magie des caraÏbes et santerÍa - dg...

33
María-Alba Valdés MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA

Upload: others

Post on 23-Mar-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

María-Alba Valdés

MAGIE DES CARAÏBESET SANTERÍA

Texte Santeria.indd 1 15/02/10 14:22:05

Page 2: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

3

Présentation

Contrairement au vaudou, dont elle se rapproche par bien des aspects, la santería est une religion peu connue en France. L’explication est très simple : le premier est né à Haïti, ancienne colonie française, alors que la seconde vient de Cuba, pays dont les liens avec la France sont quasi inexistants.

Si elle est peu étudiée en France, l’histoire de cette religion, et du système de magie qui en découle, est néanmoins passionnante. La sante-ría dissimule des croyances traditionnelles africaines (principalement yorubas, contrairement au vaudou) derrière un catholicisme de façade, qui s’exprime principalement à travers l’imagerie et le statuaire. Son histoire, liée aux grandes découvertes et à l’esclavage, est passionnante : dans les Caraïbes, les conquistadores ne permettaient aux esclaves africains que la pratique du catholicisme. Pour duper les Espagnols et conserver leur reli-gion, les esclaves africains se sont donc mis à identifier leurs « divinités » (orishas) aux saints de la religion catholique, afin de pouvoir continuer de les adorer tout en dupant leurs maîtres. Ainsi, le mot « santería » fut rapidement utilisé par les Espagnols de façon péjorative pour désigner l’adoration excessive que les esclaves portaient aux saints (santos) au détriment de Dieu.

Mais les Yorubas ont ainsi réussi à maintenir les principaux aspects de leur religion : leur croyance en un dieu unique et créateur, Olodumare,

3

Texte Santeria.indd 3 15/02/10 14:22:05

Page 3: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

ainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient les forces de la nature, des concepts ou des traits de caractère.

Le catholicisme est donc venu influencer cette religion, en façade. Mais, il ne s’agit pas du seul élément d’origine européenne qui ait eu un impact sur la religion pratiquée par les Yorubas : le spiritisme, celui d’Al-lan Kardec, l’a également influencée et modifiée.

Car, comme le vaudou, la santería est une religion qui est très liée à la magie, à la divination et à la communication avec les esprits. Il est important d’écouter les conseils que peuvent nous donner les orishas et les esprits, qui s’expriment par le biais de rituels spirites ou d’oracles traditionnels d’origine africaine. Il est également important de s’attirer les bonnes grâces des orishas, en leur faisant régulièrement des offran-des. Ce qui permet ensuite de leur demander des services, en pratiquant certains rituels de magie.

Le propos de cet ouvrage est donc d’aider à mieux comprendre l’his-toire complexe de cette religion méconnue en France et de faire connaître l’ensemble de croyances qui en découlent. Pour un santero, le but ultime de la vie est d’atteindre l’harmonie avec son destin, d’accomplir pleine-ment son potentiel. Nous présenterons donc également quelques-uns des rituels d’initiation, de magie et de divination associés à la santería, afin que tout un chacun puisse, s’il le souhaite, entrer dans la religion et utili-ser la magie et la divination pour parvenir à cette harmonie.

Magie des Caraïbes et Santería

4

Texte Santeria.indd 4 15/02/10 14:22:07

Page 4: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Comprendre la santería

Texte Santeria.indd 5 15/02/10 14:22:07

Page 5: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Texte Santeria.indd 6 15/02/10 14:22:07

Page 6: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

7

Les Yorubas et leur religion

La santería puise ses origines en Afrique noire, chez un peuple que l’on appelle les Yorubas. Le peuple yoruba est encore largement présent aujourd’hui en Afrique de l’Ouest, en particulier au Nigeria, mais aussi au Bénin et au Togo. Du fait de l’importante diaspora due à l’esclavage, il existe également de nombreuses communautés yorubas en Amérique latine et aux Antilles, notamment au Brésil, au Venezuela, à Porto Rico, Trinité et Cuba

La naissance du peuple yoruba

Contrairement à beaucoup de civilisations africaines, la civilisation yoruba est fondamentalement urbaine, centrée autour de la ville mythique d’Ife (ou Ilé-Ife), au sud-ouest du Nigeria.

Les points de vue de la science et de la religion se rejoignent assez peu souvent pour que l’on omette de le noter : comme beaucoup d’anthropo-logues, les santeros pensent que les premiers hommes sont originaires d’Afrique. Ils situent le début de la création dans la ville d’Ife, ville de l’actuel Nigeria, située à environ 200 km au nord-est de Lagos.

L’histoire dit que la Terre était, avant sa création, entièrement recou-verte par les océans. Olodumare, le dieu suprême, ordonna à son fils, Obatalá, de descendre des cieux. Suspendu à une chaîne d’or, Obatalá

Texte Santeria.indd 7 15/02/10 14:22:07

Page 7: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

8

versa alors sur l’eau de la terre à l’aide d’un coquillage. Il y jeta ensuite une poule, qui se mit à gratter la terre, à la labourer, à l’éparpiller. La terre devint peu à peu solide, ferme, et sa surface commença à s’étendre. Obatalá put alors quitter sa chaîne et descendre sur Terre. C’est à cet endroit-là que fut fondée la ville d’Ife, dont le nom signifie « amour » en langue yoruba.

Il s’agit là de la version la plus populaire de l’histoire de la création, mais il en existe une autre, plus ancienne, qui attribue la création de la Terre non à Obatalá, mais à son frère cadet, Odudúa : Olodumare avait, en effet, demandé à Obatalá de créer la Terre. Mais, alors que ce dernier s’apprêtait à accomplir sa mission, il rencontra d’autres « divinités » qui l’invitèrent à festoyer avec elles. Obatalá but trop de vin de palme et, ivre, finit par s’assoupir. Mais Odudúa, qui avait entendu les instruc-tions données par son père à Obatalá, décida d’accomplir la mission que son frère, endormi, n’était pas en mesure de faire. Ce fut donc lui qui, suspendu à un fil d’or, créa le monde en versant de la terre sur l’eau.

Lorsqu’il se réveilla et comprit que son frère cadet avait créé la Terre à sa place, Obatalá, fou de rage, jura qu’il ne boirait plus jamais. Il décida de descendre sur Terre et d’en revendiquer la possession : c’était à lui que l’on avait confié la tâche de la créer et c’était lui l’aîné. Mais Odudúa ne l’entendait pas de cette oreille. C’était lui qui avait façonné la Terre ; son frère avait, quant à lui, failli à son devoir et ne pouvait donc revendiquer aucun droit sur elle. Olodumare finit par mettre un terme au conflit qui opposait ses deux enfants. Il accorda à Obatalá le droit de façonner les humains avec de la terre, de devenir le créateur de l’humanité ; Odudúa, qui avait créé la Terre, obtint le droit de la gouverner : il devint ainsi le premier roi d’Ife.

Une grande civilisation

Des recherches archéologiques attestent de la présence d’une popula-tion sur le site d’Ife dès le vie siècle avant Jésus-Christ.

