l'utilisation agronomique et énergétique de la biomasse forestière

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L'UTILISATION AGRONOMIQUE ET ÉNERGÉTIQUE DE LA BIOMASSE FORESTIÈRE MÉDITERRANÉENNE D . ALEXANDRIAN Une étude vient d'être récemment publiée par la division « Protection des forêts contre l'incendie ,> du Centre national du Machinisme agricole, du Génie rural, des Eaux et Forêts (C.E .M .A .G .R .E .F .), intitulée : Potentiel, récolte et utilisation de la biomasse forestière méditerranéenne. Cette étude(') fait le point des questions que pose l'exploitation de cette biomasse, en particulier celle des broussailles et des rémanents. Les deux premiers chapitres traitent successivement du potentiel de production des espaces naturels méditerranéens et des techniques de récolte de la biomasse forestière. Les deux derniers chapitres sont consacrés à l'utilisation agronomique et énergétique des produits. L'article ci-après reprend les principaux paragraphes de cette étude, se rapportant à ce qu'il est convenu d'appeler « les méthodes de Jean Pain", c'est-à-dire les techniques de valorisation des déchets forestiers (« voie humide >,) mettant en jeu des fermentations. TECHNIQUES DE COMPOSTAGE En moins de 10 ans, il y a eu une évolution considérable des techniques de compostage des broussailles et rémanents forestiers. En effet, au début des années 1970, il s'agissait de méthodes que l'on pourrait qualifier de familiales( 1 ) : les tas étaient montés par couches successives de feuillage, de résidus végétaux. de fumier paillé et de plantes aromatiques de la garrigue ou du maquis (thym, romarin, lavande, ciste, etc .), en pratiquant un système d'aération par cheminée centrale et un dispositif de pro- tection par paillage extérieur . Un retournement du tas était effectué 3 semaines après, le compost n'étant prêt en définitive qu'au bout de 3 mois. Par la suite . la technique a été simplifiée, la matière première étant limitée aux seuls résidus de débroussaillement, quelle que soit leur nature, à condition que leur diamètre n'excède pas 8 mm . Après humidification par immersion, la matière était mise en tas ; le tas était retourné (') Disponible en la demandant à la cellule de documentation sur la forét méditerranéenne . C .E .M .A .G .R .E .F . . Le Tholonet. B .P . 92 . 13603 Aix-en-Provence. (1) D'après Dalliez . il s'agirait même de méthodes ancestrales remontant a l'époque des Templiers . que lui-mème aurait découvertes en traduisant un manuscrit datant du début du Xlll e siècle . Il existerait huit methodes de fabrication de compost . différentes selon les matériaux utilisés et les „ méthodes J . Pain „ auraient en partie cette origine : l'adjonction de considérations énergétiques sans intèrét en aurait par la suite modifié les principes leur 'tant une partie de leur valeur. 292

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L'UTILISATION AGRONOMIQUE ET ÉNERGÉTIQUEDE LA BIOMASSE FORESTIÈRE MÉDITERRANÉENNE

D. ALEXANDRIAN

Une étude vient d'être récemment publiée par la division « Protection des forêts contre l'incendie ,>du Centre national du Machinisme agricole, du Génie rural, des Eaux et Forêts (C.E .M .A .G .R .E .F .),intitulée : Potentiel, récolte et utilisation de la biomasse forestière méditerranéenne.

Cette étude(') fait le point des questions que pose l'exploitation de cette biomasse, en particuliercelle des broussailles et des rémanents.

Les deux premiers chapitres traitent successivement du potentiel de production des espaces naturelsméditerranéens et des techniques de récolte de la biomasse forestière. Les deux derniers chapitressont consacrés à l'utilisation agronomique et énergétique des produits.

L'article ci-après reprend les principaux paragraphes de cette étude, se rapportant à ce qu'ilest convenu d'appeler « les méthodes de Jean Pain", c'est-à-dire les techniques de valorisationdes déchets forestiers (« voie humide >,) mettant en jeu des fermentations.

TECHNIQUES DE COMPOSTAGE

En moins de 10 ans, il y a eu une évolution considérable des techniques de compostage desbroussailles et rémanents forestiers.

En effet, au début des années 1970, il s'agissait de méthodes que l'on pourrait qualifier defamiliales( 1 ) : les tas étaient montés par couches successives de feuillage, de résidus végétaux.de fumier paillé et de plantes aromatiques de la garrigue ou du maquis (thym, romarin, lavande,ciste, etc .), en pratiquant un système d'aération par cheminée centrale et un dispositif de pro-tection par paillage extérieur . Un retournement du tas était effectué 3 semaines après, le compostn'étant prêt en définitive qu'au bout de 3 mois.

Par la suite . la technique a été simplifiée, la matière première étant limitée aux seuls résidusde débroussaillement, quelle que soit leur nature, à condition que leur diamètre n'excède pas8 mm . Après humidification par immersion, la matière était mise en tas ; le tas était retourné

(') Disponible en la demandant à la cellule de documentation sur la forét méditerranéenne . C .E .M .A .G .R .E .F . . Le Tholonet.B .P . 92 . 13603 Aix-en-Provence.

