lumen 1887

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 Flammarion, Camille (1842-1925). Lumen. 1887. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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Flammarion, Camille (1842-1925). Lumen. 1887.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la

BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :

*La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.

*La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits

élaborés ou de fourniture de service.

Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :

*des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sansl'autorisation préalable du titulaire des droits.

*des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque

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4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur

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6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non

respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.

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Pri^ ©0 centimes

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^ AUTEURS CÉLÈBRES >*3

f CAMILLE FLAMM~ÏON

CAMILLEFI,AMMAÏUON

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  \anvuijruneu contremanual).

F. 1URI111I. – IIP, DR LAGNY

CHEZ LES MÊMES ÉDITEURS

ŒUVRES DE CAMILLE FLAMMARION

Ouvragocouronné par l'Académie françaiseAstronomie populaire, quatre-vingtième mille. Un beau volume grand

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CAMILLEFLAMMARION"

 \n~

LU M E N

PARIS

G. MARPON & E. FLAMMARION, ÉDITEURS

RUE RACINE, 26, PRÈS L'ODÉON •

Tou» droits réservés

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1

"LUMEN

PREMIER RÉCIT «

RESURRECTIOPR/ETERITI

I

Qimerens. –Vous m'avez promis, 6-Lumen 1de me

faire le récit de cette heure étrange, étrange entre

toutes, qui suivit votre dernier soupir, et de me

raconter comment, par une loi naturelle, quoique si

singulière, vous revîtes le passé dans le présent, etpénétrâtes un mystère qui était resté si obscurémentcaché  jusqu'aujourd'hui.

Lumen. – Oui, mon vieil ami, je vais tenir ma

promesse, et grâce à la longue correspondance de nos

âmes, j'espère que vous comprendrez ce phénomène« étrange », commevous le qualifiez. Il est des con-

templations dontl'oeil mortel ne peut quedifficilement'.soutenir la puissance. La mort qui m'a délivré des

(1)Écrit eu 1865.

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2 LUMEN•

F.1,1. ~ ,t lon.j .~n<n.ll ': t.o .?" "0 ~ra .l '' IF.nO'lsens faibles et fatigables du corps ne vous a pas encoretouché de sa main libératrice. Vous appartenez aumonde des vivants. Malgré l'isolement de votreretraite, en ces royales tours du faubourg Saint-Jac-

ques, où le profane ne vient point distraire vos médi-

tations, vous faites néanmoins partie de l'existenceterrestre et de ses préoccupations superficielles. Nevous étonnez doncpas, si au moment de vous associer

à la cornaissance de mon mystère, je vous invite àvous isoler davantage encore des bruits extérieurs età m'accorder toute l'intensité d'attention que votre

esprit est capable de concentrer en lui-même.Qimerens. – Je n'ai d'oreilles que pour vous en-

tendre, ô Lumen et je n'ai d'esprit que pour m'appli-quer à vous comprendre. Parlez donc sans crainte etsans détours, et daignez me faire connaître ces im-

pressions inconnues pour moi qui succèdent à la ces-sation de la vie.

Lumen. – A quel point désirez-vous que je com-mence mon récit?

QhuERBNs.– Si vous vous souvenez à pàrtir dumoment où nia main tremblante vous ferma les yeux,  je voua serais reconnaissant de prendre là votre

origine.Lumen. *– Oh I là séparation du principe pensantet de l'organisme nerveux ne laisse dans l'âme au-

cune sortedesouvenir. C*est commesi los impressionsdu-cerveau, qui constituent l'harmonie dela mémoire,'

s'effaçaient, entièrement pour se renouveler bientôtsous un autre mode. La première sensation d'identité

que l'on éprouve après la mort ressemble, à celle quel'on ressent au réveil pendant lit vie, lorsque, reve-

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LA Moftt S

nant peu à peu à la conscience du matin, on ef'

encore traversé par les visions de la nuit. Sollicité

par l'avenir et par le passé, l'esprit cherche à la foisà reprendre pleine possession de lui-même et à saisir

les impressions fugitives du rêve évanoui, qui pas-sent encore en lui, avec leur cortège de tableaux et

d'événements. Parfois, absorbé dans cette rétrospec-

tion d'un songe captivant, il sent sous la paupière quise referme les chaines de la vision se renouer, et le

spectacle se continuer; il retombe à la fois dans le

rêve et dans une sorte de demi-sommeil. Ainsi se

balance notre faculté pensante au sortir de cette vie,entre une réalité qu'elle ne comprend pas encore, et

un rêve qui n'est pas complètement disparu. Les

impressions les plus diverses se mélangent et se

confondent, et si, sous le poids des sentiments péris-sables, l'on regrette la terre d'où l'on vient d'être

exilé, on est alors accablé par un sentiment de tris-

tesse indéfinissable qui pèse sur nos pensées, nous

enveloppe de ténèbres, et retarde la clairvoyance.Qilerens. – Est-ce que vous avez éprouvé ces

sensations immédiatement après la mort?

Lumen. – Après la mort ? Mais la mort n'est pas.Lefait que vous désignez sous ce nom, la séparation

du corps et de l'âme, ne s'effectue pas, à vrai dire,sous uneforme matérielle, comparable;aux séparationschimiques des éléments dissociés que 1"onobservedans le mondephysique. On ne s'aperçoit guère plusde "cette séparation définitive, qui vous semble si

cruelle, que l'enfant nouveau-né ne s'aperçoit de sa

naissance. Nous sommes enfantés à la vie célestecomme nous le fûmes à la vie terrestre. Seulement,

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k LUMEN

l'âme n'étant plus enveloppée des langes corporels

qui la revêtent ici-bas acquiert plus promptement la

notion de son état et de sa personnalité. Cette fa-

culté de perception varie toutefois essentiellementd'une âme à l'autre. Il en est qui pendant la vie du

corps ne s'élèvèrent jamais vers le ciel et ne se senti-

rent jamais anxieuses de pénétrer les lois de la

création. Celles-là, encore dominées par les appétitscorporels, demeurent longtemps à l'état de trouble etd'inconscience. Il enest d'autres, heureusement, qui,dès cette vie, s'envolèrent sur leurs aspirations ailées

vers les cimes du beau éternel; celles-là voient ar-

river avec calme et sérénité l'instant delà séparation:elles savent que le progrès est la loi de l'existence et

qu'elles entreront, au delà dans une vie supérieureà celle d'en deçà; elles suivent pas à pas la léthargie,

qui monte à leur cœur, et lorsque le dernier batte-

ment, lent et insensible, s'arrête en son cours, elles

sont déjà au-dessus de leur corps dont elles ont

observél'endormissement; et, se délivrant des liens

magnétiques, elles se sentent rapidement emporter

par une force inconnue vers le point de la création où

leurs aspirations, leurs sentiments, leurs espérancesles attirent. N

Qu^erens. – L'entretien que j'inaugure en ce mo-

ment avec vous, mon cher maître, me remet en

mémoire les dialogues de Platon sur l'immortalité de

l'âme et comme Phèdre le demandait à son maître

Socrate, le jour même où celui-ci devait prendre la

ciguë pour obéir à l'inique sentence des Athéniens,

 je vous demanderai moi-même, ôvous qui avez passéle terme fatal, quelle différence essentielle distingue

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'•• <•

LE CORPS 5'

l'âme du corps, puisque celui-ci meurt, tandis que la

première ne meurt pas.Lumen. – Je ne donnerai pas à cette question une

réponse métaphysique comme celle de Socrate, niune réponse dogmatique comme celle des théologiens,mais une réponse scientifique car, vous comme moi,nous n'attribuons de valeur qu'aux, faits constatés parles méthodes positives. Or, il y a dans l'homme,comme dans l'univers

lui-même,trois

principesbien

distincts 1°le corps, 2° la force vitale, 3° l'âmeJe les nomme dans cet ordre pour suivre la mé-

thode à posteriori. Le corps est une association de

molécules, formées elle-mêmes de groupements d'a-tomes. Les atomes sont inertes, passifs, immuables etindestructibles. Ils entrent dans l'organisme par larespiration et l'alimentation, renouvellent incessam-ment les tissus, sont remplacés par d'autres, et,chassés par la vie, s'en vont.appartenir à d'autres

corps. En quelques mois, le corps humain est entiè-rement renouvelé, et ni dans le sang, ni dans lachair, ni dans le cerveau, ni dans les os, il ne reste

plus un atome de ceux qui constituaient le corpsquelques mois auparavant. Par le grand médium del'atmosphère surtout, les atomes voyagent sans cesse

d'un corps à l'autre. La molécule de fer est la même,qu'elle soit incorporée au sang qui palpite sous latempe d'un hommeillustre ou qu'elle appartienne àun vil fragment de ferraille rouillée. La moléculed'oxygène est la même, soit qu'elle brille sous leregard amoureux de la fiancée, soit qu'en s'unissàntà l'hydrogène elle jette sa flamme dans Tune desmille lumières des nuits parisiennes ou tombe en

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6 LUMEN

goutte d'eau du sein des nues. Les corps actuellementvivants sont formés de la cendre des morts, et si tousles morts ressuscitaient, il manquerait aux derniersvenus bien des fragments ayant appartenu aux pre-miers. Et, pendant la Jvie elle-même, bien des

échanges se font, entre ennemis comme entre amis,entre les hommes, les animaux, les plantes, qui éton-neraient singulièrement l'oeil analysateur. Ce quevous respirez, mangez et buvez, a déjà été respiré, bu

et mangé des milliers de fois. Tel est le corps unassemblage de molécules matérielles qui se renouvelleconstamment.

La force vitale, la vie, est le principe auquel ces

molécules doivent d'être groupées suivant une cer-

taine forme, et de constituer un organisme,. La force

régit les atomes passifs, incapables de se conduire

eux-mêmes, inertes; elle les appelle, les fait venir,les prend, les place,, les dispose suivant certaines

règles, et forme ce corps si merveilleusement organiséque l'anatomiste et le physiologiste contemplent. Les

atomes sont indestructibles la force vitale ne l'est

pas, Lesatomes n'ont pas d'âge laiorce vitale naît,vieillit, meurt. Un octogénaire est plus âgé qu'unadolescent de vingt ans. Pourquoi? Les atomes quile constituent ne sont en lui que depuis quelquesmois au plus, et d'ailleurs, ne sont ni vieux ni jeunes.Analysés, les éléments constitutifs de son corps n'ont

pas d'âge – Qui est vieilli en lui? C'est sa force

vitale, usée, finie. Comme la ehaleui», l'électricité, la

vie, est une force, engendrée par certaines causes.

JLU,ese transmet parla génération» Slle entretient le

corps instinctivement et sans avoir conscience d'elle-

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L'AME 7

même. Elle a un commencement et une fin. Elle estle principe vital force physique inconsciente, orga-nisatrice et conservatrice du corps.

L'âme est un être intellectuel, pensant, immatériel.Le monde des idées, dans lequel elle vit, n'est pas lemonde de la matière. Elle n'a pas d'âge, ne vieillitpas. Elle n'est pas changée en un mois ou deuxcomme le corps car après des mois, des années, desdizaines

d'années,nous sentons

quenous avons

gardénotre identité, que notre moi est resté» Autrement si

l'âme n'existait pas, et si la faculté de penser étaitune propriété du cerveau, nous -ne pourrions plusconcinuer de dire que nous avons un corps ce seraitnotre corps, notre cerveau -quinous aurait, D'ailleurs,de période en période, notre conscience changerait,nous n'aurions plus la certitude ni même 1*>senti-ment de notre identité, et nous ne serions plus res-ponsables des résolutions sécrétées par les moléculesqui passèrent par notre cerveau plusieurs mois aupa-ravant. L'âme n'est pas la force vitale) car celle-ci estmesurable, transmet par génération, n'a pas cons-

cience d'elle-même, naît, grandit» décline et meurt.états tout opposés à ceux de l'âme, immatérielle, sansmesure, non transmissible, consciente. Le dévelop-pement de Ut force vitale peut être représentégéométriquement par un fuseau, qui va en se renflantinsensiblement jusqu'au milieu, puis décroît et devientnuL Au milieu de la vie, l'ame ne se dégonfle pas(si J8 puis employercette comparaison) pour s'amoin-drir en fuseau et avoir une fin, maiscontinue d'ouvrirsa paraboïe, lancée dans l'infini. D'ailleurs le moded'existehee de l'âme est essentiellement différent de

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11.1

8

1-

LUMEN

celui de la vie. C'est un modo spirituel. Le sentiment

du juste ou de l'injuste, du vrai ou du faux, du bon ou

du mauvais; l'étude, les mathématiques, l'analyse, la

synthèse, la contemplation, l'admiration, l'amour,l'affection oula haine, l'estime ou le. mépris, en un

mot, les occupations de l'âme, quelles qu'elles soient,sont de l'ordre intellectuel et moral, que ni les atomes;ni les forces physiques ne peuvent connaître, :et qui

existe aussi réellement que l'ordre physique.Ces trois éléments de la personne humaine, nous

les retrouvons dans l'ensemble de l'univers 1° les

atomes, les mondes matériels, inertes,'passifs; 2»lesforces physiques, actives, qui régissent les mondes3* Dieu, l'esprit éternel et infini, organisateur intellec-

tuel des lois mathématiques auxquelles les forces obéis-

sent.. Dieu inconnu, en qui résident les principes

suprêmes du vrai, du beau et du bien.

L'âme ne peut être attachée au corps que par la

force vitale intermédiaire. Lorsque la vie s'est éteinte,l'âme se "séparenaturellement de l'organisme et cesse

d'avoir aucun rapport immédiat avec l'espace et le

temps. Elle n'a aucune densité, aucun poids. Après lamort, l!âme reste dans le lieu'du ciel où se trouve laTerre au moment de la séparation. Vous savez que la

Terre est une planète du ciel, aussi bien que Vénus ou

Jupiter. La Terre continue de courir le long de son

orbite, en raison de 26,800 lieues à l'heure>dé telle

sorte qu'une heure après la mort, l'âme se trouve a

cette distance de son corps, par lé seul fait de son

dégagement des lois de la matière et de #en immobi-

lité dans l'espace. Ainsi, nous sommes dans le ciel

immédiatement après notre mort, comme du reste

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L'AME 9

nous y avons été tout le temps de notre vie. Seulementnous n'avons plus de poids qui nous cloue à la planète.J'ajouterai, toutefois, qu'en général l'âme est quelquetemps à sedégager entièrement de l'organisme nerveux,et que parfois elle reste plusieurs jours, plusieurs moismême, magnétiquement reliée à son ancien corpsqu'elle n'aime pas abandonner.

QujErens. – C'est la première fois que je conçoissous une forme sensible ce fait non surnaturel de lamort, et que je comprends l'existence individuelle del'âme, son indépendance du corps et de la vie, sapersonnalité, sa survivance et sa situation si simpledans le ciel. Cette théorie synthétique me prépare, jel'espère, à entendre et apprécier votre révélation.

Un événement singulier vous frappa, m'avez-vousdit, à votre entrée dans la vie éternelle. Vers quelmoment survint-il ?

Lumen. – Voici, mon ami. Laissez-moi suivre manarration. Minuit sonnait, vous le savez, au timbresonore de mon vieux tableau, et la pleine lune, aumilieu de

sa course, versait sa pâle clarté sur mon litmortuaire, quand ma fille, mon petit-fils et leurscompatriotes se reposèrent pour prendre quelquerepos. Vous voulûtes rester à mon chevet, et pro-mîtes à ma fille de ne pas me quitter jusqu'au matin. Jevous remercierais de votre dévouement si tendre etsi passionné, si nous n'étions de vieux amis. Il y avaitbien une demi-heure que nous étions seuls, car l'astredes nuits déclinait a droite, lorsque je vous prisla main et vous annonçai que la vie abandonnait déjàl'extrémitéde mes membres. Vous m'assuriez du con*traire mais j'observais avec calme mon état physio-

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10 LUMEN

logique, et je savais que peu d'instants restaient en-core à marespiration. Vous vous dirigeâtes doucementvers l'appartement de mes enfants mais (je ne saispar quelle concentration d'efforts) je pus parvenir àvous crier d'arrêter. Vous revîntes, les larmes auxyeux, mon ami, et vous me dîtes « C'est vrai, vosdernières volontés sont données et demain matin ilsera temps encore de faire venir vos enfants. » II y

avait dans ces paroles une contradiction que je ressen-tis sans le faire paraître. Vous souvenez-vous qu'alors je vous priai d'ouvrir la fenêtre. Quelle belle nuitd'octobre, plus belle que celle des bardes d'Ecossechantée par Ossian Non loin de l'horizon et sousmes yeux, on distinguait les Pléiades, voilées par lesbrumes inférieures. Castor et Pollux planaient victo-rieusement dans le ciel, un peu plus loin. Et au-dessus, formant un triangle constellé avec les précé-dentes, on admirait dans la constellation du Cocher unebelle étoile aux rayons d'or, qui, dessinée au bord descartes zodiacales, se nomme Capellaou la Chèvre,

Vous voyez que la mémoire ne me fait pqs défaut.Lorsque vous eûtes ouvert la haute fenêtre, les par-fums des roses endormies sous l'aile de la nuit montè-rent jusqu'à moi et se mêlèrent aux rayons silencieuxdes étoiles*.Vous exprimer quelle douceur versèrenten mon âme ces impressions, les dernières quela terrem'adressait, les dernières que goûtaient mes sens nonencore atrophiés, serait au-dessus de mon langage»Pans mes heures de plus tendre ivresse et de plussuave bonheur, je n'ai pas ressenti cettejoie immense,cette sérénité glorieuse, cette jouissance déjà céleste,que me donnèrent ces minutes d'extase entre le souffte

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L'HEURE DE LA MORT 11

parfumé des fleurs et le regard si tendre des étoileslointaines..

Et lorsque vous revîntes vers moi, je m'étais re-tourné vers le monde extérieur, et les mains jointesdevant ma poitrine, je laissais ma vue et ma penséeprier ensemble et s'envoler dans l'espace. Et commemesoreilles allaient bientôt se fermer pour toujours,

  je mesouviens des dernières paroles que mes lèvres

prononcèrent « Adieu, mon vieil ami, je sens quela mort m'emporte. vers ces régions inconnues oùnous nous retrouverons un jour. Quand l'auroreeffacera ces étoiles, il n'y aura ici qu'une dépouillemortelle. Vous répéterez à ma fille qje la dernièreexpression de mon désir, c'est qu'elle élève ses en-fants dans la contemplation des biens éternels. »

Et comme tu pleurais, et que tu demeurais à ge-noux devant mon lit, j'ajoutai « Récite la belleprière de Jésus. » Et tu commenças à dire de ta voixtremblante le Notre J'm.

« Pardonnez-nous. nos. offenses.»» comme

nous.pardonnons.ai., ceux.

qui. nous. ont.offensés. »Telles sont les dernières pensées qui arrivèrent à

mon âme par l'intermédiaire des sens, Ma vue setroubla en», regardant l'étoile de Capella, et je nesais riea de ce qui suivit immédiatement cet instant..

Les années, les jours et les heures sont constituéspar les mouvementsde la Terre. En dehors de cesmouvements, le temps terrestre n'existe plus dans

l'espace: il est donc absolument impossible d'avoirnotion deoe temps. Je pense néanmoins que c'est le

 jour même de ma mort Qu'arriva l'événement «Jueje

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12 LUMEN

vais vous décrire. Car, comme vous vous en aper-cevrez tout à l'heure, mon corps n'était pas encoreenseveli lorsque cette vision fut offerte à mon âme.

Né en 93, j'étais dans ma soixante-douzièmeannée, et je ne fus pas médiocrement surpris de mesentir animé d'un feu et d'une agilité d'esprit nonmoins ardents qu'aux plus beaux jours de mon ado-lescence. Je n'avais pas de corps, et cependant j e

n'étais pas incorporel, car je sentais et je voyaisqu'une substance me constituait; toutefois, il n'y aaucune analogie entre cette substance et celles quiforment les corps terrestres. Je ne sais comment jetraversai les espaces célestes, et par quelle force jeme trouvai bientôt approchant d'un magnifique so-leil d'or dont la splendeur ne m'éblouissait pour-tant pas, et entouré, comme il me le parut à distance,d'un grand nombre de mondes enveloppés chacund'un ou plusieurs anneaux. Par cette même forceinconsciente je me trouvai vers l'un de ces anneaux,spectateur d'indéfinissables phénomènes [de lumière,car l'espace étoile était comme traversé par des

ponts d'arcs-en-ciel. Je ne voyais plus le soleil d'or,et  j'habitais une sorte de nuit colorée de nuancesmulticolores.

La'vue de mon âme était d'une puissance incompa-rablement supérieure à celle des yeux de l'organismeterrestre que je venais de quitter; et, remarquesurprenante, sa puissance me paraissait soumise à

la volonté. Cette vue de l'âme est si merveilleuseque je ne m'arrêterai pas aujourd'hui à la; décriçe.Qu'il me suffise de vous faire pressentir qu'au lieude voir Mmplementles étoiles dans le ciel, comme

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VUE DE L'AME, DANS LE CIEL 13

vous les voyez de la Terre, je distinguais clairementles mondes qui gravitent alentour et, remarquebizarre, lorsque je désirais ne plus'voir l'étoile afinde n'en être pas gêné pour l'examen de ces mondeselle disparaissait de ma vision et me laissait end'excellentes conditions d'observer l'un de cesmondes

(').De

plus, lorsquema vue se concentrait

sur un monde particulier, j'arrivais à distinguer lesdétails de sa surface, les continents et les mers, lesnuages et les fleuves, et quoiqu'il ne me parût pasgrossir visiblement à mes yeux comme lorsqu'on sesert du télescope, je parvenais, par une intensitéparticulière de concentration dans la vue de monâme, à voir l'objet sur lequel elle 'se concentrait,comme par exemple une ville, une campagne.

En arrivant sur ce monde annulaire, je me trouvaiune forme analogue à celle de ses habitants, commesi mon âmeavait attiré à soi les atomes constitutifsd'un nouveau corps. Sur la Terre, les corps vivants

sont composés de molécules qui ne se touchent pas,qui se renouvellent constamment par la respiration,la nutrition, l'assimilation ici, l'enveloppé de l'âmeest formée Beaucoup plus vite. Je me sentis vivant,beaucoup mieux que les .êtres surnaturels dont leDante a chanté les passions et les regrets, L'une desfacultés essentielles des habitants de ce nouveaumonde est certainement celle de voir d'aussi loin.

QVjErens. – Mais, mon ami (excusez ma remarque

(1) If anatomiephysiologique transcendanteexpliqueraitpeiit-ôtre;cefait, en proposantd'admettrequelepunctumex-eumse

déplacépour masquerl'objet qu'on"neveut plusvoir.

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14 LUMEN

peut-être naïve), est-ce qu'à cette grande distance lesmondes ou les planètes qui circulent autour de

chaque étoile ne se confondent pas dans cette étoilemême? Par exemple, est-ce qu'à la distance où vousvous trouviez alors, les planètes de notre système nesont pas confondues dans notre étoile, dans notresoleil? est-ce que vous auriez pu distinguer la Terre?

LUMEN. Vous avez saisi de prime-abord la seule

objection géométrique qui paraisse contrarier l'obser-vation précédente. En effet, à une certaine distancé,les planètes sont absorbées dans le rayonnement deleur soleil, et nos yeux terrestres auraient peineà les distinguer. Vous savez que, dès Saturne, on ne

distingue déjà presque plus la Terre. Mais il importede réfléchir que ces 'difficultés dépendent autantde l'imperfection de notre vue que de la loi géomé-trique de là décroissance des surfaces. Or, dans lemonde à bord duquel je venais d'arriver, les êtres,non incarnés dans une enveloppe grossière commeici-bas, mais libres et doués de facultés d'aperception

élevées à un éminent degré de puissance, peuvent,comme je vous l'aï dit, isoler la source éclairante de

l'objet éclairé, et de plus, apercevoir distinctementdes détails; qui* à cet éloignement, seraient absolu-luriient dérobés, aux yeux des organismes terrestres.

QtjjBrKns, – Est-ce qu'ils se servent pour celad'instruments supérieurs à nos télescopes?'?

Lumen. Si, pour être moins rebelle» l'admissionde cette merveilleuse faculté, il vous est plus facilede les concevoir munis d'instruments, vous le pou-vez par théorie. Il vous est loisible d'imaginer deslunettes qui; par Une succession de lentilles et un

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VUE DE L'AME, DANS LE CIEL 15

e ma mt r la l 'l1~ n¡' 1' 1O 'maQ r· an r. r· nr hn nf en nn oe ci~arrangeaient de diaphragmes rapprochent successi-vement les mondes et isolent de la vue le foyer illu-minateur pour laisser à l'observation le seul mondede son étude. Mais je dois vous avertir que ces êtressont doués d'un sens spécial différent de leur vue ordi-

naire, et qu'ils savent développer ce sens par des pro-cédés optiques merveilleux. Il est bien entendu que

cette puissance de vue et cette construction optiquesont naturelles en ces mondes, et non pas surnatu-

relles. Pensezun peu aux insectes qui jouissent de la

propriété de raccourcir ou d'allonger leurs yeuxcomme les,tubes d'une lunette, d'enfler ou d'aplatirlour cristallin pour en faire une loupe de différents

degrés, ou encore de concentrer au même foyer une

multitude d'yeux braqués commeautans, de micros-

copes pour saisir l'infiniment petit, et vous pourrezplus légitimement admettre la faculté de ces êtres

ultra-terrestres.Qu^erens. – Sans pouvoir me ±a figurer, puis-

qu'elle résida endehors de mon expérience, je con-

çois cette possibilité. Ainsi, voua pouviez voir laTerre, et distinguer, même de là-haut les villes, et les

villages de notre bas-monde.Lumen. – Ëaissez-moi poursuivre. J'arrivai donc

sur l'anneau mentionné plus haut, dont la, largeur

os*, assez vaste pour quedeux cents terres comme la

vôtre pussent y rouler de front et je me trouvai sur

une montagne couronnée de pa|ai$ végétaux. Du

moins il me sembla que ces châteaux féeriquescroissaient naturellement, ou n'étaient que le résul-

tat d'un facile arrangementde branches et de hautesfleurs. C'était une ville assez populeuse; Sur le som-

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16 LUMEN

met de la montagne où j'abordai, je remarquai un

groupe de vieillards au nombre de vingt-cinq outrente, qui regardaient avec l'attention la plus obs-tinée et la plus inquiète une belle étoile de la cons-tellation australe de l'Autel, sur les confins de la Voielactée. Ils ne remarquèrent pas mon arrivée au mi-lieu d'eux, tant leur multiple attention était exclusi-vement

appliquéeà l'examen de cette

étoile,ou d'un

monde de son système.

Quant à moi, je m'étais trouvé, en arrivant dans

cette atmosphère, revêtu d'un corps matériel de lamême forme que le leur, et, surprise plus grandeencore, je ne fus pas médiocrement étonné de les en-tendre parler de la Terre; oui, de la Terre, en cette

langue universelle de l'esprit que tous les êtres com-

prennent, depuis le séraphin jusqu'aux arbres desforêts. Et non seulement ils s'entretenaient de laTerre, mais encore de la France. « Pourquoi cesmassacres réguliers ? se disaient-ils entre eux. Faut-

il donc que la force brutale règne en souveraine ? Laguerre civile va-t-elle donc décimer ce peuple jus-qu'au dernier de ses défenseurs, et laver de flots de

sang les rues de cette capitale naguère si riante et si

pompeusement parée. » •

Je ne comprenais rien à ce langage, moi qui ve-nais de la Terre avec une vitesse rapide comme lapensée, et qui, hier encore, avais respiré au seind'une capitale tranquille et pacifique.1Je me réunis àleur groupe et je fixai comme eux mes regards sur labelle étoile. Bientôt, en écoutant leur conversation eten cherchant avidement à distinguer les choses ex-

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LE SYSTÈME SOLAIRE, DANS LE CIEL 1?

vv':(u.ç;¡1,¡

2

traordirtaires dont ils parlaient, je vis à gauche del'étoile une sphère bleu pâle c'était la Terre. Vousn'ignorez pas, mon ami, que, malgré le paradoxe ap-parent, la Terreest véritablement un astre du ciel,comme je vous le rappelais, il n'y a qu'un instant. t)eloin, dé l'une des étoiles voisines de votre système,ce système apparaît à la vue spirituelle dont  je par-lais, comme une famille d'astrés, composée dé huit

mondes principaux serrés autour du Soleil devenuétoile. Jupiter et Saturne frappent d'abord l'attentionà cauSè de leur grosseur puis, on ne tarde pas à re-marquer tlraiius et Neptune, ensuite, tout près duSoteii-étoilë, Mars et la terre. Vénus est très diffi-cîïé à apercevoir, et Mercure reste invisible à causede sa proximité par trop grande du Soleil, Tel est lesystème planétaire dans le ciel.

Mon attention s'attacha exclusivement â là petitesphère terrestre, h côté de laquelle je reconnus laLune, fiientôt je remarquai les neiges Manches dupoie boréal, le triangle jaune de l'Afrique, les con-tours del'océan, et commemon attention était ini-quement fixée sur notre planète, le 'Soleil-étoile s'é-clipsa de ma vision. Puis, successivement, peu àpou, je parvifts à distinguer dans la fcpfeêjhe,ati mi-lieu des régions azurées, une sorte de dêdbffljmrebistre, et, en poursuivant mon investigation1; à dé-couvrir une ville au sein de cette découpure. Jen'eus pas de peine à reconnaître que la découpurecontinentale était la France et que la ville était Paris,Lo premier signe auquel je reconnus là capitale futle ruban argenté de la Seine, qui décrit coquettement

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18 LUMEN

tant de circonvolutions sinueuses à l'ouest de la

grande ville.

