À

ces deux

objectifs

s associent

deux

procédés

d apprentissage,

différenciés

ar

les

formules

ntelligere

erba

et

suspicere

eruditionem Le

texte dis-

tingue

ussi deux

types

d élèves

:

adulescenti

t

parvuli.

Deux

ensei-

gnements,

istinctsmais

parallèles,

emblent insi

proposés

au

lecteur.

Le

premier

adresse

à

l intellect

t

suppose emploi

privilégié

e

paro-

les,

il

concerne

es

jeunes gens.

Le second

s adresse aux

«

petits

,

aux enfants. Les

termes hoisis dans la

Vulgate

font référence

ous

leur

acception figurée

des

notions

corporelles

suspicere «

élever

sa pensée ») sous-entend activitévisuelle, ruditio l instruction,ait

appel par

l étymologie

l action de

dégrossir30.

ux

jeunes

hommes

sont ainsi données

a

science

et

l intelligence,

ux

petits

un

savoir

plus

pratique,

astuce,

le

savoir-faire.

e

prologue

définit

ncore e

champ

d application

de

l enseignement

ntre a

sagesse

et le

gouvernement

équitable

avant

de conclure

sur

le

début

et le

principe

même de

l apprentissage

la

crainte

de Dieu.

Cette structure

arallèle

ne

semble

pas

avoir

échappé

aux

créa-

teursde

la nouvelle

conographie.

a

plupart

des

images

sont

en

effet

organisées

selon

un

croisement

mbivalent des

attributs.

alomon,

l enseignant,

êtu et

couronné,possède déjà

la

sagesse qui s exprime

26. VoirM.

Mentre,

L iconographie

esbibles niversitaires

arisiennes

u

xmc

siècle

,

dansD.

Poirion

ir.,

Milieux niversitaires

t

mentalitérbaineu

Moyen

Âge

Paris,

987,

p.

69-81

Cultures

t Civilisationédiévales

).

27. R.

Branner,

anuscript

ainting

n Paris

uring

he

Reign f

S. Louis.

A

Study f

Styles,

erkeley,

os

Angeles,

977.

28. Lesétudes

ur es llustrations

ibliques

ettentnévidencees

conographies

stéréotypéesar

des ableaux

omparant

es

ycles

llustratifsesdifférents

anuscrits,

comme

hez

R.

Branner,

p.

cit.,

u E.J.

Beer,

Liller

ibelcodices,

ournai nd

die

Scriptorien

er tadtArras

,

Aachener

unstblätter

43, 1972,

p.

190-226.

29.

Parabolae

alomonis

ilii

avid

egis

srahel ad sciendam

apientiam

t

dis-

ciplinam

ad

intelligenda

erba

rudentiae

t

suscipiendam

ruditionemoctrinae

iustitiamt udiciumtaequitatemut deturarvulisstutiadulescenticientiatintellectusaudiensapiensapientiorrit t ntelligensubernaculaossidebitani

madvertet

arabolam

t

nterpretationem

erba

apientium

t

enigmata

orum

timor

domini

rincipium

eieniae

apientiamtque

octrinam

tuli

despiciuntvv. 1-8).

30.

Par a racine

udis

grossier,

rut)

t e

préfixe

x,

rudire

ignifie

aireortir

d un tat

rut,

onc

égrossir

u faireortire

l ignorance,

onc

nstruire,

ormer.

Page 120: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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VERGES

T

DISCIPLINE

117

par son discoursvirtuel t se manifeste ar son pouvoirroyal,mais

il

tient

a

verge

comme

un

rappel

des

origines

ndispensables

de

sa

vertu.

Le

disciple,

qui

a encore

tout à

apprendre,

commencer

ar

l instruction

u

corps,

tient e livre

prometteur

e sa

sagesse

future.

Cette

nterprétation

eut

expliquer ourquoi

a

composition

e

ces

ima-

ges

renonce

a

plupart

du

temps

à

une mise en scène

qui

favoriserait

l interprétation

es

gestes

dans

un sens actif.

Une telle mise en scène

perturberait

ne lecture

claire du

texte et de

l image, risquerait

d esquisser

une anecdote

derrière

ne

image

qui

doit être emblémati-

que.

Mais

cela

n explique pas

encore

pourquoi

il

a été nécessaire

de

mettre accent sur les vergesdu maître t souventde montrer e dis-

ciple

à moitié

dénudé,

comme

un

pénitent,

lors

qu au

XIIe

siècle

on

se contentait

e

figurer

e

«

dialogue

»

entre

Salomon et

son

disci-

ple.

Il convientdonc

de s intéresser

un

peu plus près

à

cet

aspect

de

l enseignement

ue

les

Proverbes

ntroduisentous le

nom de

dis-

cipline

et

joignent

de manière

ndissociable au

terme de

sagesse.

Apprendre

a

Discipline

Il

convient

de noter

ci

que

le mot

disciplina

a

pu désigner

es

verges, n particulier ans le domainemonastiqueet au termed une

évolution

émantique

ontinue.Dès

le

XIIe

iècle,

ce terme

peut signi-

fier a

flagellation,

t

parfois

même instrument e

discipline

n tant

que

tel31.

Or,

ce

mot est

profondément

mbivalent.

D un

côté,

il

a

acquis

un sens

qui

concerne

plus

directement

e

corps

par

son asso-

ciation

u châtiment

unitif

e

la

flagellation.

un autre

côté,

l

garde

un sens

très

arge, qui

l associe

au

savoir

et à la

sagesse

ainsi

qu à

la vie chrétienne

déale

et aux

règles

pratiques

et

spirituelles rescri-

tes

par l Église32.

l

semble donc

possible d interpréter

e motif co-

nographique

des

verges,

notamment

ans les

images

du

xiiie

siècle,

comme a traduction igurative e cetteambivalence.Les vergesdési-

gnent

des réalitésconcrètes t

imaginaires

elles

rappellent

un

type

de

punition mplement

pratiqué

et

qualifient

elui

qui

a

le

pouvoir

de

l infliger.

Mais elles

symbolisent

ussi ce à

quoi

le châtiment oit

mener la vertu et

le savoir

auxquels

on

peut

faillirou

parvenir.

Pour

comprendre

omment ette ssimilation es

verges

u terme

disciplina

a

pu s opérer

et

préparer

insi la fortune

conographique

de

ce

motif,

l

est intéressant

e revenir ur l évolution

de

la vie intel-

lectuelle u

XIIe

siècle.

Il faut

signaler

d abord

que

la

signification

la fois

pratique

et morale

que

le motif et le

mot

ont

acquise peut

31.Du

Cange,

Glossariumvol.

ll,

p.

130.

32. L évolution

émantique

u termest

notamment

etracée

ar

H.I.

Marrou,

«

Doctrinat

disciplina

ans e

langage

es Pères e

l Église

,

Bulletinu

Cange

19, 1934,

p.

5-25.Voir ussiJ.

Leclercq,

Disciplina

dansDictionnairee

Spiri-

tualité

Paris,

957,

ol.

II,

col. 1291-1302.

Page 121: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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118

C.

MATTKE

être miseen parallèleavec le développement e la grammaire omme

discipline,

dont

la

personnification

associait

déjà

aux

verges.

Au

cours du

xiic

siècle

en

effet,

ette

discipline

e transforme. lle ne

vise

plus

uniquement inculquer

e maniement orrectde la

langue

latine mais inclut

de

plus

en

plus

un

enseignement thique

à

partir

des auteurs

classiques qui

formaient es manuels

de

lecture33.

Il

faut se tourner nsuitevers les

milieux

victorins

our

trouver

une réflexion

plus approfondie

sur les notions de

discipline

et de

sagesse.

L œuvre

philosophique

e

Hugues

de Saint-Victor

st

en effet

dominée

par

la notion de

sagesse34,

mais

elle

intègre

ussi un

souci

didactique mportant, ue l on découvre à traversdifférentscrits

caractère

édagogique,

notammente célèbre

Didascalicon

et le De Ins-

titutione ovitiorum

5

. Chez cet

auteur a

notion de

disciplina

nter-

vient à

plusieursreprises

pour

désigner

des attitudes tant

corpo-

relles

que

morales

-

inhérentes l éducation de tout moine et étu-

diant,

attitudes

ndispensables

la

poursuite

heureusede la voie

dans

laquelle

ceux-ci se

sont

engagés36.

Dans

le

De

Institutionen

e terme

disciplina

e

trouve

étroitement

lié

au

système

des vertus

que

le futur

religieux

doit

acquérir

et

qui

le mènerontà

la béatitude37.La

discipline requiert

des exercices

incessants38

un

chapitre

ntier

st

consacré à

sa définition t

à

son

utilité.Le textemet en évidence e caractère ssentiellementorporel

de

la

discipline.

Avant d énumérer e manièredétaillée es

façons

de

tenir

t de maîtriser

e

corps,

l auteur établit

que

l usage

de la disci-

pline,

dont

les

manifestationsont

extérieures,

orrespond

ntérieure-

ment à la vertu

de l âme39. La

discipline

est donc bien

considérée

comme un

moyen

et

non

pas

comme une

fin

mais son

acquisition

33. Cf.

P.

Delhaye,

L enseignement

e a

philosophie

oraleu

xne

iècle

,

Medievaltudies

11, 1949,

p.

27-99,

t

«

Grammaticat Ethica u

xiie

iècle»,

Recherches

e

Théologie

ncienne

t

médiévale

25, 1959,

p.

58-110.

34. Cf.

R.

Baron,

cience

t

sagesse

hez

Hugues

e Saint-Victor

Paris,

957.

35. Hugues e Saint-Victor,artde lire.DidascaliconM. Lemoined. et

trad.,

aris,

991

Id.,

De institutioneovitiorum

PL

176,

ol.

925-952.

ourun

aperçu

es

préoccupations

édagogiquesHugues,

f. es itationsommentéese ses

divers

crits

ar

P.

Sicard,

Hugues

e Saint-Victort on cole

Turnhout,991,

p.

62-73.

36. Cette

tilisationest

videmment

as

a

seule,

auteur

mploie

ussi autres

acceptions

e référant

u domaine

péculatif,

ù

il

signifie

a science

un

point

e

vue

héorique,

ar

rapport

la science

ratique

ars

-

qui

en est

application.

37. Usus nim

isciplinae

d

virtutemnimum

irigit

irtusutem

d beatitudi-

nem

erducit

extrait

u

prologue

u

traité e institutioneovitiorum

PL

176,

ol.

925

B).

38.

n

nullo

oco

disciplinam

uam

homo eserereebeat

ibid.,

ol.

927)

les

plus ages

cquièrent

eur

ertu

niquementer ongumisciplinae

xercitium

ibid.,

col.930) l auteurhercheintéresseres novices la viadisciplinaequaevosperexercitiumoni peris ucat d consummationemoniats (ibid., ol. 931A).

39.

Paulatimque

adem

irtutis

orma ar

onsuetudinem

enti

mprimitur,

uae

foris erdisciplinam

n

habitu

orporis

onservatur.

.-C.

chmitt,

a raison

es

ges-

tes

ans Occident

édiéval

Paris,

990,

p.

174-184,

ropose

ne

nalyse

e ce texte

par apport

u

système

e classificationes

gestes

laboré

ar

Hugues

e Saint-Victor.

Page 122: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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VERGES

T

DISCIPLINE 119

première t son maintienpermanent ont indispensables celui qui

veut aller

plus

loin dans la vie

spirituelle.

Dans un

domaine

plus

intellectuel,

e Didascalicon revient ur la

nécessité

une

vie morale comme condition ssentielle une

existence

consacrée

à

l étude40.

Le

parallèle

avec la

discipline

des

moines

est

d autant

plus

évident

que

les

qualités égrenées

ors

de la

description

de

la

discipline

e l étudiant essemblent

eaucoup

aux

vertusmonas-

tiques

même

si

elles n en

empruntent as

les termesexacts41.Cela

paraît

clairement

orsque

l auteur

revendique

a

pauvreté

pour

la vie

d étude.

Ce

type

de vertusreconnues

ui

sert

à

dénoncer es

frasques

de ses contemporains42. ugues adopte ainsi une position intermé-

diaire entre es

auteurs

monastiques, ui

décrient

a

ville et ses écoles

en les

opposant

au

cloître,

t les auteurs

spéculatifs

il

défend

néces-

sairement

a

position

d un maître

qui enseigne

à

trop

grande

proxi-

mitédes écoles urbaines

pour

condamner

elles-ci,

mais

qui

reste ssez

distant

pour

en

corriger

es défauts43.

our

Hugues

de

Saint-Victor

la

discipline

est l instrument

pirituel

de cette correction. Définie

comme

exercice es

vertus,

lle

est

la condition une vie

morale ndis-

pensable

à tout exercice

ntellectuel elle a une finalité

apientiale.

Elle

s oppose

ainsi

positivement

ce

que

le

penseur

victorin ombat

les tentations

une vie

intellectuelle

ui

subit

et accueille

trop

volon-

tiers es attraitsde la ville44.

40.

«

Trois hoses ont écessairesceux

ui

étudient

la

nature,exercice,

a

discipline

...] pour

a

discipline,

u il l étudiant)

ccordea conduitevec on avoir

en

menantne xistenceonorable

.

Hugues e

Saint-Victor,

idascalicon

op.

cit.,

p.

13,

cap. 6)

8.

41. Dans e

chapitre

2

consacré la

discipline,ugues

iteJean e

Salisbury,

prêtant

es

paroles

uivantesBernarde Chartres

«

Un

esprit

umble,

e

applica-

tion la

recherche,

ne

vie

ranquille,

ne

nvestigation

ilencieuse,

a

pauvreté,

ne

terre

trangère,

oilà e

qui,

normalement,

end ccessibleu

grand

ombre

e domaine

obscur e l étude.

(ibid.,

.

144).

Peu

après, ugues

ffirme

ue

«

le

principe

e

la disciplineonsisteans humilité(ibid., . 145).Certainesesvaleursxposées

dans ette

escriptioneuvent

tre

nterprétées

ommeesréférencesux

vœux e sta-

bilité,

humilité,

e

pauvreté

t de silence

monastiques.

42.

«

On

a voulu

ersuader

es tudiantse

pratiquer

a

pauvreté,

est-à-diree

pas

courir

près

e

superflu

cela

regarde

u

plus

haut

oint

a

discipline.

n

ventre

gras,

ce

qu on

dit,

n engendreas

a

pensée

ine.Mais

ue

ne

manqueront

as

de

répondre

cela es colierse notre

emps [...]

ls

emploientparaître

iches,

ien

au-delà e ce

qu ils

ont n réalité. hacun e

vante e ce

qu il

a

dépensé,

as

de

ce

qu il

a

appris.

Mais

peut-être

eulent-ilsout

implement

archerur es

pas

de

leurs

rofesseurs,

ont

e

ne trouveien

ui

vaille a

peine

être it.

(ibid.,

p.

153-54).

43.

P.

Delhaye,

L organisation

colaireu

xne

iècle

, Traditio,

, 1947,

pp.

211-268,

ite bondammentes

deptes

e

cesdifférentes

endances.

attitude

a

plus roche HugueseSaint-Victorst elle e Jean eSalisbury,ontepremier

s inspire

n effet.

44.

Il

faut oter

ue

a

pensée

édagogiqueHugues

e Saint-

ictor

embleer-

vir

de référence

celle

u xme

iècle.

n

peut

n

effet énombrer

1

citations

u

Didascalicontdu De Institutone

ans e

De

eruditionee Vincent

e Beau

ais,

ui

cite

ar

illeurs

opieusement

es Proverbes

t Ecclésiaste

op.

cit.,

p. 229).

Page 123: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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120

CHRISTIANE

MATTKE

Alors que l on croit la correctionpédagogique violente et fré-

quente

dans

la

pratique

éducative

médiévale,

elle

n est

évoquée

dans

les

images

de

l enseignement ue

d une manière

ndirecte,

ar

le seul

attribut es

verges.

Une

allusion

plus marquée

à l action du châti-

ment est

rare.

Cette absence

d expressivité

st certes

propre

à l art

médiéval

usqu au

XIVe

iècle mais semble aussi

renvoyer

ux

concep-

tions mentales

qui permettaient appliquer

et de

supporter

e châti-

ment. Celles-ci

intègrent

a correction

t

ses

conséquences

au com-

mencement

un

parcours

pédagogique qui

débute très naturellement

avec l éducation

du

corps

et au sein

d une relation

parentale.

Cette

instructionembledominée,voire résumée ar la notion argeet ambi-

guë

de

disciplina

Par son

caractère mbivalent t

général,

ettenotion

peut

être mise

en

parallèle

avec le

symbole

des

verges qui évoquent

également

un

objet

concret

mais

signifient

ussi la

manière

et

les

méthodes

d un

enseignement.

La

notion

de

disciplina

comme e motif

conographique

des

ver-

ges

sont au-delà

de leurs

significations ermanentes ujets

à l évolu-

tion

historique.

Les

XIIe

et

XIIIe

siècles voient un intérêt enouvelé

pour

les deux : réflexion

ur

l un,

extensionde

l emploi

iconographi-

que

de l autre.

Les

changements rofonds ui

affectent

lors

les lieux

et le

système

enseignement

ont sans aucun

doute à

l origine

de

ces

transformations.ais les imagesde Salomon instruisantoboam, ico-

nographie

ont a naissance

et le

développement

nt

pu

servir exem-

ple pour

ce

changement,

envoient ussi

aux

mutations ociales

qui

pourraient

tremises

en relation

vec

cette

figuration.

es

verges

ont

aussi

le

symbole

du

pouvoir uridique

royal qui

recommence

pren-

dre de

l ampleur

sous les souverains

français

du

xme

siècle45. La

place

de la

flagellation

u sein

du

systèmeuridique

et

pénal

de l État

naissant,

comme la

valeur héréditaire es lois

et du

pouvoir royal,

ainsi

que

l intervention

e ces

valeursdans l éducation

princière

ons-

tituent

utant

de

pistes

de

recherche

exploiterpour

mieux mesurer

la

portée

de

cette

nouvelle

iconographie*.

45. P.E. Schramm,erKönig on rankreich.as Wesen erMonarchieom

9. bis

um

6.Jahrhundert

Weimar,939,

.

211,

ouligne

neffet

ue

e mot

irga

signifiait

e

sceptre

ès e couronnement

e Louis

VI

(1108).

*

Je emercie

adame

iliane

padavecchiaour

a réalisationes

squisses,

igures

2

et

3.

Page 124: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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Médiévales7,automne994, p.121-123

ABSTRACTS

Christian

iening,

The Rhetoric

f Loss

The fifteenth

entury

vidences,

n

a

variety

f diverse

ways,

o a

growing

interestn affectivehenomenonsnd theiriteraryndfigurativeepresen-

tations. he author as

chosen,

rom

mong

hevastnumber f laments

n

which veritable

henomenology

f

mourning

s

developped,

hree exts hich

refer

o the ameevent thedeath f Isabel of Bourbon

1465).

