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«L’usage du Monde» Mémoire DNSEP 2011 - Opon Art Raphaëlle COTTEREAU

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«L’usage du Monde»

Mémoire DNSEP 2011 - Option Art Raphaëlle COTTEREAU

L’Usage du Monde est un livre de Nicolas Bouvier, illustré par Thierry Vernet paru en 1963.

Sommaire

Introduction ...........................................................................................p. 5

I) Le Réel mis en jeu ...............................................................................p. 7

- Réel / Réalité ?

- L’image

II) L’Objet du dessin ..............................................................................p.13

- Exemple de l’imagier

- L’idée du quotidien

- Il faut peindre ce que l’on voit

III) Le réel reconstruit et transfiguré ....................................................p.25

- Montage

- À partir du surréalisme

En Image ................................................................................................p.33

Conclusion .............................................................................................p.43

Bibliographie .........................................................................................p.45

Introduction

Les choses du monde constituent un point d’attache primordial dans ma manière d’appréhender la création. Choses par définition existantes mais toujours indéterminées et restant constamment à préciser. Ce qui est là, autour, malgré les multiples outils et langages, se présente comme un tout, comme un défi à la définition. C’est un mouvement permanent, et notre volonté de maîtrise du monde n’a de cesse de s’y opposer pour y trouver du sens et de la cohérence. Ce que l’on appelle réel est pour moi un support d’observation, un modèle à comprendre. Ma démarche artistique a commencé par l’apprentissage et la pratique du dessin. Cette technique présente une sorte de paradoxe : d’une part, en transposant l’observé dans un cadre restreint, on apprend comment les choses sont, les détails, les formes, acte de perception ; et d’autre part en créant une image, on met à distance. L’image est un support pour comprendre les choses. Nos points de vues, nos échelles optiques sont diverses grâce aux nombreux cadres et outils inventés pour voir. Cependant, il semble que de manière constante on puisse se demander : qu’est ce que le réel ? qu’est ce que la réalité produite de nos observations ?

Un tel questionnement, bien qu’en suspens, invite à prendre position face au réel, à rencontrer une ou des postures qui rendent possible sa mise en jeu.

Il ne s’agira pas de reprendre l’ambition de la pensée simple qui était de contrôler et de maîtriser le réel. Il s’agit de s’exercer à une pensée capable de traiter avec le réel, de dialoguer avec lui, de négocier avec lui.*

Observer les paysages et les détails, prendre conscience de nos sens et de nos croyances, douter, fragmenter, démonter, reconstruire … peut-être pour aller au-delà des choses en faisant la part belle à un entendement sensible.

Ce travail écrit se présente comme un inventaire des notions qui sont importantes pour ma pratique. J’ai tenté ici de baliser l’essentiel du champ théorique qui m’intéresse aujourd’hui.

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* Morin Edgar, Introduction à la pensée complexe, Editions du Seuil, Points Essais, 2005.

Le Réel mis en jeu

Réel / Réalité ?

Le terme de réalité peut être brièvement défini comme ce qui caractérise l’existant en-soi, effectivement. Cependant la réalité, principe et actualité de la chose appartenant à l’univers du sensible, n’est pas autonome et dépend du sujet qui l’appréhende. La réalité semble donc conçue comme le résultat d’un « dialogue » entre le monde et son observateur. En se rapportant ainsi à une perception, l’idée de réalité laisse entrevoir les défauts de notre aptitude à comprendre ce monde. L’actualité et le principe des choses n’ayant pas toujours cours à nos échelles, il apparaît que l’idée qu’on pourra se faire de la réalité est limitée voire illusoire.

Le terme de réel peut alors désigner le donné, ce qui s’impose au sujet et ce à partir de quoi il construira la réalité. Autrement dit, le réel est l’objet observé et de sa perception résulte la réalité, relative au sujet qui regarde. Construire la réalité revient à construire une image du monde à laquelle nos logiques et nos habitudes de raison donneront un semblant de cohérence. On entrevoit alors nos manières mentales usuelles, extrêmement bien ancrées en nous. Ces perceptions convenues ne paraissent fonctionner que dans le cadre restreint de notre vie de tous les jours. Et encore…

Tel que le décrit Clément Rosset, « le réel qui n’est que réel, et rien d’autre, est insignifiant, absurde» *.

À partir de là, toute observation du réel, collaboration de notre regard avec lui, peut être considérée comme une élaboration de la réalité, comme un acte de réalisme. Cet autre terme est aussi chargé d’histoire et d’interprétations dans diverses disciplines. Je choisis ici une définition formulée par Jacques Aumont dans son ouvrage sur l’image : « Le réalisme, au bout du compte, correspond à un ensemble de règles sociales de représentations du réel, satisfaisantes pour les valeurs mêmes de la société qui pose ces règles » **.

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* Rosset Clément, Le Réel et son Double, Editions Gallimard, 1984.

** Aumont Jacques, L’Image, Editions Nathan, « Fac-Cinéma », 1990.

On peut remarquer que dans cette relation avec le réel, il a été question d’ « image du monde » et de « représentations du réel ». Une première définition de l’image mettant en valeur certains aspects importants, apparaît nécessaire, celle-ci jouant un rôle de médiation primordial dans ce rapport entre observateur–spectateur et réel.

