maintenant qu’il est trop tard… · cette ambiance me stresse. je sens arriver la dépression....

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Esprit Tordu 1 Maintenant qu’il est trop tard… .

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Esprit Tordu

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Maintenant qu’il est trop tard….

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Il se débattait contre les vagues ne sachant plus vers quel horizon se tourner. Rien ne ressembla à ce qu’il connaissait et pourtant il était bien là. Pris en otage par une mer déchainée qui, à priori, ne voulait que l’engloutir. Un bruit le fit trembler. Il sursauta du lit. C’était le réveil qui sonnait, sept heures du matin, l’heure où il fallait se séparer de ses rêveries et affronter le monde réel.

Le rituel du matin s’enchaine. Trainant ses pieds: salle de bain, cuisine...il songe à ce qu'il pourrait bien faire de sa journée. Inhabituellement, un autre bruit le tire de ses pensés. Cette fois ci, son téléphone sonna.

- Allo.- Allo. Bonjour. J’espère que je ne vous dérange pas.- Non.

- Connaissez-vous une certaine Rym ?

- Oui. Qu’est ce qu’elle me veut ?

- Rien, je dois juste vous remettre quelque chose de sa part. Une chose qui vous revient.

- Je n’ai rien qui puisse m’appartenir chez elle.

- Passez me voir cet après midi au centre hospitalier. J y travaille. Je suis le docteur Mokrane.

- Et pourquoi devrais-je le faire. Je ne veux pas vous voir, ni Rym d’ailleurs.

- Elle, il est clair que vous ne la reverrez plus. Elle est morte.

- Comment ça morte ?

- Oui morte. Depuis une semaine et ce n’est pas par plaisir que je vous appelle. Je viens de retrouver un carnet d’écriture qui vous est adressé. Il y a votre nom et votre numéro dessus. Je ne peux rien vous dire d’autre, venez me voir et on pourra en parler.

Il laisse tomber le combiné, se jette sur le canapé. Il ne ressent plus rien. Son cœur bat plus fort, il a mal à la tête. Mal au ventre. Mal aux yeux. Une seule

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image lui vient à l’esprit, celle de la dernière fois ou il l’a vu partir sans se retourner. Il y a tout juste une année.

Il se remémore cet instant ou sa fierté l’avait aveuglée. Les mots raisonnèrent dans son cerveau comme s’il réécoutait une vieille cassette audio.

C’était une journée pluvieuse, une journée de printemps que l’hiver voulait gâcher en s’imposant comme invité indésirable.

« Un soleil rayonnant n’aurait pas pu rendre la journée meilleure», s’était-il dit, ce jour là, en regardant par la fenêtre. Il l’appela. Elle mit du temps pour décrocher.

- Bonjour Tachfine! Sorry je n’ai pas pu te répon…

- Comme d’habitude tu étais sous la douche, inutile de t’étaler sur ça.

- Mais qu’est ce qui t’arrive de bon matin ? Tu t’es levé du mauvais pied ?

- Je n’ai rien. Pouvons-nous nous voir aujourd’hui ? Je ne travaille pas et toi non plus.

- Mais

- Mais quoi ?

- Rien, rien…si c’est aussi important, je viens.

- Comme d’habitude. A quatorze heures.

- Ok

Rym arriva la première au lieu du rendez vous. Installée à la même place, elle attendait son apparition derrière la vitre pour lui lancer comme à l’accoutumé son sourire étincelant. Il ne réagit point. Son visage se crispa, elle ne le reconnait plus. Acharné, contre dieu seul sait quoi, Tachfine avança d’un pas décidé à tout ravager.

- Tu n’as pas l’air d’aller bien, on dirait que tu a vu un fantôme.

- Oui, c’est ça. Un fantôme bien réel et qui te ressemble parfaitement.

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- Je peux savoir pourquoi tu cries.

- Bien sûr que tu vas le savoir, si tu ne le sais pas déjà !

- Que veux-tu dire? Je ne comprends plus rien.

- Et depuis quand tu comprends des choses toi ? Depuis combien de temps on se connait, dix ans, vingt ans ? Vas y dis moi.

-Tu n’es vraiment pas dans ton assiette. Je préfère te laisser te calmer. Tu me feras signe quand tu seras apte à raisonner convenablement.

- Vas-y ! Casse-toi. De toute manière tu n’as jamais rien voulu écouter. Et puis tu sais quoi, je me demande comment t’as pu être mon amie.

- Figure-toi que je me demande la même chose à cet instant précis. Tu es en train de m’offenser au cas où tu ne te rends pas compte. Tu peux au moins me donner des explications avant de te mettre dans cet état de folie.

- Parce que maintenant c’est moi qui doit m’expliquer ? Sympa ta réplique !

- Bye…Tu sais où me trouver au cas où tu décides de changer d’avis.

- Te retrouver ! Pourquoi ? M’excuser ? Ne l’espère pas.

Elle prit son sac, et disparait de son champ de vision sans un mot de plus, sans un regard de plus. C’était son dernier souvenir.

Debout face à la porte de l’hôpital, il se demande si finalement cette histoire n’était qu’un mauvais rêve.

Hélas non, il respire un bon coup et fonce vers la réception.- Bonjour madame. Je chercher Dr Mokrane. Pouvez-vous me dire ou puis je le trouver.

- Patientez un instant, il arrive.

Cinq minutes plus tard, à l’allure d’un sportif de haut niveau, Dr Mokrane fit son apparition. Il salua Tachfine d’un geste de la tête sans tendre le bras. Il fit autant.

- Je n’ai pas beaucoup de temps à vous consacrer. C’est surtout par devoir que je vous remets ce carnet. Je l’ai trouvé hier sous le lit de Rym.

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- Je peux savoir comment elle est morte ?

- Vous voilà raisonnable à présent.

- Je ne vous demande pas d’être sympathique avec moi. Dites moi juste ce qui lui est arrivé.

- Elle est morte d’un cancer. Elle avait une tumeur au cerveau. Quand on l’a diagnostiqué, c’était trop tard. Elle a séjourné ici ces trois derniers mois. Puis elle a fini par arrêter de se battre.

- Depuis quand était-elle malade ?

- Une année, peut être deux. Elle était à un stade avancé, c'est tout ce que nous pouvons affirmer. A présent la seule chose que je peux faire pour elle est de vous remettre à mains propres ce qui semble vous appartenir en vous présentant mes condoléances.

- Merci.- Je vous en prie… Le devoir m’appelle. Je vous laisse.- Bon courage.

Il saisit le carnet, le remis sous sa veste et repartit aussitôt.

Sur un banc public il décide enfin de s’asseoir et entreprend d’ouvrir la première page. «Tachfine», suivi de son numéro de téléphone, unique mot inscrit.

Il reprit son chemin. Perdu, il se senti.