La civilisation yoruba connaît son apogée aux viiie et ixe siècles. De petites Cités États, à l’image d’Ife, se développent sur la côte, entre les fleuves Niger et Mono. Ife devient bientôt la capitale d’une confédéra-tion de Cités États, ainsi qu’un centre culturel important. Le chef de la ville, l’ooni, est, encore aujourd’hui, considéré comme un descendant

Texte Santeria.indd 8 15/02/10 14:22:07

Page 8: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

9

Comprendre la santería

d’Oddudúa et choisi parmi les familles qui ont fondé la ville. La confé-dération régit par Ife compte, à l’origine, seize régions, chacune d’entre elles ayant une fonction religieuse propre tendant à compléter les autres et à entretenir l’harmonie. Les Cités États sont gouvernées par des rois que l’on appelle obas. À l’instar de l’ooni, ces derniers sont choisis parmi les membres des familles les plus anciennes.

Très éloignée de l’image que l’on peut se faire de l’Afrique, la civilisa-tion yoruba est une civilisation urbaine. Les témoignages d’explorateurs européens abondent : cette région est parsemée de grandes villes aux routes pavées et aux maisons immaculées. La richesse d’Ife impressionne tout particulièrement : la ville, très belle, compte de nombreux palais, de magnifiques maisons, des tribunaux, etc. Les échanges commerciaux avec les populations voisines, mais aussi lointaines, sont multiples et fructueux.

Ife est également un centre artistique important. La ville a d’ailleurs donné son nom à une forme d’art : on parle d’art Ife (xiie-xve). Il s’agit essentiellement de statuettes de bronze ou de terre cuite (visages et bustes), de sculptures sur pierre, d’objets religieux taillés dans le quartz, de mono-lithes de granit, de statues d’hommes et d’animaux. Les visages et bustes de bronze et terre cuite sont mondialement connus pour leur finesse et leur réalisme. Il se dégage de ces visages d’obas et de guerriers un équili-bre et une sérénité qui ne cessent, aujourd’hui encore, de fasciner.

La religion des Yorubas

Les Yorubas croient en un dieu unique et créateur, Olodumare, qui – comme dans beaucoup de religions africaines – est considéré comme hors de la portée et des capacités de compréhension de l’homme. Ce dieu, très grand et tout puissant, s’occupe d’ailleurs très peu du sort des hommes. Cette tâche est reléguée aux orishas.

Les orishas ne sont pas des divinités mineures. Ils doivent plutôt être considérés comme des extensions d’Olodumare. Ce sont des enti-tés qui personnifient certains aspects de la divinité suprême, c’est-à-dire les différentes forces de la nature, mais aussi des traits de caractère, des concepts… Les Yorubas pensent que les orishas peuvent communiquer avec les hommes par deux moyens : la divination et la possession.

Texte Santeria.indd 9 15/02/10 14:22:07

Page 9: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

10

Du fait de l’esclavage, ces croyances et les rituels qui leur sont attachés vont traverser l’Atlantique et s’adapter au nouvel univers auquel elles seront confrontées. Néanmoins, les bases et l’essence de la religion des Yorubas, qui deviendra la santería à Cuba, resteront toujours les mêmes.

Texte Santeria.indd 10 15/02/10 14:22:08

Page 10: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

11

L’esclavage à Cuba

Les grandes découvertes

Bien loin des Yorubas et de leurs grandes cités, au xve siècle, d’im-portants bouleversements historiques se produisent en Europe : l’exten-sion de l’empire ottoman et la prise de Constantinople (1453) soulèvent de nombreuses inquiétudes. Les routes commerciales menant à l’Asie, qui permettent le commerce des épices et autres marchandises, sont de plus en plus contrôlées par les musulmans. Le pape encourage alors les Portugais à trouver une autre voie vers les Indes (terme qui désignait, auparavant, une grande partie de l’Asie), en contournant l’Afrique, et, par conséquent, à explorer les côtes africaines. Ces découvertes sont rendues possibles par d’importantes avancées techniques.

Les Espagnols cherchent, eux aussi, de nouvelles voies pour commer-cer avec les Indes. Contrairement à Jean II de Portugal, les rois catholi-ques, Isabelle et Ferdinand d’Espagne, finissent par se laisser convaincre par la proposition de Christophe Colomb : « rejoindre le levant par le ponant », c’est-à-dire atteindre les Indes, à l’est, en traversant l’Atlanti-que par l’ouest. C’est ainsi qu’en 1492 débarquent aux Antilles les équi-pages de la Niña, la Pinta et la Santa Maria, persuadés de se trouver aux Indes.

Texte Santeria.indd 11 15/02/10 14:22:08

Page 11: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

12

Le commerce triangulaire

Cuba est la seconde des îles découvertes par Christophe Colomb (28 octobre 1492), après San Salvador (12 octobre). L’île restera sous la domination espagnole jusqu’en 1898. Cuba est peuplée d’« Indiens » – les Siboney et les Tainos. Mais, malgré leur hospitalité envers les nouveaux venus, ces populations sont rapidement massacrées et décimées par les conquistadores espagnols.

À l’autre bout du monde, sur les côtes de l’Afrique occidentale, les mines d’or et les ressources naturelles commencent à s’épuiser ; dans l’Amérique nouvellement conquise, elles abondent. Mais, les populations locales ayant bien souvent été massacrées, la main-d’œuvre manque pour les exploiter. C’est ainsi que l’Afrique occidentale cesse d’être une source de métaux précieux et devient, à la place, une source de main-d’œuvre venant rempla-cer la population amérindienne qui ne cesse de s’amenuiser.

Très vite, de nouvelles routes commerciales voient le jour, reliant l’Eu-rope, l’Afrique et les Amériques. Des bateaux partent d’Europe pour rejoin-dre l’Afrique occidentale, où ils échangent des marchandises contre des esclaves. Ces esclaves sont ensuite acheminés vers les côtes américaines et les Caraïbes, où ils sont échangés contre des marchandises du Nouveau Monde. Ces marchandises sont finalement ramenées vers l’Europe. C’est ce que l’on appelle le commerce triangulaire (ou la traite atlantique).

Les Yorubas et Cuba

L’Espagne est la première nation européenne à importer des esclaves dans le Nouveau Monde ; d’abord des esclaves espagnols, puis des Afri-cains. À Cuba, la productivité des mines d’or ne tarde pas à décevoir. L’île se tourne alors vers de nouvelles activités, principalement agricoles : tabac, café et surtout, canne à sucre. Le développement de cette dernière activité, à la fin du xviie siècle, va entraîner un énorme bouleversement démographique à Cuba. La culture et l’exploitation de la canne à sucre nécessitent, en effet, une main-d’œuvre abondante. Les esclaves qui arri-vent sur l’île sont de plus en plus nombreux.

On estime que 9 à 10 millions d’esclaves ont traversé l’Atlantique pour travailler dans le Nouveau Monde, dont 6,3 millions venaient d’Afrique occidentale. Or, la destination de pas moins d’un cinquième d’entre eux n’était autre que Cuba.

Texte Santeria.indd 12 15/02/10 14:22:08

Page 12: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

13

Comprendre la santería

En Afrique, le peuple yoruba a été, bien sûr, profondément boule-versé par l’esclavage. Les hommes jeunes et vigoureux disparaissaient en surnombre, avec toutes les conséquences que cela pouvait engendrer. Mais, l’esclavage a également eu des répercussions politiques, géné-rant des conflits entre les différents royaumes qui se sont mis à rivali-ser entre eux pour acquérir des hommes à vendre aux Européens. Des guerres civiles ont éclaté, opposant ceux qui soutenaient l’hégémonie de telle ou telle puissance monarchique. Les prisonniers de guerre et tous ceux qui s’étaient opposés aux nouvelles puissances étaient vendus aux Européens. Les esclaves yorubas étaient donc très éloignés de l’image de sauvages incultes que l’on a pu chercher à leur coller. Il s’agissait souvent de prêtres ou de membres des hautes sphères de la société. Des villes et des villages entiers ont été vidés de leurs habitants, ce qui allait, bien sûr, entraver le développement à venir de la région.

