marine le pen : la stratÉgie du mensonge · marine le pen : la stratÉgie du mensonge ... comme...
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VENDREDI 5 MAI 201773EANNÉE– NO 22490
2,50 €– FRANCE MÉTROPOLITAINEWWW.LEMONDE.FR―
FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRYDIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO
Algérie 220 DA, Allemagne 3,00 €, Andorre 3,00 €, Autriche 3,10 €, Belgique 2,70 €, Cameroun 2 100 F CFA, Canada 5,20 $, Chypre 2,70 €, Côte d'Ivoire 2 100 F CFA, Danemark 33 KRD, Espagne 2,90 €, Finlande 4,50 €, Gabon 2 100 F CFA, Grande-Bretagne 2,40 £, Grèce 3,00 €, Guadeloupe-Martinique 2,90 €, Guyane 3,00 €, Hongrie 990 HUF, Irlande 2,90 €, Italie 2,90 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,70 €, Malte 2,70 €, Maroc 17 DH, Pays-Bas 3,00 €, Portugal cont. 2,90 €, La Réunion 2,90 €, Sénégal 2 100 F CFA, Slovénie 2,90 €, Saint-Martin 3,00 €, Suisse 3,90 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 3,10 DT, Afrique CFA autres 2 100 F CFA
Cahier du « Monde » No 22490 daté Vendredi 5 mai 2017 Ne peut être vendu séparément
2C’EST D’ACTUALITÉ
v ÉDITION
Les 30 ans
de Noir sur blanc
3ENTRETIEN
v Nathalie Heinich :
« Les valeurs nous
obligent à agir »
v La sociologue signe
« Des valeurs », thème
central de l’élection
présidentielle
4LITTÉRATURE
FRANÇAISE
Dominique Bona,
Pierric Bailly
5LITTÉRATURE
ÉTRANGÈRE
Elena Lappin,
Jesús Carrasco
6HISTOIRE
D’UN LIVRE
v « Le Roi du Sud »,
de Baptiste Rossi
7ESSAISComment mourir
pour la France.
Nicolas Mariot
signe « Histoire
d’un sacrifice »
8CHRONIQUES
v LE FEUILLETON
Eric Chevillard écoute,
fasciné, William
H. Gass faire parler
les objets
9BIOGRAPHIES
Jules Guesde, les
Borgia, Gabriel Fauré,
Ernest Renan
10RENCONTRE
Jean-Marie Gourio,
rangé des zincs
patrick lapeyre
écrivain
Publier son autobiographie
à 42 ans peut sembler un
peu précipité. C’est pourtant
le risque qu’a pris Annie
Dillard, avec son étonnante
Enfance américaine, qui la
révéla au public à la fin des années 1980.
Encore fautil s’entendre sur les mots. Le
projet de son livre est en réalité moins
biographique stricto sensu que philoso
phique et poétique. Comme le suggère
son titre, Une enfance américaine est
d’abord un récit d’apprentissage, à la pre
mière personne, qui s’attache à décrire
l’évolution d’une conscience – de l’en
fance à la fin de l’adolescence – dans un
lieu et un temps bien précis. Traduit en
français en 1990, le livre vient d’être re
publié en poche aux éditions Christian
Bourgois, en même temps que quatre
autres ouvrages de l’auteure.
Le récit se déroule en effet dans les
années 1950, les années magiques de
l’aprèsguerre, où rayonne un sentiment
de jeunesse et de confiance dans l’avenir
que l’Amérique ne retrouvera sans doute
plus jamais. Le lieu, c’est Pittsburgh, en
Pennsylvanie, avec ses collines boisées,
ses trois rivières, ses nouvelles banlieues
et ses quartiers résidentiels sur lesquels
règnent depuis un siècle les membres
de la communauté irlandoécossaise,
rassemblés autour de l’Eglise presbyté
rienne. « Ils détestaient les syndicats, la
paresse, la dépense, l’originalité et les gens
qui parlaient fort », commente Dillard
avec humour.Le merveilleux de l’histoire, c’est qu’ait
pu s’épanouir, dans ce milieu étouffant,
une petite fille aussi originale. Certes,
son père est plutôt fantasque et impré
visible (navigateur dans l’âme, il passe
des mois à descendre des fleuves, une
digue après l’autre, pour aller écouter du
jazz à La NouvelleOrléans). Il n’empê
che que c’est elle et elle seule, du haut de
ses 5 ou 6 ans, qui décide qu’avant de
lire, il convient d’abord d’observer le
monde. « Le texte que je lisais, c’était la
ville ; le livre que j’imaginais, c’était une
carte », se souvientelle.