These

exts

throw

ight

n the

relationship

etween istorical act nd

literary

magina-

tion

as well as on the

(anthropological)

ension etween

mourning

nd

consolation.

Martine

louzot,

Suffering

o

Music

Although,n its relation o suffering,usic s generallyeputed orposses-

sing herapeutic

irtues,

everal

conographie

nd writtenources

ating

rom

the hirteentho

the

fifteenthenturiesttributeharmfulnfluence

o music.

This ambivalence as based on thecorrelation

etween he

ntensity

f suf-

fering

nd that f the onorous

uality

f

musical

nstruments,

hich n

the

Middle

Ages

were ividednto wo

great

amilies

n

accordance o the

ound

volume

hey

roduced.

onsequently

t

was

according

o their

igh

nd stri-

dent r

low and soft onoritieshat he

nstrumentsere

hought

o act on

suffering,

ither

mplifying

t or

alleviating

t.

Piroska

Zombory-Nagy,

he Tears of

Christ

n

the

Medieval

xegesis

According

o theNew

Testament,

esus

wept

hree

imes

uring

is

lifetime,

yetonly

once does the

shedding

f tears

xpress

His

suffering.

his

paper

purposes

o

examine he

xegesis elating

o

these hree

ccurrences

n

Christ s

terrestrialife

by exploring

corpus

f texts

educed o their

most

mportant

commentaries,

hichwere

widely

iffused rom

atristic

imes o the

thir-

teenth

entury.

wo

questions

rise what s

the

relationship

etween

he

uf-

fering

nd thetears f

Christ,

nd what

ignificance

id

thetears f

Christ

hold for hemanof the

Middle

Ages,

who

aspired

o

imitate im?

Despite

the

growingystematization

f

exegetic

ethods,

he

nterpretation

f the

hed-

ding

f the

ears f Christ as

changed

ittle

with ime.

The tears

were on-

sidered

y

the

commentatorss

a

sign

of

Christ s

umanity

s well

as an

expressionf His virtues. s a metaphorf suffering,he tearsof Christ

also

add to the

ffectivenessf the

Passion.The

tears nd

theblood

of Christ

have

reciprocal

oles,

hus

ffering

an the

possibility

f

sparing

uffering

by

shedding

ears.

The tears

ppear

as a

remedy

o

suffering,

ather han

as the

expression

f it.

Page 125: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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122 ABSTRACTS

AnneAutissier,The Blood of theFlagellants

In

1349,

o avert heBlack

Death,

penitents

alked

n

procession

hile la-

gellating

hemselveso

«

appease

thewrath f God

»,

notably

n

the

mpe-

rial countries ear

the

Marches

f thenortheastern

ingdom

f

France nd

in

Flanders.

hey

were ondemned

y

the

Church,

ho

deemed hat hefla-

gellants

ere

nvesting

heblood

they pilled

with

miraculous

ignificance.

Surprisingly,

hedocumentseft

y

the

penitents

hemselveso

not mention

this ondemnation.

et theChurch onstituteddossier f

proscription

en-

dered ffective

y

a

papal

bull

which esultedn the

disappearance

f

the

flagellant

ovement.

David

El

Kenz,

The Protestant an

of

Suffering

n

theTimes f

theWars

of

Religion

In the

ge

of

religious

pheavals, uffering

as a

recurrentheme

n

Refor-

med

pologetics.

ntoine e la Roche-Chandieu s

reatise,

ublished

oon

fter

thefirstWarof

Religion,

xpounds

discourse hich

ustifies

he

rials ndu-

red

by

Protestantsince

1557. His model s the Calvinist

martyr,

nd the

account f

giving

ne s ifefor ne s

faith,

rom rrest o

execution,

s

orga-

nized

n

correlation

o themanifestationf Christ-God. his

«

sacred hea-

tre strives

o

disqualifyoyal ustice,

o attest o the

divine

resence

t the

side ofthenewChurch,nd to legitimizehefirstebellions. hus a Refor-

med ulture f Christian

uffering

id

ndeed

xist,

whose xiswas the

divine

union

hrough

aith.

Valentin

roebner,

Violence

n

the

City

A

Few Observationsn thePer-

ception

f the

njured

ody

n

Nuremberg

t theEnd of the

Fifteenth

entury

The

paper

examines

every-day

violence

n

a

largecityduring

he

ate

Middle

Ages

and how t

was

perceived

n

the

chronicles,

unicipal

rdinan-

ces,

and

private

ontracts

ealing

with

amages

nd

compensation

these

last

having

een

heretoforeittle

nown r

explored.

he

compensations

or

injurynd homicidesepresentonsiderableums,yetneitherhe hroniclers

northe

municipal

uthoritieseemed

o consider iolence s a threat o the

city,

nd

still ess as the

symptom

f a

«

crisis

. The

perception

f

bodily

injuries

nd homicide

ases,

and the aws

regulating

hem,

all within

he

system

f

signs

representing

ocial and

political

rderwhich

distinguishes

«

just

violence rom

unjust/false

violence.

hisrule f

proceeding

esults

in

the

dissembling

f

physical

iolence nd its

consequences

ehind

rder,

and t s

only

hrough

he

momentary

isruption

aused

by

theviolent ccur-

rence tself hat

he wounded

nd

suffering

ody

becomes isible.

Beate

Schuster,

The

Representations

f Prostitution

nd its

Perception

n

the UrbanSocietyn GermanyXHIth-XVIthenturies)

The

image

of the

prostitute

n

German

ities

during

he ate Middle

Ages

was

essentiallynspired

y

ecclesiastical

radition,

hich

sed

representations

of such

women

o

exemplify

umanfate. Prostitutes ere considered

s

Page 126: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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ABSTRACTS

123

« free and« poor» women eprivedfprotection,r as women educed

by

the

material

orld.Their

weakness endered

he

communityesponsible

for

heir are.

However,

t

the

end

of the

Middle

Ages,

new

mage

born

of a

morality

ndependent

f

religious

radition

revailed

the

prostitute

as

considered

s a

whore,

sing

her

power

o abuse

men. This

interpretation

reflects

new

anthropological

nd

communityonception

n the

cities,

nd

one

which

ustified

he

expulsion

nd themutilation

f womenwho

did

not

comply

with

he ethics

f urban

morality.

Patrick

oucheron,

Of

Cruelty

s

a

Principle

f Government.he

«

Ini-

quitous Princes f the talianRenaissanceeflectedntheMirror f French

Romanticism

This

paperproposes

study nterrelating

wo

subjects

the

anthropological

structure

f

the

yranny

f the

talian

rinces

t the lose f the

Middle

Ages,

and the

fascination

hey

nspired

n several

nineteenth-century

rench

wri-

ters.

tarting

ith tendhal s

orks,

he

tudy

ndeavors

o define

hecruel

energy

xerted

y

the

talian

princes,

hose vil deeds

were

onlyequal

to

their

ebauchery.

triving

olely

oward heir

wn

pleasure, yrannies

or-

ked

toward

heir wn

ruin

the dreaded

rince

was thus

prisoner

f

his

own

power.

Nor

did the

calculatingrince

f

the fifteenth

entury

ease to

be cruel

although

e cast aside

futile

urpitudes,

e stillused

cruelty

or

thegoodof theState.Whatfascinatedtendhalnd VictorHugowasthe

distant,

bhorred

ower

f the

yrants.

n this

hey

re the nheritors

f the

late

Middle-

ge

French

hinkers,

ho had

already

made

thedistinction

et-

ween

fearof

the

tyrant

nd

love of the

king.

Christiane

Mattke,

Discipline

nd

the Switch

n

the

Iconography

f

Pedagogy.

The switches

hown

n medieval

mages epicting

ducation

eem o indicate

that

orporal

unishment

as

customary.y

means f

an

iconographie

naly-

sis

of the

nitial etters

n the lluminated

hirteenth

entury

anuscripts

f

theProverbs ible, epresentingolomon eachingisson,this tudytrives

to

demonstrate

hat

he witches

ave he

mbiguousignificance

f an

object

at

once

praticai

nd

symbolic.

his

significance

inds ts

equivalent

n the

notion

f

disciplina

s elaborated

y

themedieval

edagogical

hought

rom

the

twelfth

entury

nwards.

Page 127: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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Médiévales7,automne994, p.125-154

NOTES

DE

LECTURE

Savon

róle,

Sermons

écrits

olitiques

t

pièces

du

procès

Textes raduits

de

l italien,

résentés

t annotés

ar

Jean-Louis ournel

et

Jean-Claude

Zancarini, Paris,Le Seuil, 1993,318p. (« LibreExamen ).

Les textes éunis ans ce volume

ont,

dans leur

quasi-totalité,

nédits

en

français.

eur raductiont eur

présentation

ont ssues es

travaux

ffec-

tués

par

le Centre e rechercheur a

pensée

politique

talienne e

l École

Normale

upérieure

e

Fontenay-Saint-Cloud,qui

Ton

doit

déjà

un

recueil

de textes e GuichardinAvertissements

olitiques

traduitst

présentésar

Jean-Louis ournel t Jean-Claude

ancarini, aris,

Le

Cerf,

1987).

La

premièreartie

u livre st

consacrée

un

choixde sermons

les pre-

mier, uitième,

reizièmet

vingt-troisième

ermonsur

Aggée p. 51-121) ue

Savonarole

prononça

n novembre-décembre494.

Depuis

l Avent

1482,

l ancien ecteur e Ferrarerêcheux Florentinst,déjà, le petitmonde eslettrésui se presse la courde Laurent e Magnifiquea affublé u sobri-

quet

de

predicatore

ei

disperati.

ar la

rhétorique

e ses

sermons

gnore

les

catégories

abituelleses

prédicateurs

Savonarole utilise i

es raffine-

ments

colastiques

e la

prédication

ominicaine,

i

les

anecdotes

e

celle

des franciscainssa

parole

fiévreusest

tout entière endue ers on

but,

émouvoir

on

auditoire,

est-à-direébranlermoralement

our

e mettre

n

mouvement. où le

recours,

e

plus

en

plus

affirmé

partir

e

1494,

la

prophétie

omme

rme

olitique,ui

fait e

Savonarole

interprète

es

signes

de

Dieu et le

messager

e ses desseins.

Cette nnée

1494

voit a rencontrentre ne

parole

t un

moment. ierre

de

Médicis,

ncapable

e

réagir

l avancée es armées

rançaises,

st chassé

de la ville. La vacancedu pouvoiraisse es Florentinsésemparés,ant l

est

vrai

que

la

seigneurie

édicéenne,

yant

touffé outevelléité

e débat

politique,

vait

réussi rendre

mpensable

alternative

nstitutionnelle.evant

la montée es

périls,

avonarole

ropose

a

prédication

ésangoissante,

nnon-

çant

ue

Florence st a nouvelle érusalem.

urtout,

l

ouvre e débat

politi-

que,

en

appelant

e ses vœux une

triple

éformation,

es

comportements,

de

l Église

t de l État. Le choix

udicieux

es sermons

roposés

ans e livre

permet

u lecteur e

suivre

es

glissements

un

ordre e réalité

un autre.

La réformees mœurs oit

œuvrer la concorde t

à

la

communion,

t ne

devient

ossible ue

si elleest

relayée ar

une réformee

l Église.

Cela

signi-

fie,

pour

e

prieur

e San

Marco,

ppuyer

n

premier

ieu es

aspirations

e

son

ordre,

utorisé

ar

un

bref

apal

de mai

1493

se

séparer

e la

congré-

gation ombarde.Mais, à partir e San Marco,c est ensemble e l Église

qui

doit être

flagellée

,

sans

que

l on

puisse

rouver hez

Savonarole a

moindre

éviance is-à-vis e

l orthodoxie

octrinale.

nfin,

e

renouvelle-

ment

ndividuel

t

communautairee

la citédoit

rencontrer

ne

traduction

politique

t

nstitutionnelle,t,

pour

a

première

ois

e

7

décembre

494,

avo-

Page 128: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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126

NOTES

DE

LECTURE

narole voque e modèle énitienu GrandConseil ommeolution la crise.

La

proposition

st certes

nédite,

maiselle s inscritn

pleine

ontinuité

vec

la traditionommunale

ui

domine lors toutes es réflexions

olitiques,

t

elle

permet

u fond

e

maintienu

pouvoir

e

l oligarchie

lorentine.

Les écrits

politiques

e Savonaroleformenta

deuxième

artie

de

l ouvrage.

efusant e faire dhérer

lorence

la

Ligue nti-française,

rère

Jérôme est attiré

opposition

es

Arrabbiati

ces

«

Enragés

frustrés

e

vengeance.

accélération

e l histoire échire

illusion e concorde

ue

la

parole

du

prédicateur

vait un

temps

ntretenue. la

fin

de l année

1495,

Savonarole sous le

coup

de

l interdiction

ontificale

n a

plus

e droit

de

prêcher

d où le recours

l écrit,

ui

lui

permet

e

poursuivre

on

effort

propagandiste.est d abord a lettre un ami où Savonarole e défenddes accusationsont l fait

objet

l hérésie,

e

schisme,

a fausse

rédica-

tion,

e

gouvernement

e la

plèbe

pp. 125-138).

Mais

au-delà

e

ce

plaidoyer,

le texte

ose

une

question

une

portée

lusgénérale que

faire

e ses enne-

mis La

réponse

st d une

mplacable igueur.

eux

qui

ne se

plient

as

à

la

vérité ne sont

pas

dignes

e

vivre ur

terre

.

La

radicalisationu dis-

cours avonarolien

e lit

également

ans e

Traité e

frère

érôme e

Ferrare

sur

a

façon

de

régir

t de

gouverner

a

citéde

Florence

composé

u début

de l année

1498

pp. 139-182).

omme on

titre

indique,

e

texte e

Savo-

narole e

prétend as

faire a

théorie u

gouvernement

déal,

t encore

moins

de la théocratie es

prêtres.

l

s agit

«

non d écrire

ur es

gouvernements

des

royaumes

t cités n

generali

mais de traiter

n

particulier

u

nouveau

gouvernemente la citéde Florence (p. 139).C estbiencette iséeparti-

culière

ui

fait out intérêt

un

texte,

éférant

onstamment

a forme

oli-

tique

de

la

cité

le

Grand

Conseil,

u il

faut

défendreontre

es

ennemis)

à son

histoire,

es alliances t ses fractures.

la

composition

u traité

en

trois

emps quel

est le

meilleur

ouvernement

Quel

est le

pire c est

évidemmenta

tyrannie,

ont avonarole

ropose

ne

remarquable

héorisa-

tion)

Quels

sont es

moyens

éviter e

pire

La troisièmet dernière

artie

u

livre,

ui

est sans

doute a

plus

atten-

due,

propose

ne reconstitutiones

pièces

du

procès

de Savonarole

avril

1498.Ces

textes,

ubliés

mmédiatement

ar

es ennemis

u

frère,

ont vi-

demment

estinés déconsidérera mémoire.

avonarole e renie ien e ses

choix

politiques

mais l ne

peutempêcher

es

juges

de mener

interroga-

toire ur e terraines luttes e faction,entant e le faire asserpourun

chefde

parti.

La

question

e

l inspiration

ivine,

ue

Savonarole

evendi-

que,

avant

abjurer

ous a

torture,

ourrit

es

passages

es

pluspathétiques.

Car,

perçant

a

gangue

es falsificationse la

procédure

udiciaire,

estbien

la voix d un homme

aincu,

risé

par

les souffrances ais sûr de sa

mis-

sion,

qui

se faitentendre

usqu à

nous.

Le choix

des textes t

l appareil ritique ui

les éclaire nt

d abord e

grand

mérite e

replacer

e moment avonarolien ans l histoire lorentine

de la

fin

u

Quattrocento.

ne ntroduction

récise

t

dense,

n solide

ppareil

de

notes

t d utiles

nnexes

chronologies,

ises u

pointhistoriques,

is-

toire es textes

t de leurs

nterprétations,p. 259-309)

esituentfficacement

la

pensée

t action

e Savonarole ansson contexte

istorique.

i le tableau

des nstitutionslorentineseut embler ien lassique, n apprécieespages

fort clairantes

ur La Florence e Savonarole

(pp. 286-296) ui

définissent

une

géographie

rbaine es adhésions t des résistances

la

parole

de frère

Jérôme. n

y distingue

es lieux avonaroliens

Orsanmichele,

an

Lorenzo,

San

Marco),

les lieux

d opposition

la réforme

Santa

Maria

Novella,

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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NOTES

DE

LECTURE

127

SantaCroce) t es ieuxdisputésSantaMaria delFiore, e palaisde la Sei-

gneurie).

ans doute urait-on

u

y ajouter,

ans une

synthèse

artographi-

que,

les itinéraires

rocessionnels

es

fanciulli

el

frate qui

ont tant

ontri-

bué à

la

«

légende

oire

de

Savonarole,

mais dont es

travaux e Richard

Trexler nt montré

u ils

s inséraientans la continuitée la

«

révolution

rituelle

de la

fin

du

xve

iècle,

aisant

articiper

emmest

enfants des

processionsyant

a villeentière

our

théâtre. e ce

point

de vue comme

de bien

d autres,

a

pensée

t l actionde Savonarole

inscrivent

ans

rup-

ture

majeure

ans les

aspirations

t les

angoisses

e son

temps,

ontraire-

ment

ce

qu une

tenace

radition

istoriographique

éritée e Burckhardt

continue

faire

roire.

Si les auteurs u volume éussissent éclairer rès ûrementes textesde frère érôme

ar

e contexte

istorique

mmédiat e leur

production,

eur

ambition

st usside

mieux éfinire

«

momentavonarolien dans e mou-

vement

lus

arge

de

la

pensée olitique

talienne u

xive

u

xvic

iècle.

La

publication

e ce volume ans

a collection Libre xamen dità elle seule

cette

volonté.

Bien oin d une tentative

e réhabilitation

les

auteursmon-

trent ort ucidement

ombienes

interprétations

ontradictoirese l aventure

de Savonarole

oivent ux

préoccupationsolitiques

e ceux

qui

les énon-

cent),

l

s agit

au

fondde mieux

omprendre

n

quoi

la

pensée

avonaro-

lienne

pu

contribuer,

aradoxalement,

fonder ne forme e rationalité

politique.

a

portée énérale

e cette

ensée

st définie ès l introduction

«...

par

cette istinction

u

temps

e l homme t du

temps

e

Dieu,

l

incite

la réflexionolitique prendren compte articulatione la conjoncture

et de

la

réforme,

u

présent

t

de l avenir

(p. 42).

