mauthausen 302

Upload: fabien-louis-vazquez

Post on 20-Feb-2018

228 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    1/401

    MAUTHAUSEN n302j u i l l e t 0 5

    La part visible des camps

    lexposition aux Archives

    nationales.

    Sommaire

    p.2 ditorialpar Michelle ROUSSEAU-RAMBAUD

    p.3 - 27

    Compte-rendu du voyage du 60eanniversaire de la libration deMauthausen et ses Kommandos,au jour le jour

    p.25 Publications de lAmicale

    p.28 La part visible des campspar Daniel SIMON

    p.32 Limposture dEnric Marco

    p.36 et 40

    Histoires : La peur au camppar Ernest VINUREL

    p.37 Livres, film,

    p.38 Vie de lAmicale

    p.38 Les rendez-vous de lAutomnep.39 Le carnet de lAmicale

    (Page 28 et suivantes)

    Marion VEYSSIERE, conservateur du patrimoine aux Archives nationales,et Ilsen ABOUT,commissaire de lexposition, commentent les documents qui accompagnent lexposition Renaud DONNEDIEU de VABRES, ministre de la Culture et de la Communication.Photo Pierre FRETEAUD

    B U L L E T I N D E L ' A M I C A L E D E S D P O R T S , FA M I L L E S E T A M I S D E M A U T H A U S E N

    MAUTHAUSEN / 302

    lAmicale dite une

    collection de plaquettes

    sur les Kommandos de

    Mauthausen.

    Sont dj disponibles :

    n 1 Hartheim

    n 2 Ebensee

    Numro spcial :

    60e anniversaire de la

    libration de Mauthausen et

    ses kommandos.

    (lire page 3 et suivantes)

    La part visible des camps

    lexposition aux Archives

    nationales.

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    2/40

    MAUTHAUSEN / 3022

    2005 : un anniversaire

    exceptionnel.

    Le voyage de mmoire du mois de mai est tou-

    jours un temps fort dans la vie de lAmicale.

    Lordonnancement, souvent connu, matris, la taille

    raisonnable du groupe accentuent le caractre

    dintimit dun plerinage en famille.

    Mai 2005 fut un vnement dune autre dimension,

    la mesure de lobjectif : la commmoration du 60e

    anniversaire de la Libration du camp et des camps

    annexes.

    Nos normes habituelles ont explos :

    - par le nombre inattendu des participants franais,

    (334 inscrits, 315 prsents), accru encore par un

    groupe de plus de 250 lycens,

    - par la diversit de leurs origines et de leurs motiva-

    tions,

    - par leur souci, pour ne pas dire parfois leur exigen-

    ce, dlaborer un parcours presque individuel.

    Do limportance de la partie optionnelle, qui a

    drout certains dentre vous, mais a ravi la majorit,

    si lon en juge par les courriers reus.

    Do la dispersion et lclatement qui nont pas faci-

    lit le quotidien mais nont pas dtruit lunit dun

    groupe soud par lessentiel, le sens profond de ce

    voyage : la clbration.

    Ce fut la fte du souvenir, nos morts tant comme

    prsents aux cts des grands tmoins qui nous

    accompagnaient.

    Tout fut hommage : les propos couts, mais aussi la

    qualit des silences, le comportement parfait des

    lycens, leur motion la mesure de la ntre, la solli-

    citude de nos amis autrichiens, Ebensee, Gusen,

    Melk, Steyr, au Loibl Pass, Hartheim. Certaines

    images resteront jamais graves dans nos esprits,

    le cercle autour du monument franais le dimanchematin, par exemple mais chacun la sienne.

    Chaque site de mmoire a t revisit, nous avons

    bien senti, compris et raffirm, que la vie de

    Michelle ROUSSEAU-RAMBAUD

    ditorial

    lAmicale, si elle se lit au travers du prisme de

    chaque Kommando, est en fait une et indivisible.

    Comment parler de la soire dHartheim, quand on

    la vcue en orphelin ?

    Et maintenant, que reste-t-il de ce qui nous a ports

    pendant des mois pour raliser le dfi de cette

    rencontre, sans doute imparfaite dans le dtail,

    mais si magnifique dans sa globalit ? Des souve-

    nirs, des clichs, des discussions, des courriers,

    mais aussi une suite, tout au long du second semes-

    tre de cette anne 2005.

    Car cest la force de lAmicale de ne jamais cesser

    de travailler des lendemains porteurs de tolrance

    - mieux : de vraie fraternit, dun sens plus aigu du

    respect de lautre et de lgalit de tous.

    Le 8 mai 2005, Mauthausen, devant le monument franais, la dlgationde lAmicale et sa prsidente Michelle ROUSSEAU-RAMBAUD(au centre) a t rejointe par Nicole GUEDJ, secrtaire dtat aux Droitsdes victimes, de Pierre VIAUX, ambassadeur de France en Autriche( gauche), Claude LANZMANN et Serge KLARSFELD ( droite).Photo Laurent LAIDET

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    3/40

    MAUTHAUSEN / 302 3

    Cette grande exposition est un vnement important

    plus dun titre :

    - elle prsente un fonds exceptionnel dimages de

    Mauthausen, datant de la priode de fonctionne-ment du camp et des premiers jours de la libration,

    ensemble sans quivalent dans les archives concer-

    nant le systme concentrationnaire nazi ;

    - elle rassemble les fonds dimages conservs prin-

    cipalement Paris, Barcelone et Vienne, mais aussi

    Washington et Prague, et chez divers dtenteurs

    privs ;

    - elle est le rsultat dune collaboration entre les

    deux Amicales franaise et espagnole et le ministre

    autrichien de lIntrieur ;

    - elle entreprend, pour la premire fois, lanalyse dumessage que peuvent vhiculer ces images, dans

    lEurope daujourdhui ;

    - elle est prsente dans chacune des trois langues

    des pays organisateurs, et est destine circuler

    dans les villes de France, dEspagne, dAutriche,

    puis ailleurs en Europe.

    Le ministre autrichien de lIntrieur a financ les-

    sentiel du lourd budget de cette opration (plus de

    200.000 !).

    Au cours de la crmonie officielle dinauguration,ont pris la parole Walter Beck, prsident du Comit

    international de Mauthausen, Rosa Toran, au nom

    de lAmical de Mauthausen y otros campos

    Barcelone), Michelle Rousseau-Rambaud, prsi-

    dente de lAmicale franaise, et Lise Prokop,

    ministre autrichien de lIntrieur.

    Aprs quoi les deux commissaires de lExposition,

    Stephan Matyus (pour lAutriche) et Ilsen About

    (membre de lAmicale franaise) ont propos un par-cours de lexposition aux reprsentants du gouverne-

    ment autrichien, aux ambassadeurs de France et

    dEspagne, aux anciens dports, invits dhonneur.

    Allocution de Michelle Rousseau-Rambaud

    Madame La Ministre,

    Mesdames et Messieurs,

    Chers Amis venus de tous horizons,

    Nous vous remercions, Madame La Ministre, denous permettre dtre runis dans ce lieu si lourd et

    en mme temps si riche de symboles, dans une

    rencontre exceptionnelle, insolite, autour dun sujet

    terrifiant : La part visible des camps.

    Par le miracle de la photographie, par le choix cibl

    du texte, par la prsence mouvante et forte des

    Grands Tmoins, de ceux qui ont subi, et fait lhis-

    toire du lieu, nous nous trouvons brusquement

    confronts une ralit qui, loin de se ternir au fil

    des annes, saffirme, se dessine, simpose, telle

    une page ineffaable de notre histoire commune.Et cest bien l lexemplarit de cette action : soixante

    ans aprs, lAutriche, pays ami et dmocratique, croise

    son regard avec celui de ses anciennes victimes, plus

    exactement des victimes de lhitlrisme !

    Inauguration de lexposition internationale

    de photographies de Mauthausen,le vendredi 6 mai au Centre daccueil des visiteurs,

    sous la prsidence de Lise Prokop, ministre fdral de lIntrieur.

    La cour intrieure du Centre

    daccueil des visiteursau pied du Camp central de

    Mauthausen et, lintrieur,

    la prsentation des panneaux

    de lexposition.Photo Laurent LAIDET

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    4/40

    MAUTHAUSEN / 3024

    Kommando dEbensee,le 7 mai vers 10 heures.

    A lentre du tunnel 5, maintenu accessible

    aux visiteurs par le Zeitgeschichte Museum, qui a

    fait aussi restaurer et exposer l lancienne porte en

    bois du camp, le groupe des Franais est accueilli

    par notre jeune et fidle ami Andreas Schmoller, qui

    explique avec beaucoup de conviction la ncessit

    et les rsultats du travail de mmoire entrepris loca-

    lement.

    Puis Sylvie Ledizet, belle-fille de Michel Simon

    (Ebensee, Mle 28542), lit, dans le grand silence qui

    sest fait autour delle, le texte qui suit :

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    Aujourdhui, la France et lEspagne lui ont confi

    solennellement, pour un temps, lvocation de leurpass.

    Ce fut une ralisation difficile, un peu folle, mene

    grce au ministre de lIntrieur autrichien qui a

    assur la logistique et une grande partie du finance-

    ment, grce galement au ministre franais des

    Affaires Etrangres, lInstitut franais de Vienne,

    au ministre de la Dfense.

    Mais surtout grce au talent, la matrise et

    lnorme travail conduit par les deux commissaires,

    Stephan Matyus et Ilsen About, pauls par Ludwig

    Zwickl, Jean-Marie Winkler, Daniel Simon, CarolineUlmann Que chacun en soit remerci et flicit !

    Cette vritable uvre dart et dhis-

    toire au quotidien prouve quil exis-

    te bien une mmoire de lEurope,

    quelle est crative et porteuse.

    Et cest partir de la Mmoire que

    lon construit lAvenir, surtout un

    Avenir de Paix. Une version fran-

    aise de cette exposition sera offi-

    ciellement inaugure le 22 juin Paris aux Archives Nationales.

    Longue vie cette exposition qui

    va senrichir des regards, des cri-

    tiques, de la pense dautrui, qui

    va devenir un outil pdagogique.

    Cest le plus bel hommage qui

    puisse tre rendu aux martyrs du

    camp de Mauthausen.

    Redl-Zipf,le 6 mai.

    Une trentaine de personnes se sont rendues cette

    anne Zipf, pour une courte crmonie la stle

    franaise, o Paul Le Car a demand Daniel

    Simon de dire quelques mots. Ce fut pour voquer

    cette situation caractristique des petits komman-

    dos , et le sens de notre prsence. Celle-ci a jadis

    empch leffacement des derniers vestiges.