L’image

En premier lieu, avant d’être éventuellement objet, l’image est une relation entre son contenu (ce qu’elle montre) et un regard (une interprétation). Elle est un compromis entre le réel et un modèle imaginaire. Quand bien même qualifiable de très réaliste l’image contient toujours une part d’imaginaire : celle de son auteur et celle de ses spectateurs éventuels lorsque qu’elle n’est plus seulement une « image mentale » mais aussi un objet.

Ensuite, en un sens élargi, on parle de représentation. Cette présence nouvelle est conditionnée par le cadre qui prend des formes multiples. La réalité cernée se fixe en une image et, de ce fait, prend ses distances avec le réel. Une feuille de papier, une scène de théâtre, un instrument d’optique, etc... sont des enceintes possibles pour instituer l’image en objet. L’image représentative de la réalité, ou d’un aspect de la réalité produite par l’homme, est un discours, même implicite, sur le monde réel. La référence faite à cet univers du visuel sera plus ou moins directe et l’image pourra tenir lieu de représentation, de symbôle ou de signe. Elle combine généralement ces trois fonctions en proportions variables.

On pourrait dire que notre relation aux différents types d’images est une affaire de distance. La distance qui se trouve entre l’apparition et la vision, le présenté et le re-présenté. Celle du degré de ressemblance en est une autre : comment les formes perçues sont re-connues et comment est évaluée leur correspondance avec leurs originaux.

Je viens de décrire deux types de relations entretenues ; l’une avec le réel, l’autre avec l’image. On peut noter qu’ils ont en commun le phénomène de la vision, plus précisément celui du regard qui est le propre de l’homme, et celui de la perception.

Les images sont toujours fabriquées, produites en vue de certains usages, individuels ou collectifs. L’établissement de la relation à l’image dépend de différents enjeux

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communautaires et culturels. Le dictionnaire historique de la langue française nous informe que l’adjectif réaliste désigne la personne qui tient compte des réalités, des intérêts matériels, et correspond aussi à « ce qui témoigne du sens des réalités ». Dans la volonté plastique de réalisme, il est convenu de s’attacher à reproduire fidèlement une idée consentie du réel, en accord avec un consensus partagé. Faire acte de réalisme consisterait à prendre en compte ce consensus de réalité, à reconnaitre les données culturelles qui le définissent ainsi que celles qui nous sont propres. Il s’agirait donc plutôt de considérer le comment les choses doivent être dans le système qui est le nôtre. De celles-ci dépendrait l’armature d’une idéologie toute entière, l’articulation de nos existences.

Dans mes recherches plastiques, la question du réel dans la représentation occupe une place centrale. Elle commence par l’expérience de spectateur, celle de voir une/des image(s). C’est une expérience commune, faite dans le contexte qui est le notre, quotidiennement. Dans cette profusion admise, une image dans un contexte visuel singulier aura un impact particulier. Lorsque notre regard se porte effectivement sur telle ou telle image, cette perception engage de nombreux paramètres tels que : le corps, les sens, l’histoire, le désir, le temps… L’image semble avoir ce pouvoir de nous conforter dans une conception du monde (peut-être fonctionne-t-elle alors comme un leurre) tout autant que celui de la remettre en cause (peut-être alors nous permet-elle de remettre en jeu le réel).

Questionner le réel, ce pourrait être d’abord interroger son institution actuelle car il s’agit bien d’une institution qui se charge de produire des images, des données et de les faire parler en masse pour raconter « comment les choses sont » et nous sommes conviés à croire fermement à ces narrations : « Le réel raconté dicte interminablement ce qu’il

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* Richter Gerhard, in Gerhard Richter, Editions Dis Voir, 1995, extrait de : Photographie, peinture, réel, texte de Jean-Philippe ANTOINE.

Je me méfie de la réalité, dont je ne sais presque rien, mais j’entretiens des soupçons concernant l’image de la réalité que nos sens nous apportent, qui est incomplète et limitée *.

L’Oeil, planche illustrée,Encyclopédie Diderot et d’Alembert, 1751-1772.

faut croire et ce qu’il faut faire. (…) La fabrication de simulacres fournit ainsi le moyen de produire des croyants et donc des pratiquants. Cette institution du réel est la forme la plus visible de notre dogmatique contemporaine » *.

Toute observation du monde extérieur engendre une production de réalité. Qu’en est-il lorsque cette réalité produite et figée dans les images sert de support et de modèle à une autre observation, à une autre production d’images ?

La reproduction des images a permis la naissance d’un stock inépuisable de visible, tous les registres sont accessibles sous forme réduite, manipulable. Tout au long du XXème siècle, les peintres ont intégré la photographie comme modèle remplaçant la nature. Cette appropriation de fragments, de traces de réel est une procédure très commune. La photographie est un moyen pour tenter d’interroger la réalité, elle est le moyen le plus direct car censée renvoyer concrètement au monde réel, du moins c’est toujours ce que nous sommes tentés de croire.

Il m’est donc arrivé de chercher dans cette réserve d’images que forment les journaux, les livres, internet, ou encore les photographies personnelles, des matières à exploiter. Il s’agit à un moment donné d’interrompre un flux continu en y piochant un contenu. Ces représentations peuvent avoir des statuts différents, leurs intentions de fabrication s’effacent parfois suivant le contexte où elles se trouvent.

Récolter des images et les mettre de côté, comme pour les laisser reposer, elles et notre regard, c’est un peu interrompre ce flux qui brouille la vue et les sens. C’est décider d’intervenir pour transformer cette matière en objet d’expression.