Cette

xigence

e litdans

tous es

textes

roposés

notre

éflexion,

es

premiers

ermons

e

1494

ux

réponses

u

procès

de

1498,

t faitdu

gouvernement

élément ssentiel e

la définition

e

l État. Mais la réflexion

ur es fins ute ur u moins rois

pierres

achoppement

la

question

u

chef, abord,

amais

otalementéso-

lue dans

e discours

avonarolienla

question

e l état

d urgence

nsuite,

ui

demeure lle

aussi ouverte

cellede

la violence

nfin,

roprementmpensa-

ble

pour

e

prieur

e San

Marco. Dans ces brèches

iendront

engouffrer

Machiavel

t

Guichardin,

t tousceux

qui,

en

Italieou

ailleurs,

pprofondi-

ront

a

question

e

la raison

d État.

PatrickBoucheron

Éducation

apprentissages,

nitiationu

MoyenÂge

Les Cahiers u

CRISIMA

(Centre

e Recherche

nterdisciplinaire

ur a Société t

Imaginaire

u

Moyen

Age),

Actes u

premierolloque

nternationale

Montpellier,

niversitéaul-

Valéry,

ovembre

991,

Montpellier,

ovembre

993,

2

vol.,

527

p.

Ces

actes

regroupent

rente-deux ontributions

entrées sur les

xne-xve

iècles

un

article eulement

ortant

ur e Haut

MoyenÂge)

et sur

le domaine rançaisvingt-cinqontributions).eur ecturenvite s interro-

ger

ur a

significationrécise

es trois ermes

ui

figurent

ans e titre u

colloque.

En

suivantMarie- nne Polo de

Beaulieu,

on

peut

dire

que

«

Apprentissage,

nitiation,

ducation renvoient

à un

mode

particulier

e

transmissione connaissancest

d expériences (p. 397).

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128

NOTES

DE LECTURE

L'apprentissageraduit es modesde transmissione connaissancesu

de

savoir-faire,

l'intérieur

'un

groupe,

'un

métier,

des fins ssentielle-

ment

rofessionnelles.

our ce

qui

concernees métiers

manuels

,

cette

notion

st

llustrée

ar

a contribution

e

Philippe

ernardi

pp. 69-79),

ui

se

penche

ur

des contrats

'apprentissage

t de

louage

passés

de 1401

1550

à

Aix-en-Provence

ans les métiers u

bâtiment,

t

par

celle de

Françoise

Michaud-Fréjavillepp. 297-308) ui

s'intéresse,

our

a ville

d'Orléans u

xvc

iècle,

l'apport

rofessionnelue

les

maîtres

ispensent

ux

orphelins

qu'ils

accueillent.

Un

des intérêts e ce

colloque

été de

proposer

es

réflexions

ur

a

notion

d'apprentissage

n dehors du monde

artisanal

Georges

Jehel

(pp. 173-190)tudie, ourGênes la finduMoyenÂge, a transmissionesconnaissances

uridiques,

es

techniques

inancièrestcommerciales.

égine

Jan-Hennebicquepp. 213-232) nalyse

es

trois

iliers

e

l'éducation

mili-

tairedu

jeune

noble

l'équitation,

a

chasse t le maniement

es

armes)

u

Haut

MoyenÂge. SergeLusignanpp. 249-262)

tudie

ommentes savoirs

juridiques

t les

arts

épistolaires

e

transmettentu sein

de

la

chancellerie

royale

rançaise.

laudeThomasset

pp.

513-524)

montre,

partir

u Lilium

medicinae

1305-1311)

e Bernard e

Gordon,

ombien e médecin

montpel-

liérain su être

un

grandpédagogue

is-à-vis es

praticiens

uxquels

l

s'adresse,

n utilisant la

"Question

isputée"

omme

lément 'une straté-

giedidactique

n

angue ulgaire

.

Annette ossut

pp. 95-107)

tudie,

partir

de la

législation

ranciscaine

t des

biographies

fficiellese saint

François,

les transmissionse la conceptione la pauvreté l'intérieure l'ordre es

frèresmineurs.

Si

l'apprentissage

envoie ce

qui

touche de

près

ou de

loin aux

«

métiers

et,

par conséquent,

ntéresse

'abord es

historiens,

'initiation

la

faveur

es littéraireselle est le

propre

u

héros

de romandes xiic

et

xnie

iècles

qui

l'on révèle ne

connaissanceu une

pratique

articulière.

BegoñaAguirianopp.

9-22), 'appuyant

ssentiellementurdes

théoriesla-

borées

par

Mircéa

Eliade, dévoile,

ans es romans e

Chrétien e

Troyes,

des

images

de

la

«

mort-naissance

nitiatique

. Dans

certains

pisodes

de

Chrétien,

a mort

ymbolique

l'enfermement,

a

folie u

l'oubli)

n'est

amais

une

fin

maisun

passage,

ne naissance une vie nouvelle. e héros

st lors

comme n être

fœtal,

n train e

naître u

nouveau-né,

'où

la

multitude

d'imagese rapportantces« moments : le héros stenferméans« l'uté-

rus

tellurique

(un

bois,

un

cimetière,

ne tour

de

pierre)

ù

il

existe ou-

jours

une ouverture

ui permet

a

nutritiont une

«

accoucheuse

qui

per-

met a

«

renaissance du héros.Cette

nitiation-passage

st

également

tu-

diée

par

CarolineCazanave

pp. 109-128) ui

se

demande i la Chanson

ďEsclar

monde,

ui

se veutune suite e Huon de Bordeaux

peut

tre

uali-

fiée

d'initiatique.

ertes,

omme

a

légende

e saint

Brandan,

laquelle

e

récit

mprunte

eaucoup,

e héros

reçoit

ne série

d'épreuves

nvoyées ar

Dieu

perigrinatio

aritime

erveilleuse,

encontresnsolites

vec

Judas,

aïn

ou

avec des

anges,

ccès

au Paradis

errestre).

ais,

contrairementBran-

dan,

Huon est

un être

passif, ui

subit 'action

plus qu'il

ne la

provoque,

ayant

peu

conscience

es événements.ussi CarolineCazanave

pense-t-elle

que ce récit, refféur un schémanitiatique,ache un conteféérique,ne

«

littératuree

voyage qui

cherche vant out divertir.

omme n

peut

le constatervec cette

ontribution,

n

littérature,

a réflexionur 'initiation

nourrit

galement

'interrogation

ur le

«

genre

. Pour Isabel de

Riquer

(pp. 481-494)

'initiationst aussi très

présente

ans es

cantigas

a romaria

Page 131: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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NOTES

DE

LECTURE

129

ibériques,extes ui non seulementisente voyage pirituelu'accomplis-

sent es femmes

n se rendant

u

pèlerinage

ocal,

mais

ont

galement,mpli-

citement,

ne

nvitationu

voyage

moureux

t

une

nitiatione la femme

à l'amour.

Comme

e

rappelle

harlesRidoux

pp. 469-479),

'initiation

st

donc

bien,

vant

out,

l'ouverture une

Connaissance

(p. 470),

elle

est

du domaine

pirituel.

e dernieruteur echerche

a

signification

es éléments

initiatiquesrésents

ans le

Lancelot n

prose

et dans la

Queste

del saint

Graal.

Contrairement

Lancelot,

es enfances e Galaad sontoccultées t

les aventures

nitiatiquesu'il

rencontreans

sa

quête

ne sont

amais

des

épreuves.

alaad

a

déjà

accès

aux valeurs

pirituelles.

l est

déjà

initié t ne

fait,

u coursde son

voyage, u'approfondir

es connaissances

u

mystère

du Graal,alorsque Lancelotdoit es acquérir.Le troisième

oncept,

'éducation,

ffree

plus

de

contributions,

ertai-

nement

arcequ'il s'agit

d'une

notion

lus arge, ui englobe

ussi 'ensei-

gnement,

'instruction

rofane

u

religieuse.

icheline e Combarieu u Gres

(p. 138),

Françoise

ichaud-Fréjavillep. 303)

et

Marie-Françoise

otz

p. 348)

nous

rappellent

'étymologie

u verbe ducere

«

conduire ors

de ». En ce

sens,

pour

Micheline

e Combarieu

u

Gres

pp. 129-153),

a mère

e Perce-

val,

qui

cherche

«

garder

son

fils,

n'éduquepas.

Au sortir u manoir

maternel,

elui-ci

st

un êtrenon

socialisé,

ui

souffre,

omme ous

e

rap-

pelle

Jean-Marc

astré

pp.

359-368)

our

e

Parzival

e Wolfram

onEschen-

bach,

d'une

triple

arence ducative

la

femme,

es

armes t Dieu. Par con-

tre,

a Dame du

lac ou

la Dame

des Belles

Cousines

étudiée

ar

Marie-

Françoise otz,pp.347-358) onnent,espectivement,Lancelot t au petit

Jehan

e

Saintré,

ne éducation

hevaleresque

rès

oignée ui

va leur

per-

mettre

ne

intégration

éussie

u monde

dulte.

Yves

Ferroul

pp.

155-164)

st e seul

auteur nous

rappeler ue

l'édu-

cation

asse également

ar

'amour

t la

vigilance

'une

mère

u

d'un

père,

condition

ndispensable

la structuration

'une

personnalité

apable

de se

conduire

er

se dans

e

monde,

'est-à-dire,

'être bien

éduquée

. Le cas

de

Guibert e

Nogent

st

exemplaire.

n

ne

peut

devenirdulte

u'en

vivant

et en

décidant

es

«

renoncements

écessaires

(je

reprends

ci le titre e

l'ouvrage

e

Judith

iorst,

ecessary

osses

1986).

Yves

Ferroul,

ans une

des

meilleures

ontributions

u

recueil,

montre

ue

Guibert 'est

amais

par-

venu à

une

vraiematuration

ar

les

«

passages (naissance,

ndépendance

alimentaire,inde l'oppressionaternelleu de celledumaître)ui onttou-

jours

été

mposés.

es libérations

uccessives,

ui

«

éduquent

en nous fai-

sant

passer

ar

a

perte

t e deuil

pour

nous

permettre

'investir

nouveau

la suite

e notre

ie,

ont

manqué

Guibert

our

devenir

dulte.

inalement,

éduquer

n

enfant'est

e tuer

C'est fairemourir

n ui ce

qu'il y

a d'enfant

en

l'extirpant

e son

état

pour

en

faire

n

adulte.

Une éducation

ienréus-

sie est

une mort

cceptée.

Comme

n devait

'y

attendre,

ne

grande

lace

est

faite,

ans

ces

actes,

aux traités

idactiques

t aux

exempla

DanièleAlexandre-Bidon

pp. 23-24)

étudie

'emploi

es

proverbes

ans

des livres ducatifs

u

xve

iècle

abécé-

daires,

raités e

pédagogie,

Miroirs

ux

princes,

ivres

'Heures) ui

fonc-

tionnent

comme

une

«

parole

d'autorité

. Danielle

Régnier-Bohler(pp. 449-467) e penche urce « père nseignantqu'est e Chevalier e la

Tour

Landry

Livre

our

'enseignement

e ses

filles

crit

n

1372)

t mon-

tre 'habileté

vec

aquelle

e Chevalier

ntègre

es

exempla

son discours

n

les

personnalisant.

arie-

nne Polo de Beaulieu

pp. 397-410)

nalyse

es

exempla

onsacrésux devoirs

iliaux ans

a Scala coelide Jean

Gobi

com-

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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130

NOTES

DE

LECTURE

poséedans es années1324-1330),ourmontrerue ces histoiresdifiantes

transmettent

lusieurs

iveaux e connaissances

l'autorité,

es

leçons

t

le

récit

ui-même

onctionnantomme

un véritable bécédaire e la foi».

Christiane

aynaud pp.

429-447)

it es

images

'un

manuscrit

e la

fin

du

xivc

iècle,

omportant'enseignement

es

princes

e

Guillaume

eyraut

t

Le

Livredu Gouvernement

es

Princes e Gillesde

Rome,

pour

nous mon-

trer

toute

r

mportance

onnée

au

maître,

alors

que

Michel Moulis

(pp.

333-346)

tudie

es

moyens édagogiques

tilisés

ans

e

Dialogue

e

Pla-

cide

et Timeo

deuxième

moitié u

xnie

iècle) exempla symbolisme,

llé-

gorie, tymologies,

enre dialogue

et

langue

ernaculaire. arie-Thérèse

Lorcin,

uant

elle,

s'intéresseux conseils

ue

les

pédagoguesle

Cheva-

lierde la TourLandryt 'auteur uMénagier e Paris à la finduxivc iè-

cle)

distillentux

jeunes

femmes

our

en fairedes

épouses

modèles.Cette

intention

idactique

e retrouveans es romans atins e la

fin

du

xiic

iè-

cle,

comme

e

signaleMary

ène

Possamaï-Perez

pp. 411-428),

n étudiante

De

Nugis

Curialium

e

Gautier

Map

et

Y

Alexandréidee

Gautier e Châtil-

lon

qui

abondent

n conseils ur

a

manière e bien

éduquer

es enfants.

L'éducationmédiévale

end,

ien

entendu,

ers

un but ultime

«

faire-

croire

. Cette ransmission'un

message

hrétien

mprunte

es

canaux rès

divers

GuyBorgnet

pp.

81-93),

n étudianta

Passion

ď

Alsfeldreprésen-

tée

pour

a

première

ois en

1501),

nous

rappelle 'importance

u théâtre.

À

l'automne u

MoyenÂge,

cette assion

pour

butde

faire

eur

u

chré-

tien,

de

lui

démontrer

ue

sans une

introspection

ndividuellet

en dehors

de l'Église,pointde salut FrançoiseRobin pp.495-512), n étudiante

thème

conographique

'Anne t de la

Vierge

ducatricesu

XVe

iècle t

Yve-

line

Fumât

pp.

165-172),

n

analysant

eluide la

Vierge

l'Enfant

ans es

derniersiècles

médiévaux,

nsistentur

'image

omme

upport

édagogique

entre

es mainsde

l'Église.

Le

message

hrétien la

fin

du

MoyenAge,

en

France,

lors

que

s'affirme

a

monarchie,

st difficile isoler 'un

message

«

royal

,

les deux

se

superposant,

ant

et si

bien

que

Hervé Martin

(pp. 263-273)

ousdittoute a difficulté

déceler,

ans es sermons es

pré-

dicateurs

u

règne

e

Charles

I,

ce

qu'il

y

a de

religieux

t ce

qu'il y

a

de

politique,

iscours

ui

cherche formerutant es fidèles

ue

des

sujets.

Le

jeune

à

éduquer,

our

es

littéraires,

'est surtoute

jeune

chevalier

qui conjugue

a démesure Cristina

lvares t

Américo

iogo

(pp. 45-58),

étudientes relationsui se nouent ntre e jeunevassal, a femme u sei-

gneur

t le suzerain

t affirment

ue

la

fin'amors ossède

n rôle

pédagogi-

que

essentiel,

ui apprend

a modérationux

«

jeunes

. La femme st un

instrument

édagogique

ntre es mainsdu

seigneur

ui

cherche testera

capacité

u

eune

à

maîtriseron désir exuel.

Ce

jeu

interactifn

triangle

nous

plonge

n

paysœdipien

le

eune

admire

'époux

de la

dame,

omme

un

père uquel

l

s'identifie,

t doit

respecter

a femmenterdite

ui

l'édu-

que

comme ne

mère.Cette

éducation-apprentissage

aide à renforceres

liens

assaliques

t e

pouvoir

u

seigneur,

articipant

la défense e l'ordre

établi.

AlainLabbé

pp.

191-210)

tudie

'image

mbivalente

u

eune

cheva-

lier

dans Gir rt de

Roussiion

«

protecteur

protéger

e lui-même

t

des

péchés quoi

'expose

a

latente émesure

(p. 194),personnage

mbigu

ar,

parsa fonction,l estgarant e l'ordre,maispar son âge, il menace ans

cessede

transgresser

etordre. ans ce milieu

hevaleresque,

es

moyens éda-

gogiques

e

manquent as

:

Joseph

Morsel,

ans une

trèsbelle ontribution

(pp.

309-33

,

étudie

e rôle du tournoi ans e sud de

l'Allemagne

la fin

du

Moyen

Age,

véritable

ièce

maîtresse u

modèle

hevaleresque.

e

for-

Page 133: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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NOTES

DE

LECTURE 131

midable utilpédagogiquest ci« un moded éducation e la société oliti-

que

». Il

éduque

a

noblesse,

es

princes

t les

citadins,

a

première

n défi-

nissant vec

précision

n code de valeurs

t un

déal,

es seconds n leurfai-

sant

omprendre

u ils appartiennent

la noblesse t

qu ils

ne sont

pas

au-

dessus

elle,

es troisièmesn eur

ignifiant

eur xclusione ce

eu-instrument

de

reproduction

e

la noblesse llemande.

L intérêt e ce

colloque

donc

été de montrera

diversité,

on seule-

ment

es

supports,

es

nstruments

t des méthodes

édagogiques,

ais

ga-

lement

e la nature

t des motivations

es émetteurst des

récepteurs

u

discours

édagogique.

l me

paraît

ussi tout

fait ntéressantavoir

privi-

légié,

onsciemment

u

non,

a transmission

e connaissancesn dehors

u

cadre scolaire (unpeumieux onnudesmédiévistes),avoir clairé esvecteurs buissonniers

(la

mère,

a

langue

vernaculaire,

image,

e théâ-

tre)

ui

sont

ongtemps

estés

ans ombre

t

qui,

en cette

inde

xxc

iècle

(qu on pense

la récente

eligion

e ma mère ous

a direction

e JeanDelu-

meau, Paris, Cerf,

1992)

trouvent

es historiens.

On

regrettera

outefois,

e classement

es articles

ar

ordre

lphabétique

des auteurs

un

regroupement

ar

thème urait té

sans

doute

plus udicieux),

trois ontributions

la

limite u

sujet dont

une sur

es

modistes,

ourtant

tout

fait

passionnante),

absence

étude

ur éducation

es saints t

plus

généralement

e l utilisation

e

l hagiographie,

t e

peu

d informations

ppor-

tées

sur éducation

es

filles.

Malgré

es dernières

emarques,

es rencontres

nt été d une

extrême

richesse,omme ontétécelles ui ontporté ur« Conformitéstdéviances

au

MoyenÂge

»,

en novembre

993

deuxième

olloque

du

CRISIMA)

et

comme

e

seront,

ouhaitons-le,

elles

ui

se

tiendront,

oujours

Montpel-

lier,

n novembre

995 t

qui

seront onsacrées

«

Félonie,

rahison,

enie-

ments u

MoyenÂge

».

Didier

Lett

Neithard

ulst,

Die

französischen

eneralstände

on 1468 und 1484

Pro-

sopographischentersuchungenu denDelegiertenSigmaringen,anThor-

becke

Verlag,

992,

95

p. (Beihefte

er

Francia,

herausgegeben

om Deut-

schen

Historischen

nstitut

aris,

Band

26).

