marché du travail, emploi, chômage

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Marché du travail, emploi, chômage Jean-Paul Brun David Mourey 25 fiches 60 exercices avec corrigés Plus de 100 questions Résumés de cours Questions pour approfondir L1 L2 ÉCO

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Page 1: Marché du travail, emploi, chômage

Marché du travail, emploi, chômage

Jean-Paul Brun David Mourey

25 fiches 60 exercices avec corrigés Plus de 100 questions Résumés de cours Questions pour approfondir

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Marché du travail, emploi, chômageJean-Paul BrunDavid Mourey

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Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com

© De Boeck Supérieur s.a., 2019 1re édition 2019Rue du Bosquet 7, B-1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits réservés pour tous pays.Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Dépôt légal :Bibliothèque Nationale, Paris : septembre 2019 ISSN 2566-2708Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2019/13647/124 ISBN 978-2-8073-2143-4

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Sup en poche est une collection destinée aux étudiants du 1er cycle, essentiellement en Licence 1 et 2. Son objectif est de permettre à l’étudiant de réviser et s’entraîner en vue de réussir ses examens. Chaque ouvrage est composé de fiches proposant des cours résumés suivis d’exercices corrigés pas à pas.Directeurs de collection : David Mourey et Laurent Braquet

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3Sommaire

Sommaire

Partie 1 Marché du travail : présentation générale

COURS 1 Le marché du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

COURS 2 Le chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

COURS 3 Le halo du chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

COURS 4 L’évolution du chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

COURS 5 Le travail, une instance d’intégration sociale . . . . . . . . . 44

Partie 2 Le fonctionnement du marché du travail : approches théoriques

COURS 6 L’équilibre du marché du travail selon les néoclassiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

COURS 7 L’équilibre du « marché du travail » selon Keynes . . . . . 64

COURS 8 La théorie des équilibres à prix fixes et le chômage . . . 71

COURS 9 Le « dilemme inflation-chômage » et la courbe de Phillips . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

COURS 10 Théories du job search et du capital humain : relâchement des hypothèses néoclassiques . . . . . . . . . 91

COURS 11 Les théories de la nouvelle économie keynésienne : contrats implicites, salaire d’efficience et modèle « insiders-outsiders » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

COURS 12 Les théories de la segmentation du marché du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

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4 Sommaire

COURS 13 Les théories du chômage d’équilibre : modèle WS-PS, courbe de Beveridge, modèle de Pissarides- Mortensen et hystérésis du chômage . . . . . . . . . . . . . . 118

Partie 3 Le fonctionnement réel du marché du travail

COURS 14 Les institutions du marché du travail . . . . . . . . . . . . . . . 130

COURS 15 Le salaire et ses déterminants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138

COURS 16 Les discriminations sur le marché du travail . . . . . . . . . 147

COURS 17 L’approche dynamique du marché du travail : processus de « destruction créatrice » et appariements . . . . . . . . 154

COURS 18 Croissance, emploi, chômage : loi d’Okun et cycle de productivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

COURS 19 Progrès technique, emploi et chômage . . . . . . . . . . . . 176

COURS 20 Mondialisation, emploi et chômage . . . . . . . . . . . . . . . 187

Partie 4 Les politiques pour l’emploi

COURS 21 Les politiques macroéconomiques conjoncturelles, l’emploi et le chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200

COURS 22 Les politiques ciblées sur la demande de travail (1) : les mesures de réduction du coût du travail . . . . . . . . 210

COURS 23 Les politiques ciblées sur la demande de travail (2) : partage du travail, emploi et chômage . . . . . . . . . . . . . 221

COURS 24 Les politiques fondées sur l’offre de travail : améliorer les incitations et les appariements . . . . . . . . 233

COURS 25 Les politiques ciblées sur la demande et l’offre de travail : flexi-sécurité, emploi et chômage . . . . . . . . 244

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Partie 1

Marché du travail : présentation générale SOMMAIRECours 1. Le marché du travail

Cours 2. Le chômage

Cours 3. Le halo du chômage

Cours 4. L’évolution du chômage

Cours 5. Le travail, une instance d’intégration sociale

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Cours 1 • Le marché du travail6

Marché du travail, travail et emploi1 Un marché  est un lieu, fictif ou réel, où se rencontrent l’offre et la demande d’un bien ou d’un service, échangé à un certain prix. Les mar-chés sont extrêmement divers ; parmi eux, le marché du travail revêt une importance particulière pour l’économie d’un pays. On y recense des offreurs de travail, c’est-à-dire des individus qui se proposent d’exercer une activité productive rémunérée et déclarée, et des demandeurs de travail (employeurs : entreprises, administrations publiques, associa-tions…) qui font appel aux travailleurs pour réaliser une production, mar-chande ou non marchande. Le service échangé sur ce marché est donc ici le travail lui-même, dont le « prix » correspond à la rémunération.

