maladies rares :les orphelines du système de santé algérien

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Santé-Mag - N° 03 Février 2012 6 L e cas de Manil Blidi, un bébé bulle de huit mois a créé, durant tout le mois de janvier, le buzz sur les pages fa- cebook algériennes. L’enfant, souffrant d’une maladie rare - un déficit immuni- taire nécessitant une greffe de la moelle osseuse - a été pris, pendant des jours, en otage d’un conflit entre la Caisse na- tionale de sécurité sociale et celle de France, sur une histoire d’impayés. Le transfert de cet enfant, en France, pour subir une greffe n’a pu se réaliser que grâce à une mobilisation, sans faille, de la presse nationale et des internautes. Au- delà de ce qui peut être assimilé à un fait divers, c’est la problématique de la prise en charge des maladies orphelines, qui est posée. Si dans notre pays, il est, déjà, aléatoire d’assurer un traitement efficace et durable pour des pathologies, dont la prévalence est très importante, que faut- il penser de celles qui ne touchent qu’une partie, infime, de la population. Par définition, les maladies sont consi- dérées comme rares ou orphelines, si elles touchent moins de 0,05% de la po- pulation générale. Dans 80% des cas, elles sont d’origine génétique ou hérédi- taire. Mais, elles peuvent - être, aussi, classées comme infectieuses ou auto-im- munes (une anomalie du système im- munitaire). La neurofibromatose, les chondrodysplasies, le syndrome de Rett, la sclérose latérale, le sarcome de Kaposi font partie de cette famille. A vrai dire, la liste des maladies, dites orphelines, est très longue. Certaines sont, relativement, connues comme la mucoviscidose, les myopathies, la néphropathie, le syn- drome d’Aarskog… D’autres ne sont, nullement, évocatrices, y compris pour le personnel médical, tel que le syn- drome d’Aase, Achondrogenèse ou en- core anémie de Fanconi. En Algérie, comme dans d’autres pays du Maghreb, les maladies génétiques rares ciblent, particulièrement, les en- fants issus de mariages consanguins, en- core assez répandus dans cette région du monde. Elles sont, difficilement, diag- nostiquées par des médecins généralistes et des pédiatres, peu édifiés sur leurs signes cliniques et leur évolution. Sou- vent, les parents sont ballottés d’une structure à une autre, pendant des se- maines, voire des mois, sans être fixés sur le mal, qui ronge leurs enfants. A ce titre, l’exemple de la myopathie, une ma- ladie neuromusculaire d’origine géné- tique, pourtant relativement connue, est illustrateur. Les différentes formes de myopathie touchent, environ, 40 000 al- gériens. La plupart d’entre eux ne sont diagnostiqués qu’au stade de l’atrophie musculaire, bien que la personne atteinte naisse avec la maladie. Même, quand il y a suspicion sur un cas, il n’est pas possi- ble de faire une exploration complète, car la biopsie musculaire n’est pas réali- sée, en Algérie. Les prélèvements sont envoyés à l’étranger, pour analyse, dans la majorité des cas, aux frais de la famille du patient. Ce qui représente une charge financière, considérable, pour les reve- nus bas et moyens. Selon le président de l’Association espoir contre les myopa- thies (ADEM), les myopathes et leurs familles sont confrontés à des contraintes multiples, dont un accès li- mité à la scolarisation, pénuries de mé- dicaments, problèmes financiers et surtout, difficultés dans l’accès à la consultation et aux soins. Au fil des an- nées, la maladie se complique, jusqu’au niveau de l’assistance respiratoire. Dans notre pays, un seul myopathe, Liès Radi, résidant à Chéraga, a réussi à se libérer d’un séjour, permanent, à l’hô- pital en bénéficiant de la ventilation à domicile, grâce à une aide d’une ONG française, qui lui a offert l’équipement, dont le prix avoisine le million de dinars. C’est, justement, souvent, les associa- tions qui se substituent aux autorités sa- nitaires, en portant assistance aux patients. Il faut croire que, partout dans le monde, la souffrance des personnes porteuses de maladies orphelines, sont grandes. Ce sont, généralement, des maux auxquels aucun remède n’a été trouvé, jusqu’à présent. L’on se limite, alors, à mettre en œuvre des schémas thérapeutiques, qui ne traitent que les symptômes ou, au mieux, freinent l’évo- lution de la maladie. Parce que, ce seg- ment n’intègre pas les classes thérapeutiques à forte prévalence, l’in- dustrie pharmaceutique n’investissant pas, beaucoup, dans la recherche. En France, à titre d’exemple, c’est par le tru- chement d’une chaine de solidarité, mise en branle par le téléthon, institué en 1987, que des recherches sur des mala- dies orphelines sont financées. Celles, orientées sur les cellules souches ou les biotechnologies, sont porteuses de grands espoirs, en la matière.• Les orphelines du système de santé algérien Maladies rares : Sans jeu de mots aucun, les maladies orphelines le sont, véritablement, en Algérie, où leur prise en charge est, fortement, aléatoire. Le problème ne se pose pas tant dans les thérapeutiques, mais, plutôt, dans la faiblesse des moyens de dépistage et de diagnostic. Evidemment, aucun chiffre fiable ne quantifie le nombre d’algériens, atteints de maladies rares. Par Rania HAMDI Santé-mag >ACTUALITÉ

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Page 1: Maladies rares :Les orphelines du système de santé algérien