Voici

un

livre

ui

renouvelle

onsidérablement

histoire es

assemblées

représentatives

n

France. a méditation

ur échec

des états

énéraux

ran-

çais

mis en

parallèle

vec

la fortune

istorique

u

parlement

nglais

n a

longtemps

ormé âme.

Neithard

ulst,

on

ans

vaillance,

choisi e

changer

ce

point

de vue rebattu

n se

plaçant

u

côté des acteurs t

en

appliquant

systématiquement

leur tude

es méthodes

e la

prosopographie

ont

l

est

devenu

un des meilleurs

pécialistes.

Il

a

exploité

outes es ressources

une

bibliographie

peu près

xhaus-

tive, ouillé,utrees fonds esArchivest de la Bibliothèqueationale,lus

de

soixante-cinq

utres,

ant

départementaux

ue

communaux

urtout,

our

présenter

n

détail e

personnel

es

deux ssemblées

états

énéraux

éunies

à

Tours,

une

par

Louis

XI

en avril

1468,

autre,

plus

célèbre,

u lende-

mainde sa

mort,

n

janvier-mars

484.

Page 134: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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132

NOTES

DE

LECTURE

De ce fait,Pessentiel u volume st formé ar la centaine e notices

qui

formentes

deux

chapitres

entraux.

fin

de faciliteres

comparaisons,

toutes es bonnes illes

onvoquées

n

1468

nt

étécitées

après

état

dressé

par

JeanLe

Prévost,

e

greffier

es

états,

bien

que

les

informationsan-

quent

otalement

ourplus

de la

moitié

entre

lles la liste

des

grands

ei-

gneurs

t

prélats, onvoqués ersonnellement

lors elon

usage

raditionnel,

est

ointe

n

appendice.

ans ces notices outes

opieuses,

on trouve

our

chaque

circonscription

a

procédure

lectorale éellement

uivie t

pour

cha-

que député

a

position

ociale t ses attaches amiliales. es

détails

iquants

ne

manquentas

voici n 1484 e

chanoine

uy

Petit,

éputé

u

clergé our

la

sénéchaussée

Anjou,

mis en

prison our

dette ès

son arrivée

Tours

ou encorea délégationOrléansuipréfèremenera provisione vinplutôt

que

de se fier ux crus de Touraine.

L ouvrage

vec ses

annexes,

on index t ses

trente

ièces

ustificatives

est donc un outilde référence

récieux

t

une minede

documentation

our

l histoireociale.Mais

il

y

a

plus.

N. Bulst

enchâssé ette

rosopographie

si

largement

onçue

ntre ne

ntroductiont une

conclusion

galementmpor-

tantes.

l

y

fait e

point

ur

a

conjoncture

es deux

ssemblées,

ur es

pro-

cédures

lectorales

tilisées,

ur a

rémunérationes

députés,

ur es

réseaux

familiauxt

politiques

ui

les

unissent,

nfin ur a

portée

istorique

es deux

assemblées.

On retiendra

articulièrement

ans es

deuxcas la

parfaite

omogénéité

sociale

des

délégations,

ant n 1468

qu en 1484,

élues

pourtant

elon des

modalitésifférentes,napparenceumoins.Cesdéputésppartiennentous

au milieu

es

oligarchies

e bonnes illes ù se

retrouvent

vec

quelques

ares

marchands,

es hommes e

loi,

des officiers

oyaux

t des

chanoines

ra-

dués des

universités,

nis

entre

ux,

et

aussi,

bien souvent

n ce

qui

con-

cerne

474,

vec es

députés

lus de la noblesse

moyenne,ar

eurs

ttaches

territoriales,

eurs iens

de

parenté

t eurs

ntérêtsommuns.

e

changement

de

procédure

lectoralen

1484,

manœuvreabile t

réussie es

Beaujeu

pour

neutraliseres clientèles es

princes,

eurs

nnemis,

enforcencore a

pré-

sencedes officiers

oyaux

t donc

aussi

a

tendance

ommune.

u

coup

es

étatsde 1468

n apparaissent

lus

comme ne

simple

hambre

enregistre-

ment

i

ceuxde

1484

omme e

naufrage

une

expérience

arlementaire.

e

comportementolitique

e

tous es

hommes,

lercs t

aïcs,

stdicté

ar

atta-

chementu ils portentgalementl unité uroyaumessurée ar a monar-

chie,

u roi

qui

ls s en

remettent

our

n faire a

réformationt

à

la

défense

des ntérêts

articuliers

e leurs

ropres ays.

l

reste

ue, pour

ux

comme

pour

es théoriciens

e la

monarchie,

es

deux

ssemblées,

t

surtoutellede

1484,

restèrentne

référence,

ixant

our

des

siècles out la fois

une

pro-

cédure tilisable

t une

traditionnstitutionnelle.ans la

mémoire omme

dans

e

droit,

es états

généraux

éunis

ar

le roi

restèrent

résents

omme

la

suprême

oie

de recours n

temps

e crise.

Parfaitement

dité,

mise

part

une fâcheuse

aute

impressionui

gâte

la listedes

convoqués

titre

ersonnel

n

1468,

e livredu

professeur

e

l universitée Bielefeld

mérite

randement

e

figurer

ans toutes os biblio-

thèques.

on ne

peutque

se félicitere voirune

telle ontributionl his-

toire rançaise, comprisa plus ocale,donnée arun historienllemand.

Quand

verra-t-on

emblable

ravail ait

par

un

français

ur e

Reichstag

u

sur

quelques

Landtage

médiévaux

Bernard

hevalier

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134

NOTES

DE

LECTURE

mitán u xive iècle ur a vie culinairetgastronomiqueesnantis e cette

époque.

A.

Grieco,

onfrontantes

comptes

e la Mensa della

Signoria

e

Florence

ux traités

ulinairestaliens

ontemporains,

n conclut

ue

selon

toute

vraisemblance

es recettescrites u

xivc

iècle

orrespondaient

ien

une

véritable

ratique

ristocratique.

.

Laurioux,

e son

côté,

explore

ne

ordonnance

rise ar

e

Dauphin

Humbert

I

du

Viennois

ors

de son

règne

(1333-1349), églementant

e service es

repas

de sa cour

pour

une semaine

et

proposant

ne

érie e menus

révisionnels.

analyse

e ce

documentévèle

que

la différenciationociale

exprimait

ansun véritable

ystème

e valeurs

des aliments

ont e code subtil taitdéchiffré

ar

es

participants

dans e

tableau

ue propose

B.L.

en fin

d article,

haque

aliment,

haque type

de

préparationstmarqué unsigne lusou moins ositifn fonction u sta-tut ocialde sondestinaire.n retrouveà l échelle es aliments ise n évi-

dence

par

A. Griecodans sa

thèse2,

e

chaponreprésentant

ci le

meilleur

du

meilleur,

amais

servi ux

catégories

es

mangeurs

es

plus

basses,

andis

que

le

fromageccupe

a

position pposée.

Les

types

e

plats

ont

ux aussi

révélateursu statut ocial des convives. i le

potage

st commun

tous,

il

contient

lus

de

viande alée

orsqu il

st servi la

«

tablehaute

où l on

jouit

à l ordinaire

e

tourtes

t de

pâtés

auxquels

n ont

amais

droit eux

de la

partie

assede la salle de même

ue

l entremetsest ci

donné

u au

souverain,

e

qui marque

e manièrendiscutable

es

prérogatives

e monar-

que.

L entremets,

ette

atégorie

ulinaire

mbiguë

t

controversée,

std ail-

leurs e

sujet

d une véritabletude

par

A.

Lafortune-Martel.ets

courants

dont es recettese trouvent ansquasimentous es traités,es entremets

sont ussi des

«

chefs-d œuvre

e

figuration

,

comme es merveilleux

ola-

tiles êtus e leur

plumage,

rachant u

feu

par

e

bec,

dont

apparition

ors

de festins

oyaux rolonge

a tradition omaine es

pièces

ruquées

t des

surprises.ependant

e

MoyenÂge

nnove

orsque

es

entremets,

ppelés

de

paintrerie

,

deviennent

es véritables

supports

des

projets

e

propagande

politique

.

Conçus

comme

es scènes

llégoriques

ontant ne

histoire u

un

projet

ux

convives,

ls nécessitent

lors

pour

eurfabrication

ussi bien

le savoir-faire

u

cuisinier

ue

celuidu menuisiert du

peintre.

es

sources

iconographiques

ttestente ces fastes n donnant ouleurs t formes

ux

descriptions

es

chroniques

t aux

njonctions

es recettes..

Alexandre-Bidon

explique

omment

tiliser

image

t combien on

analyse omplète

elledes

traités ulinairesour appréhenderes finesses esmanièrese table,de la

disposition

u

couvert,

e la

présentation

es mets u des

gestes

u

service...

Du

manuscrit

la table

ffre ncore iend autres écouvertesont

nous

ne citerons

ue quelques-unes

la

présentation

ar

J.

Van Winter un traité

culinaire éerlandais

u xvie iècle évélant ne nette nfluence

rançaise

les

sourcesmédiévales

e la cuisine

u Danemark

ar

B.

Skaarup

les saveurs

de la

Méditerranéeu

Moyen

Âge par

B. Santich un

aperçu

des

goûts

de

la cuisine

hispano-arabe

es

xiie-xnic

iècles

partir

un manuscritrabe

dont

R.

Grewe

ous

promet

a traduction

rochaine

un nventaireommenté

des

épices

et

condiments

ités dans les traités

ulinaires llemands es

2. Allen .Grieco, lassesociales,ourriturest imaginaireslimentairesn Italie(xiv-xviècles),hèseedoctorate3e ycle,cole esHautestudesn ciencesociales,aris,

1987,

hap.

«

les olailles

.

Signalons

ue

ettedée unechellees limentsommence

connaîtren ertain

uccès,

i

on n roita référence

ue

Jean-Marieelt ui

onsacreans

les

premières

ages

e un e es erniers

uvrages,

onsacrées

l histoireDes

égumes,

aris,

Fayard,

993).

.

Griecost

même

ité,

inon ce

proposrécis,

ais

uelquesigneslus

oin

lorsque

elt aconte

uelque

istoire

taliennemusante.

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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NOTES

DE

LECTURE

135

xivc-xvieiècles, ui selon M. Ballard uggère ue les Allemands en tien-

nent une cuisine

uelque

peu

«

archaïque

en

privilégiantoujours

e

poi-

vre

quand

e reste e

F

Europe

ccidentalet méridionalee

trouve

éjà

gal-

vaudé une

histoire

ar

J. Allarddu

premier

ivrede

cuisine

spagnol,

e

célèbre

ibredel cock

de

Robert

e Nola datant u débutdu

xvic

iècle t

qui

fut oublié

usqu au

xixe

iècle

une

comparaison

e la

structurees

menus

nglais

t

français

ar

J.-L.

Flandrin...

Les

thématiques

es deux

derniers

hapitres

e ce

recueil,

onsacrés es-

pectivement

ux contraintes

esant

ur a cuisine t aux

sucreries,

nt une

importance

articulièreour

a

période

onsidérée. e

MoyenÂge

est

pro-

bablement

époque ui

cumule

e

plus

de contraintes

esant

ur activitéuli-

naire l alternanceras/maigremposée ar le cycle iturgiquetait tricte-ment espectée,til n était uère ossible échapperuxdéterminismesli-

matiques

t saisonniers.

ontrairement ce

qu on

aurait

pu supposer,

T.

Scully

stime

u on

se débrouillait

ortbien dans les bonnes

maisons,

comme

e montrea reconstitution

u calendrierlimentaireu

Menagier

e

Paris

dans

equel

même

hiverne

paraîtpas

êtreune

période

e

gêne.

De

là à le suivre

anssa conclusion

ptimiste

ur la connaissanceu

cycle

li-

mentaire

qui]

pouvait ermettre

une

ménagèrearisienne

offrir sa

mai-

sonnée

es

repas

ntéressants,

ariés t nourrissants...

Il

est à craindre

ue

cette isance

ne concerne

u une

minorité ans le Paris du

xive

iècle et

qu elle

suppose

n

outre

n ravitaillement

égulier

ans une France oute e

paix

et de

quiétude.

.

Lambert,

uant

à

elle,

explique

u contraireom-

bien e cuisinierevait aire ppelaux ressourcese son imaginationour

pouvoir

atisfaireon

maître t ses hôtes

toutmoment e

l année,

lors

que l approvisionnement

tait

ouvent

apricieux

u

que

le

temps mposait

de faire

maigre.

es

réceptaires

llustrent

ien es difficultésar eurs uteurs

laissent

ouvent oute

atitude

uant

au

choixdes

espèces

nimales cuisi-

ner,

oit

proposant

ne sériede

possibilités

oit au contraireccordant u

cuisinier

e loisir e

décider elon e

que

renfermentes viviers u ses enclos.

De nombreuses

ecettes

onnaissent ailleurs

ne version n

maigre

t de

Carême

ndiquant

omment

emplacerar

d autres

ngrédients

a viande

u

les

produits

nimaux nterdits.

ul doute

que

ces contraintesient timulé

l imagination

réatricees chefs

usqu à

favoriser

art

de la

contrefaçon,

xer-

cice

qui rejoint

n

quelque

orte eluide la

surprise

t de la

feinte,

aracté-

ristique,ommenousl avonsvu, des extravagancese l entremets3.

Le dernier

hapitre

e ce volumineuxecueil ous éclaire e

façon

ns-

tructive

ur es

premiers

as

de

l histoire u sucre n Occident. .

Plouvier,

en

traquant origine

u

«

lectuaire ou

de

«

l électuaire

jusque

dans es

traités es médecins

e

l Antiquité,

. Bolens

en

tentant e définire rôle

du sorbet ans

a civilisation

rabo-andalouse,

t M.

Hyman

n

analysant

a

fonction

es

«

confitures

dans la France

du

xvie

iècle nous

expliquent

commente

sucre,

e médicamentu

excipient,

eviendraliment e

plaisir

délectable.

e mot

«

confiture

qui désignait

n France ous es

éléments

salésou

acides,

els

moutardesu

cornichons,

ermettant

ne correctionié-

tétique

es aliments e

base,

ainsi

que

les

dragées

t les

épices

onfites

u

3. On

peut

egretterue

C. Lambert

ait

as

récisé

our

es ecteurs

ui ignoreraientue

la

«

purée

e

pois

à mêmee

remplacer

e bouilloneviande

tait

ans

es raités

édiévaux

de

«

l eau ecuissone

pois

et

non

as

e

qu on

ntend

ujoud huiar

e terme

purée

.

Le

verbe

purersignifiaitégoutter

.

Voir titre

illustration

emploi

e everbe

la sec-

tion cuissones èves

dans e

Menagier

eParis

J.

ICHON

d.,

Paris, 843,

.

I,

p.

138.

Page 138: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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136

NOTES

DE

LECTURE

sucre ervies n finde repaspour« fermer estomac , finira ar s appli-

queruniquement

ux confectionsucrées base de

fruits.

usage

des

épices

comme boutehors

digestif

isparaîtra,

ais e sucre

ui

les

enrobait t

sa saveur

marquerontlus

tard a

fin

du

repas

transformante

service e

«

desserte en un

«

dessert

,

qui,

au

fil

des

siècles,

e sera

plus

composé

que

de mets ucrés.

u

manuscrit la

tablene

pouvait

e conclure ur

ce

dessert

rop

moderne.

l

suit

a

modemédiévale n

nous

parlant

ncore

es

épices,

ui,

au

MoyenÂge,

étaient

ussi des

aphrodisiaques

t

qui

suscitent

une subtile éflexion e la

part

de

B.

Roy

sur le

«

bonheur

limentaire

qu elles promettentar

leur

«

plus-value

ustative

.

Du manuscrit la

table

st

un

livre

ans

reproche ui

associe

plaisir

e

la lecture t oie de connaître,râce uxbons soinsdeCaroleLambert. lle

offre insiun

ouvrage

e

référence

t

un outil

ndispensables

ux

médiévis-

tes et aux

spécialistes

es études ur

alimentation.

Françoise

abban

Jérôme

aschet,

Les

ustices

e

l au-delà.Les

représentations

e

l enfer

n

France

t en Italie

xne-xveiècle).

Préf.de

J. Le

Goff,

Rome

École fran-

çaisede Rome,1993,687p., 8 pl. coul., 168 ll. n/b., ndexnoms, ieux).

Dans

le

courant

istoriqueui

s attache

explorer

histoire es com-

portements

t des

mentalités,

intérêt

our

imaginaire

édiéval

t ses

repré-

sentationsestrécemment

éveloppé. près

es

études e

Jean

Delumeau ur

la

peur

et le

paradis,

elles

de

Jacques

Le Goff ur

imaginaire

édiéval

et e

purgatoire,

a vaste echerchee Jérôme

aschet ur

es

représentations

de l enfer

omplèteudicieusementanalyse

es

visions e

l au-delà

ui

ont

durant es

siècles

hanté a

chrétienté

édiévale.

Étuded autant

lus

aptivanteu elle

nalyse

es

mages

ue

se

sont on-

nés nos ancêtres

our

enter e montrer

l indescriptible

,

l enfer.

Un des

principauxntérêts e l histoire e l imaginairest en effet ainsique le

souligne

. Le Goffdans

a

préface

,

de

s incarner ans des

images

t de

fairede ces

images

es documents

histoire.

Tympans, resques,

mosaï-

ques,

enluminures

e France

t du nord de l Italie

offrentne

somme e

représentations

aisissantes ont J. Baschet

nalyse

évolution u

xiie

au

xve

iècle n

procédant ar

un

dynamique

a-et-vient

ntre es

textes,

rofa-

nes ou

religieux,

t es

mages.

rèsde

180

nfers nt insi té

étudiés

repro-

duits

n

annexe),

crutés,

isités erait-onenté e

dire ant es

descriptions

qu en

fait auteur

ont

minutieuses.ar une

analyse

conographiqueui

échappe

u

langage

ouvent

ermétique

e la

sémiologie,

érôme aschet va-

lue

l importance

e

chaque représentation

ans son

environnement

monu-

ment,

manuscrit),

écompose

a structuret

nterprète

e

rôledes

protagonistes.

Mais avantd inspireres artistes,au-delà nfernal étéévoquédans

les texteses

plus

anciens. idée d un châtiment

ternel

tteignant

es

païens

après

eur

mort

pparaît

rès ôt dans l Ancien t le

NouveauTestament

de la valléede la Géhenne

l Apocalypse

e

Jean,

es

allusions ont

multi-

ples

t seront

omplétées,

étaillées,

nrichies

ar

es

apports

e saint

Augustin,

Page 139: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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NOTESDE

LECTURE

137

deGrégoiree Grand, e saintThomas, ntreutres. n les mettantnpers-

pective,

auteur

récise

omment élabore a

conception

hrétienneu châ-

timent

es morts.