En me servant de leur appareil optique, je pénétraidans plus de détails. La nef et les tours de Notre-Dame que je voyais par en haut formaient bien unecroix latine à lu pointe orientale dp la Cité les bou-levards étendaient leur ceinture au nord. Au sud, jereconnus le jardin du Luxembourg et l'Observa-

toire. La coupole du Panthéoncoiffait d'un

point grisla montagne Sainte-Geneviève. A l'ouest, la grandeavenue des Champs-Elysées dessinait sa ligne droiteon distinguait plus loin le bois de Boulogne, les en-

virons de Saint-Cloud, les bois de Meudon, Sèvres,

Ville-d'Avray et Montretout. Cette scène était éclai-rée par un splendide soleil; mais, spectacle éton-

nant, les collines étaient couvertes de neige, commeau mois de janvier, tandis que j'avais les pay-sages d'octobre entièrement verts. J'eus bientôt lacertitude que c'était bien Paris que ma vue avait at-

teint mais comme je ne comprenais pas davantageles exclamations de mes voisins, je fis mes efforts

pour chercher à mieux distinguer encore les détails.Ma vue se reposa de préférence sur l'Observatoire;

c'était mon quartier favori, et depuis quarante ans jel'avais à peine quitté quelques mois. Or, jugez quellefut ma surprise, lorsque ma vue s'étant faite pluscomplètement au tableau, je m'aperçus qu'il n'yavait plus d'avenue entre le Luxembourg et l'Obser-

vatoire, et que cette magnifique allée de marronniersavait fait place à de petits jardins. Mes rancunesd'artiste contre les empiétements de> rédilitépari*sienne se réveillèrent, mais elles furent rapidement

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LA TERRE VUE DU CIEL Î9

suspendues par des préoccupations plus fortes. ,Uncouvent dormait au beau milieu du verger 1 Lé bou-levard Saint-Michel n'existait pas non plus, ni larue de Médicis c'était un amalgame de petites rues,et il me sembla reconnaître l'ancienne rue de l'Est,la place Saint-Michel, où jadis une antique fontainedonnait l'eau aux habitants du faubourg, et une sériede ruelles que j'avais vues anciennement. L'Obser-vatoire lui-même était dépouillé de ses coupoles lesdeux ailes latérales avaient également disparu. Peu à

peu, en continuant mon investigation, je vis qu'audétail Paris avait infiniment changé. L'Arc de tri-

omphe de l'Etoile n'existait pas, ni une seule desavenues brillantes qui y viennent aboutir. Le boule-vard de Sébastopol n'existait pas davantage, ni lagare de l'Est, ni aucune des autres gares, ni aucuneligne de chemins de fer 1 La tour Saint-Jacques étaitenfermée dans une cour de vieilles maisons, et la co-lonne de la Victoire s'était rapprochée d'elle. La co-lonne de la Bastille était pareillement absente, car

 j'aurais facilement reconnu le génie au reflet du so-leil. La colonne Vendôme me parut remplacée parune statue équestre. La rue Castiglione était un vieuxcouvent vert. La rue de Rivoli avait disparu. LeLouvre n'étaït pas achevé, ou démoli. Entre la courde François Ier et les Tuileries, on voyait des ma-sures entassées, de vieilles terrasses et des mansar-des. Sur la place de la Concorde, il n'y avait pas lemoindre obélisque, mais une foulé remuante que jene distinguai pas d'abord la Madeleine ni la rueRoyale n'étaient visibles. Il y avait une petite île der-rière l'île Saint-Loujs. Les boulevards extérieurs n'é-

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20 LUMEN

taient autres que l'ancien mur de ronde, et les forti-fications avaient refermé leur ceinture. Enfin, touten reconnaissant la capitale de la France par les édi-fices qui lui restaient et quelques quartiers non trans-

formés, je ne savais que penser d'une métamorphosesi merveilleuse qui, du jour au lendemain, avait ra-dicalement changé l'aspect de la vieille ville.

  îl mevint d'abord à l'esprit qu'au lieu de mettre

ti'ès peu de temps à venir de la Terre, j'avais sansdoute été plusieurs années, et peut-être même plu-sieurs siècles, en route. Comme la notion du temps estessentiellement relative, et que la mesure de la duréen'a rien de réel ni d'absolu, une fois séparé du globeterrestre, j'avais perdu par là même toute mesure

fixe, et je me disais que les années et les siècles même

auraient pu passer devant moi sans que je m'en aper-çusse, car l'intérêt si vif que j'avais pris à ce voyagene m'avait pas fait trouver le temps long, expres-sion vulgaire qui dénote la relativité de cette sensa-tion dans notre âme. N'ayant aucun moyen de m'as-

surer du lait, j'aurais sans doute fini par croire queplusieurs siècles me séparaient déjà de la vie terres-tre et que j'avais sous les yeux le Paris du vingtièmeou. du vingt-unième siècle, si je n'avais approfondidavantage l'examen de mon tablean. 1

En effet, je m'identifiai successivement à l'aspectde la ville, et j'arrivai par gradation à retrouver des

emplacements, des rues et des édifices que j'avaisconnus dans mon jeune âge. L'Hôtel de ville m'appa-rut tout pavoise, et le château des Tuileries me pré-senta son dôme carré ceatral. Un petit détail actevama reconnaissance, lorsqu'au milieu du jardin d'un

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:1LA TERRE VUE DU CIEL

2t

I

ancien couvent de la rue Saiût-Jacques,, je remarquaiun pavillon dont la vue me fit tressaillir. C'est là que

 j'avais rencontré, dès mon adolescence, la femme quim'aima d'un si profond amour; mon Eivlys si tendreet si dévouée, qui abandonna tout pour se livrer àma destinée. Je revis la petite coupole de la terrasse,devant laquelle nous aimions à rêver le soir, et ùétudier les constellations. Oh

comme jesaluai

avec joieces promenades où nous avions marché, accordantnos pas l'un' sur l'autre, ces avenues sous lesquellesnous fuyions les regards indiscrets du monde jaloux.Je regardai ce pavillon que je reconnus tel qu'il était

alors, et vous devine? que cette vue suffit à elle seulepo,ur compléter nies indications et me convaincre,d'une eanviction invincible et inébranlable), que loin

d'avoir sous les yeux, comme, il était si naturel dele penser, le Paris d'après ma mort, j'avais le Paris

di^aru le vieux Paris du commencement du siècleou de Ici.fin du siècle dernier

Vous vous figurez facilement, néanmoins, que,malgré l'évidence. je ne pouvais en croire mes yeux.II me paraissait plus naturel d'admottre que Parisavait tellement vieilli, avait subi de telles transjor-matàftnsr depuis mon départ de la Terre (intervalledon la durée m'était absolument inconnue), que

 j'avais sou» ;es yeux la yillo de l'avenir, si jepuis exprimer par cette figure un fait qui auraitété présent pour moi. Je continuai donc attentivementnaos phjsepvalion pour constater si décidément c'étaitbien l'amim P.arfs, en partie démoli aujourd'hui, que

 j'avais sous les yeux, ou si, par un phénomène nonw

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~i, 22C)LUMEN t

moins incroyable, c'était un autre Paris, une autreFrance, une autre terre.

II

QujErens. – Quelle situation extraordinaire pour

votre esprit analysateur, ô Lumen 1 Par quel moyenvous fut-il possible d'arriver à reconnaître la réalité ?!

Lumen. – Les vieillards de la montagne avaientcontinué leurs conversations, pendant que les ré-flexions précédentes s'étaient succédé dans mon esprit.Tout à coup, j'entendis le plus ancien, esprit véné-rable dont la tête nestorienne commandait à la foisl'admiration et le respect, s'écrier d'une voixtristementretentissante

« A genoux 1 mes frères, demandons l'indulgenceau Dieu universel. Cette terre, cette nation, cettecité, continue ses crimes une nouvelle tête, celled'un roi, vient de tomber1 »

Ses compagnons parurent le comprendre, car ilss'agenouillèrent sur la montagne, et prosternèrentleurs blancs visages contre le sol.

Pour moi, qui n'étais pas encore parvenu Adistin-

guer les hommes au milieu des rues et des placespubliques, et qui n'avais pas suivi l'observation parti-culière de ces vieillards, je restai debout et poursuivisavec plus d'instance mon examen.

« Étranger, me dit le vieillard, blâmez-vous l'actionunanime de vos frères, puisque vous n'unissez pointvotre prière à la leur? »

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l 'étoi le capfxla 23

Sénateur, lui répondis-je, je ne puis blâmer ni

approuver ce que je ne comprends pas. Arrivé sur

cette montagne depuis peu, je ne connais pas lacause de votre religieuse imprécation.

Alors je m'approchai de l'ancien, et tandis que ses

compagnons s'étaient relevés et s'entretenaient pargroupes, je lui demandai de me faire le récit de ses

observations.

II m'apprit que, par l'intuition dont sont doués lesesprits du degré de'ceux qui habitent ce monde et parla faculté intime d'aperception qu'ils ont reçue en

partage, ils possèdent une sorte do relation magné-

tique avec les étoiles avoiSinantes. Ces étoiles sontau nombre de douze ou quinze ce sont les plus rap-prochées hors de cette région l'aperception devientconfuse. Notre soleil est l'une de ces étoiles voisines.Ils connaissent donc vaguement, mais sensiblement,l'état des humanités qui habitent les planètes dépen-dantes de ce soleil, et leur degré relatif  d'élévationintellectuelle ou morale.

De plus, lorsqu'une grande perturbation traversel'une de ces humanités; soit dans l'ordre physiquesoit dans l'ordre moral,, ils en subissent une sorte de

commptiorfintime, comme on voit une corde vibrante,tarée entrer en vibration une autre corde située àdistance.

Depuis un an (l'année de ce monde est égale à dixdes nôtres), ils s'étaient sentis attirés par une émotion

particulière vers la planète terrestre et les observa-teurs avaient suivi avec intérêt et inquiétude lamarche de ce monde. Ils avaient assisté à la fin d'un

règne, à l'aurore d'une liberté resplendissante, à la

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£4 LUMEN

ir^nconquête des droits de l'homme, à l'affirmation des

grands principes de la dignité humaine. Puis ilsavaient vu la grande cause de la Liberté mise en

péril par ceux qui auraient dû se faire ses premiers dé-fenseurs, et la force brutale se substituer au raison-

nement et à la persuasion. Je compris qu'il s'agissaitde la grande révolution de 89, et de la chute de

l'ancien monde politique devant le nouveau.Pepuisquelque temps surtout ils avaient douloureusement

suivi les œuvres de la Terreur et fe tyrannie des bu-

veurs, de sang. Ils craignaient pour les jours de la

terre et doutaient désormais du progrès de cette hu-

manité émancipée qui perdait elle-mêpe le trésor

qu'elle venait de conquérir.,fe me gardai bien de faire connaître au ^énçkteur

qtte j'arrivais de la Terre moi-même, et que je l'avais,habitée pendant soixante-douze ans. Je ne sais s'il e»

eût quelque intuition; mais j'étais moi-même si étran-

gement surpris de cette vision, que mon esprit ôlflif tout entier à elle et ne songeai plus à nia perspnai^çs.

Ma vue s'était enfin assimilée, au spectacle, observé,et je distinguai au milieu de la placé 4e la Qmcgrcte

un échafaud entouré d'un formidable aPPfrelt de

guerre.tïne charrette menée par iw Jioinme rouge emnçvr*

tait les restes de Louis XVI; de nouvelles existences

venaient d'être tranchées, et des tombereaux se diri-

geaient du côté du faubourg Saint-Honpré.

Une populace ivre montrait le poing au ciel.

Des cavaliers se suivaient lugubrement, le sabre

au poing. On voyait vers les Champs-Elysées des

fossés dans lesquels tombaient los curieux.

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L'ÉTOILE CAPELLA 25

Les arbres irréguliers étaient sans feuilles, et c'é-tait plutôt un deuil qu'une mort. J>es sans-culottes,grimpés jusqu'aux cimes, agitaient leurs bonnets, etdans les rues lointaines c'est à peine si 4e rares pas-sants osaient affronter ees solitudes.

Je n'avais pas assisté >«l'événfcin&ntde 9S, puisquecette année était celle de ma naissance, et j'éprouvais;

un indicible intérêt à me trouver témoin de cettescène,,dont les historiens m'avaient entretenu. Mais,quelque immense que fût cet intérêt, vous concevrezqu'il était dominé par un sentiment plus puissantencore celui de me savoir à la fin de l'année.1864, etde noir yvésentement devant moi un fait accompli à dafia du siècle dernier.

Qp^iRBNS.–- II me semb,lo,en efiet, que ce sentirmentd'impossibilité devait singulièrement tempérervotre contemplation. Car enfin, c'est là une visionque noua sentons radicalement illusoire, et dont nousne pouvons admettre la réalité, même en la voyant.

I^BBjiBN.– Oui, monami, impossible. Or, compre-nez-vous dan» quel état je me trouvais, en voyant demes propres yeux ce paradoxeréalisé? Uiie expressionpopulaire dit ç^ue parfois « on ne peuf en croire ses,yeux: » c'était bien là ma position. Impossible danier ce queje voyais; impossible de l'admettre.

QujgBuits. – Mais n'étail-co pas uneconception devotre esprit, une création de votre imagipatio^, uneréminiscence de votre souvenir? Ave?-vous acquis lacertitude que c'était là une réalité, et non pas unreflet bizarre de la mémoire?

kfiMEi**– C'est la première réftexio» qui rne vint hl'esprit. Maisil m'était si évident que j'avais sous les

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26 LUMEN

yeux le Paris de 93 et l'événement du'21 janvier, que

 je ne pus en douter longtemps. Et d'ailleurs cette

explication était d'avance renversée par ce fait queles vieillards de la montagne m'avaient précédé dans

cette observation, qu'ils voyaient, analysaient et se

communiquaient l'action présente, sans connaître en

aucune façon l'histoire de la Terre, ni savoir que jeconnaissais cette histoire. D'ailleurs nous avions

sous les yeux un fait présent et non pas un fait.passé.

Qu;erens. – Mais alors, si le passé peut se fondre

ainsi dans le présent, si la réalité et la vision se

marient de la sorte, si des personnages morts depuislongtemps peuvent encore être vus jouant sur la

scène si les constructions nouvelles et les métamor-

phoses d'une ville comme Paris peuvent disparaîtreet laisser voir à leur place la cité d'autrefois si enfin

le présent peut s'évanouir pour la résurrection du

passé; sur quelle certitude pouvons-nous désormais

nous confier? Que devient la science de l'observation?2

que deviennent lesdéductions et les théories? sur

quoi sont fondées nos connaissances qui nous parais-sent le plus solides? et si ces choses sont vraies, ne

devons-nous pas désormais douter de tout ou croire

à tout?~LiiMEN, Ces considérations et bien d'autres, mon

ami, m'ont absorbé et tourmenté mais elles n'ont

pas empêché d'être la réalité que j'observais. Lorsque

 j'eus acquis la certitude que nous avions présente sous

les yeux l'année 1793, je songeai tout de suite quela science elle-même, au lieu de combattre cette

Réalité (car deux vérités ne peuvent être opposée l'une

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l 'étoile CAPELLA 27

à l'autre) devait m'en donner l'explication. J'interro-

geai donc la physique, et j'attendis sa réponse.QUiERENs.– Comment? Le fait serait réel.LUMEN. Non seulement réel, mais compréhén-

sible et démontrable. Vous allez en recevoir l'expli-cation astronomique.

J'examinai d'abord la position de la Terre dans

la constellation de l'Autel, dont je vous ai parlé. Enm'orientant relativement à l'étoile polaire et au zo-

diaque,je remarquai que les constellations n'étaientpas trop différentes de celles que l'on voit de laTerre, et qu'à part quelques étoiles particulières,leur position était sensiblement la même. Orion ré-gnait encore à l'ex-équateur terrestre; la GrandeOurse, arrêtée dans sa course circulaire, rappelaitencore le nord. En me reportant aux coordonnéesdes mouvements apparents, suspendus désormais,

 je déterminai alors que le point où je voyais legroupe du Soleil, de la Terre et des planètes,

devait marquer la dix-septième heure d'ascensiondroite, c'est-à-dire le 256e degré, ou à peu près. (Jen'avais pas d'instrument pour prendre une exactemesure.) J'observai en second lieu qu'elle se trou-vait vers le 44° degré de distance du pôle sud. Cesrecherchés avaient pour but de me faire connaîtrel'étoile surlaquelle j'étais maintenant. Elles me firentarriver à cette conclusion que je devais être sur unaslre situé vers le 76e degré d'aseension droite etvers le 46e degré de déclinaison boréale. Je savaisd'un autre côté, par les paroles du vieillard, quel'astre où nous nous trouvions n'était pas trèséloigné de notre soleil, puisque celui-ci comptait

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28 LUMEN

parmi les astres voisins. A l'aide de ces données, jepus facilement chercher dans mon souvenir quelloétoile s'accordait avec les positions déterminées.Une seule y répondait, c'était l'étoile de première

grandeur alpha du Cocher, nommée aussi Capella oula Ckèvre.Il n'y avait point la moindre incertitudessur ce point.

Ainsi j'étais, alors certainement sur un monde dé-

pendant du système de cette étoife. De là, le soleil faitl'effet d'une simple étoile, qui, par suite du voyage,est allée se placer en perspective devant et dans la

Constellation de l'Autel, située juste à. l'opposé decelle du Cocher pour un habitant d© la Terre.

Dès lors je cherchai à me souvenir quelle était la

parallaxe 4e cette,étoile, je me rappelai qu'un as-

tronome russe de mes amis l'avait calculée, et queson calcul ayant été confirmée, cette parallaxe étaUreconnue 0", 046. –-   j'avançais rapidement yera la

solution du mystère, et won cepur battait de joie.Tout géomètre sait que la parallaxe indique mathé-

matiq,uemer>tla distance, ew unHés de }a grandeuremployée. J'allais donc me souvenir exactement dela djst$ncequj sépare cette ^tpiite de la, Terre, etmême qu besoin pouyai la calculer: il aaffisait, pourcela de çher«|^er quel nombre çorrespoiicl à, Q",Q46(1)-).

1. Nul n'ignore qoeplus unobjetest étoigné,jjtngil piirattpetit. Un objet, qui n'est vu que kqusUn angle d'une se-conde,est éloigné de20ft,?95fois sa grandeur, quellecju'eUesois car il y a 1, 290,000secondesdans une circonférence;le rapportdela circonférenceamdiamètre est de3, 14159,et

*29^0.0(>=203,285.L'étoileCapellane voyant ledemi-dia-3H159+2

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l'étôiLë CAPËLLA 29

Exprimé eh millions de lieues, ce nombre est de

170, 392, 000. Ainsi de 'l'astre sur lequel je me trou-

vais, pour aller à la TtM're,il y a une distance de170trîllions, 392 milliards de lieues.

Le principal était fait, et le problème était auxtrois quarts résolu. Or, voici maintenant le point ca-

pital, celui sur lequel j'appelle votre attention spé-ciale, car en lui réside maintenant l'explication de la

plus étrange des réalités.Vous savez que la lumière ne franchît pas instan-

tanément la distance d'un lieu à un autre, mais suc-cessivement. 'Vous n'êtes pas sans avoir remarquéqu'en jetant une pierre dans une pièce d'eau trati-1

quille, unesérie d'ondulations se succèdent autour du

point où a pierre est tombée. Ainsi se comporte leson dans l'air lorsqu'il passe d'un point à un autre.Ainsi se comporte la lumière dans l'espace elle se

transmet de proche en proche par ondulations sud-

cessives.La lumière d'une étoile emploie donc un certàiii

temps pourarriver à la Terre, et ce

temps dépendnaturellement de la distance qui sépare l'étoile de laTerre.

Le son paijpourt 340 mètres par seconde. Un coupLb son ~a~oui-'i '~jfO,~e~rês!paÏ'côhde, Un coupde canon est entendu au momentmême ouiil part parles artilleurs qui sont voisins de la pièce, une secondeaprès par ceux gui sont éloignés à 340 métrés, 3se-

condes après par ceux qui sont à 1 kilomètre il y a

mètrede l'orbite terrestre quesousun angle 22 t'ois pluspetit, sa .distanceest 2i fois pins grande elle est par con-séquent de 4,484,000fois le rayonde l'orbite terrestre.

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30 lumen

12 secondes de retard pour ceux qui sont éloignés àune lieue, 2 minutes pour ceux qui sont à dix lieues,3 minutes pour ceux qui, habitant à 25 lieues de dis-tance, entendent encore ce tonnerre des hommes.

La lumière se transmet avec une vitesse beaucoupplus grande, mais non pas instantanée, comme lecroyaient les anciens. Elle parcourt 75,000 lieues parseconde, et ferait 8fois le tour du globe en une seconde,si elle pouvait tourner. Elle emploie 1 seconde 1/4pour venir de la Lune à la Terre; 8 minutes 13 se-condes pour venir du Soleil; 42 minutes pour venirde Jupiter; 2 heures pour venir d'Uranus; 4 heurespour venir de Neptune. Nous voyons donc les corpscélestes, non pas tels qu'ils sont au moment même oùnous les observons, mais tels qu'ils étaient au momentoù est parti le rayon lumineux qui nous en arrive. Siun volcan, par exemple, se mettait en ignition sur lesmondes que je viens de nommer, nous ne le verrions

 jeter ses flammes qu'une seconde 1/4 après l'événe-ment, s'il s'agissait de la Lune, 42 minutes après sic'était sur Jupiter, 2 heures si c'était sur Uranus, et4

heures si c'était sur Neptune.Si nous nous transportons au delà du système pla-nétaire, les distances sont incomparablement plusvastes, et le retard de la lumière beaucoup plus grand.Ainsi le rayon lumineux, parti de l'étojle la plus rap-prochée de nous, alpha du Centaure, emploie 3 ans et6 mois à venir'; celui qui vient de Sirius emploie 16ans pour traverser l'abîme qui nous sépare de ce soleil.

L'étoile Capella étant éloignée d0 la Terre de ladistance mentionnée plus haut, il est facile de calculer,a raison de 75,000 lieues par seconde, combien de

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VITESSE DE LA LUMIÈRE 31

temps il faut à la lumière pour franchir cet intervalle jLe calcul fait donne 71 ans, 8 mois et 24 jours. Lerayon lumineux qui part de Capeîla pour venir à la

 j Terre, ne lui arrive donc qu'après une marche nonnterrompue de 71 ans, 8 mois et 24 jours.

Semblablement, le rayon lumineux qui part de laTerre pour aller à l'étoile n'arrive à celle-ci qu'aprèse même temps.

Qilerens. – Si lerayon lumineux qui nous vientde cette étoile emploie près de 72 ans à nous parvenir,

il nous apporte donc la clarté de cet astre telle qu'elle| était, il y a près de 72 ans, au moment de son pointde départ?

| Lumen. – Vous l'avez parfaitement compris. Etc'est précisément là le' fait qu'il importe de biensaisir.

Qimîrens. – Ainsi, en d'autres termes, le rayonlumineux est comme un courrier qui nous apportedes nouvelles de l'état du pays qui l'envoie, et qui,s'il met près de 72 ans à nous parvenir, nous donnel'état de ce pays au moment de son départ, c'est-à-

dire près de 72 ans avant le moment où il nous arrive.Lumen. – Vous avez deviné le mystère. Votre

comparaison ine montre que vous avez levé le coindu voile. Poj r parler plus exactement encore, lerayon lumineux serait un courrier qui nous apporte-rait, non pas des nouvelles écrites, mais la photogra-phie, ou plus rigoureusement encore l'aspect lui-mémedu pays d'où il est sorti. Nous voyons cet aspect, telqu'il était au moment où les rayons lumineux quechacun de ses points nous envoie et par lesquels il sefait connaître à nous au moment, dis-je, où ces

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32 LUMEN

rayons lumineux .sont partis. Rien n'est plus simple,plus incontestable. Loi's donc que nous examinons au

télescope la surface d'un astre, nous ne voyons pascette surface telle qu'elle est au moment même oùnous l'observons, mais telle qu'elle était au momentoù la lumière- qui nous en arrive fut émise par cettesurface,

Qu-iErens. – De sorte que si une étoile dont lalumière

met, je suppose,dix ans à nous

parvenir,était subitement anéantie aujourd'hui, nous la ver-rions encore pendant dix ans; puisque son dernierrayon ne nous arriverait que dans dix ans ?2

Lumen. – C'est précisément cela. En un mot, les

rayons de lumière que les étoiles nous envoient, nenous arrivant pas instantanément, mais employantun certain temps à franchir la distance qui nous en

sépare, ne nous montrent pas ces étoiles telles qu'ellessont maintenant, mais telles qu'elles étaient au mo-ment où sont partis ces rayons de lumière qui noustransmettent leur aspect.

Il y a donc là une surprenante transformation du

passé en présent. Pourl'astre observé,,c'est le passé,déjà disparu pour l'observateur, c'est le présent,l'actuel. Le1passé de l'astre est rigoureusement et

positivement le présenl de l'observateur. Commel'aspect des mondes change d'une année à l'autreet presque du jour au lendemain, on peut se représen-ter cet aspect commes'échappant dans l'espace et

s'avançant dans l'infini pour se révéler aux y-euxdes lointains contemplateurs. Chaque aspect est

suivi par un autre, et ainsi successivement; et c'estcomme une série d'ondulations, qui portent au loin

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VITESSE DE LA LUMIÈRE 33

3

le passé des mondes, devenu présent pour les obser-vateurs échelonnés sur son passage 1 Ce que nous

croyons voir présentement dans les astres est' déjàpassé; et ce qui s'y accomplit actuellement, nou ne

le voyons pas encore.Identifiez-vous, mon .ami, à cette représentation

d'un fait réel, car il vous importe de bien vous figu-rer cette marche successive de la lumière, .et de com-

prendre dans sa vraie nature cette vérité inoontes-table l'aspect des choses nous étant apporté par lalumière nous montre ces choses, non telles qu'eliessont présentement, mais telles qu'elles étaient anté-

rieurement, selon l'intervalle de temps nécessaire

pour que leur clarté parcoure la distance qui nous

sépare dé ces choses.Nous ne voyons aucun des astres tel qu'il est,

mais tel qu'il était au moment où est parti le rayonlumineux qui nous en arrive. Ce n'est pas l'état actuel

du ciel qui,estvisible, mais son., histoire passée. Il y a

mêmetels et tels astres qui n'existent plus depuisdix mille ans, et que nous, voyonsencore, parce quele rayon qui nous en arrive est parti longtempsavantleur destruction. Telle étoile double dont vous cher-

chez avec mille soins, et bien des fatigues à déter-

miner la nature et les mouvements n'existe plus

depuis qu'il y a des astronomes sur la Terre. Si leciel visible; était anéanti aujourd'hui, on le verraitencore demain, et encore l'année prochaine, et en-

core pendant cent ans, mille, ans,1 cinquante et cent

mille ans, et davantage, à l'exception seulement des

étoiles les plus rapprochées, qui s'éteindraient suc-

cessivement lorsque serait écoulé le temps nécessaire

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34 LtiniEN

aux rayons lumineux qui en émanent pour franchir ladistance qui vous en sépare a du Centaure sMn-cfrait là première, dans trois ans et Six mois; Siriusdans seize éas* etc.

Il vous est facile maintenant, mon ami> d'appliquerla thêô-ri©seientifiqu<eà l'explication de l'étrange faitdotft j'ai été témoih; Si, de la Terre, on voit l'étoileOafella, nontelle qu'elle est au moment où on l'ob*-serve, mais telle qu'eUe était 72 ails auparavant, un

mèin% de Gapella, on ne Voitla terre qu'avec un re-tard èè 72 ans. La luimiêr^ eïaplôie le même tempspouf accomplir le mêmetfajët.

Q&&&W3. Maître, j'ai attèntiv&ïnent Suivi vos

ex^licatfôtis. Mais la tertre britle 4-elte donc d'e Mincomme une étoile ? Cependant elle n'est pas lumi-neuse ?:1

Lumen. – Elte réfléchit dans l'espace la lumière

qu'elle reçoit du Soleil. Pius la distance esl grande,et plus elle .ressemblé à une étoile, toute la lumière

répandue par le Soleil sur sa surface de trois milMlielies de large se condensant en Un dîsqne de pl«'s enplus petit. Ainsi, vue de la Lune, elle paraît àftssibrillante ^ue la pleine Lune, et quatorze fois plusvaste. Vuede la planète Vénus,elle partiît aussibril-

lante que Jupiter Vous paraît de la Terre. Vued'e la

pïariète Mars, elle est l'étoile du im&net du soir,offrant des phases commeVéftiis vous en pjséeenfe.