La notion de travail doit être distinguée de celle d’emploi : cette der-nière s’applique à une fonction productive dans une organisation éco-nomique. Un emploi est un ensemble de tâches et de compétences sous-jacentes, qui permettent de contribuer à une activité productive ; il se décline en postes de travail, occupés (ou non) par des employés qui ont en principe les capacités nécessaires pour exercer l’emploi.

Quelques indicateurs clés2 L’analyse du marché du travail a recours à divers instruments de mesure, en particulier le taux d’activité, le taux d’emploi et le taux de chômage ; ces indicateurs se réfèrent aux notions de population inac-tive et de population active, définies par le Bureau international du travail (BIT). Parmi les habitants d’un pays, la population inactive ras-semble les personnes ne travaillant pas et ne recherchant pas active-

Le marché du travailCOURS

1[ MOTS CLÉS : marché du travail, travail, emploi, population active, féminisation, tertiarisation, salarisation, désindustrialisation, bipolarisation ]

DÉFINITION

Selon la conception néoclassique, le marché du travail désigne un lieu de rencontre entre une offre de travail et une demande de travail, où se fixe le montant de la rému-nération du travail (c’est-à-dire le taux de salaire).

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ment un emploi, ou n’étant pas disponibles rapidement pour en occuper un : les jeunes scolarisés, les femmes au foyer, les retraités, etc. La population active réunit par conséquent l’ensemble des per-sonnes occupant un emploi ou en cherchant un.

Ces notions peuvent être précisées à partir des conventions statis-tiques, qui considèrent que la population en âge de travailler (« popu lation active disponible » ou « population active potentielle ») est composée des personnes âgées de 15 à 64 ans. La population totale de la France en 2017 peut ainsi être représentée de la façon suivante :

Population « incapable d’activité » : 13,1 millions (M)

Inactifs en âge de travailler : 11,6 M

Chômeurs : 2,8 M

Population active occupée : 26,5 M

Population « incapable d’activité » : 13,1 M

Population totale : 67,1 M Population active totale : 29,3 M

âge

64 ans

populationactivepotentielle= 40,9 M

15 ans

0 an

{Graphique 1. Répartition de la population totale française

en populations active et inactive

Source : Insee (enquête Emploi 2017, Bilan démographique 2017)

La population active totale (29,3 millions de personnes en France en 2017) représente la population désireuse de vendre sa force de travail, autrement dit au sens économique l’offre de travail.

À partir de la notion de population active, on calcule le taux d’activité, c’est-à-dire le rapport (en pourcentage) entre la population active et la population en âge de travailler (personnes âgées de 15 à 64 ans, c’est-à-dire la « population active potentielle » ou « disponible ») ; par exem-ple, selon l’Insee en 2017, le taux d’activité en France est de 71,5 %, ce qui signifie que sur 100 personnes âgées de 15 à 64 ans, 71,5 occupent un emploi ou en recherchent un :

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Cours 1 • Le marché du travail8

100 personnes âgées de 15 à 64 ans en France

Population active (actifs occupés ou personnes à la recherche d’un emploi) : 71, 5

Population inactive : 28,5

Le taux d’activité (ou « taux de participation » au marché du travail) mesure la participation, la propension à l’activité d’une population. Il tend à augmenter à long terme en France, du fait de la hausse de l’ac-tivité féminine et de la participation croissante des seniors au marché du travail.