(1) D'après Dalliez . il s'agirait même de méthodes ancestrales remontant a l'époque des Templiers . que lui-mème aurait découvertesen traduisant un manuscrit datant du début du Xlll e siècle . Il existerait huit methodes de fabrication de compost . différentes selonles matériaux utilisés et les „ méthodes J . Pain „ auraient en partie cette origine : l'adjonction de considérations énergétiquessans intèrét en aurait par la suite modifié les principes leur 'tant une partie de leur valeur.

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Copeaux de broussailles .

Photo D, ALEXANDRIAN

au bout de 3 semaines, puis reconstruit en respectant certaines formes et certaines dimensions,le compost n'étant prêt en définitive que 3 mois plus tard pour une application en surface.

Ultérieurement, la technique a encore été modifiée pour être adaptée à l'ensemble des rémanentsforestiers, y compris ceux ayant plusieurs centimètres de diamètre . La méthode artisanale ousemi-industrielle, aujourd'hui encore employée, consiste à élever des tas de forme et de volumequelconque à partir des copeaux obtenus par broyage et humidifiés par aspersion, en les retournanttous les 1 à 2 mois, pendant une période supérieure à 12 ou 18 mois. Les végétaux utilisésn'ont plus de limite de diamètre et des grosses branches ou même des arbres entiers sont leplus souvent utilisés.

Actuellement on assiste à de nouveaux changements destinés à améliorer cette dernière méthode(méthodes industrielles) . En effet, dans les premiers procédés, la matière en fermentation étaitassez bien équilibrée par la présence d'une quantité importante de feuilles, de brindilles (plusles apports de fumier) contenant une proportion relativement élevée d'éléments majeurs et enparticulier d'azote( 2 ) . Aujourd'hui, avec l'emploi de copeaux, la matière première est, au contraire,très pauvre : la proportion de lignine est très importante (probablement supérieure aux trois quartssauf lorsqu'on limite volontairement les diamètres broyés à 8 - 10 cm maximum et qu'on évitede broyer en hiver des feuillus à feuilles caduques) et la fermentation est très lente du fait dece déséquilibre( 3).

(2) Le rapport C/N (carbone/azote) de la matière brute devait être voisin de 30 . ce qui est souvent considéré comme un optimumen début de fermentation.

(3) Le rapport C/N . dans ce cas. est souvent supérieur a 40 ou 50.

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Les modifications actuelles cherchant à accélérer la vitesse de fermentation s'établissent danstrois directions :

— broyage plus fin, donc augmentation de la surface de réaction avec, malgré tout, un risqued'asphyxie si la granulométrie est trop fine( 4 ) . Pour pallier cette dernière difficulté on peut, soitremuer les tas très fréquemment (au moins une fois par mois), soit réduire leur taille en recherchantun optimum permettant à la fois une bonne aération et une bonne élévation de température,soit enfin disposer de systèmes d'aération passifs (tubulures fixes) ou actifs( 5) . Si les solutionsexistent pratiquement déjà à l'échelle industrielle, elles restent à mettre au point à l'échelled'unités décentralisées plus petites et plus proches de la ressource ;

— adjonction d'éléments fertilisants, minéraux ou organiques, en particulier d'élément azotés,sous forme de fumier, lisier, urée ( 6), selon les ressources locales les plus économiques ;

— inoculation de bactéries spécialisées dans la décomposition des produits ligneux. Il s'agitpour le moment d'un brevet récent faisant appel à des bactéries isolées à partir du tractus digestifdes insectes archiptères (termites) capables, d'après l'auteur, de dégrader cellulose et lignine(procédé Lebesgue) . D'après Leboeuf (communication personnelle), des recherches par la voieenzymatique permettraient encore de raccourcir les temps d'élaboration des composts ligneux,à moins de trois mois.

Il semblerait, en définitive, qu'une combinaison d'au moins deux des trois possibilités précédentespuisse donner satisfaction . L'inoculation et l'enrichissement combinés pourraient en effet raccourcirla période de fermentation à 1 ou 2 moins . Par ailleurs, l'utilisation d'un « composteur aérobieA .E .N .C .O . ,, permet aux États-Unis, d'après Don Cunnion, de composter en 21 jours seulement,en retournant les tas tous les 3 jours, un mélange de feuilles, de copeaux de bois et de fumierde cheval .

Type de broyeur de branchesà chargement manuel.

Photo D . ALEXANDRIAN

(4) Les fermentations mises en jeu sont essentiellement des fermentations aérobies, c'est-a-dire se développant uniquement enprésence d'oxygène.

(5) 6 s'agit d'insuffler de l'air a l'intérieur du tas et, pour bien contrôler les phénomènes . H convient alors, dans un contexteindustriel . d 'utiliser des tours de fermentation analogues a celles employées pour le compostage des ordures ménagères.

(6) Les boues de station d'épuration pourraient très avantageusement être employées dans le cas où elles sont dépourvuesd'éléments toxiques (métaux lourds) .

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Un bilan énergétique des opérations de compostage a été tenté par Gautier : l'ensemble de lachaîne consomme 160 méga joules par m 3 de copeaux utilisés, soit 5 % de l'énergie qu'ils contiennent(30 % pour le compostage, 50 % pour l'affinage et 20 % pour le conditionnement) . Cette dépensepourrait, d'après l'auteur, être rapidement diminuée d'au moins 50 MJ par une meilleure organisation.

