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« Responsable », nouvelle « novlangue » ? Etre ou n’être pas responsable ? La réponse ne va pas de soi : selon que l’on parle ou non la « novlangue » managériale, la donne change radicalement. C’est ainsi que, dans la banque, la transformation de la démarche commerciale, d’une approche « conseil » à une approche « vente », s’est opérée en peu de temps. Là ou l’on trouvait autonomie, marge d’initiative et relationnel, la délégation de pouvoirs était jugée valorisante. Mais la multiplication des produits et des services proposés a substitué prescription et pression. La « délégation » peut alors devenir une forme de subordination ultime… Les dividendes du travail, sans les risques Les signataires de l’accord du 21 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail ont prévu de négocier sur les clauses de la délégation de pouvoirs. Une vieille dame qui confère aux employeurs la possibilité de transférer tout ou partie de leurs responsabilités pénales à l’un ou l’autre de leurs salariés. En lui accordant une seconde jeunesse, le patronat entend poser les bases d’une « saine gestion ». Autrement dit, il entend se dégager des devoirs que la relation salariale lui assigne. Des marges de manœuvre syndicales Il existe des marges de manœuvre contre les politiques qui en découlent, et les organisations syndicales ont des propositions très concrètes à faire pour les traduire, inventer des formes de management alternatif. Cela passe par un décryptage des termes supposés stratégiques, tels qu’« objectifs » ou « moyens », et un travail de retour au réel : un cadre, un manager est, dans les faits, moins responsable de ce qu’il doit faire que de la manière dont il le fait. 16 OPTIONS N° 543 / JANVIER 2009 SOMMAIRE BNP PARIBAS : LES CONSEILLERS FINANCIERS… NUMÉRISÉS PAGES 17-19 REPÈRES PAGE 20 POINT DE VUE DE FRÉDÉRIC PÉRIN : RESPONSABILITÉ ET MANAGEMENT, PROBLÈME DE COHÉRENCE PAGE 21 DÉLÉGATION DE POUVOIRS : LES DIVIDENDES DU TRAVAIL, SANS LES RISQUES PAGES 22-23 TABLE RONDE PAGES 24-27 SABINE BUNGERT / LAIF-REA MANAGEMENT jusqu’où ? Responsables mais

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16 OPTIONS N°543 / JANVIER 2009 Des marges de manœuvre syndicales «Responsable», nouvelle «novlangue»? Les dividendes du travail, sans les risques BNP PARIBAS: LES CONSEILLERS FINANCIERS… NUMÉRISÉS PAGES 17-19 REPÈRES PAGE 20 POINT DE VUE DE FRÉDÉRIC PÉRIN: RESPONSABILITÉ ET MANAGEMENT, PROBLÈME DE COHÉRENCE PAGE 21 DÉLÉGATION DE POUVOIRS: LES DIVIDENDES DU TRAVAIL, SANS LES RISQUES PAGES 22-23 TABLE RONDE PAGES 24-27 SOMMAIRE SABINE BUNGERT / LAIF-REA

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Page 1: Management - Responsables mais jusqu ou

« Responsable », nouvelle « novlangue » ?Etre ou n’être pas responsable ? La réponse ne va pas de soi :selon que l’on parle ou non la « novlangue » managériale, ladonne change radicalement. C’est ainsi que, dans la banque,la transformation de la démarche commerciale, d’une approche« conseil » à une approche « vente », s’est opérée en peu detemps. Là ou l’on trouvait autonomie, marge d’initiative etrelationnel, la délégation de pouvoirs était jugée valorisante.Mais la multiplication des produits et des services proposés a substitué prescription et pression. La « délégation » peut alorsdevenir une forme de subordination ultime…

Les dividendes du travail, sans les risquesLes signataires de l’accord du 21 janvier 2008 sur lamodernisation du marché du travail ont prévu de négocier sur les clauses de la délégation de pouvoirs. Une vieille dame quiconfère aux employeurs la possibilité de transférer tout ou partiede leurs responsabilités pénales à l’un ou l’autre de leurs salariés.En lui accordant une seconde jeunesse, le patronat entend poserles bases d’une « saine gestion ».Autrement dit, il entend se dégager des devoirs que la relation salariale lui assigne.

Des marges de manœuvre syndicalesIl existe des marges de manœuvre contre les politiques qui en découlent, et les organisations syndicales ont despropositions très concrètes à faire pour les traduire, inventer des formes de management alternatif. Cela passe par un décryptage des termes supposés stratégiques, telsqu’« objectifs » ou « moyens », et un travail de retour au réel :un cadre, un manager est, dans les faits, moins responsable de ce qu’il doit faire que de la manière dont il le fait.

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S O M M A I R E

BNP PARIBAS : LES CONSEILLERS FINANCIERS… NUMÉRISÉSPAGES 17-19

REPÈRES PAGE 20

POINT DE VUE DE FRÉDÉRIC PÉRIN :RESPONSABILITÉ ET MANAGEMENT, PROBLÈME DE COHÉRENCEPAGE 21

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Le 9 octobre dernier, l’émission de France 2« Envoyé spécial » illustre un reportage sur la crisefinancière et les pressions subies par les salariésdu secteur bancaire en racontant le drame sur-venu à Daniel. Conseiller financier à la BnpParibas, il s’est suicidé sur son lieu de travail, lelundi 21 janvier 2008, un jour de fermeture de sonagence. A l’âge de quarante-cinq ans. Dans unelettre, il se dit broyé, laminé, humilié par lesremontrances incessantes de sa hiérarchie, qui lui reproche de ne pas vendre suffisamment deproduits financiers à risques, de type Sicav ouactions. Convoqué quelques jours avant son actedésespéré, il a été menacé de mutation : « J’ai tou-jours respecté mes clients en essayant de rester leplus correct avec eux, insiste-t-il une dernière fois.De ce côté-là au moins, on ne peut rien me repro-cher. » Un représentant de la direction s’exprimeensuite sur cette affaire, assurant que la Bnp

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Bnp Paribas Les conseillersfinanciers… numérisés

Le contexte de crisefinancière ajoute un peu plus à lapression énorme qui pèse au final sur le commercial.