    Aujourdhui, la situation a bien chang : nous som-mes rejoints, attendus, honors, Zipf comme sur le

    site de nombreux camps annexes du systme

    Mauthausen, par les autorits et la population

    locale. Du camp lui-mme, qui fut, aux dires des

    rescaps, lun des plus terribles du moins durant

    la premire priode (automne-hiver 1943-44), celledu chantier de construction des installations pour

    lindustrie de guerre, dans lenceinte de la brasserie

    il ne reste rien. Par contre, la brasserie Zipfer sest

    montre accueillante notre groupe, lun de ses

    directeurs acceptant volontiers de nous conduire,

    accompagn par un jeune traducteur trs

    attentionn, jusquau site des installations, et

    nous proposant ensuite un diaporama fort

    consistant sur lhistoire de la brasserie et de son

    rapport avec lindustrie de guerre naz ie. A la-

    venir, nous a-t-on assur, il suffit davertir et

    nous serons aussi courtoisement reus. A bon

    entendeur

    Henri LEDROIT porte le drapeau de lAmicale, Claude DUTEMS et Bernard GIRYavec Paul Le CAER, Jacques HENRIET dposent la gerbe de lAmicale devant la stle Redl Zipf. Photo Jean-Louis ROUSSEL

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    5/40

    MAUTHAUSEN / 302 5

    Les mots de Jean Laffitte

    Sur le flanc de la montagne dfrich la hte, le

    chemin des lions relie directement le Steinbruch au

    camp. Il a t difi afin dviter aux habitants de la

    valle la vision effrayante de ce cortge de forats

    qui passait chaque soir sur la route devant leurs

    maisons en tranant ses paves et en portant ses

    morts. Le Lwengang permet dautre part de rdui-

    re le nombre de soldats chargs de la surveillance.

    Deux SS suffisent pour accompagner cent hommes

    quils suivent lextrieur du chemin.

    En montant les escaliers, les hommes glissent.

    Quelques-uns tombent. Cest courant. On ny fait

    pas attention. Chacun essaie de sen tirer comme il

    peut. Les tranards sont rous de coups par les

    kapos qui se tiennent en queue de la centaine. Cest

    pourquoi les forts se placent toujours dans les pre-

    mires ranges et les faibles sont reflus larrire.

    Lescalier nest pas trop long, mais le chemin fait

    douze cents mtres. La neige, constamment

    remue par le passage des hommes, fait une boue

    sale dans laquelle nous enfonons au-dessus des

    chaussures. Un peu plus ou un peu moins, mainte-

    nant, a na plus dimportance.

    Imaginez une montagne dont on aurait rogn le

    pied. Un mur de rochers haut de deux cents mtres

    et long de cinq cents. A la base, des trous qui, de

    loin en loin, sont creuss dans ce mur : sept tunnels

    qui senfoncent dans la pierre blanche. Au-devantdu mur, un immense espace qui sagrandit chaque

    jour un peu plus. L-dessus, des voies ferres, des

    trains de wagonnets, des automotrices, des locomo-

    trices, des baraques, des transformateurs, des

    tuyaux, des cbles lectriques, des projecteurs. Au

    milieu des amas de ferraille et de matriaux de tou-

    tes sortes, des hommes qui se dplacent, ploys

    sous le fardeau : dix hommes pour porter un rail,

    huit hommes pour porter un poteau. La ronde ne

    sarrte jamais.

    Dautres hommes creusent des tranches, dchar-

    gent les wagons qui entrent par trains complets sur

    le chantier ou semploient lun des mille travaux

    qui donnent cet espace cyclopen laspect dune

    fourmilire gante.

    Cela nest rien. Rentrons dans un tunnel. La vote

    fait huit dix mtres de haut. Leau suinte sur les

    rochers faiblement clairs. Sur le sol, on trbuche

    sur les rails, on marche dans leau et dans la boue.

    Un bourdonnement sourd grandit au fur et mesu-

    re quon avance. Les wagonnets vont et viennentsans arrt. Arriv lendroit du travail, on ne voit

    plus rien quun nuage phosphorescent que la lumi-

    re des projecteurs narrive pas percer et que les

    aspirateurs sont impuissants absorber. On se trou-

    ve, sans lavoir vu, au pied dune norme perforatri-

    ce qui ressemble une pice dartillerie. Vingt hom-

    mes travaillent l percer la montagne dans la

    poussire, dans le courant dair, au milieu dun

    vacarme assourdissant. Placs sur des chafauda-

    ges, le marteau-piqueur la main, ils creusent des

    trous dans le roc. Ils sont entirement recouvertsdune poudre blanche qui les fait ressembler des

    spectres. On ne voit plus leurs yeux. On dirait des

    statues de pierres convulses par la trpidation des

    machines.

    Cest en voyant ces hommes, cest en voyant le

    Steinbruch pour la premire fois, que jai compris

    comment les esclaves de lantiquit ont pu, au

    temps jadis, construire les pyramides dEgypte.

    [Ceux qui vivent, 1958]

    De gauche droite : Andreas SCHMOLLER, Daniel SIMONet Roger GOUFFAULT devant lentre des tunnels dEbensee.Photo Olivier ALIX

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    6/40

    MAUTHAUSEN / 3026

    menace et le risque de mort, tous les instants ?

    Comment vous faire comprendre la valeur du moin-dre geste de solidarit entre ces sous-hommes que

    nous tions censs tre ? Ce sont ces actions de

    solidarit et de rsistance auxquelles chacun des

    rescaps a d sa survie.

    Nous avons tmoign et tmoignerons encore de ce

    pass qui sloigne et, au-del de nous-mmes,

    nous sommes convaincus quil porte de grandes

    leons pour lEurope et le monde daujourdhui.

    Cest pourquoi nous sommes heureux de ne pas

    nous retrouver ici seulement entre survivants, mais

    dtre accueillis par un tel rassemblement de fem-

    mes et dhommes de tout le continent et de toutes

    les gnrations. Cest pourquoi je suis heureux de

    cder la parole, en confiance.

    Daniel Simon :

    Nous pouvons, Roger, tassurer, toi et tous tes

    camarades, de notre fidlit et du sens de notre

    engagement.

    Voyons en effet Ebensee, soixante ans aprs la

    droute militaire et politique des nazis. Voyons la

    foule que nous sommes, diverse, solidaire, mue,

    lucide, pacifique. Nous savons sur quel continent

    nous vivons et voulons vivre : Ebensee, dans ce

    dcor bucolique, est jamais marqu dune balafre.

    La fosse commune prs de laquelle nous nous

    tenons, lespace invisible de ce que fut le camp, les

    troues glaciales des tunnels, nous sommes capa-

    bles den restituer le sens. Nous sommes, nous

    continuerons dtre, pour les habitants dEbensee,des revenants obstins. Nous sommes cette huma-

    nit qui entretient des liens avec son pass, avec

    ses ans, pour qui le prsent et lavenir ne sont pas

    table rase ; celle qui connat et respecte sa diversi-

    t ; celle qui affirme un socle de valeurs communes,

    vocation universelle : respect inalinable et uni-

    versel de la personne humaine, refus de la dtention

    arbitraire, de la torture, de lesclavage ; dmocratie,

    toujours plus de dmocratie. Et nous savons que

    ces valeurs impliqueront dautres combats.

    Parmi les dix-huit mille hommes que les nazis enfer-

    mrent ici, dont plus de huit mille nont pas rchap-

    p, il y eut moins de dix pour cent de Franais. A l-

    chelle de lhistoire, ces chiffres seuls, en France

    Crmonie internationale en prsence

    de Lise Prokop, ministre fdral de lIntrieurIntervention de lAmicale (extraits)

    Roger Gouffault :

    Ebensee a vu arriver en novembre 1943 le premier

    convoi de dports. Personnellement, cest en jan-

    vier 1944 que jai t conduit ici, et jy suis rest dix-

    sept mois, jusqu notre libration par nos amis

    amricains.

    Ce que nous avons vcu ici, esclavage, cruaut,

    famine, et la mort chaque jour de nombreux cama-

    rades, vous le savez et pourtant vous ne le savez

    pas. Du sort que nous avons subi, rien ne tmoigne

    vraiment, que notre parole, et puis ces immenses

    tunnels percs dans la montagne, au prix de souf-

    frances indicibles. On sait lhistoire de linstallation

    du camp, lentassement croissant des hommes, le

    rle des entreprises industrielles en qute descla-

    ves, le projet nazi dusines de guerre souterraines.

    On connat les circonstances si particulires de lalibration du camp dEbensee : cette foule de dte-

    nus faisant reculer et fuir le commandant du camp,

    la veille de larrive des troupes amricaines.

    Mais comment vous faire ressentir ce que fut la

    dtresse du quotidien, ce que cest que vivre sous la

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    La porte dentre du Kommando dEbensee a t retrouve.Elle est maintenant prsente lentre des tunnels, protgepar un auvent de mtal. Photo Amicale de Mauthausen

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    7/40

    MAUTHAUSEN / 302 7

    comme en Autriche, pseraient peu : lacuit de

    notre mmoire tient la nature particulire du crime

    nazi, clos et tram parmi nous, peuples dEurope,

    quil faillit bien anantir. Cette vrit nous tient, nous

    tiendra pour longtemps veills et vigilants.

    Merci nos htes et amis autrichiens, guids par les

    mmes exigences que les ntres, qui nousaccueillent avec nos hantises et travaillent ici notre

    coute entretenir la mmoire de ce pass tra-

    gique. Ensemble, venus de tout lespace europen,

    nous pouvons assurer les rescaps du camp

    dEbensee que ce soixantime rendez-vous anni-

    versaire ne sera pas le dernier. Pour beaucoup den-

    tre nous, de tous ges, venus tant de fois ici,

    fouillant en nous-mmes des chos profonds et

    dans ce paysage des traces que nous savons

    dchiffrer, Ebensee est un lieu presque intime. Nous

    reviendrons.

    Roger GOUFFAULT et Daniel SIMON la tribune, dresse sur lesplanade des monuments Ebensee, sadressent lassemble internationaledes participants. Photos Laurent LAIDET

    Aprs les crmonies et aprs le djeuner Traunkirchen,une cinquantaine de personnes sont revenues pour une visite plusprcise du site, guides par Roger GOUFFAULT.Photo Charles HALM

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    8/40

    MAUTHAUSEN / 3028

    qui permit davoir une vue densemble de lhistoire

    du camp depuis son origine - que nont pas connueles Franais - jusqu lpoque des usines de

    production darmement, o ils furent prsents. Nous

    vmes au travers dun sol de verre, transparent, les

    traces des canalisations rcemment mises jour.

    Plusieurs groupes, accompagns par des guides

    (bnvoles bien sr) ont t dirigs ensuite vers les

    vestiges du camp : le concasseur bien connu des

    Espagnols, les carrires, le Jourhaus transform en

    lgante maison dhabitation, la place dappel hlas

    mconnaissable, les btiments 6 et 7 devenus une champignonnire , les baraquements SS, les

    murs denceinte, le bordel toujours habit, les

    tunnels de Kellerbrau et bien entendu le crmatoire.

    Mais aussi pour la premire fois nous avons pu

    approcher de trs prs lusine souterraine de

    Bergkristall , en cours de restauration, dont

    ldification a cot la vie des milliers dhommes

    dans des conditions atroces. Cest l que les armes

    secrtes dHitler ont commenc tre construites,

    heureusement trop tard. Il sen fallut de peu pour

    quelles soient en mesure de changer ou au moinsde neutraliser lissue de la guerre. Une usine qui

    tait aussi un abri anti-atomique cette poque

    signifiait beaucoup dinformations et de connaissan-

    ces technologiques. Il y a, l, une thse rdiger qui

    intressera probablement les historiens.

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    Visite guide Gusen,le samedi 7 mai.