L’esclavage

Sur les bateaux qui les acheminaient vers Cuba, les prisonniers yoru-bas étaient enchaînés et entassés dans des espaces restreints. On leur donnait peu à manger, on ne leur permettait pas d’aller aux toilettes. Pour se distraire, les matelots espagnols, armés d’un fouet, obligeaient parfois les hommes à danser. Les femmes étaient souvent violées. Les voyages duraient plusieurs mois. À l’arrivée, 15 à 20 % des hommes étaient déjà morts, les corps ayant été jetés sans ménagement à la mer.

À l’arrivée sur l’île, les violences et les humiliations ne cessaient pas. Les Yorubas et les autres esclaves travaillaient dix-huit heures par jour dans les plantations. L’espérance de vie d’un esclave arrivé à Cuba était de sept ans. Bien que les ordonnances de Caceres, qui réglementaient la distribution des terres à Cuba, interdissent toute forme de violence physi-que envers les esclaves, c’était dans les plantations que les Yorubas subis-saient les pires traitements. Pour parer aux désobéissances, les maîtres développèrent tout un éventail de châtiments privés ou publics : coups de fouets, bocabajo (châtiment typique des conquistadores qui consistait à fouetter des esclaves qui étaient couchés par terre, sur le ventre, front et bouche à même le sol), novenario de estacas (neuf jours de coups de bâton), escalera (torture également utilisée par les Inquisiteurs, qui consistait à attacher un homme à une échelle et à le fouetter ou lui brûler les aisselles et les côtes à l’aide d’une torche)…

Texte Santeria.indd 13 15/02/10 14:22:08

Page 13: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

14

Au départ, les esclaves importés à Cuba étaient essentiellement des hommes. La notion de famille disparut totalement. Mais, avec le déve-loppement de la culture de la canne à sucre et la multiplication des gran-des plantations, on commença à faire venir des femmes. On forçait les hommes, comme des animaux, à se reproduire afin de générer davantage de main-d’œuvre. L’importation de femmes à des fins reproductives a provoqué de nombreux infanticides : les mères tuaient leurs enfants par amour, afin de leur éviter les horreurs de l’esclavage.

Ces conditions de vie terribles ont donné lieu, bien sûr, à des conspira-tions et des révoltes. Les Yorubas répondaient souvent à la violence par la violence, ce qui en entraînait encore davantage, de la part des maîtres, un cercle vicieux de souffrance et de mort qui a marqué les plantations pendant des siècles.

Aponte : un révolutionnaire yoruba

C’est dans ce contexte de violence extrême que s’est déroulée, en 1812, l’insurrection orchestrée par l’esclave affranchi José Antonio Aponte. Cet ébéniste yoruba était un grand prêtre de la santería. Par conséquent, il jouissait d’un immense prestige auprès des autres membres de la commu-nauté yoruba.

Passionné par la révolution haïtienne (1791, première révolte d’esclaves réussie des temps moderne, qui aboutit à la proclamation de l’indépen-dance d’Haïti vis-à-vis de la France), Aponte réussit l’exploit d’organiser la première révolte nationale visant à abolir l’esclavage et à renverser le gouvernement colonial en fédérant esclaves et affranchis, Yorubas et autres peuples, et en gagnant le soutien de la toute récente République d’Haïti, qui envoya des hommes à Cuba.

La révolte échoua et Aponte fut pendu en 1812. Sa tête fut exposée à La Havane. Mais l’échec d’Aponte ne fut pas total. Cet homme d’ori-gine yoruba est le premier à avoir montré qu’une révolte nationale contre l’esclavage et le gouvernement colonial était possible. Les révoltes se multiplieront jusqu’à la guerre des Dix Ans (1968-1878), qui aboutira à 1’abolition de l’esclavage à Cuba (1880), et la guerre d’indépendance, qui aboutira à la proclamation de la République de Cuba en 1898.

Texte Santeria.indd 14 15/02/10 14:22:08

Page 14: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

15

Le choc de deux cultures

À leur arrivée sur l’île, les Yorubas et les autres Africains étaient bapti-sés par des prêtres ; n’ayant jamais appris l’espagnol, ils ne comprenaient pas même les mots qu’on leur faisait prononcer. Ils étaient ensuite tenus, sous peine de sanctions, d’adorer un dieu dont ils ne savaient rien, le dieu, qui plus est, de leurs bourreaux. Mais, si les Yorubas avaient été dépos-sédés de tout, il leur restait néanmoins, au fond du cœur, leurs valeurs et leurs croyances, qui, sans doute, permirent à beaucoup de survivre dans ce nouvel univers hostile.

Comme bien souvent lors des tentatives d’assimilation culturelle forcée et, qui plus est, violente, l’obligation d’adorer le dieu de l’oppresseur ne fit que renforcer les croyances de l’opprimé. Les Yorubas s’accrochè-rent à leurs valeurs traditionnelles et, notamment, à leur religion, qui leur donnait la force spirituelle de subir les épreuves auxquelles ils étaient confrontés, ainsi qu’un sentiment de cohésion sociale, d’appartenance à un groupe, qui renforçait la solidarité.

Les orishas et les saints

Pour duper leurs maîtres et continuer d’adorer Olodumare et les oris-has sans craindre d’être inquiétés par les Espagnols, les esclaves yorubas ne tardèrent pas à imaginer une ruse en exploitant l’un des principes du catholicisme, largement adopté par les Espagnols : le culte de dulie.

Texte Santeria.indd 15 15/02/10 14:22:08

Page 15: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

16

L’expression « culte de dulie » désigne la vénération portée aux saints, par opposition au « culte de latrie », adoration portée à Dieu. Le culte de saints, critiqué par les protestants et les autres religions monothéistes, qui l’assimilent à une compromission avec le principe de dieu unique, avait pris des proportions assez importantes dans l’Espagne rurale et traditionnelle, et ce que d’aucuns considèrent comme un excès avait été « importé » à Cuba, où on priait beaucoup les saints et où on organisait beaucoup de fêtes et de processions annuelles pour honorer ces personna-ges et les miracles qu’ils avaient accomplis au cours de leur vie.

Pour continuer de pratiquer leur culte, les Yorubas se saisirent de cette opportunité : ils décidèrent de déguiser le culte des orishas, de le masquer derrière celui des saints. De grossières assimilations furent donc effec-tuées. Par exemple Ogún, orisha du métal associé aux clefs fut dissi-mulé derrière saint Pierre, souvent représenté avec les clefs du paradis. De même, saint Raphaël, l’archange qui guérit et soigne, servit de façade à Inlé, orisha de la médecine. Et ainsi de suite.

Dans un premier temps, les Yorubas passèrent ainsi pour de « bons chrétiens », parfois même un peu trop zélés. Mais, il ne s’agissait, bien sûr, que d’une façade. Quand les prêtres et les maîtres les voyaient véné-rer, par exemple, sainte Barbe, ils ignoraient qu’ils rendaient, en réalité, un culte à Changó. La ruse fonctionna et, bientôt, les maîtres espagnols se mirent à utiliser le mot « santería » pour désigner de façon péjora-tive l’adoration excessive que les esclaves portaient aux saints (santos) au détriment de Dieu.