Paribas est très attachée à la déontologie de sesmétiers et n’a jamais incité ses salariés à placerdes produits à des clients incapables de les assu-mer financièrement…« Et pourtant, Daniel n’a rien fait d’autre que sontravail, rappelle aujourd’hui Marie-ThérèseBerton, qui intervenait également dans le repor-tage, en qualité de secrétaire (Ugict-Cgt) du Chsct.Il était considéré comme un conseiller expérimentéet avisé. Il a plutôt rendu service à ses clients en leurdéconseillant des investissements incertains dansune conjoncture déjà très tourmentée au début2008. Mais il faut beaucoup de force morale etpsychologique pour résister aux injonctions de lahiérarchie, qui désormais ne veut plus voir qu’unseul profil de conseiller financier : celui quiapplique à la lettre les modes opératoires imposéspar les logiciels installés sur nos ordinateurs et selance dans une course effrénée pour vendre un

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Les performances des commerciaux sont en permanencecomparées, analysées,évaluées en fonction des objectifs individuels ou des challengescollectifs.

maximum de produits et services, en particulierceux mis en avant par la direction. Peu importe sicela est utile ou intéressant pour le client, dumoment que c’est lucratif pour la banque. »La transformation de la démarche commerciale,d’une approche « conseil » à une approche« vente », s’est opérée en peu de temps. « Il y aencore une dizaine d’années, le conseiller financierjouissait d’une certaine liberté d’action dans l’exer-cice de son métier, rappelle Marie-Thérèse, elle-même commerciale à la Bnp depuis plus de trenteans, et actuellement conseil en patrimoine finan-cier à Palaiseau (91). L’autonomie, la marge d’ini-tiative, le relationnel avec le client, c’est tout ce quifaisait l’intérêt et le plaisir du métier. Dans ce cadre,la délégation de pouvoirs qui nous était accordée,en fonction de notre expérience et de nos compé-tences, agissait plus comme un facteur de recon-naissance de nos qualifications que comme un facteur de pression. On se sentait responsablede la bonne performance des produits que l’onconseillait à nos clients. »Aujourd’hui, la concurrence accrue entrebanques se traduit par une multiplication desproduits et des services proposés – et facturés, ycompris dans des domaines annexes tels que l’as-surance ou le service à la personne – et par unerecherche maximale de marges dans leur vente.Le contexte de crise financière ajoute un peu plusà la pression énorme qui pèse au final sur le com-mercial. « Le management s’est durci dans certainsgroupes locaux ou régionaux, au point de parfois

rendre nécessaire l’envoi par la direction généralede “missions de réparation” », raconte BrigitteGabriel, chargée de contact commercial à Massy,et également dans l’entreprise depuis plus detrente ans. Les performances des commerciauxsont en permanence comparées, analysées, éva-luées en fonction des objectifs individuels ou des« challenges collectifs ». Derrière les grands dis-cours sur l’éthique bancaire, les commerciauxsont en fait contraints d’utiliser tous les moyenspour figurer en bonne place dans les classementset sur les podiums s’ils veulent être considéréscomme de bons éléments et gratifiés de commis-sionnements individuels ou collectifs. Ce systèmen’en reste pas moins opaque, même si l’on peutestimer que certains, à défaut d’augmentationscollectives, voient leurs salaires augmentés de 15 à 20 %.Marie-Thérèse et Brigitte constatent que cemanagement, loin de s’avérer stimulant, est sur-tout facteur de dégradation des conditions de tra-vail et de la convivialité entre collègues, et qu’ilest, en fait, facteur de souffrance, les commer-ciaux acceptant toutes les contraintes au nom dela productivité, quitte à abuser de stimulants,d’antidépresseurs ou à consommer un peu tropd’alcool.« Mais le cœur de la souffrance, c’est de voir son tra-vail vidé de tout contenu, robotisé, uniformisé, dés-humanisé, et sa capacité d’initiative réduite ànéant, souligne Marie-Thérèse. C’est en grandepartie le résultat d’une utilisation pervertie etinfantilisante de l’outil informatique. » L’ordi-nateur est bien évidemment devenu incontour-nable, parce qu’il permet de garder en mémoireet de mobiliser rapidement une multitude d’informations sur les clients et sur les produitsdisponibles qui leur seraient le plus appropriés. Ila également permis, face à l’urgence, de com-penser les manques de transmission des savoirset des compétences après des départs massifs à laretraite et l’arrivée de jeunes qui n’ont pas encoreacquis tous les contenus, les comportements etles réflexes de ces métiers.Mais il introduit une nouvelle façon de penser etde faire ce métier : « La machine a pris le pouvoir.C’est devenu un outil de pilotage comportemental,réduisant au strict minimum la capacité d’initia-tive. Tout y est consigné, explique Brigitte. Nous yenregistrons aussi un grand nombre d’informa-tions concernant les spécificités de chaque client,mais au bout du compte, quel que soit le client,l’ordinateur nous rappelle à l’ordre de la mêmemanière sur les produits financiers qu’il faut luiconseiller, ou plus exactement lui vendre. Et c’est enfonction des performances que nous réalisons surces objectifs que nous sommes évalués et commis-sionnés. Si nous prenons une initiative qui outre-

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Bnp Paribas Lesconseillers financiers...numérisés

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passe nos “pouvoirs”, en aménageant un prêt ou uninvestissement pour mieux coller au profil duclient, par exemple, cette procédure dérogatoiren’est pas commissionnée. »Les commerciaux sont incités à ne pas sortir desclous : il ne s’agit pas de faire mieux, mais plus.Plus de rendez-vous chaque jour, plus de produitsvendus. Ils sont même commissionnés s’ilsencouragent un client à se connecter sur le Net età gérer son portefeuille lui-même, autrement dits’ils incitent un client à se passer d’eux ! Difficilede se sentir reconnu dans un tel contexte. Alors,à défaut de gagner en marge de manœuvre et enpouvoir dans l’exercice de leurs responsabilités,les commerciaux prennent tous les risques, pourleurs clients mais aussi pour eux : « Beaucoup decollègues trichent pour remplir leurs objectifs oumême les dépasser, ce qui est parfois le seul moyend’être bien évalué ou de toucher une prime. Ainsi,on peut vendre un service dans un packaging sansvraiment le détailler au client, on peut “mettre aufrigo” un contrat lucratif avec un gros client pourl’enregistrer en début d’année et prendre de l’avance sur ses objectifs ou sur les collègues. Ilexiste tout un tas de petits et de grands arrange-

ments avec le système, qui semblent ne pas déran-ger la direction tant que les salariés affichent unemeilleure productivité. Beaucoup d’énergie estainsi investie à contourner ou détourner le sys-tème, avec des dérives encore plus spectaculaireschez les traders, comme tout le monde a pu le cons-tater récemment… »Alors, souvent, ça casse ! Le chantage au salaire, ledéclassement, les suppressions de portefeuilles,les mutations se traduisent par des dépressions,des démissions, un turnover important chez lesplus jeunes. Ça résiste avant de tourner au drame,comme avec Daniel, trop fragile et isolé pour tenirface à une hiérarchie intraitable. Il existe aussi destentatives de ripostes collectives, comme celle del’Ugict de la Bnp Paribas (1), qui dénonce depuisdes années les dégâts humains causés par l’évo-lution des métiers de commerciaux et s’est lancéetout récemment dans une réflexion pour élabo-rer une « Charte du commercial » : « Il s’agit toutd’abord de rappeler que les profils de ces métierssont orientés vers la recherche des produits dont lesclients ont besoin, et non vers la vente de tout ce quiest susceptible de faire gagner de l’argent à labanque, souligne Michel Sancho, responsable dusyndicat. Dans cet esprit, nous voulons discuteravec la direction d’engagements qui protègent lesconseillers financiers, leur redonnent des droits, despouvoirs, des responsabilités dans leur métier, sansqu’ils soient en permanence soumis à des contrôlesou que leur rémunération soit en permanenceconditionnée à plus de vente. Nous essayons d’in-terpeller nos collègues, y compris les jeunes. Nosarguments sont entendus, sur la liberté dans le tra-vail, les charges de travail ou la liberté d’expression.Mais cela reste encore difficile d’engager une dyna-mique collective. Pour l’instant… »

Valérie GÉRAUD

IL S’AGIT TOUT D’ABORD DE RAPPELER QUE LES PROFILS DE CES MÉTIERS SONT ORIENTÉSVERS LA RECHERCHE DES PRODUITS DONT LES CLIENTS ONT BESOIN, ET NON VERS LA VENTE DE TOUT CE QUI EST SUSCEPTIBLE DE FAIRE GAGNER DE L’ARGENT À LA BANQUE.