« Comment pourrais-je lire ces pages, que peuvent elles bien me cacher ». Il se répéta ces mots sans cesse pour trouver enfin le courage de continuer. Du premier coup, le texte lui sembla flou. Il cligna des yeux, essuya les goutes de larmes qui l’ont trahi et entama sa lecture. En stylo violet c’était écrit, la couleur préférée de Rym.

« J’aurais voulu t’offrir ces écrits, mais je ne pense pas pouvoir le faire un jour. Ça fait déjà des mois, une éternité, que tu ne m’adresses plus la parole et je ne compte pas faire le premier pas. Je préfère « rester dans mon camp » comme tu le dis souvent.

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Si j’ai perdu espoir de te revoir c’est que je te connais assez bien pour te savoir capable de sacrifier la terre entière afin de satisfaire ta fierté et ton égoïsme. Je ne comprends toujours pas ta décision, ce n’est pas pour autant que je vais m’empêcher de te dédier ces écrits. Tu peux penser ce que tu veux. Peut importe. Mais tu seras, à partir d’aujourd’hui, ma source d’inspiration. Je te parlerai de moi comme au bon vieux temps. De ce que je pensais être, de ce que je suis aujourd’hui et de ce que j’espère être demain. Un présent et un futur dans lesquels tu ne seras que l’ombre d’un souvenir. Un bon souvenir je l’avoue. »

En tournant la page il poursuivit.

« Je viens d’être admise à l’hôpital,…

« Non ! Je ne peux pas continuer. Tout cela n’est que songe, une autre bêtise de Rym. Pour me rendre la vie impossible, il n y a qu’elle qui sait s y prendre.»

L’instant d’après, il regretta ses pensées. Prit la direction de la maison en sanglotant.

« Un homme ne pleure pas, mais là, je peux me le permettre. Je suis un homme qui t’as perdu à jamais. Et de qu’elle façon ? » La culpabilité commençait à prendre le dessus sur la tristesse.

Son appartement n’était, à présent, qu’à quelques mètres. Il pressa le pas et courut se refugier dans sa chambre. Après deux heures de sommeil, il se leva, pris une douche et s’installa dans la cuisine, à même le sol portant sur ses genoux la seule chose qui lui restait d’elle. Son carnet. Il jeta un coup d'œil à son prénom « Tachfine » une seconde fois pour s’assurer. Il tourna la première page puis la deuxième, puis s’arrêta.

« Je viens d’être admise à l’hôpital, d’après les médecins c’est du sérieux ! J’ai perdu connaissance ce matin. Tu te souviens ? Comme la fois ou je suis tombée dans les pommes en traversant la rue avec toi. Mais aujourd’hui en reprenant connaissance tu n’étais pas là. Des hommes en blouses blanches rodaient autour de moi… »

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Un sourire lui échappa, il se remémora le jour ou il l’a vu s’écrouler sous ses yeux. Il a eu peur pour elle, mais ça n’a pas suffit pour la convaincre d’aller voir un médecin.

« Je ne serais pas là, à lire ces maudites pages, si j’avais su la raisonner. Mais comment peut-on raisonner une tête de mule ! »

Il se souvient alors de sa peur des médecins, des hôpitaux et même des pharmacies. Tout ce qui sentait le médical la rendait malade.

Il poursuivit

« …Je flippe. Cette ambiance me stresse. Je sens arriver la dépression. J’ai prié les médecins de me laisser partir, mais rien n y fait. Ils ne veulent rien me dire. Je les regarde aller et venir, me faire des examens de tous genres...je ne suis pas confiante.

Je suis fatiguée. Le courage ne me manque pas, mon esprit me lâche. J’ai mal au cerveau. Ainsi j’achève mon premier texte ; je te dis à demain si pour moi il y en aura un. »

Il leva le regard vers l’horloge du couloir. Vingt heures trente. Son estomac lui faisait mal, il n’avait rien avalé de la journée. Depuis ce matin il se sent prisonnier du désespoir. Plus rien ne l’intéresse, plus rien ne lui donne envie. La lecture de ce carnet devient son obsession.

Il se sert un café, le but à toute allure, revint s’installer sur le lit et poursuivit.

« Tachfine, tu aurais pu être là, à ce moment précis, juste pour me dire que je ne dois pas m’inquiéter. Tu étais le seul que je croyais capable de me consoler. Et aujourd’hui encore je t’imagine assis dans cette chaise vide près de moi.

La sentence est tombée, je suis condamnée. Condamnée à mourir dans cet hôpital. Seule.

Je t’avouais toujours préférer mourir jeune fauchée par une voiture ou ensevelie sous les décombres d’un immeuble que de finir vieille et seule dans

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un hôpital. Eh ben ! Ni l’un ni l’autre. Je mourrai jeune et seule dans un lit d'hôpital. Les médecins n’ont plus d’espoir et moi non plus. D’après eux j’ai une tumeur qui me ravage le cerveau depuis longtemps. Aucun traitement, rien. Une seule chose m'importe à présent. Avoir suffisamment de temps pour...

Il tourna la page. Cette fois, que du gribouillis. Des lettres, des mots s’entreposaient, se mêlaient en formant un tourbillon. L’écriture était de travers. Ami, espoir, malade, tristesse ou encore médicaments…ce sont les seules formules qu’il a pu en tirer… Encore une autre page dessiné suivie d’une blanche ornée d’un «Je» sans signification. Au bout d’un moment il se surprend à être content de tomber sur un texte lisible, compréhensible.

« Ça fait des jours que j’essaie d’écrire. Hélas, je n y arrive pas. Je m’affaiblie. Le traitement est lourd, je ne le supporte plus. Mais aujourd’hui je vais y arriver.

Devine …Nous sommes le 15 février et c’est ton anniversaire, au cas où tu l’aurais oublié. Parce qu’à force d’oublier ceux des autres je me dis que viendra le jour où tu oublieras le tien. Bon anniversaire alors !

Je n’ai pas de cadeau à t’offrir. Mais pour honorer ta mémoire je m’inflige un match de foot. Tu sais ici, on a une télé, des images muettes. Si au moins c’était du Charlie Chaplin ! D’après les infirmières, le son dérange les malades, et moi c’est ce silence qui m’étouffe…bref.

Je reviens au match. Je ne sais pas qui joue contre qui. Sans surprise bien sûr ! Il y a les rouges. Il y a les blancs. Inutile que je te cite tous les clubs dont le nom commence par FC, Réal, ou Bayern pour que tu le devines. Ça n’a jamais été ma tasse te thé !

Je n’arrive pas à lire sur l’écran, ma vision se brouille surtout quand l’écriture est toute petite. A cause de cette foutue maladie je risque de me retrouver aveugle dans les prochains jours, peut être dans les prochaines heures, personne pour me le dire. Mais rien que pour toi je vais regarder, et vive le gagnant. »

Il posa sa tête sur l’oreiller, éteint la veilleuse et essaya de s’endormir. Impossible. Les mots de Rym le tourmentèrent.