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* Certeau (de) Michel, L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire, Gallimard, Folio, 1990.

Ma pratique et mes recherches personnelles ont commencé par le dessin et notamment le dessin d’observation.

Il me semble qu’ici encore se pose la question de la distance par le biais de l’abstraction géométrique nécessaire pour transposer un objet du monde, un modèle observé tridimensionnel sur une feuille de papier et à l’aide d’un crayon par exemple. C’est un jeu de dupe appelé couramment perspective et qui tire l’image du côté de l’illusion. Précisons que, pour que l’artifice soit vraiment trompeur, il faut élaborer un contexte alentour ou de tenir compte de celui préexistant (l’architecture pour peindre une voûte en trompe-l’œil). De plus, l’illusionné est souvent celui qui n’est pas averti, il est bien rare qu’un spectateur ne le soit pas. L’illusion s’adresse à notre croyance en l’image, en ce qu’elle représente et comment elle le fait. En tant que spectateur, je trouve que les images qui ont une certaine force en ce sens sont celles qui, tout en embarquant le regard dans la représentation et sa part d’imaginaire, nous rappellent cette illusion à laquelle nous adhérons. Je prends en exemple une étude, un dessin d’après modèle d’Edgar Degas, image ayant aujourd’hui le statut d’œuvre d’art : Homme nu penché ramassant un objet. On y voit des lignes pour le contour d’un dos d’homme. Une partie seulement de ce dos est travaillée pour son volume, les modulations de la lumière sur le corps. Cette image est perçue simultanément comme un fragment d’espace tridimensionnel et comme fragment de la surface plane, support du dessin. Certaines images nous rappellent mieux que d’autres leur double réalité perceptive.

L’Objet du dessin

* Dexter Emma, extrait de la préface de Vitamine D : Nouvelles perspectives en dessin, Phaidon, 2006.

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Walter Benjamin aboutit à la conclusion, (à l’instar d’autres théoriciens et observateurs), que le dessin existe à un autre niveau dans le psychisme de l’homme : c’est le lieu des signes avec lesquels nous traçons le monde matériel, mais c’est en soi le signe suprême de l’existence. Le dessin n’est donc pas une fenêtre ouverte sur le monde mais un outil pour comprendre notre place au sein de l’univers. *

Exemple de l’imagier

L’imagier du Père Castor est un ouvrage qui compile des représentations dessinées d’objets et les associe aux mots qui les désignent. Il s’adresse explicitement à l’enfant comme outil d’apprentissage du langage et de découverte de son univers. Les images qu’il contient sont organisées suivant une évolution qui commence par l’environnement immédiat de l’enfant et finit par le monde extérieur. Dans la préface de l’ouvrage il est écrit : « L’imagier est le résultat d’un long travail fondé sur la conviction que les premières images placées sous les yeux des enfants exercent une influence capitale sur le développement de leur sensibilité, de leur goût, de leur jugement, et qu’on ne saurait apporter trop de soin à leur réalisation ». Ce document a suscité mon intérêt pour différentes raisons : d’abord pour la manière formelle de traiter le dessin que l’on peut qualifier de « simple », d’isoler chacune des représentations d’objets, d’animaux, de végétaux… dans l’espace d’une case vide, de supprimer tout contexte ; ensuite pour le ressenti qu’il a pu générer chez moi et chez d’autres (c’est pour ainsi dire un classique) : provoquant une sorte d’attachement « affectif » à ce type de représentations qui se veulent rassurantes et que l’on a pu manipuler durant l’enfance. Puis surtout par le surgissement frappant de tous les manquements, de toutes les absences de ce document. Fait inévitable puisqu’une représentation « fidèle » du monde est impossible, mais malgré les 480 dessins contenus dans ce livre, à la lecture nous apparaissent simultanément les images qui n’y figurent pas. Le monde dépeint ici semble d’autant plus réducteur et simplifié.

Ce livre a fait l’objet d’un détournement. J’ai choisi de reproduire en dessin trois vignettes au format carré d’un mètre cinquante en supprimant le cadre et l’écriture du mot correspondant à l’objet. Ce travail relevait de la copie pure et simple, hormis le fait qu’aux images originaires de l’imagier (un ours en peluche et une pomme), j’ai ajouté celle d’un champignon atomique d’après modèle photographique. Les trois dessins ont été réalisés suivant un même procédé : trois trames de traits fins correspondantes à trois tons de couleurs primaires. Ce traitement permet au dessin d’apparaître progressivement par les masses et non par les contours de la forme, et aux surfaces d’être comme instables. La taille de ces formats instaure une relation « physique » très marquée à l’image. En effet, de loin ils sont ces copies qui rappellent sans hésitation leur origine, mais lorsque que le spectateur se rapproche, au fur et à mesure, le motif s’estompe et laisse voir cette matière de traits colorés superposés qui semble « vibrer ».

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Ce projet fut un prétexte à interroger les rapports entre l’image et le langage, la place de l’énonciation et de la formulation de la parole. Bien que l’image soit irréductible au langage, qu’elle ne soit pas la parole, elle semble toujours empreinte de discours. C’est la langue qui vient stabiliser notre relation à ce que l’on observe. Dans l’image mentale interviennent les associations de notre mémoire, innombrables et éphémères. La forme observée une fois nommée devient figure. Le développement du langage permet la figuration. Le fait de supprimer les mots correspondants aux objets représentés permettait de mettre en difficulté l’énonciation et de faire ressortir cette frontière poreuse entre les différents rapports de l’image au réel. Elle a tout à la fois, et dans des proportions diverses, valeur de représentation, de symbole et de signe. Cela induisait aussi à mettre en doute la capacité du langage à faire sens.