Il n'existe pas de données précises sur le coût de la fabrication du compost mais on peut l'estimerraisonnablement au minimum à 200 Fit . On peut noter par ailleurs qu'il n'y a pas de différencesensible de poids entre les copeaux utilisés et le compost obtenu . En effet, la perte en matièresèche, par fermentation, est de l'ordre de 15 % et l'expérience montre qu'elle est compenséepar une partie de l'eau rajoutée en début de compostage et conservée par le compost . Parcontre, les pertes en volume sont de l'ordre d'un tiers, la densité passant de 0,3 à 0,5 t/m 3 .

VALEUR AGRONOMIQUE DU COMPOST DE BROUSSAILLES

Plusieurs analyses de compost brut (sans additifs) ont montré que la quantité d'éléments majeursrapportée au poids sec s'établissait généralement de la manière suivante( 7 )

Azote (N) 0,4 à 1,5 %

Phosphore (P 2 0 5 ) 0,1 à 0,4 %

Potassium (K 2 0) 1,5 à 2,5 %

Magnésium (M g 0) 0,1 à 0,8 %

Calcium (C a 0) 2 à 10,0 I'Xo

La composition chimique des broussailles, très variable selon la provenance et la nature desvégétaux, est donc intermédiaire entre celle du bois et celle des feuilles, l'ensemble étant lar-gement inférieur à un fumier animal moyen pouvant servir de référence (2,2, 1,3 et 2,8 % pourles trois premiers principaux éléments).

En conséquence, le produit est un amendement organique (à action lente) et non pas ce quel'on pourrait appeler un fertilisant organique (à action rapide), encore moins un « amendementorganique à haute valeur fertilisante ».

Par ailleurs, plusieurs expériences ont été réalisées sur des cultures maraîchères pour apprécierla valeur agronomique du compost de broussailles apporté, selon la technique de Pain, en surface,en couches épaisses de 7 cm, dans le but de supprimer les arrosages et les entretiens outraitements ultérieurs ( 3 ) . Les plus notables ont été réalisées en Suisse (Binggeli), il est vrai dansdes conditions climatiques non méditerranéennes . Les résultats sont les suivants:

— certaines herbes arrivent à passer à travers le compost et multiplient leurs tiges souterraines(liserons, chardons) : il faut désherber ;

— les cultures doivent être défendues contre les prédateurs, en particulier les limaces : ilfaut traiter ;

— la couche de compost sur le sol constitue un isolant thermique et hydrique qui pourraitavoir une incidence parfois défavorable sur le développement d'un végétal d'origine tropicalecomme la tomate, sous climat tempéré (le sol est plus froid et plus longtemps humide) ;

(7) Les végétaux contiennent entre 1 et 10 % d'éléments minéraux, mais le plus souvent, entre 1 et 5 % lorsqu'il s'agit dedéchets ligneux.

(8) Notons qu 'une couche de 7 cm d'épaisseur, apportée une fois par an au début de la culture d'été, correspond à un volumede 700 m'/ha ou encore 350 t/ha . Dans l'hypothèse d ' une auto-fabrication par l 'agriculteur et en comptant un prix minimumde revient a 600 F la tonne (broyage, transport, compostage et épandage compris ; débroussaillement et coupe exclus ; chargesd 'amortissement, de fonctionnement et d 'entretien comprises), la dépense annuelle sera de 210 000 F.

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— pour une culture de tomate, les rendements observés sont inférieurs de 40 % au témoinnon fertilisé, les parcelles fertilisées au fumier de cheval (même dose) ayant des rendementsdoubles de celles contenant du compost ;

— pour la laitue, après incorporation dans le sol du compost âgé de 18 mois, le poidsindividuel moyen des produits obtenus est égal ou inférieur au témoin de 30 % selon les variétéset le fumier de cheval est supérieur au compost d'environ 150 % : la raison probable du phénomèneest un blocage de l'azote disponible pour les plants relégant au second plan les éventuelles qualitésphysiques améliorantes ;

— sur les mêmes parcelles, des courgettes ont été cultivées après un apport d'azote à dif-férentes doses ; l'hypothèse précédente s'est vu confirmée car les parcelles contenant du compostatteignent, pour chaque niveau d'apport azoté, les mêmes rendements que celles n'en contenantpas, les parcelles contenant du fumier leur restant toujours supérieure de 50 % en moyenne ;

— l'état sanitaire des plantes( 9 ) s'est trouvé affaibli de la même manière que les rendementsobtenus étaient amoindris.

D'après Binggeli, ces expériences comparatives ont en outre permis de montrer que les blocagesd'origine azotée qui ont provoqué la rupture de fertilité du sol constatée, tant en apport de surfacequ'en incorporation, ne semblent pas dépendre uniquement de la quantité de carbone présentmais aussi de sa forme moléculaire (cellulose, lignine, . . .), de l'agencement des moléculescarbonées (structures ligno-cellulosiques, . . .) et de la granulométrie du produit.

Le succès obtenu par l'auteur de la méthode ( 10 ) s'explique par l'utilisation exclusive pendantplusieurs années de compost (en couches de 7 cm) produit à partir de jeunes broussailles bienfournies en feuilles et écorces, donc encore pauvres en matière ligneuse, et complémenté par dufumier animal (« méthodes familiales de la page 292) (11) .