L’univers d’Annie Dillard est de fait ex
traordinairement topographique, mais
aussi géologique et hydrographique. La
découverte du Guide des étangs et des
cours d’eau sera d’ailleurs sa première
extase de lectrice. Elle le relira dévote
ment chaque année. A partir de cet ins
tant, on peut dire que son système se
met en place : le monde renvoie aux
livres et les livres renvoient au monde.
Quand elle ne campe pas au bord d’une
rivière, elle s’enferme des heures durant
dans son grenier, un livre à la main. Ce
grenier préfigure les cabanes en rondins
dans lesquelles l’auteure se plaira à écrire
plus tard. Il y a chez Dillard un véritable
mythe de la cabane, emprunté certaine
ment au Walden, de Thoreau (1854),
auquel elle consacrera sa thèse, mais
peutêtre aussi à la monade aveugle de
Leibniz. « On a besoin d’une pièce sans
vue, pour que l’imagination puisse s’allier
au souvenir dans l’obscurité », remarque
telle dans l’essai En vivant, en écrivant,
lui aussi réédité.
En tout cas, portée par une curiosité
dévorante, une sorte de fureur épistémo
logique, l’enfant veut tout connaître : les
fleuves, les planètes, les phalènes, les
oiseaux, les minéraux (qui lui inspire
ront Apprendre à parler à une pierre),
comme s’il lui fallait explorer l’entièreté
du monde naturel, parce qu’elle en a la
responsabilité.
En revanche, son apprentissage du
monde social se fera avec nettement
plus de difficulté, du fait de son tempéra
ment solitaire. Ce sont pourtant ces mo
ments délicats qui donnent lieu aux plus
belles scènes d’Une enfance américaine,
grâce à la capacité de l’auteure à poétiser
la vie et à lui donner une précision et
une intensité romanesques. Tel ce dîner
dansant, où notre héroïne danse le rock
et le slow en gants de coton blanc, tout
en rêvant secrètement de pouvoir tou
cher la peau de son cavalier blond, « plus
précieux que l’or ».
Car la fillette a grandi sans s’en rendre
compte. Et ce sera bientôt le commence
ment de la déconfiture. Les premières
pensées morbides de l’adolescence, les
premières dissensions familiales, la pers
pective de devoir entrer à l’université.
Fini les jeux, les randonnées, les parties
de boules de neige où elle bombardait
les voitures, au risque de se retrouver
poursuivie de maison en maison, de jar
din enneigé en jardin enneigé, par un
conducteur furibond. A la plénitude suc
cèdent le manque, puis l’ennui, puis la
rage et la révolte contre les pharisiens de
Pittsburgh, entretenue par la lecture de
Rimbaud (elle se jette dans la poésie fran
çaise « comme dans les chutes du Nia
gara ») et par la révélation de la philoso
phie de Ralph Waldo Emerson (1803
1882), qui exhortait la jeunesse à la
désobéissance « et demandait à chacun
de se forger une relation originale avec
l’univers ».A ces deux injonctions, Annie Dillard
a répondu deux fois oui.
Annie Dillard dresse
la carte de l’innocencePorte d’entrée autobiographique et poétique à l’univers de cette grande écrivaine,
« Une enfance américaine » reparaît avec d’autres textes. Indispensable
Annie Dillard à la fenêtre de sa « cabane d’écriture », dans le Massachusetts, en 1987. RICHARD HOWARD/THE LIFE IMAGES COLLECTION/GETTY
une enfance américaine
(An American Childhood),
d’Annie Dillard,
traduit de l’anglais (EtatsUnis) par
MarieClaude Chenom et Claude Grimal,
Christian Bourgois, « Titres », 352 p., 9 €.
Signalons, de la même auteure,
la parution, dans la collection « Titres »
chez Christian Bourgois, d’Apprendre
à parler à une pierre, traduit par Béatrice
Durand, 208 p., 8 € ; d’En vivant, en
écrivant, traduit par Brice Matthieussent,
128 p., 8 € ; de L’Amour des Maytree,
traduit par PierreYves Pétillon, 288 p., 8 € ;
des Vivants, traduit par Brice
Matthieussent, 752 p., 11 €.