Le taux d’emploi d’une catégorie d’individus est calculé en rapportant le nombre de personnes de la catégorie ayant un emploi au nombre total d’individus dans la catégorie. Il peut être calculé sur l’ensemble de la population d’un pays, mais on se limite le plus souvent à la popu-lation en âge de travailler ou à une sous-catégorie de la population en âge de travailler (femmes de 25 à 29 ans…). Par exemple en 2018 selon l’OCDE, le taux d’emploi aux États-Unis (71 % au 4e trimestre) est plus élevé que dans la zone euro (67,4 % au 3e trimestre), en raison notam-ment d’une plus forte activité des seniors outre-Atlantique :

100 personnes âgées de 15 à 64 ans aux États-Unis

Population en emploi : 71 Population sans emploi (chômeurs, inactifs) : 29

Enfin, parmi les indicateurs du marché du travail, le taux de chômage est un enjeu politique majeur. Il mesure la part des chômeurs (en pour-centage) dans la population active totale ; par exemple, un taux de chô-mage au sens du BIT de 9,4 % (celui de la France en 2017 selon l’Insee) signifie que sur 100 actifs, 9,4 sont au chômage :

100 personnes actives en France

Chômeurs : 9,4

Actifs occupés : 90,6

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En synthèse :

Indicateurs Formules

Taux d’activité Population active-----------------------------------------------x 100

Population en âge de travailler

Taux d’emploi Population en emploi---------------------------------------------------x 100

Population en âge de travailler

Taux de chômage Chômeurs---------------------------x 100Population active

Le marché du travail, une construction historique3 Même si ces notions de travail, d’emploi et de chômage nous semblent aujourd’hui familières, elles n’ont pas toujours existé. La forme contem­poraine du marché du travail et les institutions qui le régissent sont des constructions sociales relativement récentes et différentes selon les pays considérés. Par exemple, sous l’ancien régime, l’activité pro-ductive était réglée de façon rigide par les corporations (ou « commu-nautés de métiers »), ou bien s’apparentait à du travail forcé (les « corvées » dues par les paysans, ou les moissons réalisées dans le cadre de la communauté villageoise). Selon Karl Polanyi (La Grande Transformation, 1944), à cette époque les relations économiques étaient « encastrées » dans les liens sociaux des corporations, du voisi-nage, de la parenté ou de la religion : « le système économique était absorbé dans le système social ».

À partir du XVIIIe siècle se développe et se généralise une relation con­tractuelle entre le travailleur et son employeur, c’est-à-dire le salariat : on assiste à l’« invention du travail » (Michel Freyssenet). La révolution industrielle est un des moteurs de cette mutation : elle rend nécessaire la constitution d’une catégorie de travailleurs libres, susceptibles de proposer leurs services à l’industrie naissante. L’évolution du droit joue également un rôle majeur : par exemple, en France, la loi Le Chapelier abolit en 1791 les corporations, supprimant ainsi les anciennes con-traintes juridiques qui pesaient sur l’activité productive. Par ailleurs, la disparition progressive des terres communautaires conduit au déve-loppement du salariat agricole, et à l’exode de nombreux paysans vers les zones urbaines : par exemple, en Grande-Bretagne, à partir du XVIe siè cle, la clôture de nombreux champs communaux (mouvement

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dit des « enclosures ») contraint des masses de paysans à quitter la terre et à offrir leurs bras à l’industrie naissante.

In fine, tous ces mouvements convergent pour aboutir à la constitu­tion d’une offre et d’une demande de travail, c’est­à­dire à la formation d’un marché du travail. Parallèlement, d’autres éléments nécessaires à la production comme la terre et la monnaie sont soumis à une logique marchande : on assiste à un « désencastrement » de l’économie vis-à-vis des relations sociales (Karl Polanyi). Dans cette « société de mar-ché », le marché du travail joue un rôle essentiel.

Le marché du travail, une réalité en constante évolution

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Au fil des années, le marché du travail a connu des mutations dans sa composition par âge, par sexe, par secteur d’activité, par catégorie socio-professionnelle et par qualification.

4.1 Par âge À long terme, dans l’ensemble des pays développés, la période d’acti-vité tend à se raccourcir « par les deux bouts », selon l’expression d’Oli-vier Marchand et Claude Thélot : les jeunes poursuivent leurs études plus longtemps suite à la massification de l’enseignement secondaire et supérieur, et certaines dispositions légales ont permis aux seniors de prendre leur retraite plus tôt (à l’instar de la loi française de 1982 insti-tuant la retraite à 60 ans au lieu de 65 ans). Toutefois, ce dernier mou-vement tend à s’inverser dans les dernières décennies, à cause des difficultés de financement des systèmes de retraite par répartition, fragi-lisés par le vieillissement de la population et la montée du chômage.