Aujourd’hui encore, ce sont souvent des statues et des images de saints qui servent de support aux prières et aux rituels des santeros. L’image-rie catholique est très présente dans la religion. Mais il ne faut pas s’y méprendre. Il ne s’agit que d’images. Quand un santero prie devant une statue de sainte Barbara, c’est bien à Changó qu’il s’adresse.

Les failles de l’évangélisation

Mais comment cette « ruse » a-t-elle pu s’organiser et échapper aux membres du clergé ? Pourquoi un phénomène similaire ne s’est-il pas produit avec, par exemple, les esclaves noirs des États-Unis ?

Texte Santeria.indd 16 15/02/10 14:22:08

Page 16: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

17

Comprendre la santería

Plusieurs phénomènes tendent à l’expliquer. Tout d’abord, la nature même du catholicisme (par opposition au protestantisme, aux États-Unis) et le « culte de dulie », relativement bien accepté à Cuba. Les prêtres encourageaient d’ailleurs les esclaves à participer à des fêtes en l’honneur des saints, voire à les organiser. Ces fêtes ressemblaient, de près ou de loin, à celles qu’organisaient les Yorubas dans leur pays en l’honneur des orishas, ce qui rendait l’assimilation saint-orishas d’autant plus facile.

D’ailleurs, certains auteurs1 pensent que c’est l’Église catholique elle-même qui aurait imposé aux Yorubas les saints comme équivalents aux orishas, l’idée étant d’amener progressivement les esclaves à se conver-tir à la religion catholique. Cette hypothèse, qui semble néanmoins peu probable, s’appuie sur un synode papal de 1687 au cours duquel l’Église catholique conseilla au clergé de tenter d’accommoder les croyances chrétiennes aux croyances animistes africaines. Un édit de 1792 préco-nise également d’obliger les esclaves africains à abandonner leurs divini-tés et à « trouver un saint catholique équivalent ».

Quoi qu’il en soit, malgré les recommandations papales, les prêtres n’étaient pas très prompts à superviser les croyances et les gestes de dévo-tion des esclaves. Tout d’abord parce qu’à Cuba, le clergé était principa-lement concentré dans les villes, alors que les esclaves, qui travaillaient pour la plupart dans des plantations, vivaient en milieu rural.

Il faut également noter qu’à la différence de celles du coton, la culture et l’exploitation de la canne à sucre nécessitent une main-d’œuvre abon-dante. Les plantations de canne à sucre cubaines, contrairement aux champs de coton du sud des États-Unis, faisaient travailler un très grand nombre d’esclaves, ce qui tendait à renforcer la solidarité, mais aussi le sentiment d’appartenance à une culture commune. On pense ainsi que c’est également pour cette raison que l’intérêt pour la religion des ancê-tres s’est maintenu chez les esclaves de Cuba et des Caraïbes, et non chez ceux qui avaient débarqué aux États-Unis.

1. Argyriadis Kali, « Des Noirs sorciers aux babalaos », Cahiers d’études africaines, 160, 2000.

Texte Santeria.indd 17 15/02/10 14:22:08

Page 17: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

18

Les cabildos

En arrivant dans les Caraïbes et sur le Nouveau Continent, les Espa-gnols apportèrent avec eux leurs diverses formes d’organisation sociale, et notamment les hermandades (« confréries ») ou cabildos (« chapitres »).

Ces organisations sociales avaient été créées à Séville au xve siècle. Il s’agissait de sortes d’associations, de clubs de personnes qui parta-geaient des intérêts communs et qui se rassemblaient régulièrement pour se rencontrer. En cas de besoin, les membres du cabildo étaient toujours présents pour les autres, qu’ils pouvaient aider d’un point de vue financier ou soigner, en cas de maladie. Chaque cabildo avait un saint patron, pour lequel ses membres organisaient régulièrement des fêtes dans les rues de la cité.

À Cuba, les Espagnols encouragèrent les esclaves à créer leurs propres cabildos. Cette idée peut, a posteriori, sembler assez étrange et mal avisée, mais le projet des Espagnols était pourtant cohérent : il s’agis-sait de la vieille idée de diviser pour mieux régner. Les conquistadores pensaient que si les esclaves étaient divisés par petits groupes de langues, religions ou cultures communes, ils ne pourraient pas se rassembler pour se rebeller. Comme on l’a déjà vu, le plan des Espagnols échoua et des révoltes d’ordre national ne tardèrent pas à éclater.

Mais, la constitution de cabildos d’esclaves fut également une entrave à l’évangélisation. Les esclaves les utilisèrent, eux aussi, comme des asso-ciations d’entraide. On se cotisait pour racheter des esclaves ou acquérir des terres. On se soignait dans la plus pure tradition de la religion des ancêtres. Et, bien sûr, on enseignait aux enfants la langue, les valeurs, l’histoire et les croyances du pays auquel leurs ascendants avaient été arrachés.

Ironiquement, les cabildos, au départ conçus pour diviser les esclaves et mieux contrôler leur évangélisation, facilitèrent la transmission des traditions africaines, et notamment des traditions religieuses. Les lieux où se réunissaient leurs membres peuvent d’ailleurs être considérés comme les ancêtres des maisons-temples. Derrière la façade de l’imagerie catho-lique, on y vénérait tel ou tel orisha ou on y pratiquait tel ou tel rituel yoruba.

Texte Santeria.indd 18 15/02/10 14:22:08

Page 18: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

19

Une religion syncrétique ?

Il n’existe pas un ouvrage sur la santería ou les autres religions afro-caribéennes dans lequel on ne puisse pas lire le mot « syncrétisme ». Ce terme, trop souvent utilisé pour décrire la religion de bon nombre de gens dans le monde, désigne, selon le dictionnaire « la fusion de différents cultes ou de doctrines religieuses » et, plus particulièrement, une « tenta-tive de conciliation des différentes croyances en une nouvelle qui en ferait la synthèse1 ».

La santería n’est, en effet, pas la religion que pratiquaient et prati-quent encore les Yorubas en Afrique. En l’apportant avec eux dans le Nouveau Monde, ils ont progressivement modifié et adapté cette religion très axée sur la terre à leur nouvel environnement. Pour pouvoir continuer de pratiquer leur culte, les Yorubas ont également dû le dissimuler sous les apparences d’une religion originaire d’Europe : le catholicisme. La religion des Yorubas a également été marquée, plus en profondeur, par une autre doctrine originaire d’Europe : le spiritisme. Et à cette religion dans laquelle l’Afrique a noué un lien entre l’Europe et l’Amérique vient s’ajouter un élément d’origine asiatique : la divination par les chiffres.

1. Le Trésor de la langue française informatisé.

Texte Santeria.indd 19 15/02/10 14:22:09

Page 19: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

20

L’Afrique idéalisée

En arrivant à Cuba avec leur religion, les esclaves yorubas durent affronter les missionnaires catholiques et leur soif plus ou moins avide d’évangélisation. Mais, un autre problème se posait à eux. La religion des Yorubas – tout comme la santería qui en dérive – est une religion très axée sur la terre. Or, la terre de Cuba, sur laquelle se trouvaient désormais les Yorubas, n’était pas la terre où eux et leurs ancêtres étaient nés.