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J’aurais bien aimé te voir regarder un match de foot, se dit-il. Je crois que ça m’aurait fait rire à mourir. Toi qui n’as jamais fait la différence entre un coup franc et un penalty. Pour le hors jeu, c’est une autre histoire. Il fallait à chaque fois un dessin pour te l’expliquer, mais tu tenais toujours à oublier la règle juste pour m’énerver. Comment voulais tu que je n’aime pas le foot. Je lui dois ta rencontre il y a deux décennies. J’avais 10 ans, tu en avais 8 et c’est à mon tour d’évoquer nos souvenirs.

Rien de plus banale que des enfants qui se retrouvent ensemble pendant que leurs mamans papotent. À 8 ans déjà je te trouvais bizarre. Tu avais la tête ailleurs. Tu restais sur les gradins à contempler l’entourage comme si tu le découvrais pour la première fois. Et moi je m’occupais comme je pouvais avec mon ballon entre les mains.

Je me souviens que ta mère parlait trop, elle oubliait parfois de te mettre une veste quand il commençait à faire froid ou te lasser tes chaussures. Prise dans sa transe de paroles, plus rien ne comptait pour elle, même pas toi, sa fille unique. Plus tard, la mienne m’avait expliqué qu’on appelait cet état d’esprit "dépression". Cela ne te dérangeait point. Au contraire, cela t’arrangeait parfaitement. Tu pouvais ainsi te consacrer à tes rêveries. Sans m’adresser aucun mot, aucun geste, ni même un regard. Tu avais ton charme c’est vrai. Par contre pour moi ça n’avait que trop durer. J’ai osé crier ton prénom à maintes reprises. Plusieurs fois je t’ai invité à jouer ou à juste parler. Rien n y fait la petite fille que tu étais savait ce qu’elle ne voulait pas !

La fois ou tu es venu me rejoindre sur le terrain, je n’y croyais plus. Tu m’avais demandé comment je m’appelais. Je t’ai répondu en bégayant, comme si j’avais réellement oublié mon propre nom. Puis sans dire un mot tu étais repartie, un sourire large accroché au visage. Mon premier bonheur. Au début je n’avais rien compris, je me disais juste que c’était bien parti. C’est seulement des semaines après que j’ai su que tu cherchais un prénom pour ta nouvelle perruche. Elle s’appela Tachfine pour le restant de ses jours. Elle ne me ressemblait point, mais elle était belle enfermée dans sa cage.

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Tachfine se rendit compte d’un coup qu’il s’adressait à elle comme si elle était toujours présente. Pris de désarrois et de colère. Il se remit en position, s’adossât au mur et repris le carnet.

« La douleur me déchire les entrailles, je ne peux plus rien faire correctement. Je m’écroule. Je perds l’équilibre. Rien, ni personne ne pourra m’aider à me lever, sauf toi. Mais tu n’es toujours pas là.

Tu sais aujourd’hui, Rosa, la romancière est passée me voir pour me demander mon avis sur la couverture de son prochain roman. Je devais la lui faire, pas de chance sur ce coup ! Les circonstances m’en ont empêché. J’ai réussi à lui suggérer un ensemble de couleur qui puisse aller avec son récit à l’eau de rose. Sans grande conviction...Je n’ai plus d’inspiration. Elle m’a trahit, certainement parce qu’elle ne veut pas m’assister dans un endroit aussi dégoûtant que macabre.

Ici tout le monde m’appelle Ryma. Je les déteste. Je ne comprends pas comment peuvent-t-ils se tromper. Rym ce n’est pas Ryma. Va les faire comprendre.

Je ne te l’avais jamais dit, comme plein d’autres choses d’ailleurs, mais tu es le seul à m’avoir appelé par mon prénom. Seul, jusqu’à il y a quelque temps. Mon médecin traitant ne s’est jamais trompé lui aussi. Il s’appelle Dr Mokrane. C’est un type bien. L’unique personne avec qui je prends du plaisir à parler, et souvent de toi. Il vient me voir chaque soir me saluant avec sa fameuse phrase « J’ai eu ma dose aujourd’hui, inutile de partir, personne ne m’attend. Je te tiens compagnie ? » Il n’attendait pas que je réponde à sa question et le voilà installé confortablement sur la chaise que je pensais devenir la tienne. Je lui parle de mon métier d’artiste, de mon amour pour la photographie et de mes états d'esprit. Il ne partage pas souvent mon avis. Comme toi, il réplique à chaque phrase. Il m’arrive même de détecter un brun de ta voix à travers ses paroles ».

Ah oui… la photographie. Ta passion. Ton amour. Ta raison de vivre. Je Me rappelle encore de ce jour de septembre ou je te cherchais des yeux dans la cour du lycée. C’était la rentrée scolaire. Subitement je t’ai aperçu prendre en photo tous les élèves, les professeurs, les arbres les bâtisses. On dirait que tu

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faisais tes adieux en fin d’année. L’objet de ton excitation, cet appareil que tu tenais amoureusement entre les mains. Un cadeau de ta mère. Elle te l’avait offert lors de ta réussite à l’examen du BEM. La seule chose qui te restait d’elle.

Je me souviens qu’elle nous avait quittés au milieu des vacances. Tu n’avais nulle part où aller. Ma mère t’avait ouvert la porte de notre maison. Elle t’aimait beaucoup et moi aussi par la même occasion. Ton séjour chez nous n’avait pas duré longtemps. Un oncle débarqué tout juste de l’enfer était venu te récupérer, t’arracher à nous. Ta seule famille.

Ce jour-là au lycée tu paraissais épanouie, ravie de découvrir un monde que tu espérais sans doute meilleur. Tu m’avais pris en photo par surprise.

Tachfine s'échappa de ses songes...Oui ! Mais oui ! La photo. Il se leva en vitesse, fouilla dans son armoire et fit sortir du fond un carton. Il déversa son contenu par terre. Ses yeux se fixèrent sur une photo sur laquelle il avait l’allure d’un artiste. Mais l’artiste c’était celle qui l’avait prise, s’avoue-t-il. Sur le dos de l’image il redécouvrit une inscription.

« Ma première passion, ma première photo, mon unique ami…Tachfine, 1999 »

Il déposa la photo sur sa table de chevet. «Je vais lui trouver un joli cadre » chuchotât –il.