Apportant ensuite sur les mêmes parcelles du compost âgé de 18 mois produit à partir de grossesbranches et d'arbres entiers (« méthode semi-industrielle » de la page 293), l'effet négatif de ce

compost, plus proche du bois que des broussailles ou des feuilles, ne s'est pas fait sentirimmédiatement comme cela se produit en première utilisation, mais a été masqué par le niveaude fertilité obtenu par les apports massifs antérieurs.

D'autres propriétés supposées du compost de bois sont à signaler, malheureusement sans quel'on puisse les quantifier :

— d ' après Hoitink, le compost d'écorce a des propriétés fongicides car il contient dessubstances inhibitrices et des micro-organismes antagonistes ; il assure par ailleurs une meilleurecirculation de l'air (que la tourbe, par exemple) . Si la proportion d'écorce dans le compost debroussailles est suffisante et s'il s'agit d'écorces en provenance d'espèces végétales ayant cespropriétés, l'utilisation de compost forestier pourrait permettre le contrôle de certaines maladiesfongiques . Il faudrait vérifier cependant que cette action ne perturbe pas la croissance deschampignons utiles tels que les mycorhizes ;

— la fixation d'azote atmosphérique par des bactéries aérobies dans le compost de bois (etsurtout la sciure) est un phénomène signalé par de nombreux auteurs (Sharp en particulier).Ceci pourrait en partie expliquer les résultats actuels d'un essai de plantation forestière avec du

(9) Ainsi que la valeur alimentaire des produits (teneur en éléments minéraux, oligo-éléments . vitamines, etc .) d'après une commu-nication personnelle du G . R .A .B . (Groupe de Recherche en Agriculture biologique).

(10) II est assez incohérent scientifiquement de prétendre que les sols forestiers en climat tempéré sont des sols de hautefertilité, même au cas où il s ' agirait de la ., fertilité originelle

(11) En outre, le climat méditerranéen a probablement accéléré la vitesse dhumificati on et de minéralisation . donc de dégradationde la matière organique carbonée brute .

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compost de broussailles mis enplace par le C .E .M .A .G .R.E .F . dansle Var . Après 3 ans, les gains decroissance en hauteur obtenuspar le cèdre sont de 20 à 30 %pour des doses d'apport, ensurface, de 20 à 60 litres parplant, alors que les gains pour lerobinier faux-acacia (12) , dans lesmêmes conditions, sont de 25 et75 % (13) .

Plant de 2 ans de robinier faux-acacia ayant reçu 60 I de compost.

Photo D . ALEXANDRIAN

LE MARCHÉ DES COMPOSTS

On estime, en général, que le marché annuel français des produits organiques commercialiséssous la dénomination des amendements et support de culture représente 300 000 à 400 000 tonnes(les seules importations de tourbe couvrent 100 000 à 200 000 tonnes) . II est donc intéressantd'examiner si le compost forestier peut occuper un créneau important ou remplacer un produitimporté pour une bonne part.

Les qualités d'un substrat dépendent de l'usage auquel on le destine . On recherche, en effet :

— pour le bouturage, l'aération et la légèreté (facilité d'arrachage) ;

— pour les plantes en pot, la réserve en eau et la teneur en éléments fertilisants ;

— pour la pépinière, le lest ;

— pour les semis, la cohésion ;

— pour certaines cultures, l'absence de micro-organismes (stérilité).

(12) Espèce légumineuse fixant l'azote atmosphérique grâce à la symbiose réalisée avec certaines bactéries (nodosités portéespar les racines), le développement de ces bactéries pouvant âtre stimulé par le compost de bois.

(13) A noter que le coût global de la plantation, non compris les dépenses entraînées par son caractère expérimental, a étéaugmenté d'une proportion comprise entre 50 et 100 °ô selon les traitements . par rapport à une plantation classique type.

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Le principal intérêt du compost de broussailles, assez pauvre en éléments fertilisants, mais richeen lignine, et donc relativement stable, est donc plutôt lié aux possibilités d'améliorations de naturephysique (aération, rétention en eau) à condition que ses défauts soient supprimés . Ceci resteintdonc les possibilités d'utilisation par les professionnels.

En outre, le prix de vente actuel de compost forestier complémenté avoisine 3 000 F la tonnede matière sèche, départ lieu de fabrication, alors que des amendements comparables (dont latourbe) peuvent être trouvés à un coût inférieur à 1 000 F la tonne de matière sèche (de trèsbons composts d'ordures ménagères sont actuellement vendus 100 F/t de matière sèche, départusine).

Par ailleurs, pour les terreaux de culture existants, fabriqués à base de compost forestier, le prixde vente est aujourd'hui voisin de 700 F le m 3 (2 000 F/tonne de matière sèche) alors que d'autressubstrats à base d'écorce de pin, de tourbe, de pouzzolane ou de boues de station d'épurationsont disponibles pour un coût compris entre 50 et 200 F le m 3 .

Il est donc évident que, dans l'immédiat, le marché des professionnels n'est pas accessibleau compost de broussailles . Seules des techniques de compostage rapides et économiques peuventmodifier cet état de fait( 14 ).

Il n'en est pas de même du marché des produits de jardin pour amateurs : c'est un secteuren pleine expansion, et pour ce type d'activité de loisirs le consommateur, bien souvent ignorantou mal informé, achète pratiquement n'importe quoi à n'importe quel prix.