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A défaut de gagner en marge de manœuvreet en pouvoir dansl’exercice de leursresponsabilités, les commerciauxprennent tous les risques,pour leurs clients mais aussi pour eux.

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(1) Le blog de l’Ugict-Cgt de la BnpParibas : < http://cgt.bnpparibas.over-blog.com/ >.

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La délégation de pouvoirs ne peut déposséder lechef d’entreprise de toutes ses responsabilités.Elle ne se justifie que par l’impossibilité qu’il peutavoir d’assurer personnellement l’ensemble destâches qui lui reviennent, lorsque l’entreprise estconstituée de plusieurs établissements. Dans ce

cas, la délégation est possible. Mais elle doitconcerner des domaines précis et limités, commel’embauche, la durée du travail, les obligationsliées à la Sécurité sociale, la représentation dupersonnel, l’hygiène et la sécurité ou l’environ-nement du travail.

LA DÉLÉGATION DE POUVOIRSLes domaines possibles

La délégation de pouvoirs ne peut être que cer-tifiée, précisée, certaine et sans ambiguïté. Sirien dans le droit n’indique qu’elle doit êtreécrite, les conditions de sa validité l’impliquent.Elle peut être précisée dans un document ad hocou dans le contrat de travail du délégataire. Dans

le secteur privé, elle ne peut découler de la seuledéfinition d’un poste par une convention col-lective, elle ne peut se déduire des termes géné-raux figurant sur un document tel qu’une notede service ou des fiches descriptives de fonctionsdes salariés.

La délégation doit être explicite

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QUAND LES CADRES SE REBELLENTDAVID COURPASSON ET JEAN-CLAUDE THOENING, VUIBERT,SEPTEMBRE 2008.

ENCADRER, UN MÉTIERIMPOSSIBLE ?FREDERIK MISPELBLOM,ARMAND COLIN, 2006.

TRAVAILLER, C’EST LUTTERFREDERIK MISPELBLOM,L’HARMATTAN, 2007.

web

biblio

REPÈRES

Des délégations en chaîne sont possibles

Comme en domaine de sous-traitance, la déléga-tion de pouvoirs peut se faire en cascade. Le titu-laire d’une délégation de pouvoirs peut transférerà son tour la responsabilité qui lui a été confiée àun autre salarié. Les conditions sont les mêmes.« La subdélégation de pouvoirs n’est valable que si elle est consentie à une personne pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens propresà l’accomplissement de sa mission », explique la Ccip. Important : « il n’est pas nécessaire que la

subdélégation ait été autorisée par le chef d’entre-prise ou par le premier délégant ». A noter que, « sila subdélégation peut être admise, les codéléga-tions, c’est-à-dire le cumul de délégations pour unmême travail, sont en revanches interdites. Lescodélégations ainsi accordées sont nulles. Aumieux, les juges pourront admettre la validité decelle des deux délégations consenties au salariéayant le rang hiérarchique le plus élevé ».

Ce que délégation de pouvoir veut dire

La délégation de pouvoirs opère un transfert de laresponsabilité pénale du chef d’entreprise vers ledélégataire. « Il en résulte, précise la Ccip, que lechef d’entreprise se voit, en principe, exonéré de laresponsabilité ainsi transférée sauf s’il a person-nellement participé à la réalisation de l’infraction[…]. Il en est de même si l’infraction résulte d’undysfonctionnement général de l’entreprise. En

revanche, la délégation de pouvoirs n’a pas poureffet d’exonérer le délégant de sa responsabilité surle plan civil. Il devra verser des dommages-intérêtspour réparer le préjudice subi. De même, la sociétérépondra, en sa qualité de commettant, des faitscommis par ses salariés, conformément à l’article1384, alinéa 5 du Code civil. »

• < www.ccip93.com/upload/lettrerh/022008%20delegation%20pouvoirs.pdf > :la délégation de pouvoirs et ce qu’elle recouvre.• < www.medef.fr/staging/medias/upload/74177–FICHIER.pdf > : le vade-mecum patronalsur la délégation de pouvoirs.• < www.ugict.cgt.fr/nvsite/site/index.php?rubrique=2-8&selected–menu=1 » :le dossier de l’Ugict-Cgt sur la responsabilité sociale des cadres.• < www.cadres-plus.net/template.php?looktype=rubrique&id=72 > : le dossier de la Cfdt sur la responsabilitésociale des cadres.• < http://cgt.chgdreux.free.fr/?La-Nouvelle-Gouvernance > :« L’article L.6145-16 du Codede la Santé publique préciseque les responsables des pôlescliniques et médico-techniquesbénéficient de délégations degestion… » Le syndicat Cgt del’hôpital de Dreux fait le pointsur ce sujet.

Le profil des délégataires

Le salarié à qui un employeur voudrait confierune délégation de pouvoirs doit présenter un cer-tain nombre de caractéristiques. Il doit disposerd’une autorité de fait, une qualification, un niveaude rémunération, des compétences et desmoyens nécessaires pour accomplir ses respon-sabilités. Ainsi, remarque la chambre de com-

merce et d’industrie de Paris (Ccip), « peut vala-blement refuser une délégation de pouvoirs enmatière de sécurité un salarié dépourvu de com-pétence en matière de sécurité électrique, à qui ladélégation n’attribuait aucun pouvoir précis desanction et dont elle ne précisait pas les moyensfinanciers et matériels ».