    Je crois que cest la premire fois quune visite

    guide de Gusen a t programme dans le cadre

    dun plerinage . Le choix des visites des aprs-

    midi a permis ceux qui ont perdu lun des leurs

    dans ce camp tristement clbre en Europe mais

    inconnu en France ainsi quaux anciens dports

    qui y ont sjourn, de mieux connatre ou de revoir

    ce qui subsiste encore, noy dans le lotissement

    construit sur les ruines de Gusen I.

    En fait il y a eu deux tapes.

    La premire, qui a suivi le djeuner du 6 mai,

    a commenc vers 14 heures au muse du

    Mmorial, ouvert pour les visiteurs franais, que

    beaucoup dentre nous visitaient pour la premire

    fois. Nos amis autrichiens conduits par Martha

    Gammer nous y attendaient. Une maquette favorisa

    la description du complexe de Gusen, cest--dire

    Gusen I, Gusen II et Gusen III o, en 1945, taient

    internes plus de 20000 personnes. Les Autrichienset aussi danciens dports dont Jean Gavard et

    Henri Boussel, prirent la parole et dcrivirent les

    conditions de vie du camp et quelques-unes des

    exactions qui y furent non seulement commises

    mais aussi exprimentes, comme le Zyklon B. Ce

    A gauche, Martha GAMMER, commente lexposition du Mmorial de Gusen. Photo Charles HALM A droite, les fours crmatoire de Gusen. Photo Janine LAVEILLE

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    9/40

    MAUTHAUSEN / 302 9

    Hommages aux Vtrans Amricains

    Gusen, le 7 mai 2005

    Dear friends,

    Today is a special day. And a difficult one.

    You are coming to share with us the remember of

    the bad days.

    Sixty years have gone and you are here another

    time in Gusen. As you can expect our mind is

    also back to this period.We have never forgotten that day when you came

    to give us back the freedom the Nazis took over

    some years before. You were the liberators.

    Today we are with you to tell you again : tank

    you. Thank you to all of you.

    Of course your presence recall us all the faces of

    our friends who died in this camp. We understand

    it is certainly the same for you.

    Many of your friends are like ours not alive any

    more to share our emotion. They died on their

    way to Mauthausen, some in Normandy, some in

    Alsace or in Germany to kill the devil and to makethe world free.

    As you know too many of our friends died here.

    Either during the camp l i fe, or just after the

    liberation, here in your Gusen hospital, and of

    course since the survivors are back to France.

    For the same reasons as yours, to win the same

    battle. To make the world free of violence, free of

    racism, free of concentration camps. To get

    justice, to see all the people becoming brothers

    despite of their origin, their race, their political

    ideas as long as they love freedom for them andfor the others.

    We would like you to accept we will also

    associate to our remember all the allied nations

    people, the British, the Russians, all the others.

    They all were so courageous.

    But without you, without America nothing would

    have been possible. We will never forget.

    The years have passed away and despite of this

    they will never erase our memory. You will stay

    for ever in our mind.

    Claude PLAZIAT et Jean GAVARD

    Tous les groupes ont bnfici dexplications aussi

    prcises que possible et de descriptions des lieux etdes vnements, traduites en franais.

    Nous nous retrouvmes tous, ensuite, pour la

    crmonie franaise, comme toujours empreinte de

    recueillement et de respect. Jean Gavard pronona

    un discours trs cout.

    La seconde a eu lieu le lendemain aprs-midi lors

    de la crmonie internationale laquelle assistaient

    des vtrans amricains qui avaient libr le camp

    et avaient r ig une st le commmorant

    cet vnement. Ce fut un grand moment dmo-

    tion dont il est difficile de rendre compte en quelques

    mots. Des anciens de Gusen en tenue raye enca-

    draient un orchestre polonais compos de jeunes

    musiciens. Il joua avec une concentration extrme

    des hymnes nationaux, dont celui des USA. Ctait

    comme si le vent de la Libert soufflait une nouvelle

    fois sur ce camp odieux. Nous prmes la parole

    grce Martha car lmotion tait trop forte. Je joins

    le texte rdig en anglais avec laccord de Jean

    Gavard qui souhaite quil soit connu. Nous avons vu

    de vieux hommes tomber en pleurs dans les bras deleurs librateurs. Ce fut le cas des Espagnols

    embrassant, en larmes, les vtrans amricains

    eux-mmes trs mus. Pierre Serge Choumoff a rai-

    son de dire que les crmonies de Gusen, moins

    protocolaires que celle de Mauthausen, ont un

    immense pouvoir motionnel. Tous les participants

    se parlaient, se serraient la main ou sembrassaient,

    mus.

    Il faut remercier les organisateurs de lAmicale

    davoir permis que ces rencontres aient lieu dansces conditions. Cest ainsi quil faut dornavant

    programmer les voyages du souvenir. Cest ce que

    mont dit de trs nombreuses personnes qui taient

    venues se recueillir Gusen et qui ont pu, cette fois,

    connatre mieux ce camp maudit o plus de 37.000

    personnes, et sans doute beaucoup plus, ont t

    massacres, pour la plupart, dans des conditions

    atroces.

    Claude PLAZIAT

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    10/40

    MAUTHAUSEN / 30210

    Hartheim,le samedi 7 mai au matin.

    Le samedi 7 mai au matin, tandis que plus de trois

    cents Franais prenaient la route dEbensee,

    quelques-uns se rendaient Hartheim, pour consti-

    tuer une petite dlgation la crmonie internatio-

    nale, en prsence du Prsident de la Rpublique

    autrichienne, Monsieur Fischer.

    .

    Autour de notre prsidente, Michelle Rousseau-

    Rambaud (fille de Michel Rambaud, mort

    Hartheim) : Pierre Saint Macary, Serge Choumoff,Jean Gavard, Paul Le Car, Ernest Vinurel, et aussi

    Jacky. Lardy (dont le pre est mort Hartheim, et

    accompagn de ses fils), Louis Buton, Jean-Marie

    Winkler et Jean-Louis Roussel.

    A la nuit tombe, ce 7 mai :

    vocation solennelledes Franais gazs

    HartheimGeste indit, ambitieux, risqu peut-tre : convier

    cinq cents personnes, parmi lesquelles cent cin-

    quante lycens qui avaient rejoint dans la journe le

    groupe des Franais, une crmonie scnogra-

    phie, conue dans ses moindres dtails mais dont

    chaque participant ne fut inform qu linstant den-

    trer dans lespace, et devant se drouler sans dis-

    cours, sans parole autre que lappel des noms des

    quatre cents six Franais dtenus Mauthausen et

    assassins au chteau.

    Lide est de Pierre Saint Macary et Michelle

    Rousseau-Rambaud : symboliser, en plusieurs

    squences, le transfert vers Hartheim des dports

    de Mauthausen, leur extermination, et le temps

    aprs. La prparation sest discrtement tale sur

    plusieurs mois : Hubert Saint Macary, comdien (et

    neveu de notre prsident dhonneur) en rglant avec

    une parfaite prcision le droulement dans lespace

    et la dure ; Jean-Marie Winkler apportant sa

    connaissance trs exacte du chteau-mmorial etfacilitant les contacts institutionnels et techniques ;

    Daniel Simon proposant les squences musicales ;

    un groupe de lycens dYvett prparant, sous lau-

    torit dun professeur de musique particulirement

    expriment, une intervention chorale ; cinq cents

    petites lampes-torches tant ngocies, et cinqcents roses.

    Ce soir-l, la pluie a redoubl. Il fallut modifier dans

    lurgence le dplacement du groupe, recentrer la

    crmonie dans lenceinte de la cour intrieure. Cinq

    cents personnes emplissent les coursives, sur trois

    niveaux. Le chur entame, avec une grande matri-

    se, deux strophes du Chant des marais, encadres

    par la phrase introductive du Chant des bagnards de

    Gusen. Une lampe sallume lappel de chaque nom

    (plusieurs voix enregistres les grnent, ils sont

    classs selon les mois des assassinats) dix-sept

    minutes dintensit. Un fracas (extrait de

    Wozzeck, dAlban Berg) sature lespace et les mes.

    Suit un long, trs long, absolu silence. Mathilde, une

    lycenne violoniste, en bas, sous la vote, joue

    Labme des oiseaux, extrait du Quatuor pour la fin du

    Temps, dOlivier Messiaen. Des familles dHartheim,

    dans la cour, ensemble allument une torche. En une

    lente procession, et tandis que joue un violoniste

    autrichien, chacune des cinq cents personnes sen

    vient dposer une rose dans la cour elles samon-

    cellent en un croissant aussi parfait quimprovis.

    Sauf la prsence, qui nous honore, de Monsieur

    Viaux, ambassadeur de France en Autriche, celle du

    Gnral Trautenberg, prsident de la Fondation

    Schloss Hartheim et du Docteur Reese, conserva-

    teur du mmorial, qui avaient tous deux autoris et

    facilit la mise notre disposition du chteau, ce fut

    sans public aucun, et sans discours daucune sorte.

    Dune grande dignit. Lensemble avait dur

    quelque quarante-cinq minutes.

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    Les jeunes rptent la crmonie dans la cour du chteau dHartheim.

    Photo Bertrand LAUDE

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    11/40

    MAUTHAUSEN / 302 11

    Hartheim,le samedi 7 mai vers 22 heures.

    Mathilde, une lycenne de Haute-Normandie,

    interprte au violon un extrait du Quatuor pour la fin

    des temps dOlivier Messiaen. Avec cette musique

    nous sortons dun long silence voquant la mort de

    nos compatriotes. Mathilde nest pas seule, avec

    elle ce sont plus de 150 lycens qui ont contribu

    par leur prsence, leurs chants, leurs paroles la

    russite des crmonies du 60e anniversaire de la

    Libration de Mauthausen.

    Ce qui sest pass en Autriche nest quune partie

    dun vaste projet pens il y a plus dun an. Les

    premiers contacts ont t pris en mai 2004 avec le

    Rectorat de Rouen et les trois lyces pressentis :

    Camille Saint Sans de Rouen, Thomas Corneille

    de Barentin et Raymond Queneau dYvetot.

    Le cadre est fix par lAmicale. Nous souhaitons une

    prsence active des jeunes aux crmonies

    franaises et internationales. En retour nous

    pouvons proposer une visite du camp central, ducentre dextermination dHartheim et du kommando

    de Gusen. Une quinzaine denseignants ont ajout

    leurs exigences pdagogiques celles de

    lInspectrice dAcadmie. Tout en laissant les ensei-

    gnants libres de leurs dmarches, nous convenons

    que notre projet nest pas de sacraliser la

    Dportation, de mme quil serait rducteur de ne

    voir dans les Dports que des victimes du

    nazisme. Nous souhaitons garder lesprit que

    Mauthausen est aussi un symbole de rsistance.

    Les enseignants sont galement conscients quilfaut accompagner psychologiquement les lves. Ils

    nont pas sapproprier la souffrance des survivants

    et des familles. Il faut donc leur donner les outils

    pour comprendre la Dportation et dpasser le

    stade de lmotion.

    Ds lautomne, le projet prend de lampleur :

    - Une quinzaine de jeunes germanistes, conduits

    par Delphine Bour, venant dun lyce de Saint

    Quentin en Yvelines, se joignent au groupe.