L’image est, à un instant donné à travers une lecture particulière, comme un événement. Comme le formule Georges Didi-Huberman, « face à l’image on est toujours face à ce qui se dérobe » *. Les sens de ce qui est montré glissent et nous échappent constamment.

« Le sens est toujours un fait de culture, un produit d’usages, de fonctions, de domestication totale de l’objet, et en réalité nous sommes aussi, par les objets, dans un monde du sens, des raisons, des alibis : la fonction donne naissance au signe, mais ce signe est recouvert dans le spectacle d’une fonction. Je crois que c’est précisément cette conversion de la culture en pseudo-nature qui peut définir l’idéologie de notre société » **.

Les objets, conçus pour et par l’homme selon des normes, des standards ont un lien avec le domestique, le social, . Ils sont non seulement des instruments avec une fonction déterminée mais aussi des véhicules de sens. En revanche, considérés en tant que choses dans les limites de leur apparence, ils peuvent tomber dans l’absurde, signifier le non-sens.

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* Didi-Huberman Georges, Devant l’Image, Editions de Minuit, Critique, 1990. ** Barthes Roland, Sémantique de l’objet, conférence prononcée en 1964, in L’Aventure Sémiologique, Editions du Seuil, Points Essais, 1991.

Au Café, Edouard Manet, 1878,huile sur toile, 78 x 84 cm.

Il faut peindre ce que l’on voit

À propos de la peinture d’Edouard Manet, Georges Bataille parle d’un aspect de la modernité et d’une certaine peinture « épuisée ». Les objets du monde, dépeints pour ce qu’ils sont, introduisent une rupture avec l’éloquence passée de l’art et de la peinture et font place à un silence définitif. Gustave Courbet avait initié ce changement en montrant autre chose que les sujets du “Grand art”, et Manet propose de regarder autrement ce nouveau contenu de la peinture. Quant au silence, il est signifiant et à composer. Mallarmé compare le silence qui organise le discours poétique à l’air qui rend la vision dans la peinture (celle de Manet notamment). L’indifférence pour le sujet, l’absence d’unité des objets, l’absurde du donné immédiat servent une nouvelle majesté de l’art et ce dernier acquiert une dimension sacrée. Une déconstruction rigoureuse, l’institution « du désordre dans la pose » implique la déception essentielle d’une attente en ne montrant que l’unité profonde de l’insignifiance. Dans les peintures de Manet « ce qui compte est la vibration de la lumière. (…) Personne ne chargea davantage le sujet : sinon de sens, de ce qui, n’étant que l’au-delà du sens, est plus que lui ». Cette peinture, en niant un monde convenu, et en faisant du sujet un simple prétexte permet l’instauration de l’art en valeur suprême : « L’art en général, cela veut dire l’homme individuel, autonome, détaché de toute entreprise, de tout système donné (et de l’individualisme lui-même)» *.

* (Toutes les citations de cette page) Bataille Georges, Manet, Skira Flammarion, 1955. ** Mallarmé Stéphane, Les Impressionnistes et Edouard Manet, in Stéphane Mallarmé Edouard Manet, Edition établie et préfacée par Isabella Checcaglini, L’Atelier des Brisants, Rencontre, 2006.

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C’est un déluge d’air. Partout lumineuse et transparente l’atmosphère lutte avec les figures, les habits, le feuillage, et semble s’incorporer quelque chose de leur substance et de leur solidité ; tandis que leurs contours, consumés par le soleil caché et défaits par l’espace, tremblent, se fondent, et s’évaporent dans l’atmosphère environnante, qui pille la réalité des figures, et semble ne le faire que pour préserver leur véritable aspect. L’air règne, suprême et réel, comme s’il contenait cette vie enchantée que lui confère la sorcellerie de l’art ; une vie ni personnelle ni sensible, mais assujettie elle-même aux phénomènes que définit la science et montrée à nos yeux étonnés dans sa perpétuelle métamorphose et son invisible action rendues visibles. Et comment ? Par cette fusion ou par la lutte incessante entre la surface et l’espace, entre la couleur et l’air **.

Paul Nougé, Les Voyeuses, photographiede la série « Subversion des images », 1929-1930.

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L’idée du quotidien

La quotidienneté est un espace ou un territoire qui m’intéresse particulièrement. Il n’est pas évident à définir, l’idée étant assez large ou vague. J’entends par quotidien les faits de tous les jours, les gestes domestiques, des intérieurs de nos vies sociales. Cet espace semble recueillir un ensemble de normes, de codes propres à une société donnée mais également des rituels partagés d’humains sédentaires. Il intègre la production de nos moyens d’existence et les différentes manières de produire l’existence de la quotidienneté elle-même. Son idée concerne celle de l’individu et des moyens dont il dispose et qu’il définit lui-même pour se permettre de domestiquer le temps. Il y a bien un « emploi du temps » qui rythme nos « programmes » et nos rituels de vie domestique. Le quotidien est aussi constitué par des gestes invariants, souvent répétés, c’est le confort tout artificiel dépeint dans Mon Oncle de Jacques Tati et le rythme si particulier du court-métrage Tango de Z. Rybczynski. Intervenir dans la routine, lieu privilégié des habitudes, c’est prendre en compte nos passions en ce qu’elles nous empêchent de voir. Nous arrivons aux tics, aux manies, à la répétition pure et simple et hors de propos de gestes et de comportements.