Ainsi, quoi-qu'êile ne sèit pas lùïnînettse p^r èï 'ntème, elle brille de loitij commela LùWe,COTii»iifeles planètes, par la lumière qu'elle reça t du Soîeil,cl qu'elle réfléchit dàbfe Fespacic. Or, Aemétnékittè'les évéTié'mefcls ^è' Neptuneotil un retard de quatre

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LES MONDES VUS ÛE LOIN 85

heures, vus de la Terre, de même ceux de la Terreont le même retard vus de l'orbite de Neptune. Ainsi,de Càf eUa,la Terre est vue avec 72 ans de retard.

Qû*f»Ns. -«>Quelque étranges et nouvelles <juôsoient ces vues pour moi, je comprends parfaitementmaifiteM&t comment, Vous trouvant sur l'étoile Ga-

pelltj :f ma.ne Voyiezpas la Terre telle qu'elle étaiten oétebS» 1864>date de votre mort, mais telle qu'elle

était en}èn-vierii93, puisque ta lumière met Soixante»<më&an* et fruit mais à traverser l'abîme qui Séparela ferre de cette étoile. Et   je comprends, avec lamêpeteeidité) que ce n'était là ni tnè visî©n, ni unpî»éftô«»êïiede mêmoi'ro, ni un acte merveilleux ousut naturel; mais un fait actuel, positif, naturel et in-contestable; ot qu'effectivement ce qui était depuislongtemps passé pofcrla torre était seulement présentpour l'observateur situé à oeWedistance. Mais per*mettiez-MïOidovous soumettre une question incidente.Pour que, venant de la Terre, vousfussiez témoin dece fait, il a fallu que vous franchissiez la distance denotre mondeà Capeîla avec une vitesse

plusgrande

que celle de la lumière elle- même ?2Lumen. – C'est sur quoi je vous ai déjà entretenu

en vous disant que j'avais cru franchir cette distanceavec ils vitesse dela pensée, et que âans la journéemême de m&i»rt je «le trouvai dans te système decette étoile – qtie j 'affairais et qu>ej'ai-mais tant para-dant mmséjour sur le globe terrestre.

Q&/EftÈN£. Ah maître, vraiment, tout onse

lfeSpliqaaiKi ajn,%i,oefcte vis-ion *'cn est pss itfioiflSbien .étonnante. En vér>«ïéi c'est an phénomènebienoikDrtl&i'tdtaaîïiequecetoi de voir ainsipféseriterhen'l le

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36, LUMEN

passé présent, de ne le voir même que sous ce mode

surprenant, et de se trouver dans l'impossibilité devoir les astres tels qu'ils sont au moment où on les

examine, mais tels qu'ils étaient plus ou moins de

temps auparavant 1Lumen. – L'étonnement légitime que vous éprou-

vez dans la contemplation de cette vérité, monami,n'est que le prélude, j'ose le dire, de celui qui va

maintenant vous saisir. Sans doute il paraît au pre-mier abord fort extraordinaire, qu'en s'éloignant assezloin dans l'espace on puisse de la sorte assister réel-

lement aux événements des âges disparus et remonter

le fleuve du passé, Mais ce n'est pas encore là

l'étrange et positive bizarrerie que j'ai à vous commu-

niquer, et qui va vousparaître plus imaginaire encore,si vous voulez bien écouter un peu plus loin le récitde cette journée qui suivit ma mort.

Qu^rens. – Parlez, je vous en prie, je suis altéréde vous-entendre.

III

Lumen. – Après avoir détourné mes regards des

scènes sanglantes de la place dela Révolution, je me

sentisattiré vers une habitation d'un style déjà ancien,faisant face à Notre-Dame, et occupant l'emplacementoù le parvis est bâti- maintenant. Devant la portebâtarde était un groupe de cinq personnes. Elles

étaient demi-couchées sur des bancs de bois, nu-tête

et pourtant au soleil. Comme elles se mirent bientôt à

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LUMEN REVOIT SA PROPRE VIE 37

se lever et à marcher sur la place, je reconnus dansl'une d'elles mon père, plus jeune que je ne l'ai

 jamais vu, ma mère, plus jeune encore, et l'un de mescousins qui est mort la même année que mon père, il

y a environ quarante ans. Il est difficile au premierabord de reconnaître les personnes, parce qu'au lieude les voir de face, on ne les voit que d'en haut etcomme d'un étage supérieur. Je ne fus pas médio-

crement surpris d'une telle rencontre. Je me souvinsalors avoir entendu dire dans mon jeune âge que mes

parents habitaient avant ma naissance la place Notre-Dame.

Plus profondément surpris que je ne puis dire, je sentis ma vue fatiguée, et je cessai de rien distinguercomme si des nuages s'étaient étendus sur Paris. Jecrus un instant qu'un tourbillon m'emportait. Dureste, comme vous l'avez compris, je n'avais plus lanotion du temps.

Lorsque je revis distinctement les objets, je remar-

quai une troupe d'enfants courant sur la place du

Panthéon. Ces écoliers me paraissaient sortir declasse, car ils étaient tous changés de leurs cartonset de leurs livres, et semblaient revenir à leurmaison respective en gambadant et gesticulant.Deux d'erffre eux m'attirèrent spécialement, parcequ'ils semblaient échauffés par quelque disputé et

commençaient se livrer un combat particulier. Un

troisième s'avança pour les séparer; mais il reçut un

coup d'épaule qui le fit rouler sur le sol.Au mêmeinstant, je vis une femme accourir vers l'enfant. C'é-tait ma mère.

Ah jamais, non, jamais, dans mes soixante et

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38 «ÎMEN

douze ans d'-existoncoterrestre, parmi toutes les péri-péties, tous les étonnements, tous les coups imprévus,toutes les bizarreries dont cette existence fut semée

parmi tous les événements, toutes les surprises, tousles hasarda de la vie, jamais je n'ai éprouvé pareillecommotion a celle dont je fus traversé, lorsque danscet enfant je reconnus. moi-mêmeI

Qkjersns. – Vous-même?Lumen. – Moi-môme! Avec mes blonds che-

veux bouclés de six ans, ma collerette, brodée desmains de cette mère qu venait d'accourir, ma petiteblouse bleu-ciel et mes manchettes toujours frois-sées. J'étais bien là, le même enfant dont vous avez vu

l'image eflàcée sur la petite miniature de ma cheminée.

Ma mère survint, me prit dans ses bras en grondantmes camarades, puis elle me ramena par la main à la

maison, alors située dans l'ouverture actuelle de larue d'Ulm. Puis je vis qu'ayant traversé la maison,nous nous trouvâmes tous deux dans un  jardin avecupe nombreus.e compagnie.

Qp.iERESns,– Majtre, pardonnez-moi une réflexioncritique, Je vous avoue qu'il me paraît impossible. quel'on puisse, se voir ainsi soi-même Vous ne pouvezêtre deux personnes. Puisque vous aviez apixante-doure ans, 'votre état d'enfance était passé, disparu,anéanti depuis longtemps. Vous ne pouvez voir une

chose qui n'est plus. Du moins, je ne puis comprendrequ'étant vieillard vous vous Yoyie?; vous-mêmeâl'ègeactuel de l'enfance.

Ldmen. – Quelle raison vous empêched'fldjjjeHrece pailt 8Wm4l»e titw que les précédents ?

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LUMEN REVOIT SA PROPRE VIE a9

QUjBHEîis.t- Parce qu'on ne peut pas se voir en

double, à la fois enfant et vieillard f Lumbn•» Vousne réflécbissezpas complètement, mon

ami. Vous avez assez bien compris le fait général pourl'admettre; mais vous n'avez pas suffisamment observé

que ce dernier fait-particulier rentre absolument danste premier. Vous admettez que l'aspect de la Terre

emploie soixante-douze ans à venir à moi, n'est-ce

pas que les événements ne m'arrivent qu'à cet inter-valle* de tempspour leur actualité ? En un mot, que jevois le monde tel qu'il était à cette époque. Vous ad-

mettez pareillement que, voyant les rues da cette

époque, je vois en même temps les enfants qui cou-

raient alors dans les rues. Ceci est-il bien admis? ~

Qu^erens. – Entièrement.Lumen. -=- Eh bien alors, puisque je vois cette

troupe d'enfants, et que je faisais alors partie de cette

troupe, pourquoi voulez-vous que je ne me voie pasaussi bien que je vois les autres ?

Oij^ERENs.-r- Mais vous n'y êtes plus, dans cette

troupe 1Lumen. – Encore une fois, cette troupe elle-

mêmen'existe plus maintenant. Mais je la vois telle

qu'elle existait à l'instant où est parti le Fayott lumi-neux qui m'arrive aujourd'hui. Et; puisque jedistingue les quinze ou dix-huit enfants, qui Ja com-

posaient, il n'y a pas de raison pour que Penfant quiétait moi disparaisse, parce que c'est moi qui le

regarde. D'autres observateurs le verraient eh com-

pagnie-de ses camarades. Pourquoi voulez-vous qu'ily ait une exception quand moi qui; regarde. Jeles vois tous. Et j'e me vois avec eux-,

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40 LUMEN

Qilerens. Je n'avais pas entièrement saisi. Ilest évident, en effet, que voyant une troupe d'en-fants dont vous faites partie, vous ne pouvez man-

quer de vous voir vous-même aussi bien que vous

voyez les autres.Lumen. – Or, comprenez-vous dans quelle étrange

surprise dut me jeter une pareille vue? Cet -enfant,C'était bien moi, en chair et en os, selon l'expression

vulgaire et significative. C'était moi à l'âge de sixans. Je me ;voyais, tout aussi bien que la compagniedu jardin me voyait en jouant avec moi. Ce n'était

pas un mirage, pas une vision, pas un spectre, pasune réminiscence, pas une image; c'était la réalité'même, c'était positivement ma personne, ma penséeet mon corps. J'étais là, sous mes yeux. Si mes autressens eussent eu la perfection de ma vue, il me sem-blait que j'aurais pu me toucher, ou m'entendre. Jesautais dans ce jardin, et je courais autour de la

pièce d'eau, que l'on avait entourée d'une balustrade.

Quelque temps après, mon grand-père me prit surses

genouxet me fit lire dans un

groslivre.

Non! je renonce à décrire ces impressions. Jevous laisse le soin de les éprouver en vous-même,si vous vous êtes bien identifié avec la réalité phy-sique de ce fait, et je me borne à déclarer que jamaispareille surprise nelomba sur monâme.

Une réflexion surtout m'étourdissait. Je medisaiscet enfant,, c'estbien moi. n es,t bienvivant. Il granditet doit vivre soixante-six ans encore. C'est réellementel incontestablement moi-même. Et, d'un autre côté,moi qui suis ici, âgéde soixante-douze ans terrestres,moi qui pense et qui vois ces choses, c'est encore

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LUMEN REVOIT SA PROPRE VIE 41~j

bien moi, et tout aussi bien moi que cet enfant. Mevoilà donc deux. Là-bas sur la terre, ici dans l'espace.Deux personnes complètes, et néanmoins bien dis-tinctes. Des observateurs placés où je suis pourraientvoir cet enfant dans le jardin, comme je le vois; etme voir également ieû Me voilà deux. C'est incontes-table. Monâme est dans cet enfant elle est égale-

ment ici; c'est la même âme, ma seule âme; etpourtant elle anime ces deux êtres. Quelle étrangeréalité Et je ne puis pas dire que je me trompe,que je suis dans l'illusion, qu'une erreur optique meséduit. De par la nature et de par la science, je mevois à la fois enfant et vieillard, là et ici. là, insou-ciant et joyeux, ici pensif  et ému.

QujERENs. – C'est étrange,' en vérité!1Lumen. – Et positif. Cherchez dans la création

entière si vous trouvez un paradoxe plus formidable

que celui-là?

Qu'ajouterai-je maintenant à mon récit? Je me

suivis ainsi, grandissant dans la vaste cité parisienne.Je me vis en 1804, entrant au collège et faisant mespremières armes au moment où le Premier Consul

se couronnait do la dignité impériale. Je reconnusce front dominateur et pensif  de Napoléon, un jourqu'il passait une revue au C!iamp-de-Mars. Je ne

mesouviens pas de l'avoir vu pendant ma vie et j'é-tais satisfait de le voir passer dans mon champ actuel

d'observation. En 1810,  je merevis dans la promo-tion de l'École polytechnique, et je m'aperçus cau-

sant au cours avec le meilleur des camarades,

François'Arago. Ce jeune hommeétait déjà de l'Ins-

titut, et remplaçait Mongoà l'École, à cause ,du

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42 UIMEN

 jésuitisme de Binet, dont l'empereur s'était plaint. Jeme retrouvai de la sorte au sein des brillantes annéesde mon adolescence, et des projets de voyage d'ex-

ploration scientifique, en compagnie d'Arago et deHumboldt, voyages que celui-ci seul se décida d'en-

treprendre, Puis, je m'aperçus plus tard, sous lesCent-Jaurs, traversant rapidement le petit bois duvieux Luxembourg, la rue de l'Est et l'allée du jar-din de

la rue Saint-Jacques, et voyant accourir mabien-aimée pour me recevoir sous les lilas en fleur.

Douces heures de solitude à deux, confidences auoçeur, silences de l'âme, transports de l'amour,correspondances du soir, vous vous offrîtes à ma vueétonnée, non plus comme un souvenir lointain etvoilé, mais dans votrè actualité absolue 1

J'assistai de nouveau au combat des Alliés sur lacolline de Montmartre, à leur descente dans la capi-tale, à la chute de la statue de la place Vendôme,traînée dans les rues avec des cris de joie, au campdes Anglais et des Prussiens dans les Champs-Elysées,à la dévastation du Louvre, au voyage de Grand,à la

rentrée de Louis XVIII. Le drapeau de l'île 4'filbeflotta sous mes regards, et plus tard,. comme je cher-cbefis dans l'Atlantique l'île solitaire où l'aigle étaitenchaîné, les ailes brisées, la rotation du globe amenasous mes yeux Sainte-Hélène, où je reniarquai l'eiji-

pereur rêvant au pied d'un sycomore.Ainsi passèrent les années présentement sous mon

regard. Tout en suivant ma propre personne, dansmon mariage, mes entreprises, ma vie de relation,mes yof âges, mes études, etc.* j'assistais au dévelop-rpemenfrde rhistoire contemporaine. Ala restauration

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LUMEN REVOIT SA PROPRE VIE • 43

de Louis XVIII succéda le gouvernement éphémèrede-*Charles X. Les journées de juillet 1830 me mon-trèrent leurs barricades, et non loin du trône du duc

d'Orléans, je vis apparaître la colonne de la Bastille.

Rapidement passèrent ces dix-huit années. Je m'a-

perçus au Luxembourg, à l'époque où l'on ouvraitcette magnifique avenue que j'aime tant, et qu'un

•décret récent menaçait encore. Je revis Arago sur

l'Observatoire et la foule recueillie qui se pressaitaux portes du nouvel amphithéâtre. Je reconnus laSorbonne de Cousin et de Guizot. Puis mon eœur seserra en voyant passer l'enterrement de ma mère,femme austère et peut-être un peu trop sévère dansses jugements, mais que j'ai toujours tant aimée,comme vous le savez. La singulière petite révolutionde 48me surprit non moins vivement que la premièrefois que j'en fus témoin. Je reconnus sur la place dela Bourse Lamcpicièr-e, enterré l'an dernier, et aux

Champs-Elysées, Cavaignac, disparu depuis cinq ousix ans..Le décembreme trouva. observateur dans

ma station céleste, comme je l'avais été de ma toursolitaire^ et successivement s'écqUlèrent ainsi desévénements qui déjà m'avaient frappé, et d'autres quim'étaient rjstés inconnus.

Qu^brens; – Est-ce que ces événements passèrentrapidement sous vos regards ??

Lumen.-»« Je- ne saurais apprécier la mesure du

temps; mais tout ce panorama rétrospectif  se succédacertainement en moins d'un jourv en quelques heures

•peufeêtreiQujErens..« Alors, je ne comprends plus Par-

donne» à un vieil ami cette ihteni?up.tïûnindiscrète

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44 LUMEN

mais d'après ce que je m'étais imaginé,il me semblait

que c'étaient bien les événements eux-mêmes que vous

voyiez, et non un simulacre. Seulement, en vertu du

temps nécessaire au trajet de la lumière, ces événe-ments étaient en retard sur l'instant de leur accom-

plissement. Voiîà tout. Si donc, 72 années terrestresont passé sous vos yeux, elles auraient dû mettreexactement 72ans à vous apparaître, et non quelques

heures. Si l'année 1793 vous apparaissait seulementen 1864, l'année 1864,en retour, ne devrait, par consé-

quent, vous apparaître qu'en 1936.LUMEN. Votre objection nouvelle est fondée, et

me prouve que vous avez parfaitement compris lathéorie de ce fait. Je vous sais gré de me l'avoir for-mulée. Aussi, vais-je vous expliquer comment il neme fut pas nécessaire d'attendre 72 nouvelles années

pour revoir ma vie, et comment, sous l'impulsiond'une force inconsciente, je l'ai effectivement revueen moins d'un jour.

Continuant de suivre mon existence, j'arrivai auxdernières années, remarquables par la transformation

radicale que Paris a subie; je vis nos derniers amiset vous-même; ma fille et ses charmantsenfants;ma famille et mon cercle de connaissances; et enfin-,le moment arriva où je me vis couché sur monlit demort et où j'assistai à la dernière scène. 1

C'est vous dire que j'étais revenu sur la Terre.Attirée par la contemplation qui l'absorbait, mon

âme avait vite oublié la montagne des vieillards et

Câpella. Commeon le ressent parfois en rêve, elles'envolait vers le but de ses regards. Je ne m'en

aperçus pas d'abord, tant l'étrange vision captivait

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LUMEN REVOIT SA PROPRE VIE 45

.h e,lc.c.. r.. ,·toutes mes facultés. Je ne puis vous dire ni parquelle loi ni par quelle puissance les âmes peuventse transporter aussi rapidement d'un lieu un autre;mais la vérité est que j'étais revenu à la Terre, enmoinsd'un, jour, et, que je pénétrai dans ma chambreaumoment même de mon ensevelissement.

Puisque dans ce voyage de retour j'allais au-devant

des rayons: lumineux, je raccourcissais sans cesse la

distance qui me séparait de la Terre, la lumière avaitde moins en moins de chemin à parcourir et resserraitainsi la succession des événements. Au milieu duchemin, les rayons iumineux m'arrivant de 36 ans seu-lement en retard, ne me montraient plus la Terrede 72 ans auparavant, mais de 36. Aux trois quarts du,chemin, les aspects n'étaient plus en retard que de18ans. A la moitié du dernier quart, ils m'arrivaientseulement 9 ans après s'être passés, et ainsi de suite

de sorle que la série entière de mon existence setrouva condensée en moins d'un jour, par suite duretour rapide de mon âme allant au-devant des

rayons lumineux.QujErens. – Cette combinaison n'est pas le moins

étrange phénomènel

Lumen.– «sVousest-il venu à l'esprit d'autres objec-tions en m'écoutant.

Qu^rens. – J'avoue que celle-là était la dernière,ou que du moins elle m'intriguait' si fort qu'elle n'apas permis à d'autres de se formuler. •?-.

Lumen. – Je vous ferai remarquer qu'il y en apourtant une autre, astronomique, que je relèverai

tout de suite pour ne laisser aucun nuage. Celle-ci

dépend du mouvement de la Terre. Non Seulement

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46 LUMEN

le mouvement diurne du globe aurait éû m'empêclîerdé bien saisir la succession des faits, mais ce mou-vement étant démesurément accéléré par la rapiditéde mon retour4 vers la Terre, et 72 ans s'éeouîânt eninoiiïs d'un jour, je me fis la réflexion qu'il était «ur^-prenant que je ïie M'en aperçusse pas. Mais comme

 je n'ai revu qu'un nombre relativement restreint depaysage;, de panoramas et de fails, il est probablequ'en revenant à notre planète je me suis seulementmaintenu quelques instants isolés au-dessus despoints qui m'ont successivement intéressé. Quoi qu'ilen soit, j'ai dû me rendre à l'évidence et constaterque j'avais sans peiné assiste à la succession rapidedes événements du siècle et de ma propre existence.

Qu^rbns. Cette difficulté ne m'avâil pas échappé,et je l'avais levée en pensant que vous aviez tournédans l'espace, de mêïne qu'un ballon est entraîné

par la rotation du globe. Il est vrai que l'inconce-vable rapidité aVoc laquelle Vousauriez du être ôïn-porté a dequoi donner }e vertige; mais je mebor-

nais, néanmoins à cette hypothèse en songeant àvotre parole que les esprits parcourent l'espace avecla vitesse et la légèreté de la pensée; et en remar-quant que votre vue, comme votre rapprochementinconscient de la Terre, étant dus à l'intensité devotre attention sur lé point du globe où vous vousvoyiez, il n'est pas inadmissible que vous vobs soye«constamment tenu au-dessus de ce point.Lumen. – A cet égard, je ne vous affirme rien,car je suis resté inconscient. Je n'ai pas revu tous

les- 'évé-ncmeiïts de mavie, mais seulement -an.petitnombre de principaux qui, successivement éohe-

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LUMEN REVOtt SA PROPRE VIE 47

lonnêsj m'ont montré l'ensemble de mon existence.lis ont pu se présenter tous sur lé même rayonvisuel. Tout ce que je sais, c'est que l'attention in-dicible qui m'enchaînait souverainement et impé-rieusement à la terre, agit effectivement commeune chaîné qui m'aurait ramené à elle, ou, si Vousl'aimez mieux, comme cette force encore mysté-rieuse de l'attraction des astres, en vertu de laquelleles petits astres tomberaient dirèctément sur les

plus importants, s'ils n'étaient retenus dans leursorbites par la force centrifuge.

'QfttëRtëws.– fen songeant a cet effet de là eôîicen-tration dé là pensée vers un seul peiôt et de l'attràc-tiOEtêéËè qu^ôlMsubit ensuite vers ce point, je crois

rettiafquèf que c'est là le ressort principal du méca-nisme des rêves. «

Lcm». ^'VMi â¥éz dit vrai, mon ami, et je puisvous l'affirmer, moi qui pendant de longues annéesai fait des songes le sujet spécial de mes observa-lions et de mes études. Lorsque l'âme, affranchie des

attentions,'d'efc préoccupations et des tendances cor-porelles, voit en rôve un objet qui la charme 'et vers

lequel elle se sent attirée, tout disparaît autour' de

cet objet, il res4;ê seulet devient le centre d'un mondedé efcéêrtions l'ème lé possède entièrement et sans

réserve, elle le contemple, elle ie saisit, le fait sienl'univers entier s'efface de la mémoirepour î-aifeserune domination absolue à l'objet 'de la contemplationde i'àftie, et commeil m'est arrivé pour mon retour

subit vers la Terre, elle ne voit plus que cet objet,accompagné dés idées et des images qu'il engendreet fait Tsuccessivemèntapparaître.

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48 LUMEN

QUjEHens. – Votre voyage rapide à Capella,comme votre retour non moins rapide sur la Terre,avaient donc pour cause cette loi psychologique; etvous agîtes plus librement encore qu'en rêve, carvotre âme n'était plus arrêtée par les rouages de l'or-

ganisme. Je me, souviens qu'en nos conversations

passées vous m'entretîntes, en effet, souvent sur laforce de la volonté. Ainsi vous étiez revenu 'à votre

lit de mort, avant que votre dépouille mortelle nefut ensevelie.

Lumen. – J'étais revenu, et je bénissais les regretssincères de ma famille, je calmais les douleurs devotre amitié blessée, je m'efforçais d'inspirer à mesenfants la certitude que cette enveloppe corporellen'était plus moi, et que j'habitais la sphère des es-

prits, l'espace céleste, infini et inexploré,.J'assistai au convoi, et   je remarquai ceux qui s'é-

taient dit mesamis, et qui, pour une occupation demédiocre importance, ne prirent pas la peine de con-duire mes restes à leur dernière demeure. J'écoutai

les conversationsvariées

quisuivaient

mo.ncereueil,et quoique en cette région de paix nous ne soyonsplus avides de louanges, je me sentais heureux, né-anmoins, de reconnaître qu'un bon souvenir de monpassage sur la Terre restait dans toutes les pensées.

Lorsque la pierre du caveau fut roulée et sépara laterre des morts de la terre des vivants, je donnai undernier adieu à mon pauvre corps endormi, et

comme le soleil descendait dans son lit de pourpreaux frangoo d'or, je demeurai dans l'atmosphère

 jusqu'à la nuit tombante, plongé dans l'admirationdes beaux spectacles qui se déroulent dans les régions

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LUMEN REVOIT SA PROPRE VIE 4y

4

aériennes. L'aurore boréale déployait au-dessus d@son pôle son ruban argenté, des étoiles filantes pleu-vaient de Cassiopée, et la pleine lune s'élevait lente.ment à l'Orient comme un nouveau monde sortantdes flots. Je vis Capella scintillante qui me regar-dait, de son regard si pur et si vif, et je distinguailes couronnes qui l'entouraient, princes célestesd'une divinité. Alors j'oubliai de nouveau la

Terre,la Lune, le système planétaire, le Soleil, les comètes,pour me laisser obéir sans réserve à l'intense attire*lion de l'éciatante étoile, et je me sentis emportevers elle par l'action de mon désir avec une Rapiditéplus grande que «elle des flèches électriques, Af»rèsun temps dont je ne puis constater la durée, j'arrivaisur le même anneau et sur la même montagne où

  j'avais abordéla veille, et je vis les vieillards occupésà suivre l'histoire de la Terre à 1\  ans et 8 mois deretard. Ils regardaient les événements de la ville deLyon, le 23 janvier 1793.

Vousavoueraî-jn quelle était la cause mystérieuse

de l'attraction de Capella pour moi? O merveille! ilest dans la erôalion des liens invisibles qui ne sebrisent pas eommeles liens mortels il est des cor-respondances* intimes qui demeurent entre les âmesmalgré- les séparations des distances. Le soir de cesecond jour, commela lune émeraude s'enchâssaitdans le troisième anneau d'or (telle est la mesuresidérale du temps) je me surpris, suivant une avenuesolitaire enveloppée de fleurs et de parfums. J'ymarchais on rêvant depuis quelquesinstants, lorsque

  je vis venir à moi. mabelle et tant aimée Eivlys.Elle avait l'âge mûr de sa mort, et malgré son nouvel

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50 LUMEN

aspect, on reconnaissait en elle les traits de l'expan-sion et de la bonté, qu'une vie toute de sentimentavait inscrits sur son front et fixés dans son regard.Je ne m'arrêterai pas à vous décrire la joie.de notreréunion ce n'en est pas ici le lieu, et peut-être un

 jour nous sera-t-il donné de nous entretenir sur lesaffectiops ultra-terrestres qui succèdent aux nôtres.Je veux seulement relier cette rencontre au sujet decette

thèse,en

ajoutant que bientôt nous cherchâmesensemble dans le ciel la Terre, notre patrie adoptive,où nous avions passé des jours de paix et de bonheur.Nous aimions, en effet; retourner nos regards versce point lumineux, où notre condition actuelle nouspermettait de distinguer un monde; nous aimionsmarier le passé de notre souvenir au présent qui nousarrivait sur l'aile de la lumière; et dans l'extase oùnous plongeait cette singularité si nouvelle pournous, nous cherchions ardemment à voir reparaîtredevant nous les événements de notre  jeunesse. C'estainsi que nous revîmes actuellement les chères annéesde notre premier amour, le pavillon du couvent, le

 jardin fleuri, les promenades des environs de Paris,si coquets et si charmants, et nos voyages solitairesà nous deux à travers les campagnes. Pour retrouverces années, il noussuffisait de nous avancer ensembledans l'espace, dans la direction de là Terre, jusqu'auxrégions Oùces aspects, portés sur la lumière, étaientphotographiés.Je vous ai révéla, mon ami, l'étrange 'observationueje vous avais promise. Voici l'aurore qui s'an-

.nonce, et l'étoile de Lucifer pâlit déjà sous l'auberosée. Je retourne aux constellations. 1

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LUMEN REVOIT SA PROPRE VIE 51

T ~rt.'r.I'III.T~ Ÿ~rw~r. w.1 1 T .11 aQujerens. – Encore un mot, 6 Lumen, avant declore cet entrelien. Puisque les aspects terrestres nese transmettent que successivement dans l'espace, ily aurait donc un présent perpétuel pour les vueséchelonnées dans cet espace, jusqu'à une limite,bornée seule par la puissance de la vue spirituelle,

LUMEN. Oui, mon ami. Plaçons, par exemple,un premier observateur à la distance de la Lune il

apercevra les faits terrestres une seconde un quartaprès qu'ils se seront produits. Plaçons-en undeuxième à une distance quadruple les faits seront

pour lui en retard de cinq secondes. Un troisième lesverra dix secondes après leur accomplissement. Aune distance double encore de la précédente, un

quatrième les observera avec un retard de vingtsecondes. Ainsi de suite. A la distance du Soleil, il

y a déjà huit minutes et treize secondes de retard.Sur certaines planètes, il y a plusieurs heures,comme nous l'avons, vu, Plus loin, on arrive à des

 jours entiers. Plus loin encore, à des mois, à des

années Sur alpha du Centaure, on ne voit leschoses terrestres que trois ans et six mois aprèsqu'elles ne sont plus. Il est des étoiles assez distantespour que^la lumière n'en arrive qu'en plusieurssiècles, et même en plusieurs milliers d'années. Il

y a même des nébuleuses où la lumière n'arrive

qu'après un voyage de plusieurs millions d'années.