En effet, d'après une enquête réalisée par la revue ' 50 millions de consommateurs ,, en 1979on trouvait dans les « garden-centers ,> des produits de qualité très variable (certains étaient jugéstrès mauvais, voire dangereux) dont les prix s'échelonnaient entre 1 000 et 7 000 F la tonne dematière sèche, les meilleurs n'étant pas les plus chers . On peut penser raisonnablement que le prixd ' achat n'est pas le principal critère de choix pour le jardinier amateur, comme pour touteactivité de loisirs, surtout lorsque, comme ici, les quantités achetées sont aussi faibles et ladépense de toute façon modérée.

D ' après Castagne et Raveneau, les qualités demandées aux composts se résument essentiellementà deux points : d'une part, un bel aspect (absence de débris, belle couleur et granulométriecomparable à celle d'autres amendements organiques connus par l'acheteur) ; d'autre part, untaux d'humidité aussi faible que possible (inférieur à 50 %).

D'autres critères interviennent ; mais dans une moindre mesure, comme l'absence d'organismespathogènes ou parasites de l'homme, des plantes ou des animaux.

Par contre, la teneur en N, P, K, ne semble pas du tout intervenir dans le choix des compostsqui sont considérés comme destinés à fournir un apport de matière organique et non commeengrais . Les acheteurs préfèrent ajouter eux-mêmes les éléments qu'ils jugent bons pour leurcas précis.

Le compost de broussailles complémenté répond assez bien à ces critères et peut donc occuperune partie du marché, à condition d'offrir une qualité convenable, si possible constante . Les

herbes de Provence ,>, qui en sont à la base, sont en outre un élément commercial probablementtrès important.

(14) On peut en effet espérer une diminution du prix de revient de l'ordre de 30% par la mise en oeuvre des améliorationscitées page 293 .

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RÉCUPÉRATION DE CALORIES LORS DU COMPOSTAGE

C'est la première voie énergétique dans laquelle s'est engagé l'auteur de la méthode » . Constatantque les tas en fermentation restaient chauds très longtemps( 15 ), il en a déduit que la quantitéd'énergie dégagée était très importante ; or il y a eu manifestement confusion entre températureet énergie car l'élévation de la température n'est en réalité que le résultat combiné d'un faibledégagement de chaleur par fermentation aérobie et d'une bonne isolation réalisée par la couchepériphérique des tas de compost, en général plus sèche : il s'agit d'un équilibre entre productionet perte.

Le principe de la méthode, qui consiste à introduire dans le tas une tuyauterie dans laquellecircule un débit d'eau froide — ou tiède — assez important, induit assez rapidement la formationautour des tuyaux d'un manchon isolant dans lequel la fermentation s'arrête, empêchant touteextraction intéressante de calories( 16 ).

Plusieurs expériences ont en effet été réalisées ces dernières années( 17 ) . On peut distinguer:

— d'une part, celles dans lesquelles trop d'énergie était soutirée des tas ; pendant une ouplusieurs heures ; on pouvait obtenir des puissances de l'ordre de 100 à 120 watts/tonne debroussailles fraîches( 18 ), mais il s'agissait de pointes instables ; dans d'autres cas, pour despuissances voisines de 50 à 60 watts/tonne, le palier se poursuivait pendant une ou plusieursjournées, mais n'était pas stable non plus( 19 ) ;

— d'autre part, celles dans lesquelles un système de régulation était prévu pour empêcherles rendements de chuter et qui ont donc fonctionné pendant plusieurs mois : les puissancesrecueillies étaient alors inférieures à 30 watts/tonne.

Il est possible que ces derniers rendements puissent être améliorés par une recherche techno-logique appropriée, en particulier par l'augmentation des vitesses de réaction : la puissancemoyenne utilisable pendant une longue période (12 mois) pourrait être portée à 40 ou 50 watts/tonne( 20 ), mais resterait de toute manière près de dix fois inférieure aux résultats avancés par lepromoteur de la « méthode ' (de l'ordre de 300 watts/tonne).

On peut d'ailleurs constater que cette dernière puissance serait celle qu'on obtiendrait en dégradant,pendant 18 mois, toute la matière organique contenue dans les broussailles, c'est-à-dire parexemple en les brûlant ; ce qui prouve évidemment qu'il s'agit de données en complète contra-diction avec les lois de la physique communément admises.

Sur le plan pratique il faut noter que l'on peut difficilement récupérer de l'eau à une températuresupérieure à 40 ou 45 °C, même si la température du compost dépasse 60 °C . II s'agit doncd'une énergie d'intérêt très limité, car à basse température et non stockable . Elle ne peut

(15) Plus de 60 C . pendant plus d'un an, presqu'indépendamment des conditions climatiques externes (sauf froid très vif et trèsprolongé ou forte pluie de type orageux).

(16) Si l'on arrose le tas pour réhumidifier ces manchons, ce sera aux dépens d'une perte très importante de calories pourréchauffer l'eau froide apportée.

(17) C .N .E . E .M .A ., échelon d'Auvergne, domaine des Romey, étude D .G .R .S .T ., Amis de la terre (G .E .R .E .M .), ville de Chambéry. ..