L’unité d’une cellule domestique peut incarner le réceptacle de nos consommations, d’un modèle de vie qui tend à s’uniformiser. L’enjeu de cet espace tient peut-être à son histoire en lien avec l’idée de vie privée, de liberté relative fondée sur une illusion de choix et du fait qu’il peut effectivement être l’espace d’invention de chacun.

Construire un rapport au monde serait d’abord et avant tout comprendre les glissements et mouvements du Je au sein des phénomènes et des discours sociaux. La difficulté voire l’impossibilité de cette entreprise réside dans le fait que l’on appartient aux deux : « identité et différence, vers autrui et vers soi, la singularité et la communauté apparaissent comme un tissu où on est pris en même temps » *.

Un autre aspect important de mon travail concerne la figure humaine. Il m’a été nécessaire à un moment donné de comprendre autant mon grand intérêt pour les représentations du corps humain, de l’Homme, que sa présence récurrente dans mes propres travaux. « L’être humain non particularisé présente une énigme à la fois grotesque, mystérieuse

* Vernant Jean-Pierre, citation in, L’Héritage de la Chouette, film de Chris Marker, 1989.

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et attirante, énigme fascinante et repoussante, susceptible d’engendrer aussi bien l’empathie que l’appréhension » *. On peut distinguer la représentation de l’homme et celle du corps. Le corps est l’apparition dans laquelle l’être humain s’incarne pour y jouer son rôle, il est le support d’un être social.

Si je pense à des « territoires » à investir tels que le quotidien, c’est souvent dans la perspective d’y confronter le corps. A savoir : ce que le corps peut pour habiter un espace, évoluer dans un cadre, cadre domestique ou cadre de papier.

* Steiner Georges, citation in, L’Héritage de la Chouette, film de Chris Marker, 1989.

Page précédente : Saul Leiter,Neige, photographie vers 1960.

En haut : John Baldessari, Femme et Oreiller, lithographie noir et blanc, 47,5 x 50,8 cm, 2003. En bas : John Baldessari, Fly for my life Man running ; man carrying coffin, lithographie couleur, 41,3 x 76,2 cm, 1988.

Ci-contre : John Baldessari, Two Unfinished Letters,

photo-lithographie, 83.8 x 55.9 cm

1992.

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Montage

En décidant de créer à partir de cette réalité fragmentée, médiatisée par des images de toutes sortes, s’est posée la question du collage, du montage et plus largement celle du temps de l’image.

Dans ma recherche, à partir de ce fond d’images collectées, j’ai pu expérimenter différentes manipulations. On l’a vu précedemment avec l’imagier, en détournant les images de leurs contextes d’origine. De la même manière, j’ai souvent extrait des figures du fond avec lequel elles composaient une première image. Il s’agit avant toutes choses d’une appropriation afin de réactiver des objets représentés. Le geste arbitraire de choisir un ou plusieurs éléments et de les proposer dans un nouveau contexte, leur redonne une actualité. Le résultat de ces déconstructions et reconstructions est une structure mouvante accueillant ces fragments du réel qui, même après avoir été extraits de leur univers habituel, conservent leurs propriétés originelles et leur mémoire. Ces images gardent une certaine autonomie et résistent un peu.

J’ai souvent pensé aux images dans un ensemble, à composer une série à partir d’une ou plusieurs d’entre elles, en envisageant comment elles pourraient fonctionner autrement, via des recadrages, des associations, des juxtapositions… Jusqu’alors ces transformations sont considérées comme des modèles et des supports au dessin ou à la gravure. Je n’ai que rarement appréhendé d’autres moyens de reproduction. Le dessin présente selon moi un caractère faussement inoffensif, parce que contrairement à la photographie, on est moins tenté de croire à sa relation avec la réalité, disons que l’effet de réel n’y est pas.

Le Réel reconstruit et transfiguré

 Accentuer les mots pour faire danser les manques et leur donner puissance, consistance de milieu en mouvement. Accentuer les manques pour faire danser les mots et leur donner puissance, consistance de corps en mouvement. *

* Didi-Huberman Georges , Gestes d’air et de pierre : Corps, parole, souffle, image, Editions de Minuit, 2005.

Il y a l’idée d’un réel mis à plat, d’un petit théâtre animé, d’une impression de décor où l’on peut mettre en place les éléments pour que s’initie une ou des narrations mais sans histoire. Le dessein est un autre espace-temps de l’image avec des discontinuités, des dilatations, des arrêts sur image. De la même manière qu’il est possible d’adopter des schémas graphiques existants pour les faire siens, le vocabulaire du montage cinématographique est une palette d’outils pour une appropriation active, inventive de segments ready-mades.

Dans l’idée de collage place est faite à l’imprévisible ; l’imagination errante est invitée à explorer des failles, à rechercher des possibles, à approcher ce qui peut advenir. Cette expérience de déplacement du réel revient à élaborer un « langage en déséquilibre constant », qui modifie notre manière de penser, de regarder. Re-formuler permet de mettre en doute la réalité et cette possibilité de se déplacer dans ou face à l’image avec de nouvelles hypothèses me plaît assez.