Qujerens. – De sorte que pour être témoin d'un

événement historique ou géologique des temps passés,il suffirait ces vues perçantes de s'éloigner suffisam-ment. Ne pourrait-on pas de la sorte revoir vérita-blement le déluge,! le paradis terrestre, Adam et.

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52 LUMEN

Lumen. – Je vous ai dit, mon vieil ami, que l'arri-` » vée du soleil sur l'hémisphère met en fuite les es-

prits. Un second entretien nous permettra un jourd'approfondir davantage un sujet dont je n'ai pu vousprésenter aujourd'hui que 1'esqmsse générale, et qui

est fertile en horizons nouveaux! Les étoiles m'ap-~`~ pellent et sont déjà disparues. Adieu, Quœrens,

adieu."

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DEUXIÈME RÉCIT (»

REFlrUUMTEMPORIS

ï

Qu^erens. – Les révélations interrompues parl'aurore, o Lumenont laissé depuis longtempsmonâmeavide de creuser plusavantle singuliermystère,Commel'enfant auquelon a montraun fruit savou-reux désire y plonger ses dents affriandées,ej,lorsqu'il ya goûté désire encoreplus ainsi macu-

riosité, cherchede nouvelles jouissances dans lesparadoxesde la nature, Est-ce uneindiscrétion troptéméraire de vous soumettre quelques questionscomplémentairesque mesamism'ont communiquéesdepuisle jour où je leur ai fait pari de notre entre*lien? et puis-je vousdemanderde continuer le récitde vosimpressionsd'outre-terre ?

Lumen. – Je ne puis, mon ami,consentir à une,telle curiosité. Quelqueparfaitementdisposée que,soit votre âmeà bien recevoir mesparoles, jo suis

(1) E<criten 1867.

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t54 LUMEN

persuadé néanmoins que les particularités de mon

sujet ne vous ont pas toutes également frappé, et n'ont

pas toutes à vos yeux l'évidence de la réalité. On aac-cusé mon récit d'être mystique. On n'a pas tout àfait compris que ce n'est ici ni du roman ni de la

fantaisie, mais une vérité scientifique, un fait phy-sique, démontrable et démontré, indiscutable, et quiest aussi positif que la chute d'un aérolithe ou le

mouvement d'un boulet de canon. La raison quivous a empêché, vous et vos amis, de bien com-

prendre la réalité du fait, c'est que ce fait se passe endehors de la Terre, dans une région étrangère à la

sphère de vos impressions et non accessible à vossens terrestres. Il est naturel que vous ne compre-niez pas. (Pardonnez ma franchise, mais dans lemonde spirituel on est franc les pensées [mêmessont visibles.) Vous ne pouvez comprendre que ce

qui appartient au monde de vos impressions. Etcomme vous êtes disposés à croire absoluesvos idées

sûr le temps eH'espace, qui ne sont pourtant que 're-

lativés, vous avez l'entendement fermé aux véritésqui résident en dehors de votre sphère et qui nesont pas en correspondance avec vos facultés orga-niques terrestres, Ainsi, mon1ami, ce né serait pasvous rendre un véritable service que de poursuivrele récit .'de mes observations extra-terrestres.

Qujerens. – Ce n'est pas, croyez-le bien, paresprit de simple curiosité, ô Lumen que je meper-mets de vous évoquer du sein du monde "invisible,où les âmes supérieures doivent goûter d'inénar-rables jouissances. Mais j'ai mieux compris que vousne m'en accusez la grandeur du problème, et c'est

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VOYAGE DANS UN RAYON DE LUMIÈRE 55 ·

sous l'inspiration d'une avidité studieuse que jecherche des aspects plus nouveaux encore que les

précédents, si je puis dire, ou plutôt plus hardis et

plus incompréhensibles encore. A force de réfléchir,

 je suis arrivé à croire que ce que nous savons n'est

rien, et que ce que nous ne savons pas est tout. Jesuis donc disposé à tout accueillir. Je vous en sup-

plie,laissez-moi

partagervos

impressions.LUMEN. En vérité,je vous l'assure, mon ami, ouvous n'êtes pas assez disposé à les entendre, ou vousl'êtes trop. Dans le premier cas, vous ne les com-

prendrez pas. Dans le second, vous serez trop cré-

dule et n'en apprécierez pas la valeur. Ainsi, jeretourne.

Qilerens. – Compagnon bien-aimé de mes jourssterrestres!

Lumen. – Au surplus les faits dont j'aurais main-tenant à vous entretenir sont plus extraordinairesencore que les précédents.

Qu,erens. – Je suis comme Tantale au milieu de

son lac, comme les esprits du vingt-quatrième chantdu Purgatoire, comme le» bras tendus vers les

pommes odorantes des Hespérides, comme le désird'Ève. «•

Lumen. – Quelque temps après mon départ de la

Terre, les yeux de mon âme se reportaient mélanco*

liquement sur cette patrie, lorsqu'un examen attentif sur l'intersection du45edegré de latitude boréale et du35?degré de longitude, me montra un triangle de terre

ferme grisâtre au-dessus de la mer Noire, au bord

duquel, du côté de l'ouest,, un triste nombre de mes

pauvres frères terrestres s'entre-tuaient avec acharne-

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56 LUMEN

ment, Je me mis à songer à la barbarie de cette ins-titution soi-disant glorieuse de la Guerre, qui pèseencore sur tous, et je reconnus qu'en ce coin de laGrimée succombaient 800,000 hommes ignorant lacause de leur massacre mutuel. Des nuages passèrentsur .l'Europe.

J'étais alors, non sur Capella mais dans l'espace,entre cette étoile et là Terre, vers la moitié de la

distance de Véga, et parti dé la Terre depuis quel-que temps, je me dirigeais vers une petite nébu-leuse que l'on distingue de votre patrie à gauche dePastrei précédant. Ma pensée cependant revenait detemps en temps à la Terre. Un peu après l'observa-tion précédente, mes yeux s'étant portés sur Paris,furent surpris de le voir en'proie à une insurrectiondu,peuple. Examinant avec une attention plus soute-nue, je vis des barricades sur les boulevards, prèsde l'Hôtel de ville, dans les longues rues, et les ci-toyens se tirant mutuellement des coups de fusil. Lapremière idée qui s'ofïrit à moifut qu'une révolution

nouvelle s'accomplissait sous mes yeux et que Na-poléonIII était renversé*de son trône. Mais par unecorrespondance secrète des âmes, ma vue'fut appeléepar une barricade du faubourg Saint-Antoine sur la-

quelle je vis étendu l'archevêque Denis- AugusteAffre,que j'avais un peuconnu. Ses yeux éteints regardaientsans le voir le ciel où j'étais; sa main tenait un ra-meauvert. J'avais donc sous les yeux les journéesde 1848, et en particulier celle du 25. Quelques ins-tants – quelques heures peut-être – se passèrent,pendant lesquels monimagination et maî-aison cher-chaient à tour do rôle l'explication de ce fait parti-

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VOYAGE DANS UN RAYON DE LUMIÈRE 57

culier Voir 1848 après 1854, lorsque ma vue denouveau attirée vers la Terre remarqua une distri-bution de drapeaux tricolores sur une grande placede la ville de Lyon. Cherchant à distinguer le per-sonnage officiel qui faisait cette distribution, j'arrivaià reconnaître, parmi les uniformes, le jeune duc

d'Orléans, et je me souvins qu'après l'avènement de

Louis-Philippe, ce jeune prince avait, en effet, été en-

voyé calmer les agitations do la capitale de l'industriefrançaise. il suit de là, qu'après 1854 et 1848, j'avaissousles yeux un fait passéenl'année 1831.Un peu plustard monregard tomba sur Paris un jour de fête pu-blique. Un gros roi à ventre proéminent et à face ru-biconde était traîné dans une magnifique calèche ettraversait en ce moment le Pont-Neuf. Il faisait un

temps magnifique. Des demoiselles blanches étaient

posées comme une corbeille de lilas blanc sur le

terre -plein du pont. Des animaux étranges, colorésde nuances claires, couraient sur Paris. C'était évi4dp.rnmentla rentrée des Bourbons en France. Je n'au-

rais rien compris cette dernière particularité, si je nem'étais souvenu qu'on avait alors lancé dans l'air un

grand choix de ballons en forme d'animaux. Du hautdu ciel, ils paraissaient courir gauchement sur lestoits.

Revoir un événementpassé je l'avais compris, en

l'expliquant par les lois de la lumière. Mais revoirles événements contrairement à leur ordre réel": c'estce qui devenait tout à fait fantastique,et ce qui meplongeait dans une stupéfaction grandissante.'

Cependant, comme j'avais les faits sous lés yeux; je né pouvais les nier je cherchaidonc quelle hypo-

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58 LUMEN

thèse pouvait rendre compte d'une telle singularité.La première hypothèse était celle-ci c'est bien la

Terre que je vois, et par une destinée dont Dieuseul connaît le secret, l'histoire de France repasse à

peu près par les mêmes phases qu'elle fa traverséeselle s'est avancée jusqu'à un certain maximum, quivient de briller sous les regards émerveillés des

peuples,et elle retourne vers ses

origines, parune

oscillation qui peut exister dans l'humanité commedans les variations de l'aiguille aimantée, commedans les mouvements des astres. Les personnagesqui me paraissent être ici le duc: d'Orléans etLouis; XVIII sont peut-être d'autres princes qui setrouvent répéter exactement ce qu'ont fait les pre-miers.

Cettehypothèse, toutefois, me parut bien extraor-

dinaire, et je m'arrêtai à une théorie plus rationnelleÉtant donnée la multitude des étoiles et des pla-

nètes qui gravitent autour de chacune d'elles, me

posais-je> quelle est la probabilité pour qu'il se ren-

contré dans l'espace un monde exactement pareil à laTeraé?`~ •• ,v

Le calcul des probabilités répond à -cette question.Plus sera grand te nombre des mondes, et plus sera

grande la probabilité que les forces de la nature aientdonné naissance à une :organisation semblable à cellede la Terre Qry le nombre réel des mondes dépassetoute la numération humaine écrite ou dans la possi-bilité d'être écrite. Si nous comprenions l'infini, il )nous serait peut-être permis de dire que ce nombre iest infini. J'en conclus qu'il y a une très haute proba-bilité en faveur de l'existence d'un ou plusieurs

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VOYAGE DANS UN RAYON DE LUMIÈRE 59

mondesexactement semblables à la Terre, à la surfacedesquels s'accomplirait la même histoire, la mêmesuccession d'événements, et qui se trouvent habités

par les mêmes espèces végétales et animales, lamêmehumanité, les mêmes hommes, les mêmes

familles, identiquement.Je me demandai en, second lieu si ce monde, tout

en étant analogue à la Terre, ne pourrait pas lui êtresymétrique.Ici j'entrais dans la géométrie et dans lathéorie métaphysique des images. J'arrivai à laconviction qu'il était possible que le monde en ques-tion fût semblable à la Terre, mais toutefois inverse.Lorsque vous vous examinez dans un miroir, vousobservez que la bague de votre main droite est passéeà l'annulaire de votre main gauche, ce qui modifieson symbole; que si vous. clignez l'œil droit, votreSosiecligne l'œil gauche; que si vous avancez le brasdroit, votre image avance le bras gauche. Est-ilimpossible que dans l'infinité des astres il existe un

monde exactement inverse du monde terrestre? Acoup sûr, dans une infinité de mondes, l'impossible,au contraire, serait qu'il n'y en eût pas, et il y en aplutôt des milliers qu'un seul. La nature a dû non-seulement se î-épëter, se reproduire, mais encore

 jouer sous toutes les formes le jeu de la 'création. Jepensai donc que le monde où je voyais ces chosesn'était pas la Terre, mais un globe semblable dont'l'histoire était précisément l'inverse,de la vôtre.

QiMBREps.'– J'ai déjà eu l'idée, moi aussi, qu'il enpouvait être ainsi. Mais ne vous était-il pas facile devous asgureï* du fait et de constater si c'était bien la

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60 luj^en

Terre ou un autre astre que vous aviez sous les yeux,en examinant sa position astronomique?t

LUMEN. C'est précisément ce que je fis aussitôt,et cet examen me confirma dans mon idée. L'astreoù je venais d'apercevoir quatre faits analogues àquatre faits terrestres, mais inverses, ne me parutpas occuper la position primitive. La petite constella-tion de l'Autel n'existait plus, et de ce côté du ciel

où vous vous souvenez que ta Terre m'était apparuedans mon premier épisode, il y avait un polygoneirrégulier d'étoiles inconnues. J'acquis ainsi la 'con-viction que ce n'était pas notre Terre que j'avaissous les yeux. Il n'y avait plus prétexte au moindredoute, et j'avais maintenant pour champ d'explorationun monde d'autant plus curieux qu'il n'était pas laTerre, et que son histoire paraissait représenter dansun ordre inverse un tableau de l'histoire de la Terre.

Quelques événements, il est vrai, ne me parurentpas avoir eu leurs pendants sur la Terre; mais en

général la coïncidence fut très remarquable, d'autantplus que le mépris que je porte aux instituteurs de la

guerre m'avait fait espérer qu'un tel fléau ne devaitpas exister sur d'autres mondes, et qu'au contraire la

plupart des événements dont je fus témoin étaientencore des combatsou des préparatifs.

Après une bataille qui me parut ressembler fort àcelle de Waterloo, je vis la bataille des Pyramides.Un Sosie de Napoléon empereur était devenu pre-^mier consul, et je vis la Révolution succéder auConsulat. Quelque temps après, jeremarquai la placedu château de Versailles couverte de voitures endeuil; et dans un sentier découvert de Ville-d'Avray

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VOYAÔE DANS 'UN RAYON DE LUMIÈRE 61

 je reconnus la démarche lente du botaniste Jean-

Jacques Rousseau, qui sans doute en ce moment

philosophait sur la mort de Louis XV. L'événement

quifrappa le plus mon attention fut ensuite une desI fêtesde gala du commencement du règne de Louis XV,

dignes filles de celles de la Régence, où le trésor deI la Franceglissait en perles d'eau à travers les doigtsdetrois ou

quatrecourtisanes adorées. Je vis Voltaire

enbonnet de coton dans son parc de Ferney, et plusQ

tard Bossuet se promenant sur la petite terrasse desonpalais épiscopal de Meaux, non loin de là petitecolline que le chemin de fer coupe aujourd'hui, maisoù je ne 'distinguai pas la moindre trace de cette

Industrie. Dans cette même succession d'événements, je voyais les routes couvertes de diligences, et surles mers de vastes navires à voiles. La vapeur avait

disparu avec toutes les usines qu'elle meut de nos

 jours. Le télégraphe était anéanti ainsi que toutes les

applications de l'électricité. Les ballons qui s'étaientmontrés de temps en temps dans mon champ d'ob-

servation étaient perdus, et le dernier que j'avais vuétait le globe informe enlevé à Annonay par lesfrères Montgolfier en présence des États généraux.La face du Monde était déjà changée. Paris, Lyon,Marseille, le Havre, Versailles surtout étaientméconnaissables. Les premières avaient perdu leurimmense mouvement. La dernière avait gagné unéclat incomparable. Je ne m'étais formé qu'une idée

insuffisante de la splendeur royale des fêtes de Ver-

sailles j'étais satisfait d'y assister, et je me sentis

impressionné au fond de l'âme en voyant Louis XIV

1 ui-mème,en personne, sur la splendidé terrasse de

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62 LUMEN

l'Ouest, entouré de mille seigneurs enrubannés,c'était le soir, les derniers rayons d'un ardent soleilse réverbéraient sur la façade royale, des couplesgalants descendaient gravement les marches de l'es-calier de marbre, ou s'enfonçaient vers les avenuessilencieuses et sombres.

Ma vue se reportait de préférence sur la France,ou du moins sur la région du monde inconnu qui mereprésentait la France, car on a beau être

loin,bien

loin de son pays, on y songe toujours, et l'on ylaisse chaque fois revenir sa pensée avec bonheur.Ne croyez pas que les âmes désincarnées soient dédai-gneuses, froides, affranchies de tout souvenir; nousaurions alors de tristes existences. Non: nous gar-dons la faculté de nous ressouvenir, et notre cœurne s'absorbe pas dans la viede l'esprit. C'est donc avecun sentiment de jouissance intime dont je vous laissel'appréciation, que je revis toute notre histoire deFrance se dérouler comme si ses phases s'étaientaccomplies dans un ordre inverse. Après l'unificationdu peuple, je vis la souveraineté d'un potentat.. Après

celle-ci la féodalité princière. Mazarin, Richelieu,Louis XIII etHenri IVm'apparurehtà Saint-GermainLes Bourbons et les Guises recommencèrent pourmoi leurs escarmouches; je crus distinguer la Saint-Barthélemy. Quelques faits particuliers de l'histoirede nos provinces me réapparurent, par exemple, unescène de la diablerie de Chaumont, que j'eus le tempsd'observer devant l'église Saint-Jeân, et le massacredes protestants à Vassy. Ces scènes me soulevèrentd'indignation; mais je fus ensuite agréablement sur-pris de voir la magnifique comète en forme de sabre,

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VOYAGE DANS UN RAYON DE LUMIÈRE 63

de 1577. Dans une plaine éloignée, je vis François 1eret Charles-Quint se saluant. Louis XI m'apparutsur une terrasse de la Bastille accompagné de sesdeux sombrescompères. Plus tard, mes yeux, se por-tant sur une place de Rouen, remarquèrent une fortefumée et des flammes; au milieu d'elles se consumaitle corps de la vierge d'Orléans.

Dans la: persuasion que ce monde était l'exacte

contre-partie de la Terre, je devinais d'avance les

événements que j'allais voir. Ainsi, lorsque aprèsavoir vu saint Louis mourant our la cendre au piedde Tunis, j'assistai à la huitième croisade, puis à latroisième où je reconnus Frédéric Barberousse à sa

barbe, puis à la première où Pierre l'Ermite et Gode-

froy me rappelèrent le Tasse, je ne fus que médio-crement étonné. Je m'attendais ensuite à voir succes-sivement Hugues Capet chanter les vêpres en chaped'ofriciant; le concile de Tauriacum décider que le

 jugement de Dieu va se prononcer dans la bataille de

Fontanet, et Charies le Chauve y faire massacrer centmille hommeset toute la noblesse mérovingienne;

Charlemagne couronné à Rome, la guerre contre lesSaxons et les Lombards; Charles Martel martelantles Sarrasins le roi Dagobert faisant bâtir l'abbayede Saint^Denis, comme j'avais vu Alexandre III

poser la première pierre de Notre-Dame Brunehauttraînée sur le pavé par un cheval; les Visigoths, les

Vandales, les Ostrogolhs, Clovis,:Mérovée apparaîtredans le pays des Saliens, en un ,mot les origines mê-mes de notre histoire se dérouler dans le sens inversede leur succession; et c'est effectivement ce qui

arriva. Plusieurs questions historiques très impor-

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64 lbmen

tantes qui m'étaient restées obscures jusque-là furenttmême rendues visibles pour moi. Ainsi, je constataientre autres, que les Français sont originaires .de larive droite du Rhin, et que les Allemands n'ontaucune raison de leur disputer ce fleuve, et surtout

la rive gauche.Il y avait en vérité pour moi un intérêt plus grand

que- je ne sauraisl'exprimer à assister de la sorte-à des

événements dont je n'avais une idée vague que parles échos souvent trompeurs de l'histoire, et à visiterdes pays transformes depuis si longtemps. La vasteet brillante capitale de la civilisation moderne avait

rapidement vieilli et s'était rapetissée jusqu'au pointdes villes ordinaires, toutefois en s'cmbaslionnant detours crénelées. J'admirai tour à tour la belle cité duxvc siècle, les types curieux de son archéologie, la

célèbre tour de Nesle, les vastes couvents de Saint*

Germain-des-Prés. Là où fleurit maintenaint le jardinde la tour Saint-Jacques, je reconnus la cour sombrede l'alchimiste Nicolas Flarnel. Les toits ronds et

pointus faisaient le singuliereffet de

champignonsau

bord du fleuve. Puis cet aspect féodal avait lui-même

disparu pour faire place à un simple château bâti au

milieu de la Seine, entouré dé quelques chaumières,et enfin à une véritable campagne où l'on. distinguaitseulement quelques huttes de sauvages. Paris n'exis-

tait plus et la Seine roulait ses eaux silencieuses au

milieu des herbes et des saules. Dans le même temps, je remarquai que le foyer de celte civilisation s'était

déplacé et était descenduvers le sud. VousTavouerai-

  je ? monami I en aucune circonstance mon âme

n'éprouva un sentiment d'aussi vive jouissance qu'au

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VOYAGE

DANS UN RAYON DE

LUMIÈRE

65

'1

'l

moment où il me fut donné de voir la Rome des Cé-sars dans sa splendeur. C'était un jour de triomphe,et sans doute sous les princes syriens, car au milieudes magnificences extérieures, des chars éclatants,des oriflammes de pourpre, d'un sénat de femmes élé-gantes et de ministres d'opéra, je distinguai un empe-reur mollement étendu sur un char doré, entière-ment vêtu de soie claire et couvert de pierreries,d'ornements d'or et d'argent resplendissant au soleilde midi. Ce ne pouvait être qu'Héliogabale, le prêtredu soleil. Le Colysée, le temple d'Antinoüs, les arcsde triomphe, la colonne Trajane, étaient élevés, etRome était dans toute sa beauté archéologique, der-nière beauté, qui n'était plus qu'une scène de théâtrepour des bouffons couronnés. Un peu plus tard, j'as-sistai à la grandiose éruption du Vésuve, qui englou-tit Herculanum et Pompéi. Un moment, je vis Romeen flammes, et quoique je n'aie pu distinguer Néronsur sa terrasse, je fus persuadé que j'avais bien sousles yeux l'incendie de l'an 64et le signal des persécu-

tions chrétiennes. Quelques heures après, monattention était encore occupée à examiner les vastes jardins de' Tibère, et venait de voir cet empereur

$ arriver près du parterre de rosés, lorsque, par suitede la rotation de la Terre sur son axe, la Judée vintse placer sous l'anxiéte de mon regard, qui devinaimmédiatement Jérusalem et la montagne du Golgotha.Jésus, gravissait cette montagne, entouré par quelquesfemmes, escorté d'une troupe dé soldats et suivi parune populace de Juifs. Ce spectacle est l'un de ceux

que je n'oublierai jamais. Il était tout autre pour moique pour les vivants qui y assistaient alors, car lars, car la

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66 lumen

_· 1-~ 1gloire future (et pourtant passée) de l'Eglise chré-tienne se déployait pour moi comme couronnement dudivin sacrifice. Je n'insiste pas; vous comprendrezquels sentiments divers agitèrent mon âme en cetteobservation suprême.

Revenant plus tard. vers Rome, je reconnus JulesCésar étendu sur son bûcher, ayant à sa tête Antoinedont la main gauche tenait, je crois, un rouleàu de

papyrus. Les conjurés descendaient à la hâte lesbords du Tibre. Remontant par une légitime curiosité!la vie de Jules César, je le retrouvai avec Vercingé-torix au sein des Gaules, et je pus constater que detoutes les hypothèses de nos modernes sur Alesia,aucune ne donne l'emplacement véritable, attendu

que cette forteresse était située sur.

QujërenS. – Pardonnez mon interruption, maître,mais je saisis avec empressement l'occasion de vousdemander un éclaircissement sur un point particulierdu dictateur. Puisque vous avez revu Jules Gésar,dites-moi, je vous prie, si sa figure ressemble vrai-ment

à celle que l'empereur Napoléon III, qui règneactuellement sur la Gaule, en a donnée dans son

grand ouvrage sur la vie de ce fameux capitaine?Lumen. – Je serais, enchanté, mon vieil ami, de

vous éclairer sur ce point si j'en avais la possibilité.Mais réfléchissez qu'ici les lois de la perspective medéfendent.

Qilerëns. – De la perspective?. Vous voulezdire: de la politique.

Lumen. – Non; de là perspective (quoique cesdeux choses se ressemblent fort), car en voyant lesgrands hommes du haut du ciel, je les juge autrement

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È-i

VOYAGE DANS UN RAYON DE LUMIÈRE

67 ~i

qu'ils ne paraissent au vulgaire. Du ciel, nous voyonsgéométriquement les hommes par le haut, et non de

face, c'est-à-dire que lorsqu'ils sont debout nous n'enn'avons qu'une projection horizontale. Vous voussouvenez qu'un jour nous avons passé ensemble enballon au-dessus de la colonne Vendôme à Paris, et

que vous m'avez fait la réflexion que Napoléon vud'en haut ne

dépassaitpas leniveau des autres hommes.

Il en est donc de même de César. De l'autre monde,les mesures matérielles disparaissent: il ne reste plusque les mesures intellectuelles.

Quoi qu'il en soit, je remontai de Jules César jus-qu'aux consuls et aux rois du Latium, pour m'arrêterun instant à l'enlèvement des Sabines, que je fussatisfait de pouvoir observer directement commetypedes moeurs antiques. L'histoire a embelli bien des

choses, et je reconnus que la plupart des faits histo-

riques reproduits par les peintres furent totalement

différents de ceux qu'on nous représente. En ce même

momentj'aperçus le roi Candauleen Lydie,dansla scène

du bain que vous connaissez, l'invasion de l'Egypteparles Éthiopiens, la république oligarchique deCô-

rinthe, la huitième olympiade de la Grèce, et îsaïe pro*

phétisant en Judée. Je vis bâtir les pyramides par des

troupeaux d'esclaves obéissant à des chefs montés sur

des dromadaires, Les grandes dynasties de la Bac-

triane et de l'Inde m'apparurent, et là Chine in'ofîrlt

les arts merveilleux qu'elle possédait avant la nais-

sance mêmedu monde occidental. J'eus l'Occasion de

rechercher l'Atlantide de Platon, et je vis effective-

ment que les opinions' de Bailty sur ce continent dis-

paru ne! sont pas dénuées de fondement, Pana la

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168LUMEN

Gaule on ne distinguait plus que de vastes forêts et

des marécages, les druides eux-mêmes avaient dis-

paru, et les sauvages ressemblaient fort à ceux quivivent encore aujourd'hui dans l'Océanie. C'était bien

l'âge de pierre retrouvé par les archéologues mo-

dernes. Plus tard encore, je vis que le nombre des

hommes diminuait peu à peu, et que la domination

de la nature semblait appartenir à une grande racede singes, à l'ours des cavernes, au lion, à l'hyène,au rhinocéros. Il arriva un moment pu il me fut

impossible de distinguer non seulement un seul

homme à la surface de ce monde, mais encore le

moindre vestige de la race humaine. Tout avait dis-

paru. Les tremblements de terre, les volcans, les dé-

luges semblaient maîtres de la surface planétaire et

ne plus permettre la présence de l'homme au sein de

ces ruines.

QujEREns.Vous avouerai-je, ô Lumen, que j'atten-dais avec impatience le moment où vous arriveriez au

paradisterrestre, afin de savoir au juste en quelle

forme se présenta la création de la race humaine surla Terre. Je suis surpris que vous ne sembliez pasavoir mêmesongé à cette importante observation.