(18) La puissance calorifique ramenée à l'unité de poids (watts/tonne) est la meilleure unité de mesure possible car elle permetles comparaisons entre expériences, indépendamment de leur durée et les estimations des quantités de compost nécessairespour une utilisation donnée.

(19) La température du tas diminuant, les fermentations sont alors ralenties, ce qui nuit à l'objet principal qui demeure la fabricationde compost, la récupération d'énergie n'étant qu'un sous-produit.

(20) La perte en matière sèche lors de la fermentation est actuellement estimée a 15 % . Répartie sur 18 mois, cette dégradationde la matière organique en gaz carbonique et vapeur d'eau, correspond a un dégagement de chaleur dont la puissance estde 40 watts/tonne . C'est donc actuellement la puissance maximale que l'on puisse récupérer, en supposant que l'on ait unrendement de 100 %, c 'est-à-dire aucune perte extérieure .

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Montage d'un tas de copeaux de broussailles avec essai de récupérationde chaleur de fermentation .

Photo D ALEXANDRIAN

convenir qu'à des usages très peu nombreux : par exemple, mise hors gel d'une serre( 21 ), bienque dans ce dernier cas, la présence du compost, à l'intérieur de la serre, résoudrait tous lesproblèmes sans difficulté . Pour le chauffage d'une habitation rurale traditionnelle exigeant unepuissance de l'ordre de 20 kW en période hivernale, il faudrait stocker une masse de l'ordrede 500 tonnes de compost et engager ainsi une dépense d'au moins 250 000 F (cas d'une auto-fabrication par un agriculteur) pour deux hivers, alors qu'environ 20000 F de fuel suffisent àsatisfaire les mêmes besoins . C'est donc probablement le moins rentable de tous les systèmesutilisant directement ou indirectement l'énergie solaire.

Une seule voie mériterait peut-être une attention : la récupération d'air chaud dans le cas defermentation accélérée (méthodes industrielles de la page 293), broyage fin, adjonction d'azoteet d'éléments minéraux, insufflation d'air, et éventuellement ensemencement bactérien.

FERMENTATION MÉTHANIOUE DES BROUSSAILLES

La méthanogénèse constitue d'un point de vue agronomique un compromis séduisant entre laproduction d'un- combustible gazeux et celle d'un engrais de qualité.

(21) Pour le chauffage réel d 'une serre (12° nocturne. 25° diurne) . il faut près de 250 W/m de serre . soit 20 m 3 de compost/m ade serre : le tas de compost aurait donc un volume dix fois plus grand que celui de ta serre.

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Biologie et forêt

Des travaux entrepris par l'Institut national de la Recherche agronomique semblent montrer àce jour que le produit résultant de la fermentation méthanique posséderait une valeur agronomiqueau plus égale à celle de la fermentation aérobie (compostage des pages 292-293).

D'autre part, l'obstacle majeur à la destruction complète de la cellulose est la présence delignine, entièrement imbriquée à elle, et non décomposée dans les fermentations méthaniquesclassiques . La méthanisation des broussailles et des rémanents forestiers ligneux est donc apriori beaucoup plus difficile techniquement, et donc moins économique que celle des fumiersou des lisiers(22 ) . C'est un résultat qui fait l'unanimité de tous les ouvrages consacrés à ceproblème.

Ducellier a d'ailleurs réalisé depuis fort longtemps des essais de fermentation méthanique de dif-férentes matières organiques. Parmi les substrats ligneux (sarments de vigne, roseaux et farinede feuillus), il a obtenu 0,2 à 0,3 m 3 de biogaz (contenant 60 à 70 % de méthane) par kg dematière sèche réduite en poudre( 23 ), les temps de demi-décomposition étant le plus souventsupérieurs à 40 jours . Sa conclusion était alors que seules les formations ligno-cellulosiquesannuelles moyennement polymérisées sont méthanisables économiquement.

Une autre expérience réalisée plus récemment sur des sarments de vigne à Narbonne a confirméces résultats : les sarments broyés, enrichis au fumier de mouton, au phosphate d'ammonium etau phosphate de chaux, ont produit au bout de 4 mois, 0,1 m 3 de biogaz par kg de matièreorganique fraîche.

Si 1 kg de cellulose peut, en théorie, fournir 0,8 m 3 de biogaz contenant 50 % de méthane, onconsidère, en général, pour les produits essentiellement cellulosiques (pailles, fumiers, . . .), qu'aumaximum 60 % de ce gaz seulement est récupérable, soit 0,45 m 3 /kg de cellulose.

D'après les ' méthodes Pain >', on peut obtenir en 5 mois avec des broussailles 0,2 m 3 de biogazpar kg de matière fraîche : en admettant, en première approximation, que la cellulose représente50 % de la masse et est seule altérée lors de la fermentation, ceci représente, compte tenude l'humidité de la matière, 0,8 m 3 par kg de cellulose, c'est-à-dire le double de la limite précédente.

Ce seul chiffre de production est donné sans précision sur la température et la cinétique deréaction, ce qui laisse très fortement supposer qu'il s'agit d'une confusion, comme pour la fer-mentation aérobie, entre rendement instantané et production prolongée. D'autant plus qu'aucunediminution de poids n'a été constatée lors de la réaction (communication personnelle), alorsque la production de gaz annoncée correspond à une perte en matière sèche de l'ordre de 45 %,soit une perte sur le poids frais d'environ 25 % . Il est donc probable que ces chiffres sont àréduire dans une proportion au moins égale à 5.