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«La délégation de pouvoirs est avant tout un enjeude management. Les questions juridiques sont liées,mais ne sont pas de même nature. Notre souci prin-cipal est d’organiser la façon dont nos collabora-teurs, sur le terrain, peuvent prendre leursresponsabilités. Taylor, c’est fini. Penser que l’onpeut développer des prestations à forte valeur ajou-tée sans responsabiliser les salariés est une ineptie.Les ingénieurs, comme d’autres, acceptent demoins en moins de fonctionner autrement. Chacunsouhaite avoir une contribution identifiable à laréalisation d’un projet, d’un aménagement. La satis-faction professionnelle, l’estime de soi, passent parla responsabilité.» Bien gérée, celle-ci fait aussi progresser, grandir.L’avenir, pour les ingénieurs et les technicienscomme pour d’autres, est à des salariés investis dansleur travail et responsables. Reste, bien sûr, à savoirce que cela implique. Et l’on rencontre souvent plu-sieurs difficultés. D’abord, la délégation doit êtreclaire et cohérente, les salariés doivent savoir ce quel’on attend d’eux. Cela peut paraître évident, mais leflou est beaucoup trop fréquent. Ne pas compren-dre les contours de sa fonction, ou ses objectifs, estune source majeure de stress (et d’inefficacité).» Deuxième écueil à éviter : des responsabilitésconfiées “à l’aveugle”, sans être suffisamment auclair sur les compétences, le temps, les ressourcesqu’elles nécessitent. Pour être responsables de leursprojets et de leurs dossiers, les salariés doivent avoirles capacités d’assumer les pouvoirs qui leur ont étéconférés.» Troisième difficulté : le défaut d’accompa-gnement. Déléguer, ce n’est pas lâcher le col-laborateur et attendre. C’est le suivre et l’aiderrégulièrement. C’est ajuster, le cas échéant, sa“feuille de route” ; c’est travailler au développe-ment de ses compétences.

» Le stress professionnel trouve généralement sacause dans l’un ou l’autre de ces écueils. Mais ceserait une erreur de l’imputer de façon générale àtrop de délégation, trop de responsabilité, alors queles solutions sont le plus souvent à chercher dans lafaçon dont les salariés, et notamment les cadres,sont gérés.» La situation sur le marché du travail reste globale-ment, malgré la crise, en faveur des ingénieurs et destechniciens. Jusqu’à présent, moins de 4% d’entreeux sont à la recherche d’un emploi. Si nous voulonsles garder, il faut que nous soyons capables de leurdonner les moyens d’exercer leur métier dans desconditions qui les satisfont et les font progresser. Sinous ne le faisons pas, ils partiront, et nous nousaffaiblirons. En devenant une condition de l’effica-cité, la délégation de responsabilités a imposé denouvelles exigences en matière de gestion des res-sources humaines. C’est un enjeu difficile pour lesorganisations que de savoir impliquer les salariéspour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes.» Cette évolution implique-t-elle un autre mode departage des pouvoirs ? De reconnaître aux ingé-nieurs et cadres la possibilité de prendre la paroledans la définition des choix stratégiques ? In-contestablement, pour responsabiliser les salariés,les entreprises doivent leur donner les moyens des’impliquer dans la vie de l’entreprise. L’informationest un levier essentiel. Au-delà, et pour être réaliste,la capacité d’influer sur la vie de la société doit êtreappréciée en fonction du niveau et du périmètre oùs’exerce la responsabilité du cadre.» Et les entreprises de “matière grise” qui, commeEgis, fondent leurs activités sur les prestations intel-lectuelles des salariés ont des impératifs et descontraintes différents de celles des entreprises deproduction.» Reste une question: les effets que pourrait avoir lacrise sur le sens que les salariés peuvent donner autravail. La crise économique montre tous les joursque les capacités des entreprises à assurer leur ave-nir ne dépendent que de façon limitée du travail deleurs cadres. Il se peut que la “valeur travail”connaisse une dégradation dans la durée, commeelle en a déjà connu.» Cela peut pousser les collaborateurs à être plus exi-geants sur le travail lui-même. Si l’on ne maîtrise pasle moyen terme, regardons de plus près la relationde travail aujourd’hui. Pas seulement la rémunéra-tion, mais l’utilité sociale du travail, la qualité desconditions dans lesquelles il se déroule, les possibi-lités de progression qu’il comporte. Ce sera un défiplus important encore pour les entreprises, direc-tions et partenaires sociaux que de répondre à cesexigences.»

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Responsabilité et management : problème de cohérence

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point de vueFRÉDÉRIC PÉRINDIRECTEUR DES RESSOURCES HUMAINESDU GROUPE EGISPropos recueillis par MARTINE HASSOUN

Frédéric Périn est Drh d’Egis, un groupe d’ingénierie qui emploie 6700personnes à travers le monde, parmilesquelles une trèsgrande majoritéd’ingénieurs et techniciens. Ce spécialiste de la fonctionpersonnel, inspecteur du travail pendantdouze ans, estime que trop souvent les ingénieurs et les cadrespâtissent des approximationsdans lesquelles, le management les fait évoluer.

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Définition préalable : la clause de déléga-tion de pouvoirs est d’abord une vieilledame. La possibilité donnée aux em-

ployeurs de transférer tout ou partie de leursresponsabilités pénales à l’un ou l’autre de leurssalariés date en effet du début du siècle dernier.Introduite dans le droit en 1906 par la chambrecriminelle de la Cour de cassation de Paris, elle aexisté bien avant Taylor et le fordisme, bien avantles procédures qualité et les organisations parprojets. C’est donc une cure de jouvence pourlaquelle milite cette fois le patronat. En accordantune seconde jeunesse à la délégation de pouvoirs,explique-t-il sur son site (1), pourront être poséesles bases d’une « saine gestion » dans des entre-prises « dont la taille ne permet pas aux dirigeantsde veiller personnellement au respect de l’ensemblede la réglementation applicable à l’activité ».Unique obstacle pour y parvenir, considère-t-il :cette bizarrerie du droit qui veut que la délégationde pouvoirs n’ait jamais bénéficié d’un articlespécifique dans le Code du travail. En effet, seulela jurisprudence lui fixe ses contours.

Profiter en paix

Pour l’heure, la délégation de pouvoirs n’est vala-ble que si elle est acceptée par le délégataire, quiplus est si ce dernier dispose de suffisammentd’autorité, de moyens et de compétences pourexercer les pouvoirs qui lui ont été conférés (2) . Uncadre juridique contraignant, mais qui laisseentrevoir des contestations toujours possibles.Ainsi, dans une affaire récente, les juges ont refuséde reconnaître l’existence d’une telle délégation àl’encontre d’un coordinateur de travaux qui avaitété mis en cause à la suite d’un accident de travailayant provoqué un arrêt de travail supérieur àtrois mois. Aucune délégation n’avait été mise enplace par écrit, et les magistrats ont considéré queles différentes conditions n’étaient pas réuniespour la justifier. Plus largement, à partir de quandpeut-on dire qu’un salarié porte la responsabilitéd’accidents dus à des horaires démesurés, impo-sés par des organisations gérées en flux tendu ou des conditions d’hygiène et de sécurité défail-lantes, quand la pression aux résultats s’imposecomme seul objectif ?Nous y voilà : « Le cadre jurisprudentiel de la délé-gation de pouvoirs a des failles, explique ChantalVerdin, présidente de la troisième chambre de lasection « encadrement » des prud’hommes de

Paris. Et c’est bien ce qui inquiète le patronat.Comme sur d’autres thèmes, le droit du licencie-ment notamment, il veut “sécuriser” l’usage dudispositif pour s’assurer qu’il pourra en user large-ment sans risquer de se voir opposer de contesta-tion par les salariés », ajoute-t-elle. « Ce que veut lepatronat est simple : se dégager des devoirs que larelation salariale lui assigne », résume AnneLafaurie, animatrice pour l’Ugict de la campagneprud’homale. Profiter en paix. Extorquer les fruitsdu travail sans s’enquiquiner avec les risques éco-nomiques, sociaux, organisationnels et juridiquestoujours possibles qu’implique la création devaleurs : voilà pourquoi le Medef a demandé, l’andernier, aux organisations syndicales d’inscrire àl’ordre du jour du calendrier social des négocia-tions rapides sur la clause de délégation de pou-voirs. Faute de pouvoir gérer efficacement desentreprises de plus en plus complexes, il veutpouvoir garantir à ses mandants la possibilité de

DÉLÉGATION DE POUVOIRS

Les dividendes du travail, s

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Les signataires del’accord du 21 janvier2008 sur lamodernisation dumarché du travails’étaient accordés surl’ouverture, avant la findécembre 2008, denégociations sur lesclauses de délégationde pouvoirs. L’actualitéen a voulu autrement.Le dossier devraitrapidement revenir surle devant de la scène.Précisions et enjeu surdes discussions à hautsrisques pour lesingénieurs, cadres ettechniciens.