La nuit imposait sa noirceur. Pris par un frisson, il constata qu’il avait laissé la fenêtre ouverte. Il la referma et revint s’enrouler dans une couverture. Il fallait bien qu’il s’assoupisse, qu’il ferme les yeux. Ceux la ne lui obéissaient plus. Ils restaient grand ouverts à scruter le plafond. Son imagination se mit en route. Le visage de Rym le hantait, encore plus que ses mots. Une année sans la voir, sans lui parler et voilà qu’elle est morte. Partie à jamais. Comment pourrait-il vivre avec ce fardeau sur le dos ? Comment pourrait-il se réveiller le matin et se dire qu’il a trahi la seule personne qui comptait pour lui ? Il s’est laissé aveugler par sa fierté, elle le savait. Mais n’est-elle pas aussi fautive dans l’histoire ? Ne l’a-t-elle pas poussé à bout des nerfs au point de perdre la raison ? Tant de questions l’envahissaient, le ramenaient à la réalité amère qu’il a du mal à accepter.

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« Je l’ai laissé mourir seule, j’aurais du être présent. J’aurais du tout lui dire dès le début. M’a-t-elle seulement laissé le choix ? »

Une dernière phrase qu’il prononça avant de s’extirper du lit, faire régner un semblant de lumière et se pencher encore une fois sur ce qui est devenu depuis ce matin son objet de deuil.

« Il fait de plus en plus sombre dans ma chambre. Dans mon esprit aussi. Les idées m’échappent. Elles partent en vrac sans que je puisse les contrôler. Le Dr Mokrane me dit que c’est normal. « Cela fait parti des effets du traitement ». De quel traitement parle-t-il ? De celui qui me rend encore plus malade ? Ou de celui qui me fait perdre la notion du temps ? Je suis à bout. Je ne sais pas encore combien de temps je vais pouvoir tenir ce rythme. J’ai tout simplement peur.

Ce soir le calme redevint plus lourd, plus sourd. D’habitude les gémissements d’une vieille dame animaient les soirées. Parfois elle criait et tout le monde se hâtait pour lui administrer une autre dose de morphine. Une dose qui la fera calmer, mais jamais pour longtemps. Je viens d’apprendre qu’elle s’est éteinte ce matin. Des visages qui ne m’étaient pas familiers faisaient la navette dans le couloir. C’était les membres de sa famille. Ils sont venus chercher sa dépouille pour pouvoir l’enterrer dans la dignité. Ça me fait penser à moi, ou plutôt à ce que deviendra mon corps après que mon âme quittera ce monde. Tu sais que je n’ai personne. L’hôpital s’occupera certainement de mes funérailles, mais de quelle manière, je ne veux surtout pas le savoir. Je ne crois pas que ça va changer quelque chose. Je serais morte et enterrée un point c’est tout. »

Tachfine replongea dans son monologue intérieur.

« Quel ingrat puis je être ? L’un des pires. Un monstre sans cœur. Peut être sans âme. Oui sans âme. Toute personne ayant un soupçon de bon raisonnement n’aurait pas laissé filer le bonheur entre les doigts. Que suis-je en train de me raconter? Elle n’a jamais était entre mais doigts! Bel et bien enfouie au fond de moi. J’aurais du avoir plus de cran. Je ne voulais pas la comprendre, une seule chose importait. Mon égoïsme. »

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Il se leva, fit deux trois tours dans le couloir et revint se consoler auprès du calepin.

« Tachfine, je te prie de bien vouloir m’excuser de t’infliger tous ces maux. Je suis consciente que la lecture de ces pages ne sera pas une partie de plaisir. Mais crois moi, je n’ai pas le choix. Il faut bien que je vide mon sac, une chose que je ne sais faire qu’en ta présence, et là malgré ton absence.

Aujourd’hui je suis plutôt de bonne humeur. J’ai réussi à me lever et faire quelques pas. Chose devenu très rare. J’ai croisé un miroir en revenant à ma chambre. Je me suis regardée. Et figure-toi que pour la première fois de ma vie je me trouve jolie. Non belle. »

« Oh que oui ma belle, tu l’as toujours été ! » il se surprit encore une fois à crier cette phrase. Oui belle. Mais pourquoi ne lui ai-je jamais dit. Se rendit-il compte.

Elle n’a jamais su- elle ne saura jamais- qu’il la trouvait belle. Il l’appelait toujours ma gazelle, un animal qui collait bien à son prénom, puisque il représentait sa signification. Elle en était fière. Souvent elle polémiquait en souriant : « La seule bonne chose que mon père m’a pu donner reste mon admirable prénom. Il aurait du rester pour voir courir sa gazelle, traversant les plus grand désert mais il a eu d’autres chats à fouetter, d’autres enfants à entourer de son amour et se tendresse ». Par contre, elle le surnomma mon perruche. «Tu vas arrêter avec tes histoires de surnom, lui lâcha t’il un jour. Ce n’est pas parce que ta belle vieille perruche a pris mon prénom que je dois prendre le sien. » Leurs discussions finissaient toujours en éclats de rire. Il ria de bon coeur et reposa les yeux sur le livret.

« Tu ne vas sans doute pas le croire. Mais j’ai juste envie d’une chose, là, maintenant. Un shooting photo! Je sais c’est du délire, et puis après, je peux très bien me le permettre. Je serais le centre d’attention. Mais de qui, voyant!

Un souvenir particulier m’interpelle. Celui de la fois ou je t’ai traîné avec moi pour un défilé de mode. C’était répugnant. On m’avait chargé de couvrir l’événement. J’aurais préféré l’éteindre. Nous sommes restés plusieurs heures. J’avais pris plusieurs clichés alors que le spectacle me donner plutôt envie de

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gerber. Toutes ces filles qui exhibent leur beauté pour la bonne raison de vendre des vêtements. Des vêtements qui ressemblaient plus à des chiffons qu’autres choses. Elles deviennent ainsi de pauvres marchandises bonnes à la décharge à partir d’un certain age. Toi bien sur, rien ne t’empêcher de t’éclater au milieu de toutes ces paillettes. Elles ont pris possession de tes yeux. Je les ai vus briller de toutes couleurs.

Un soupir, et il tourna une autre page.

« Me voilà, toujours là, prête à reprendre. Si j’insiste, c’est qu’hier soir j’ai failli y passer. La mort est venue me rendre visite. Entre nous, je l’attendais. Je me suis préparée à l’affronter ou plutôt à accepter son invitation. Elle avait commencé son discours, je ne comprenais pas trop ce qu’elle disait. Mais je l’écoutais. Je n’ai pas pu répondre, juste cligner des yeux pour prononcer mon accord. J’ai senti la fin arriver, sans grand regret!

Au dernier moment, à la dernière seconde, la mort avait changé d’avis. Elle a décidé de m’offrir encore un peu de temps, une dernière chance probablement parce que j’ai encore des choses à raconter. Des aveux à formuler.