Égliseparvient

insi

progressivement

ménager

n

équi-

libre

rédible ntre a

justice

divine

engeresse

t la

miséricordee

Dieu,

à

démontrer

ue

les

âmes,

d essence

pirituelle,euvent

tre ourmentées

ar

le feude

l enfer,

t

surtout,

affirmeréternitéu

châtiment.es

«

visions

recueillies

usqu au

xiiie

ièclevont nsuite

ompléter

t

détaillere déroule-

ment e cettedamnation. ne

catégorisation

es

peines pparaît, ariable,

instable,

romettant

ouvent

chaquetype

e

péché

un

supplice

pécifique.

Au feu

t

au

froid,

ux

serpents,

renouilles

t

monstres,

ajoutent rogres-

sivement

es

peines

instrumentales

,

faisant

ppel

à

la

thématique

uli-

naire marmite,roche, uisson). i le triompheu supplice affirme ansces

visions,

Jérôme aschet

y

décèle ussi

émergence

e la

conception

e

l enfer omme

ystèmeudiciaire,

otamment

ar

l évocation

u

Jugement

dernier.

ar la

suite,

a littératureorale t es

prédictions

e font es média-

trices e

ces théoriest vont ontribuerdiffuseransun

public

vulgaire

la

peur

de l enfer.

a

porte

st alorsentrebâillée

urun

enfer ncore

mysté-

rieux,

mais reconnu

t

«

validé

pourrait-on

ire

par

l Église

même,

orte

par

laquelle

va

pénétrer

oute

imagination

es artistesmédiévaux.

«

Impensable,

ndicible,

nfigurable

,

l enfer

n est

pas

véritablement

représenté

vant

e

IXe

iècle t c est seulementur es

portails

omans,

n

France

urtout,

ue Jugement

erniert enfer ont

pparaître

ux

yeux

des

chrétiens.

es

tympans

omans

Arles,Beaulieu,

Autun, aint-Denis,aon,

Conques urtout,ffrentesreprésentationsù le rôleduChrist evientetit

à

petit

eluidu

juge

et

permet

insi affirmationadicale u

principe

udi-

ciaire.

La

représentation

e

Conquespermet our

a

première

ois identifi-

cation u

statut ocialdes

damnés t donne insi

ieu,

elonJérôme

aschet,

à

la dénonciation

excès

ue

ne

peuventupporter

es trois rdres

irigeants

la nouvelle

uissance

t

l indépendance

u

clergé égulier,

abus de la féo-

dalité

ui empiète

ur e

pouvoir oyal

t e

développement

larmant e

nou-

velles

atégories

ocio-professionnelles

marchands,

rtisans).

Avec a série

homogène

es

portails othiques

u

xiiic

iècle,

enfer e

fait

lus

discretu

profit

u rôle

udiciaire

u Christ

Laon,

Chartres,

eims,

Pariset surtout

ourges).

Jérôme aschet voit a

transposition

un

équi-

libre ocial

retrouvéu débutdu

xiiie

iècle

lorsque

e

monde

urbain,

a

monarchiet e clergééculierélèbrenteurgloire t eurunitédéales utour

des

cathédrales.

Dans ce

premier roupe images

ca

1100-ca

330)

un thème

écurrent

-

du moins

n

France

accompagne

a

représentation

nfernale

la

gueule

d enfer. lle

permet ar

une

métaphore

e

transformern

partie

e

tabou

d infigurabilité

e l enfer.

ymbolique

un

fantasmee

dévoration,

lle dési-

gne

e

lieu,

out n ne le dévoilant

as

dans sa totalité t en

préservant

insi

son

inquiétant ystère.ynonyme

e

passage,

de

franchissement

ternelle-

ment

ecommencé,

a

gueule, uissance

ostile t

dévoratrice,

ymbolise

hor-

reurde

la

damnation.

En

Italie,

enfer rouve ans es

fresques

t es

mosaïques

es revers

es

façades églises

es ieux

privilégiés

e son

épanouissement.

ux

mages

on-

datrices e Torcello, e Sant AngelonFormis ajoutentnsuitees chaires

sculptées

e

Toscane,

es

fresques

e

Giotto,

avallini,

uscani,

ui permet-

tent

l auteur e

souligner

a cohérence u

modèle

talien,

ssu du

modèle

byzantin. l image

rançaise

ixée

ur a scène u

partage

ntre

lus t damnés

s oppose

en

effet n modèle talien

ui

consacre e

Christ

toujours

uge

Page 140: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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138

NOTES

DE

LECTURE

- mais de plusRoi de Péternité.e modèle rançais rivilégieraitn quel-

que

sorte

e moment lors

que

le modèle

talien

voque

Péternité

ui

va le

suivre

la

rencontre

u

temps

t de

Péternité).

u

seuildu

XVe

iècle,

es con-

ditions emblent éunies

our qu au-delà

d une

représentation

u

jugement

dernier

e

développe

ne

thématique

nfernale,

ontrant

lus

explicitement

P

nfer

omme ieu de châtimentes

pécheurs.

La

rupture

urvient

n Italie.

À

Pise,

Buffalmacco

eint

n

1330

n

gigan-

tesque

nfer

ont a valeur

exception

érite être

pprofondie.

érôme as-

chet

y

découvre

n effetes frémissementsune

conception

moderne de

l enfer. a

représentation

es

supplices

connaît n essor

décisif t l enfer

devient le théâtre ù s exhibenta diversitét a

cruauté es

tortures. Le

principe,bauché u cours es siècles récédents,onsistantadaptere châ-timent u délit

puni,

devient

ystématique.

ne volonté otalisante e tout

montrer,

e tout

rganiser

impose

ci. La

répartition

es

supplices

ansune

grille ui correspond

une énumération

ommaire es

sept

péchés apitaux

(les

coléreux e battent ntre

ux,

es

gloutons

ubissente

supplice

e Tan-

tale,

es avares ont

gavés

de

pièces

n

fusion)

nvite

e

spectateur

s inter-

roger

ur

ui-même. auteur

perçoit

influence

u rôle

pirituel

es Domi-

nicains ceux-ci ntcertainementuscité ne réflexion

ur e

péché

t

a con-

fession

ui peut

voir bouti cetteœuvre

xceptionnelle.

a

représentation

de

l enfer,

effroi

u elle

suscite

ar

l identification

ette es

peines,

onc

des

péchés,

iennentinsi n renfort

es sermons es

frères

rêcheurs.

om-

ment

faire roire ceux

qui

vivent ans

insouciance,

ommentaire

eur

surtout t rendre écessairee recours la confession,i ce n esten impo-

sant à chacun

par

la visiondu

péché

d un

«

autre

-

un

examen

e

conscience

Dans une

ogiquedidactique,

enfer e

Pise

«

accomplit

inté-

gration

e

l enfer ans un

système

acculturation

eligieuse

.

Ce modèle

de

représentationompartimentéesepténaire)

a se

développer

ès le

milieu

du

xive

iècle ur axe

Pise-Florence,

uis

s étendre vec des

variantesux

autres entres

rbains

râce

ux talents e

grands

rtistes

Fra

Angelico,

ia-

zaci,

Canavesio).

Mais cette

upture

e sera

perceptible

n

France,

t dans

une

moindre

mesure,

u un

siècle

lus

ard,

ue

ce soitdans a miniature

u dans a

pein-

turemonumentale

Albi, Digne).

Toutefois

n

détour

ar

les

textes

ermet

à

Jérôme aschet

e confirmer

ue

le

développement

e

l enfer ux

xive

t

xvc ièclesn est pas propre l iconographie.e théâtre t la littérature

(Dante,

J. de La

Motte,

. de

Diguleville)

ententu même

momente décrire

les lieux

nfernaux.

l

y

a donc bien eu une mutation

mportante

partir

du milieu

u

xive

iècle,

ui

consiste décriree

plus

finement

ossible

au-

delà

et,

selonJérôme

aschet,

ransformelors e véritable

bjet

de

l image.

Est-ce

e bâtiment

ue

l on veutmontreru

plutôt

e

qu il désigne,

est-à-

dire e

péché

Et

devant

a

complaisante

xhibitione tous es

supplices y

a-t-il

as

lieu de

s interroger

ur

a

portée sychologique

e

ces

images

ur

le

spectateur

Faisant

ppel

à

la

psychanalyse,pportunément

evenue cience uxi-

liaire

e

l histoire,

érôme aschet

ntreprend

ans a dernière

artie

e

son

étude,

ne

description

e

l enfer omme lieu

d émergence

un

pan

d ima-

ginaire. À traversesreprésentationsesgueules enfer, esmonstresux

dents

cérées,

es Satan à

gueule

entrale,

e

faut-il

as

voirune

expression

du fantasme

e

l oralité

évorante

ui

entraîne ès le

plus

eune âge

chez

l enfant

ngoisses,

ulpabilité

t crainte u

châtiment

Quant

aux

serpents

et vers

grouillants évoquent-ilsas

à

la

fois

excrémentst

phallus

Mais

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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NOTES

DE

LECTURE

139

ce serait moindrira pensée e Jérôme aschet t le souffle e sonpropos

que

de s'en tenir une énumération

éductrice,

t

il

convient

e se

reporter

à la

correspondanceu'il

établit ntre es

pénalités

antastiques

t nos

angois-

ses

pour

omprendre

a cohérence

'un

imaginaire

ont es racines ont

pro-

fondément

ncrées n

chacun

de

nous. Pulsions estructricese

retournant

en

angoisses,

oi du talion

mniprésente

ans

'inconscient,

ision

errifiante

de ce

passage

ant edouté

u'est

a

mort,

'enfer

sttout ela.

Mais,

en nous

permettant

e

«

visionner toutes es

angoisses,

e nous en libère-t-il

as

dansune

certaine

esure

En

ce

sens,

ffirmeérôme

aschet l'enfer

ppa-

raît omme ne occasion e

compromis,

ui

combinea réalisation

e la

pul-

sion et la défense ontre on caractère

menaçant

. Aux différents

nfers,

le chrétieneuplé e démons,e « sartriencomposé esautres, érôme as-chet n

ajoute

un

nouveau,

miroir

ui

nous renvoiendividuellementnos

pulsions

es

plus culpabilisantes,

ù

«

l'angoisse

e

négocie

irectementans

un face

à

face entre 'individu t

l'image

.

Mais

il

constitue ussi

pour

les hommes t les femmes es

xive

et

xve

iècles,

un

modèlede

justice,

une

pénalité xemplaire

parfois

non

dénuée

'indulgence

uisqu'il

rrive

u'on puisse

n

réchapperDagobert

auvé

par

saint

Denis,

Gillesde Rais se

repentant)

et

qui,

tout

compte

ait,

apporte arfois

éconfort

ux classesdominées.

Dans

un

MoyenÂge

dominé

ar

a

mort,

'enfer onstitue

endant

ne

période

e courte

urée,

n lieu de rétablissemente la

justice,

e visibilité

autorisée

'un

«

grand

pectacle

e haineet de

vengeance

qui s'épuisera

de lui-mêmevec« l'émergencee l'individu,e l'État,de la modernité.

Au-delà e son ndéniable

pport l'anthropologieeligieuse,'originalité

e

l'étude e Jérôme aschet

ient ussià un recours fficace la

psychanalyse

(assez

rarementtilisée

usqu'à présent

ar

es historiens

es

mentalités)ui

nous

permet

e

dépasser

e

voyeurisme

nhérentux

mages

es

supplices

nfer-

naux. Cette

ongue

descente

ux

enfers,

ù les mentalités

édiévalest la

psychanalyse

ontemporaine

e

télescopent,

e laisse

pas

insensible.

Agnès

Rogeret

L'atelier u

médiéviste

1

:

Identifier

ources t

citationssous a dir.de Jac-

ques

Berlioz, Turnhout,

repols,

994,

336

p.,

index

matières, ibliogra-

phique).

Inaugurant

necollection

'instruments

e

travail

oliment

ntitulée'ate-

lier

du médiévistecet

ouvrage

e

propose

e

repérer

es sources t

d'identi-

fier es citations

ui

émaillentes textes t documents

u

Moyen

Âge.

C'est

du moins e

que prétend

on maître

'œuvre,

Jacques

Berlioz.Mais

il

ne

faut

as

l'en

croire,

ar c'esten réalité tout e

«

mielun

peu

âcre

de

l'éru-

dition

-

selon a belleformule'Anatole

rance

eprise

n

introduction

que

ce

petit

mais dense

volume

ermet

'accéder.

En effet,our hacun es domainesu'ilaborde ontnon eulementour-

nis

es

répertoires

t la

bibliographie

e

base,

mais aussi

repérés

es

problè-

mes

d'interprétation,

dentifiés

es

pièges, osés

es

problèmes

e

méthode,

énuméréses centres e

documentation,

épondant

insi aux

objectifs

e

la

collection

«

transmettre

avoir,

xpérience,

oursde mainet

secrets ate-

Page 142: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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140

NOTES

DE

LECTURE

lier . Une telle omme,isible, ommode t ntelligente,anquaitncore n

France,

ù

1'

n

préfère

ouvent es hauteurs thérées t

confortablese la

théorie ux

nécessités

eu

gratifiantes

universitairement

'entend de la

rechercherudite.

ce titre

'ouvrage irigé ar Jacques

erlioz

evrait

igurer

dans toutes es

bibliothèques

'universitét l'achat n être

mposé

tous

es

apprentis-médiévistes

cela leur viteraitien des

impasses,

es

cafouillages

ou des

désappointements.

Les différentes

ubriques

e

l'ouvrage

eflètentien es

principales

rien-

tations e la

«

médiévistique

française

tout u moins

dans son versant

«

livresque

,

la

diplomatique

aisant

'objet

d'un autre

olume. e

domaine

religieux

entenduu sens

arge s'y

taille a

part

du

lion,

depuis

a

Bible

et les textesiturgiquesusqu'auxsermons,uxprières,uxviesde saints taux canons onciliaires.es mises u

point

ypologiques

ont 'œuvre e

spé-

cialistes hevronnés

Nicole

Bériou,

e

père

Bataillon,

oseph

Avril,

tc.).

Il

en estde même u

droit,

omain

ussibien

ue

canonique, our equel

Gérard

Giordanengo

conçu

une véritable

ntroduction,

ourmillant

'informations

et

ouverte des

problématiques

amilièresux

historiens.

acques

erlioz

rédigé

ui-même

e

chapitre

édié ux

encyclopédies

t bestiaires

t s'est

hargé

des enfants héris e

l'anthropologieistoriqueue

sont es

exempla

c'est

aussi à sa

plume ue

l'on doit es

développements

inattendus

ais

fort

utiles

consacrés

ux

lieux ommuns

t

proverbes

t

surtoutux

méthodes

pour

retrouveres citations

'auteurs u

d'anonymes.

Laurence

obis-Sahel,

enfin,

été confiéea tâchedélicate e

nous

guider

ans

'iconographie,ui

fait ctuellement'objetd'une i vive ttentionansque le commun esmédié-

vistes ache bien

toujours 'y

repérer.

Restait traitere

problème,

ifficile ais

central,

es

traductions,

on-

fié

à Gilbert

ahan.

Sans

le

dire

xplicitement

ce

qui

eût été bien

utile

au

lecteur

rofane

l'auteur

imite on

propos

ux

œuvres

hilosophiques.

Tout au

plus

avoue-t-il e

pas

tenir

ompte

es

textes

cientifiques,

u

motif

qu'ils

«

posent

es

problèmes articuliers

.

Voilà

qui

est

dommage,

ar

en

la

matièrees traducteursurent

égion

t leurs

œuvres urent

tilisées ien

au-delà e leurs

hamps isciplinairesespectifs.

l

est

vraiment

urieux,

ar,

exemple,

e

voirAvicenne ité

uniquementour

son

Šifā>

t de

n'entendre

pas parler

u Canon

qui

eut

pourtant

ne

importanceomparable

our

e

MoyenÂge

chrétien.

e renvoi

u

livre e

Sarton t au

catalogue 'incipits

de Thorndike e sauraitmalheureusementemplacerne mise u point,ne

fût-ce

ue

sommaire,

ur un domaine ertesmoins

porteur

,

mais

dont

les étudiantse voient insientièrementxclus.Même i

aucundes

volumes

prévus

e semble ouloir

'aborder,

ageons ue

cette acune era

bientôtom-

blée

par

une

collectionont es médiévistesuront se servir

uotidiennement.

Parmi es services

ue

leurrendra e

volume,

e

moindre 'est

pas

un

«

index es ndex

de la

Patrologie

atine véritable ibledes

étudesmédié-

vales

qui

est

cependant

oin d'êtreutilisée u maximum e

ses

possibilités.

À côtéde ce

classique,

e

chercheur

rouvera es

nformations

jour

sur

es

banques

de données

ui

formeronton horizon ans es décennies venir

atelier

u médiéviste

ertes,

mais

nullement

asséiste

BrunoLaurioux

Page 143: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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NOTES

DE

LECTURE

141

Dominique arthélemy, a société ans e comté e Vendôme e l'an mil

au

xive

iècle,Paris,

Fayard,

1993,

1 110

p.

À

r

époque

médiévale,

es cent

cinq paroisses

u comtéde Vendôme

s'étendentur

quatre

erritoires

isparates

le

Val de Loir aux

cultures iver-

ses,

zone inondable ù

alternentes

prairies,

es

emblavurest

les

vignes

la

Beauce

imoneuse,

iche n

blé

le Perche t la

Gâtine,

ux sols

argileux,

plus

répulsifsl'agriculture.

ntre

an

mil

t

1150,

a

grande ague

es défri-

chements

'abat

sur

a

région.

e

paysage

n est

bouleverséaux lisières

es

bois,

es habitants

es hameaux-ruest des

villages

valaires,

écemment

on-

dés,

font eculer

a forêt. e comte t

quelques

iresde la

périphérie

e la

principauté,ommees Montoire u lesLavardin,ontrôlentette roissance,

empêchant

'érection e forteressesur es corniches es

plateaux.

ls sont

cependantncapables

e

s'opposer

la construction

e châteaux

rivés

ans

les

régionsmarginales

ui

bordent

e bois

c'est de là

que

les sires orestiers

de

Mondoubleau,

réteval u Château-Renaud

nnexent

es

paroisses

oisi-

nes. Tous ces

grands ersonnages

rofitentargement

e l'essor

agricole.

Ils acheminenters

a ville e

prélèvementpéré

ur es

campagnes.

en-

dôme

st e

siège

du

principal

hâteau

omtal.Bien vant

a constructione

ses

remparts

n

1230,

a

cité,

règne

a

paix

du

prince,

st un

lieu sûr.