D'autre part, avec un temps de demi-décomposition d'environ 1,5 mois, le temps total de fer-mentation (généralement son quintuple) sera voisin de 7,5 mois( 24 ), ce qui rend totalement prohi-bitive la récupération de méthane à partir de broussailles(25 ), sauf si l'on possède déjà le matérielnécessaire (par exemple exploitation agricole traitant les déchets animaux), s'il est inemployépendant plusieurs mois de l'année et si l'on dispose de matière première dans des conditionstrès avantageuses(26).

(22) La fermentation des déchets agricoles n'est d 'ailleurs intéressante économiquement pour les agriculteurs qu'au-delà d'unecertaine taille de l'exploitation.

(23) Ce qui est irréalisable en dehors du laboratoire.

(24) La production de gaz au bout de 5 mois . soit 2/3 du temps total, représentant 90 % de la production totale.

(25) Il est en outre important de noter que la courbe de production de gaz ayant une forme de « cloche . aplatie sur la droite.il faut 2 . et le plus souvent 3 . digesteurs pour assurer une production de gaz a peu prés constante.

(26) Seule la sélection de bactéries hautement performantes . combinées à un enrichissement au moins azoté et à un contrôlerigoureux de la réaction, pourrait changer cet état de fait .

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Dans ce dernier cas, le gaz produit aura toujours intérêt à être utilisé à poste fixe pour éviterle danger d'explosion et la consommation d'énergie (25 %) que représente la compression pourutilisation à poste mobile(27 ).

Un dernier obstacle à la méthanisation des déchets forestiers existe, au moins pour les unitésindustrielles de fabrication de compost . En effet, d'après Binggeli, la forte rétention d'eau ducompost à la sortie du digesteur serait un handicap technique et commercial sérieux : pour ne pasgrever lourdement les frais de transport et de distribution, il faudrait alors le sécher, au moinspartiellement, donc dépenser de l'énergie.

CONCLUSION

Il existe donc une certaine opposition entre les différents modes de valorisation possibles desbroussailles, et plus généralement de la biomasse forestière des régions méditerranéennes.

En effet, la voie humide (compostage, méthanisation), dont le but principal reste la fabricationde compost, n'est pas adaptée à la production d'énergie à partir de composés ligno-cellulosiques.Pour les valorisations essentiellement énergétiques, la voie sèche » (combustion, gazéification . . .)est, par contre, technico-économiquement la meilleure solution : les recherches techniques sur lesbrûleurs et les gazogènes ont beaucoup progressé au cours des dernières années et le stadede développement est atteint . Mais la matière organique est totalement détruite dans cette solutionet l'on ne peut recueillir que des cendres (éléments minéraux).

Pour les valorisations qui auraient un but mixte (énergie et compost), on doit dissocier lessystèmes : schématiquement, il faut faire deux tas, l'un étant valorisé énergétiquement, l'autreagronomiquement . Chaque tas devra être traité de la manière la plus efficace le concernant,mais cela n'empêche pas de rechercher un optimum pour l'ensemble (meilleur ratio énergie/compost dans diverses hypothèses).

On peut d'ailleurs remarquer en effet que la biomasse forestière comprend schématiquementdeux parties :

— une partie ligneuse » (troncs, grosses branches) riche en carbone, pauvre en élémentsminéraux et donc en cendres, et qui se prête bien à une utilisation énergétique (combustion) ;

— une partie « cellulosique » (feuilles, brindilles, écorces, broussailles) plus riche en azoteet en éléments minéraux et qui se prête, elle, à l'utilisation agronomique (compost)( 28 ).

Pour les unités industrielles qui pourraient se développer avec le but de tirer parti de cettebiomasse du fait de la relativement faible disponibilité de la matière première, on ne peut queconseiller l'orientation vers des usines combinées (» intégrées ») fabriquant une grande quantitéde produits, en particulier des produits à forte valeur ajoutée( 29 ) ou pouvant remplacer certainsproduits de synthèse( 30) . On pourrait très bien concevoir, par exemple, une unité comportant en

(27) Notons, en outre, que pour utiliser le méthane comprimé comme carburant automobile avec la méme autonomie kilométrique.il faut environ 10 fois plus de poids et 5 à 6 fois plus de volume que pour l'essence.

(28) Les cendres de la combustion de la partie ligneuse pouvant d'ailleurs servir a enrichir la partie compostée pour une meilleurefermentation.

(29) En particulier, ceux que l'on importe comme . par exemple . l 'acide citrique que l'on peut obtenir a partir des mélasses debois

(30) Par exemple, les alcools lourds (remplacement du plomb tétraéthyle adjoint au super carburant) ou les produits aromatiques(arôme de fraises).

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amont un centre de tri et de conditionnement de la matière première séparant bois, écorces feuilles,feuillus, résineux, etc ., puis vendant une partie des produits pour des utilisations spéciales (papier,

panneau de particules . . .) et transformant sur place les produits restants de différentes manières(produits chimiques, compost, feuillage, aliment pour bétail . . .).