Lumen. – Je vous raconte uniquement ce que j'aivu, moncurieux ami, et je megarderai bien de subs-tituer au témoignage de mes yeux les rêves de mon

imagination. Or, je n'ai pas aperçu la moindre trace

de cet Éden si poétiquement dépeint dans l,es théo-

gonies primitives Au surplus, il eût été bien extraor-

dinaire que la ressemblance entre le monde quee,~a. r'F'f~Rlance ',è~tre atlée mo~~e.que  j'avais sous les yeux et la Terre fût allée jusque-là,

d'autant- plus que si lé paradis terrestre a sa raison

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VOYAGEDANSUN RAYONDE LUMIÈRE 69 ?

d'être au berceau de l'humanité, je ne vois pas. qu'ilpuisse avoir la même raison à la fin de la société hu-maine

Qu^ERENs.– Je crois, au contraire, qu'il serait

plus juste de le supposer à la fin qu'au commencement,comme récompense plutôt que comme le préludeincompris d'une vie de souffrances. Mais puisque kvous ne

l'avez pas vu, je n'insiste pas sur ma ques- Jtion.LUMEN. II m'arriva, enfin, en terminant l'obser-

vation.de ce monde singulier dont l'histoire était pré-cisément l'inverse de la vôtre, de voir des animauxmerveilleux de monstruosité se combattre sur le ri-

yage de vastes mers. Il y avait des serpents gigan-tesques armés de pattes formidables, des. crocodiles

qui volaient dans les airs, supportés par des ailes or-

ganiques plus longues que leur corps, des poissonsdifformes dont la gueule aurait avalé un bœuf, des “oiseaux de proie se livrant de terribles batailles dansles îles dévastées. Il y avait des continents entiers

Couverts de vastes forêts, des arbres aux feuillesénormes croissant les uns sur les autres, des végé-taux sombres et sévères, car le règne végétal ne pos-sédait plus alors ni fleurs ni fruits. Les montagnesvomissaient des nappes enflammées, les fleuves tom-

baient en cataractes, le sol des campagnes s'ouvraitcomme une gueule profonde, en laquelle s'engloutis- ?

saient les collines, les bois, les, rivières» les arbres,les animaux. Mais bientôt il me devint impossible de

distinguer même la surface du globe; une mer uni-

verselle me parut le couvrir, et le règne végétall

commele règne animal s'effacèrent lentement pour

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faire place à une monotone Verdure sillonnée d'é-clairs et de fumées blanches. C'était désormais unmonde mourant. J'assistais aux dernières palpitationsde son cœur, révélées par des lueurs fauves inter-mittentes. Puis il me sembla qu'il pleuvait à la foissur sa surface entière, car le soleil n'éclairait plusque des nuages et des sillons de pluie. L'hémisphère

opposé au soleil me parut moins sombre qu'aupara-vant, et de sourdes clartés se laissaient apercevoir àtravers les tempêtes. Ces clartés gagnèrent en in-lonsité et se propagèrent sur la sphère entière. Delarges crevasses étaient rouges comme le fer à laforge. Et comme le fer successivement chauffé dansl'ardente fournaise devient rouge clair, puis orangé,puis jaune, puis blanc et incandescent ainsi lémonde passa par toutes les phases de réchauffement

progressif. Son volume s'accrut, son mouvement derotation se ralentit. Le' globe mystérieux devint sem-blable"à une sphère immense de métal fondu, enve-

loppé de vapeurs métalliques.Sous l'action

inces-sante de- sa fournaise intérieure et dés combatsélémentaires de cette étrange chimie, il acquit des pro-portions énormes, et sa sphère incandescente devintsphère do vapeurs. Dès lors, il allait se développant

sans cesse et perdant sa personnalité. Le Solei.1quil'éolairait d'abord ne le surpassait plus en éclat, etagrandissait lui-même sa circonférence, de telle sorte

qu'il devint évident pour' moi que la planète vapo-reuse allait perdre son existence même en s'absor-

bant dans l'atmosphère grandissante du Soleil.Assister à la fin d'ufl monde est une permission

rare. Aussi, dans monenthousiasme, ne pus-je m'em-

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VOYAGE DANS UN RAYON DE LUMIÈRE 71

pécher de m'écrier avec une sorte de vanité « Voilàdonc la fin du monde, ô Dieu et voilà le sort réservéaux innombrables terres habitées »»

– Ce n'est pas la fini répondit une voix à l'enten-dement de mon âmè c'est le comtnencement*»

– « Comment, c'est le commencement? » pensai-jeaussitôt

« Le commencement de la Terre elle-même, ré*pondit la même voix. Tu as revu toute l'histoiré dela Terre, en t'éloignant d'elle avec une vitesse plusgraride que oellede la lumière. »

Cette affirmation' ne me surprit pas adtant que le

premier épisode de ma vie ultra-terresfrë; car, déjàfamiliarisé aux effets étonnants des lois dé la lumière,

 j'étais désormais préparé à toute nouvelle surprise. Jem'étais bien douté du fait par certains détails que jen'ai pu vous rapporter pour ne pas troubler l'unitéde monrécit, mais qui pourtant étaient incbmpâta-blement plus extraordinaires encore que la siîece^

sion générale des événements.Quârens. – Mais si c'était réellement la Terre;commentse fait-il que l'observation astronomiqueque vous aviez faite plus h»ut pour la reconnaître

S dans la constellation de l'Autel vous ait indique/  aacontraire, que le monde que vous examiniez n?était,ni la Terre, ni un astérisme de l'Autel.

Lumen. – C'est que cette constellation même avaitchangé par la-suite de mort voyage dans l'espace. Au`lieu des étoiles de troisième grandeur a, v et et

I des étoiles de quatrième grandeur Bj & et 9, quiI constituent cette figure vue de la Terre,* fflife éloii-I gnernent vers la nébuleuse avait réduit e©sétoiles à

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72 LUMEN

de petits points imperceptibles. Il avait placé làd'autres étoiles brillantes, qui sans doute étaient a,et du Cocher, 6, t, r], et peut-être même e de lamême figure, étoiles diamétralement opposées auxprécédentes, lorsqu'on est sur la Terre, mais qui ontdû s'interposer là lorsque je les eus dépassées. Lesperspectives célestes avaient déjà changé, et il de-venait, en vérité, presque impossible de déterminer la

position de notre Soleil.Qu^ERENs. – Je n'avais pas songé à cet inévitable

changement de perspective, au déjà de Capella. Ainsi,c'est bien la Terre même que vous avez vue. Deplus, sonhistoire s'est déroulée devant vous en sensinverse de la réalité. Vous avez vu les événementsanciens arriver après les événements modernes. Parquel nouveau procédé la lumière a-t-elle pu vousfaire ainsi remonter le fleuve du temps? ~

De plus, ô Lumen, vous m'avez annoncé avoirobservé des particularités curieuses, relatives à laTerre même. Je désirais précisément vous soumettre

quelques questionssur ces détails.

J'écouterai doncavec intérêt les histoires extraordinaires qui doiventcompléter ce récit, persuadé que, commeantérieure-ment, elles répondront d'avance à ma curiosité.

Il

Lumen. – La première circonstance se rattache àla bataille de Waterloo.

Qu rens. – Nul plus que moi ne se, souvient

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LES ÉVÉNEMENTS RETOURNÉS 73

mieux de cette catastrophe j'y reçus une balle à

l'épaule près de Mont-Saint-Jean, et un coup de sa-bre sur la main droite par un des vauriens deBlücher.

LUMEN. Eh bien mon vieux camarade, en as-sistant de nouveau à cette bataille, je la vis tout au-trement qu'elle ne s'est passée, Jugra-en plutôt.

Lorsque j'eusreconnu le

champde

Waterloo,au

sud de Bruxelles, je distinguai d'abord un nombreconsidérable de cadavres, sinistre assemblée de lamort gisant étendue sur le sol. Au loin, à travers le

brouillard, on apercevait Napoléon arrivant à recu-

lons, en tenant son cheval par la bride les officiers

qui l'accompagnaient marchaient également à recu-Ions Quelques canons devaient commencer de gron-der, car on voyait de temps en temps les tristes lueursde leurs éclairs. Lorsque ma vue fut suffisammenthabituée- la campagne, je vis d'abord quelques sol-dats morts se réveiller, ressusciter de la nuit éter-

nelle, et se relever d'un seul trait 1 Groupes par

groupes, un grand nombre ressuscitent. Les chevauxmorts se réveillent comme les cavaliers et ceux-ciremontent à cheval. Aussitôt que deux ou trois mil-liers d'hommes sont revenus à la vie, je les vois se 1former insensiblement en bataille rangée les deuxarmées se trouvent en présence et commencent à se

battre, avec un acharnement, une fureur que l'on au-

rait'pu prendre pour du désespoir. Le combat une fois

engagé, des deux parts les soldats ressuscitent plusrapidement. Français, Anglais, Prussiens, Allemands

Hanovriens, Belges; eapotes grises, uniformes bleus,tuniques "rouges; vertes, blanches, se lèvent du champ

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74 LUMEN

? do la mort et se battent. Au centre de l'armée fran-

*f  y çaise j'aperçois l'empereur; un bataillon carré l'enve-

loppait la garde impériale était ressuscitée

$°" Alors les immenses bataillons s'avancèrent; des

>}' deux camps, précipitant leurs flots lourds; de la

*£v gauche et de la droite s'élancèrent les escadrons. Les

fi< chevaux blancs faisaient flotter au vent leur aérienne

I crinière. Je me souviens dé l'étrange dessin-de Raf-

& fet et de l'épigramniè spectrale du poète allemandô`A' Bedlitz

La caissesonne, étrange,"Fortementelle retentit.

Dans leur fosseressuscitentLesvieux soldats péris.

I

|Et de cette autre

y C'est la grande revue

J- y Qu'à l'hearë deiHliiiilt

 jfi. Aux.Champs-Elysées

g;Tient Césardécédé.

~,lTr.,rfjf. C'élaii bien Waterloo, mais un Waterlood'outre

g_ v tombe, car les combattants étaient des ressuscites. DeE. plus, singulier mirage, c'est à reculons qu'ils mar-

 jlp* cbaient les uns contreles ..autres. Une telle bataille

 jt/  .`, était (l'un effet magique, qui m'mpressionnait d'au-

|S' tant plus fortement, que je devinais voir l'événementf, ,`. lui-même et qu cet événement était étrangement

'£ transformé en son image symétrique. Remarque nonK moins singulière Plus on se battait, et plus le nom-

f- bre des combattants augmentait; à chaque trouée que

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LES ÉVÉNEMENTS RETOURNÉS .75

lecanon faisait dans les rangs fiertés, un groupe demorts ressuscitait immédiatement pour boucher cesI trouées-Lorsque les armées ennemies eurent passélia journéeà s'ontredéchirer par, la mitraille, les ca-nons, les balles, les baïonnettes, les sabres, les

lépées- lorsque l'immense bataille fut achevée, il n'yeut pas' un seul mort, pas un seul blessé les uni-

for mes)naguère déchirés, en désordre, étaient en

bon état,- les hommes étaient valides^ les rangsétaient correctement formés. Les deux armées s'éloi-

gnèrent lentement l'une de l'autre comme si l'ardentemêléen'avait eu d'autre but que de faire ressusci-

ter, sous la fumée du combat, les deux cent mille

cadavres qui gisaient dans la plaine M y a quelquesheures. Quelle bataille exemplaire et digne d'envie!1

A coup sûr c'était là le plus singulier des épisodesmilitaires. Et l'aspect physique était dépassé encore

par l'aspect moral, lorsque je songeais que cette ba-

taille avait pour résultat, non de vaincre Napoléon,mais au contraire do le placer sur le trône. Au lieu de

perdre la balaille, c'était l'empereur qui la gagnait, deprisonnier devenant souverain. Waterloo était un 18brumaire!y Quarkns. – Je no comprends qu'à demi, ô Lu-men co nouvel des lois de la lumière, et je

vous serais reconnaissant de m'en donner l'explica-tion, si vousla connaissez.

Lumen. – Je vous l'ai laissé deviner tout à l'heure,en vous disant que je m'éloignais de la Terre avec

-une vitesse plus- grandeque celle de la lumière.

Qilerens. i^ Mais, je vous prie,- comment cet éloi-

gnement prog"reâsif  dans l'espace vous les

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76 LUMEN

événements dans l'ordre inverse de celui dans lequelils se sont accomplis ?Q

LUMEN. La théorie est bien simple. Supposezque vous partiez de la Terre avec une vitesse exacte-ment égale à celle de la lumière; vous aurez toujoursavec vous l'aspect que la Terre revêtait au moment oùvous êtes parti, puisque vous vous éloignez du globeavec une vitesse précisément égale à celle qui emportecet aspect lui-même dans l'espace. Lors même quevous voyageriez pendant mille ans, cent mille! ans,cet aspect vous accompagnera toujours, comme une

photographie qui ne vieillit pas, tandis que les annéesfont vieillir l'original.

Qimerens. – J'ai déjà compris ce fait dans notre

premier entretien.Lumen. – Bien. Supposez maintenant que vous

vous éloigniez de la Terre avec une vitesse supérieureà celle de la lumière. Qu'arrivera-t-il ? Vous retrou-verez, à mesure que vous avancerez dans l'espace, lesrayons partis avant vous, c'est-à-dire les photogra-

phies successives qui, de seconde en seconde, d'ins-tant en instant, s'envolent dans l'étendue. Si, parexemple, vous partez en 1867avec une vitesse égale `

à celle de la lumière, vousgardez éternellement l'année1867avec vous. Si vous allez plus vite, Nvousrétrou-verez les rayons partis aux années antérieures et quiportent en eux la photographie de ces années.

Pour mieux mettre en évidence la réalité de cefait, je vous prie de considérer plusieurs rayons lu-mineux partis de la Terre à différentes époques. Le

p'remier est, je suppose,celui d'un instant quelconquedu 1er  janvier 1867. Araison de 75,000 lieues par se- j

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EN REMONTANT LES AGES 77

conde, il a, au moment où je vous parle, déjà fait uncertain trajet depuis le moment de son départ et se

trouvemaintenant à une certaine distance, que j'expri-merai par la lettre A. Considérons maintenant un

second rayon parti de la Terre cent ans auparavant,le 1er janvier 1767 il est de cent ans en avance sur

le premier, et se trouve à une distance beaucoup plusgrande, distance que j'exprimerai par la lettre B. Untroisièmerayon, celui,je suppose, du 1er janvier 1667,

est encore plus loin, d'une longueur égale au trajetque parcourt la lumière en cent ans. J'appelle C lelieu où en est ce troisième rayon. Enfin un qua-trième, un cinquième, un sixième, sont respective-ment du 1er janvier 1567, 1467, 1367, etc., et sontéchelonnés à des distances égales, D, E, F, s'enfon-

çant de plus en plus dans l'infini.Voilà donc une série de photographies terrestres

échelonnées sur une même ligne de distance en dis-tance dans l'espace. Or l'esprit qui s'éloigne en pas-

sant successivement par les points A, B, C, D, E,F, y retrouve successivement l'histoire séculaire dela Terre en ces époques.

Qu^erens. – Maître! à quelle distance ces photo-graphies sont-elles les unes des autres ?

Lumen. – Le calcul est des plus faciles: l'inter-valle qui les sépare est naturellement celui que lalumière parcourt en cent ans. Or, à raison de75000 lieues par seconde, vous voyez immédiate-

ment qu'elle parcourt 4 500000lieues en une minute,.270 000000de lieues en une heure, 6 652800000 lieuesen un  jour, 2 428 272 Q00000en un an, ou, en tenantt

compte des années bissextiles, 2429 935 200 000. Il

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78: LUMEN

en résulte par conséquent que l'intervalle entre deuxpoints partis à un siècle de distance est de 242 tril-lions 993 milliards et demi de lieues environ.

Voilà, dis-je, une série de photographies terrestreséchelonnées dans l'espace à ces intervalles reci-proques. Supposons maintenant qu'entre chacune deces images séculaires se trouvent échelonnées à leurtour. les images annuelles, gardant entre chacune

d'elles la distance que la lumière parcourt en un an,et que je viens de vous nommer puis qu'entre cha-cune des images annuelles nous ayons les imagesde chaque jour; puis que chaque jour contienne les

images de ses heures, chaque heure enfin les imagesde ses minutes, et chaque minute les images deses secondes, le tout se succédant suivant les dis-tances respectives de chacune d'elles nous auronsdans un rayon de lumière, ou pour mieux dire dansun jet de lumière composé d'une série d'images dis-tiriGles juxtaposéos, l'inscription fluidique de l'histoiredo là Terre.

Quand l'esprit voyage dans ce rayon éthéréd'images, avec une vitesse supérieure à celle de lalumière, il rel.ro'uve successivement les anciennes

images. Lorsqu'il arrive à la distance où se trouve S

alors l'aspect parti en 1767, il a déjà remonté cent ians de l'histoire terrestre. Lorsqu'il arrivé au pointoù est arrivé l'aspect de 1667, il a remonté deuxsiècles. Lorsqu'il arrive à la photographie de 1567,il a revu trois siècles, et ainsi dé suite. Je vous ai dit «en commençant que je me dirigeais alors vers unenébuleuse située à gauche de CàpellavCette nébuleusese trouve è une distance incôniparebletnent plus 1

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EN REMONTANT LES AGES 79

grande que cette étoile, quoique de la Terre elle pa-raisse être à côté, parce que les deux rayons visuelssont voisins; cette .proximité apparente n'est duequ'à la perspective. Pour vous donner une idée del'éloignement probable de cette nébuleuse, je puisvous dire qu'elle n'est pas moins vaste que la Voielactée. On peut donc se demander à quelle distanceil faudrait supposer la Voie lactée transportée pourqu'elle se réduisît à l'aspect de cette nébuleuse. Monsavant ami Arago avait fait ce calcul, que vousn'ignorez pas, puisqu'il le répétait chaque année àson cours fie l'Observatoire et qu'on l'a publié depuissa mort. Il faudrait supposer la Voie lactée trans-portée à une distance égale à 334 fois sa longueur.Or, comme la lumière met 15 000 ans à traverserd'un bordà l'autre de la Voie lactée, il s'ensuit que lalumière ne doif  pas employer moins de 334 fois15000 ans, c'est-à-dire moins de cinq millions d'an-nées pour venir de là. J'avais remonté le rayon de laTcrr-e jusqu'à cette lointaine nébuleuse, et si ma vue

spirituelle avait été plus parfaite, j'aurais pu distin-guer non seulement l'histoire rétrograde de dixmille, cent mille ans, mais encore celle de cinqmillions d'années.

Qimïrens. – Pour remonter ainsi les événementsen vous éloignant dans l'espace, est-Ce que vous vo-liez en reculant, ou plutôt les esprits sont-ils douésde la faculté de voir derrière eux ?

Lumen. –Quelle question! Si j'entreprenais devous exposer par quel sens intime les esprits voient,

  je V014Splongerais dansla discussion d'un problèmeinsoluble pour vous. Tour voire satisfaction person-

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80 LUMEN

nelle, pensez que je me retournais de temps entempspour examiner la Terre; cette idée sera plus

facile à accepter.QiLerens. Combien de temps dura ce voyage

vers la nébuleuse ?LUMEN. Ne vous ai-je pas appris que le temps

n'existe plus en dehors du mouvement de la Terre ?Que j'aie employé cent ans ou une demi-journée à

cet examen c'est exactement la même durée de-vant l'infini.

Qilerens. – Maître me permettez-vous mainte-nant de vous soumettre une étrange idée qui vient depoindre dans mon cerveau ?

Lumen. – C'est pour entendre vos réflexions que.je vous fais ce réeit.

Qu^erens. Je viens de me demander si cettemême inversion pourrait .avoir lieu pour l'oreillecomme pour la vu Si, de même que nous pouvonsvoir un événement au rebours de sa réalité, nouspourrions aussi entendre un discours en commen-çant par la fin. C'est sans doute uite question oiseuse

otMieut-ctre en 'apparence ridicule, mais dans le para-doxe, il me semble. que tout mérite également l'at-tention., Ainsi oserais-je vous avouer que, tout àl'heure, pendant que vous meparliez de la bataille deWaterloo, il m'est venu à l'idée de savoir commentvous auriez entendu la phrase célèbio

`"

La gardemeurt et ne se rendpas.si le phénomène qui s'est produit pour la lumières'était produit pour le son.

Lumen. – Les lois du son diffèrent essentielle-

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LES ÉVÉNEMENTS RETOURNÉS 81

» * v 1 1 r * *J f *I 1 <é « Ar t« Aw% <^ T « « « ^ – J »__ J»J ^ J_ment de celles de la lumière. Le son ne parcourt que340 mètres, par seconde, et ses effets.n'ont absolu-ment rien de commun avec ceux de la lumière.Néanmoins il est évident que si nous avancions dansl'air avec une vitesse supérieure à celle du son, nousentendrions à l'inverse les, sons qui partiraient deslèvres d'un interlocuteur. Si, par exemple, celui-cirécite un alexandrin, un auditeur, en s'éloignant avec

ladite vitesse, à partir du moment où il a entendu ledernier pied, retrouvera successivement les onzeautres pieds partis en avant, et entendra l'alexandrinau rebours.

QujErens. – De sorte que, pour en revenir à labataille de Waterloo, vous auriez entendu.

Lumen. – Si ce qui s'est accompli dans l'ordrede la lumière s'était accompli dans l'ordre du son,

 j'aurais entendu l'assemblage informe de syllabesque voici

Pas-rend-se-ne-et-meurl-de-gar-la

qu'il m'aurait été difficile de comprendre. J'auraischerchédifférents ,sens sous ces syllabes.QujERENS. – Peut-être auriez-vous cru, en modi-

fiant logiquementles sons, que Cambronne, répon-dant au défi de l'officier anglais, l'aurait envoyé lui-même au séjour des ombres en lui disant

Pars en ce lieu, et meurs! Deguerre las.

Lumen. – Je vous reconnais^bien là. Vous aimez

toujours jouer, sur les mots. Eh bien! ce demi-sons

ne m'aurait certainement pas satisfait. J'aurais sans

doute cherché mille iptorprétations, plus ou moins

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82 LUMEN

inutiles. Quant à la théorie en elle-même, elle offreune réflexion curieuse, c'est que la nature aurait pufaire que le son ne parcourût pas 340 mètres par se-conde, que sa vitesse, qui dépend de la densité et del'élasticité de l'air, fût différente de ce qu'elle est,plus lente, beaucoup plus lente même. Pourquoi, par-exemple, ne s"oiransmet-il pas dans l'air avec une

vitesse de quelques centimètres seulement par se-'conde? Or, voyez ce qui en résulterait s'il en étaitainsi. Les hommes ne pourraient plus se parler enmarchant. Deux amis causent ensemble; l'un fait un

pas, deux pas en avant, s'éloigne d'un mètre, je sup-pose, et comme le son emploierait plusieurs secondesà franchir ce mètre, il en résulterait qu'au lieu d'en-tendre la suite de la phrase prononcée par son ami,le promeneur entendrait de nouveau, dans un ordreinversé, les sons constitutifs des phrases antérieures.A quoi tient-il que l'on ne puisse causer en marchant,et que les trois quarts des hommes ne puissent s'en-tendre?Q

Ces' remarques, monami, m'invitent à proposer enpassant à vos méditations un sujet bien digne d'at-tention et dont on s'est encore peu occupé jusqu'icicelui de l'adaptation de l'organisme humain au milieuterrestre. La manière dont l'homme voit, dont il en-tend, ses sensations, son système nerveux, sa taille,son poids, sa densité, sa marche, ses fonctions, enun mot tous ses actes sont régis, constitués même,par l'état de votre planète. Nul de vos actes n'est ab-lument libre, indépendant l'homme est la résul-

tante, docile quoique Jnconsciento, des forces orga-niques de la Terre.

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L'HOMME EST ORGANISÉ PAR LA PLANÈTE 83

Mais pour -en. revenir à mon observation des dé-

f\- tails relatifs à la vie terrestre, inversement rendus

par mon essor rapide, je vous rapporterai maintenant

l'aspect bizarre que m'offrirent les existences hu-

maines. Dans le monde que j'avais sous les yeux et

qui (nous l'avons vu) n'est autre que le vôtre, leshommes ne naissaient plus par la voie naturelle que

vousconnaissez. Au contraire.Qu^erens. – Comment, au contraire?LUMEN. Pour mettre au monde un homme, on

t

commençait pai-creuser le sol à une certaine profon-deur, ou, pour parler plus exactement, on se ras-

semblaït dans une sorte de verger des ouvriers je-taient à l'aide de pelles, au bord d'une fosse, de laterre friable, qui, au surplus, semblait sortir elle-

même du fond de la fosse. Puis ces ouvriers se pen-chaient et retiraient de l'ouverture creusée dans le

sol une boîte oblongue, que l'on portait non pas

précisément en triomphe mais en cérémonie,

dans un temple.Un

peu plustard

je voyaissortir du

temple la même boîte, toujours suivie d'un nombre

considérable d'assistants, dont lés uns paraissaienttristes, tandis que d'autres restaient fort indifférents.Le cortège marchait à reculons, vêtu de noir.

On arrivait ensuite près d'une maison dans laquelleoh entrait également à reculons, avec la boîte dont

  j'ai parlé.-Que se passait-il ensuite dans l'intérieur

dé l'habitation ? C'est ce que je pus une seule fois

apercevoir par .suite d'une disposition particulière

Ides Mutesfenêtres et de l'éclairage. Quelques per-sonnes choisies, commençaientpar déclouer la boîte

à coups de marteau (procédé aussi bizarre que le

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84 LUMEN

reste) puis déballaient l'objet enfermé et le pla-çaient sur un lit.

C'est alors que se préparait le moment suprême dela"naissance d'un être! humain car ce corps inerte

que l'on venait de déterrer était un futur vivant.Toute la famille se mettait en pleurs, comme pour

déplorer l'arrivée d'un nouvel être en cette, triste

.vieles uns déchiraient leurs vêtements, les autres,

et c'étaient les plus rares, s'arrachaient les cheveux,d'autres étaient étendus comme morts sur leurs fau-

teuils d'autres encore s'agenouillaient au pied de la

couche et paraissaient prier. Les médecins, toujoursfaciles à reconnaître, arrivaient, non plus pour expé-dier le malade, mais au contraire pour lui donner la

vie, et en quelque sorte faire accoucherla mort. C'estordinairement le surlendemain de son 'exhumation

que le cadavre s'éveillait. Le ministre qui avait di-

rigé la première cérémonie, venait lui donner le

baptême de l'extrême-onction. Dès ce moment, lenouveau-né était entouré de tous les soins imagi-

nables.Telles s'accomplissaient toutes les naissances. On

naissait vieux ou dans l'âge mur. Ordinairement on

subissait une longue maladie avant de faire définiti-vement partie des vivants. Quelquefois on-- n'en su-

bissait aucune et on se levait du sein (le la mortcomme par accident. La vie était dès lors sensible-ment différente de la vôtre actuelle. Au lieu de vieil-

lir, on rajeunissait on arrivait à la force de l'âge,les crânes chauves se couvraient insensiblement les

cheveux blancis devenaient bruns ou blonds; les

femmes étaient saypntes en leur ajt avant d'être in-

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LES ÉVÉNEMENTS RETOURNÉS 85

nocentes:la nature elle-même réparait des ans le

réparable outrage hommes et femmes atteignaientla virilité, puis l'adolescence, puis la première jeu-nesse, enfin on tombait dans l'enfance, et après avoir

passé par toutes les phases, on devenait petit enfant,très petit enfant, jusqu'au moment où enfin on étaitt

porté par ses parents au temple, puis on disparaissaitde la scène du monde par un procédé que vous devi-

nerez en réfléchissant à la symétrie.QuiERENs. – J'avoue, ô Lumen que je n'ai jamais

l,

entendu récit plus bizarre et plus merveilleusementinsolite. Mais dans ce monde singulier, si tout s'ac-

complit de la sorte en sens contraire de la nature

terrestre, comment.LUMEN. Voici, mon ami, l'aurore qui, de nouveau,

m'invite à retourner au sein de l'espace, peuplé deschoses inconnues à la Terre, mine féconde en la-

quelle les Esprits retrouvent les épaves des existen-ces passées, les secrets de bien des mystères, lesruines des mondes détruits, et les gonèses des mon-des futurs. Il

serait,du

reste, superflu d'allongerce

récit de détails inutiles. Mon but était de vous mon-trer que pour afoir le spectacle d'un monde et d'un

système de vie exactement opposés au vôtre, il suffitde s'éloigner"de la Terre avec une vitesse supérieureà celle de la lumière.

Dans cet essor de l'âme vers les horizons inacces-sibles de l'infini, on retrouve les rayons lumineuxréfléchis par la Terre et par les autres planètes, il y ades milliers et des myriades d'années, et en observant

les planètesde cette lointainedistance,on peut assister levisu aux événementsde leur histoire passée. Ainsi l'on

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186 LtJMEN

remonte le fleuve du temps jusqu'à sa source. Unetelle faculté doit illuminer, pour vous, d'une clarténouvelle ïes régions de l'éternité. Je me prometsde vous en faire connaître bientôt les ^conséquencesmétaphysiques, si, comme je l'espère, vous avezadmis la valeur scientifique des documents de cetteétude ultra terrestre

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TROISIÈME RÉCIT <)•

HOMOHOMUNCULU3 .Jg

Qujjuens. – Je vous ai écouté avec intérêt, ô “_<Lumen! sans être, je l'avoue, entièrement persuadéque tout ce que vous venez de me raconter soit ~jbien une réalité. En vérité, il est fort difficile decrqire que l'on puisse voir ainsi directement toutes! y;choses. Lorsqu'il y a des nuages, par exemple, vousne pouvez voir, au travers, ce qui se passe à la sur- $face de la Terré. Il en est de même de l'intérieur des '|demeures.

Lumen. – Détrompez-vous, mon ami, ]?s ondu- A,lations de l'éther traversent des obstacles que vous 1|pourriez croire infranchissables. Les nuages sont ;S

formée de molécules entre lesquelles un rayon dolumière peut souvent passer. Dans cas côn- :5|traire, il y a çà et là des éclaircies à travers lesquelles Mon peut voir obliquement. Il est rare qu'il soit im-possible de rien distinguer. Si c'esj; là votredernièreobjection, il faut avouerqu'elle est loin d'être insur-

montable. l'Wi

(i) Écrit en 1867. >."vtï

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88 LUMEN

QujErëns. – Vous avez une manière particulièrede résoudre toutes les difficultés. Peut-être est-ce làun privilège des êtres spirituels. Il m'a fallu succes-sivement supposer que vous avez été transporté sur

Capella avec une vitesse supérieure à celle de la lu-

mière que vous êtes arrivé sur un monde sans vous

y incarner; que votre âme demeure affranchie detoute enveloppe corporelle; que vos yeux ultra-ter-

restres sont assez puissants pour distinguer de là-haut ce qui se passe ici; que vous pouvez vous reculerou vous avancer dans l'espace à votre fantaisie; et'enfin que les nuages eux-mêmes ne s'opposent pas àce que vous puissiez distinguer la surface de notre

globe. Il faut convenir que ce sont là pourtant d'âssez

graves difficultés.