En reprenant conscience, Dr Mokrane était là, sa main sur mon front, il me répéta sans cesse «tiens bon, ne lâche pas ». Encore une autre personne qui me ramena à la vie. Ma vie. Une vie que je peux résumer en quelques phrases, un paragraphe au plus.

Je ne me souviens pas avoir été enfant. Fille d’un père dont je ne porte que le nom et dont je m’en séparerai volontiers. D’une mère délaissée par un homme qu’elle n’a jamais aimé puis rongée par le chagrin et la dépression jusqu’à en devenir déconnectée du monde réel. Je prenais soin d’elle plus qu’elle ne prenait soin de moi. C’était ma maman, une bonne raison pour sacrifier mon enfance et mon innocence.

Ma passion. Le monde des arts qui m’a fait tirer d’affaire plus d’une fois. La photographie était mon échappatoire, ma source d’inspiration. Mon bonheur tout court. Une vie qui n’aurait eu aucun sens si tu n’avais pas été là.

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Lors de notre dernière rencontre, oh que je m’en souviens, tu m’avais demandé depuis combien de temps on se connaissait. Vingt années, oui c’est vrai. Mais si tu avais pris le temps de m’écouter je t’aurais simplement répondu depuis toujours. Avant de te connaitre je ne vivais pas. C’était le néant et tu fus celui qui a apporté la lumière. Pas seulement, mais tant d’autres sentiments que tu ignores. Tu as été mon sauveur. La raison pour laquelle je me réveillais le matin sans vouloir me jeter d’un pont ou d’ingurgiter du poison. Des idées suicidaires, j’en ai eu. Peut être même un peu trop, mais t’a présence a suffit pour que je cesse de renoncer à la vie.

Des jours après que mon oncle était venu me récupérer -comme un banal sachet de poubelle- et faire de moi son ticket gagnant pour avoir la maison, j’avais pris la décision de me tuer. C’était facile. Le reste des médicaments qu’avait laissé ma mère diluer dans un verre d’eau aurait tout bonnement fait l’affaire. J’étais bien parti pour m’exécuter. Une pensée m’avait poussé à faire marche arrière. « Que dira Tachfine s’il me voyait faire ça ? A ses yeux je ne serai qu’une vulgaire adolescente ayant succombé à la première chute. » Non pas question !

Je ne t’ai jamais révélé ce secret. Au début j’avais honte, puis c’est devenu sans utilité. Aujourd’hui, je ne vais pas m’arrêter. La mort risque de revenir à la charge et m'emporter alors que je n'ai pas encore tout dit…

Inutile de tourner autour des mots. J’aurais pu t’adresser un poème ayant pour titre « Je t’aime». T’écrire un interminable texte dont tu oublieras le début avant d’arriver à la fin. Ou alors faire plus tendance, avec un texto orné de trois lettres capitales « JTM ».

Non, je ne l’ai pas fait. Ne t’attends pas à ce que je le fasse un jour. La raison est simple, je ne t’aime pas. Mais bien plus. Voilà tout.

J’accuse la langue française de ne pas avoir attribué à l’amitié un verbe. « L’amitié ne se conjugue pas» me dira-t-on, ça me laisse perplexe. Je ne suis pas du même avis. La nôtre je peux la conjuguer au passé, je la conjugue au présent et je te laisse le soin de la conjuguer au futur puisque c’est à toi qu’est revenue la décision de rupture. Une rupture, oui ! C’est comme cela que je qualifie la

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situation dans laquelle nous nous trouvons à l’instant. Elle aurait pu être amoureuse, pire encore, elle est amicale. Je le dis, je l’écris et je trouve les mots insignifiants. Ils ne sont pas assez forts pour s’exprimer par eux-mêmes.

Tu sais que même dans le dictionnaire, le mot amitié précède le mot amour. Ce n’est pas là un pur hasard. Juste une autre preuve de la suprématie de l'amitié. Elle est plus forte. Plus importante. Je croyais que tu étais de cet avis. Je croyais que c’était comme toutes ces choses que tu arrivais à comprendre sans que je te le dise pour autant. Aujourd’hui j’espère que tu en es conscient. Depuis ton retour de l’étranger tu n’es plus le Tachfine que je connaissais. À vrai dire, la tornade je la voyais venir, je n y pouvais rien. Elle se préparait des mois durant, dans ton for intérieur, sans que tu puisses la partager. Même pas avec moi. J’espérais seulement pouvoir y faire face. Pouvoir te raisonner au moment du déchaînement. La tornade est devenue cyclone. Tu m’as condamné à me perdre dedans. »

Au nom de Dieu. Tu aurais pu juste cracher la phrase. Et nous nous ne serions pas arriver là. Que voulais tu que je fasse d’un poème, d’un texte ou d’un SMS si tu ne voulais rien dire. Il a fallut qu’il te reste quelques heures à vivre, pour t’en rendre compte. Rym, tu me surprends.

Tachfine se leva. Il se regarda dans la glace et constata qu’il n’était pas habillé en pyjama. Le jour venait de pointer le bout de son nez, un bout de son soleil. Il enfila ses chaussures, arrangea ses cheveux, arracha sa veste du porte manteau et partit errer dans la nature. Il s’engagea à travers un chemin boisé, profita de l’air frais et songea, le cœur lourd, à là nuit qu’il venait de passer. Pris l’initiative de courir par moment pour se défouler mais finit par se raisonner à marcher, rien que marcher. Faire le vide autour de soi. Soudain il pensa au Dr Mokrane. « Celui là me cache bien son jeu. » pensa-t-il.

- Bonjour madame. Dr Mokrane est là ?

- Bonjour monsieur. Qui le demande ?

- On dirait que vous avez la mémoire courte.

- Pardon !

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- Vous voyez. Cette chaise. Juste en face. La troisième en comptant de droite à gauche.

- Oui…

- Hier j’étais assis exactement la bas. J’avais les mêmes fringues. Et la même tête. Ça vous dit quelque chose maintenant ? Non, toujours rien !

- Vous n’êtes pas obligé de vous montrer désagréable.

- Parce que maintenant c’est moi qui l’est?

- Eh ben oui ! D’autant plus que je n’ai pas la tête à me souvenir de tous les clochards qui passent par cet hôpital.

- Ben voilà, puisque vous avez tout compris. Prenez votre téléphone, appeler le Dr Mokrane et dites lui qu’un clochard du nom de Tachfine l’attend à la réception.

- Tachfine ! Je n’aurais pas mieux trouvé. Dites moi, c’est votre nom ou votre prénom ?

- Mon prénom, humble dame.

- Il vous va à merveille. Je dirais plutôt qu’il vous colle à la peau.

- Dois-je vous remercier ?

- Inutile. Allez vous asseoir et patientez.

- Pas pour une éternité j’espère.