4.2 Par sexe Longtemps marquée par la prédominance des hommes, la population active est caractérisée depuis les années 1960 par un mouvement de féminisation : les taux d’activité féminins ne cessent de progresser, sous l’impact de l’allongement de la durée des études des femmes, de leur désir d’émancipation, de la recherche d’un meilleur niveau de vie des couples et de la montée des divorces.

L’évolution de l’emploi par secteur d’activité n’est pas non plus étran-gère à ce mouvement.

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4.3 Par secteur d’activité  Entre le début du XIXe siècle et l’époque actuelle, le secteur primaire (spécialisé dans la production de matières premières, notamment de produits agricoles) a enregistré un lent déclin, passant de près de 65 % de la population active vers 1800 à environ 3 % en 2016.

Graphique 2. Évolution de la structure de la population active par secteur (1806-1997)

Source : Claude Thélot et Olivier Marchand, Le travail en France, 1999, Nathan

Graphique 3. Évolution de la structure de la population active par secteur (1962-2016)

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En contrepartie, le secteur tertiaire, producteur de services, n’a cessé de progresser, occupant en 2016 près de 76 % de l’emploi en France. Ce mouvement de tertiarisation s’explique par l’évolution de la con-sommation des ménages (de plus en plus tournée vers les achats de services ; loisirs, communication, transports…), mais également par les mutations de l’appareil productif, les entreprises ayant de plus en plus recours à des éléments immatériels (conseils en gestion, en informa-tique, publicité…). Une grande partie des emplois de services sont occupés par des femmes ; la tertiarisation est donc un des facteurs de la féminisation de la population active et de l’emploi.

Le secteur secondaire, formé des activités industrielles et de la cons-truction, a quant à lui connu une progression jusqu’aux années 1970 ; depuis cette période, un mouvement de désindustrialisation est engagé, qui concerne tous les pays développés à des titres divers, la France et l’Italie étant plus touchées que l’Allemagne ; en France, ces activités ne représentent plus que 20 % de la population active en 2016, selon l’En-quête Emploi de l’Insee. Les gains de productivité dans le secteur secondaire (dus en particulier à la robotisation), la concurrence des pays émergents, l’externalisation de certaines tâches peuvent partiel-lement expliquer ce déclin de l’emploi industriel.

4.4 Par catégorie socio-professionnelle L’évolution sectorielle de la population active et de l’emploi se reflète dans les transformations de la structure socioprofessionnelle, repré-sentée par la répartition en catégories socio-professionnelles (CSP).

Sur longue période, les professions indépendantes (agriculteurs, arti-sans, commerçants…) subissent un lent déclin, alors que les salariés (employés, professions intermédiaires, cadres…) sont de plus en plus majoritaires ; le mouvement récent de développement des travailleurs indépendants (lié à « l’économie du partage » : chauffeurs Uber, livreurs Deliveroo…) reste trop limité pour remettre en cause cette tendance lourde à la salarisation de l’emploi et de la population active : aujour-d’hui en France métropolitaine, plus de 88 % des actifs occupés sont salariés.

Parmi ces salariés, la part des « cols blancs » (cadres, employés…) pro-gresse du fait de la tertiarisation, alors que celle des « cols bleus » (ouvriers) s’amenuise. En 2016, selon l’Enquête Emploi de l’Insee, les employés constituaient la première catégorie socioprofessionnelle (avec 27,4 % des actifs occupés), devant les professions intermédiaires (25,8 %), les ouvriers ne venant qu’en troisième position avec 20,3 %

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de la population active occupée. De nombreuses tâches peu qualifiées auparavant effectuées par les ouvriers sont confiées à des robots, ce qui contribue au processus de désindustrialisation.

Cette évolution est par conséquent liée à celle des qualifications.

Graphique 4. Évolution de la structure de la population active occupée (emploi) par catégorie socio-professionnelle (2006-2016)

Champ : France métropolitaine en 2006 et France hors Mayotte en 2016 Personnes en emploi de 15 ans ou plus Source : Insee, enquête Emploi

4.5 Par qualification Sur le marché du travail, la notion de qualification comporte deux volets. D’un côté, elle s’applique à l’emploi : elle désigne alors l’ensemble des compétences nécessaires pour l’occuper (par exemple, pour un poste de comptable, les aptitudes sanctionnées par un BTS Comptabilité- Gestion). De l’autre, elle concerne la personne active, qui peut être plus ou moins qualifiée par rapport au poste qu’elle occupe ou recherche : dans l’exemple un salarié peut détenir un diplôme supérieur de comp-tabilité et de gestion (niveau Bac+5) ; il est dans ce cas surqualifié par rapport au poste. La notion de qualification de l’actif est proche de celle de capital humain, qui désigne l’ensemble des compétences manuelles et intellectuelles d’une personne, susceptibles de lui rapporter des revenus.