Son apprentissage
du monde social se fera
avec difficulté, du fait
de son tempérament
solitaire. Ce sont pourtant
ces moments délicats
qui donnent lieu aux plus
belles scènes
FRANCESCA MANTOVANI/GALLIMARD
LE REGARD DE PLANTU
MARINE LE PEN : LA STRATÉGIE DU MENSONGE▶ A la veille de l’élection présidentielle, le débat téléviséentre les deux candidats, mercredi 3 mai, a été d’une brutalité inédite ▶ Marine Le Pen a multiplié les accusations et les attaques contre Emmanuel Macron ▶ La candidate du Front national s’est placée en chef d’une opposition radicale plutôt qu’en prétendanteà la présidencede la République ▶ « Le Monde » revient surles contrevéritésassenées parla responsabled’extrême droite ▶ Cette tactique délibérée est largement inspiréede ce que Donald Trump a pratiqué lors de la campagne américaine
PAGES 2 À 10
MONDEDES LIVRES
SUPPLÉMENT
Capture d’écran du débat télévisé entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, le 3 mai. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH POLITICS
N° 9 – EN VENTE UNIQUEMENT EN FRANCE MÉTROPOLITAINE
Les petits guides de la langue française
LES MOTSLES PLUS ANCIENSDU FRANÇAIS
Monde des livresLa biographe Dominique Bona piste les mille vies de ColetteSUPPLÉMENT
EuropeLa révolte contre les populismes s’organise à travers le continentPAGES 12-13
1ÉDITORIAL
LE VISAGE DE L’EXTRÊME DROITEpar JÉRÔME FENOGLIO
Dans trois jours, les Français éliront le prochain président de la République. Ils étaient en droit d’attendre des deux candidats en lice, mercredi 3 mai, un débat approfondiqui les éclaire, avant de faire leur choix, sur la personnalité, sur la solidité du projet et sur la capacité à tracer l’avenir de la cinquième puissance mondiale de chacun des candidats. Ils n’ont eu droit – et la responsabilité en incombe à la candidate du Front national – qu’à un faceàface confus, accablant et indigne. Mais on veut croire qu’ils auront obtenu les réponses qu’ils attendaient.
A ceux qui pouvaient l’avoir oublié, ce pugilat a rappelé crûment ce qu’est l’extrême droite française. A ceux qui font mine de ne plus savoir établir de hiérarchie entre les périls, ce spectacle navrant a désigné le plus grand de tous les dangers : l’irruption, au cœur de la démocratie française, de la brutalité et de la duplicité de la tradition politique, et familiale, qu’incarne Marine Le Pen.LIRE LA SUITE PAGE 24
IndustrieLe patrond’Alstom défend son ambition mondialeCAHIER ÉCO – PAGE 3
DÉBATS RÉFLEXIONS AVANT UNE ÉLECTIONSelon l’historienne Valérie Igounet , « le débat est un échec pour Marine Le Pen ». Isabelle VeyratMasson estime que « sa violence inouïe » est « du jamaisvu sous la Ve République ». Le réalisateur et candidat aux législatives François Ruffin adresse à Emmanuel Macron une « lettre ouverte à un futur président déjà haï ». La poli
tiste Frédérique Matonti rappelle que « le FN n’est pas un parti comme les autres » et l’historien Patrick Weil que « M. Macron présidera la République, il ne gouvernera pas la France ». L’économiste Emeric Henry pointe que « face au FN, la vérité est impuissante »DÉBATS PAGES 22-23 CAHIER ÉCO PAGE 7
V INCENT CASSE L / MODÈLE GLAC I ER
LE S ME I L LEURS VERRES SOLA IRES DEPU I S 1 957
BOUTIQUEVUARNET,28
RUEBOISSYD’ANGLAS,PARIS
08-VUARNET.COM
24 | 0123 VENDREDI 5 MAI 20170123
E lle veut « protéger » laFrance de la mondialisation. De toutes les jobardises serinées par Ma
rine Le Pen ces dernières semaines, cellelà est la plus grosse. Il nedépend pas d’un responsable politique français, même installé à l’Elysée, d’arrêter la mondialisation. L’économie de la France estmondialisée. Elle le restera, sauf àvouloir s’inspirer de modèlesaussi attrayants que celui de la Corée du Nord ou de ce que futl’Albanie d’Enver Hodja.
Mais le leitmotiv de la candidate d’extrême droite au scrutindu 7 mai dit quelque chose dumalaise de l’époque dans les pays du Nord. Là, en Europe comme aux EtatsUnis, les Occidentaux ont perdu le monopole de la richesse. Dans une partie de l’opinion, le désarroi est profond. Il està l’origine du vote en faveur du Brexit, il explique l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche. Il chamboule nos paysages politiques habituels. Il accompagne cette sourde colère qui nourrit la montée des candidats protestataires – quel que soit le résultat du vote de dimanche, plus de50 % des Français se sont prononcés, au premier tour, pour des partis contestant radicalement le système politicosocial.