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disposer des moyens adéquats pour se défausserde leurs responsabilités sur leur encadrement.« La délégation de pouvoirs, peut-on lire encoredans le vade-mecum patronal sur le sujet, devientégalement indispensable dans la mesure où lesdirigeants rencontrent de plus en plus de difficul-tés à veiller personnellement au respect de la régle-mentation applicable à leur activité compte tenude la multiplication des textes français et commu-nautaires et de leur complexité croissante. » Surfond de judiciarisation de la société, la délégationde pouvoirs, argumente-t-il encore, s’avère aussi« un instrument essentiel à la bonne organisationdes entreprises » ; une manière de « faire peser surles véritables décideurs, et non pas sur le seul chefd’entreprise, les conséquences de leurs actes ou deleurs omissions »…Tout est dit. Rarement les contraintes qu’engen-drent des organisations en flux tendu, des sous-traitances en cascade, des délais de production ou

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, sans les risques

Faute de pouvoir gérerefficacement desentreprises de plus enplus complexes, le Medefveut pouvoir garantir à ses mandants la possibilité de disposerdes moyens adéquatspour se défausser de leurs responsabilitéssur leur encadrement.

(1) Voir < www.medef.fr/medias/upload/74177–FICHIER.pdf >.

(2) Pour plus de précisions,voir page 20.

de réalisation de plus en plus difficiles à tenir ontlaissé aussi peu de marges de manœuvre auxingénieurs et cadres dans l’exercice quotidien deleur travail. Qui plus est, depuis plus de vingt ans,la répartition des fruits de la valeur ajoutée n’acessé de se faire au détriment du travail, signifiantbien leur place aux salariés. Qu’importe au Medefcette réalité ! Dans la toute nouvelle conventioncollective du bâtiment, de même que dans cellesignée, à la fin 2006, dans les travaux publics, ladélégation de pouvoirs est applicable désormaisaux techniciens et agents de maîtrise.

« Le travail au risque de la prison ? »

«Ce qui est inquiétant,dans l’affaire, insiste ChantalVerdin, c’est que ce ne sont plus seulement les règlesde licenciement qui, cette fois, sont attaquées, maisla liberté toute simple des individus.» «Le travail aurisque de la prison ? » s’inquiète la juge prud’ho-male. «Quoi qu’il en soit, ajoute-t-elle, il ne faut pass’étonner que cette réforme intervienne à unmoment où le Code du travail se précise pour don-ner un contenu au “droit de retrait”. » Il y a peu, eneffet, le Parlement a voté un article de loi déclarantqu’« aucun salarié ne peut être sanctionné, licenciéou faire l’objet d’une mesure discriminatoire,directeou indirecte, notamment en matière de rémunéra-tion,de formation,de reclassement,d’affectation,dequalification, de classification, de promotion pro-fessionnelle, de mutation ou de renouvellement decontrat pour avoir subi,ou refusé de subir, [des agis-sements répétés de harcèlement moral] ou pouravoir témoigné de tels agissements ou les avoir rela-tés ». Certes, la capacité donnée par le droit auxsalariés de dire « non » est encore embryonnaire.Mais elle existe et se construit, se conjuguant évi-demment très mal avec la conception que le Medefa de la délégation de pouvoirs.Ce n’est pas pour un partage des responsabilitésqu’il milite, mais pour une redéfinition du statutsalarié. Pour protéger ses adhérents, l’Union confé-dérale des cadres Cfdt leur propose aujourd’huiune assurance qui, devant une juridiction pénale,civile ou administrative, pourrait couvrir leursrisques professionnels. Est-ce ainsi que se profilel’avenir professionnel des cadres ? Même dansleurs rêves les plus fous, les premiers capitalistesn’ont jamais imaginé pouvoir exiger toucher lesdividendes du travail en s’exonérant des risquesde son exploitation.

Martine HASSOUN

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“– Options:Les entreprises réclament de plus en plusde leurs cadres qu’ils soient responsables. Concrè-tement, que signifie cette demande? Comment setraduit-elle au quotidien?

– Michel Patard:Le cas de la Bnp, cette entreprise quiexige de ses conseillers financiers qu’ils assumentauprès de leurs clients les risques des produits qu’ilsvendent, est symptomatique des politiques actuelle-ment mises en œuvre. Aujourd’hui, les entreprisescherchent à se décharger sur les cadres de toutes leursresponsabilités: de leurs responsabilités sociales etsociétales, de leurs responsabilités pénales et juri-diques. Tous, même ceux de plus petits niveaux, sontengagés dans ce nouveau mode de management quivise surtout à déculpabiliser les directions, à les ras-surer, à les tranquilliser en transférant vers les salariésdes responsabilités qui ne sont pas les leurs. Ce typede capacités entre désormais dans les critères denotation lors des entretiens individuels annuels.

– Eric Buttazzoni:Cette évolution est flagrante chezGaz de France. En quelques années, nous sommespassés d’entretiens de progrès centrés sur les actionsà mettre en œuvre et le développement des compé-tences des cadres à des entretiens qui ne se focali-sent plus que sur la réalisation des objectifs. Desobjectifs de plus en plus chiffrés qui permettent l’ap-préciation des individus en fonction de pourcen-tages de réussite fixés en amont. Il s’agit là d’unvéritable basculement. Les cadres n’ont plus pourfonction de faire vivre des collectifs de travail, d’exer-cer leurs compétences au mieux de leurs capacités.Les directions d’entreprise leur donnent la respon-sabilité de remplir des objectifs en se défaussant sureux des moyens à mettre en œuvre pour y arriver.Les tentatives à Edf et Gdf d’instaurer les forfaits-jours s’inscrivent d’ailleurs dans cette perspective.On ne rémunérerait plus la mise en œuvre demoyens pendant un temps, mais des résultats, etpeu importe le temps de travail effectué, c’est auxcadres de se débrouiller.

– Options: Comment les salariés réagissent-ils à cetype de management?