    - Dans chaque tablissement les lves consacrent

    leurs Travaux Personnels Encadrs (TPE) ltude

    de questions lies la Dportation. Par exemple :

    Frontires visibles et invisibles dans un camp de

    concentration En quoi lexprience concentra-tionna i re a - t -e l le t rans form l c r i va in ?

    tude compare de luvre de Levi et dAntelme

    Le camp de concentration, lment du systme

    conomique nazi ? la production artistique a-t-il

    permis de survivre ? En quoi, lidentit passe

    influe-t-elle sur lexprience concentrationnaire ?

    Existe-t-il une spcificit du vcu des femmes dans

    les camps ?

    - Le thtre est mis contribution, ici on tudie la

    pice de Thomas Bernhard Place des Hros, l on

    travaille avec Bernard Bloch, metteur en scne de

    Leham, ailleurs Catherine Dewitt, comdienne, qui

    connat bien Mauthausen, prpare les jeunes des

    lectures en public.

    - Ernest Vinurel et Jean Gavard se rendent dans les

    lyces pour apporter leur tmoignage et voquer la

    mmoire de Louis Bunel (le Pre Jacques) natif de

    Barentin.

    - Jean-Marie Winkler offre aux lycens une

    confrence sur lAutriche au XXe sicle et prsentele rsultat de ses recherches sur le centre dexter-

    mination dHartheim.

    - Madame Corina Coulmas, adjointe de Claude

    Lanzmann, rencontre des lves pour voquer avec

    eux la ralisation du film Shoah.

    - A loccasion dun voyage Paris, un groupe se

    rend au cimetire du Pre-Lachaise pour dposer

    une gerbe comme une rptition pour lAutriche

    au monument de Mauthausen.

    - Toutes les semaines, des initiatives sont prises,

    certaines modestes, dautres plus ambitieuses.

    Beaucoup denseignants extrieurs au projet

    apportent leur pierre ldifice. Ainsi les profes-

    seurs de musique font rpter le Chant des marais,

    un professeur danglais propose une tude, en

    anglais, du livre Maus dArt Spiegelman.

    Le voyage en Autriche sinscrit dans un projet pda-

    gogique plus vaste. Chaque lyce construit sapropre dmarche, son propre parcours. La dimen-

    sion europenne est toujours importante. On fait

    tape Strasbourg, cit de lEurope, Nuremberg,

    ville phare du nazisme et lieu du procs des crimi-

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    12/40

    nels du IIIe Reich ou Vienne, capitale hypertro-

    phie dun empire disparu.

    Lensemble du groupe se retrouve Hartheim le

    samedi 7 mai aprs-midi. Nous sommes l pour

    visiter, tenter de comprendre et rpter une derni-

    re fois pour la crmonie du soir. A la nuit tombe,

    malgr la pluie, chacun trouve sa place et lmotion

    est forte. Le dimanche matin, avec lensemble de la

    dlgation autour du Monument franais, les lves

    chantent et lisent des textes de Primo Levi, Louis

    Aragon et Jean Cayrol. Puis, en quelques mots,

    deux dentre eux tentent dexprimer la fiert, la peur

    et la responsabilit qui animent lensemble du

    groupe des jeunes. Pierre Saint Macary et Michelle

    Rousseau-Rambaud leur rpondent. Aprs la cr-

    monie internationale, les lycens visitent le camp

    central grce la disponibilit et la gentillesse de

    Paul Le Caer, Henri Boussel, Henri Ledroit, Ernest

    Vinurel et Serge Choumoff. La journe se termine

    la carrire par une lecture du tmoignage de Jean

    Laffitte recueilli loccasion du Symposium de 2000

    (voir textes publis). Le lundi matin, les lycens se

    rendent Gusen o Martha Gammer a fait ouvrir le

    Centre daccueil des visiteurs puis Jean-MarieWinkler leur propose une visite guide de lexposi-

    tion photographique La part visible des camps .

    Le souvenir de ces journes est intact, dans chacun

    des tablissements sont organises des expositions

    photographiques et des rceptions pour remercier

    les financeurs et toutes les personnes qui nous ont

    soutenus. Un travail important a t ralis sous

    forme de dossiers (TPE), plusieurs lves sont lau-

    rats du Concours National de la Rsistance et de

    la Dportation, les sites internet de chacun des ta-blissements senrichissent de centaines de photos

    et de reportages sur le projet. (Ces travaux seront

    consultables sur le site internet de notre Amicale :

    www.campmauthausen.org). Des films ont t

    raliss avec des moyens modestes mais avec

    beaucoup de rigueur et de tact.

    Aujourdhui nous pouvons affirmer que nos objectifs

    ont t atteints au-del de nos esprances. Les

    lycens ont forc ladmiration des adultes,

    renvoyant une image positive dune gnration quelon nous prsente souvent comme blase. Cette

    russite, nous la devons aux tmoins survivants,

    aux amis de lAmicale et lengagement des

    professeurs : tous doivent tre chaleureusement

    remercis. La prsence des dlgations internatio-

    nales, souvent dcries pour leur aspect folklorique,a donn nos lves limage dune Europe jeune,

    vivante, soucieuse de dmocratie et attache au

    respect des droits de lhomme.

    Nous navons modestement fait que notre travail

    denseignants en donnant ces jeunes qui se sont

    eux-mmes qualifis de militants quelques

    outils pour tre des citoyens vigilants et responsa-

    bles car, comme le dit Sophie Ernst, philosophe de

    lducation, il faut peut-tre toute une vie pour

    comprendre en profondeur ce que fut le nazisme,

    () il est vain de croire que lcole russira porter

    seule une rflexion que ses contemporains prf-

    rent viter dans ce quelle a de plus drangeant.

    Jean-Louis ROUSSEL

    MAUTHAUSEN / 30212

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    Un exemple parmi dautres

    Deux enseignants (Histoire et Littrature) ont prpar undossier copieux partir du livre dErnest Vinurel Rive de cendre.Il sagissait de donner aux lves dune part un outil pour mieux

    apprhender le livre, rcit dun survivant, et dautre part les

    moyens daborder un tmoignage en littrature. Ce travail

    exceptionnel sera disponible sur Internet.

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    13/40

    MAUTHAUSEN / 302 13

    Message de notre Prsident dHonneur en

    rponse aux gestes accomplis par les lycens

    Les mots que vous venez de nous adresser en ce

    dbut de crmonie prouvent, chers petits-enfants,

    que vous avez dj beaucoup appris et retenus des

    leons de Mauthausen . Je voudrais vous enfliciter et y ajouter une touche supplmentaire

    fonde sur la signification de ce monument devant

    lequel nous sommes maintenant rassembls.

    Notre monument, rig en 1949 alors que les

    dgts de la guerre taient encore prsents partout,

    aussi bien dans les ruines des cits crases par les

    bombes que dans les reins et les curs rompus et

    blesss par les perscutions et les humiliations,

    notre monument ne fait tat daucun esprit de ven-

    geance, ni de rcrimination nationaliste.

    Il perptue deux messages : le sacrifice,

    symbol is par le cur en haut de la pyramide ; la

    libert, inscrite au long du mur de granit, sont seuls

    invoqus.

    traces indlbiles. Nous savons que nous ne

    reviendrons pas indemnes de notre voyage. Mais,

    quittant Mauthausen, nous serons plus grands, nous

    aurons en nous quelque chose de plus : nous

    aurons acquis un savoir, un savoir qui rend plusresponsables et plus libres.

    Message des lycens

    Quel honneur pour nous davoir pu vous accompa-

    gner ici, davoir la chance de participer cet

    hommage rendu tous les morts de Mauthausen et ceux qui ont souffert dans ce camp !

    Nous sommes fiers dtre aujourdhui prsents dans

    ces lieux, fiers et un peu impressionns aussi de

    reprsenter les jeunes Franais : une jeunesse fran-

    aise engage, qui nest pas indiffrente au pass.

    Nous vivons aujourdhui une exprience unique

    vos cts et au milieu de cette foule venue de toute

    lEurope pour raffirmer que nous noublions pas ce

    qui sest pass ici et que nous en tirons les leonspour construire lavenir, en particulier pour rflchir

    lEurope qui sera la ntre.

    Cette commmoration en Autriche est loccasion de

    rencontres, de partages, dchanges avec vous,

    entre nous et avec les jeunes europens prsents

    Mauthausen aujourdhui. Nous sommes le lien entre

    la gnration des camps et les gnrations futures.

    A nous de transmettre, dexpliquer ce que vous nous

    avez appris. Vous avez fait de nous des passeurs de

    mmoire. Nous vous promettons de ne jamaisoublier notre mission.

    Aujourdhui, nous serons mus, bouleverss. Nous

    pressentons que cette journe laissera en nous des

    Au monument franais de Mauthausen, le 8 mai.

    Les lycens venus de Normandie dposent une gerbe au pied du monument franais ; droite, Jean-Louis ROUSSEL qui a organis et coordonn

    leur dplacement Mauthausen. Photos Bertrand LAUDE

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    14/40

    MAUTHAUSEN / 30214

    Allocution de Michelle Rousseau-Rambaud

    au Monument franais.

    Madame la Ministre,

    Monsieur lAmbassadeur,

    Mesdames et Messieurs,

    Chers Amis,

    Je suis heureuse et honore dlargir le cercle de

    cette grande famille quest lAmicale pour vous y

    accueillir, pour vous remercier dtre des ntres, tout

    particulirement en ce soixantime anniversaire de

    la Libration du camp.

    Soixante ans, ctait hier, mais dans la mmoire de

    nos Tmoins, de leurs familles, dans notre

    imaginaire denfant, cest aujourdhui ou presque,

    et nous retenons notre souffle comme nos parents,

    dcouvrant lhorreur, mais en mme temps en

    saccrochant lEspoir que ltre cher avait survcu

    linimaginable.

    Nous partageons avec vous tous cette atmosphre

    irrelle, dense, quest celle de ce lieu : malgrlagitation, la foule, le bruit, les musiques, il se cre

    entre nous un phnomne trange dabstraction

    hors du temps, hors de la ralit.

    Oui, je laffirme de toute ma force, cette rencontre ici

    est dabord un hommage ceux qui ont donn leur

    vie pour la Libert. Leur prsence impalpable est

    partout, dans lair que lon respire, dans lherbe que

    lon foule, dans les lettres dor du monument majes-

    tueux, inscrites dans lternit dun lieu que nous

    avons apprivois par la permanence de notre

    prsence et de notre fidlit et o nous sommes

    unis par une motion jamais affaiblie.

    Mais aujourdhui il passe parmi nous un frmisse-

    ment, plus mme une onde qui nous fait vibrer : tel

    un magistral cadeau danniversaire, nous offrons

    nos ans la prsence de la jeunesse, responsable

    et volontaire, incarne ici par les lycens venus de

    Haute-Normandie, rejoints par leurs camarades du

    Lyce franais de Vienne. Dans chaque tablisse-

    ment, ils ont travaill avec leurs professeurs, pour

    prparer ce sjour en Autriche, pour sinvestir dansle concours de la Rsistance et de la Dportation,

    tous pour rflchir la symbolique de leur venue au

    camp, pour rflchir sur la problmatique de

    lunivers concentrationnaire.

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    La libert : celle de la France et des Franais, sans

    doute, nous lavions cher paye. Mais au-del,libert pour tous les esclaves europens que nous

    avions t dans les camps ; libert de tous les peu-

    ples asservis par le nazisme, y compris celle des

    Allemands, premires victimes de la folie hitlrienne ;

    libert de toutes les nations dEurope, libert future

    de lEurope tout entire.