La mondialisation n’est pas,comme l’ânonne Mme Le Pen, uncomplot des « oligarchies » contre « le peuple ». Elle n’est pas uneidéologie, mais le résultat de forces complexes. La croyance dans les vertus du libreéchange semêle ici à la révolution technologique et à la volonté farouchedes nations du Sud d’accéder à larichesse. Rédacteur en chef del’excellent mensuel Alternatives économiques, Guillaume Duval,dans un article démolissant leprotectionnisme du programmeLe Pen, écrit : « La mondialisation, c’est le retour sur la scèneplanétaire des pays du Sud. »
Mal-être identitaire réelLa révolution technologique a permis la délocalisation du travail : onconçoit ici, on produit làbas, on vend ailleurs. Elle a accéléré la globalisation des échanges – de biens,de services, de capitaux, mais aussi d’idées et d’images (toute l’Afrique croit que la France vit comme la classe moyenne dans un feuilleton télévisé). Elle a permis à certains pays du Sud de s’insérer dans les « chaînes de valeur mondiales ». Ils assurent une partde la fabrication des grands produits de consommation, du hightech à l’aéronautique. La Chine, l’Inde, d’autres en Asie et ailleurs ont saisi leur chance : des centaines de millions de gens sont sortisde la misère.
Cela ne va pas s’arrêter. Cela vas’accélérer, raconte Richard Baldwin dans son histoire de la mondialisation (The Great Convergence, The Belknap Press, 2016). La globalisation des échanges estportée par la croissance exponentielle des progrès technologiques. Aucune mesure protectionniste « nationale » à la Mme Le Pen ne va arrêter cette évolution. Fairecroire le contraire, c’est tromperl’opinion. Ancrée dans l’éternel « c’était mieux avant » – souvent discutable –, la promesse du retour aux années 1960, pointclé
des programmes des partis protestataires, est un énorme bobard.
Que vivonsnous ? Pour unefois pessimiste, le journaliste et essayiste américain Thomas L.Friedman, triple lauréat du prix Pulitzer, évoque « une des plus grandes mutations de notre histoire », caractérisée par « l’accélération simultanée de trois grandes forces » : la technologie, laglobalisation des échanges et le réchauffement climatique. Dansson dernier livre, Merci d’être en retard. Survivre dans le monde dedemain (SaintSimon, 342 pages,22,80 euros), Friedman doute denotre capacité d’adaptation. Unequestion hante ces pages : la démocratie tiendratelle le choc d’une mutation pareille ?
Comme les autres pays du Nord,la France bénéficie de la mondialisation. Les exportations représentent 30 % de son PIB – soit quelque 14 millions d’emplois. Elleen a souffert aussi tout au long de ces vingt dernières années : désindustrialisation, stagnation des revenus des classes populaires et moyennes, inégalités en expansion, systèmes de protection sociale malmenés. Trump, Brexit, Le Pen ou l’exploitation politique d’une demande sociale bien réelle, à laquelle, alternant au pouvoir, centre droit et centre gaucheont mal su répondre.
Cette demande n’est pas qu’économique. Hors des villes, dansles territoires des laisséspourcompte de la globalisation, le malaise va bien audelà. Au cœurdu vote protestataire flotte cesentiment croissant éprouvépar nombre de citoyens de voirfondre le paysage habituel de leur environnement, écrit Carlo Strenger, essayiste polymorpheisraélosuisse. Flux migratoires incontrôlés, perte de statut social, dilution des corps intermédiaires et de la famille, repères culturels de plus en plus évanescents, tout favorise un malêtre identitaire réel. On touche viteaux « limites de l’idéal du multiculturalisme », explique Strengerdans le quotidien Haaretz.
Le réflexe de repli est une réaction de panique et la prétentionde parler « au nom du peuple », le début d’une dérive autoritaire,sousjacente chez Trump comme chez Le Pen. En France, le protectionnisme économique sectorieln’aurait de sens qu’au niveau européen – avec la défense des marchés publics de l’UE, notamment, ou la création d’une agencede contrôle des investissements extérieurs au sein de l’Union (deux propositions d’Emmanuel Macron). Face au malaise social,les exemples viennent du Canadaou de la Scandinavie, où l’on a su adapter l’Etatprovidence à la nouvelle ère économique. En France, pour des raisons électorales, l’Etat social a protégé des situations acquises plus qu’il n’est allé au secours de ceux que la mondialisation fragilisait.