Lumen. – Que vous êtes terrestre, mon vieil amiet que vous seriez surpris si j'entreprenais maintè-nant de vous prouver que toutes ces difficultés n'ensont pas, et que toutes celles qui s'opposeraient en-core à votre conception du phénomène sont de pursefïets do votre ignorance ative 1 Que.penseriez-voussi je vous disais qu'aucun homme n'a seulement uneidée do ce qui se passe même sur la Terre, et quenul ne comprend la nature?

Qii-iERENs.– Au nom, des indiscutables vérités dela science moderne, j'oserais penser qu vous voulezm'en imposer.

Lumen. – A Dieu ne plaise! Écoulez-mpi, monami. Les merveilleuses découvertes de. la sciencecontemporaine devraient agrandir la sphère de vos

conceptions. Vous venez de découvrir l'analysespectrale! Par l'examen méthodique d'un modeste

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LA SPHÈRE DE L'OBSERVATION HUMAINE 89

rayon de lumière venu d'une lointaine étoile, vousconstatez quels sont les éléments qui constituent cetteétoile inaccessible et alimentent ses flammes. C'estlà, mon jeune frère spirituel, un événement plus éton-nant lui seul que toutes les conquêtes-des Alexandre,des César et des Napoléon, que toutes les décou-vertes des Ptolémée, des Colomb, des Guttenberg,que toutes les bibles des Moïse, des Confucius, des

Jésus. Quoi! des trillions de lieues mesurent l'abîmequi vous sépare de Sirius, d'Arcturus, de Véga, de

Capella, de Castor et Pollux, et vous analysez lessubstances qui constituent ces soleils, comme si vous

pouviez les prendre à la main et les soumettre aucreuset du laboratoire Comment donc vous refuserà admettre que, par des procédés qui vous sont in-connus, la vue de l'âme puisse saisir elle-même l'as-pect lumineux d'un monde lointain et en distinguermême lés moindres détails? Eh quoi! le télégrapheporte eh un instant inappréciable votre pensée de

l'Europe à l'Amérique à travers les abimes de l'o-

céan, deux interlocuteurs s'entretiennent à voix basseà des milliers de lieues de distance, et vous n'êtes

pas capable d'admettre mes relations parce que vousne les comprenez pas tout à fait? Mais comprenez-vous comment là dépêche télégraphique vole et setransmet? Non, n'est-ce pas? Cessez donc de con-server des doutes qui n'ont même pas la valeur d'être

scientifiques. •

Quverens. – Mes objections, ô monsavant maître,n'avaient d'autre but que d'apporter de clartés nou-velles ma compréhension. Je suis loin de nier la

réalité de ce quevous voulez bien mefaire connaître?

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90 LUMEN

et je cherche surtout à m'en former une idée ra-tionnelle et exacte.

Lumen. – Songez bien, mon ami, que je ne m'enformalise en aucune façon, et pour développer à mongré la, sphère de vos conceptions, je puis à l'instantmême vous ouvrir les yeux sur l'insuffisance de vosfacultés terrestres et sur la pauvreté fatale de lascience positive elle-même, en vous invitant à ré-

fléchir que les causes de vos impressions sont uni-quement des modes du mouvement, et que ce quel'on appelle orgueilleusement la science n'est qu'uneperception organiquetrès bornée. La lumière, par la-

quelle vos yeux voient; le son, par lequel vospreillesentendent; les odeurs, les saveurs, etc., sont dif-férents modes de mouvement qui vous impression-nent. Vous ne pouvez apprécier que quelques-unsd'entre eux, parles sens que vous avez reçus, prin-cipalement par la vue et par l'ouïe. Vous croyeznaïvement voir et entendre la nature? Il n'en est rien:vous recevez quelques-uns des mouvements en exer-cice sur votre

atome sublunaire. Voilà tout. Endehors des impressions que vous percevez, il en estune infinité d'autres que vous ne pouvez percevoir.

Qu-iErens. Pardonnez, maître Mais ce nouvel as-

pect de la nature ne me,paraît pas assez clair pourque je puisse le bien comprendre. Seriez-^vous

Lumen. – L'aspect est nouveau pour vous, envérité; mais une réflexion attentive ya voua-le fairesaisir. Le son.est formé par des vibrations qui, s'exé-ans l'air, viennent frapper la membrane devotre tympan et vous donnent l'impression des tonsdivers. L'homme n'entend pas tous les sons. Lorsque

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LA SPHÈRE DE L'OBSERVATION HUMAINE yl

les vibrations sont trop lentes (au-dessous de 40 parseconde), le son est trop bas votre oreille ne l'entend

plus. Lorsque les vibrations sont trop rapides (au-dessus de 36 850 par seconde), le son est trop aiguvotre oreille ne l'apprécie plus. Au-dessous et au-dessus de ces deux limites de l'organisme humain,des sons existent pourtant encore et sont entendus

pard'autres êtres, comme

par exempleles insectes.

Les mêmes raisonnements s'appliquent à la lumière.Les différents aspects de la lumière, les nuances etles couleurs des objets sont également dus à desvibrations qui viennent frapper votre nerf  optique etvous donner l'impression des intensités diverses dela lumière. L'homme ne voit pas tout ce qui est visi-ble. Lorsque les vibrations sont trop lentes (au-des-sous de 458 trillions par seconde), la lumière est tropfaible: votre œil ne la voit plus. Lorsque les vibra-tions sont trop rapides (au-dessus de 727 trillions parsecond»), la lumière dépasse votre faculté organiquede perception et devient invisible pour vous. Au-des-

sous et au-dessus de ces deux limites, des couleursexistent encore, et sont vues par d'autres êtres. Vousne connaissez donc, et vous ne pouvez connaître queles impressions qui peuvent faire vibrer les deuxcordes de votre lyre organique, que l'on appelle le

nerf optique et le nerf auditif.

Songez un instant à l'étendue des choses non per-ceptibles pour vous. Tous les mouvementsondulatoiresqui existent dans l'univers, entre ceux qui donnentle chiffre de 36,850 et ceux qui donnent celui de

458,000,000,000,000 dans la mêmeunité de temps, nedeuvent être ni entendus, ni vus par vous, et restent

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92 LUMEN

fatalement inconnus de vous. Essayez de mesurercette échelle La science contemporaine commence àpénétrer un peu dans ce monde invisible, et voussavez qu'elle vient de mesurer les vibrations infé-rieures à 458 trillions (ce sont les rayons calorifiques,invisibles) et les vibrations supérieures à 727 trillions(ce sont les rayons chimiques, également invisibles).Mais les méthodes scientifiques ne peuvent qu'étendreun peu h sphère de la perception directe, sans pou-voir s'en écarter beaucoup. Vous êtes isolé, aumilieu de l'infini.

Il y a plus. Une infinité d'autres vibrations existentdans la nature, lesquelles n'étant pas en correspon-dance avec votre organisation, et ne pouvant êtrereçues par vous, sont à tout jamais ignorées de vous.Si vous aviez d'autres cordes à votre lyre, dix, cent,mille., l'harmonie de la nature se traduirait pluscomplètement en les faisant entrer en vibrations,chacune en ee qui concernerait son mode; vous per-cevriez une quantité de faits qui se passant certaine-ment autour do.vous sans qu'il soit possible d'en de-

viner môme l'existence; et, au lieu de deux notesdominantes, vous pourriez vous former une idée del'ensemble du concert. Mais vous êtes d'unepauvretédont vous ne vous doutez pas, parce qu'une pauvretégénérale n'en est pas une, et qu'il vous est impossiblede la comparer à,la richesse de certains ôtres supé-rieurs aux habitants de la Terre.

Les sens que vous possédez suffisent pour vousindiquer l'existence possible d'autres sens, non seule-ment plus puissants, mais encore d'une espèce tout àfait différente. Par le sens du toucher, par exemple,

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LA SPHÈRE DE L'OBSERVATION HUMAINE 93

vous pouvez, il est vrai, reconnaître la sensation dela chaleur; mais il est facile de concevoir l'existenced'un sens spécial, analogue à celui par lequel la lu-mière vous donne l'aspect des objets extérieurs, etrendant l'homme capable de juger de la figure, de lasubstance, de la structure interne et des autres qua-lités d'un objet par l'action des ondes calorifiques qui

en émanent. Le même raisonnement pourrait êtretenu au sujet de l'électricité. Vous pouvez égalementconcevoir l'existence d'un sens qui, étant, par exem-ple, à l'œil ce que le spectroscope est au télescope,donnerait la connaissance des éléments constitutifsdes corps. Ainsi, déjà au point de vue scientifique,vous avez les bases suffisantes pour imaginer desmodes de perception tout différents de ceux qui ca-ractérisent l'humanité terrestre. Ces sens existentdans d'autres mondes, et il y a une infinité de ma-nières de percevoir l'action des forces de la nature.

Qilerens. J'avoue, ô maître qu'une clarté nou-velle et singulière, vient .de se faire en mon entende-ment, et que votre enseignement me paraît una inter-prétation vraie de la réalité. J'avais déjà songé à lapossibilité dépareilles choses; mais je n'avais pu lesdeviner, enveloppé que je suis encore dans les sensterrestres. Il est certain qu'il faut être en dehors de.notre, cercle pour juger véritablement' l'ensemble.Ainsi, n'étant doués que de quelques sens limités,nous ne pouvons connaître que les faits qui sont acces-sibles à leur perception. Le reste 'est naturellementinconnu. Est-ce que ce reste est beaucoup; côté dece que nous savons?

Lumen, – Le reste est immense, et ce que yous

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94 LUMEN

savez n'est'presque rien. Non seulement vos sens no

perçoivent pas les mouvements physiques qui, tels

que l'électricité solaire et terrestre dont les effluvesse croisent dans l'atmosphère, le magnétisme des mi-

néraux, des plantes et des êtres, les affinités des orga-nismes, etc., sont invisibles pour vous mais ils per-çoivent encore moins les mouvements du -monde

moral, les sympathies et antipathies, les pressenti-

ments, les attractions spirituelles .etc. Je vous le disen vérité ce que vous savez, et tout ce que vouspourriez connaître par l'intermédiaire de vos sensterrestres n'est rien à côté de ce qui est. Cette véritéest si profonde, qu'il pourrait très bien se faire quedes êtres existassent sur la Terre, des "êtres essentiel-lement différents de vous, ne possédant ni yeux ni

oreilles, ni aucun de vos sens, mais doués d'autres

sens, et capables de percevoir ce que vous ne per-cevez pas, et, tout en vivant dans le même monde quevous, connaissant ce que vous ne pouvez connaître.etse formant de la nature une idée complètement étran-

gère à celle que vous vous en formez.QujErens – Ceci maintenant dépasse tout à fait

mon intellect.Lumen. – Et mieux encore, ô mon terrestre ami,

 je puis ajouter en toute sincérité que les. perceptions

que vous recevez et qui constituent les bases de votre

science, ne sont même pas des perceptions de la

réalité. Non. Lumières, clartés, couleurs, aspects, tons,bruits, harmonies, sons divers, parfums, saveurs,

qualités apparentes des corps, etc., ne sont autre

chose que des formes. Ces formes entrent dans votre

pensée par la porte des yeux et des oreilles, de l'odo-

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LA SPHÈRE DE L'OBSERVATION HUMAINE 95

rat et du goût, et vous représentent des apparences,mais non pas l'essence même des choses. La réalitééchappeentièrementà votre esprit, et vous êtes tout à faitincapable decomprendre l'univers.

La matière elle-même n'est pas ce que vous croyez.Absolument,il n'y a rien de solide: votre propre corps,un morceau de fer et de granit ne sont pas plus so-lides quel'air que vous respirez. Tout cela est composé

d'atomes qui ne se touchent même pas et qui sonttous en mouvement perpétuel. La Terre, atome duCiel, court dans l'espace avec une vitesse de 650000lieues par jour; mais, relativement à ses dimensions,chacun des atomes qui constitue votre propre corpset qui circulent dans votre sang, court beaucoup plusvite. Si vos yeux étaient assez excellents pour bienvoir cetle pierre, ils ne la verraient plu's, car ils pas-seraient au travers.

Mais je reconnais au trouble intime de votre encé-phale et aux agitations fluidiques qui traversent voslobés cérébraux que vous ne comprenez plus absolu-ment rien à mes révélations. Je ne

poursuivrai doncpas plus avant ce sujet, dont l'établissement avaitsimplement pour but de vous montrer combien pro-fonde serait votre erreur d'attacher de l'importanceaux difficultés issues de votre sensation terrestre, etde vous laisser sentir que ni vous, ni aucun hommesur la Terre ne peut se former une idée même appro-chée do l'univers. L'homme terrestre n'est qu'un ho-muncule.

Ah si vousconnaissiez les organismes qui vibrentsur Jupiter ou sur Uranus, s'il vousavait été donnéd'apprécier les sens e,naction sur Vénus et sur l'an-

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96 LUMEN

neau de Saturne, si quelques siècles de voyage vousavaient permis d'effleurer seulement l'observation desformes de la vie dans les systèmes d'étoiles, des sen-sations de la vue dans les soleils colorés, des impres-sions d'un sens électrique que vous ne connaissez pasdans les groupes de soleils multiples; si une compa-raison ultra-terrestre, en un mot, vous avait fourniles éléments d'une connaissance nouvelle, vous com-

prendriez que des êtres vivants puissent voir, en-tendre* sentir, ou pour mieux dire connaître la naturje,sans yeux, sans oreilles, sans odorat; qu'un nombreindéterminé d'autres sens existe dans la nature, sensessentiellement différents des vôtres, et qu'il y adans la création un nombre incalculable de (ails mer-veilleux qu'il vous est actuellement impossible d'imagi-ner. Dans cette contemplation générale do l'univers,mon ami, on aperçoit la solidarité qui réunit le mondephysique au monde spirituel; on saisit de plus hautla force intime qui élève certaines âmes éprouvéespar les grossièretés de la matière, mais épurées par le

sacrifice, vers les régions solennelles de la lumièrespirituelle; et l'on comprend quel, immense bonheurest réservé à ces êtres, qui, sur la Terre même, sont

parvenus à s'affranchir progressivement des passionscorporelles. 3

Qujerens. – Pour en revenir à la transmission dela lumière dans l'espace, est-ce que cette lumière nese perd pas à la fin ?Est-ce que l'aspect de la Terrereste éternellement visible et ne s'atténue pas, aucontraire, en raison du carré de la distance, pours'anéantir à un certain terme"? 'i~“

Lum^n. -r- Vos expressions « 4 la fin » n'ont pas

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LES ÉVÉNEMENTS DANS L'ESPACE 97

•VGfmais

7

d'application attendu qu'il n'y a pas de fin dans l'es-pace. La lumière s'atténue, il est vrai, dans la dis-tance, les aspects deviennent moins intenses, maisrien ne se perd entièrement. La Terre n'est pas vi-sible pour tous les yeux à une certaine distance;mais son aspect existe lors même qu'on ne le voitpoint, et des vues spirituelles peuvent le distinguer.Au surplus, l'image d'un astre, portée sur l'aile dela lumière, s'éloigne parfois à d'insondables profon-

deurs dans les obscurs déserts du vide.Il y a dans l'espace de vastes régions sans étoiles,pays décimés par le temps, d'où les mondes se sontsuccessivement éloignés par l'attraction de foyers ex-térieurs. Or, l'image d'un astre, en traversant cesnoirs abîmes, se trouve dans une condition analogueà l'image d'une"personne ou d'un,objet que le photo-graphe obtient dans sa chambreobscure.Il n'est pas im-possible que ces images rencontrent dans ces vastesespaces,un astre obscur (la mécanique céleste a cons-taté l'existence de plusieurs), de condition particu-lière, dontlà, surface (lormée d'iode peut-être, si l'onen croit J'analysespectrale), serait sensibilisée et ca-pable de fixer sur elle-même l'image du monde loin-tain. Ainsi viendraient se peindre les événements.terrestres sur un globe obscur. Et si ce globe tournesur lui-même, comme les autres corps célestes, ilprésentera successivement ses différentes zones à l'i-mageterrestre et prendra de la sorte la photogra-phie continué des événements successifs. De plus, endescendant pu en montant suivant une ligne perpen-diculaire à son équaleur^Ja.Jigne où les images sere>-

produiraient décriraii<nçjb(JJ^us^un cercle, mais une

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98 LUMEN

spirale, et) après le premier mouvement de rotationachevé, les images nouvelles ne coïncideraient pasavec les anciennes et ne se superposeraient pas,mais se suivraient au-dessus ou au*dessous. L'imagi-nation pouvait maintenant supposer que ce monden'est pas sphëriqué* Mais cylindrique, et voir ainsidans l'espace une colonne impérissable sur laquellese graveraient et s'enrouleraient d'tusx-mèmes lesgrands événements de l'histoire terrestre.». Je n'ai

pas vu moi-même cette réalisation j'ai quitté laTerre depuis si peu de temps que eWt à peine si j'aiplfleuré ï'sspeet de pVèffiière vue de» merveilles eê*-~meurê 1'8Îi}3ë'êtde

Iit'è~ièrê Volà.dé*. Ulet'WiUés M~ïsstes >Jem'assurerai prbeh$]iiïemiêntsi e©fait n'est paswlalM dans la richesse infinie èm créatit>n§astrales.

^WiKRiïNS,– Si le rayon parti tfe la Terré n'&stJitmîs dètmu, 6 maître nos actfe|ftshsmitdonc ëter"Mlles? 2'

Mmes. – Vous i*4mdit. Un aete" accompli nepeut plus être eflfâcé,ét ïiuite puissance ne peut taire

qu'il m«soit plus* Un crime fè 'ôMumetia sein â'ùne

éâffi^gnè siéterté. te criMaels'êîôif nia-, reste in^

Tj©ki|t «apposequel'acte qu'il vieht de cofiaînettreeStfa^*p%urtOtt|M¥S. H làv^ SëS Hiftln85il 8%St

riepîgfitîvil .crott son actiofi #p#& Mais en réslttê«©n M'êSt iéjKftaît.Au ffiôBiientôûcet «i'Ôtèfut àôeoM-pli-,ÎS feMèrè l'a sAM«t l'a tempéré dâfl%te€iei &^mla rtipMiiè de l'rôlaïr il «sitiafôrporiê ôaft» na m$mM lumièt-é 1 éternel, il Se t!ltt«ÏR'ëttî>6'êlërft^lîem^ftiSanfcï'inBni.Voici une bôr.fle action ?? t'éNty.t.; ~r~bi~è3~~i=

teur là tiettt "Cachiées la lumière *'en &st êttipar^ôvLoin d'être oubliée, elifâ subsi&têf»toujours.

v

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LES ÉVÉNEMENTS DANS L'ESPACE 99

Napoléon a causé volontairement, pour satisfaireSon ëfflbitioft personnelle, la mort de cinq millionsti'hôtiimefc»âgés de trente ans en moyenne, et quiavalent, par conséquent, treate-sept ans à vivre en-core, d'après le calcul des probabilités et les lois dela vie, C'est donc centguatre-vingt-cinq millions d'an-nées <ju'ildétruites, Son châtiment, son expiation,èSt d'être

emporté par le rayon de lumière qui estparti 'dés plaines déWaterloo le 18 juin 1815, de s'éloi-gner défis l'espace avec la vitesse même de la lumière,d'âvëïrconstômmêntdanssa vue l'instant critique oùilvit s'écrouler à jamais l'échafaudage de sa,vanité, d'enrëstefir tes trêve la douleur du môme désespoir,et de rester attaché à ce rayon de lumière pendantles cent quatre-vihgl^cinq millions d'années détruitesdontil est responsable. En agissant ainsi, au lieu deremplir dignement sa mission, il a retardé de toutecette durée son progrès dans la vie spirituelle.

El s'il vous était donnéd'entrevoir ce qui se passedans l'ordre moral, aussi clairement que vous entre-voyei; maintenant ce qui se passe dans l'ordre phy~Bique,Vousreconnaîtriez des vibrations et des trans»missiohs d'une autre nature, qui fixent dans lesarcanefc du monde spirituel les actions et même lespohsecs les plus Secrôlos.

Quarëns. =– Vos révélations sont effrayantes, ôLutneh! Àhisi nos destinées éternelles sont intime*ment liées a la construction même de l'univers. J'ai'penséparfois au problème spéculatif  d'une commu-nication quelconque ontfe les inondes a l'aide de la lu-mière. Plusieurs phf giclons oht supposé qu'il seraitpeut-être' possible ûft-|buf d'êlabHr une eomffltinioa»

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100 LUMEN

tion: entre la Terre et la Lune, et même les planètes,à l'aide de signaux lumineux. Mais si l'on pouvait sefaire des signes de la Terre à une étoile dont la lu-mière emploie, par exemple, cent ans à nous par-venir, le signe de la Terre n'arriverait à son adresse

qu'après cet intervalle, et la réponse n'en reviendraitici qu'après une même durée,. Il s'écoulerait doncdeux siècles entre la question et la réponse. L'obser-

vateur terrestre serait mort depuis longtemps quandson signe arriverait à l'observateur sidéral, et celui-ciaurait sans doute subi le même sort quand sa ré-

ponse serait reçue! «*Lumen. – Ce serait là, en effet, une conversation

entre des vivants et des morts.

QujERens. – Me pardonnerez-vous, maître, une der-nière question un peu indiscrète. une dernière, car

  je vois Vénus pâlir, et je sens que votre voix vacesser de se faire entendre ?

Si les actions sont de la sorte visibles des régionséthérées, nous pouvons voir après notre mort, non

seulementnos

propres actions,mais encore celles

des autres j'entends celles qui nous intéressent.Par exemple, un couple d'âmes jumelles et tou-

 jours unies aimera revoir pendant mille aps lesdouces heures passées ensemble sur la Terre; elles

s'éloigneront dans l'espace avec une vitesse égale àcelle de la lumière, pour avoir toujours sous les yeuxla même heure de bonheur. Dans un autre sens, unmari suivra avec intérêt la vie entière de sa com-

pagne, et dans le cas où quelque particularité inat-

tendue se, montrerait, il pourra examinera à loisir

les détails qui lui seraient sensibles. Il pourrait

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TEMPS, ESPACE, ÉTERNITÉ Î01

même, si sa compagne désincarnée résidait en quel-ques régions voisines, l'appeler pour observer encommun ces faits rétrospectifs. Aucune négation nesaurait être admise devant le flagrant témoignage.Peut-être les esprits se donnent-ils ainsi le spectaclede quelques faits intimes?`~

LUMEN. Dans le ciel, ô mon terrestre ami, onapprécie peu ces souvenirs de l'ordre matériel, et jem'étonne que vous en soyez encore là vous-même»Le caractère qui doit particulièrement vous frapperdans l'ensemble des faits qui constituent ces deuxentretiens-ci, c'est qu'en vertu des lois de la lumière,nous pouvons voir les faits après qu'ils se sontpassés, et lorsqu'ils sont évanouis, en réalité.QtkERENs. – Croyez bien, maître! que cette vé-rité ne s'effacera plus de ma mémoire. C'est précisé-ment ce point qui m'a le plus émerveillé. Oubliezma digression précédente. A vous dire vrai, ce quisurpassa le plus mon imagination, dès votre premierentretien, ce fut de penser que là durée du voyage de

l'esprit est non seulement nulle, négative, mais en-core rétrograde « Temps rétrograde I ces deuxmots doivent être singulièrement surpris de setrouver ensemble. Ose-t-on le croire? Vous partezaujourd'hui pour une étoile, et vous arriverez hier lQuedis-je, hier? Vous arriverez il y a soixante-douzeans? Vous arriverez il y a cent ans Plus vous irezloin, et plus tôt vous arriverez Il faudrait refaire la ·

grammaire.Lumen. – C'est incontestable. Parlant en stylé •;

terrestre, il n'y a pas d'erreur à s'exprimer ainsipuisque la Terre n'est qu'en 1793, etc., pour le

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102 LUMEN

monde où nous abordons. Vous avez, du reste, sur

votre globule même, certains paradoxes apparents qui,de loin, donnent une. idée de celui-là. Par exemple,celui de la dépêche télégraphique qui envoyée daParis à midi, arrive à Brest à midi moins vingt mi-nutes.

Mais ce ne sont pas les applications particulièresou les aspects curieux qu'il importe pour vous de

garder en votre esprit mais bien la révélai ion dontUs ne sont que la forme, et la métaphysique dont ilsne sont que l'expression sensible. Sachez que le

temps n'est pas une réalité absolue, seulementune mesure transitoire causée par les mouvement»de la Terre dans le système solaire. Considéré parles yeux de l'âme et non par ceux du corps, ce ta-bleau non fictif, mais réel, de la vie humaine, tellequ'elle fut, sans dissimulation possible, touche, par,un côté, au domaine de'la théologie, en m qu'ilexplique physiquement un mystère encore inex*

pliqué celui du «   jugement particulier, » et parnouè-mômes, de chacun de nous après la mort. Au

point de vue de l'ensemble, le prôsont d'un monde,n'est plus une actualité momentanée qui disparaîtaussitôt apparue, ce n'est plus seulement un aspectsans consistance, une porto par laquelle 1©passé, go

précipite incessamment vers l'avenir, un plan roathé*

matique dans l'espace. C'est au contraire, une réalitéeffective qui s'éloigne de ce monde, avea la vitessedé la lumière, et s'enfonçant éternellement danal'infini, demeure ainsi un présent éternel.

Lef réalité métaphysique de ce vaste .problème' esttelle, que l'on peut concevoir maintenant l'omni-

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TEMPS, ESPâGB» ÉTERNITÉ JQ8

pr-éswe© du monde en toute aa durée, tas événe*ments s'évanouissent pour le lieu qui les a fait naître,mais demeurent imn, l'espace, Cette promotion suc"cessive et sema fin de tau» \m faits accomplis gu?ohaeun desmondes/  s'effectue dans le sein de l'Jgfre*j»/?«?VdonH'ubiquité, tient ainsi chaque chose dansune permanence éternelle.

&çs événement^ qui se sont accomplis à la sur-

face d§ la ts^re, depuis, son ©rigine, §ont visilaleadans i'espaot à des distances d'autant plus éloignéesqu'ils «o«t plua reculés. Tout© l'histoire de la Tew,et la vie de chacun, de ses hafejtents pourraient de»oêtre vues à la fois par un regard qui embrasseraitcet espace. Nous comprenons'optiquement par là quel'Esprit éternel, présent partout, voie tout le passéclans unmême moment.

Ce qui est vrai de notre Terre est vrai de tous lesmondes de l'espace. Ainsi l'histoire entière de tousles univers peut être présente à la fois dans l'univer-

selle ubiquité du Créateur.

Je puis ajouter que Dieu connaît tout le passé,npnseulement par cette vue directe, mais encore par laconnaissance de chaque chose présente: Si un natu-raliste tel que Cuvier a su reconstruire des espècesanimales disparues l'aide d'un fragment d'osse-ment, l'Auteur de la nature connaît -par la Terreactuelle la Terre passée, le système planétaire et lesoleil du. passé,et toutes les conditions de tempéra-ture, d'agrégations, de formations par lesquelles leséléments sont arrivés à former les composés exis-tant. actuellement.

D'autre part, l'avenir peut être aussi complètement

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ÎO-4 LUMEN

présent à Dieu dans ses germes actuels que le passél'est dans ses fruits. Chaque événement est lié d'unemanière indissoluble avec le passé et l'avenir. L'a-venir sera aussi inévitablement amené par le présent,en est aussi logiquement déductible, et y existe aussiexactement que le passé lui-même y est inscrit pourqui saurait'l'y reconnaître.

Mais, je le répète,le

point capitalde ce

récit, c'estde savoir, c'est de comprendre, que la vie passée desmondes et des êtres est toujours visible dans 'l'espace^grâce à là transmission successive de la lumière àtravers les vastes régions de l'infini.

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QUATRIÈME RÉCIT <•)•

ANTERIORES VtT/E

Qujbrens. – Depuis le jour où s'est passé notredernier entretien mystique, ô Lumen, deux annéesse sont écoulées. Durant cette période, insensible

pour vous, habitant de l'espace éternel, mais très

sensible pour nous autres terriens, j'ai bien'souventélevé ma pensée vers les grands problèmes auxquelsvous m'avezinitié, et de nouveaux horizons se sont

développés devant le regard de mon âme. Saris'doute

aussi, depuis votre départ de la Terre, vos observa-

tions et vos études n'ont fait que s'accroître sur un

champ de recherches de plus en plus vaste. Sansdoute aussi, vous avez des merveilles sans nombre à

livrer maintenant à monintelligence mieux préparée.Oh si j 'en suis digne et si puis les comprendre,faites-moi le récit, ô Lumen,desvoyages célestes qui

ont (emporté votre esprit vers les sphères supé-rieures, des vérités inconnues qu'ils vous ont ré-vélées, des grandeurs qu'ils vous ont ouvertes, dess

principes qu'ils vousont enseignés sur le mystérieux,sujet de la destinée des homtneset des êtres.(1) Écrit en 18S8». ~r: '“/ 

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106 LUMEN

LUMEN. J'ai préparé votre âme, mon cher etvieil ami, à recevoir ces impressions étranges que nul

spectacle terrestre n'a produites et nesaurait produire.Il est néanmoins nécessaire que vous rendiez actuelle-ment votre esprit entièrement libre de tout préjugéterrestre. Ce que je vais vous apprendre vous éton-nera, mais recevez-le d'abord avec attention, commeune vérité constatée et non

pascomme un roman.