La santería est une religion qui met l’accent non sur l’éventualité d’une vie meilleure dans un autre monde, mais sur l’éventualité d’une vie meilleure dans ce monde. Il s’agit d’être en phase, ici et maintenant, avec le destin qui nous a été assigné, et, ainsi, d’être en phase avec la nature. La religion s’appuie donc sur les forces de la nature, qui sont personnifiées par les orishas : Changó, par exemple, est ainsi la « divinité » du tonnerre, tandis que Yemayá est l’incarnation de la mer. Ainsi, les objets divinatoi-res et les objets sacrés sont des objets liés à la terre ou à la mer. On ne lit pas l’avenir dans les astres, mais à l’aide de pierres, d’herbes, de fruits, de plantes, de coquillages…

En arrivant à Cuba, les Yorubas ont donc dû s’adapter à un nouvel envi-ronnement, à une nouvelle terre. Lentement, des modifications se sont produites dans la religion. En Afrique, Oyá, par exemple, était l’orisha du fleuve Niger. Avec la distance, et avec le temps, c’est un autre aspect de cet orisha qui a été retenu et davantage mis en valeur : à Cuba, Oyá est devenu en premier lieu l’orisha des cimetières et du vent, même si le fleuve Niger, dont elle reste l’incarnation, est toujours glorifié dans l’imagination des santeros. De même, en Afrique, on lisait l’avenir dans des noix de cola. Ce fruit, introuvable à Cuba, a été remplacé par la noix de coco.

Le continent africain, terre des ancêtres et surtout terre de la création, n’en reste pas moins valorisé et idéalisé. Les mythes de la création restent centrés sur cette région du monde et de nombreuses prières et invocations sont récitées en langue yoruba, qui demeure, au-delà de l’espagnol, la langue de la religion.

Culte des saints et autres éléments d’origine européenne

L’élément le plus marquant de l’influence du catholicisme sur la santería est, bien sûr, comme on l’a vu, le culte des saints, ou culte de dulie, que les

Texte Santeria.indd 20 15/02/10 14:22:09

Page 20: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

21

Comprendre la santería

esclaves yorubas ont adopté comme une façade, pour pouvoir continuer d’adorer les orishas à l’insu des conquistadores. Cette pratique s’est main-tenue au fil du temps, et les santeros continuent d’adorer Changó derrière des images de sainte Barbe. Les saints sont perçus comme des manifesta-tions des orishas. Mais, plus il s’instruit et plus il se plonge dans les mystè-res de la santería, moins la santero accorde d’importance aux saints et à leurs images. L’essentiel n’est pas de savoir quel saint correspond à quel orisha. L’essentiel est de savoir à quel orisha il faut s’adresser.

D’autres éléments ont également été empruntés au catholicisme. Il faut bien comprendre que c’est le rituel qui a été emprunté, mais que son contenu spirituel a été modifié, voire totalement remplacé, pour s’ajuster aux croyances de la santería.

On peut citer l’exemple du sacrement du baptême, dont le rite est encore observé par les santeros. En arrivant sur l’île, les esclaves étaient baptisés selon le rite catholique. Cette tradition s’est maintenue chez les santeros, mais, là encore, seules les apparences ont été conservées. Il ne s’agit pas d’entrer ou de faire entrer un enfant dans la communauté chré-tienne, ni même de le laver du péché originel, rôle qui était tradition-nellement accordé au sacrement catholique. Les santeros conçoivent le baptême comme un rituel magique, qui vise à protéger la personne qui le reçoit. Cette protection est assurée non par Dieu, mais par un orisha. L’eau bénite, utilisée pour les baptêmes, peut aussi servir pour toute sorte de rituels de purification ou de protection.

Nous avons vu que la santería était une religion très centrée sur la vie terrestre. Mais les santeros croient en la réincarnation de l’ori. Le concept d’ori est assez proche du concept chrétien de l’âme. Cependant, contrai-rement à l’âme telle qu’elle est conçue dans la religion chrétienne, l’ori n’est pas « individuel ». Lors de la création, Olodumare n’en a façonné qu’un nombre restreint, chacun d’entre eux ayant un destin assigné, un destin potentiel à accomplir au cours de multiples vies. Il n’existe donc pas de notion de paradis ni d’enfer, comme dans la religion chrétienne. Quand un homme meurt, son ori est « réincarné » dans un autre corps, en général celui d’un descendant du défunt. Ainsi, si les santeros célèbrent des messes pour les morts, messes qui peuvent passer pour des cérémo-nies catholiques, il ne s’agit pas de prier pour le salut de l’âme du défunt, mais de l’aider à évoluer dans son destin.

Texte Santeria.indd 21 15/02/10 14:22:09

Page 21: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

22

Il faut donc bien comprendre que les éléments catholiques qui compo-sent la santería ne sont que des éléments d’apparences, hérités d’un passé au cours duquel il était nécessaire d’avoir l’air d’un bon chrétien et de dissimuler sa véritable religion.

L’apport du spiritisme d’Allan Kardec

Allan Kardec (1804-1869) est le nom de plume d’Hippolyte Léon Denizard Rivail, l’un des codificateurs du spiritisme.

Au milieu du xixe siècle, les séances de communication avec les esprits, que l’on n’appelle pas encore « spiritisme » mais « tables tournantes », deviennent à la mode en Europe et en Amérique. À la demande de l’un de ses amis, Rivail assiste à l’une de ces séances et en ressort convaincu de l’existence des esprits. Il consacrera tout le reste de sa vie à leur étude.

Rivail publiera plusieurs livres sous le nom de Kardec, notamment Le Livre des esprits (1857), qui fonde la doctrine du spiritisme, Le Livre des médiums (1861), qui contient des instructions plus pratiques concer-nant l’exercice du spiritisme, L’Évangile selon le spiritisme, analyse de l’Évangile à la lumière de la doctrine spirite (1864), Le Ciel et l’Enfer (1865) et La Genèse selon le spiritisme (1868).

Kardec lui-même considérait le spiritisme (mot, qui, soit dit en passant, fut inventé par lui-même) comme une philosophie, et non comme une religion, « un trait d’union entre la science et la religion », d’après ses propres mots. Il s’agit, en effet, d’une doctrine philosophique qui présente un point de vue particulier sur le monde et une interprétation de la reli-gion chrétienne.

Tout comme les chrétiens et les santeros, les spirites croient en l’exis-tence d’un dieu unique (équivalant à Dieu ou Olodumare). Jésus Christ est présenté comme un modèle à suivre, le modèle de l’aboutissement d’une évolution parfaite de l’esprit. Tout comme les chrétiens et les santeros, les spirites croient également en la dualité de l’homme, composé d’un corps physique et d’un esprit (équivalent à l’âme ou à l’ori).

Cependant, contrairement aux chrétiens, mais à l’instar des santeros, les spirites croient en la réincarnation : nous étions des esprits avant de naître et nous redeviendrons des esprits lorsque nous rejoindrons le monde des esprits par le biais du processus que l’on appelle la mort. Nous pour-

Texte Santeria.indd 22 15/02/10 14:22:09

Page 22: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

23

Comprendre la santería

rons alors choisir de nous réincarner dans un autre corps. Nous pouvons également choisir de demeurer un esprit et de ne pas nous incarner. Tout comme les santeros, les spirites croient également que certaines person-nes ont la capacité de communiquer avec le monde des esprits des morts qui ne se sont pas réincarnés, esprits que les santeros connaissent sous le nom d’egún.