Trente interminables minutes et voilà que le Docteur fait son apparition. Il invita Tachfine à s’asseoir sur un banc. Seul objet de décoration dans ce qui fait office d’espace vert ! Il prit l’initiative d’entamer la discussion.

- Qu’est-ce qui vous amène ?

- Je suis venu vous demander des informations à propos de Rym.

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- Je vous ai tout dit, rien à ajouter.

- Non, il me semble que vous savez plus que vous le prétendez. Pour commencer, voudriez-vous me dire quelle était la nature de votre relation ?

- Relation vous dites ! Je suis médecin, elle était ma patiente. Point barre.

- Ce n’est pas ce qu’elle affirme dans son journal.

- Journal ?

- Je vous prie de bien vouloir éviter de répéter le dernier mot de chaque phrase que je prononce, ça me dérange.

- Je ne le fais pas exprès, mon vieux.

- Je m'en doutais...bref… Je vous parlais de son journal intime. Celui que vous m’avez remis il y a à peine vingt quatre heures.

- Je ne sais pas ce que contient ce carnet. Je ne l’ai ouvert que pour découvrir votre nom. Je ne suis jamais allé plus loin.

- Si vous le dites. Mais là n’est pas le plus important. Rym disait avoir passé beaucoup de temps en votre compagnie. Allez vous niez ça ?

- Non. C’est vrai, il m’arrivait de discuter avec elle longuement. Tu sais elle n’avait personne ici. Chose curieuse. Je me demande comment une fille aussi charmante, aussi intelligente, aussi tonnasse puisse se retrouver mourante, seule sur un lit d’hôpital. Personne pour la soutenir.

- Je ne suis pas venu ici pour entendre vos accusations. Je sais que vous me visez par vos propos. Et vous avez entièrement raison.

- Je n’ai nullement l’intention d’accuser qui que ce soit.

- Rym vous parlait souvent de moi n’est ce pas ?

- Jamais, elle n’a jamais cité votre prénom. Autrement je me serais souvenu. « Tachfine » ça ne court pas toutes les rues.

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- Elle ne vous a jamais parlé d’un ami qu’elle avait perdu de vu ?

- Attendez ! Vous êtes le « mon ami » de Rym. J’ai du mal à y croire. A vrai dire je croyais plutôt qu’elle hallucinait. Que l’ami, dont elle me parlait sans cesse, n’était que le produit de son imagination. Comment avez-vous osé lui jouer un aussi mauvais tour ?

- Pour l’instant c’est moi qui pose les questions. Contentez-vous de répondre. Je n’ai pas besoin de vos leçons de morale.

- Vous avez le droit de poser des questions, mais sincèrement je ne vois là aucune utilité. Après tout ce qu’elle a subit à cause de vous, vous osez venir ici pour que moi, son médecin traitant, vous parle d’elle ! Pour du cran vous en avez à en revendre !

- Allez-y, lâchez-vous tant que vous y êtes !

- Je suis en colère. Oui, je vous l’accorde. J’étais la seule personne à ses cotés durant les trois derniers mois de sa vie. Le pire est que ma présence ne lui apportait rien. Elle était combative, elle s’accrochait à la vie alors que n’importe qui à sa place aurait choisi la facilité de se laisser détruire. Tout cela, non pas grâce à moi, elle espérait juste avoir un autre jour, un autre matin où vous viendriez frapper à sa porte et lui tenir la main.

- Dites-moi, vous n’étiez pas amoureux d’elle par hasard.

- Ce n’est pas le sujet du jour ! Et je ne vous dois aucune explication.

- Ok… On « zappe » la question qui fâche.

- Parlez-moi d’elle. De tout ce qu’elle vous disait. De ses états d’esprit. Vous êtes le seul à pouvoir me rendre ce service.

- Maintenant vous jouez la carte de la gentillesse !

- Je n’ai jamais voulu être méchant avec vous. Comprenez juste que je viens de perdre la personne qui m’était le plus cher. Et vous savez d’avantage comment les choses se sont passées. Je ne suis venu vous voir que pour essayer de trouver un moyen de redonner un sens à tout ce qui se passe. Depuis un an,

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peut être un peu avant, ma vie à basculé du rêve au cauchemar. Un cauchemar dont j’ai du mal à me débarrasser.

- Il y a comme du regret dans l’air !

- Le regret est un fardeau que je porte depuis très longtemps. Je regrette de ne pas avoir été assez courageux. Je regrette les propos que j’ai tenus. Je regrette mon égoïsme, ma fierté. Aujourd’hui, la culpabilité me ronge, me dévore de l’intérieur sans pour autant m’achever.

- Je comprends. Rym disait que depuis votre retour de l’étranger, elle ne vous reconnaissait plus.

- C’est vrai, c’est depuis ce maudit voyage que les choses ont changé. Trois semaines durant lesquelles j’ai réalisé que je ne pouvais pas vivre sans elle. Le fait de partir, la laisser ici, sachant qu’elle n’avait personne me plongeait dans un sentiment de détresse. De tristesse. J’étais à Rome, mon rêve d’enfance. J’aurais pu m’amuser, m’éclater, découvrir. Rien de cela n’a été possible. Il ne s’écoulait pas une minute sans que je me dise « si seulement elle était là ». Dire qu’on ne se rend compte de l’importance des choses qu’après les avoir perdues. Et comme il fallait trouver un coupable à tout, je remettais tout sur son dos. C’était de sa faute si je l’aimais autant. Et c’était aussi de sa faute si je me sentais si mal. Le seul moyen que j’ai trouvé, pauvre con que je suis, était d’essayer de l’éloigner de mon esprit espérant retrouver la paix. Mais des actes pareils ne se commandent pas comme une pizza. On ne vous les livre pas bien chaud à domicile.

- Je m’excuse pour le terme, mais la je crois que vous aviez atteint le sommet de la bêtise humaine.

- Je ne vous le fais pas dire. La plus grosse bêtise de ma vie. Le comble de la connerie… A mon retour j’ai joué la carte de l’ignorance. Je me forçais d’oublier ce qu’elle représentait pour moi. Mais elle non. Toujours aussi présente, aussi attentive, aussi délirante. Elle aurait dû s’en rendre compte. Je n’ai rien osez lui dire. Elle n’a jamais cherché à comprendre.

- Désolé mais vous êtes à côté de la plaque.- Je vous ai dit pas de jugements, s’il vous plait.

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- Là n’est pas un jugement. Mais un constat. Une réalité que vous ne voulez pas admettre.

- Admettre quoi ?

- Que vous vous êtes trompé de diagnostique.

- Attendez, je ne suis pas médecin comme vous.

- Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas me lancer dans un discours de spécialiste. J’essaie juste de vous ouvrir grand les yeux. Je peux très bien m’en foutre de ce que vous êtes venu faire. Mais j’estime qu’il aussi important, ne serait ce que pour la mémoire de Rym, de vous dire clairement ce que je pense.