– Eric Buttazzoni : Ils se posent des questions. Ilsattendent de nous, syndicalistes, que nous lesaidions à décrypter et à se défendre dans le mondedans lequel ils sont. Le premier message que nousleur faisons passer, c’est que l’évaluation peut être

envisagée autrement qu’elle l’est aujourd’hui. Nouspensons que les objectifs et les résultats sont obliga-toirement collectifs. Nous prônons un examen desrésultats par le collectif de travail, en faisant le bilan,en intégrant les coresponsabilités entre équipes surle même objectif, les contraintes, les imprévus, et lespistes d’amélioration. Après ce bilan d’équipe, onpeut faire des entretiens individuels, non pas axés surdes résultats, mais sur la contribution de chacun àl’équipe. On est bien sur les actions à mener, sur lamise en œuvre de compétences, sur la recherche del’amélioration continue en équipe. Nous prônonségalement que chaque cadre fasse préciser dans sonentretien, au besoin en utilisant l’espace «observa-tions du salarié» du canevas d’entretien, les condi-tions dans lesquelles chacun évolue, qu’il fasse descommentaires sur la pertinence et la cohérence desobjectifs demandés, en revenant aux actions àmener. Ensuite, en se penchant sur les moyens quisont fournis à tous les salariés pour réaliser le travailqui leur est demandé. Enfin, en réclamant que la hié-rarchie replace l’évaluation des individus dans le tra-vail réalisé par les collectifs de travail.

– Frederik Mispelblom Beyer:Ce qui vient d’être ditest très important, parce que cela prouve d’abordqu’il existe des marges de manœuvre contre les poli-tiques mises en œuvre. Plus largement, cela montreque les organisations syndicales ont des proposi-tions très concrètes à faire pour inventer des formesde management alternatif. Comme chercheur etsociologue, je m’intéresse aux mots qui sont utilisésdans les entreprises. Prenons le terme de «moyens».La plupart du temps, il se décline dans l’entrepriseaccolé à l’adjectif « financiers » ou se rapporte auxmoyens affectés au travail pour se réaliser : auxlocaux, aux personnels. Rarement, il a trait à lamanière d’arriver aux objectifs demandés. Or, selonmoi, un cadre, un manager est moins responsablede ce qu’il doit faire que de la manière dont il le fait.Si je dis cela, c’est pour souligner les marges demanœuvre dont ces salariés disposent. Je n’ignorepas la difficulté qu’affrontent les cadres à décrypter,donc à répondre aux méthodes managériales danslesquelles ils évoluent. Les dirigeants qui ont le pou-voir d’imposer les changements sont en position deforce, tandis que ceux qui doivent s’y adapter voientleurs repères habituels brouillés, ce qui les affaiblitencore un peu plus dans un premier temps. Maisdes alternatives existent aux politiques financières àcourt terme. Je travaille actuellement sur le cas d’un

LES CADRES N’ONTPLUS POURFONCTION DE FAIRE VIVRE DES COLLECTIFS DE TRAVAIL,D’EXERCER LEURS COMPÉTENCES AU MIEUX DE LEURSCAPACITÉS.LES DIRECTIONSD’ENTREPRISE LEUR DONNENT LA RESPONSABILITÉDE REMPLIR DESOBJECTIFS EN SEDÉFAUSSANT SUR EUX DES MOYENS À METTRE ENŒUVRE POUR Y ARRIVER.

TABLE RONDE

Objectif : ramener les

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PARTICIPANTS

ERIC BUTTAZZONI, DÉLÉGUÉ SYNDICAL CGT AU SIÈGE DE GDF-SUEZ

FREDERIK MISPELBLOMBEYER, SOCIOLOGUE,PROFESSEUR DE SOCIOLOGIEUNIVERSITÉ D’EVRY (1)

MICHEL PATARD, MEMBRE DE LA COMMISSIONEXÉCUTIVE DE L’UGICT

MARTINE HASSOUN,“OPTIONS”

De quoi les cadres peuvent-ils être responsables, et à quelles conditions? Regard croisé de deux syndicalistes et d’un sociologue sur les nouvelles exigences du management et les moyens de s’en protéger.

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(1) Auteur de Encadrer, un métierimpossible ?, Armand Colin, 2006 ; et Travailler, c’est lutter,L’Harmattan, 2007 ; voir aussi le site< www.encadrer-et-manager.com >,notamment les rubriques consacrées à la « solidarité rentable ».

(2) David Courpasson et Jean-ClaudeThoening, Quand les cadres se rebellent,Vuibert, septembre 2008.

(3) Enquête effectuée avec Catherine Glee,maître de conférences en gestion à l’Iaede Lyon, dont les résultats devraient êtrepubliés dans le courant de 2009.

(4) Ims, La Société, une affaired’entreprise ? Eyrolles, 2006.

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“directeur d’une agence bancaire en Italie qui a tentéde convaincre sa direction de la possibilité de met-tre en œuvre une stratégie commerciale autre quecelle, à très court terme, qui lui était demandée.Contrairement à ses responsables, cet homme a uneconnaissance du terrain. Une maîtrise de la clien-tèle qui lui donne des arguments pour se faire en-tendre. C’est aussi sur ce terrain que les cadres doiventaller pour se faire entendre.

– Michel Patard:Où se situent les véritables respon-sabilités? Les grands choix stratégiques émanent demoins en moins de l’intérieur des entreprises, deplus en plus des actionnaires qui n’ont qu’un objec-tif : faire le maximum de profit en un minimum detemps, l’aspect le plus caricatural de cette dériveétant les rachats Lbo où l’on ne valorise plus ce qu’ilest rentable de produire mais ce qu’il est rentable devendre. Dans ce contexte, les cadres n’ont pas leurmot à dire. Bien sûr, ils peuvent utiliser les entretiensannuels d’évaluation pour se faire entendre. Et il fautqu’ils s’emparent de cette opportunité. Mais, à monavis, la question est bien plus grave. Elle est que toutest fait aujourd’hui pour que ces salariés se taisent,n’exercent aucune critique sur les stratégies misesen œuvre. Le mode de fonctionnement des entre-prises est redevenu extrêmement hiérarchisé.Aujourd’hui, l’information descend, mais neremonte jamais. Le dialogue entre les n+1 et n+2 a quasiment disparu. Logiquement, me semble-t-il,les entretiens d’évaluation devraient se situer enamont de la définition des objectifs. Or les choses nese passent jamais comme cela.

– Options:Comment analysez-vous ces politiques?Quels intérêts les directions d’entreprise peuvent-elles en tirer?