    Lunit du peuple des rays , ne dans les plus

    cruelles preuves, lunit des exclus du Reich de

    mille ans , lunit du malheur ne pouvait rester

    sans signification. Elle tait porteuse dun avenir,

    elle prfigurait lunit de lEurope libre et non plusdomine.

    Lavenir dont nous rvions en 1945 ou 1949, cest

    aujourdhui, cest votre prsent.

    LEurope, petit continent accroch au flanc de lAsie

    mais mre des arts, des sciences et des lois ,

    affranchie de ses haines sculaires, lEurope, unie

    et solidaire, doit maintenant se construire un

    nouvel avenir, dans la paix et la dure, pour vous,

    enfants et petits-enfants du nouveau millnaire.

    Soyez-en conscients, soyez-en persuads, cons-truisez-le au fil des jours en y engageant toutes vos

    forces.

    Avec le combat pour la libert, cest le seul article de

    notre testament : soyez Europens, soyez-le bien

    et jamais.

    Gnral (c r) Pierre SAINT MACARY

    Mauthausen, mle 63125

    Devant le monument franais, face aux dports, les lycensadressent leurs messages. Photo Bertrand LAUDE

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    15/40

    MAUTHAUSEN / 302 15

    En les remerciant, en notre nom tous, je les

    supplie de ntre jamais des consommateurspassifs dune mmoire officielle, mais doser leurvie, dtre nos messagers de la tolrance, de lalibert, du refus de la btise raciste et de la xno-phobie. Bref, dtre des citoyens du monde qui com-mence sur notre seuil et stend linfini.

    Et jentends pour vous ces vers extraits de lasupplique de la pote Charlotte Delbo :

    Je vous supplie,

    Faites quelque chose

    Apprenez un pas, une danse

    Quelque chose qui vous justifie,Qui vous donne le droit

    Dtre habills de votre peau,

    De votre poil,

    Apprenez marcher et rire

    En ce soixantime anniversaire, je ddie cesquelques penses mon pre, Michel Rambaud,mort Mauthausen, prcisment Hartheim, tousses compagnons de souffrance extermins oudisparus.

    Mais aussi, avec tendresse, vous tous, chersAmis, nos grands tmoins, que nous avons lachance davoir nos cts depuis soixante ans eten ce 8 mai 2005.Vous affirmez le triomphe ternel de lHomme et dela Vie sur le nant, si impitoyable puisse-t-ilapparatre pour ceux quil a engloutis.

    Michelle ROUSSEAU-RAMBAUD

    que les SS appelaient le mur des parachutistes ,

    de cet enfer aujourdhui trangement en paix, je nevous parlerai pas, parce que je crains dabord de lefaire avec maladresse, et puis parce que jeredoute de ne pas savoir contenir lmotionqui mtreint maintenant.

    Mais, pour remplir mon devoir de mmoire, jevoudrais exaucer une vu, celui dun dport,Zalmen Gradowsky, dont on a retrouv une lettre,justement dans les cendres dun camp. Et pour mapart, jai dcouvert lexistence de cette lettre il y atrois jours. Je me suis dit que peut-tre, comme a,moi aussi, je pouvais contribuer accomplir cedevoir de mmoire. Je vais vous la lire. Il disait :

    Cher dcouvreur de ces crits, jai une prire te

    faire. Cest en vrit mon essentielle raison dcrire.

    Que ma vie, condamn mort, trouve au moins un

    sens. Oui, jai une prire personnelle te faire, cher

    toi qui trouveras et imprimeras ces crits.

    Renseigne-toi ladresse indique pour savoir qui je

    suis. Demande ma famille les photographies des

    miens, inclus-les dans les livres comme il te sem-

    blera bon. Ainsi voudrais-je rendre immortels leurschers noms pour lesquels je ne peux mme verser

    une seule larme, maintenant, car je suis dans lenfer

    de la mort, moi-mme aussi je suis condamn

    mort. Un mort peut-il pleurer ses morts ?

    Mais toi, tranger, citoyen libre du monde, je te prie

    de laisser couler une larme pour eux.

    Je ddie ces crits ma mre Sarah, mes surs

    Louba et Esther, Rachel ma femme, mon beau-pre

    Raphal. Tous ont pri gazs, brls .

    Et maintenant, je me tourne vers vous, anciensdports de Mauthausen, vous qui, le 16 mai 1945,avez eu la force de faire un Serment, le serment desuivre un chemin commun, le chemin de lacomprhension rciproque, le chemin de lacollaboration la grande uvre de ldification dunmonde nouveau, l ibre, juste pour tous . Et,en souvenir de tout le sang rpandu par tous lespeuples, en souvenir des millions de tous nos frresassassins par les nazis, vous avez jur de nejamais quitter ce chemin.

    Et aujourdhui, cest justement ce chemin que nous,nous tous, de toutes gnrations, nous empruntonsensemble. Alors, notre tour, jurons de ne jamaisnous en carter.

    Allocution de Nicole GUEDJSecrtaire dtat aux Droits des victimes.

    Je vous lavoue, je suis ptrifie ptrifie de fouleravec vous cette terre qui, malgr ses apparencesaujourdhui, nest que cendres. Ce sont les cendresde cent vingt mille cent vingt mille ! Juifs, homo-sexuels, opposants politiques, handicaps, rsis-tants : les asociaux, les irrcuprables, comme ils

    disaient.

    Alors, des miradors, des cent quatre vingt-six mar-ches de lEscalier de la mort de Mauthausen, decette falaise de laquelle on prcipitait les dports et

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    16/40

    Soixante ans aprs, il reste encore des vivants pour

    nous raconter, et surtout des images, preuve ultime.Malgr cela, certains rvisent le pass, dautres le

    rejouent. Et lanne dernire, en France, dans notre

    pays, il y a eu plus de mille cinq cents actes racistes

    et antismites, et partout, chaque jour dans le

    monde, de nouvelles agressions, pour une

    seul e raison, une seule : la diffrence. Les

    mcanismes de la haine de lautre, pour ce quil est

    ou pour ce quil nest pas, ne sont pas dfinitivement

    briss. Les hommes nont pas tous tir les leons de

    lHistoire. Dire quen 2005, on est encore oblig de

    faire des lois contre les discriminations !

    Alors oui, il faut un sursaut rpublicain, comme la dit

    notre Prsident de la Rpublique, Jacques Chirac,

    dans son discours du Chambon-sur-Lignon. Lheure

    nest plus au constat, mais laction, au courage, la

    rsistance. Oui la rsistance contre lintolrance.

    Et savez-vous, jeunes collgiens, jeunes lycens,

    quelle est pour vous la meilleure faon de rsister, laseule faon de rsister ? Cest la connaissance.

    Alors merci aux anciens dports de nous donner la

    leur en nous ouvrant les portes de leur pass.

    Merci Claude Lanzmann davoir grav la Shoah

    pour lternit.

    Merci Serge Klarsfeld qui, face aux lches, na

    jamais lch.

    Merci notre dput Fromion dtre prsent avec

    nous aujourdhui.

    Et merci nos jeunes ttes blondes, mais brunes

    aussi, rousses, dapprendre, dapprendre pour pou-

    voir leur tour transmettre.

    MAUTHAUSEN / 30216

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    Nicole GUEDJ, secrtaire dtat aux Droits des victimes, lors de la crmonie au monument franais au camp de Mauthausen.Photo Laurent LAIDET

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    17/40

    MAUTHAUSEN / 302 17

    En ce 8 mai 2005, nous le voyons autour de nous,

    et comme nous, toute lEurope se souvient. Elle sesouvient qu un moment de son h is to i re ,

    les peuples europens nont pas ragi face la

    barbarie. Comme l a dit le Premier ministre

    hongrois, le 5 mai dernier Auschwitz, les hom-

    mes nont t assez forts pour donner la main aux

    victimes. Ces atrocits nont t, dit-il, commises par

    personne dautre que par le genre humain .

    LEurope est aujourdhui en paix, une paix gagne et

    construite en raction lhorreur des camps. A

    Mauthausen, les dports avaient rencontr

    lEurope de la Rsistance. LEurope que nous

    voulons, cest une Europe porteuse de valeurs,

    cest une Europe de libert, cest une Europe qui na

    pas peur daffronter les dmons de son pass et qui

    regarde son histoire en face. Quiconque oublie

    son pass est condamn le revivre , avait dit

    Primo Levi. Quiconque refuse de se souvenir de

    la barbarie se retrouve expos de nouveaux

    risques de contagion , lui a rpondu, comme dans

    un cho, le Prsident allemand Von Weissecker, le

    8 mai 1985, dans une discours qui a marqu son

    temps. En fait, nous navons pas le choix : nous nedevons pas baisser la garde ; il faut sans

    cesse rester vigilant, prt ragir.

    Dans la Cantate de Mauthausen, on peut entendre

    ce refrain :

    Postons des guetteurs

    Alertons des tmoins

    Montons sur les hauteurs

    Pour clairer demain.

    Nous qui sommes runis aujourdhui, soyons ces

    guetteurs, soyons ces sentinelles.

    Disons tous les dports qui sont tombs ici, de

    toutes les religions, de toutes les nationalits,

    Polonais, Espagnols, Franais, Allemands, Russes

    et bien dautres, que leurs descendants europens

    reprennent le Serment de Mauthausen, et que notre

    unique but est de construire en leur hommage le

    plus beau monument qui soit, un monde de

    lHomme libre.

    Raction.

    Des insatisfactions, presque des remous dans las-

    sistance que confirmrent ensuite bien des

    conversations ! ont accueilli les propos de la

    ministre. Comment mieux sen faire lcho quen

    citant notre amie Gisle Guillemot ? Le fragment

    ci-dessous est extrait dune chronique de ce voyage

    de mai Mauthausen, quelle a donne au Patriote

    Rsistant, dans son numro de juin (n788) :

    La reprsentante du gouvernement, Madame

    Guedj, a un petit peu oubli que Mauthausen tait

    essentiellement un camp de rpression, le plus

    meurtrier, parat-il, o furent regroups des rsis-

    tants de toute lEurope, juifs ou non, et non pas

    [essentiellement ? NDLR] un camp dextermination.

    Mme si, terme, nous savons que la Shoah, en

    raison de son horreur absolue, dominera dans la

    mmoire collective, il aurait t bien de rappeler que

    les rsistants, pensionnaires de Mauthausen, parmi

    lesquels tant de courageux jeunes gens, dont un sur

    deux ne survcut pas, furent et sont encore lhon-

    neur de la France. Ce quelle a oubli de dire, la

    grande dception de ces auditeurs.

    Au monument Espagnol.

    Comme chaque anne, la France a marqu le lien

    spcial quelle entretient avec les dports

    espagnols : toute notre dlgation sest rendue

    devant le Monument espagnol o Jean-Marie

    Ginesta a pris la parole.

    Une fbrilit inhabituelle rgnait. Pour la premire

    fois, un Premier ministre espagnol tait prsent

    Mauthausen, et cet vnement survenait alors que

    venait dclater l affaire Marco [voir p.32 ], lex-

    prsident de lAmicale espagnole ayant prcipitam-ment quitt lAutriche. Jos Luis Zapatero fut donc

    accueilli par Rosa Toran, tandis que flottaient cte

    cte, fait stupfiant, ltendard de la Rpublique

    espagnole et le drapeau de lEspagne daujourdhui.