- Je vous écoute.

- Vous savez, j’ai eu la plus heureuse des enfances. Fils unique dans une famille riche, Je n’ai jamais manqué de rien. J’avais tout ce que je voulais, les jouets, les gadgets les plus tendance. J’ai fait mes études dans les plus prestigieuses des écoles. Je mène une vie professionnelle des plus accomplies. Je croyais alors avoir été heureux, comblé même. Ben non! Une personne m’a fait comprendre, il y a tout juste trois mois, ce qu’est le vrai sens d’une vie.

- C’est de Rym que vous parlez ?

- Oui, d’elle et de tout ce qu’elle a pu m’apporter. Logiquement j’étais son médecin, un être sensé la guérir, l’aider à aller mieux. Figurez vous qu’elle était mon guérisseur. Ses paroles représentaient pour moi une vraie thérapie. Elle m’a fait prendre conscience de l’extrême pauvre que je suis.

- Ça, je peux très bien comprendre.

- Elle me parlait de ses moments de joie, souvent avec la présence de « mon ami ». Un ami à qui elle devait les plus belles années de son existence. Elle disait : « On devrait rectifier ma date de naissance, ce n’est pas en 1983 que je suis née, mais 8 ans après. Un jour d’été 1991 ou j’ai croisé celui qui sera pour moi le centre de ma vie ». C’est de vous qu’elle parlait. Je la croyais assez philosophe et rêveuse au point de créer autour d’elle des personnages pour y épuiser son inspiration. Maintenant que je découvre que vous êtes bien réel, je

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vous envie de l’avoir connu. Vous ne pouvez pas imaginer la chance que vous avez eue.

- Je n’ai pas besoin d’imaginer, je suis conscient de cette chance dont vous parlez.

Une infirmière fit son apparition. Comme si elle venait de courir un marathon, elle arrivait à peine à prononcer quelques mots.

- Docteur Mokrane. Vous êtes là ? J’ai fait le tour de l’hôpital…

- Que se passe-t-il ?

- Il y a quelqu’un qui vous attend dans votre bureau. Il a l’air très agacé.

- Qui est ce ?

- Il dit être le père d’une de vos patientes ?

- Le père de qui ?

- Rym Ben…

Tachfine, en colère, bondit du banc : « Le père de Rym ! Je vais le tuer. Où est-il ? »

- Où allez-vous comme ça ? Ça ne sert à rien de vous mettre dans cet état. Riposte Dr Mokrane. Je vais aller le voir et savoir ce qu’il y en est.

- Je viens avec vous

- Si seulement vous êtes capable de garder votre calme.

- Ok, promis.

Ils se dirigèrent, tous les deux, vers le bureau. L’homme en question avait déjà pris son aise sur un fauteuil.

- Bonjour monsieur, je suis le Docteur Mokrane. Que puis-je faire pour vous ?

- On m’a dit que ma fille est hospitalisée ici et que vous êtes son médecin traitant. Je veux la récupérer et l’emmener se soigner en France. Je connais beaucoup de gens compétents la bas.

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Tachfine, ne pouvant pas rester en place, lui cria au visage.

Espèce de malade, pour qui vous vous prenez. Vous débarquez ici comme par magie et vous voulez récupérer celle que vous osez encore appeler « ma fille ». Si vous prononcer encore une fois ces paroles je vous arrange le visage avec un bon coup de poing.

- Mais pour qui se prend-t-il ? Nous somme dans un hôpital ou dans un asile psychiatrique ?

- Non monsieur, dans un centre de détention. Je sens que je vais récidiver et commettre un autre crime rien que pour débarrasser le monde d’une pourriture comme vous.

Pour mettre terme au bras de fer, Dr Mokrane lâcha.

- Rym est morte.

- Morte ! Quand et comment ?

- Depuis une semaine, morte d’un cancer. Elle a passé trois moi ici, on ne pouvait rien faire. Pour elle c’était déjà trop tard.

- Trop tard ! Vous trouver toujours le moyen de justifier votre incompétence.

- Voilà quelqu’un qui s’y connait ! D’un autre coté je suis heureux de faire votre connaissance. Rym me disait toujours…

- Tu es qui déjà ? Je veux dire, la nature de ta relation avec ma fille.

- Vous venez de me couper la parole ! Est ce n’est pas très classe. La nature de ma relation avec Rym, le prénom que vous ne voulez toujours pas prononcer, ne vous regarde en aucun cas. Laisser moi à présent continuer. Un jour Rym m’a fait promettre que si elle devait quitter se monde, avant moi, sans vous avoir rencontré, je devais vous dire combien elle vous détestait. J’étais prêt à remuer ciel et terre pour retrouver votre trace et vous cracher son message. Vous n’êtes qu’un pauvre minable, sans scrupule, sans âme et sans cœur. Vous méritez à peine qu’on vous classe dans la case «être humain ».

- Faites le sortir d’ici !

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- Désolé, c’est vous qui devez sortir. On n’a plus rien à se dire, finit pas demander Dr Mokrane.

- Cette histoire va mal se terminer. On se reverra.

Le père de Rym quitta la pièce en laissant derrière les débris de son massacre. Tachfine n’ayant plus la force de rester debout, se lâcha sur le divan, pris sa tête entre ses mains et ne prononça mot. Au bout de quelques minutes il s’engagea dans la discussion.

- Est ce que Rym vous a déjà parlé de la façon dont nous nous sommes séparés.

- Pas vraiment, elle m’a raconté cette journée ou vous êtes venu, fou de rage. Mais je crois qu’elle ne sait pas ce qui c’est réellement passé. Elle n’a jamais compris votre attitude, j’avoue que moi aussi j’ai du mal à l’expliquer.

- Je crois qu’il est temps de dire les choses. Je suis rentré de Rome plutôt que prévu. Au départ je devais rester un mois et puis comme je vous l’ai déjà dit, j’avais beaucoup de mal à m y plaire. J’ai donc pris la décision de revenir plus tôt, faire la surprise à Rym et lui dire tout ce que j’avais sur le cœur. A peine arrivé je suis passé la voir à son travail, à la maison d’édition.

- Oui, elle était conceptrice de page de couverture pour les livres.

- Pas seulement, elle se chargeait aussi de toutes les photos de l’entreprise… Bref. Je suis allé la voir ce jour là, tout content de pouvoir enfin la retrouver après trois semaines. Sur place, je l’ai vu rire aux éclats en compagnie de l’un de mes amis. C’était comme si j’avais reçu un coup sur la tête. J’ai fait marche arrière sans pour autant oser interrompre la discussion. Elle n’a rien vu, ni lui d’ailleurs. Le soir même, il est venu m’avouer qu’il avait des sentiments pour elle et qu’il pensait que c’était réciproque. « Rym ne m’a jamais rien dit de tel, ai-je rétorqué » mais j’ai tout de suite compris que ce n’était pas mon rôle de décider pour elle. Cette situation me plongea dans un égarement total. Je ne savais plus quoi penser.