Mettre en jeu le réel, c’est se jouer un peu de nos instances de contrôle rationnel. Pour qu’il soit en question, il faut instaurer une sorte de proximité avec lui, il faut pouvoir s’y référer d’une manière ou d’une autre. Ainsi interviennent les semblants, l’imitation, une représentation figurative.

Dans cette recherche d’associations d’images, de montage, j’essaie toujours de penser à une notion de rythme, ce qui est induit par l’ordre et la proportion des durées, la perception de répétitions au sein d’un mouvement général. Cette préoccupation s’applique en premier lieu au fonctionnement des images les unes par rapport aux autres, aux cadres ; mais aussi aux formes, aux couleurs et au dessin. De considérer ainsi la notion de rythme me permet de prendre en compte le vide, ce que l’on pourrait appeler la césure, le silence, le blanc. Si c’est un silence, ce n’est pas la mutité, le vide est ce qui peut être plein. Faire place au vacant, à un suspens.

La notion de montage renvoie pour moi à l’idée d’expérimentation. C’est l’étape de la recherche au cours de laquelle je manipule les détails de la réalité. Il me faut préciser que l’approche que j’ai du montage comme théorie et technique très élaborées, via notamment l’histoire du cinéma, n’est que sommaire. C’est un support de connaissances qui accompagne mes recherches plastiques.

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L’œuvre de John Baldessari est pour moi une référence importante. Dans son travail, la peinture intervient comme un « cut » dans l’image photographique et de nombreux photogrammes. Le contexte de la réalité américaine, notamment de Los Angeles-capitale-du-cinéma où vit l’artiste, est important à prendre en compte dans la lecture de l’analyse et de la déconstruction de mythes entreprises dans son œuvre. Les conventions, règles et modèles y sont explorés jusqu’à leurs limites. J’aime beaucoup la manière de porter les images du commun et du banal (photographie et cinéma comme médias de masse) au « déséquilibre » et à l’ambiguïté. Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est qu’à partir d’un « patrimoine » de représentations partagées, de « clichés », d’autres pistes s’ouvrent à notre regard. Les assemblages produits permettent souvent de suspendre le sens de ce qui est montré et de le reporter hors-champ. Place est faite au doute devant l’image. D’autre part, John Baldessari définit son travail comme de la poésie visuelle. Il me semble que c’est une finalité essentielle portée par toutes les réflexions et les procédés formels mis en place par un artiste.

D’une toute autre manière Martin Arnold travaille avec des scènes de longs métrages du cinéma populaire en redécoupant et en transformant le mouvement des images. Son parti pris est de révéler le caractère répressif du cinéma hollywoodien, selon lui l’image ne montre pas seulement « certains endroits, acteurs et actions, mais aussi les rêves, les espoirs et les tabous de l’époque et de la société qui l’ont créée. (…) Il y a toujours quelque chose derrière ce qui est représenté, qui n’est pas montré. C’est exactement cela qu’il est intéressant de prendre en considération ».

Salvador Dali,L’Horizon Oublié, 1936,huile sur toile, 25,5 x 26,7 cm.

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À partir du surréalisme

Ce mouvement artistique né au début du XXème siècle a rassemblé de manière décousue des personnalités aux pratiques très diverses, qu’elles aient fait « acte de surréalisme absolu » ou qu’elles se soient senties proches d’une manière ou d’une autre de son esprit. Ce dernier a été assez large pour réunir, inspirer un vaste ensemble des productions esthétiques jusqu’à celles qui s’en revendiquent de nos jours les héritières.

Je propose ici d’en exposer les idées principales développées dans l’ouvrage de Ferdinand Alquié Philosophie du Surréalisme.

Avant toute critique, le surréalisme pense l’existence et la projette dans une sorte d’au-delà de la vie Naturelle. Cet au-delà reste pourtant du domaine de l’immanence, de l’immédiat. Il prône un changement d’attitude qui permettrait dans cette vie quotidienne la découverte du bonheur humain. Son espoir ne laisse pas de côté le désir, il cherche un accord mystérieux entre nos exigences d’hommes et le cours des choses. Le surréalisme veut être vie, il veut étendre l’expérience humaine et mener son interprétation en dehors de limites rationnelles, « prendre les mesures de l’homme ». Tenant compte du désir non entravé par la raison, il souhaite découvrir par là l’infini dans nos puissances qu’il estime capables de transformer  « l’ordre intime du réel ». La déréalisation du Monde, comme discours objectif opposé à l’existence, est un des moyens du surréalisme. Il met en doute

L’image surréaliste la plus forte est celle qui présente le degré d’arbitraire le plus élevé, celle qu’on met le plus longtemps à traduire en langage pratique, soit qu’elle recèle une dose énorme de contradiction apparente, soit que l’un de ses termes en soit curieusement dérobé, soit que, s’annonçant sensationnelle, elle ait l’air de se dénouer faiblement (qu’elle ferme brusquement l’angle de son compas), soit qu’elle tire d’elle même une justification formelle dérisoire, soit qu’elle soit d’ordre hallucinatoire, soit qu’elle prête trés naturellement à l’abstrait le masque du concret, ou inversement, soit qu’elle déchaine le rire *.

* Breton André, Manifeste du Surréalisme, 1924.