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    18/40

    MAUTHAUSEN / 30218

    Melk, le lundi 9 Mai 2005.Allocution de clture de la crmonieinternationale

    Quatre remarques pralables :

    1.- la trs profonde motion de me, de nous retrou-

    ver dans les garages o nous avons pass les

    toutes premires heures de la folie de Melk.

    2.- le remerciement du fond du cur, au Colonel

    commandant le rgiment, de nous avoir autoriss

    pntrer dans la caserne pour un tour dhorizon prcieux pour les familles.

    3.- la satisfaction de voir les jeunes gnrations

    participer activement cette crmonie, comme

    cela sest fait ici depuis de longues annes linitia-

    tive de la municipalit.

    4.- la joie dy avoir entendu toutes les langues

    dEurope, non plus dans la cacophonie du camp

    mais la paix et la libert.

    Melk - 1945 2005

    Il y a soixante ans, nous avons pass presque une

    anne dans cette caserne, anne courte selon le

    calendrier, anne trs longue pour ce que nous y

    avons vcu. Nous nous y retrouvons aujourdhui et

    les souvenirs reviennent.Permettez-moi de les voquer : les lieux, les hom-

    mes, la vie ou plutt les vies des uns et des autres.

    Les lieux, dabord.

    Ils ont bien chang.

    Pour retrouver le cadre de nos souvenirs, imaginezun instant que tout le sud de la ville ait disparu : pas

    de cits au creux du vallon le long de cette caserne

    et, au-del, pas dusines ou dateliers, pas de

    lotissements ou dimmeubles, pas dautoroute dans

    le lointain. Tout de suite la campagne, ouverte,

    verdoyante ou enneige, des pturages, des

    champs et des vergers.

    Au nord, au contraire, de la caserne au Danube,

    rien na chang. Au plus loin le fleuve de couleur

    incertaine et, sur son promontoire, imposante,

    massive, majestueuse dans sa magnifiquearchitecture : labbaye et son collge.

    Entre les deux blocs, la caserne et labbaye : la

    petite ville allonge dans la valle, pittoresque sans

    excs dans lenchevtrement de ses rues et de ses

    places, telle quelle est depuis des lustres.

    Les hommes, maintenant.

    Les moines, on peut le penser, suivent la rgle que

    Saint Benot leur a fixe quinze cents ans

    auparavant.

    En ville, les hommes et les femmes, au fil des jours,

    absorbs par les tches quotidiennes des mtiers

    et des mnages, sont las de la guerre qui dure et

    silencieux dans la crainte des polices nazies.

    A la caserne, dans lenceinte des barbels

    lectr ifis, des projecteurs et des miradors arms

    de mitrailleuses, cinq SS Totenkopf et cinq

    cents soldats de la Luftwaffe gardent les dix mille

    Hftlinge de lArbeits kommando Melk, les esclaves

    du Projekt Quartz.

    Comment les uns et les autres vivaient-ils ?

    A labbaye, dans un calme studieux et recueilli, dans

    le silence et la paix,

    En ville, tous attendent que la guerre finisse et

    essaient dignorer ce qui se passe dans la caserne.

    A la caserne, I0.000 dports vivent, travaillent et

    meurent selon lordre SS. Transports par

    centaines, chaque jour et chaque nuit, aux marges

    de la ville, vers le chantier souterrain de

    Loosdorf-Roggendorf, avec tant dautrestravailleurs de toute lEurope asservie, ils creusent

    des galeries, les btonnent et les quipent de

    machines qui, heureusement, ne produiront jamais

    le moindre roulement billes. (suite page 23)

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    Pierre SAINT MACARY exprime la trs profonde motion de me,

    de nous retrouver dans les garages o nous avons pass les toutes

    premires heures de la folie de Melk. Photo Henri BOUSSEL

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    19/4019

    7 mai / Ebensee

    MAUTHAUSEN / 302

    7 mai / Hartheim

    7 mai / Gusen

    Lassemble des participants la crmonieinternationale dEbensee. Photo Henri BOUSSEL .A droite, Alexandre VERNIZO, notre porte-drapeau,et Janine LAVEILLE savancent vers la stlefranaise. Photo Laurent LAIDET .

    Ci-dessus : gauche Walter BECK Gusen, photo Charles HALM .Au centre et droite les tunnelsdEbensee.Photos Olivier ALIXet Henri BOUSSEL .

    Ci-contre, droite la courdu chteau dHartheim le soirde la crmonie franaise. PhotosHenri BOUSSEL ( droite) etCharles HALM (ci-dessous).

    Ci-dessus,dpt de gerbe Gusen, photoCharles HALM .

    A Gauche,intervention dunvtran devantMartha GAMMER,Claude PLAZIAT,Jean GAVARD.Photo HenriBOUSSEL .

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    20/40

    MAUTHAUSEN / 30220

    8 Mai / Mauthausen

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    La dlgation franaise( gauche et ci-dessus droite)et la dlgation amricaine( droite).Photos Charles HALM .

    Ci-dessus, gauche etau centre, le campde Mauthausen le jourde la crmonie aveclarrive des dlgationstrangres.PhotosHenri BOUSSEL .

    A droite le dfildes dlgations.PhotoBertrand LAUDE .

    Le dfil desdlgations.PhotosBertrand LAUDE .

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    21/40

    MAUTHAUSEN / 302 21

    Au monument franais, Michelle ROUSSEAU-RAMBAUD sadresse Nicole GUEDJ, secrtairedtat aux Droit des victimes, Claude LANZMANN, Serge KLARSFELD, aux lycens venus deNormandie, lensemble des participants au 60e voyage des lycens venus de Normandie,Photos Bertrand LAUDE et Laurent LAIDET .

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    22/40

    MAUTHAUSEN / 30222

    9 Mai / Melk

    9 Mai / Loibl Pass

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    Dans la cour de la caserne de Melk, lancien Kommando, Pierre SAINT MACARY puis Ernest VINURELadressent quelques mots aux participants. Photos Henri BOUSSEL ( gauche) Sophie NEYRET ( droite).

    Ci-dessus, la chemine du crmatoire. Photo LaurentLAIDET . Ci-dessous, devant le crmatoire et sous lilattentif du petit-fils de Pierre SAINT MACARY, le maire deMelk signe le livre dor.Photo Sophie NEYRET

    Ci-dessus, le portrait dAndr ULMANN dit Pichon, Premier prsidentde lAmicale, lexposition dans le btiment du crmatoire ( gauche) ;Caroline ULMANN, sa fille parcourt lexposition ( droite).Ci-contre, la journe se poursuit dans la nouvelle expositionde labbaye de Melk.photos Laurent LAIDET .

    gauche, recueillement devant la stle lentre du tunnel C (Slovnie). Ci-dessus, crmonie devant la stledu camp Sud. A droite lemplacement du camp du Loibl Pass Sud encercl par les montagnes de Slovnie.Photos Janine LAVEILLE

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    23/40

    MAUTHAUSEN / 302 23

    (suite de la page 18) Au prix de combien de cruau-

    ts, de souffrances et de morts !Tout a t dit et crit et avec exactitude et talent surle projet Quartz par Bertrand Perz. Je nyreviendrai pas mais je conseille tous de le lire etden garder le souvenir.

    Je voudrais seulement mettre en exergue troisnoms : celui dun Autrichien et ceux dun duogermano-franais.

    Le premier est celui du docteur Zora, dsign pourtre le mdecin-chef de toute la place - SS, officiers,sous-officiers, simples soldats et Hftlinge. Tant

    que le camp a dur, il a t le seul agir en hommelibre et respectueux de son serment de mdecin. Ilna jamais tutoy un dtenu. Et plus, au moment dela dbcle, il nous a tous sauvs de lextermination.La municipalit de Melk sest honore en lui ddiantune plaque au centre de la ville.

    LAllemand, Hermann Hofstdt tait un avocatdmocrate-chrtien depuis longtemps intern etnomm Lagerschreiberdu kommando de Melk sacration en mai 1944. Le Franais, Antonin Pichon,de son vrai nom Andr Ulmann, tait un rsistant,ancien prisonnier de guerre vad, adjoint duLagerschreiberpour lArbeitseinsatz, il grait la main

    duvre que les SS vendaient aux entreprises.

    A eux deux, de faon insparable, ils ont fait de Melkun kommando pas comme les autres : les trianglesrouges y ont pris le pouvoir, les appels ont t ren-dus moins meurtriers, lencadrement des dtenus at internationalis , outre les Franais, desRusses, des Italiens, des Grecs, des Juifs hongroisont eu des places de grandes ou de modestesresponsabilits permettant tous dattnuer, en par-tie, les effets du rgime concentrationnaire.

    Toutes ces bonnes volonts rassembles nont putriompher de ladversit, les sauvageries indivi-duelles nont pu tre toutes limines, les pertes

    sont restes trs lourdes (plus de 50 %) et se sontencore aggraves lors des vacuations.

    Mais, ici, quelques hommes libres ont fait de leurmieux pour faire reculer la barbarie nazie.

    Cest leur mmoire que je vous demande dhonorermaintenant.

    En silence.

    Gnral (c r) Pierre SAINT MACARY

    Mauthausen, mle 63125

    Kommando de MELK, mai 1944 - avril 1945

    Devant la caserne, des jeunes ont inscrit les noms

    de dports morts dans ce qui fut lancien kommando

    de Melk.Photos Laurent LAIDET

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    24/40

    MAUTHAUSEN / 30224

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    Steyr,le soir du 9 mai.

    La ville de Steyr et lAssociation Mauthausen-Aktiv

    de Steyr ont voulu, pour le 60 anniversaire de la

    libration des camps, rendre hommage aux victimes

    du kommando de Steyr en organisant une crmo-

    nie internationale exceptionnelle :

    Le Requiem de Gabriel Faur interprt par le

    Collegium Vocale de Linz et le Sinfonic Orchester de

    Steyr sous la direction de Josef Habringer, destextes de Jos Borras, dport Steyr, extrait de

    son Histoire de Mauthausen , publie en 1989,

    et rcits en allemand et en franais, taient offerts

    dans lglise paroissiale de Steyr-Munichholz. Cette

    manifestation rendait hommage aux dports de

    toutes nationalits disparus au Kommando de Steyr,

    tous les noms lus et projets en vido sur le mur de

    lglise, tandis que des jeunes lycens de

    Steyr allumaient les unes aprs les autres autant

    de bougies niches dans un bloc de granit de

    Mauthausen que de noms.

    Pour la premire fois, la population locale tait

    convie participer une marche silencieuse de

    plus de 2 km laquelle plus de 700 personnes

    participrent par une claircie inattendue aprs

    une tempte de neige et de grle mles,

    depuis lglise de Steyr-Munichholz jusqu la stle

    franaise, seule trace aujourdhui du kommando de

    Steyr-Daimler-Puch.

    Lallocution du maire, David Forstenlechner, fut tra-

    duite par Madame Waltraud Neuhauser, que nous

    tenons remercier trs particulirement et

    chaleureusement, pour son dvouement, sa fidlit

    et son action pour la mmoire des dports franais

    et espagnols morts Steyr. Nous lui exprimons

    notre reconnaissance et lassurons de notre amiti

    indfectible.