C'est un premier effort que je réclame de votre ar-deur studieuse. Lorsque vous aurez compris, etvous comprendrez, si vous apportez ici un esprit ma-

thématique et une âme libre, vous concevrez quetous les faits qui constituent notre existence^ ultra-terrestre sont non seulement possibles, mais encoreréels, et de plus en harmonie intime aveo nos fataultés intellectuelles déjà manifestées sur cetteTerre.

Qv bbns. – Soyez assuré, â Lumen, que j'àp-porte ici un esprit libre, dégagé de toute passion, etdisposé ardemment à entendre ces révélations que

l'oreil|e humaine n'a point encore entendues.LtjmSN. w Les événements qui feront l'objet de ce

récit n'ont pas seulement la Terre et les astres voi-sins ppup objet mais ils g'étêndent sur les champsimmenses de l'astronomie sidérale, et nouiren ferontconnaître les merveilles. Leur explication sera d#-nouée, convint celle des précédents, par l'étude de J«lumiêMjpont magique Jeté d'un astre à l'atotr®, de laTe»re au Soleil, de la Terre aux étoiles, de la lu~miêm, mouvement universel qui remplit les espaces,soutient les mondes sur leurs orbites, et constitue lavie éternelle de la nature. Prenez«dono soin de vous

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L'ESPACE ET LA LUMIÈRE 107

remettra tout de suite sous les yeux la transmissionsuccessivede la lumière dansl'espace.

Qu rens. – Je sais que la lumière, cet agentquelconque, par lequel les objets sont rendus vi-*sibles à nosyeux, ne se transmet pas instantanémentd'un point à un autre, mais successivement, commetout mobile. Je sais qu'elle vole en raison de 75,000

lieues par seconde, parcourt 750,000 en 10 secondeset 4,500,000en chaque minute. Je sais qu'elle em-

ploie plus de 8 minutes à franchir la, distance

moyenne de 37 millions de lieues qui nous sépare du

Soleil. L'astronomie moderne nous a rendu ceschoses familières.

Lhwbn. j– Et vous vous représentez exactementson mouvement ondulatoire?

Qu^HpNS. Je le crois. Je le compare volontiersàcelui du son, quoiqu'il s'accomplisse sur une échelle

incomparablement plus vaste. Ondulations par on-

dulations, le son se propage dans l'air. Quand les

cloches sonnent en volée, leur mugissement sonore,qui est entendu au moment même où frappe le bat~tant de la cloche par ceux qui habitent autour da

l'église, n'est entendu qu'uno seconde après par ceux

qui habitent trois hectomètres et demi, 8 secondes

après par ceux qui demeurent à près de 7 heo-°

tome.tros, 8 secondes plus lard par nouxqui sont à ladistance de1 kilomètre de l'église. Ainsi le son n'ar*

riveque successivement d'un village à l'autre, aussiloin qu'il puisseporter. De môme la lumière ne paasoque successivement d'une région plus voisine à une

région plus, lointaine ^del'espace, et s'éloigno ainsisans s'éteindre à dea distances qui tiennent de l'in-

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108 LUMEN

fini. Si nous pouvions voir de la Terre un événement

qui s'accomplisse. sur la Lune; si, par exemple,nous avions d'assez bons instruments- pour aperce-voir d'ici un fruit tombant d'un arbre à la surfacede la Lune, nous ne verrions pas ce fait au momentmêmeoù il se produit, mais une secondé un quartaprès, parce que, pour venir de la distance de la Lune,la lumière

emploieune seconde et un

quartenviron.

Si nous pouvions voir également un fait s'accomplis-sant sur un monde situé dix fois plus loin que la

Lune, nous ne le verrions que 13 secondes aprèsqu'il se serait réellement passé. Si ce monde, étaitcent fois plus loin que la Lune, nous ne verrions lefait que 130 secondes après qu'il se serait réellement

passé; mille fois plus loin, nous ne le verrions que1,300 secondes ou 21 minutes 40 secondes après. Etainsi de suite, selon les distances.

Lumen. – C'est exact, et vous savez que c'est pourcette raison que le rayon lumineux envoyé de l'étoile

Gapellaà la Terre emploie 72ans à y arriver. Si donc

nous recevons seulement aujourd'hui l'aspect lumi-neux'de l'étoile parti de sa surface il y a 72 ans, réci-

proquement les habitants de Capella ne voient

aujourd'hui que la Terre d'il y a 72 ans. La Terreréfléchit dans l'espace la lumière qu'elle. reçoit du

Soleil, et, de loin, paraît brillante comme vous le

paraissent Vénus et Jupiter, planètes. éclairées parle mêmeSoleil qui l'éclairé elle-même. L'aspect lu-mineux de la Terre* sa photographie, voyage dans

l'espace à raison de 75,000 lieues par seconde, et n'ar-rive à la distance de l'étoile Capella qu'après 72 ansde marche incessante. Je vous rappelle ces éléments,

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L'ESPACE ET, LiIS LUMIÈRE 109

afin que, les ayant bien clairement et bien solidementfixésdans l'esprit, vous soyez apte à comprendre sans

peine les faits qui me sont arrivés dans ma vie ultra-terrestre depuis notre dernier entretien.

QujErens. Ces principes d'optique sont claire-ment établis pour moi. Le lendemain de votre mort,en octobre 1864, lorsque vous vous trouvâtes, commevous me l'avez confié, rapidement transporté sur

Capella, vous fûtes tout étonné d'y arriver au momentoù les- astronomesphilosophes du pays observaient laTerre de 179&,et l'un des actes les plus hardis de laRévolution française.

Vous ne fûtes pas moins surpris de vous revoirbientôt vous-même enfant, courant dans les rues deParis. En vous rapprochant de la Terre à une dis-tance moindre que celle de Capella, vous vous placiezdans la zone où arrivait la photographie terrestre

partie à l'époque de votre enfance, et vous vous rer

voyiez à l'âge de six ans, non pas en souvenir, mais enréalité. De vos récits antérieurs c'est celui que j'eus

le plus de difficulté à croire, c'est-à-dire à comprendreet à saisir exactement.LUMEN.– Celui que je veux vous faire maintenant

concevoir est bien plus surprenant encore. Mais ilétait nécessaire d'avoir admis le premier pour en-

tendre efïicaccrnent celui-ci. En partant de Capella eten me rapprochant de la- Terre, j'ai revu mes 72 ans

d'existence terrestre, ma vie entière, directement,telle qu'elle s'est passée; car, en merapprochant dela Terre, j'allais au devant des, zenes successives

d'aspects terrestrçs qui, portaient dans l'étendue

l'histoire visible de n,otre planète, y compris celle de

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110 LUM8N

Paris &tde ma personnequi s'y trouvait. Parcourantrétrospectivementen un jour lecheminqùê laiumièreemploie 72 ans à franchir, j'avais revu ma vie en^-tière en un jour, et j'arrivais pour mon enterrement.

QttiËRENS.– C'est commeSi,revenant de Capella«ur la Terre) vous aviez trouvé sur votre chemin72 'photographie*échelonnéesd'année êtt anhée.Laplus éloignéede la Terre, la plus anciennement par-

tie, eelle quiétait à la distancede Gapella,montrait1798; la seconde, partie un an après, et non encorearrivée à Gapélfo,contenait1794;la dixième»1803;latrente-sixième, arrivée à moitié chemin» donnait1820; la cinquantième,1848 la s&ixatit©*d6ïmiême,1865.

liUMS-K.– •il est impossibledemieux saisir cetteréalité, qui Semblémystérieuseet ift compréhensiblelu premier abord. Maintenant je puis vous jfacônterce qui m'est arrivé sur Capêïlâaprès avoîr "rêvamonexistence terrestre.

Tandis que j'étais, il y a peu de temps encore(maisje ne sais plus exprimer ce tempsen rotationsterrestres), ôficUpé,au Sein d'un mélancoliquepay-sage de Gapellaet à l'entréed'une nuit tr&nspàrente,à conlêttipler le ciel étoileet dansce Ciel l'étoile quiest vôtre soleil lerrestfê, et dans Je voisinage decette étoile Jfi petite planèle azurée qui esVVotreterre tandis qsej'observais Puhôdès Stfènïî»éb ma

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L'ÉTOILE GAMMA bE LA VIERGE îll

première enïânee ma jeune mère assise au milieud'un jardin, portant un enfant de quelques mois dansses bras (mon frère), ayant à côté d'elle une petitefille qui rie comptait encore que deux printemps (masœur), et un petit garçon qui en comptait deux de

plus (nvôï*même); tendis que je me voyais à cet âgeoù l'homme n'a pas encore conscience de son exis-tence intellectuelle et porte néanmoins dans sonfront fe ferme de sa vie entière tendis que je son-

geais à cette singulière réalité qui m montrait à moi-même à l'entrée dénia carrière terrestre, je sentismon attention détournée de votre planète par un

pouvoir supérieur >ettnês regards se diriger vers unautre point du eiel (p*k ta ce moment même, .meé

parut rattaché à la Terre et à ma carrière terreurs

par qoelfue lien ©eeulte J© wepus m'empècher delaisser ma vue attachée sur ce nouveau point du eiel

 je ne Sais quel pouvoir magnétique l'y enchaînait.Plusieurs fois, j'essayai de retirer mes regards et deles rsmene? vers la Terre que j'aime toujours mais

obstinément ils revenaient à l'étoile inconnue.Celte étoile, sur laquelle ma vue cherchait ainsi

instinctivement à deviner quelque chose, fait partiede "la Constellation de la VierQv,âslérisniê dont laforme varie un peu Vue de Capeiïa. C'est une étoiledouble-,e'est^à-diro une association de deux soleils,l'an d'une blâmeheur âfgehtine, l'autre d'un jauned'or vif, qui tournent l'un autour dé l'autre eh unerévolution de cent soixante-quinze ans. On Voit éelteétoile à l'o&ilnu de la Terre, et «lié est inscrite sous

là lettre y {Gft»tt»a)dé la ôottatéltetion de la Vierge.Autour dé **MWundeis soleils quifc constituent, il y

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112 LUMEN

a un système planétaire. Ma' vue se fixa sur l'unedes planètes du soleil d'or

Sur cette planète, il y a des végétaux et des ani-maux comme sur la Terre; leurs formes se rappro-chent des formes terrestres, quoiqu'au fond les orga-nismes y soient établis sur un mode bien différent. Ily a un règne animal analogue au vôtre, des poissonsdans leurs mers et des quadrupèdes dans leur atmos-

phère, où les hommes peuvent aussi voler, mais sans,sailes, en raison de la densité très élevée de cette at-

mosphère. Les hommes de cette planète présentent àpeu près la Jorme humaine terrestre. Quoique leurcrâne soit privé de chevelure; qu'ils aient aux mainstrois pouces opposables, larges et minces, au lieu decinq doigts, et trois orteils au talon au lieu de la plantedes pieds; les extrémités .des bras et des jambessouples comme du caoutchouc; ils ont néanmoinsdeux yeux, un nez et une bouche, ce qui rap-proche leur visage des visages terrestres, Ils n'ont

pas deux oreilles de chaque côté de la tête mais seu-lement une, en forme de pavillon conique, plantéesur^ia partie supérieure du crâne, comme un petitchapeau. Ils vivent en société et'ne vont point nus.Vous voyez qu'en somme ils diffèrent peu extérieu-rement des habitants de la Terre.

Qh^erens. – II y a donc sur les autres mondesdes êtres bien différents de nous, pour que ceux-ci,malgré ce§ dissemblances, méritent de nous êtrecomparés? ,2

Lumen. – Unedistinction profonde, inimaginable;pour vous, sépare en général les formes animées desdifférents globes. Ces formesjprit k résultat des élé-

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L'ÉTOILE GAMMA DE LA VIERGE 113

8

mentsspéoiau~à chaqueglobeet des ~"orec~squi le régis-sent matière, densité, pesanteur, chaleur, lumière,électricité, atmosphère, etc., différent essentielle-ment d'un monde à l'autre. Dans Un même système^ces formes différent déjà. Ainsi, les hommes de Sa*turrie «t de Mercure ne ressemblent en rien auxhommes de la Terre celui qui les verrait pour la

premièrefois

ne reconnaîtrait en eux ni tête, nimembres, ni sens. Ceux du système planétaire de laVierge vers laquelle mes regards étaient attachésavec une persistance, toute passive se rapprochent aucontraire, par leur forme, des habitants du globeterrestre. Ils s'en rapprochent également par leur étatintellectuel et moral. Un peu inférieurs à nous, ilssont situés sur lés degrés de l'échelle des âmes

qui précèdent immédiatement le degré auquel l'huma*nité terrestre appartient dans son ensemble.

Qileïiens. – L'humanité terrestre n'est pas hd-mogène dans sa valeur intellectuelle et morale, maisuie paraît fort diversifiée. Nous différôns beaucoupen Europe des tribus de î'Abyssinie et des sauvagesdes îles Océaniennes. Quel peuple prenez-vouscomme type du degré de l'intelligence sur la Terre.

Lumen. – Le peuple arabe. il est capable de pro-duire des Kepler, des Newton, des Galilée, des Archi-môde, des Ëuclide, des d'Alemberl d'autre part, ilLouchepar ses racines aux bordes primitives atta-chées au roc de granit. Mais il n'est pas nécessairede choisir ici un peuple pour type. Il est préférablede considérer l'ensemble de la civilisation moderne.

D'ailleurs, il n'y a pas autant de distance quevousparaissez le supposer1entre l'entendement d'un nègre

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114 LUMEN

tn.a.7,a .7~ ~.7.. ion wet l'entendement d'un cerveau de la race latine. Quoi

qu'il en soit, s'il vous faut,absolument une comparai-son, je puis vous dire que les hommes de cette pla-nète de la Vierge sont à peu près dans la situationintellectuelle des peuples scandinaves.

La différence la plus essentielle qui existe entre cemonde et ia Terre, c'est qu'il n'y a pas dé semés, nidans les plantes, ni dans les animaux, ni dans l'hu-

manité. La génération des êtres s'y effectue spontané-ment, comme le résultat naturel de certaines condi-tions physiologiques réunies en certaines îles fertilesde la planète, et les hommes ne se forment pas dansle ventre d'une mère comme ici. Vous expliquer le

procédé serait inutile, attendu que vous ne pouvez juger et comprendre que par vos idées terrestres,dont les faits de cette planète sont absolument dis-tincts. Le résultat de cette situation organique estquele mariage n'existe d'aucune façon sur ce monde, et

que les amitiés entre les humains n'y sont jamaismélangées des attractions charnelles qui se mani-festent toujours ici, même dans les rapports amicaux

les plus purs, entre deux personnes de' sexe diffé-rent. Vous vous souvenez, du reste, que pendant la

période protozoïque, les habitants de la Terre étaienttous sourds muets et sans sexe. La division dessexes nes'estfaite que relativement tard dansl'histoirede la Nature, chez les animaux comme chez les

plantes.Attirés, comme je vous l'ai dit, vers cette planète

lointaine, les regards de mon âme examinèrent atten-tivement sa surface. Ils s'attachèrent en particulier,et sans que j'en connusse la raison prédominante, sur

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LE MONDE DE GAMMA DE LA VIERGE 1Î5'Av

une ville blanche, ressemblant de loin à une régioncouverte de neige, mais il est bien probable que cen'était point là de la neige, car il est invraisemblable

que l'eau puisse exister sur ce globe dans les mêmesétats chimiques et physiques que sur la Terre. Surla lisière de celte ville, une avenue conduisait à unbois voisin, formé d'arbres jaurfes. Je ne tardai pasà remarquer spécialement dans cette avenue trois

personnes qui paraissaiént se diriger lentement versle bois. Ce petit groupe était formé de deux amis quisemblaient causer intimement ensemble, et d'un êtredifférent d'eux par son costume rouge et son charge-ment, qui devait être soit'leur serviteur, soit leuresclave, soit leur animal domestique.

Tandis que je regardais avec curiosité les deux

personnages principaux, celui de droite éleva son

visage vers le ciel, comme si on l'eût appelé du hautd'un ballon, et fixa ses yeux précisément versCapella,étoile que sans doute il ne voyait pas, puisque cettescène se passait pendant le jour pour lui. Oh monvieil ami,

jamais jen'oublierai

l'impressionsoudaine

que me causa cette vue. Je ne puis encore m'encroire moi-même quand j'y songe.

Cet homme de la planète de la Vierge qui me re-

gardait sans s'en douter, c'était. oserai-je vous ledire sans autre préambule? eh bien: c'était moi.

Qilerens. Comment vous?Lumen. – Moi-même, en personne. Je mereconnus

instantanément, et vous pouvez juger do ma sur-

prise L

QU/ehens. – Sans doute 1 Ace point même que jen'y comprends absolument rien.

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Ii' 116 LUMEN

LomeH. Le fait est que c'est là une situation tout

à fait nouvelle et qui demande à être expliquée.C'était moi, en vérité, et je ne tardai pas à recon-

naître non- seulement mon visage et ma formé d'au-

trefois, mais encore, dans la personne qui marchait

à côté de moi, un ami intime, mon cher Kàthlëen,

qui fut le compagnon aé mes études sur cette planète

Je nous suivis du regard jusqu'au bois doré,*à tra-vers des vallons délicieux ombragés de coupoles d'Or»dés arbres couverts de larges rameaux aux nuances

orangées et des charmilles aux feuilles d'ambre Unesource murmurante gazouillait sut1 le sable fin, et

nous nous assîmes à Ses bords. Je me souviens des

douces heures que nous avons passées ensemble, des

belles années écoulées sur cette terre lointaine, denos confidences toutes fraternelles, des impressionscommunes que nous ressentions ensemble devant lesbeaux paysages du bois>devant les plaines silen-

cieuses, les collines vaporeuses, les petits lacs quiSourient «u Ciel. Nos aspirations s'élevaient vers la

grande et sainte nature, et nous adorions Dieu dansées*teùVréS. Avec quel bonheur je revis cette phasede ma précédente existence, et renouai la chaîne d'or

MferWmpue pâriâ Terre!

En vérité, ïnûïi cher Quœréïis, c'est bien moi quivivais alors Sûr eëtte planète de là Vie'rge. Je me

voyais réellement, et je pouvais continuer d'obse¥verla série de mes actions et revoir directement les

meilleurs momentsde cette existence fdéj;àlointaine.

D'ailleurs, si j'avais douté de mon identité, l'incëttiitondeaurait été levée pendant mon observation elle-

même, car tandis que je m<êconsidérais, je vis sortir

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L'EXISTENCEANTÉRIEURE \VJ

du bois et venir à ma rencontre mon frère de cette

existence, Berthor, qui vint se mêler à notre oonver-

satton au bord de la source murmurante.

QUiERENS. – Maître, je ne comprends toujours

pas de quelle manière vous pouviez vous voir ainsi

réellement sur cette planète de la Vierge. Aviez-vous

donc le don d'ubiquité? Pouviez-vous être comme

François d'Assise ou Apollonius de Tyane, en deux

endroits à la fois?

Lumen. – Aucunement. En examinant les coor-

données astronomiques du soleil Gamma de la Viergeen connaissant sa parallaxe, vue de Capella j'arri-vai à constater que la lumière de ce soleil ne pou-vait employer moins de 172 ans à traverser la dis-

tance qui le sépare de Capella.

Je recevais donc actuellement le rayon lumineux

parti deffce monde 172 ans auparavant. Qr, il se

trouve qu'à cette époque je vivais précisément sur la

planète dont il s'agit, et que déjà j'étais d,ans m^

vingtième année.

Envérifiant les. âgeset en comparant les différents

styles planétaires, j'ai reconnu,, en effet, que j'étaisné sur ce monde de la Vierge l'an 45904 (qui corres-

pond à l'année 1677 de l'ère chrétienne terrestre),et mort d'accident en l'an 45913, qui correspond à

l'année 1767. Chaque année de cette planète égale dix

des nôtres. Au moment où je me voyais comme jeviens de vous le rapporter, je paraissais âgé de vingtans, terrestreinent parlant. Mais en style de cette

planète, je n'avais que deux ans: op y atteint sou-vent l'âge de 15 ans, qui passe pour être la limite de

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11,118 LUMEN

la vie sur ce globe, et qui équivaut à 150 annéesterrestres.

Le rayon lumineux, ou, pour parler plus exabte-ment, l'aspect, la photographie de ce monde de laVierge- employant 172. années terrestres à traverserl'immense étendue qui le sépare de Capella, il en ré-sulte que, nie trouvant sur ce dernier astre, je rece-vais seulement maintenant l'image partie 172 ans au-

,' paravant de la constellation de la Vierge. Ét, quoi-que les choses aient bienchangé depuis, que bien desgénérations s'y soient succédé, que j'y sois mort moi-même «t que j'aie eu depuis cette époque le temps derenaître uhe nouvelle fois et de vivre 72 années surla Terre, néanmoins la lumière avait employé 'toutce temps à parcourir son trajet de la Vierge à Cà-pella, et m'apportait des impressions fraîches de cesévénements disparus.

Qh erens. – Cette durée du trajet de la lumièreétant démontrée, je.n'ai rien à objecter sur ce point.Je ne puis m'empêcher d'avouer cependant qu'unetelle

singularité dépassetout ce

que je pouvaisat-

tendre de la faculté créatrice de l'imaginationg Lumen. – II n'y a point ici d'imagination, mon

vieil ami. 11 n'y a qu'uneréalité éternelle et 'sacréequi a sa place respectable dans le plan de la créationuniverselle. La lumière de chaque astre', directe ou

réfléchie, autrement dit l'aspect de chaque soleil etde chaque planète, se répanddans l'espace suivant lavitesse1 que vous connaissez, et le rayon lumineux

.) contient en lui-mêmetout ce qui est visible. Commerien ne' se perd, l'histoire dechaque monde,contenuedans la lumière qui en émane incessamment etsucces-

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L'EXISTENCE antérieure 119

sivement, traverse éternellement l'espace infini, sans

 jamais pouvoir être anéantie. L'ceil terrestre n'y sau-

rait lire. Mais il y a des yeux supérieurs aux yeux

terrestres. D'ailleurs, même sur la Terre, lorsque

vous examinez au télescope, ou mieux encore, au

spectroscope; la nature d'une étoile, vous savez bien

que ce n'est passa nature actuelle que vous avez sous

les yeux, mais son passé, que vous transmet un

rayon de lumière parti de làil

ya dix mille ans

peut-être. Vous n'ignorez pas non plus qu'un cer-

tain nombre d'astres dont vous autres astronomes de

la Terre cherchez actuellement à déterminer les élé-

ments physiques et numériques, et qui brillent avec

éclat sur vos têtes; peuvent fort bien ne plus exister

depuis lé commencement du monde terrestre..

QujERens. – Nous le savons. Ainsi vous avez vu

se dérouler sous vos yeux votre avant dernière exis-

tence 172ans après qu'elle s'était écoulée.

Lumen. – Ou plutôt une phase de cette existence.

Mais j'aurais pu et je pourrais évidemment la revoir

tout entière en me rapprochant de cette planète,

commeje l'ai fait pourmon existence terrestre.Qujerens. – De sorte que vous avez revu dans la

lumière vos deux dernières incarnations? `~

Lumen. – Exactement, et qui plus est, je les ai

vues et je les vois encore ensemble, simultanément

l'une à côté de l'autre en quelque sorte.

QUiERENS.– Vous, les revoyez en mêmetemps?Lumen. – Le fait est facile à comprendre. La lu-

mière de la Terre met 72 ans à venir à Capella. La

lumière de la planète de la Vierge, presque une fois

et demie plus distante de Capella, emploie 172ans

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120 LUMJjN

Comme je vivais il y a 72 ans sur la Terre, et cenans auparavant sur l'autre planète, ces deux époquesm'arrivent précisément ensemblesur Capella, J'aidonc Rêvant moi, en regardant simplement ces deux

mondes;, mes deux dernières existences, qui s'y dé-roulent naturellement, comme si je n'étais pas ici

pour les voir, et sans que je puisse rien changer auxactes que je me vois sur le point d'accomplir dans

l'une comme dans l'autre, puisque ces actes, quoiqueprésents et futurs pour mon observation actuelle, sont

passés en réalité,QoiEBBNS.– • Etrange en vérité. Bien étrange 1

Lumen. Ce qui me frappa le plus dans cette ob-servation inattendue de mes deux dernières exis-tences se déroulant ensemble et présentement pourmoi sur deux mondes, différents, et ce qui /surprit le

plus singulièrement mon attention, c'est que ces deuxexistences se ressemblent de la façon la plus bizarre.Je vois que j'ai eu à peu près les mêmes goûts dansl'une que dansl'autre, les mêmes passions, les mêmeserreurs. Ni criminel, ni saint, dans l'une comme dans

l'autre. Deplus (coïncidence extraordinaire !) j'ai vudans la première despaysages analogues à ceuxquej'aivus sur la Terre. Ainsij'ai l'explication d'un goût inné

que j'aiapporté, ep venant au mondeterrestre, pourla

poésie du nord, pour'les récits d"Qssian, pourlcspay-sages rêveurs d'Irlande, les montagnes, et les auroresboréales. L'Ecosse, la Scandinavie, la Suède, la Nor- ·

vège avec ses fiords, le Spitzberg avec ses solitudesm'attiraient. Lesvieilles taurs ruinées, les rochers etles gorges sauvages, les sapins sombres sous lesquelsmurmure le vent du nord, tout cela meparaissait sur

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L'EXISTENCE antérieure 121

la i, erreavoir quelque rapport caché avec mes pen-sées intimes. Quand j'ai vu l'Irlande, il m'a semblé yavoir déjà vécu. Quand j'ai fait pour la première foisl'ascension du Rigi et du Finsteraarhorn et que j'aiassisté au lever splendide du soleil sur les sommetsneigeux des Alpes, il m'a semblé avoir déjà vu celadans le temps. Le spectre du Brocken ne m'a pas parunouveau. C est que j'avais habité antérieurement des

régions analogues sur la planète de la Vierge. Mêmevie, mêmes actions, mêmes circonstances, mêmes con-ditions. Analogies, analogies! Presque tout ce que j'aivu, fait, pensé sur la Terre, je l'avais déjà vu, fait,pensé cent ans auparavant sur ce monde antérieur.

Je m'en étais toujours douté 1L'ensemble de ma vie terrestre est cependant su-

périeur à l'ensemble de la précédente. Chaque enfantapporteen naissant des facultés différentes, des pré-

dispositions spéciales, dissemblances innées, d'ail-leurs incontestées, qui ne peuvent s'expliquer devant

l'esprit philosophique et devant la Justice éternelle

que par destravaux

antérieurement accomplis pardes âmes libres. Mais quoique ma vie terrestre soit su-pôrieure à la précédente, principalement au point devue de la connaissance plus exacte et plus profondedu système du monde, cependant je dois remarquerque certaines facultés physiques et morales, possé-dées antérieurement, me manquaient sur la Terre.

Réciproquement, je possédais sur ce monde des fa-cullés que je n'avais point reçues précédemment.

Ainsi, par exemple, parmi les facultés physiquesqui me manquaient sur la Terre, je citerai, surtoutcelle de voler. Surla plante de la Vierge, je vois

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122 LUMEN

que je volais aussi souvent que je marchais, et celasans appareil aéronautique et sans ailes, tout sim-plement avec mes bras et mes  jambes, comme onnage entre deux eaux. En examinant bien ce modede locomotion, que je me vois clairement employersur cette planète, je reconnais sans peine que je n'ai

(que je n'avais, veux-je dire) ni ailes, ni ballon, ni

hélice. A un moment donné, je m'élance du sol,comme par un vigoureux coup de  jarret, et étendanttles bras, je nagesans fatigue dans l'air. Ailleurs, des-cendant à pied une montagne escarpée, je m'élanceen avant dans l'espace, pieds joints, et je descendslentement et obliquement, par ma volonté, jusqu'aupoint où mes pieds touchent le sol et où je me trou-ve debout. Ailleurs encore, je vole lentement à la fa-çon d'une colombe qui décrit une courbe en rentrantdans sa tourelle. Voilà ce que je me vois très dis-tinctement faire sur ce monde.

Eh bien ce n'est pas une fois, c'est cent fois,c'est mille fois peut-être que je me suis .senti em-

porter de la sorte dans mes rêvés terrestres exac-tement ainsi, doucement, naturellement et sans ap-pareils. Comment de telles impossibilités se présen-teraient-elles si souvent dans nos rêves ? rien ne

peut les justifier rien d'analogue n'existe sur le

globe terrestre. Pour obéir instinctivement à cettetendance innée, je me suis plusieurs fois élancé dans

l'atmosphère, attaché à la bulle de gaz d'un aérostat;mais l'impression n'est pas la iuême on ne se sent

pas voler, et l'on se croit presque immobile. J'aimaintenant l'explication de mes songes pendant lesommeil de mes sens terrestres, mon âme avait

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L'EXISTENCE ANTÉRIEURE 123

des réminiscences de son existence antérieure.

Qilerens. – Mais, moi aussi, bien souvent, je me

suis senti et me suis vu voler en rêve, et exactement

ainsi, par un mouvement du corps dû à l a volonté

seule, sans ailes et sans appareils. Est-ce que j'auraisaussi vécu sur la planète de la Vierge ?!