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la solidité et la structure du donné connaissable pour pouvoir l’investir et y découvrir l’Être non logique auquel il aspire. La poésie lui sert en cette visée de désintégration, à produire « une crise fondamentale de l’objet, à dépayser la sensation ». Il n’est pas question de fuir dans le rêve et l’irréel mais de tenter d’embrasser ce qui aurait plus de réalité que l’univers logique et objectif.

« La médiocrité de notre univers, se demande Breton, ne dépend-elle pas essentiellement de notre pouvoir d’énonciation ? »

Le discours est propre à l’humain, mais la conscience ne fait que le réduire à ce qu’elle contrôle, transformant les gestes, les angoisses, la vie en un langage incompris, désespéré de ne plus se reconnaître lui-même comme langage. Le surréalisme entend donc libérer le langage en opérant un déplacement de l’attitude de l’esprit qui semble tirer toute sa force et sa solitude de sa capacité à donner un sens à tout ; et ainsi transformer notre conscience et notre rapport au réel. L’imagination refuse le donné et l’espoir lui oppose tout l’arbitraire et les rapprochements possibles, capables de satisfaire le désir. Imaginer revient ici à éclairer, à évoquer un inaccessible et à s’affranchir du réel. Le rêve n’apparaît merveilleux que parce qu’il reste en contact avec la raison qu’il perturbe. Nous ne sommes émus par lui que parce que nous ne nous y abandonnons pas complètement. La poésie est le pont lucide qui nous permet d’aller du monde de la réalité quotidienne à celui du merveilleux. Le surréalisme n’effectue pas un retour à l’immédiat qui est désiré plutôt qu’atteint, il entretient un contact avec lui. L’entreprise surréaliste n’a d’autre mobile que l’espoir de déterminer un « certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imagination, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus comme contradictoires » *.

Cet esprit met l’homme et l’expérience du Monde en question mais n’apporte pas nécessairement de réponses, la « révélation » surréaliste ne se prétendant jamais connaissance. Ici s’établit une conscience qui serait avant toute chose une relation proposant de toujours tout recommencer.

Certes, ce mouvement apparaît dans les faits plein de contradictions. On a pu considérer les surréalistes comme un groupe de désespérés quelque peu totalitaires qui, de leur

* Alquié Ferdinand, Philosophie du Surréalisme, Champs Flammarion, 1977.

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dégoût, de ce qu’ils mouraient de vivre ont pensé une Révolution. Leur volonté de « transgression » est bien relative lorsqu’on y porte notre regard actuel et distancié. Il n’en reste pas moins que le principe de la démarche surréaliste est la liberté.

Cet aperçu du surréalisme m’amène à évoquer mon grand intérêt pour la littérature de Julio Cortázar (1914-1984) qui a été de ceux qui se sont inscrits dans sa lignée sans y adhérer inconditionnellement ; ainsi a-t-il écrit : « Le surréalisme a l’habitude de se montrer plus actif et efficace entre les mains des non-surréalistes ». En ciblant les conquêtes de l’avant-garde, il les assimile de manière critique pour en proposer une reformulation personnelle dans une perspective plus ample. Le surréalisme est perçu comme une violente actualisation du programme utopique des romantiques qui cherchaient non seulement « à supprimer le conflit entre le sujet et l’objet » mais aussi à réconcilier les deux terminologies antagonistes de la poésie et de la vie en tentant de « poétiser la vie sociale, de socialiser la parole poétique ». Il définit le surréalisme comme étant « avant tout une conception de l’univers et non un système verbal », « une éthique plutôt qu’une esthétique ».

Cet écrivain s’est inscrit dans le courant littéraire du « réalisme magique » qu’il a investi par différentes formes littéraires qui vont de la poésie au roman en passant par la nouvelle, le conte, le théâtre, afin de construire la langue d’un enchantement permanent. C’est toujours le monde réel qui est figuré et à partir duquel on peut échapper aux apparences, aux logiques ordinaires par infiltration d’éléments incertains, oniriques, merveilleux. L’espace et le temps sont recomposés sans cesse et laissent apparaître les failles au sein de ce que l’on aurait tenu pour le plus solide. Ici, l’imaginaire n’est pas ce qui nous éloigne de la réalité, mais ce qui la regarde autrement et en dévoile quelques richesses par de multiples points de vue. « … La puissance perturbatrice d’une fantaisie qui, à partir du réel immédiat, projette d’autres plans, laisse entrevoir d’autres présences, dévoile des pouvoirs étranges, insinue un ordre à la fois mystérieux et très humain ».

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En Image

Ci-contre : Oyvind Fahlstrom, installation : La dernière Mission du Docteur Schweitzers,1964-1966. La Guerre Froide, 1963-1965.

Blutch, dessin extrait du livre La Beauté,

Editions Futuropolis, 2008.

Zbigniew Rybczynski, Tango, court métrage, 1983.

Peter Fischli et David Weiss, Aprés midi tranquille, photographie, 40.5 x 30.5 cm, 1984-85.

Anna et Bernhard BLUME,

En haut : Extrait de La métaphysique

c’est pour les hommesde la série «Dans les Bois»,

photographies (3 sur 5) noir et blanc, 1990-1991.

A gauche : Frenzy Kitchen,

1986.

Ci-contre : Damian Ortega,

H.L.D (hight, long, deep), trois chaises démantelées suspendues,

2009.

Chris Wareplanche de bande dessinée, extraite de Jimmy Corrigan,2003.

Ci-contre :Robert Franck

photographie issue de Les Américains, 1955-1956.