– Frederik Mispelblom Beyer : Ces politiques s’ins-crivent dans des stratégies assez anciennes visantà substituer au contrat de travail salarié un contratcommercial. Elles vont de pair avec le mouvementd’externalisation que nous avons connu ces vingtdernières années. «Tous entrepreneurs» : ce slogan,je crois, en résume bien l’esprit. Ce qu’il est inté-ressant de souligner, cependant, c’est que cemodèle n’est pas exempt de contradictions.L’illusion qu’il sous-tend d’accorder une plusgrande autonomie aux cadres ne convainc plusgrand monde. Plus largement, il est intéressant denoter que les frictions se multiplient entre lalogique financière qu’il sous-tend et les managersqui ont pour charge de faire tourner les établisse-ments. Mieux que d’autres, en effet, ces cadres diri-geants savent que la contrainte seule ne suffit pasà faire fonctionner les organisations. Que, pourqu’une entreprise fonctionne, il faut que les sala-riés adhèrent un minimum au projet qui leur estproposé. David Courpasson et Jean-ClaudeThoening ont consacré un livre à ces managers dehaut niveau qui se rebellent contre les demandesqui leur sont faites (2). Ils soulignent, dans ce texte,les stratégies de refus que ces salariés, de plus enplus nombreux, développent face à des formes degestion dans lesquelles ils ne se retrouvent plus.J’effectue pour ma part une enquête sur les straté-gies alternatives, souvent discrètes, voire secrètes,que développent un certain nombre d’encadrantsde différents niveaux, qui ne font pas que résisterou refuser, mais inventent, contre vents et marées,d’autres manières de travailler (3).

– Eric Buttazzoni: Piloter par les objectifs n’est pasdéléguer. Bien au contraire, c’est imposer plus vio-lemment encore son pouvoir et imposer au mana-gement qu’il assume des responsabilités qui ne sontpas les siennes… Sans doute les cadres supérieurseux-mêmes commencent-ils à le comprendre. Je mesouviens de l’époque où, avant de définir le budgetde la direction de la distribution de Gaz de France,il était demandé à chaque unité de proposer sonpropre budget et son plan d’action pour l’année sui-vante. Le budget ne redescendait jamais à l’iden-tique, mais on avait participé au processus et l’onconnaissait les actions que l’on pouvait mener etcelles qui étaient différées. Depuis dix ans, en lienavec la préparation de la privatisation, les objectifssont fixés par le groupe, et ils sont d’ordre financier(résultats nets, dividendes à remonter). Il faut lesobtenir en se débrouillant sur le terrain. Cela a ainsiété à l’origine de catastrophes comme les accidentsdus au gaz. Cette manière de faire est inacceptable.Elle nous impose d’aider les cadres à se défendre. AGdf, outre le travail sur la méthode, dont j’ai parlé

LES FRICTIONS SE MULTIPLIENTENTRE LA LOGIQUEFINANCIÈRE QUECE MODÈLE SOUS-TEND ET LES MANAGERS QUI ONT POURCHARGE DE FAIRE TOURNER LESÉTABLISSEMENTS.MIEUX QUED’AUTRES,CES CADRESDIRIGEANTSSAVENT QUE LA CONTRAINTESEULE NE SUFFITPAS À FAIREMARCHER LESORGANISATIONS.

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s entreprises à la réalité

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“précédemment, nous proposons à nos collègues àqui ont été fixés des objectifs qu’ils contestent, d’unepart de spécifier leur analyse sur le compte rendud’entretien, d’autre part de demander un deuxièmeentretien: un entretien avec leur supérieur hiérar-chique ou leur n + 2 auquel nous leur proposonsqu’ils soient assistés par un délégué du personnel…Il arrive que cet entretien ne soit pas nécessaireparce que, soudainement, le dialogue reprend entrele salarié en question et sa hiérarchie. Le fait mêmed’avoir demandé un entretien en présence d’un tiersoblige le supérieur à être plus réaliste et à préciser lecontexte des objectifs qu’il a pu assigner. Intéressant,non? Une piste, en tout cas, pour combattre le stressqu’engendre ce système d’évaluation par objectifsqui impose aux cadres de remplir des résultats endehors de toute considération sur la cohérence, lesens du travail, les contraintes et la réalité du terrain.

– Options : L’entretien annuel d’évaluation, dites-vous, doit être un moment pour interroger les objec-tifs assignés aux cadres. De quels autres moyens lesyndicalisme dispose-t-il pour donner à la respon-sabilité un autre contenu que celui que proposentles entreprises?

– Frederik Mispelblom Beyer : En revenant sur lesens à donner au travail et aux orientations, auxvaleurs que l’on y investit. Les cadres sont avant toutresponsables de ce qu’ils disent et font, mais aussi dece qu’ils ne disent pas et ne font pas. Personnelle-ment, je suis frappé par l’importance que les cadres

accordent à ce sujet. La responsabilité n’apas pour seule signification celle que leurdonnent les dirigeants d’entreprise. Les cadres accordent une place importante à laresponsabilité morale et éthique de leurfonction. Dans toutes les enquêtes que jefais, ces salariés soulignent l’importancequ’ils attachent au fait de «pouvoir se regar-der dans la glace le matin», à pouvoir «assu-mer devant leurs enfants le travail [qu’ils]réalisent chaque jour». Face aux contraintesqui leur sont imposées, certains contournentce qui leur est demandé pour continuer àêtre ce qu’ils ont envie d’être. Et, ce qui estintéressant, c’est que cette exigence demoralité, de solidarité qu’ils manifestent s’avère souvent plus efficace et rentable quela concurrence et la compétitivité tant van-tées par les entreprises. Je me souviens d’unservice que j’ai étudié, faisant partie d’unegrande entreprise privée de télécommuni-cations, chargé d’installer des antennes

relais. Un des chefs d’équipe avait de gros problèmespersonnels et professionnels, mais le chef de servicene pouvait pas moralement supporter de le fairelicencier, notamment parce qu’il était âgé et à deuxans de la retraite. Il a alors proposé aux autres chefsd’équipe de prendre en charge certains des chantiersde leur collègue, ce qu’ils ont fait pendant deux ans,à l’insu de la direction générale. Et non seulement ç’amarché, mais les défauts et les retards se sont avérésmoindres dans cette équipe que dans toutes les autres. N’est-ce pas là une leçon dont pourraients’inspirer les organisations syndicales? On le dit peu:la solidarité et le partage du pouvoir peuvent être vecteurs de rentabilité…

– Michel Patard: Sauf que, pour cela, il faut que lescadres réussissent à échapper à la pression qui pèsesur eux. Rares, en effet, sont ceux qui parviennent àrésister aux demandes qui leur sont faites. Beaucoups’autocensurent, se font oublier plutôt que d’affron-ter la hiérarchie. Les choses évoluent, c’est vrai.Même si, depuis quelques années, de plus en plusde cadres nous interpellent sur ces questions, ilsattendent de nous encore trop souvent que nousagissions à leur place. Ils participent aux élections,mais traînent à intervenir avec nous sur des ques-tions aussi sensibles que la responsabilité qui leur aété assignée. Il faut absolument que nous parve-nions à travailler avec eux cette question. Que nousenvisagions ensemble la manière de conjuguerautrement la responsabilité des cadres dans les col-lectifs de travail. La crise financière actuelle, jel’espère, va nous aider à avancer. L’échec patent dela logique financière devrait favoriser l’expressiondes cadres sur les contours possibles d’un autremanagement, d’un management au service del’emploi et du développement.