Santé-Mag - N° 03 Février 20126

Le cas de Manil Blidi, un bébé bullede huit mois a créé, durant tout le

mois de janvier, le buzz sur les pages fa-cebook algériennes. L’enfant, souffrantd’une maladie rare - un déficit immuni-taire nécessitant une greffe de la moelleosseuse - a été pris, pendant des jours,en otage d’un conflit entre la Caisse na-tionale de sécurité sociale et celle deFrance, sur une histoire d’impayés. Letransfert de cet enfant, en France, poursubir une greffe n’a pu se réaliser quegrâce à une mobilisation, sans faille, de lapresse nationale et des internautes. Au-delà de ce qui peut être assimilé à un faitdivers, c’est la problématique de la priseen charge des maladies orphelines, quiest posée. Si dans notre pays, il est, déjà,aléatoire d’assurer un traitement efficaceet durable pour des pathologies, dont laprévalence est très importante, que faut-il penser de celles qui ne touchentqu’une partie, infime, de la population.

Par définition, les maladies sont consi-dérées comme rares ou orphelines, sielles touchent moins de 0,05% de la po-pulation générale. Dans 80% des cas,elles sont d’origine génétique ou hérédi-taire. Mais, elles peuvent - être, aussi,classées comme infectieuses ou auto-im-munes (une anomalie du système im-

munitaire). La neurofibromatose, leschondrodysplasies, le syndrome de Rett,la sclérose latérale, le sarcome de Kaposifont partie de cette famille. A vrai dire, laliste des maladies, dites orphelines, esttrès longue. Certaines sont, relativement,connues comme la mucoviscidose, lesmyopathies, la néphropathie, le syn-drome d’Aarskog… D’autres ne sont,nullement, évocatrices, y compris pourle personnel médical, tel que le syn-drome d’Aase, Achondrogenèse ou en-core anémie de Fanconi.

En Algérie, comme dans d’autres paysdu Maghreb, les maladies génétiquesrares ciblent, particulièrement, les en-fants issus de mariages consanguins, en-core assez répandus dans cette région dumonde. Elles sont, difficilement, diag-nostiquées par des médecins généralisteset des pédiatres, peu édifiés sur leurssignes cliniques et leur évolution. Sou-vent, les parents sont ballottés d’unestructure à une autre, pendant des se-maines, voire des mois, sans être fixéssur le mal, qui ronge leurs enfants. A cetitre, l’exemple de la myopathie, une ma-ladie neuromusculaire d’origine géné-tique, pourtant relativement connue, estillustrateur. Les différentes formes demyopathie touchent, environ, 40 000 al-gériens. La plupart d’entre eux ne sontdiagnostiqués qu’au stade de l’atrophiemusculaire, bien que la personne atteintenaisse avec la maladie. Même, quand il ya suspicion sur un cas, il n’est pas possi-ble de faire une exploration complète,car la biopsie musculaire n’est pas réali-sée, en Algérie. Les prélèvements sontenvoyés à l’étranger, pour analyse, dansla majorité des cas, aux frais de la familledu patient. Ce qui représente une chargefinancière, considérable, pour les reve-

nus bas et moyens. Selon le président del’Association espoir contre les myopa-thies (ADEM), les myopathes et leursfamilles sont confrontés à descontraintes multiples, dont un accès li-mité à la scolarisation, pénuries de mé-dicaments, problèmes financiers etsurtout, difficultés dans l’accès à laconsultation et aux soins. Au fil des an-nées, la maladie se complique, jusqu’auniveau de l’assistance respiratoire.

Dans notre pays, un seul myopathe,Liès Radi, résidant à Chéraga, a réussi àse libérer d’un séjour, permanent, à l’hô-pital en bénéficiant de la ventilation àdomicile, grâce à une aide d’une ONGfrançaise, qui lui a offert l’équipement,dont le prix avoisine le million de dinars.C’est, justement, souvent, les associa-tions qui se substituent aux autorités sa-nitaires, en  portant assistance auxpatients. Il faut croire que, partout dansle monde, la souffrance des personnesporteuses de maladies orphelines, sontgrandes. Ce sont, généralement, desmaux auxquels aucun remède n’a ététrouvé, jusqu’à présent. L’on se limite,alors, à mettre en œuvre des schémasthérapeutiques, qui ne traitent que lessymptômes ou, au mieux, freinent l’évo-lution de la maladie. Parce que, ce seg-ment n’intègre pas les classesthérapeutiques à forte prévalence, l’in-dustrie pharmaceutique n’investissantpas, beaucoup, dans la recherche. EnFrance, à titre d’exemple, c’est par le tru-chement d’une chaine de solidarité, miseen branle par le téléthon, institué en1987, que des recherches sur des mala-dies orphelines sont financées. Celles,orientées sur les cellules souches ou lesbiotechnologies, sont porteuses degrands espoirs, en la matière.•

Les orphelines du système de santé algérienMaladies rares :

Sans jeu de mots aucun, les maladies orphelines le sont, véritablement, en Algérie, où leur prise en charge est, fortement, aléatoire.Le problème ne se pose pas tant dans les thérapeutiques, mais, plutôt, dans la faiblesse des moyens de dépistage et de diagnostic.Evidemment, aucun chiffre fiable ne quantifie le nombre d’algériens, atteints de maladies rares.

Par Rania HAMDI

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