Richard Hamilton, People,

impression, autocollants et retouche de peinture,

65 x 84 cm, 1968.

André KerteszMartinique, photographie, 1972.

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Conclusion

L’image a toujours, au cours de son histoire, fait l’objet de critiques. Certes, il est possible de s’en méfier, de relativiser son impact, mais il me semble difficile de penser se distancier de cette fascination qu’elle continue de générer, et de ne pas la reproduire en créant d’autres images. Cette fascination continue de m’enchanter, bien qu’elle ait un coté dont on pourrait s’inquiéter.

Mon intention générale, dans ma démarche artistique, consiste à rencontrer des organisations convenables d’images qui depuis la réalité assumeraient la part essentielle d’imaginaire dont nous sommes faits. Jusqu’à mettre en doute la nécessité du concept de réalité pour définir ce dans quoi nous sommes. Reconnaître cette réalité à plusieurs niveaux.

Je garde un souvenir marquant et enthousiaste du fait que les travaux qui restent parmi tous les essais et diverses tentatives sont ceux qui on créé un « événement». J’entends par là une surprise pour moi-même, de l’ordre de l’inattendu. C’est un sentiment particulier de se consacrer pendant un certain temps à un travail et que celui-ci une fois achevé puisse rester comme un corps étranger dont la définition demeurerait toujours incomplète.

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Théorie

ALQUIE Ferdinand, Philosophie du Surréalisme, Champs Flammarion, 1977.

AUMONT Jacques, L’Image, « Fac-Cinéma », Editions Nathan, 1990.

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BELTING Hans, Pour une anthropologie des images, Gallimard, Le Temps des Images, 2004.

CERTEAU (de) Michel, L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire, Gallimard, Folio, 1990.

CHEVRIER Jean-François

- La Trame et le Hasard, Editions L’Arachnéen, 2010.

- Entre les Beaux-arts et les Médias : Photographie et Art Moderne, Editions L’Arachnéen, 2010.

ECO Umberto

- L’Œuvre Ouverte, Editions du Seuil, Points, 1979.

- La Guerre du Faux, Editions Grasset, Les Cahiers Rouges, 1985.

FAHLSTROM Oyvind, Essais Choisis, Les Presses du Réel, Relectures, 2002.

GONZALEZ-SALVADOR Ana, Paul Nougé : photographie et « objets bouleversants », in La Photographie au Pied de la Lettre, textes réunis par Jean Arrouye, Presses Universitaires de Provence, Hors Champ, 2005.

HOCKNEY David, Savoirs Secrets : Les techniques perdues des maîtres anciens, Editions du Seuil, 2001.

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MELOT Michel, Une Brève Histoire de l’Image, L’œil 9 Editions, 2007.

MONDZAIN Marie-José

- « Qu’est-ce que voir une image ? », conférence enregistrée le 13/07/2004, site internet Le Monde : http://www.lemonde.fr/savoirs-et-connaissances/article/2004/06/30/marie-jose-mondzain-qu-est-ce-que-voir-une-image_371097_3328.html

- « Image, Sujet, Pouvoir », entretien pour Sens Public : http://www.sens-public.org/spip.php?article500

Bibliographie

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ROSSET Clément, Le Réel et son Double, Editions Gallimard, 1984.

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Les Images Limites, ouvrage collectif dirigé par Muriel Gagnebin et Julien Milly, Champ Vallon, L’Or d’Atalante, 2008.

Le Montage dans les Arts aux 19ème et 20ème siècles, ouvrage collectif dirigé par Sylvie COELLIER, Presses Universitaires de Pau, Théorie et Pratique des Arts, 2008.

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Roman / bande dessinée

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CORTAZAR Julio

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- Le Tour du Jour en Quatre-vingts Mondes, (1967), Editions Gallimard, Monde Entier, 1980.

- Crépuscule d’Automne, (1984), Editions José Corti, Ibériques, 2010.

- Cronopes et Fameux, (1962), Editions Gallimard, Folio, 1962.

- Façons de Perdre, (1977), Editions Gallimard, Monde Entier, 1977.

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FRANQUIN André, Les Idées Noires, Fluide Glacial, 1981.

GARCIA LORCA Federico, Jeu et Théorie du Duende, (1933), Editions Alia, 2008.

MELVILLE Herman, Bartleby, (1853), Editions Alia, 2003.

WARE Chris, Jimmy Corrigan, Editions Delcourt, Contrebande, 2003.

Filmographie

ANTONIONI Michelangelo, Le Désert Rouge, 1964.

BUNUEL Luis, L’Age d’Or, 1930.

DEBORD Guy, Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps, 1959.

OPHULS Max, Le Plaisir, 1952.

MCLAREN Norman, Il était une Chaise, 1957.

MULLER Matthias, Home Strories, 1990.

RESNAIS Alain, Je t’Aime Je t’Aime, 1968.

Et : ALYS F. ARTAUD A. BOFA G. CARAVAGECOROT C. COURBET G. DE CHIRICO G. DEPARDON R. ENSOR J. GOYA F. HOPPER E. JODOROWSKY A. MAGRITTE R.MARKER C.

OROZCO G.POSADAS G. SORIN P. STEINBERG S. QUINO

Remerciements :Mireille Riffaud et Mathilde Jouen

Nicolas Bautes, Emmanuel Zwenger, Graziella Zanoni, Brice Martinelli

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