Protégé,

on

marché ttirea

production

ocale. Par l'enchâssemente

l'éco-

nomique

ans le

politique,

out ieu de

pouvoir

evient lors une

plaque-

tournante

es

échanges.

a villene doit

pas

attendree succès

du

pèlerinage

de la sainteLarme, ttesté, peine, la findu xne iècle,pourconnaître

son

décollage

ommercial.

La

dynastie

omtale

st issue de Bouchard

er

t 1005), compagnon

d'Hugues

Capet,récompenséar

le

nouveau

oi avec a donation

es com-

tés de Paris t de Corbeil.

À

l'ombre e la

protectionapétienne,

l

s'affirme

dans

le

Vendômois,

'où

rayonne

a

puissance égionale.

es

descendants,

combattus

ar

Geoffroi

artel,

nstigateur

u Grand

Anjou,

'engagent

ans

d'innombrables

uerres

u milieu u

XIe

iècle.Leurscombats e sont

pas

aveugles

i

anar

hiques

ils

présentent

n

souci vident 'autolimitationce

contrôle

mitige

'escaladede la violence. hevauchées

rudentes,

scarmou-

ches

ntermittentes,

mbuscades

imides,

uses ans

endemaint

maigres

az-

zias sont

préférées

ux

batailles

angées.

es

unités

homologues

t

rivales

coexistentar e jeu desguerresicinales,ui ustifientn ordre eigneurial

au

profit

es

quelques

hâtelains endômois. oin de

déchirere tissu

ocial,

cette iolence

ndémique

aintientes iens

ondamentauxe la solidaritéin-

dicatoire

es

parentèles

t de la cohésionmilitaire es

garnisons

astrales.

Les sires hâtelains

u

comtéde Vendôme

omptent,

n

effet,

ur un

réseau tendu

e fidèles1. a

féodalité,

uère

ouchée

ar

es

apports

avants

de Fulbert e

Chartres,

st des

plus

contraignantes

our

les

vassaux.En

échange

e

quelques

énéfices,

ispersés

ans 'ensemble

u

comté,

es

guer-

riers oivent n servicemilitairessez

ourd,

omprenant,

otamment,

a

garde

des châteaux

endant

n mois

d'hiver, ttestée,

e

façon

remarquable,ar

la liste es coutumes

erçues ar

Boucharder

ur es villes

oisines e Ven-

1. L'auteurffirme

ue

'utilisationu erme

idelis,lutôtue

assus,

anses hartes

épond

à des ritères

e

distinctionu

de

classe

(p.557),

uipoussent

es

cribesattribuere

plus

prestigieux

e es eux

pithètes

ux

uerriers.

efaudrait-il

as

oir

anse erme

fidèleune

allusion

la foi

u ermente

fidélité,

ite

lus

galitaire

t

moinsumiliant

ue

'hommage

éodo-

vassaliqueuquel

st iévassus

Page 144: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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142

NOTES

DE

LECTURE

dôme. Ils risquenta commise, ocumentée plusieurs eprises ans ce

XIe

iècle

ux

loyautés

mouvantes. ertainsmeurent

our

eur

eigneur.

ers

1040,

ne

charte,

églant

es

rapports

ntre

alomon

er

de Lavar in

et Gau-

tier e

Jeune,

mentionnea

ligesse our

a

première

ois

en

Occident.

Au

XIe

iècle,

'avance

echnique

e la féodalité

endômoise

ermet

u

maître es

châteaux

'avoir es

guerriers

n main.

Honorables u

sommet e

la hiérar-

chie ociale ù

trône

e

comte,

es relations

éodo-vassaliques

eviennentndi-

gnes

la base de la

noblesse,

ù

campe

e

«

ministérial

uppé,

mais

nter-

lope (p. 564)

».

C'est sous

l'emprise

oute-puissante

u

seigneur

ue règne

l'ordre

féodal.

«

Liberté, llodialité,

énérosité

(p.

509)

»,

telle

est la

devisede la

noblesse uXIe iècle.Comme ans 'Empireotharingien,a ligne e démar-cation ntre obles t roturiersépare es libres es serfs, euxqui peuvent

facilement

chapper

la

justice,

e

ceux

qui

relèvent

irectementu

tribu-

nal

seigneurial

l'aversion es

guerriersour

e

plaid

se

manifeste

ans eur

gestion

u

conflit,

ù

protestations

ubliques,médiations,

emandes

'orda-

lie,

duels u

bâtonet

stratégie

e la

tension

raduée

ésamorcente

débat.

Les alleux

paysans

n'existent

as2

en

revanche,

'allodialité

hevaleresque

connaît es beaux

ours

ous des traits

argement

éodalisés

«

l'alleutier

st,

en

somme,

e

seigneur

n fief

p. 356)

». La

prodigalité

nverses

monastè-

res de

la

Trinité t de Marmoutier

aractérisea

noblesse.

Au sein

de

cette

catégorie,

es valeurs

hevaleresques

e diffusentu

sommet es

plus

puis-

sants la

base des

plusdépendants.

ne

«

chevalerie

égnante

domine insi

une« chevalerieervante, maistoutes euxne sontpasmoins ormées etrès nciennes amilles.

Les taxes

qu'elles

exigent

ur

a

paysannerie

elèvent

urtout

e la sei-

gneurie

anale,

de

leur

pouvoir

e

commandert

de

contraindre.a

com-

mendise,

ne amende norme

erçue ar

e

tribunal

eigneurial,

a

corvée

u

charroi,

'impôt ublic

du

cens

ou

le banvin ont

bien

attestés

u

xic

iècle.

Au

xnie

iècle,

a

châtellenie

égularise

es

prélèvements

n

formalisant

es

gîte,

aille,

an et taxes

d'usage.

Autour e l'an

mil,

a

servitudeait

'objet

d'un rituel

articulier,

ù les chartes ontdes

instruments

iturgiques

ssen-

tiels c'est sur 'acte

d'affranchissement,

osé

sur

a tête

de

l'ancien

erf,

que

les

propriétaires

ont a

croisade,

es

signes

e croix

ymbolisant

a

manu-

mission. 'autodéditionux

monastèresst

courante elle se

fait a

corde

du clocher u cou et lesquatredeniers u chevage ur a tête.Ce langage

gestuel

raduit,

ux

yeux

de

tous,

a

soumission Dieu

et aux

moines.

À

l'opposé

de

l'échelle

ociale,

es membres

u

groupe

nobiliaire

ré-

sententne forte ohésion

ignagère

t une

profonde

onscience

e la

parenté

jusqu'auquatrièmeegré

e la

computation

omaine,

ommee

montre'étude

du vocabulaire3. e

rapport

ntre

e

père

t l'aîné est

des

plus

étroits,

ans

un

milieu

ù

la

primogéniture

st écrasante le

passage

du

flambeau e va

pas,

cependant,

oujours

ans

heurts

la

longévité

u

père,

'empire

e la

veuve u la convoitisees

proches arents

ttisentes

conflits

ntrafamiliaux.

La solidariténtre rèresst

un

fait ocial

marquant,

out

omme e rôledes

2. Sur e

point,

'auteuruites echercheseC.

Amado,

L'alleu

aysan

-t-il

xisté

n

France éridionale

utour

e

'anmil

»,

dans a Francee

'art

il,

.Delort

d.,

aris,990,

pp.

42-161.

3. Cf. e ableau

.

516,

Vocabulaire

e a

parenté

,

qui

urait,

eut-être,

û ccueillir

ri-

vinus,

beau-fils

,

cité ans ndocumente

'époque

p.

546).

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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NOTES

DE

LECTURE

143

bâtards, lacés encontrebases fils égitimes,ais out e même n réserve

du

lignagep.

539)

».

Le

mariage

st

principalementsogame64

°/o

es unions

matrimoniales

tudiées

our

es

XIe

t

xiie

iècles),

vec une

nette endance

à

l'hypergamie

26 %)4.

En

définitive,

es structures

arentélaires

ont la

noblesse

e

que

les structureslientélaires

ont

à

la

chevalerie.

Reprenant

n modèle

développé,

l

y

a

dix

ans,

pour

a

seigneurie

e

Coucy,

n

Picardie5,

.

Barthélemylace

a

mutation

a

plus

radicale

e la

noblesse

endômoiseutour

e 1150.

Jusqu'alors

es chevaliers

emeuraient

à

l'intérieures

remparts

u château u maître les

Rouperon

u

les Joscelin-

Fulcrade

taient,

ar exemple,

ien

mplantés

ans e vicus

u la rua vassa-

lorum e

Vendôme. ls descendent

ésormais ers e

plat

pays

ils

bâtis-

sentdes forteressesecondaires.es membres esgarnisonshâtelaines,es

guerriers

e basse-couru ces vassauxde second

rang

désertenta vaste

demeure e leur

maître

our

'installerans eurs

ésidences

urales. a

por-

tée sociale

de cette ranslation

st

grande.

a fonction es mesnies astrales

change,

une

époque

ù les

conflitsicinaux

'estompent

ceux-ciont

elayés

par

a

grande

uerre

ntre

apétiens

t

Plantagenêtsui

se

concrétise,

u

cœur

même u comté e

Vendôme,

ans a

célèbre ataille e Fréteval

1194).

C'est

au

finfonddes

campagnes

ue

l'on trouve ésormaises

chevaliers,

arés

du titre

eigneurial,

vavasseurs

lus

ou moins

ossus,

hevaliers la

retraite,

prud'hommes

loignés

es courset

quelque peu

récréants

p. 762)

». Dans

un

imaginaire

euplé

de chevaliers

rrants,

ui

font es châteaux uraux e

gîte

e leurs

tapes,

e roman rthurien

eproduit

ette

ouvelle

éalité ociale.

En quittanta ville, es guerriersgissentontre e sens de l'histoire

ils deviennent

uraux u

temps

de l'urbanisation.

es nouvelles litesdu

xiiie

iècle

e constituent

ans es

cités.

Légistes

t

bourgeois,

eprésentants

d'un

patriciat

rbain ans

ibertés

ommunales,

ont

eur

fortune ces

par-

venus

cquièrent

es

fiefs obles. ar contrastevec

a

prospérité

e ces nota-

bles

citadins,

e monde

ost-chevaleresque

'engouffre

ans une obsolescence

que

l'auteur

'hésite

as

à

qualifier

'appauvrissement.

ne

plèbe

nobiliaire,

toute

vavassorale,

st confinée

l'armigérat

l'adoubement

st

abandonné

à

partir

e

1240,

parce ue

trop

oûteux de nombreux

uerriers

ttendent,

en tant

qu'écuyers,

ne chevaleriencertaine.

lusieurs

amilles,

t

pas

des

moindres,

ombentn

quenouille

ces

naufrages

mpêchent

es

Lisle

ou les

héritierses

prévôts

e

Vendôme,

e franchire

cap

difficilees années 300.

La fiscaliténgevinest,en partie, esponsablee ce malaise hevale-

resque.

À l'imitationes

Plantagenêts,

harles

er

perçoit

es revenusur es

fiefs es

orphelins,rive

eurs

parents

e la tutelle u encaisse e relief e

façon

busive.

l

fait

mprisonner

'un des

principaux

embrese la famille

de

Montoire,

éritière

e la baronnie omtale e Vendôme

partir

e

1219

parce

ue

celui-ci vait

ontesté ne de ses décisions evant aintLouis. On

est heureux

e constater

ue

le

caractère

utoritaireu

gouvernement

t

de

l'administratione

Charles

er

n'est

pas

un thème

orgé

e toutes

iècespar

la

propagande ibeline

n Méditerranéeles récriminationses scribes

ata-

lans,

des troubadours

rovençaux

t des

chroniqueurs

iciliens rouvent

eur

pendant

n

Val de Loir. Si les nouveaux omtes e Vendôme

iennent

on

4.

Undesmérites

e

ettetude

p.543)

st 'avoir

aitntrern

igne

e

ompte

e statut

d'héritière

our

esfilles

t a

différence

ntre

înés

t

adets

our

es

garçons,

e

qui

hange,

évidemment,

a natureocialees

mariages.

5.

Les eux

ges

e a

seigneurie

anale.

oucyxf-xnt*iècle),

aris,

ublicationse a

Sor-

bonne,984,

otamment

hapitre

I.

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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144

NOTES

DE

LECTURE

face u roi de Sicile, panagé ur eurs erres,e n'estpas seulementn rai-

son

des entraves

ises

ar

saintLouis à son

cadet

trop ntreprenant.

'est

aussi

grâce

leur

fidélitéu

systèmeignager,

andis

ue

l'observance e la

primogéniture

st

encouragée

ar

e nouveau roit éodal l'absence e rami-

fications

t

de

branches

ollatéraleseur

permet

e conservera baronnientè-

gre

et

indivise. 'est là

une moindre onsolation

our

cette

ynastieyant

perdu

une

partie

onsidérable

e sa

puissance

t de son

prestige

'antan

Le récit

ontinu,

ue

nous avons

mené,

bon

escient,

ans es

lignes

qui précèdent,

rahit

ertainement

a

pensée

t,

surtout,

a méthode

mployée

par

'auteur

ans a rédaction

e

l'ouvrage.

a société ans e comté e Ven-

dômene

répond

as

à

la démarche

inéaire

u'imposerait

n

plan préconçu.

Son agencementait, u contraire,essortires lacunes e la documentationutilisée.l met nreliefes deux emps orts es sources endômoisesceux

du

«

nouveau

tyle

et du

«

style

avant

. Le

premier

e situe ahs es années

1040-1070,

ienéclairées u

lendemain e

la

confectiones

grands

artulai-

res

monastiques

e la Trinité

t de Marmoutierles

chartes-notices,

ans es-

quelles

es scribes

arlent

u

passé

t

à

la troisième

ersonne,

aisant e l'his-

toire

ans e

savoir,

émoignent

e

l'irruption

e la

narrativitéu milieu u

XIe

iècle. La deuxième

ériode

ntervienters 1230 un rôle

accru

est

accordé l'écrit

ans es relations

ociales le

triomphe

u droit

avant,

e

la norme

t du

stéréotype,

fface,

ependant,

es charteseur

pontanéité

t

leur

précision assées.

En

l'absence

e notariat u de

tabellionage,

es actes

sont curieusement

oinsbien conservés

u

xiiie

iècle.

Une réflexionur a productiones sources t sur a nature e l'écriture

médiévale onde

a thèse

principale

e ce livre l'an

mil

n'a

pas

connude

mutationéodale.

out au

plus

un

changement

ans a rédaction es

chartes

intervienters

1050,

reflétant

avantage

'évolution es mentalités onasti-

ques

que

de

prétendus

ouleversements

ociaux.

l

n'y

a donc

pas

eu de

«

révolution

,

mais

une

«

révélationéodale

. D.

Barthélemy

'hésite

as

à

qualifier

a méthode

e nominalisme

u de

néo-positivisme.

u'on

nous

permette

e mesurerci

es

risques

'une dérive

ers

'immanentisme,

ù tout

serait

ntérieur

tout t où l'au-delà

e la charte erait

mpensable,

insi

ue

vers

'inter-textualité,

ù le document

e suffirait

lui-même,

ndépendam-

ment

u contexte.

l

n'empêche ue

les

prises

e

position

e l'auteur ont

toujours

ien

rgumentées

t

que l'esprit

e cet

ouvrage

ouffleur oute ne

jeune génération'historiensui fontde la « nouvelle rudition le point

clef

de leurs

recherches6.

Aux

yeux

e

l'auteur,

lusieurs

lémentsu

système

utationniste

éri-

tent 'être

econsidérés.

ls

procèdent,

n

effet,

avantage

u

travers

es his-

toriens

privilégier

'innovation

ur a

continuité

ue

d'une

exploitation

es

sources

ttentive

ux conditions

e leur

élaboration le chercheurst

trop

avide

de découvrir

es années

harnières

ui organiseraient

ationnellement

le

plan

de ses

publications.

'apparition

ubite

e

l'agressivité

ncontrôléee

l'aristocratie

n

l'an

mil

est,

somme

oute,

e fruit

'un

mirage

ocumen-

taire.

lle coïncide

vec

a narrativité

es

chartes-notices,

arcies e

ugements

de

valeur,

ù,

pour

a

première

ois,

'accent st mis sur es voies de

fait

utilisées

e

longue

date

par

la noblesse

our augmenter

on

patrimoine

u

détrimente clercs t de paysans. es calumnie u réclamationsormulées

6. Nous

ensons,

otamment,

uxthèses

'historiographie,

outenuesn

anvier

994,

d'I.Heullant-Donat

ures

hroniques

niverselleses ranciscainsmbriens

tdeF.

Collardur

Gaguin.

Page 147: Medievales - Num 27 - Automne 1994

8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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NOTES

DE

LECTURE

145

par es nobles ontre es aumônes ccordées ar eurs arents ropgénéreux

recouvrent,

e

même,

ien

plus

des

tractationsifficiles

u'une

quelconque

montée e la violence. a Paix de Dieu ne saurait tre

nterprétée

omme

une réaction u déclenchement

e la

guerre rivée,

mais

comme a

prise

de

conscience e la nocivité

e

pratiques taviques ar

un

clergé

ue

les

réfor-

mes

monastiques

u

Xe

iècle uraient endu

plus ntransigeant.

a réussite

socialedes milites 'extraction

odeste,

enus

rossir

es

effectifses

garni-

sonscastrales

n

pleine

roissance,

erait

galement

ne vue de

l'esprit

plus

prestigieux,

e titre

hevaleresqueemplace l'époque

'épithète

obiliaire,

ussi

bienau sein

de la

très

hautenoblesse

ue

de la

noblesse

ui

lui est subor-

donnée t cette volution

e la

titulature donné ieu à biendes malenten-

dus les alleutierse sontpas despaysansibres triches, romis une rré-sistiblescension,mais dea noblesfieffés. ienne

permet,

nfin, e faire

intervenirutour e l'an

mil

a

genèse

es structures

ignagères.

n

somme,

la

critique

u modèle

e la mutationemet n causebien

des

acquis

de l'his-

toriographie

rançaise

es

dernières écennies.

Les

critiques

e D.

Barthélemy

nsistentur a

modestie t sur a

pru-

dence nhérentesu métier

u

médiéviste,

rop

ouvent nclin

prendre

u

premieregré

es données xtraites

es

chartes

t

des cartulaires.

lles

se fon-

dent urune

approche riginale,

ubtile t

pondérée

es

sources,

clairées 'un

jour

nouveau. lles

n'emportent

as toujours

'adhésion u lecteur.

on

corpus

est

trop

réduit

our

e

Xe

iècle7 les neuf ctesdu comté e Vendôme ont

bien

pâle figure

n

comparaison

vec es

quelque

mille

hartes,

es

originaux

pour a plupart,ueP. Bonnassie puutiliserour a même érioden Cata-

logne.