Implantation du spiritisme en Amérique latine

La doctrine de Kardec connut rapidement un franc succès en Europe, mais aussi, et surtout, en Amérique latine, où, assez paradoxalement, elle est devenue plus connue et plus populaire qu’en France.

L’explication est très simple. Au milieu du xixe siècle, beaucoup de pays d’Amérique latine viennent d’achever leur combat pour l’indépen-dance. D’autres sont encore sous le joug des Espagnols (Cuba et Porto Rico). Très vite, le spiritisme va prendre une dimension politique : pour les personnes qui luttent ou qui ont lutté pour l’indépendance, il est perçu comme une alternative au catholicisme, religion qui est considérée comme trop associée aux monarchies portugaises et espagnoles.

Un autre aspect de la doctrine de Kardec attire les indépendantistes et les esprits libéraux. Le spiritisme présente, en effet, une vision progres-siste de l’histoire et du monde. D’après les spirites, Dieu a accordé aux esprits la notion de libre arbitre. Les hommes naissent donc libres et responsables de leurs actes. Mais, pour progresser et réparer leurs erreurs, les esprits peuvent choisir de se réincarner. Le but de la réincarnation est d’évoluer, d’un point de vue à la fois moral et spirituel. Cette évolution, qui se base sur l’amour, le pardon et la compassion, est accessible à tous. Le monde tend donc à évoluer, à progresser sans cesse vers la perfec-tion. Le progrès, opposé au conservatisme, est donc la marche naturelle à suivre. Ce qui explique sans doute l’attrait des libéraux caribéens et latino-américains pour le spiritisme.

Mais, dans les campagnes et dans les classes moins éduquées de la société, le spiritisme rencontre également un fort succès. Les gens ne perçoivent pas cette doctrine comme étant en contradiction avec leurs valeurs catholiques : après tout, les spirites croient en un dieu unique et présentent Jésus comme un modèle et un exemple à suivre. Les concepts de réincarnation et d’esprits non incarnés, pourtant en contradiction avec

Texte Santeria.indd 23 15/02/10 14:22:09

Page 23: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

24

la doctrine catholique, sont ainsi très bien acceptés. L’idée de pouvoir communiquer avec les esprits des morts rencontre, bien sûr, beaucoup de succès.

Spiritisme et santería

La doctrine spirite se répand donc très vite en Amérique latine et aux Caraïbes. Elle est, aujourd’hui encore, très populaire au Brésil, où nombre de personnes qui se disent catholiques sont, en réalité, spirites. Toutes les grandes villes brésiliennes ont une rue Allan Kardec, et certaines écoles portent même le nom du codificateur français du spiritisme.

Dans les Caraïbes, les pays les plus marqués par le spiritisme sont ceux qui n’ont obtenu leur indépendance qu’après la diffusion de la doctrine, c’est-à-dire Porto Rico et Cuba. L’explication est, comme on l’a vu, en partie politique, mais elle a également trait à la santería.

Si les santeros rejetèrent certains des aspects philosophiques du spiri-tisme, en contradiction avec leur religion, ainsi que les prétentions scien-tifiques de cette doctrine, ils furent également très touchés par cette forme de spiritualité, en particulier parce que, par certains côtés, elle permettait de remplacer des pratiques traditionnelles qui n’avaient pas survécu à l’es-clavage : la vénération des ancêtres et la communication avec les morts, également connues sous le nom de rituels egungun (le pluriel d’egún). En détruisant la notion de famille, l’esclavage avait, peu à peu, fait dispa-raître le culte des ancêtres. Les familles, fragmentées et dispersées, ne pouvaient plus se rassembler pour accomplir les différents rituels. Para-doxalement, ce fut donc le spiritisme, doctrine d’origine européenne, qui permit de rétablir le culte des ancêtres à Cuba (et Porto Rico).

Mais si beaucoup de santeros s’appuient sur Le Livre des médiums pour développer leurs habilités, les pratiques spirites européennes et cubaines diffèrent néanmoins. Il faut, par exemple, noter que les médiums sante-ros, au cours de leur transe, entrent en communication avec des guides spirituels africains ou des esclaves morts à Cuba ou sur les bateaux qui les y menaient. Ces guides spirituels peuvent également être d’origine tainos (le peuple amérindien qui habitait l’île avant d’être décimé par les Espa-gnols). C’est pour cette raison que l’on trouve souvent dans la maison des santeros une statue représentant un Amérindien et connu sous le nom d’el negrito José (« José, le petit Noir »).

Texte Santeria.indd 24 15/02/10 14:22:09

Page 24: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

25

Comprendre la santería

Le rituel de la mesa blanca (« table blanche ») est très largement influencé par le spiritisme de Kardec. Un médium et des croyants s’assoient autour d’une table recouverte d’une étoffe blanche sur laquelle se trouvent un gobelet d’eau et une bougie. Après des prières et des invocations, un ou des esprits prennent possession du corps du médium, qui entre en transe. Le plus souvent, l’egún, l’esprit des ancêtres, le conseille et répond à ses questions. Ce rituel a permis de remplacer les rituels egungun, qui se pratiquaient à l’extérieur, au cours desquels les médiums entraient en transe et en communication avec les esprits au son de tambours, d’incan-tations et de chants.

Numérologie et esclaves chinois

La santería, religion qui trouve ses racines en Afrique, s’est adaptée au contexte de l’Amérique et s’est cachée sous les apparences d’une reli-gion venue d’Europe, a également été influencée par une pratique venue d’Asie – la numérologie chinoise.

Mais comment ce rituel divinatoire asiatique a-t-il pu s’intégrer à la religion pratiquée à Cuba ? L’explication est très simple, quoi qu’assez surprenante. Dans les années 1840, la Chine, occupée par les puissan-ces occidentales, est devenue une nouvelle source d’esclaves pour l’Eu-rope. Pour être précis, il faut dire qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’esclaves mais d’« engagés », c’est-à-dire de personnes salariées, mais contraintes de travailler. Dans la réalité, la différence de traitement entre les esclaves et les engagés est bien mince.

Le premier bateau chargé d’esclaves asiatiques arriva à Cuba en 1847. De 1847 à 1939, 300 000 engagés chinois débarquèrent à Cuba. La plupart d’entre eux avaient un contrat de travail de huit ans, à la suite duquel il pouvait, en théorie, recouvrer leur liberté. Mais on estime que du fait des mauvais traitements, 75 % d’entre eux mouraient au cours de leurs années de captivité.

Les Chinois qui survécurent apportèrent, de façon non officielle et assez étonnante, leur contribution à la santería, contribution minime, certes, mais néanmoins notable. Aujourd’hui, beaucoup de santeros utili-sent régulièrement un système de numérologie qui est d’origine chinoise. Les correspondances entre les chiffres et les objets ou concepts sont utili-sés à des fins divinatoires. Nous y reviendrons.

Texte Santeria.indd 25 15/02/10 14:22:09

Page 25: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Texte Santeria.indd 26 15/02/10 14:22:09

Page 26: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

27

Syncrétisme et ethnocentrisme

La santería est souvent considérée comme une religion syncrétique, c’est-à-dire mêlant les aspects de plusieurs cultures et de plusieurs reli-gions. Cette théorie est, comme on l’a vu, en partie vraie. La religion des Yorubas s’est adaptée à sa nouvelle terre, américaine, puis a absorbé différents éléments d’origine européenne, notamment le catholicisme et le spiritisme, et même des éléments d’origine asiatique.