- Mais il n y a jamais rien eu entre eux !

Il ne s’agissait pas que de lui. J’ai justement réalisé que du jour au lendemain, elle pouvait partir, faire sa vie avec quelqu’un d’autre, je serais devenu quoi alors ?

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- Mais vous étiez amis n’est ce pas ?

-Oui complètement, et c’est cela que je n’arrivais pas à expliquer. On se connaissait depuis tellement longtemps que je ne me suis jamais posé la question. J’étais là pour elle, elle était là pour moi. Jusque-là ça me suffisait. Entre nous, il n’a jamais était question de relation amoureuse. Enfin c’est ce que je me forçais de croire jusqu’à ce jour. L’idée de la perdre me rendit fou, je me suis tu pendant des jours, à un moment donné ça a fini par éclater et le volcan fit éruption.

- Je crois que vous vous êtes laissé emporter par vos sentiments alors qu’il suffisait d’en parler tout simplement. De tirer les choses au clair avant de prendre une décision pareille.

- Je n’ai pas réalisé l’ampleur des dégâts causés par ma réaction. Je ne me doutais pas un seul instant que ça allait finir ainsi. Je suis le seul coupable et je crois que je mérite tout ce qui m’arrive.

- Ne soyez pas dur avec vous-même. C’est vrai que vous avez agi comme un gamin de 10 ans. Mais Rym ne vous a jamais voulu. Au contraire elle parlait de vous comme je n’ai écouté personne parler d’un homme. Malgré la souffrance, malgré la douleur vous étiez celui…

- Je crois que j’ai assez entendu pour aujourd’hui. Je voudrais rentrer et essayer de me reposer, je n’ai plus de force.

- Une dernière chose que vous devez savoir. On l’a enterré dignement, je me suis moi-même occupé des funérailles. Vous pouvez aller vous recueillir sur sa tombe. Ce n’est pas très loin d’ici.

- Merci Docteur.

- Vous pouvez m'appeler Rafik.

-Au revoir Rafik.

Tachfine quitta l’hôpital. Après plus de deux heures de marche, il se retrouva chez lui, une seule idée en tête « aller se coucher ». Il glissa sous la couverture, pris son oreiller pour l’arranger et se rendit compte que le carnet était toujours là. Il le feuilleta et compris qu’il restait encore une dernière page qu’il n’a pas

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encore lu. « Pas maintenant Tachfine, il faut que tu dormes. » il ferma les yeux et plongea dans un sommeil profond.

Six heures du matin.

Le voilà réveillé, pas en pleine forme mais il arriva quand même à se séparer du lit et sortir dans le couloir, le carnet entre les mains.

Dernière page, dernier texte, « dernier souffle » se dit-il.

« Voilà, je crois que la fin approche, la mort n’est plus à quelques heures de moi, je le sens. Je doute fort qu’elle puisse me laisser encore une autre chance. Peu importe, elle a été assez compréhensive. Elle m’a laissé suffisamment de temps pour m’exprimer et te laisser ces phrases en guise d’héritage. Un héritage sans encombre. Je ne veux surtout pas que tu le prennes mal, ou que tu te culpabilises. Laisse-moi juste te dédier mes derniers mots, mon dernier souffle.

Regarde un peu autour de toi, constate par toi-même que je suis toujours là. Je n’aurais jamais choisi ce moyen, cette façon pour te quitter mais il y a des moments qu’on ne maitrise pas. Tu le sais autant moi.

J’aurais pu t’en vouloir, mais je choisi le pardon. Une notion que tu as su m’inculquer sans retenu. Tu me répétais souvent le proverbe disant qu’un grain de sable ne souille jamais une fleur. Je crois qu’il est temps que j’en prenne considération. Avec toi je n’ai eu que de merveilleux souvenirs, depuis ma plus tendre enfance, jusqu’à il y a un an. Un jour que je préfère oublier sans demander d’explication. C’est peut être mieux ainsi, je ne saurais l’affirmer. À présent, ne t’en fais pas pour moi. Garde ceci, et promet moi de vivre heureux.

« Oui, tu me demandes toujours l’impossible. Vivre heureux, si seulement tu m’avais laissé d’autres recommandations ! »

« Reste celui que tu as toujours été, un vrai ami, mon autre moitié. Celui grâce à qui je ne regrette pas d’avoir vécu, grâce à qui je n’ai pas peur de mourir.»

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Il referma le cahier, le rangea dans un tiroir avec un sentiment de soulagement. Ouvrit la fenêtre, mis de l’ordre dans sa chambre. Il prit son petit déjeuner et franchit la porte de son appartement. Le temps était brumeux. L’air lourd.

Arrivé au cimetière il hésitât un bon moment avant de franchir la porte. Il refit aussi tôt deux pas en arrière pour donner quelques pièces de monnaies à un mendiant qui les réclamait. Il tourna en rond sans savoir dans quelle direction s’aventurer. Perdu dans son labyrinthe cérébrale, le gardien le surpris.

- Bonjour

- Oui bonjour ! Je cherche une tombe.

- Ah ça j’aurais pu le deviner. Mais la tombe de qui.

- Une jeune fille enterrée il y a un peu plus d’une semaine.

- Vous êtes son frère ?

- Oui

- Ça veut dire que vous n’étiez pas là quand elle est morte. Je suis désolé.

- Vous savais où je peux la trouver.

- Je ne suis pas sur. Mais allez de ce côté, les noms sont normalement inscrits.

- Merci.

Tachfine va dans la direction indiquée par le gardien. Il finit par se retrouver face à face à ce qu’il redoutait. Il s’agenouilla au chevet de la pierre tombale et déposa le pot de marguerites qu’il venait de prendre chez le fleuriste. « Tes fleurs préférées, tu ne pourras pas les consulter pour qu’elles répondent à toutes tes questions comme tu le faisait autrefois. Mais elles seront là. Je me suis toujours dit que les morts ne peuvent pas nous entendre, mais me voici devant toi. Je suis venu m’excuser. Te demander pardon pour tout le mal que j’ai pu te faire durant cette dernière année. Je regrette de ne pas voir était près de toi quand tu en avais le plus besoin. Je pourrais me lancer dans un discours sans fin, pour te dire enfin tout ce que je n’ai jamais osé dire ni écrire. Mais à quoi bon le faire maintenant qu’il est trop tard.

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Je te promets une seule chose. Notre histoire je la raconterai, je l’écrirai. Elle fera le tour du monde juste pour te prouver que grâce à toi j’ai assimilé la leçon intitulée « l’amitié est aussi une façon d’aimer ».

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