Un problème technico-économique de base demeure toutefois : pour les taillis actuellement inexploi-

tés( 31 ), le prix de revient des produits rendus usine après abattage, débardage, transport (valeurajoutée), excède encore aujourd'hui, dans bien des cas, malgré la hausse de l'énergie et desmatières premières, le prix que peuvent consentir les industries utilisatrices même en leur attribuantune valeur sur pied égale à zéro (c'est le cas des rémanents de débroussaillement de pare-feu).Le noeud du problème se situe au niveau de la chaîne de broyage-enlèvement car les opérationsmanuelles ou semi-manuelles sont presque toujours à exclure, surtout dans l'optique de production

d'énergie ( 32 ).

La place que pourra occuper à terme l'énergie tirée de la biomasse forestière n'est pas à négliger,même si elle est relativement limitée(33 ) . Il faut toutefois avoir conscience que l'usage énergétique

est celui qui valorise le moins bien la structure moléculaire complexe des produits organiques:on détruit une architecture qu'on ne peut créer artificiellement . Une autre manière de produire

de l'énergie, c'est d'en économiser : pour valoriser énergétiquement le bois, on peut utiliser lemoins possible ses produits de remplacement plus énergivores (plastiques, métaux . . .).

De toute façon, s'il s'agit simplement de contribuer à améliorer le bilan pétrolier de la Francedans des conditions d'approvisionnement normales, les perspectives sont limitées par des contrainteséconomiques et on ne peut faire n'importe quoi à n'importe quel prix : il faut allouer un volume

de capitaux limité aux équipements de substitution les plus rentables.

S'il s'agit, par contre, de faire face à une situation de crise aiguë avec rupture plus ou moinscomplète de l'approvisionnement pétrolier, les données deviennent très différentes et de multiplesressources non valorisables dans la première hypothèse, deviendraient temporairement rentables,sous réserve des délais nécessaires pour mettre en place les équipements adéquats.

Pour ce qui concerne ce qu'il est convenu d'appeler les méthodes de Pain ', il apparaît, commele souligne Binggeli, qu'elles semblent être avant tout le fruit d'une schématisation trop sommairede données glanées par compilation de différents ouvrages ainsi que de quelques courantsd'opinion comtemporains . Ceci expliquerait les confusions signalées précédemment.

Il est évident toutefois que la transformation des broussailles et rémanents forestiers en amendementorganique est une idée séduisante et l'auteur de la méthode », fait partie de ceux qui ont eule mérite d'attirer l'attention sur des ressources potentielles inexploitées, même si les techniquesmises au goût du jour sont fort anciennes. Pour la réalisation concrète du procédé à une

échelle significative, il faudra :

— d'une part, améliorer les techniques de compostage et la qualité du produit obtenu :

la durée de compostage doit être réduite, la fermentation des copeaux plus poussée et le compostapte à se substituer, dans des conditions économiques satisfaisantes, aux produits organiques

actuellement utilisés ;

— d'autre part, étudier très sérieusement les conséquences à long terme de l'exportationde matières minérales et organiques de la forêt : la dégradation de la forêt méditerranéenne

(31) Ceci est valable pour la plupart des régions de France.

(32) II est en outre extrêmement difficile de trouver des travailleurs forestiers.

(33) Si on brûlait tout l'accroissement annuel de la forêt française (y compris le bois d 'oeuvre), ceci ne représenterait que 5%de notre consommation actuelle d'énergie .

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est dans bien des cas la conséquence de son exploitation intensive . Compte tenu des connaissancesactuelles sur la pédogénèse, on peut penser que sur les terrains calcaires les exportations minéralesont un caractère irréversible( 34) alors que le taux de matière organique est très stable (complexeargilo-humique) . Sur les terrains siliceux, le phénomène est probablement inverse car la vitessed ' altération de la roche mère est grande et, sous les climats méditerranéens, la matière organiquen'est pas fixée et se minéralise assez vite.

Dans tous les cas, c'est-à-dire quel que soit le type de valorisation de la biomasse forestièreméditerranéenne, la vigilance s'imposera dès qu'une utilisation s'avérera intéressante pour ceuxqui la pratiquent car la tentation sera sans doute grande de mobiliser le maximum de volumeà l'hectare pour augmenter la rentabilité de l'opération . La récupération de cette biomasse qui avaitpour origine la protection des forêts, en particulier contre l ' incendie( 35 ), risquerait alors, à terme,d ' en accentuer la dégradation et de conduire à des résultats inverses des objectifs initiaux.

(34) Abstraction farte des apports atmosphériques par les eaux de pluie ou les pluviolessivats et de la fixation d'azote par leslégumineuses sauvages.

(35) Même si cette récupération est loin d'être suffisante pour résoudre tous les problèmes a cet égard . En effet, n'oublions pasque les résidus de débroussaillement peuvent être incinérés ou broyés sur place ; dans ce dernier cas . les copeaux rejetéssur le sol ont un rôle plutôt positif : augmentation de l'humidité par effet de mulch, faible combustibilité de la litière si lescopeaux sont grossiers, effet herbicide lors du début de leur fermentation par dégagement de composés phytotoxiques.

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LC. G .R .E .F.

CENTRE NATIONAL DU MACHINISME AGRICOLEDU GÉNIE RURAL . DES EAUX ET DES FORETS

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