Dans le monde occidental, plusl’Etatprovidence est pertinent,plus la mondialisation est acceptée. Ce qui vaut mieux, parce quela mondialisation, elle, ne va pass’arrêter.
suite de la première page
Le débat d’entredeuxtours n’est certes pas inscrit dans notre Constitution. Il est lerésultat d’un accord, renouvelé à chaque élection, entre candidats qui acceptent dejouer le même jeu, qui se plient à des règlescommunes. Jusqu’ici, l’extrême droite en avait été écartée par son score, ou par la répugnance de Jacques Chirac à argumenter face à JeanMarie Le Pen en 2002. Son irruption sur cette scène n’en est que plus glaçante.
En violant tous les usages de cette confrontation, en méprisant jusqu’à l’exigence de sincérité, Marine Le Pen a dévoilé ce que serait sa pratique du pouvoir, si par malheur, elle était amenée à l’exercer. Son but
n’est pas d’échanger, mais d’abaisser. Sastratégie n’est nullement de convaincre, mais de nuire. Son projet n’est qu’une entreprise de démolition.
En choisissant d’emblée d’engager unebataille de chiffonniers, en maniant sans cesse l’invective, voire l’injure, l’agressivité faussement souriante et réellement grinçante, Marine Le Pen a ainsi montré son vrai visage. Elle se disait la candidate de la« France apaisée ». Elle est apparue comme l’héritière d’une pratique politique qui atoujours reposé sur le dénigrement et lamenace. L’émule, en outre, d’un DonaldTrump, multipliant comme le présidentaméricain, les insinuations mensongères.La digne championne, enfin, d’un extrémisme prêt à profiter de toutes les peurs, à creuser toutes les fractures et à attiser tous les fantasmes.
Ces angoisses sont réelles, il convient deles prendre au sérieux et de ne pas les traiter avec le cynisme dont vient de fairepreuve Marine Le Pen. Ce sera l’enjeu majeur du quinquennat qui s’ouvre. Pour chaque acteur de la nouvelle vie politique que redessineront cette présidentielle et lesélections législatives en juin, il faudra enfinse montrer aussi dur avec les causes qui ontfait monter le FN qu’avec ce parti luimême, dont la candidate vient d’exposer les insignes faiblesses.
Sur le projet, et en particulier sur le terrain économique, fiscal et budgétaire, le contraste a ainsi été saisissant. La candi
date du Front national s’est contentée delancer en l’air des promesses faramineuses sans convaincre à aucun moment que leur faisabilité était réelle et leur financement assuré.
De même sur la capacité à diriger, demain, un pays comme la France. C’est, au fond, la fonction ultime et essentielle d’un tel débat : prouver aux Français que l’on a l’étoffe d’être leur président. A 39 ans, surgi au premier plan depuis quelques mois seulement, Emmanuel Macron n’a certainement pas levé toutes les interrogations àcet égard. Mais la présidente du Front national, pour sa part, a démontré qu’elle n’enavait aucune des qualités. Son rapport à laréalité des plus flous, son rapport à l’exactitude pour le moins approximatif, son rapport à la vérité toujours manipulatoire dressent contre elle, sur ce plan, un réquisitoire sans appel.
Face à cette imposture, le premier des risques serait l’indifférence. Et la nécessité la plus urgente est d’écarter fermement Marine Le Pen de ce pouvoir qu’elle convoite etqu’elle dévoierait aussi sûrement qu’elle afait dérailler le débat de mercredi soir. Pourpréserver les conditions de ce débat républicain, il importe plus que jamais que tous les démocrates se mobilisent afin que lacandidature FN ne soit pas crédibilisée par un bon score au second tour. Et pour cela, iln’existe qu’un moyen : voter ce dimancheen faveur d’Emmanuel Macron.
jérôme fenoglio
AUCUNE MESURE PROTECTIONNISTE
« NATIONALE »À LA MME LE PENNE VA ARRÊTER
LA GLOBALISATION DES ÉCHANGES
LE VISAGE DE L’EXTRÊME DROITE
INTERNATIONAL | CHRONIQUEpar alain frachon
Bobards et mondialisation
AU CANADA ET EN SCANDINAVIE, ON A SU ADAPTER
L’ÉTATPROVIDENCE À LA NOUVELLE
ÈRE ÉCONOMIQUE
Tirage du Monde daté jeudi 4 mai : 226 499 exemplaires