    La stle franaise sur la Haagerstrasse. Photo Caroline ULMANN

    Steyr : 30 Km au sud-est de Linz, aujourdhui 2e capitale industrielle

    de Haute-Autriche aprs Linz, sige des usines BMW, SKF, Steyr.Premier

    kommando industriel de Mauthausen, ouvert le 14 mars 1942, avec des

    dports espagnols venant chaque jour du camp central, le kommando

    de Steyr fut bombard le 23 fvrier 1944 : il produisait des moteurs

    davion, des canons, des chars de combat pour la firme Steyr-Daimler-

    Benz-Puch AG. Cest au crmatoire de Mauthausen que furent brles

    les 1700 premires victimes.Aprs le bombardement, les dtenus furent

    transfrs Gusen.

    Ci-contre : lannonce de la crmonie et du concert,affiche dans les rues de Steyr.

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    25/40

    MAUTHAUSEN / 302 25

    Loibl Pass,le 9 mai.

    Le principe dun voyage options a, en particulier,

    offert cette anne une extension vers le camp

    annexe du Loibl Pass, qui devait permettre aux amis

    prsents Mauthausen avec lensemble du groupe

    de mieux percevoir lextension et la logique du

    systme Mauthausen certains dentre eux,

    qui avaient particip antrieurement un voyage

    de juin au Loibl, dcouvraient Mauthausen pour la

    premire fois. Cette offre (hasardeuse, en termesdorganisation) ayant reu un cho favorable au-

    del des perspectives les plus optimistes , cest

    tout un autocar qui sen fut vers Klagenfurt. La

    dlgation franaise, conduite par la Prsidente

    Michelle Rousseau-Rambaud, a privilgi une

    dmarche informelle, sans ngliger pour autant les

    rencontres et les prises de parole, tant en Autriche

    quen Slovnie. Pour retrouver deux jours plus tard

    lensemble du groupe dans les avions de Munich

    Pari gagn.

    Toutefois, la demande pressante des organisa-

    teurs (en Carinthie et en Slovnie) des crmonies

    officielles au Loibl, fixes comme chaque anne en

    juin, lAmicale fut reprsente celles-ci par Daniel

    Simon et Christian Tessier. Cette anne, nous nous

    serons trouvs deux fois au Loibl. Ce 11 juin,

    versant autrichien, en prsence de Madame Lise

    Prokop, ministre autrichien de lIntrieur, Daniel Simon

    a pris la parole pour expliquer la raison pour la-

    quelle, cette anne, les Franais taient peu

    nombreux, et limportance quil fallait attacher aux

    crmonies de ce soixantime anniversaire. Ct

    slovne, il a apport le salut chaleureux de lAmicale

    franaise, voquant le continent fragile et incer-

    tain qui est le ntre, o la question des frontires

    continue dtre pose, et celle dun socle de valeurs

    et de projets communs.

    Au Loibl, il est manifeste que les Franais sont

    des htes privilgis, dont labsence serait

    inconcevable.

    Publications de lAmicale :Les Kommandos

    LAmicale a entrepris la publication de dpliants

    consacrs aux camps annexes de Mauthausen. Ils

    sont destins dabord aux visiteurs individuels etpeu informs de la localisation des sites et de leur

    histoire spcifique. Ils se dploient en quatre

    rubriques : topographie histoire mmoire

    informations pratiques.

    Sont parus :

    HARTHEIM. Centre dassassinat par gaz (1940-

    1944). Mmorial de l euthanasie nationale-

    socialiste (2003). Rdaction : Michelle Rousseau-

    Rambaud, Claude Winkler-Bessone, Jean-MarieWinkler.

    EBENSEE. Camp annexe de Mauthausen. Des

    tunnels pour lindustrie de guerre : le projet

    Zement . Rdaction : Daniel Simon, Pierre

    Jaute.

    A paratre : Gusen, Loiblpass, Melk.

    Les petits kommandos et autres camps

    annexes feront, cest notre souhait, lobjet dun tra-

    vail analogue dans la mesure des moyens definancement.

    En vente lAmicale et Mauthausen (Centre

    daccueil des visiteurs).

    Prix : 4 .

    Au Loibl Pass, le tunnel creus par les dport est utilis pourle passage de lautoroute.Photo Janine LAVEILLE

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    26/40

    MAUTHAUSEN / 30226

    Avec lAmicale Mauthausen, trente-trois

    Dports Franais et Espagnols pour le

    60e anniversaire de leur libration.

    Maxime ANTELIN - Mathias ARRANZ - Georges BABEL

    - Jacques BETEILLE - Emilio CABALLERO - Jos CID

    OUTOMURO - Raoul DHUMEAUX - Pierre DUVERDIER

    - Jean GAVARD - Bernard GIRY - Roger GOUFFAULT -

    Gisle GUILLEMOT - Maurice HAVETTE - Jacques HEN-

    RIET - Eugne HERRADA - Jean-Marie LAVIGNE - Paul

    LE CAR - Henri LEDROIT - Georges LETHIELLEUX -Lise LONDON - Bernard MAINGOT - Jean MARTINAND

    - Jean-Baptiste MATHIEU - Louis MONGUILAN - Guy

    NIOGRET - Jean-Baptiste NOBILET - Franois

    RICHARD - Paul ROCHON - Pierre SAINT MACARY -

    Andr VALADE - Alexandre VERNIZO - Ernest VINUREL

    Thomas-Corneille de Barentin. Je souhaite vous remer-

    cier avec beaucoup de chaleur de nous avoir convis un tel vnement.

    Jai trente ans et jenseigne lhistoire depuis sept ans : jai

    particip en 1999 un voyage de professeurs dhistoire-

    gographie organis par lAmicale ; ce fut pour moi une

    exprience inoubliable. En revenant avec mes lves sur

    les lieux, jai pris conscience que jtais leur place :

    javais eu lhonneur de dposer une gerbe sur le monu-

    ment franais. En tant que trs jeune enseignant (ctait

    ma premire anne), jtais considr comme faisant par-

    tie de la gnration de ceux qui doivent transmettre leur

    tour. Emmener mes lves Mauthausen a donc pour

    moi une rsonance toute particulire. () Je tiens vousassurer que les lves ont t profondment touchs par

    lensemble des crmonies, quils ont entendu une leon

    dhistoire autant quune leon de vie. ().

    Je suis papa de trois enfants et ne dispose pas de beau-

    coup de temps. Mais jespre, dans lavenir, pouvoir me

    rendre utile lAmicale.

    [Bertrand Laude]

    Chers Amis,

    Ce voyage fait ensemble en mai Mauthausen fut nonseulement un moment dmotions intenses sur les lieux

    du martyr de mon pre et de tous ses camarades. ()Mais surtout, ce voyage aura t pour moi celui dune

    grande fraternit partage, dune tolrance inespre

    dans ces temps de communautarisme exacerb, toutes

    valeurs que Madame Nicole Guedj a largement bafoues

    lors de son discours partisan et dplac le 8 mai

    Mauthausen.

    Enfin, je veux saluer chaleureusement tous ceux et tou-

    tes celles qui ont particip lorganisation minutieuse de

    ce voyage (transport, dplacements, hbergement et res-

    tauration) et sa russite ; pour leur gentillesse cons-

    tante aussi vis--vis de tous.

    Fraternellement vous tous.

    [Georges Gumpel]

    () Seule la pluie, humide et froide, aurait pu sabstenir !Positif plus dun titre :

    la convivialit, les retrouvailles, les nouvelles connaissan-

    ces, cette amiti sincre, ce mixte de gnrations qui fait

    que ce grand nombre de partages a cr une dynamique

    trs particulire,laccueil, la disponibilit, lnergie dploye par chacun,

    tous les niveaux, en charge sur place de telle mission,

    pour que le circuit dans sa lourde logistique se droule le

    mieux possible,

    6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos

    Quatre courriers adresss lAmicale

    parmi beaucoup dautres :

    Madame la Prsidente,

    Messieurs les coordonnateurs,

    () Il est fort regrettable que, dans chaque car, un dpor-t nait pas parl pendant le trajet vers tel ou tel camp,

    comme cela se passait autrefois Profitons de leur pr-

    sence ! () Lorganisation ne nous a pas permis de tout

    faire. Donner trois options aux gens, cela part dun bonsentiment, mais cest la pagaille !!!! Deux suffisent. Le

    changement de car sans arrt ne permet pas de faire des

    rencontres, de lier amiti, comme nous lavions fait lors

    de nos prcdents voyages. () Dautre part, tous lesmatins, nous attendions le car, en plein courant dair, au

    moins trente minutes et sous la pluie. () Dans ce voya-ge, personne ntait responsable !!!! Cest pas moi, cest

    lautre !!!

    [Famille Morin-Beignon]

    Madame, Monsieur,

    Jai particip, en tant quenseignant, aux commmora-

    tions de la libration du camp avec mes lves du lyce

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    27/40

    MAUTHAUSEN / 302 27

    la vivacit et lentrain de chacun, le pondr et le sage de

    lautre, des combinaisons constructives qui ont fait que

    lensemble de ce qui avait t entrepris a t largement

    atteint et que cette manifestation a t pleinement

    russie,

    la mise sur orbite dune organisation monumentale dans

    son droulement logistique et administratif quaucune

    agence de voyage, nous lavons dit ( moins dun surcot

    consquent) naurait voulu prendre en charge de par son

    extrme diversit ()

    et jen passe et jen oublie

    Mais le rsultat est l ! CHAPEAU

    Je voulais vous dire TOUT SIMPLEMENT UN ENORME

    MERCI

    [Catherine Chevalier-Pocheton]

    Mai, retour dAutriche

    Merci

    - celles et ceux qui avaient soutenu nos secr-

    taires dans la lourde prparation du voyage,

    - qui ont t sur la brche, veillant aux autocars, aux

    htels, la constitution des groupes optionnels,

    - ont conu les messages daccueil, de visite, ont

    anticip les souhaits des uns et des autres,

    - ont encaiss les rcriminations des quelques

    mcontents navement enclins considrer que tout

    devait fonctionner sans anicroche et sans quil soit

    besoin de retrousser les manches,

    - ont aid selon les opportunits et leur comptence,

    et qui trouvent cela tout naturel

    ... en particulier :

    Madeleine Mathieu, Louis Buton, Fabienne Cauquil,Patrice Lafaurie, Ildiko Puszta, Jean-Louis Roussel,

    Marie-Franoise Thirion, Claude Plaziat, Michelle

    Pique-Audrain, Albert Langanke, Michelle

    Rousseau-Rambaud, Jean-Marie Winkler, Daniel

    Simon, Caroline Ulmann, Laurent Laidet, et aux

    familles Saint Macary, Gavard, Maingot, Jov, Le

    Chevalier

    et tous ceux qui lont fait si discrtement quon

    ne sen est pas aperu.

    Merci ceux qui ont crit pour exprimer leur satis-

    faction et envoyer des photos.

    Merci aux lycens et leurs professeurs : ils ont t

    formidables.

    Merci ceux qui ont assur de leur prsence et de

    leur participation dans lavenir.