Est-il,

ès

lors,

uste

de

parler

e

révélation,

u

xic

iècle,

'une vio-

lence

ui

aurait

éjà imprégné

es structuresociales

d'un

xc

siècle,

u

sujet

duquel

a documentationendômoisee nous

pprend as grand-chose

Peut-

on,

de

même,

ffirmer'anciennetée la noblesse e familles

hevaleresques

sur

esquelles

n ne sait rien vant

'an mil8 En

outre,

à où

ellesont été

systématiquement

xploitées,

es archives u sol confirmenta

portée

e la

révolutionastrale

u

xic

iècle les

prospections

rchéologiques

oire es

fouilles

enées n Charentet dans e comté

auphinois

e

Sermorens,

ppor-

tent

lutôt

e l'eau

au moulin

mutationniste9.

ourquoi,

'ailleurs,

aire

i

de

la diversité

égionale,

lors

qu'on

sait

e rôle

que

des

circonstances

oliti-

ques

spécifiques,

troitement

iées

à telleou tellefamille

rincière,

nt

pu

jouerdans le déclenchement'un cyclede violence

Ces

quelques uestions

montrentout

'intérêt es discussions

ctuelles

autourde la

mutation

e l'an

mil10,

ans

lesquelles

D.

Barthélemy

'est

engagé

vec

passion11.

une

époque

de

consensualisme

rénique,

e

débat

7.

Il

est,

n

revanche,

enseu débutu

xn<

iècle,

ériode

ù

es hartesonterriblement

défaut

nOccitaniet n

Catalogne.

'est

a

qualité

e es ources

our

ette

ériodeui ermet

à D.

Barthélemy

e

démontrer,

vec

orce,

a descentees

hevaliersu hâteau

ers

e

plat ays.

D'après

'auteur,

es

26

ctes e a

première

oitiéu

xi<

iècleeraient

uffisants

our

efaire

une dée e a sociétévanta crise

ue

d'aucuns

lacent

utoure 1060.

8.

Cf. .

Bonnassie,

Une amillee a

campagne

arcelonaiset

es ctivités

conomiques

aux lentourse 'anmil

,

AnnalesuMidi

1964,

p.

61-283,

vec

'exemple

e

'ascension

sociale

es

Vivas

e

Provençais,

ne

ignée

emilitesien

ocumentée,

ar

ontraste,

anses

sourcesatalanesux< iècle.9. A.Debord,The astellanevolutionnd he eace fGod nAquitania,The eace

of

God n

Aquitania

Th. H.

Head,

R.

Landes,d.,

thaca-Londres,

992,

p.

35-164

M.

Colardelle,

.

Verdel,

hevaliers-paysans

e

'an

mil

u acde

Paladru,aris,

993.

10.

Faut-il

appeler

ci e

numéro

1de

Médiévales

entièrement

onsacréce débat

11.

La mutation

éodale-t-elleu ieu

(Note

ritique)

,

Annales.

conomie.ociété.ivi-

lisation,992,

p.

67-777.

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146

NOTES

DE

LECTURE

provoque e sainesremisesn question. ncorefaudrait-ile dépassionner,

en reconnaissant

ue

sa dimension

déologique

'est

pas

si étendue

u'on

le

prétend arfois.

l est

artificiel

e trouver es

mplicationsolitiques

u

phi-

losophiques

la

chronologie

e la mise n

place

des

structures

ites

féoda-

les,

qu'elles

oient

pparues

entementans e

temps

ong

d'une

transition,

s'étalant

ntre 'effondrement

e

l'Empire

omain t l'an

mil12,

u

qu'elles

aient

ubitementransformées relationsocialesdans e

temps

ourt e la

proclamation

es

capitulairesarolingiens

telle emble

tre,

la

suitede

M.

Bloch,

a

position

e D.

Barthélemyp. 364)

-

ou de la crise

hâtelaine

de l'an

mil.

Cet

ouvrage

uscite 'admiration.

'ampleur

u travail ourni

st exem-

plaire il se fonde ur undépouillementinutieuxt exhaustifesarchiveset surune ecturexigeantee leurs ocuments.es méthodesmployéesont

fort iverses ans une étude ù

l'exploitation

u

cadastre

ôtoie,

vec bon-

heur,

'établissemente la

généalogie,

a

transcription

'une chartemal édi-

tée ou

l'analyse

e

changementsnthroponymiques.

a

profondeur

t a lar-

geur

des

problématiques

st issue d'une connaissance

ritique

e la

biblio-

graphie

a

plus

récente,

ussibien

historique

u'anthropologique

u sociolo-

gique.

Faut-il

our

autant aire es défaillances

'un

style

ù

sous-entendust

allusions

oiléesne

manquent as,

rendanta

lecture

e

La

société

ans

e

comté

e Vendôme i ardue

En

dépit

de

quelques

formules

eureuses,

e

livre,

ux subtilités

t aux nuances éroutantes

3,

ne

brille

as par

sa clarté.

Si les théories e G. Duby- qui démontra,e premier,a naissance ubitedes châtellenies

ndépendantes

utour e l'an mil 4

,

de P. Toubert

qui

mit ur e

compte

e

la contrainte

eigneuriale

'incastellamento,

e

regroupe-

ment es

paysans

ans les habitats e

hauteur15 et de P.

Bonnassie

qui systématisa

es modèles utourde la notionde

mutation16

prêtent

aujourd'hui

e flanc la

critique,

'est,

en

partie,

arcequ'elles

vaient

limpidement

xposées

leurs

onclusions

e

connaissaient

as

ce

clair-obscur

dont

'ambiguïtémpêche,rop

ouvent,

e donner

rise

ux

arguments

es

détracteurs.

ais,

en

l'occurrence,

es

défauts

ormels

u livre e D.

Barthé-

lemy

ont

nsignifiants

u

regard

'un fond

dont e caractère

ovateurlève

le Vendômois

u

rang

des

principautés

ui,

comme e

Mâconnais,

e Latium

ou

la

Catalogne,

marquent,

e

façon

écisive,

oute

ne

génération

e médié-

vistes.

Martin

Aurell

12.Cf.notamment.M.Salrach,lprocèse eudalitzaciseglesII-XII),arcelone,987.13.L'on emarquera,ureplanypographique,enombrelevé eguillemets,ransformant

le

sens

riginel

'un

mot,

u de

points

e

uspension,

rahissantn

raisonnementnachevé.

14

La sociétéux

i'

et

xn<

ièclesartsa

région

âconnaise

Paris,

971

2e dition).

15.Les tructures

u

Latium édiéval

Rome,

973.

16. a

Catalogne

umilieuu

x*

la

fin

u

xr

iècle.

roissance

t

mutations'une

ociété,

Toulouse,

975.

Page 149: Medievales - Num 27 - Automne 1994

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NOTES

DE

LECTURE

147

Jean-Claudechmitt, es revenantsLes vivantstles morts ans a société

médiévale, aris,

Bibliothèque

es

Histoires, allimard, 994,

306

p.

Les revenants

euplent

otre

maginaire

u

MoyenÂge.

Les folkloristes

déjà,

dans a

première

oitié e ce siècle

en particulier

ierre

aintyves),

et,

plusprès

de

nous,

des historiens

omme laude Lecouteux1e sont nté-

ressés cet

aspect

out

fait

fondamental

e

la

culture

médiévale. e beau

livre e Jean-Claude

chmitt inscrit

ans une

perspective

utre.

ntégrant

certes es

apports

es études

nthropologiques

es

plus

récentes

ui permet-

tentde

révéler e

qu il

y

a de

profondément

humain dans

1

pparition

des

morts,

l

s attache abord

montrer

commentes

croyances

t l ima-

ginaire épendentvant outdes structurestdu fonctionnemente la sociétéet de la culture une

époque

donnée . Cette

poque

c est le

Moyen

Âge

dans

son

ensemble,

ais

vec un

éclairage rivilégié

ur e

«

MoyenAge

cen-

tral

. Comment

onc es vivants

u

MoyenÂge

ont-ils herché se souve-

nir de leurs

défunts

t surtout les

oublier

«

Les

revenants...

existent

ue

par

la force de

l imagination

es

vivants

(p.

75).

Ils

apparaissent,

leurs

rochesconfinibus

t

amicis), en-

dant

a

période

e deuilou

pendant

es

grandes

êtes

iturgiques

Noël

et les

Douzes

Jours)

u encore

e

lundi,

our

des

morts,

urtout

a

nuit,

près

de

leur

ieu de

sépulture,

ans es

cloîtres,

ans leur

maison,

orsqu ily

a eu

un

dysfonctionnement

u

«

rite

e

passage

de l ici-bas

l au-delà,

orsque

les rites

e funérailles

t

de deuil

liés

au

péché,

la

pénitence

t au

salut),

pourdiversesaisons, ontpas pu se faire u se sontmalfaits.Les reve-

nants

ont

un

«

produit

xacerbé

une mémoire

vif

(p.

248).

Ils sont

souvent,

malgré

a

conceptionugustinienne

spiritualiste

de

l âme,

d une

grande

corporéité

,

impression

e

présence

enforcéencore

ar

e discours

en

style

irect

u on

leur

prête,

ien

ouvent

éponse

un

interrogatoire

u

bénéficiaire

e la vision.

Grâce

l utilisation

e

l iconographie,

ean-Claude

chmitt

eut

dresser

une

typologie

es

modesde

figuration

es revenants

pp. 234-243) type

e

Lazare

le

revenant-ressuscité),

ype

du

vivant,

ype

de

l âme,

type

du fan-

tôme

qui

naîtà

la fin

du

xnie

iècle t

qui

reste

are), ype

macabre

cor-

respondant

ux

«

crises

u

MoyenÂge »)

et

présence

nvisible. e

gisant

e

la fin u

MoyenÂge

présenteuelque

nalogie

vec e revenant

il est

image

d unmort t contribuemaintenira mémoireil ressembleu vivant u il

estcensé

eprésenter

mêmes

raits u

visage,

mêmes

êtements)

il

a les

gestes

de la

prière,

n

signe

attente

es

suffrages

es vivants. es revenantesont

rares.Les

revenantses

plus

nombreuxont es défunts

ui

viennent

isiter

leur veuve

pour

s assurer

e leur succession.

Il existe u

MoyenÂge

deux

ypes

énonciation

es

récits

e

revenants.

La

grande

majorité

ont

des récits

apparition

ransmisralementt trans-

crits

ar

un

clerc,

ui

relatent,

a

plupart

u

temps,

a vision veillée

autrui

(plus

crédible

ar moins iscréditée

ue

le

rêve).

Le second

ype

oncerne

es

récits

utobiographiques

ui

racontent,

e

plus

souvent,

ne

apparition er-

sonnelle

ontenue ans un rêve.Dans

le second as le revenant

pparaît

ous

une forme

ncertaine,

lors

que

dans

e

premier

as sa

forme st

plus

claire,

1

Pierre

aintyves,

n

marge

e a

égende

orée,

onges

miraclest urvivances.ssai ur

la

formation

e

uelques

hèmes

agiographiques

1930,

ééd. obert

affont,

ollection

ouquins,

Paris,

987. laude

ecouteux,

antômestrevenantsu

Moyen

ge,

aris,

mago,

986.

ean-

Claudechmitt

onneenombreux

léments

ibliographiques

ur

e

sujet

nnote

p.

259.À

la

ligne

decette

ote,

l fautire tudesurales

tnon

thnologie

urale.

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NOTESDE

LECTURE

149

à unechristianisationesapparitionserevenants,ême i Tontrouvencore,

en

plein

xve

iècle,

es

«

traditions

olkloriques

es

plus

sauvages

(p. 174).

L ouvrage

e Jean-Claudechmitt era

date car

il

marque,

ncontesta-

blement,

n tournant ans l avancéede

l anthropologieistorique

grande

méfiance is-à-vis u substrat

réchrétien

utant

ue

vis-à-vis es éléments

«

folkloriques

;

attitude

rudente

ui

montre e

refusde deux

types

de

recherche

la recherche un

symbolisme

niverselt la

recherchees

origi-

nes. Même i

beaucoup

e

pratiques

t de

croyances

elativesux revenants

révèlenta nature e l homme t sont ntérieuresu

christianisme,

llesont

trouvéeur

place,

n se

modifiant,

ans es

représentations

hrétiennes.ean-

Claude

Schmitt

tudie

eulement

et

c est

déjà

beaucoup)

e revenant

édiéval.

DidierLett

Jean

Gobi,

Dialogue

vec un

fantôme

dossier

tabli,

raduit t annoté

ar

Marie- nne

Polo de

Beaulieu,

Les Belles

Lettres,

a roue à livres/Docu-

ments, aris, 1994,

185

p.

À

Noël

1323

ou 1324),

une femme Alès vient

rapper

la

porte

du

couvent

es dominicainst affirme

u elle

entend a voix de

son

mari,

Gui

deCorvo,décédéhuitours uparavant. eanGobi,prieuru couvent omi-

nicain

Alès,

décide lorsd assister

a

veuve t de mettre

ar

écrit événe-

ment.

Accompagné

e

religieux

t de

notables e

la

ville,

l

réussit

engager

un

dialogue

vec le

défunt,

ntre

e 27

décembre t

l Épiphanie.

Qui

pouvait

tremieux

lacéque

Marie-Anneolo de

Beaulieu

our

di-

teret commenter

e document e toute

premièremportance1

Le dossier

qu elle

nous

propose omprend

es traductionsu

procès

verbal

édigé eu

de

temps près

es événements l intentionu

pape

Jean

XXII,

du dossier

épistolaire,

u traité e

spiritu

uidonis

rédigé

ers

1334)

t

de six

exempla

issus

de la Scala Coeli relatifsux revenants.a

pièce

maîtressee ce dos-

sier est le

traité,

crit n

latin

dont

Jean Gobi n est

pas

nécessairement

l auteur), ui

se

présente

ous

a forme

e

38

questions, apparentant

une

disputadocolastique. e texte connu,grâce n grande artie la proxi-

mité

un

public

vignonnais

cquis

d avance,

n

réel uccès la fin u

Moyen

Âge.

En

introduction

pp.

3-47),

Marie- nnePolo de

Beaulieu etracea

récep-

tiondu

texte,

ndique

es

multiplesjouts

au

coursdes siècles

t cherche

savoir

uelles

nt té es sources u traité les

questions

9

à

74

de

la

Somme

théologique

e saint homas

Aquin ui portent

ur e

Purgatoire,

e livre II

du

Livre

des Merveillese Gervais e

Tilbury,

elatant histoire u

revenant

de Beaucaire

début

du

xnie

iècle)

t les livrets

exorcismet le

Rational

de Guillaume

urandde Mende

fin

du

xiiie

iècle).

Elle nous

aide ainsi à

mieux avoir

uel

sens donner ce

«

dialogue

d outre-tombe. Le but de

JeanGobi est clair informeres

contemporains

ur

au-delà.

l

interroge

l esprit e Gui de Corvo sur a localisation u Purgatoire,ur es démons,

sur

es

prières

ux défunts u sur a vision

éatifique.

e

Dialogue

st

écrit

1.

Marie-Anneolo e

Beaulieu,

a

Scala oeli

e

Jean

obi

Paris,

991.

ompte-rendu

dans

Médiévales

°

26,

printemps

994,

p.

42-143.

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NOTES

DE

LECTURE

151

l anonymat,ans être a règle, tait réquemmente lot.Or, le premierans

le domaine e la littérature

rançaise,

hrétien e

Troyes

manifesténe

véritableonscience

auteur t sa

production

e

distingue

ntre utres

ar

la

place qu y

prend,

omme

écritD.

Poirion,

le nom de l artisan

u

texte

.

Chrétienffiche e fait on

nom n trois

ndroits e son

œuvre,

t

c est

là somme

oute

peu près

out

e

que

nous connaissons e ce

personnage.

On situe on

activitéittérairentre

170

t

1185

t l on

peut

upposer u il

avait

cquis,

u

moins

our

a rédaction e ses deuxdernières

randes

œu-

vres,

Lancelot u

le Chevalier e la Charrettet

Perceval u le Contedu

Graal

le statut écrivain e cour la

première

ui

fut ommandée

ar

la

comtesseMarie de Champagne, illed Aliénor Aquitaine, t la seconde,dont n sait a fortune

pas

moins e quatre ontinuationse ce roman irent

le

jour

dès le

premier

iersdu

xine

siècle),

fut

composéepour

Philippe

d Alsace,

mi

de la comtesse. hrétien e

manquepas

d inscrireon nom

dans

es

prologues

e

ces deux

«

romans

,

maisc est dès le

prologue

e sa

première

uvre,

rec et Enide

premier

oman

français

u

cycle

rthurien

dontHartmannon

Aue donnaune

daptation

ourtoiseers

185,

ue

Chré-

tien e

présente

u lecteurn

ndiquant

on

origine

éographique

en se

nom-

mant de Troies

,

Chrétien

aisse ntendre

u il

est lors

loigné

e sa

ville,

tout

comme,

la même

poque,

a

mystérieuse

arie de

France,

vraisem-

blablement

nstallée la cour de

Henri

I

Plantagenêt qui

elle dédia ses

célèbres

ais

rappelle galement

où elle vient la

fin

du

recueil

e ses

Fables « Marie ai nun,si sui de France.

Ce n est

pas

le seul

point

ommun

e Marie

de France t Chrétien e

Troyes

tousdeux e nourrissentn

effet e contes u de lais

«

celtiques

,

et tous deux

e

prétendentupérieurs

ux

simples

onteurs

mais,

andis

ue

Marie e

présente

vant out omme n traducteuroulant

mpêcher

es textes

de

sombrer ans

oubli,Chrétien,ui,

puise

dans

adite matière e Breta-

gne

la substance e ses

«

romans

,

terme

ui, après

voir

aractériséne

langue,

e

français,

uis

touteœuvre crite ans cette

angue, ésigne

ette

nouvelle orme

ittéraire

ui s épanouit

u

xiie

iècle t dontChrétien

ppa-

raîtcomme e

pionnier,

marquant ar

son

art,

toujours

elon D.

Poirion,

«

une

étape

décisive ans a création une ittératuree

langue

rançaise

.

Chrétien

uteffectivementort

roductif,

t

encore outes es

œuvres

n ont-ellesas traversées siècles desécritsu il revendiqueour iens ans

le

prologue

e

Cligès

trois

daptations

Ovideen

français

les

Commande-

ments Ovide

YArt

d Amour t

La

Morsure e

l épaule,

et un

poème

nti-

tuléLe

Roi Marc et Yseut a Blonde ont

ujourd hui erdus.

rec et Enide

est a seule œuvrementionnéeans

ce

prologue ui

ait été

conservée,

vec

La

Métamorphose

e la

huppe

de l aronde t du

rossignol

autre exte ns-

piré,

omme a Morsure e

l épaule

du livreVI

des

Métamorphoses

et

par-

venu

usqu à

nous sous

le titre e

Philomena.