Les premières études de la santería parlaient de « syncrétisme » en appuyant leurs arguments sur l’élément le plus manifeste, le plus visible, et le plus visuel de ce mélange de culture, l’empreinte de la religion chré-tienne sur la religion yoruba, qui se manifeste par l’imagerie et la statuaire des saints catholiques. Le spiritisme, qui, comme on l’a vu, a marqué bien plus en profondeur la santería, était peu voire pas du tout étudié.

Syncrétisme et religion

Il convient d’abord de noter que toutes les religions présentent des aspects syncrétiques, y compris la religion chrétienne. En arrivant sur de nouvelles terres, en entrant en contact avec différents peuples, les croyan-ces et les rituels s’enrichissent de différents éléments culturels et socio-logiques. Les peuples concernés et les religions s’en trouvent plus ou moins transformés. Les religions tendent donc à s’adapter aux circonstan-ces nouvelles qu’elles peuvent rencontrer. Elles évoluent en permanence. C’est en ce sens que l’on peut dire qu’elles sont toutes syncrétiques.

Texte Santeria.indd 27 15/02/10 14:22:09

Page 27: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

28

Le christianisme n’a d’ailleurs pas cessé d’évoluer depuis deux mille ans. Alors qu’il ne s’agissait, au départ, que de ce que d’aucuns considèrent comme une « secte » juive, ou une nouvelle interprétation du judaïsme, cette religion a commencé à évoluer en entrant en contact avec le peuple grec, à qui elle emprunta, entre autres, la notion de dualité du corps et de l’âme. Elle fonda ensuite son organisation sur le modèle de celle du peuple romain1. Et elle ne cessa, au fil du temps, d’ajuster ses points de vue aux circonstances et au monde qui l’entourait, évoluant ainsi avec lui. Il ne s’agit pas là d’une faiblesse, mais, bien au contraire, d’une force. En s’enrichissant d’éléments nouveaux et en s’adaptant aux circonstances, la religion reste pertinente et continue de parler aux nouvelles générations de fidèles.

Syncrétisme, eurocentrisme et racisme

Mais dans ce cas, pourquoi a-t-on toujours qualifié la santería de reli-gion syncrétique, alors que ce terme n’est quasiment jamais utilisé pour désigner le christianisme ? On voit ici que la religion considérée comme syncrétique s’oppose à la religion considérée comme révélée dans sa forme pure et originelle, une idée qui, comme on l’a vu, est très éloignée de la vérité, voire totalement fausse. Omettre de commenter le syncré-tisme de sa propre religion et mettre l’accent sur le syncrétisme de celle de l’autre revient, en réalité, à se présenter comme le fidèle d’une religion « pure » et à présenter l’autre comme celui d’une « distorsion » de cette religion.

C’est précisément pour cette raison que la notion de syncrétisme appli-quée à la santería et aux autres religions afro-caribéennes est actuelle-ment remise en question par un certain nombre de chercheurs. Certains parlent d’ethnocentrisme (« comportement social et attitude inconsciem-ment motivée qui conduisent à privilégier et à surestimer le groupe racial, géographique ou national auquel on appartient, aboutissant parfois à des préjugés en ce qui concerne les autres peuples2 »), et plus précisé-ment encore, d’eurocentrisme. D’après George Brandon, « le concept de syncrétisme dissimule davantage qu’il ne révèle sur la santería, et révèle

1. De la Torre, Miguel A., Santería : The Beliefs and Rituals of a Growing Religion in America, Eerdmans Publishing Co., Grand Rapids (Mich.), 2004.2. Le Trésor de la langue française informatisé.

Texte Santeria.indd 28 15/02/10 14:22:10

Page 28: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

29

Comprendre la santería

davantage de choses sur la conception occidentale de la religion et de la culture que sur les réalités culturelles qu’elles cherchent à expliquer1 ».

La notion de syncrétisme sert parfois aussi de prétexte pour expliquer la santería comme le résultat d’une confusion (saint/orishas) qui se serait opérée dans l’esprit, « peu évolué » ou « primitif », des esclaves yorubas. Ce point de vue – que l’on peut cette fois-ci qualifier de complètement raciste – est aujourd’hui largement décrié, ce qui participe au discrédit de la notion de syncrétisme. Le spécialiste des religions afro-caribéennes Pérez y Mena l’explique à sa façon : « Le syncrétisme est un modèle d’analyse qui nie que les esclaves aient eu conscience de leur situation délicate dans le Nouveau Monde2. » Ces esclaves, en effet, en avaient totalement conscience.

Catholicisme et santería : deux religions bien distinctes

Comme on l’a vu (cf. « Les orishas et les saints »), c’est bien pour continuer de pouvoir pratiquer leur culte et pour échapper à l’évangéli-sation que les Yorubas ont décidé de déguiser le culte des orishas en le masquant derrière celui des saints. Il ne s’agissait pas d’une confusion, mais d’une ruse très intelligente, qui permettait aux esclaves de berner les Espagnols et de continuer à pratiquer leur religion en paix.

Aujourd’hui encore, l’imagerie catholique occupe une place très impor-tante dans la santería. Les maisons des santeros sont toujours remplies de statues de saints. Et ces statues continuent de jouer le rôle qu’elles ont toujours joué : dissimuler la véritable nature de la divinité.

Quand un santero prie devant une image de sainte Barbe, il sait très bien que c’est à Changó qu’il s’adresse. Mais, la personne « non santera » qui vient lui demander conseil, qui vient le consulter pour résoudre des problèmes ou guérir d’une maladie quelconque, cette personne-là est rassurée par la présence de la statue catholique, qui se rattache à un univers familier (bien plus encore dans les Caraïbes et en Amérique latine qu’en France). Elle est rassurée de voir le santero adresser ses prières et

1. Brandon, George, Santería, From Africa to the New World, Indiana University Press, Bloomington, 1997.2. Pérez y Mena, Andrés, « Cuban Santería, Haitian Vodun, Puerto Rican Spiri-tualism : A Multiculturalist Inquiry into Syncretism », Journal for the Scientific Study of Religion, 37, (1), mars 1998.

Texte Santeria.indd 29 15/02/10 14:22:10

Page 29: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

30

ses invocations à sainte Barbe. Si le santero lui expliquait qu’il priait en réalité Changó, elle serait sans doute effrayée par cette divinité étrange et inconnue et partirait sur le champ. Et, comme elle ne bénéficierait pas des conseils du santero, ses problèmes persisteraient.

En ce sens, on peut dire qu’aujourd’hui encore, l’imagerie catholi-que continue de jouer le rôle qu’elle a toujours joué dans la santería : elle dissimule les véritables divinités et rassure les gens qui ne sont pas instruits des mystères de cette religion.

Il semble donc aujourd’hui plus pertinent de considérer la santería comme une religion à part entière, et non comme une forme impure ou une distorsion du catholicisme. La santería n’est pas, comme les autres religions monothéistes, une religion révélée par un prophète. Mais cela ne l’empêche pas d’être une véritable religion. Bien qu’elle présente un certain nombre de points communs avec le catholicisme1 (monothéisme, volonté d’aider son prochain, de faire le bien autour de soi), il s’agit aujourd’hui d’une religion originale, qui présente un point de vue unique sur le monde.