Au cours des dernières décennies, la qualification des emplois a subi un double mouvement ; d’une part, les emplois très qualifiés ont vu leur part augmenter, notamment sous l’impact des nouveaux proces-

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Cours 1 • Le marché du travail14

sus de production faisant appel aux technologies de pointe ; de l’autre, les emplois peu qualifiés ont vu également leur nombre progresser du fait du développement des services à la personne (lié au vieillissement de la population), de l’économie collaborative (exemple des chauffeurs Uber…) ou de la simplification des processus de production.

Ce mouvement de bipolarisation de l’emploi est essentiel pour com-prendre la réalité du marché du travail ; il s’accompagne de la raréfac-tion des emplois de niveaux intermédiaires (secrétaire, contremaître…).

Quant à la qualification moyenne de la population active, elle n’a cessé de progresser, sous l’effet de la massification de l’enseignement secon-daire et supérieur : en 2018, près de 80 % des jeunes d’une génération obtiennent le baccalauréat, contre 29,5 % en 1985. On a assisté durant cette période à une véritable démocratisation quantitative de l’ensei-gnement secondaire : de plus en plus de personnes obtiennent le bac-calauréat, et surtout une plus grande proportion d’enfants de milieux populaires. Toutefois, l’ouverture de l’accès au baccalauréat pour les classes sociales les moins aisées n’a pas augmenté leurs chances de s’élever socialement : on ne peut donc pas vraiment parler de démo­cratisation qualitative.

Au final, ce décalage entre la bipolarisation des emplois et l’essor des qualifications individuelles peut être une source de frustrations, en par-ticulier chez certains diplômés de l’enseignement supérieur qui ne trouvent pas toujours d’emplois adaptés à leurs compétences et à leurs attentes. Entre 2004 et 2015, selon le baromètre d’opinion du minis-tère des Affaires sociales, la part des personnes qui estiment que la situation de leurs parents était meilleure que la leur est passée de 34 % à 42 % : on assiste à une progression du sentiment de déclassement.

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Exercice 1 Parmi les phrases suivantes, indiquez celle(s) qui vous semble(nt) correcte(s).

a) Un chômeur demande un emploi.

b) Un chômeur demande un travail.

c) Un chômeur offre du travail.

Exercice 2 Les personnes suivantes sont-elles actives ou inactives ?

a) Un enfant de 12 ans scolarisé en collège.

b) Une caissière employée chez Carrefour. 

c) Un homme de 30 ans qui ne travaille pas, mais qui est inscrit à Pôle Emploi et recherche un poste de vendeur.

Exercice 3 Répondez aux questions à partir du texte suivant :

« L’essentiel des créations d’emplois se concentre désormais aux deux extrémités du spectre ; d’un côté, des emplois qualifiés, voire très qua-lifiés, dans ce qui reste de l’industrie, dans les nouvelles technologies, la finance, les services complexes aux entreprises, mais en petit nombre ; de l’autre, des emplois peu ou pas qualifiés dans la distribu-tion, l’hôtellerie-restauration, les transports, les loisirs et les services à la personne… Ainsi les emplois domestiques (distribution, hôtels-restau-rants, loisirs, transports, et services à la personne) représentent plus de 40 % de l’emploi total au Japon comme en Espagne, 37 % en Italie, 33 % aux États-Unis, 32 % au Royaume-Uni, 30 % en Allemagne, 28 % en France. Ces emplois sont dans leur très grande majorité peu qualifiés, comme le montre leur niveau relatif de productivité et de salaire par rapport à l’industrie ou à l’ensemble de l’économie (pour la productivité, il évolue entre 0,6 et 0,7 et pour les salaires de 0,6 à 0,87 selon les pays). »

Patrick Artus, Marie-Paule Virard, Et si les salariés se révoltaient ?, Fayard, 2018, pp. 38-39

a) Quel est le phénomène décrit par ce texte ?

b) Quelles peuvent en être les conséquences ?