– Eric Buttazzoni : Sans doute les événementsactuels aideront-ils les salariés à s’émanciper de cefantasme porté par les entreprises selon lequel il estpossible de bâtir une entreprise idéale, une entre-prise qui n’aurait que de bonnes intentions. Despropos que l’on retrouve dans beaucoup de chartes.Nous pourrions en rire si, en creux, ils ne laissaientsupposer que toute anicroche est imputable, non àl’entreprise, mais à l’incapacité des cadres à satis-faire aux objectifs assignés. Une véritable superche-rie. Chez Gdf, la déclinaison en est simple: c’est, parexemple, cette demande qui est faite aux agents desatisfaire la clientèle et, en même temps, de vendre,sans que le client en ait conscience, des contratsdéréglementés. Pour revenir à la question qui nousest posée, à savoir: «De quels autres moyens le syn-dicalisme dispose-t-il pour donner à la responsabi-lité un autre contenu que celui que proposent lesentreprises», je dirais que nous devons absolumentproposer aux cadres qu’ils sortent de la logique indi-viduelle dans laquelle trop souvent ils sont enferméset qu’ils participent à une réflexion collective sur desalternatives aux objectifs financiers imposés par lesdirections d’entreprise et leurs conséquences. Pourcela, les représentants du personnel ont besoin de

DEPUISQUELQUES ANNÉES,DE PLUS EN PLUSDE CADRES NOUSINTERPELLENT SURCES QUESTIONS,ILS ATTENDENT DE NOUS ENCORETROP SOUVENT QUENOUS AGISSIONS À LEUR PLACE.ILS PARTICIPENTAUX ÉLECTIONS,MAIS TRAÎNENT À INTERVENIR AVECNOUS SUR DESQUESTIONS AUSSISENSIBLES QUE LARESPONSABILITÉQUI LEUR A ÉTÉ ASSIGNÉE.

TABLE RONDE

Objectif : ramener les entreprises à la réalité

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Frederik Mispelblom Beyer.

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leur intervention pour analyser et proposer. C’estvrai que les cadres s’expriment plus facilementaujourd’hui qu’il y a quelques années. J’ai été troisans administrateur salarié. Dans les comités d’en-treprise comme dans les conseils d’administration,nous pouvons réclamer des directions qu’elles met-tent à l’ordre du jour des questions qui fâchent. Dessujets qui démontrent l’ampleur des contradictionsdans lesquelles s’enferment les états-majors. Parexemple, nous avons réussi ce travail, il y a quelquesmois, en menant campagne avec des associationsde consommateurs contre les contrats de vente degaz et d’électricité à prix libres. Cette bataille n’étaitpas gagnée au départ, notamment parce que cer-taines associations étaient plutôt favorables à laconcurrence. Elle n’a été possible que parce que, duterrain, nous ont été remontées des informations;parce que les cadres nous ont livré les appréciationsqui nous étaient indispensables à la critique desstratégies mises en œuvre.

– Frederik Mispelblom Beyer : Comment militerautrement est, je crois, le fond du problème. Lemonde a beaucoup changé, et les salariés avec lui.Les frontières entre les préoccupations sociales,sociétales et professionnelles se sont estompées. Cequi est amusant, d’ailleurs, c’est que ce ne sont plusseulement les syndicalistes qui le disent mais dé-sormais les cadres dirigeants eux-mêmes. Commeceux qui ont fait paraître, il y a peu, ce livre : LaSociété, une affaire d’entreprise? (4).

– Options:Comment, justement, la «responsabilitésociale des entreprises» peut-elle soutenir une autreapproche du management?

– Frederik Mispelblom Beyer : Ce qui me frappe,c’est la rapidité avec laquelle un certain nombre desyndicats de cadres se sont emparés du thème de la«responsabilité sociale des entreprises» et ont créé,avec la fédération Eurocadres, la notion de «mana-

gement européen responsable ». Celamontre entre autres que les cadres s’es-timent responsables et veulent l’être,mais pas forcément comme l’enten-dent leurs dirigeants. Cette notion demanagement européen responsablepourrait être un support officiel et col-lectif pour les stratégies alternativesque certains cadres développent dansleur travail quotidien, souvent demanière individuelle. Ce que j’appelle« militer autrement » consiste juste-ment à ne pas faire une distinctionentre le travail quotidien d’un côté, etle militantisme ou le syndicalisme del’autre, mais à essayer d’être en cohé-rence avec les valeurs sociétales,civiques et morales que l’on défend entant que personne humaine, et lesorientations, les valeurs que l’on inves-tit dans son travail au jour le jour. C’estcela que j’appelle aussi une «éthique de

la responsabilité personnelle» que l’on a en tant quecadre, et même en tant que salarié en général. Carcertaines marges de manœuvre existent aussi dansle travail si mal appelé «d’exécution».

– Eric Buttazzoni: Les chartes affichant la respon-sabilité sociale de telle ou telle entreprise doiventêtre autre chose que des déclarations d’intentions.Ces textes ne doivent pas servir d’alibi à l’instaura-tion de nouvelles contraintes qui tomberaient d’enhaut comme l’a été la charte signée par Gdf il y a dix-huit mois. Il faut passer par des accords qui doiventmettre en place un dialogue social aboutissant à desobjectifs et des plans d’action, avec des comités desuivi dans lesquels représentants de la direction etreprésentants du personnel apprécient les progrèset les priorités. Cela fournit un point d’appui et desmoyens d’action pour les collectifs de travail, et toutparticulièrement pour les cadres. On sort de ladéclaration d’intention pour aboutir à des mises enœuvre effectives. C’est dans ce sens que nous avonsnégocié, cette année, un accord à Gaz de France queje crois intéressant. Un groupe de suivi a été créé (etil y en aura un dans chaque filiale du Groupe) poursuivre les conditions du développement de laresponsabilité sociale dans la gestion quotidiennedes services. A noter qu’un salarié qui seraitconfronté à une contradiction entre les prioritésdéfinies par l’accord Rse et les conditions d’exercicede son métier peut alerter sa hiérarchie, un repré-sentant du personnel ou le délégué éthique.

– Michel Patard: Cet accord est extrêmement inté-ressant. Sur la soixantaine de chartes « Rse » qui existent dans le monde, celui-ci est le premier à pré-voir que les cadres soient chargés de sa mise enœuvre. A travers le thème de la « responsabilitésociale des entreprises», nous disposons d’une véri-table opportunité pour avancer vers une autreforme de management. Si les directions veulent desentreprises socialement responsables, elles doiventse doter de nouvelles pratiques. Il ne suffit pas d’af-ficher sa volonté de répondre aux normes sociales.Il faut aussi s’en donner les moyens.

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Eric Buttazzoni.

Michel Patard.

“IL FAUT PASSERPAR DES ACCORDSQUI DOIVENTMETTRE EN PLACEUN DIALOGUESOCIALABOUTISSANT À DES OBJECTIFSET DES PLANSD’ACTION, AVECDES COMITÉS DE SUIVI DANSLESQUELSREPRÉSENTANTSDE LA DIRECTIONET DU PERSONNELAPPRÉCIENT LES PROGRÈS ET LES PRIORITÉS.

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