Le premier « critère » pour se dire chrétien, c’est de reconnaître le rôle central de Jésus-Christ. Or, les santeros ne conçoivent pas Jésus-Christ comme le fils de Dieu et s’intéressent peu à son histoire. Ils croient en Olodumare et en les extensions de ce dieu unique : les orishas. Ils croient en l’énergie d’Olodumare qui se nomme ashé. Ils croient qu’Olodumare a créé chaque âme pour suivre un destin particulier et que chaque âme peut se réincarner pour suivre le destin qui lui a été assigné. La santería présente donc une conception du monde particulière, distincte de celle du catholicisme. Les santeros n’ont d’ailleurs jamais confondu les deux religions.

1. Tout comme avec d’autres religions.

Texte Santeria.indd 30 15/02/10 14:22:10

Page 30: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

157

Table des matières

Présentation 3

Comprendre la santería

Les Yorubas et leur religion 7La naissance du peuple yoruba 7Une grande civilisation 8La religion des Yorubas 9

L’esclavage à Cuba 11Les grandes découvertes 11Le commerce triangulaire 12Les Yorubas et Cuba 12L’esclavage 13Aponte : un révolutionnaire yoruba 14

Le choc de deux cultures 15Les orishas et les saints 15Les failles de l’évangélisation 16Les cabildos 18

Une religion syncrétique ? 19L’Afrique idéalisée 20Culte des saints et autres éléments d’origine européenne 20L’apport du spiritisme d’Allan Kardec 22Implantation du spiritisme en Amérique latine 23Spiritisme et santería 24Numérologie et esclaves chinois 25

Syncrétisme et ethnocentrisme 27Syncrétisme et religion 27Syncrétisme, eurocentrisme et racisme 28Catholicisme et santería : deux religions bien distinctes 29

Vaudou, mouvement rastafari, etc. : la santería et les autres religions afro-caribéennes 31

Le vaudou 31Autres religions afro-caribéennes nées de l’esclavage 32Le mouvement rastafari 33

Texte Santeria.indd 157 15/02/10 14:22:26

Page 31: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

158

Les santeros aujourd’hui dans le monde 35La santería à Cuba 35Les santeros exilés 37Les nouveaux santeros 38

Connaître la santería

Olodumare et la création du monde 41Première création 42Détruire pour recréer 42Celui qui ouvre le chemin 43Le principe féminin complémentaire 44L’homme et l’imperfection physique 45L’homme et l’imperfection morale 46Les commandements d’Olodumare 46Égalité ou liberté ? 47Histoire de pouvoir 48Le départ d’Olodumare 50Le déluge 50

Les orishas 51Obatalá, le souverain au vêtement blanc 52Eleguá, le maître des carrefours 56Orunla, le devin 61Changó, le seigneur de la foudre 62Ogún, le maître du métal 66Yemayá, la mère et la mer 68Oshún, la sensualité et l’espoir 70Ochosi, la chasse et la justice 73Babalú Ayé, la maladie et la guérison 75Oyá, la reine des cimetières 76Aganyú, les volcans et les voyages 77Osún, le gardien des têtes 78Osain, la nature et l’herboristerie 79Orisha Oko, la Terre et la fertilité 79Inle, la pêche et la médecine 80Olocún, les mystères des abysses 81Oba, épouse trompée 81Yewá, la chasteté 82Orishas mineurs 82

Texte Santeria.indd 158 15/02/10 14:22:26

Page 32: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

159

Les piliers de la foi 83La croyance en un dieu unique et dans ses extensions que sont les orishas 83La croyance en l’âme et l’éthique 83La croyance en l’âme et la réincarnation 84Le destin, la magie et la divination 84Le culte des morts 85Ikú : la mort 86

Devenir santero/a

Rituels d’initiation et de protection 89Rituel de la rogation (rogación de cabeza) 90Recevoir les elekes (recibir los elekes) 91Faire un Eleguá (hacer Eleguá) 94Recevoir les guerriers (entregar a los guerreros) 96Faire le saint (hacer santo) 97

Rituels magiques 101Se protéger de la jalousie, du mauvais œil, de la malchance et des mauvais sorts (rituel d’Obatalá Orishanlá) 101Déjouer un mauvais sort (rituel d’Obatalá Orishanlá) 102Faire aboutir un projet juste et noble (rituel d’Obatalá Oba Moro) 103Protéger sa maison des mauvais esprits et des personnes malveillantes (rituel d’Eleguá) 104Obtenir de la chance, du succès, de l’argent (rituel d’Eleguá Alá Lu Banché) 104Séduire ou reconquérir une femme (rituel de Changó Oba Ko So) 104Se débarrasser d’un problème quelconque (rituel de Changó Obara) 105Déjouer un mauvais sort (rituel de Changó Yakuta) 105Se défendre de ses ennemis (rituel de Changó Yakuta) 106Se défendre de ses ennemis (rituel de Changó Oba Lube et Oyá) 107Se défendre de ses ennemis (rituel d’Ogún Aroye) 107Faire aboutir un projet long et difficile à réaliser (rituel d’Ogún Alagbede) 108Réussir dans les affaires, gagner davantage d’argent (rituel de Yemayá Mayalewo) 109Protéger un enfant de la maladie (rituel de Yemayá Acuaro et Obatalá Yekú Yekú) 109

Texte Santeria.indd 159 15/02/10 14:22:27

Page 33: MAGIE DES CARAÏBES ET SANTERÍA - DG Diffusioncatalogue.dgdiffusion.com/.../105/600/4/0/9782841975235.pdfainsi qu’en ses extensions que sont les orishas, entités qui personnifient

Magie des Caraïbes et Santería

Favoriser la fécondité (rituel de Yemú et d’Oshún Fumike) 110Repousser l’envie, la jalousie, le mauvais œil (rituel d’Oshún Alolodi) 110Être plus séduisant, plus charismatique (rituel d’Oshún Moro) 111Séduire ou reconquérir un homme (rituel d’Oshún Moro) 111Séduire ou reconquérir un homme (rituel d’Oshún Moro et d’Eleguá Agbobarmelekí) 112Séduire ou reconquérir un homme (rituel d’Oshún Moro) 112Réussir dans les affaires, gagner davantage d’argent (rituel d’Oshún Yumu) 113Obtenir de la chance, faire aboutir un projet difficile à réaliser (Rituel d’Oshún Acuaro) 114Obtenir réparation d’un tort, gagner une bataille juridique (rituel d’Ochosi) 114Protéger quelqu’un qui part loin ou qui part en voyage (rituel d’Aganyú) 115Protéger un adulte de la maladie (rituel d’Osain) 115Mettre un terme à un conflit (rituel d’Orisha Oko) 116Aider quelqu’un à guérir (rituel d’Inle et de Babalú Ayé) 116

Rituels de divination 119L’oracle d’Ifá 120L’oracle du Dilogún 121L’oracle de Biague 130Numérologie chinoise 133

Annexes

Les orishas(tableau récapitulatif) 138Orishas et elekes 141Orishas et Ewes 141Préparation de l’omiero 143Comment saluer les orishas 144Les orishas et leurs attributs 145Jours, chiffres et couleurs associés à chaque orisha 147

Note sur la prononciation 151Lexique 152Bibliographie 155

Texte Santeria.indd 160 15/02/10 14:22:27