1 EXERCICES

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CORRIGÉS1Exercice 1

Les phrases a) et c) sont correctes : le chô-meur est un demandeur d’emploi (de poste) et un offreur de travail (il est dis-posé à travailler).

Exercice 2a) Un enfant de 12 ans scolarisé en col-

lège est un inactif (il n’occupe pas d’emploi et n’en recherche pas).

b) Une caissière employée chez Carre-four est une active (elle occupe un emploi).

c) Un homme de 30 ans qui ne travaille pas, mais qui est inscrit à Pôle Emploi et recherche un poste de vendeur est un actif (il recherche un emploi).

Exercice 3Le texte de Patrick Artus et Marie-Paule Virard évoque le processus de bipolari-sation de l’emploi, qui se traduit par la hausse de la part des emplois très quali-fiés, mais aussi de celle des emplois peu qualifiés, les emplois de type intermé-diaire tendant à se raréfier.Ce mouvement peut engendrer des phé-nomènes de frustration de la part de diplômés de niveau Bac+2 ou Bac+3 qui ne trouvent pas suffisamment d’emplois adaptés à leurs qualifications ; cette frus-tration peut elle-même se traduire par un sentiment diffus de mécontentement, le rejet des élites, le vote en faveur de partis protestataires…

Cours 1 • Le marché du travail 16

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Cours 2 • Le chômage

Le chômage : origine du concept1 Dans son ouvrage L’invention du chômage (1986), Robert Salais montre que le chômage apparaît avec l’essor de la société industrielle, en particulier quand le ralentissement ou la cessation de l’activité entraîne des pertes d’emploi. Le « calme des affaires » (caumare) va se traduire par l’apparition d’une nouvelle catégorie statistique composée des ouvriers sans emploi. Pour Jacques Freyssinet, le développement du salariat, de la relation employeur-salarié, correspond à un change-ment majeur dans l’organisation de la production, de l’économie et de l’organisation sociale. Quand le salariat devient le cadre principal de la relation de travail (rémunéré), une rupture apparaît entre le temps des-tiné au travail (au sens économique) et le temps destiné aux activités domestiques. La situation de chômage est donc liée à la disparition de l’échange d’une quantité de force de travail entre un offreur de travail (l’ouvrier) et un demandeur de travail (le patron ou employeur). Le chô­

Le chômageCOURS

2[ MOTS CLÉS : chômage, taux de chômage, demandeur d’emploi ]

DÉFINITION

Le chômage désigne une situation dans laquelle se trouvent les personnes, de 15 ans et plus, qui sont sans emploi, mais qui recherchent effectivement un emploi. Comme souvent en économie, définir et mesurer est difficile, car les frontières entre emploi, chômage et inactivité ne sont pas toujours faciles à établir. Dans ces conditions, l’exis-tence de plusieurs indicateurs complémentaires peut se révéler indispensable. Dans l’absolu, le plein emploi désigne une situation dans laquelle le nombre de chô-meurs est égal à zéro. Ce cas de figure reste purement théorique, car l’étude des mar-chés du travail réels montre qu’il existe toujours un volant de travailleurs qui, ayant quitté un emploi, n’en retrouvent pas un autre dans l’immédiat, et par conséquent passent par une phase transitoire de chômage. De même, les jeunes ayant terminé leurs études doivent souvent attendre un certain délai avant de trouver un emploi. Ces diffé-rentes situations correspondent au « chômage frictionnel », inévitable dans une écono-mie de marché. C’est pourquoi le plein emploi correspond plutôt à une situation dans laquelle le niveau du chômage est faible (inférieur ou égal à 4 % de la population active) : il se limite alors à sa composante frictionnelle.

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mage est le produit de changements économiques et sociaux struc­turels et le résultat d’une construction sociale et statistique. De facto, le chômage n’a pas toujours existé : « C’est au XIXe siècle que le vocable prend son sens moderne, amenant progressivement une reconnaissance du chômage comme problème économique appelant une réponse des pouvoirs publics […]. Même si le mot est ancien, le chômage signifie jusqu’au XIXe siècle toute situation de non-travail, sans précision quant à ses causes. Au XIXe, le chômeur prend son sens moderne […]. Ce chômage n’a de sens que dans la société salariale qui se développe au XIXe siècle. » Source : Économie de l’emploi et du chômage, D. Anne et Y. L’Horty, 2013.