    Extrait de Paris-Normandie loccasion du cocktail-bilanavec les lves des trois lyces prsents au voyage du 60e anniversairede la libration de Mauthausen. Photo QUENEAU

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    28/40

    MAUTHAUSEN / 30228

    Titre article La part visible des camps

    Les photograph ies du camp de

    concentrat ion de Mauthausen

    Lexposition est Paris jusquau 26 septembre,

    puis du 26 octobre au 28 novembre (sauf mardi et

    jours fris).

    Muse dhistoire de France - Htel de Rohan

    87 rue Vieille-du-Temple 75003 Paris

    Tous les jours sauf mardi et jours fris

    Lundi-vendredi 10h-12h30, 14h-17h30

    Samedi-dimanche 14h-17h30

    Tables rondes les 17 et 18 septembre, de 14h

    18h, animes par lhistorien Denis Peschanski :

    - samedi 17 avec les historiens Benito Bermejo,

    Michel Fabrguet, Thomas Fontaine.

    - dimanche 18 avec Pierre Serge Choumoff,

    Mariano Constante, Pierre Daix, Jean Gavard, Paul

    Le Car, Pierre Saint Macary.

    Visites commentes et ateliers pour les collgiens

    et lycens : renseignements au 01.40.27.62.83.

    Catalogue distribu en France par les Editions

    Tirsias (version franco-espagnole). Comporte lin-

    tgralit des textes inscrits sur les panneaux de lex-

    position, des textes introductifs et environ 280 ima-

    ges. 220 p. 24,90 .

    Assistance nombreuse la crmonie dinaugura-

    tion le 23 juin lHtel de Rohan (Paris 3e) en

    prsence de Renaud Donnedieu de Vabres,ministre de la Culture.

    En dpit du violent orage qui sest abattu sur Paris

    lheure mme de cette manifestation qui a emp-

    ch certaines personnalits, tels lambassadeur

    dAutriche en France, ou notre prsident dhonneur,

    Pierre Saint Macary, dtre prsentes il y avait

    foule pour dcouvrir et honorer une exposition

    ambitieuse et originale, qui semble avoir convaincu

    ses premiers visiteurs.

    Daniel Simon, en labsence de Michelle Rousseau-

    Rambaud, convalescente, a prononc une

    allocution daccueil. Le Ministre est ensuite inter-

    venu, avant dentreprendre une visite attentive,

    guid par Ilsen About, commissaire franais de

    dexposition, et Marion Veyssire, conservatrice auCentre historique des Archives nationales, qui a

    conu laccompagnement des photographies par la

    prsentation de documents papier originaux, appar-

    tenant au fonds dpos en 2001 par notre Amicale.

    Le ministre sest ensuite entretenu, au cours dun

    cocktail offert dans le salon des singes , avec

    les dports prsents : Paul Le Caer, Serge

    Choumoff, Jean Gavard, Ernest Vinurel, Henri

    Boussel.

    LAmicale exprime une nouvelle fois sa gratitude aux

    Archives de France pour la gnrosit de laccueil.

    Le message de lAmicale de Mauthausen.

    Monsieur le Ministre de la Culture,

    Monsieur lAmbassadeur,

    Monsieur le Directeur-adjoint du Cabinet du ministre

    dlgu aux Anciens Combattants,

    Madame la Directrice des Archives de France,

    Monsieur le Directeur du Centre historique desArchives nationales,

    Mesdames et Messieurs,

    Chers Amis,

    Il y a juste quatre ans ctait un 22 juin lAmicale

    de Mauthausen tait accueillie dans les jardins de

    lHtel de Rohan. Madame de Boisdeffre avait voulu

    quune crmonie la fois solennelle et conviviale

    marqut notre dcision de dposer aux Archives

    Nationales les documents historiques en notre pos-

    session, en particulier des listes primaires, den-trants et de morts, tablies par le secrtariat du

    camp, et un fonds de photographies prises pendant

    la priode de fonctionnement, ou dans les jours et

    les semaines qui suivirent la libration. En confiant

    lEtat la conservation dun legs indubitablement

    prcieux, qui requrait les protections dont nous

    ntions pas en mesure de lentourer et en le ren-

    dant disponible aux investigations des chercheurs,

    peut-tre alors certains parmi nous ont-il cru le

    mettre, pour longtemps, lombre : cest linverse

    qui saccomplit, attestant lexcellence de la missionqui sexerce en ces murs et la sollicitude avec

    laquelle le Centre historique des Archives

    Nationales nous a fait lhonneur de rester notre

    coute. La prsidente de lAmicale de Mauthausen,

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    29/40

    MAUTHAUSEN / 302 29

    Michelle Rousseau-Rambaud, signataire de lacte

    de dpt en 2001, regrette videmment quunercente hospitalisation lempche ce soir dexprimer

    de vive voix sa gratitude nos htes et partenaires.

    En son nom, je puis tmoigner de la profonde satis-

    faction que nous prouvons tous devant le travail

    accompli durant ces quatre annes. En son absence,

    je tiens dire avec quelle pugnacit elle-mme a

    port, soutenu, maintenu flot le projet dont nous

    voyons laboutissement, tant celui-ci, en maintes

    circonstances, nous est apparu dcidment trop

    grand pour nos maigres forces.

    Lide dune exposition internationale des photo-

    graphies de Mauthausen fut lance par nous lors

    dune rencontre, Barcelone, au Muse dhistoire de

    la Catalogne. Mais nous sommes labri de toute

    vanit, sachant parfaitement combien il est ais de

    proposer, quand cest pour poser le fardeau sur dau-

    tres : quhommage donc soit rendu tous ceux qui,

    pour avoir bien voulu entendre ce vu que nous for-

    mions, ont port la charge dun chantier difficile,

    sinon prilleux, et nous ont conserv leur confiance.

    Dabord nos amis espagnols, dpositaires aveclAmicale franaise dune part importante du fonds

    dimages provenant du service photographique SS

    du camp, voles et transmises jusqu nous par des

    dports rpublicains espagnols (jadresse un salut

    affectueux Mariano Constante, et je salue la

    mmoire de ses camarades, Razola, Perlado,

    Garcia, Boix, Bargueno) tous ou presque partis de

    France et pour ceux dentre eux qui avaient

    survcu revenus la plupart guetter en France,

    trente ans encore tout le moins, quune aube

    dmocratique librt enfin le ciel dEspagne.Ces documents, pour eux tel un butin de guerre,

    comme les nombreuses photographies prises la

    libration par Francisco Boix, les combattants de la

    Rpublique espagnole et leurs hritiers nont pas

    considr comme allant de soi et nous pouvons le

    comprendre lide den rassembler les fonds,

    conservs Barcelone, Paris, Vienne et ailleurs, ni

    celle de les placer ct des clichs de larme

    amricaine de libration a fortiori lide de

    les rapporter en Autriche

    Cest ainsi un projet franco-espagnol auquel le

    ministre autrichien de lIntrieur a fait demble le

    meilleur accueil, devenant le partenaire sans lequel

    il et t irralisable. Les autorits fdrales autri-

    chiennes, en charge du site et des archives de

    Mauthausen, ont mesur la signification historique,

    idologique, symbolique, du geste que deux asso-

    ciations europennes de mmoire de Mauthausenaccomplissaient en direction de lAutriche daujour-

    dhui ; en retour, le Ministre autrichien a fait de

    cette exposition une contribution clatante aux

    manifestations commmoratives du 60e anniversai-

    re de la libration, Mauthausen mme, puis bien-

    tt Vienne et dans dautres villes dAutriche. Et

    puis, soyons clairs : lEtat autrichien a pr is sa

    charge lessentiel sinon plus du finance-

    ment de lexposition, en chacune de ses trois ver-

    sions, allemande, castillane, franaise, aprs celui

    des travaux exploratoires. Nous avons ainsi biendes motifs, Monsieur lAmbassadeur, de tmoigner

    publiquement notre reconnaissance votre pays.

    Permettez-nous den formuler les dimensions simple-

    ment humaines : nous ddions cette manifestation

    Lexposition dans les salons de lHtel de Rohan.Photo Pierre FRETEAUD

  • 7/24/2019 Mauthausen 302

    30/40

    MAUTHAUSEN / 30230

    autrichien, espagnol, franais, qui se sont montrs

    la fois attentifs et dbonnaires, comprenant que parfoisles urgences pussent bousculer les procdures, sans

    menacer la rigueur. Dans ce contexte, la fonction de

    coordinateur scientifique assure par le professeur

    Jean-Marie Winkler ne fut pas une sincure

    chacun lui sait gr davoir tenu bon.

    Je veux aussi souligner, au nom de celles et ceux,

    de ma gnration ou plus jeunes, en charge

    dsormais du devenir dune association de mmoi-

    re des camps, qui ont prsent aux rescaps de

    Mauthausen le projet de cette exposition, la confian-

    ce que ceux-ci nous ont confirme en cette circons-

    tance. Un assentiment parfois rserv, nous a-t-il

    sembl, sur le sens du projet lui-mme, mais cette

    confiance de principe sur laquelle on ne revient pas,

    et qui a pris de ce fait le sens dun contrat plus

    profond. Du fond du cur, je veux les remercier de

    ce gage de lgitimit quils nous ont ainsi accord.

    Quil sachent en tout cas que les rticences muettes

    que nous observions nous ont plongs dans la

    perplexit : en vrit, une grande exposition des

    photographies de Mauthausen, tait-ce le moment

    et la priorit ? Etait-ce trop tard ou trop tt, tropcompliqu, inessentiel ? Si pourtant nous avons

    maintenu le cap, cest en considrant dabord

    combien il a t demand ces images, ds lt

    1945, pour montrer la ralit des camps, et plus

    encore, certaines dentre elles, comme pices

    conviction au procs de Nuremberg. Cest aussi en

    nous fondant sur cette vrit originaire : ces clichs

    ont t drobs afin que nous les ayons aujourdhui

    sous les yeux, et non, telles des reliques, dans nos

    tiroirs. Il sagit encore dhonorer les travaux de

    conservation, dinventaire et danalyse entreprisdepuis une vingtaine dannes, au sein de lAmicale

    franaise, par Paul Le Car, puis ceux, aux

    Archives, de Marion Veyssire qui a effectu lin-

    ventaire dfinitif du fonds. Enfin, soixante ans de

    distance, et alors que le souvenir des camps est

    aujourdhui sur la ligne de partage des gnrations,

    il convenait, selon nous, de ne pas laisser passer

    lopportunit que, ces images, nous les regardions

    ensemble, entre gnrations et entre nations euro-

    pennes. Ces documents pars et tnus, les voici

    donc rassembls pour la premire fois, accueillissous les lambris de la Rpublique, exposs en

    pleine clart, dune manire raisonne et loquente.

    A charge pour nous tous daffronter la difficult

    devant laquelle ils nous placent.

    au souvenir dAnna Pointner, habitante du villa-

    ge de Mauthausen, qui, en un acte hroque dersistance aux nationaux-socialistes, camoufla

    jusqu la libration les centaines de cl ichs

    drobs ; nous prouvons une gratitude particulire

    envers Madame Helga Wagner et Monsieur Ludwig

    Zwickl, qui, depuis le ministre Vienne, ont ind-

    fectiblement accord leur coute, inventant sans

    faillir les moyens et les relais dont les commissaires

    taient en qute ; enfin nous nous flicitons des

    changes approfo