Le

présent

ecueil

ontient

insi,

utre

es

cinqgrands

omans ont attri-

bution Chrétien e

Troyes

stdéfinitivement

cquise,

des écritsmoins on-

nus,

que

la

tradition

pourtant lacés

ous son autorité t

qui

devaient ès

lors rouverussi eur

place

dans un

volume assemblantes

œuvres

omplè-

tes, omme hilomenaGuillaume Angleterretdeuxchansonsourtoises.

encore,

édition

roposée ar

D. Poirion t

ses collaborateurse

distin-

gue par

deux

partis ris

novateurs tout

d abord,

ordredans

lequel

sont

présentés

es

romans es

plus

fameux e Chrétien

e

Troyes

a contre

ertai-

nes habitudes

eçues

t,

après

Erec et Enide

et

Cligès,

n voit ci

Lancelot

Page 154: Medievales - Num 27 - Automne 1994

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152

NOTES

DE

LECTURE

succéder,u nom d uneplusgrande raisemblancehronologique, Yvain

ou le Chevalieru Lion roman

u il précède

ans a

plupart

es autres

di-

tions Perceval

pour

sa

part,

lôt normalementa série.

Viennentnsuite es œuvres

iverses,

armi

esquelles

es

éditeurs nt

choisi

de faire

igurer

uillaume

Angleterre

un

texte

ybride,

ntre a vie

de saint t le roman

aventures,

onservé ans deux

manuscrits

eulement,

et

que

n a

pas

retenu

ar exemple,

malgré

a

mention

u

nom de

Chrétien

dans e

prologue

e

cette

œuvre,

édition es Romans e

Chrétiene

Troyes

parue

hez Hachette ous

a direction e

Michel ink. Anne

Berthelot

end

compte

e la

présence

e

ce

Guillaume

Angleterre

u sein

des Œuvres

om-

plètes

de Chrétienn

expliquantue

«

cetteœuvre

été

considérée

endant

des années, oiredes siècles, omme aisant artie es œuvres e ChrétiendeTroyes etqu « à ce titre,a placedans ce volume e justifie, e serait-

ce

que

par

défaut . Ce texte u demeurantout

fait ntéressant

aitdonc

figure

e

pari, pris

au nom du souci

d exhaustivité.

La même olonté e montrerart de

l auteur ans sa

globalité

d ail-

leursmotivé

e choixdes manuscrits

ur

esquels

e

fonde a

présente

di-

tion,

ui

ne

prive as pour

utant e lecteur e

nombreuses

ariantest on

ne

peutque

se

réjouir

avoir

ntre es mains

n volume

mariantussi

har-

monieusement

rudition,

xhaustivitét isibilité

non seulement

e lecteure

repère

rès isément ans es différentsomans e

Chrétien

râce

ux

titres

courants

ntroduits

ar

éditeur,

ui indiquent

rièvement

e contenu u

texte

en tête es

pages mpaires,

ais

chaque

œuvre ait

objet

d un

copieux

os-

sier omprenantneNotice, neBibliographie,ne Notesur e texte tsur

la

traduction,

t les Notes et variantes.

Traditore traduttoreest videmmenta

question ue

l on

peut

e

poser

à

propos

e toute

ntreprise

e ce

genre,

t

d aucuns

pourront

egretterue,

dans cette dition

ilingue,

e texte

riginal

oit

relégué

n

pied

de

page

et

dans

un caractère

lus petit ue

celuide la

traduction,

u

que

la

traduction

elle-même,

yant

délibérément

ésolude ne

pas

privilégier

e rendu

ittéral

au détriment

e

l aspect

ittéraire,

isqueparfois

e

tomber ans une

prose

privée

e

sa

saveur

riginelle.

ais,

à

encore,

n ne

peut

que

saluer hon-

nêteté e l éditeur

cientifique

t de ses différents

ollaborateurs,

ui

rendent

systématiquement

t

scrupuleusementompte

es

partis rispour

a

traduc-

tionde

chaque

exte,

t des raisons

ui

les ont

poussés adopter

u au con-

traire fuir elle u telle ttitude.a plupart entre ux ontvoulu écarter

du vocabulaire

gothique

et évitere

«

style

roubadour

,

mais a

spécifi-

citédu

lexique

e Chrétien e

Troyes

est

pas pour

autant

ommée, uis-

que

grand

ombre

e termest de notions ontrassemblést

expliqués

ans

un riche

Répertoire

la

fin

du volume.

n

définitive,

l

y

a dans

ces Œu-

vres

omplètes

e

quoi

satisfaire

t ntéresserous es

amateurs

e

littérature,

quel que

soit eur

degré

e connaissanceu

français

u du monde

médiéval,

et l on ne

peut que

faire

ien,

à

propos

de cet

ouvrage,

e vœu émis

par

D. Poirion

u

sujet

de Chrétien

e

Troyes

«

qu il

trouve a

place

dans

es

bibliothèques

e tous

es lettrés.

LaurenceMoulinier

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NOTES

DE

LECTURE

153

Émilevan Balberghe, Les manuscrits édiévaux e l abbayede Parc

Bruxelles,

992 AlainFerratorit ÉmileVan

Balberghe,

ibraires

Documenta

et

Opuscula

13),

189

pp.,

12

pl.,

index

noms

de

personnes,

anuscrits).

Dans une

préface

avoureuse

et sur

aquelle

ousreviendrons Jean-

François

Gilmont étonne vec

perfidie u Émile

Van

Balberghe

ait

pas

intituléon

ouvrage

nalecta

«

mot atin

qui]

renvoie ux miettes

t ramas-

seursde

miettes. Faute de

pouvoir

éalisera somme

ue

suggère

e

titre

de son

livre,

auteur,

niversitaireevenu

ibraire,

en

effet assemblées

articles

u il

a

consacrés,

ntre

969

t

1974,

l important

onds

manuscrit

détenu

u

Moyen

Âge

par abbaye

norbertinee Parc en

Belgique.Malgré

leur ge,cestravaux,omplétés ardes notulesnédites,onstituente véri-tablesmodèles u

genre,

méditer

ar

tousceux

qui

se

piquent

e codicolo-

gie

ou

de

philologie,

ans

toujours

ien

oupçonnerampleur

es recherches

que

supposent

es

disciplines.

Une

première

ériede

mises u

point

st dédiée

ce

que

l on

pourrait

appeler

l archivistique

es manuscrits

,

c est-à-dire,

elon

la

définition

reprise

e Gilbert

uy,

la

disciplineui

a

pour bjet

a

reconstitutiondéale

ou

matériellees fonds

e

manuscrits

ispersés,

u la

conservation

es

fonds

ayant chappé

u démembrement.

Il

faut ire

ue, pour abbaye

de

Parc,

la tâche st rude

malgré

ne fondation

récoce en

1129),

on

ne

dispose

en effet

aucun

catalogue igne

e ce nom avant elui

que publia

n 1643

Sanderus

ans sa Biblioteca

elgicamanuscripta.

t encore

e

premier

nven-

taire, onclassé t souventaconique,st-il un maniementeuaisé d autant

qu au

débutdu

xviiie

iècleon

procéda

une vaste

opération

e déreliure

qui,

touten

permettant

a conservationes

livres,

ut aussi

pour

effet e

brouiller

iendes

pistes.

e

qui

amène auteur s intéresser

d autres

atas-

trophes, galement

amilièresux historienses

bibliothèques

édiévales

d abord

une

vente

ux

enchères,

laquelle

durent e résoudre n 1829

des

chanoines

boutde

souffle,

édant insi ertainse leurs

uvrages quelques-

uns des

plus

grands

rédateurs

u

temps

n

la

matière,

omme e

célèbre

RichardHeber

type

même u

«

bibliomane

croqué

deux

ans

plus

tard

par

CharlesNodier en

1914,

e

futun

incendie

ui

fit

partir

n fumée

a

vingtaine

e manuscritse Parc

récupérés ar

l universitée

Louvain.

Confronté

l indigence

es

catalogues

nciens,

mile

Van

Balberghe

dûdéfinir,partire manuscritsubsistants,es critèreseprovenance.râce

à l examen e la

reliure,

es

armoiries,

es cotes nciennes

t des mentions

de bibliothécaires indices

lassiques

mais

que

l auteurmanie vec une

rare

rigueur

il a

pu

ainsi établir ne liste de 264

manuscrits

rovenant

e

l abbaye

de

Parc,

dispersés

ntre ne trentainee

bibliothèques,

ubliques

ou

privées,

es

États-Unis

la

Nouvelle-Zélande.

Mais en bon historienu

livre,

auteur e se limite

as

aux inventaires

et

aux recensements.

es

notices

ouillées,

onsacrées certains

manuscrits

permettent

en

approcher

e

contenu. elui-ci st trèsvariéet

l attention

ď

ÉmileVan

Balberghe

e

dirige

lors aussi

bien vers

histoire e

l Église

-

avec un

fragment,

onservé ans un

plat

de reliure t

remontantu

Xe

siècle,

e la

Chronique

Eusèbede Césarée

raduite

ar

saint

Jérôme

que

vers e droit anon- grâce un commentaireur es Clémentineséalisé

à

quatre

mains t retrouvé

la

Bibliothèque

ationale e

Paris ou

encore

vers

humanisme à travers n extrait

e la Vita

Petrarchae e

Giannozzo

Manetti

éalisé ux

Pays-Bas

ers

450.

Quant

ux

œuvres u

théologien

our-

naisien ean

Tinctor,

lles

fournissenta

matière un

passionnant

ossier

ur

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154

NOTES

DE

LECTURE

la répressione la sorcellerie Arras t dans esrégionslentour ers1460,

et surtout

ur abondante

roductionémonologiqueui

a

accompagné

ette

répression.

Pour chacun

es textes

tudiés,

mileVan

Balberghe

ait

reuve

e

qua-

lités

arementéunies l attention

crupuleuse

u

manucrit,

sa

composition

matériellet à ce

que

celle-ci

ous dit aussi bien sur a

datation u témoin

que

sur a lecture e

l œuvre

mais

également

a

connaissance es travaux

des

spécialistes

ui permettent

e ne

pas prendre

el

manuscrit

our

e centre

du

monde t de lui restituer

a véritablealeur.

ette rudition

onfondante,

mise u

service un

objectif ui

peut

pparaître

omme

imité,

uscite inter-

rogation

ronique

e

Jean-François

ilmont

n y

a-t-il

pas

contradiction,

souligne-t-il,ntreemytheui ustifiea publicatione tant articles« Nuln estcensé gnorer imprimé) et le postulat ui sous-tendn appareil e

notes

oujours randissant

«

Les autres ecteurs éconnaissentn

trop rand

nombre

e

pages

mprimées)

?

«

C est

pourquoi, oursuit

ilmont,

ote

après

note,

e lecteur st nvité allerdécouvrir

a

ligne

de la note

14

de

la

page

144

du tome

1

444

de

je

ne sais

quel

Archiv

une Verein

uelcon-

que

».

Et

le

préfacier,

écidémentien

perfide,

e conclure

«

ce

travail e

Sisyphe,

estiné

faire onnaîtrees eldorados e

Science,

st ussitôtnfoui

dans une

autre

igne

d une autre

note15 d une autre

age...

». Souhaitons

un destin ifférentcet

ouvrage, ui peut

ffectivement

pparaître

ux

yeux

des

pluspressés

omme

n monument érudition

ratuite

les

-

nombreu-

ses

-

miettes

u il

nous

offre atisfont

ependant

avantage

appétit

ue

les ourds pensums destinés nepassurvivre la carrièree leurs uteurs.

BrunoLaurioux

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156

LIVRES

REÇUS

Paul Mommaers, Hadewijchd'Anvers trad.CamilleJordens, aris

Le

Cerf,

1994.

Anne

Motte Gillet

(éd.),

Conteurs

italiens

de la Renaissance

Paris

:

Gallimard,

1994

Bibliothèque

de La Pléiade

»).

Pierrette

aravy,

De la chrétienté

omaine à la

Réforme

en Dau-

phiné. Évêques,

fidèles

et

déviances

vers

1340-vers

530),

Rome :

École

Française

de

Rome, 1993,

2

vol.

(coll.

de l'École

Française

de

Rome,

183).

Régine

Pernoud,

Hildegarde

de

Bingen,

conscience

nspirée

du

XIIe

siècle Monaco

: Éditions du

Rocher,

1994.

Poésie

91,

37,

Le Don des larmes, Paris, avril 1991.

Olivia

Remie

Constable,

Trade and Traders n Muslim

Spain

Cam-

bridge

University

ress,

1994

coll.

«

Cambridge

tudies

n

Medie-

val Life

Thought»).

Simone

Roux,

Le monde

des villes au

Moyen

Âge

xie-xve

iècle,

Paris

: Hachette

Supérieur,

1994

(coll.

«

Carré

Histoire

).

Jean-Claude

Schmitt,

Les revenants Les vivants t les

morts

dans

la société

médiévale,

Paris :

Gallimard,

1994

(« Bibliothèque

des

histoires

).

Société des HistoriensMédiévistes e l'Enseignementupérieur ublic,

La circulation

des nouvelles au

Moyen

Âge (introduction

de

Ph.

Contamine),

Paris-Rome Publications

e la

Sorbonne,

École

Française

de

Rome,

1994.

Villes et sociétés urbaines

au

Moyen Âge Hommage

à

Monsieur le

Professeur acques

Heers,

Paris

:

Presses

de

l'Université

e

Paris-

Sorbonne,

1994

coll.

«

Cultures

t civilisations

médiévales,

XI

»).

Jacques

Voisenet,

Bestiaire hrétien

L'imagerie

animale des

auteurs

du Haut

Moyen

Âge

(ve-xie iècle)

(préface

de P.

Bonassie),

Tou-

louse

:

P.

U.M.,

1994.

Würzburgermedizinhistorischeitteilungen, and 12, hrsg.Michael

Holler

und Gundolf

Keil,

Würzbourg Königshausen

Neu-

mann,

1994.

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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-ç/T|

DU SCRIBE AU LIVRE

Z

LES MANUSCRITS HÉBREUX AU MOYEN AGE

O

r_J

Colette SIRAT

Q

Lr «j Les ivresontes émoinsrivilégiése a vie es uifsepuises remiersièclesenotrere.

ĻjLļ

Manuscrits

usqu'à

a

in

u

XVe

iècle,

ls ont'œuvre

e cribes

rofessionnels

u

ccasionnels.ans

les

ibliothèques

ontinsi

onservéses izainesemilliers

e

manuscrits,

ienifférentsesivres

'J

J

imprimés

enotre

ie

uotidienne

manuscritse

papyrus,

e

parchemin

u

e

papier,

ls ontcrits

f

pour

ne

rande

art

n

angue

t aractères

ébraïques,

aisussin

'autres

angues

t

lphabets

ils nt

ourtant

n

oint

ommun

chacun'eux

st

nique

chacun

été crit

ar

n ommeun

'

moment

onné,

n n ieu

articulier.

hacun'eux

eut,

inousavons

ui

oser

es

uestionsu'il

U

faut,

présente

nous

dans

mettre

la

race

en

de

dialogue

samain.

avec

Ces

une

manuscrits

personne,

ont

depuis

conservé

longtemps

lamultitude

disparue,

des

oix

mais

anciennes,

qui

st

que

encore

ce

résente

ansa

racee amain.esmanuscrits

ntonservé

amultitudees

oix

nciennes,

ue

e

soient

elle e

Maïmonide,

e

grand

hilosophe,

u

ellese

personnages

nconnus.

l

uffite es

interroger.ls ousttendent.

1 *

-

288

ages

à remettreCNRS

DITIONS

0-22

ut mnt-Âmand

501

París

NÖM_ - ... PRENOM . - . ...

ADRESSE

.....

-

«

-

CODEOSTAL

VILLE.....

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ISBN

TITRE

Qté

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05

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Du

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Etranger

2FF

F,oise ort

G-jointonèglemente FF □Chèqueancaire□CCP.

à 'ordree NRSDITIONS

Date

SIGNATURE:

TAT„AT„

IUIAL

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8/9/2019 Medievales - Num 27 - Automne 1994

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Presses Universitaires de Vincennes

Université arisVIII

2,

ruede fa

Liberté 93526 Saint-DenisCedex 02

Textes

éunis

ar

dile

edon

tBer ear

Rosenberger

Pour

tan

«vísm

Les

Assises

du

pouvoir

Temps

édřévalíx,

erritoires

fricains

TEMPS

§£

».

Presses

Universitaires

e

Vincennes

r*

Publié

vec

e concours

e L'UNESCO

248pages 160F

Circulant

ntre

rance,

frique

t

Portugal,nterrogeant

es récits

e la

conquête

arabe

de

l'Espagne,

e

ròte es Berbères

Kutama ans a

stratégie

u

pouvoir

u

les

voyages

de la

reine

Gerberge,

es contributionsont

e croiser erritoires

africainst

temps

médiévaux. es

auteursmontrentomment

e

pouvoir

e

construit

urdes bases

matériellest se renforce

ar

élaboration

ntellectuelle,

fidélité

la

religion

es

pères

ou conversion

une

religion

ouvelle

et

fédératrice

ils

mettentinsi n évidence

es

stratégies

amiliales,

thniques,

territorialestéconomiques. esmythes,es religions,es plantes irculent'un

pays

à

l'autre,

onstruisant

t détruisant

es

équilibres.

u-delà

es

violences,

des

résistances,

es

échecs,

naissent e nouveauxmondes.

Distribution

ID

-

131,

d.

Saint-Michel

75005

aris

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Paris 8/MED

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9

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'imprimerar

orlet,

mprimeur,

.A.

14110

ondé-sur-Noireau

France)

d'Imprimeur

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mars 995

Imprimé

nC.E.E.

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SOMMAIRE

27

AUTOMNE

1994

DU BON

USAGE

DE LA

SOUFFRANCE

Pour

une histoire e la souffrance

expressions, eprésentations,

usages

Piroska ZOMBORY-NAGY

et

Véronique

FRANDON,

en

collaboration

vec

David

EL

KENZ et

MatthiasGRÄSS-

LIN

5

Rhétorique

e la

perte. 'exemple

de la mort 'Isabelle

de

Bourbon

(1465)

Christian IENING

15

Souffrirn

musique

Martine LOUZOT

25

Les larmes u

Christ

ans

'exégèse

médiévale

Piroska

OMBORY-NAGY

37

Le

sang

des

flagellants

AnneAUTISSIER

51

L'homme e douleur

rotestant

u

temps

es

guerres

e

religion

David

EL

KENZ

59