Définitions et mesures du chômage2 La mesure du chômage exige de distinguer les données en valeur absolue (le nombre de chômeurs) et des statistiques en valeur relative (le taux de chômage). Compte tenu de l’hétérogénéité des tailles res-pectives des économies dans le temps et dans l’espace, cette diffé-rence n’est pas anodine. Ainsi, pour un nombre de personnes en âge de travailler, d’actifs…, on ne peut se contenter de comparer les nombres de chômeurs entre la France, les États-Unis et la Chine, par exemple.

2.1 Mesurer le nombre de chômeurs En France, nous disposons de deux sources de chiffres pour le chô-mage : une mesure statistique proposée par l’Insee et une mesure administrative calculée par Pôle Emploi. L’Insee mesure le chômage en utilisant une définition et les critères établis par le Bureau internatio-nal du travail (BIT). Pôle Emploi mesure le chômage en comptabilisant les demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM).

2.1.1 Le chômage selon l’Insee

Un chômeur au sens du BIT est une personne en âge de travailler, sans emploi, qui est disponible pour travailler, qui recherche effective-ment un emploi. Conformément à la logique du BIT, pour l’Insee, un chômeur est une personne en âge de travailler (conventionnellement 15 ans ou plus) qui n’a pas travaillé (dépourvue d’emploi) ne serait-ce qu’une heure au cours de la semaine de référence (de l’enquête), qui est disponible pour travailler dans les deux semaines, qui a entrepris des démarches actives de recherche d’emploi dans le mois précédent ou a trouvé un emploi qui commence dans les 3 mois.

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L’enquête Emploi de l’Insee permet de mesurer le chômage au sens du BIT. Depuis 2003, cette enquête Emploi est réalisée en continu en métropole alors qu’elle était auparavant réalisée sur un seul mois. Elle permet désormais des estimations trimestrielles du chômage au sens du BIT et non plus seulement annuelles.

L’enquête Emploi en continu (EEC) menée par l’Insee porte sur une semaine don-née : la semaine de référence. Cette enquête doit permettre d’observer, à court terme et à long terme, la situation des personnes sur le marché du travail. L’EEC s’inscrit dans le cadre défini par les enquêtes « Forces de travail » (Labour Force Survey) menées par Eurostat au sein de l’Union européenne. L’EEC produit l’unique mesure des concepts d’activité, chômage, emploi et inactivité au sens du BIT. La première enquête Emploi en continu a débuté en juillet 2001.

Les calculs de l’Insee permettent de mesurer la population sans emploi à la recherche d’un emploi (PSERE). Au sens du BIT, la grande majorité des chômeurs font partie de la PSERE. Cependant, parmi les chômeurs il existe des personnes qui sont involontairement sans emploi au cours de la semaine de référence, mais qui ne recherchent pas d’emploi, car elles ont pris des dispositions pour prendre un emploi salarié ou pour entreprendre une activité indépendante à une date ultérieure (dans les trois mois), et sont disponibles rapidement pour travailler.

Selon l’Insee, au second trimestre 2018, en France métropolitaine, le nombre de chômeurs est de 2,538 millions.

Attention !Le recensement de la population permet de mesurer le chômage, mais le résultat sera différent. En effet, les chômeurs sont les personnes qui ont au moins 15 ans et qui se sont déclarées chômeurs (inscrits ou non à Pôle Emploi) sauf si elles ont, en outre, déclaré explicitement ne pas rechercher de travail ; et d’autre part les personnes (âgées de 15 ans ou plus) qui ne se sont pas déclarées spontanément en emploi ou en chômage, mais qui ont néanmoins déclaré rechercher un emploi. Ainsi, un chômeur au sens du recensement n’est pas forcément un chômeur au sens du BIT (et inversement).

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Jean-Paul Brun est professeur agrégé de sciences économiques et sociales (SES) au lycée. Il a publié avec Franck Boutaric Les chiffres de l’économie française 2018 et 2019 et Les chiffres de l’économie mondiale 2010 (Hachette).

David Mourey est professeur de SES au lycée, formateur en SES dans l’Académie de Créteil, organisateur et modérateur de conférences et colloques d’économie. Il a publié avec Laurent Braquet Économie : principes fondamentaux en 2019 (De Boeck Supérieur).

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Marché du travail, emploi, chômage

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ISSN : 2566-2708