Lumen. – Je l'ignore. Si vous aviez de bons yeuxou

de puissantsinstruments, vous pourriez, de votre

globe même, apercevoir cette planète, examiner sa

surface, et si par hasard vous y aviez existé à l'époqueoù en sont partis les rayons lumineux qui arrivent

actuellement à la Terre, vous pourriez peut-être vous

y retrouver. Mais vous avez des yeux beaucoup tropfaibles pour tenter cette recherche. D'ailleurs, il

n'est nullement nécessaire que vous ayez habité ce

monde pour avoir été pourvu de la faculté d'aviation.

Il y a un nombre considérable de mondes où le vol

constitue l'état normal, et où toute la race humaine

ne vit quepar cette faculté. En réalité, il y a peu de

planètes où les êtres rampent'comme sur la Terre.

Qllerens. – Il résulterait de votre vision précé-dente que votre existence terrestre n'est pas la pre-mière, et qu'avant de vivre sur la Terre, vous aviez

déjà vécu sur un autre monde. Vous croyez donc à

la pluralité des existences de l'âme ?

Lumen. – Oubliez-vous que vous parlez à un es-

prit désincarné ? Je dois bien me rendre à l'évidence,

ayant devant moi ma vie terrestre et ma vie anté-

rieure sur la planète virginale. Je me souviens d'ail-leurs de plusieurs autres existences.

Qu-ffiRENS.– Ah voilà précisément ce qui me

manque pour établir en moi une telle conviction. Je

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124 WJMBîJ

ne me souviens absolument de rien de ce qui a puprécéder ma naissance terrestre.

Lumen. – Vous êtes encore incarné. Attendez votreliberté pour vous souvenir de votre vie spirituelle.L'âme n'a pleine mémoire, pleine possession d'elle-

lmême que dans sa vie normale, sa vie -céleste, c'est-à-dire entre ses incarnations. Elle voit alors., non- JJJ-seulement sa vie terrestre, mais encore ses 'autres

existences antérieures.Comment une âme enveloppée dans le§ liens gros-siers de la chair terrestre, et fixée là pour un trav&iltransitoire, pourrait-elle se souvenir de sa vie spiri-tuelle ? Combien ce souvenir ne lui serait-il pas nui-sible 1 Quelles entraves n'apporteraijHil pas àr la li-berté des actes, s'il montrait à l'âme son commence-ment* et sa fin ? Comment mériterait-on, si l'on ïconnaissait ses destinées ? Les âiies incarnées sur laTerre ne sont pas encore arrivées à un état d'avance-ment assez élevé pour que le souvenir de leur étatantérieur pût leur ôlro utile. La permanence des

impressions animiques ne se manifeste pas sur cemonde de passage. La chenille ne se souvient pointde son existence rudimentaire dans l'œuf. La chrysa-lide endormie ne se souvienl point dos jours emplo-yés au travail lorsqu'elle rampait sur les plantesbasses. Le papillon qui vole de fleur en fleur n'a quefaire dese rappeler le temps oùsa momie rêvait sus-pendue à unetoile, ni le crépuscule où sa larve setraînait d'herbe en herbe, ni la nuit où la coquilled'une graine l'ensevelissait. Cela n'empêche pas quel'œuf, la chenille, la chrysalide et le papillon ne

soient un seul et mêmeêtre. a'

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LA PLURALITÉ bËS EXISTENCES 125

QWj&rens. – Cependant, maître* si nous avions

déjà vécu avant cette vie, quelque chose nous enresterait. Autrement ces existences antérieures se-raient comme si elles n'eussent pas été.

LUMEN.– Eh! n'est-ce donc rien que d'arriver surla Terre avec des aptitudes innées? Deux enfantsnaissent du même père et de la même mère, re-

çoivent identiquement la même éducation, sont en-

tourés des mêmes soins,.habitent dans le même mi-lieu. Or, examinez chacun d'eux, Sont-ils égaux ?Nullement. L'égalité des âmes n'existe pas. Celui-ci

apporte avec lui des instincts pacifiques et une vaste

intelligence; il sera bon, savant, sage, illustre peut-être parmi lés penseurs. Celui4à apporte des ins-tincts de domination, d'envie, de brutalité peut-être.Sa carrière, se dessinant et s'àccéntuant de plus en

plus; le conduira sans doute au premier rang desarmées et lui donnera cette gloire (peu désirable et

cependant encore admirée sur là Terre) qui s'at-lar.he ait titre d'assassin officiel. Faiblement ou for-

tement accusée, cette dissemblance de caractère, quine dépend ni de la famille, ni dé la race* ni de l'édu-

cation, ni de l'état corporel, se manifeste chez tousles hommes. Or, vous pourrez y réfléchir à votreaise vous arriverez à la conviction qu'elle est ab-solument inexplicable, et ne peut trouver sa raison

que dans les étals antérieurs des âmes.

Qu^erêKs. – La plupart des philosophes et dès doc-

leurs théologiques ont enseigné cependant que l'âme

était créée enmême temps que le corps.Lumém. – E'i en quel moment précis, je vous

pine? Esl-ce au moment de la naissance ? Maiâla lè-

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126 lumen

gislation comme la physiologie anatomique saventparfaitement que l'enfant vit avant d'être délivré dela prison utérine, et détruire un fœtus de huit moisest déjà un assassinat. A quelle époque donc supposez-vous que l'âme apparaîtrait dans le crâne fluide dufœtus ou de l'embryon ?'?

Qilerens. Plusieurs pères de l'Église ont in-diqué la sixième semaine de la gestation., D'autres

ont penché pour le moment où la conception s'opère.LUMEN. 0 dérision amère! vous voudriez que les

desseins éternels du Créateur fussent soumis dansleur exécution aux capricieux désirs, à la flamme in-termittente de deux cœurs amoureux 1 Vous oseriezadmettre que notre être immortel est créé au contactde deux épidémies? Vous seriez disposé à croireque la Pensée suprême qui gouverne les mondes semettrait à la disposition du hasard, de l'intrigue, dela passion et quelquefois du crime? Vous penseriezque le nombre des âmes dépendrait du nombredes fleurs touchées par la douce poussière du pollen

aux ailes d'or? Mais une telle doctrine, une tellesupposition n'est-elle pas blasphématoire envers ladignité divine, envers la grandeur spirituelle de notreâme elle-même? Et d'ailleurs, ne serait-ce pas lamatérialisation complète de notre faculté intellec-tuelle.

QtLERENs.– Je conviens qu'il serait fort singu-lier, en effet, qu'un événement aussi important que lacréation d'une âme immortelle fûjt soumis à unecause charnelle, fût le résultat fortuit d'unions plusou moins légitimes. Je conviens aussi que la diffé-rence des aptitudes que l'on apporte en entrant dans

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L'INCONNU 127

ce monde n'est pas expliquée par des causes organi-ques. Mais je me demande à quoi serviraient plu-sieurs existences si, lorsqu'on recommence une nou-velle vie, on ne se souvient plus des précédentes.Je me demande de plus s'il est vraiment désirablepour nous d'avoir en perspective un voyage sansfinà travers les mondes et une transmigration éter-nelle. Car enfin, il faut bien qu'il y ait un terme à

tout cela, et qu'après tant de siècles de voyage,nous finissions par nous reposer. Alors, autant nous

reposer immédiatement après une seule existence.LUMEN. 0 homme! vous ne connaissez ni l'es-

pace ni le temps; vous ne savez pas qu'en dehors dumouvement des astres le temps n'existe plus et quel'éternité n'est plus mesurée; vous ne savez pas que,dans l'infini de l'étendue sidérale universelle, l'espacen'est qu'un vain mot et n'est plus mesurable; vous

ignorez tout: principe, cause, fin, tout vous échappe:atome sur un atome mobile, vous n'avez sur l'universaucune appréciation exacte; et dans une telle igno-

rance, dans une telle obscurité, vous voudriez toutcomprendre, tout envelopper, tout saisir Mais il se-rait plus facile de faire entrer l'Océan dans une

coquille de noix que de faire comprendre la loi desdestinées par votre pauvre cerveau terrestre. Ne

pouvez-vous donc, en faisant un légitime usage de lafaculté d'induction qui vous fut donnée, vous arréteraux conséquences directes qui résultent de l'observa.tion raisonnée ? L'observation  jçaisonnée vous dé-montre que nous ne sommes pas égaux en arrivanten ce monde; quelle passé est semblable à l'avenir, et

que l'éternité qui est devant nous est également der-

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128 LtiMEN

rière que rien ne se crée dans la nature et que rienne s'anéantit que la nature s'étend à toute choseexistante, et que Dieu, esprit) loi, nombre, ne sontpas. plus en dehors de la nature que matière, poids,mouvement; que la vérité moralé, la justice, la sa-gesse, la vertu existent dans la marche du mondeaussi bien que la réalité physique que la justiceordonne l'équité dans la distribution des destinéesque nos destinées ne s'accomplissent point sur laplanète terrestre; que le ciel empyréen'existe pas etque la Terre est un astre du ciel que d'autres pla-nètes habitées planent avec la nôtre dans l'étendue,ouvrant aux ailes de l'aine un champ inépuisable; etque l'infini de l'Univers correspond, dans la créationmatérielle) à l'éternité de nos intelligences dans Jacréation spirituelle. De telles certitudes, accompa-gnées ,des inductions, qu'elles nous inspirent, nesuffisent-elles point à délivrer votre esprit des pré-

  jugés antiques, et à livrer à son libre  jugement unpanorama digne des vagues et profonds désirs de nos

âmes? «Je pourrais illustrer cette esquisse générale par desexemples el des détails quivous frapperaient peut-être davantage. Qu'il me suffise d'ajouter qu'il y adans la nature d'autres forces que ceHfes"qTlevoiisconnaissez, dont l'essence comme le moded'actionsont tout autres que l'électricité, l'attraction, là lu-mière, etc. Or, parmi ces forces naturelles incûftïiuë$,il en est une en particulier dont l'étude ultérieure,amènera de -singulières découvertes polir 'éluciderles problèmes de l'âme et de la vie. Cette 'forceïhïi*dlque invisible, c'est ce îien m'yslôriéM q# unit des

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«

l'inconnu i29

9

êtres vivants à leur insu même et s'est déjà manifesté .11,en maintes circonstances. Voici deux êtres qui s'a?-ment. Il leur est impossible de vivre séparés. Si laforce des événements amène une séparation, nosdeux amoureux sont désorientés» et leurs âmes se-ront sans cesse absentes de leurs corps pour se réunirà travers la distance. Les pensées de l'un sont com-munes à l'autre; les émotions de l'un sont éprouvéespar l'autre et ils vivent ensemble malgré la séparation.Si quelque malheur vient frapper l'un d'eux, l'autreen subit le contre-coup. On a vu de ces séparationsamener la mort. Combien de faits n'avez-vous pasconstatés, sur des témoignages irréfragables, de l'ap-parition spontanée d'une personne à un ami intime,d'une femme à son mari, d'une mère à son fils, etréciproquement, arrivée au moment même où la per-sonne apparue, mourait, souvent à une grande dis-tance kilométrique? La critique la plus sévère nepeut plus aujourd'hui nier ces faits authentiquementconstatés. Deux enfants jumeaux, vivant à dix lieues

l'un de l'autre, en des conditions très différentes;subissent en même temps la même maladie, ou sil'un d'eux se fatigue outre mesurej l'autre en ressentun malaise qu'il n'a point mérité. Et ainsi de suite.Ces faits multiples prouvent qu'il existe des lienssympathiques entre lesâaiçs et mêmeentre les corps,et nGUSiinvitent-àréfléchir, unefois de plus, que noussommes loin de connaître toutes les forces en actiondans là nature.

Si je vous livre ces vues, o mon ami, c'est peurvous montrer surtout que vous pouvez pressentir làvérité sauvantmême d'être' ihortj et que l'existence

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130 LUMEN

terrestre n'est pas tellement dépourvue de lumièrequ'on ne puisse) par le raisonnement, arriver à re-connaître les traits prinoipaux du monde moral. Au

surplus, toutes ces vérités devaient ressortir de lasuite de mon récit, lorsque je vous aurai appris que,ce n'est pas seulement monavant-dernière existence que

 j'airevùe directement, grâce à la lenteur de lajumière,mais encore

mon antépénultièmevie

planétaire,et

  jusqu'à présent, plus de dix existences qui ont pré-cédé celle dans laquelle nous nous sommes connussur la Terre.

• II

Qilérëns. – La réflexion et l'étude, ô Lumen I

m'avaient déjà fait, approcherde la croyance en la

pluralité desexistences del'àme. Mais cette doctrineétant loin d'avoir en sa faveur des preuves logiques,

morales et même physiques, aussi nombreuses etaussi évidentes que celle de la pluralité des mondeshabités, j'avoue que jusqu'à ce jour le doute étaitresté dans mapensée. L'optique moderne et le calcultranscendant, qui nous font en quelque sorte loucherdu doigt les autres mondes, nousmontrent leurs mou-vements, leurs années, leurs saisons et leurs jours,nous font assister aux variations de là nature vivanteà leur surface tous ces éléments ont permis à l'astro-nomie contemporaine de fonder cette doctrine de"l'existence humaine dans les autres astres sur unebase solide et impérissable. Mais, encore unefois, ij

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L'INCONNU i3i1

1

n'en est pas de môme de la palingénésie, et quoique.penchant fortement vers la transmigration des âmesdans le véritable ciel, puisque c!est là le seul moyensous lequel nous puissions nous représenter la vieéternelle, mesaspirations réclament cependant pourse soutenir et se consolider une lumière que je n'aipas encore.

Lumen. – C'est précisément cette lumière qui faitl'objet de notre entretien d'aujourd'hui et qui en res-sortira. J'ai, je l'avoue, un avantage sur vous, puisque

 je parle de visu, et que je me borne rigoureusement à

mefaire l'interprète exact des événements terrestresdont ma vie spirituelle est actuellement tissée. Mais

puisque votre intelligence peut sentir la possibilité, lavraisemblance de Implication scientifique de monrécit, elle ne peut en l'écoutant que s'éclairer elle-

même et agrandir son savoir.

QUjierens. – C'est pour cette cause surtout que j§suis toujours altéré de vous entendre.

Liïmesî. t- La lumière, vous l'avez compris, secharge de donner à l'âme désincarnée la lavuedirectede ses existence» planétaires.

Aprèsavoir revu monexistence terrestre, j'ai revumon avant-dernière vie sur l'une des planètes deGamma Vïrgfriis. La lumière ne m'apportant celle-làqu'après soixante-douze ans, et celle-ci qu'après centsoixante-douze ans, je vois aujourd'hui, de Capella.ceque j 'étais sur la Terre il y a soixante-douzeans, ct

ce quej'étaissur le mondavirginal il y a cent soixante-

dôuze ans. Voilà donc deux existences pansées et suo-ieèBÎvéi qui sont pendues pour moi préientes et simyl-

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132 LUMEN

tjanées ici, en vertu des lois de la lumière qui me léstransmet.

II y a cinq cents ans environ, je vivais sur unmonde dont la position astronomique, vuede la Terre,est précisément celle du sein d'Andromède, du seingauche. Assurément, les habitants de ce monde ne sedoutent guère que les habitants d'une petite planète de

l'espace ont réuni les étoiles par d.es lignes fictives,tracé des figures d,'hommes, de femmes, d'animaux,

d'objets divers, et incorporé tous les astres (pour leurdonner un nom) dans ces figures plus ou moins ori-

ginales. On étonnerait bien des hommes planétairessi on leur disait que sur la Terre certaines étoiles por-tent les noms de Cœur du Scorpion (quel cœur!),Tête du ,Chien, Queue de la Grande Ourse, Œil duTaureau, Col du Dragon, Front du Capricorne Vous

n'ignorez pas que' les constellations dessinées sur la

sphère céleste, les positions des étoiles sur cette

sphère, ne sont point réelles ni absolues, mais sont

uniquement causées par là situation de la Terre dansl'espace, et ainsi né sont tout simplement qu'une

affaire de perspective.Celui qui, du haut d'une mon-

tigne, prend le panoramacirculaire et fixé sur son~lan ,1~.pr,sition respective de~ous 1 à sommetsquiplan la position respective de tous les sommets quilui apparaissent, des collines, des vallées, des villages,des lacs, se construit une carte qui ne peut servirque pour le lieu où il se trouve. Si l'on se. transportee

vingt lieues plus- loin, lès mêmessommets sont visi-bles, mais ils sont situés en des positions réciproquestout à fait différentes, résultant duchangement deperspective. Le panorama des Alpes et de l'Ober-

land, vu de Lucerne et du Pilate, ne ressemble en

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LES CONSTELLATIONS 133  j"¡8

rien à celui qu'on observe du Faulhorn ou de la Schei-

nige Platte au-dessus d'Interlaken. Ce sont cependantles mêmes sommets et les mêmes lacs. Il en est exac-tement de même pour lés étoiles*.On voit les mêmesde l'étoile Delta d'Andromède et de la Terre. Il n'y a

plus cependant une seule constellation susceptibled'êtee- retrouvée toutes les perspectives célestes

sont changées; les étoiles de première grandeur sontdevenues de seconde et de troisième; quelques-unesd'un ordre inférieur, vues de plus prés, sont devenueséclatantes; et surtout la situation respective des; étoileslés unes, avec les autres a complètement varié parsuite de la différence de position entre cette étoile etla Terre.

Quverens.– Ainsi,- les constellations, que l'on a crues

pendant si longtemps tracées ineffaçablement sous

la voûte céleste, ne sont dues qu'à la perspective. En

changeant de position, les perspectives changent, et

ie ciel ne reste point le même. Mais alors, ne devrions-

nous pas avoir nous-mêmes un changement de pers-pectives célestes à six mois d'intervalle, puisque dans

cet intervalle la Terre a fortement changé de positionet est allée se placerà ,74millions de lieues do distance

du point qu'elle occupait six mois auparavant ?Lumen. – Cette objection;me rouve que vous

avez parfaitement compris le principe de la déforma-

tion, des constellations à mesureque l'on s'avance de

quelque côté que ce soit dans l'espace. Il en seraitainsi, en effet, si l'orbite terrestre était d'une dimen-

sion assez vaste pour que deux points opposés de cetteorbite pussent changer la vue dupaysage céleste.

Qu-iërens. – Soixante-quatorze millions de lieues.

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i'ài LUMEN'~1

Lumen. – Ne sont rien dans l'ordre des distancescélestes, et ne peuvent pas plus changer les perspec-tives des étoiles qu'un pasfait sur la lanterne du Pan-théon ne fait changer pour l'observateur la positionapparente des édifices de Paris.

QUiBRENs.– Certainescartes du moyen âge don-nent le zodiaque commecintre à l'ernpyrée, et placenttquelques constellations, telles qu'Andromède,la Lyre,

Gassiopée, l'Aigle, dans la mômerégion que les Sé-raphins, les Chérubins et les Trônes. C'était donc làde la haute fantaisie, si les constellations n'existentpas en réalité, et sont de simples rapprochements ap-parents dus- à la perspective.

Lumen – Évidemment. L'ancien ciel théologiquen'a plus aujourd'hui sa raison d'être, et le simple bonsens témoigne qu'il n'existe pas. Deux vérités ne pou*-vanl être opposées l'une à l'autre, il est nécessaire

que le ciel spirituel s'accorde avec le ciel physiquec'est ce que mesdifférents entreliens ont pour objetspécial de vous démontrer.

Sur le inonde d'Andromèdedont je vous parle, en

effet, on n'a plus rien de la constellation d'Andro-mède. Lès étoiles qui, vues de 'la Terre, paraissentréunies et ont servi à dessiner sur le paysage céleste

la fille de Céphéeet de Cassiopée, sont disséminéesdans Tétehdue a toutes les -distances et dans toutesles directions. Onne saurait retrouver là, ni ailleurs,1(3 moindre vestige des tractes la mythologie ter-

restre. .i-i'QujîftEtts. – La poésie y perd. J'éprouverais

certainement une doudesatisfaction à savoir que j'au-rais résidé pendant toute Une vie sur le sein d'An-

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LES CONSTELLATIONS ISS 'LËâ CONSTELLATIONS 135 3

droniède, Cela fait image. Il y a.là tout ensemble unparfum mythologique et «unesensation vitale. J'aime»rais certainement m'y voir transporté, sans craintedu monstre, et sans souci pour le jeune Persée accom*pagné de sa, tête de Méduse et du fameux Pégase.Mais, maintenant, grâce au scalpel -de la science, il

n'y a plus ni princesse exposée sans voiles au borddes flots, ni vierge tenant l'épi d'or, ni Orionpour»

suivant les Pléiades; Vénus a disparu de notre cieldu soir, et le vieux Saturne a laissé sa faux tomberdans la nuit. La science a tout fait, disparaître I Jeregrette ce progrès.

Lumen. – Préférez-vous donc J'illusio» à. la réa*iicé? Kl ne savez-vous pas encore que la vérité estincomparablement plus belle, plus grande, plus admi*rable et plus merveilleuse mêmeque l'erreur la mieuxornée ? Qu'y a-t-il de comparable, dans toutes lesmythologies passées et présentes, à la seule contemf plation ,scientifique des grandeurs célestes et desmouvements de la nature? Quelle impression pourrait

frapper l'âme plus profondément que k fait del'étendue occupée par les mondeset de l'immensitédes systèmes, sidéraux? Quelle parole est plus élo<+quente jque le silence d'une nuit étoilée? Quelleimage saurait transporter la pensée dans un abîmed'étonnement plus implacable que ce voyage intersiïçdéral de la lumière rendant éternels les événementstransitoires dela vie de chaque monde?Dépquiljez*vous donc, ô monami, devos antiques erreurs, et

soyez vraiment digne de la majesté de la science,Écoules ce qui suit.. .t~i..En vei-tu du temps que cette lumière emploie pour

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136 LUMEN

venir du système de 8 d'Andromède à Capella, j'airevu, cette année,, en 1869, mon antépénultième exis-tence accomplie il y a 550 ans. Ce monde est singulierpour nous. Il n'y a qu'un règne le règne animal, àsa surface. Le règne végétal n'y existe pas. Mais cerègne animal est bien différent du nôtre, quoiquepourtant son espèce supérieure, son espèce intelli-gente, y possède cinq sens comme sur la Terre. C'estun monde sans sommeil et sans fixité. 11est entière-ment enveloppé d'un 'océan rose, moins dense quel'eau terrestre et plus dense que l'air. C'est une sub-stance qui tient le milieu comme fluide entre l'air etl'eau. N'essayez pas de vous la représenter exacte-ment vous «'^parviendrez pas, attendu que la chimieterrestre ne vous offre pas de substance semblable.Le gaz acide carbonique, que l'on tient invisible aufond d'un verre et que l'on verse comme de l'eau, peutvous en, donner une image. Cet état est dû à unequantité déterminée de chaleur et d'électricité en per-manence sur ce globe. Vous n'ignorez pas qu'il n'y a

sur la Terre, dans la texture de tous les êtres, miné-raux, -végétaux et animaux, que trois états de corpslé solide, le liquide et le gazeux, et que ces trois étatsont pour cause unique la chaleur versée par le Soleilà la surface terrestre. La chaleur intérieure du globen'a plus qu'use action insensible à cette surface.Moinsde chaleur solaire liquéfierait les gaz et solidi-fierait les liquides. Plus de chaleur fondrait les solideset évaporerait les liquides. Il suffit de supposer uneplus ou moins grande quantité de chaleur pour fairede l'air liquide (de l'air liquide, entendez-vous ?) et dumarbre gazeux. Si, par une cause quelconque, la pla-

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LES ÉLÉMENTS 137

m.nète terrestre filait un jour sur la tangente de son or-bite et s'éloignait dans l'obscurité glacée de l'espace,vous verriez toute l'eau terrestre devenir solide, etles gaz à leur tour devenir liquides, puis solides eux-mêmes. vous verriez non, vous ne le verriez pasen restant sur la Terre, mais vous pourriez, du fondde l'espace, assister à ce spectacle assez curieux, si

 jamaisvotre

globevisait de

s'échapper parla

tangente.Et remarquez de plus que, si l'arrivée de ce froidcolossal se faisait subitement, les êtres se trouveraientsoudain gelés sur place, et le globe emporterait dansl'étendue le panorama singulier de toutes les races,humaine et animales, figées et immobilisées pourl'éternité dansles positions variées que chaque indi-

vidu et chaque être aurait eu au moment de la catas-

trophe.II y a des mondes qui en sont là. Ce sont certaines

comètes habitables, dont les êtres arrêtés insensible-ment dans leur vie par la fuite rapide de la comèteloin du Soleil, se trouvent là comme des milliers de

statuer. La plupart sont couchés, attendu que ce pro-fond changement de température emploie plusieurs

 jours s'accomplir. Ils sont là par millions, pêle-mêle,morts, ou pour mieux dire endormis dans une léthar-

gie complète Le froid les conserve. Trois ou quatremille ans plus tard, quand la comète revient de son

aphélie obscur et glacé à son brillant périhélie versle Soleil, la chaleur féconde caresse cette surface de

ses rayons bienfaisants; «Ile s'accroît rapidement.Lorsqu'elle est arrivée au degré qui caractérise la

température naturelle de ces êtres, ils ressuscitent, à

l'âge qu'ils avaient au momentoù ils se sont; endormis,

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138 LUMEN

ils reprennent leurs affaires de la veille (vieilleveille !), sans savoir en aucune façon qu'ils ont dormi(sans rêve) pendant tant de siècles. On en voit mômequi continuent une partie de  jeu commencée et achè-vent une phrase dont les premiers mots ont été ditsquatre mille ans auparavant. Tout cela est fort simple.Nous avons vu que le temps n'existe pas en réalité.

C'est en grand ce qui se passe en petit sur là Terrepour vos infusoires ressuscitants, qui renaissent sousla pluie après plusieurs années de mort apparente.

Mais pour en revenir à notre monde d'Andromède,l'atmosphère rose quasi-liquide, qui l'occupe entière-ment comme un océan sans îles, est le séjour desêtres animés de ce globe. Sans jamais se reposer aufond de cet océan, que nui n'a jamais touché, ils flot-tent perpétuellement au sein de l'élément mobile.Depuis leur naissance jusqu'à leur mort, ils n'ont pasun seul instant de repos. Leur activité constante est1» condition même de leur existence. S'ils s'arrê-taient, ils périraient. Pour respirer, c'est-à-dire pour

faire pénétrer dans leur sein l'élément fluide, ils sontcontraints d'agiter sans cesse leurs tentacules .'jet detenirleurs poumons tje prends ce mot pour me fairecomprendre) constamment ouverts. La forme exté-rieure de cette race humaine est un peu celle dessirènes de.l'antiquité, mais moins élégante et se rap-prochant de l'organisme du phoque.

Vof ezvvous la différence essentielle qui séparecette constitution de celle dès hommes terrestres ?C'est que sur>la Terre nous respirons sans nous en aper-cevoir sans faire aucun travail .pour obtenir -notreoxygène, sans être obligés de gagner par la peine là

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LA VIE SUR LA TERRE 139

transformation du sang veineux en sang artériel

par l'absorption de l'oxygène. Sur cet autre monde,au contraire, c'est là une nourriture que l'on n'obtient

qu'au priœ du travail,, au prix d'incessants efforts.

QûJE$MNSt– Alors, ce monde est inférieur au nôtre

comme deg d'avancement PLumen. – Sans aucun doute, puisque je l'ai habité

avant de venir sur la Terre. Mais ne pensez pas quela Terre soit bien supérieure par la raison que nous

respirons tout en dormant.. Sans doute, c'est déjàmerveilleux d'être muni d'un mécanisme pneumati-que qui s'ouvre de lui-même de seconde en seconde,chaque fois que notre organisme a besoin de lamoindre bouffée d'air, et c'est merveilleux que cetautomate fonctionne, lors mêmeque ceux qui le pos-sédent n'en voient pas la beauté et n'en apprécientpas la valeur. Mais l'homme ne 'vit pas seulement

d'air; il faut encore. à l'organisme terrestre un com-

plément plus, solide, et ce complément ne lui arrive

pastout seul. Qu'en résulte-t-il?

Regardezun instant

la Terre. Voyez quel triste, quel désolant spectacle 1

Quel monde de misère et d'abrutissement? Toutes

ces multitudes courbées yers le sol qu'elles grattentavec peine pour lui demander leur pain! toutes cestêtes penchées vers la matière au lieu d'être élevées

pour la contemplation de la nature 1 tousces effortset ces labeurs, traînant après eux la faiblesse et lamaladie tous ces trafics, pour amasser un peu d'oraux dépens de tous! l'exploitation de l'homme parl'homme les castes, les aristocraties, les vols et les

ruines I les ambitions, les trônes et les guerres enutï mot, l'intérêt personnel, toujours égoïste,, souvent

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140 lumen

Hnr»HïHA. p.f.lfi î*À.o*n«flft In mafiàvA sur» 1'l',sordide, et le règne de la matière sur l'esprit voilàle tableau normal de la Terre, situation voulue parla loi qui régit vos corps, qui vous force à tuer pourvivre et à préférer la possession des biens matériels,que l'on n'emporte pas au delà du tombeau, à la

possession des biens intellectuels dont l'âme gardetoujours en elle la richesse inaliénable.

Qilerens. – Vous parlez, ô maître, comme si vous

pensiez qu'il fût possible de vivre sans manger.LUMEN. Eh croyez~vous donc que l'on soit as-

treint à une opération aussi ridicule sur tous lesmondes de l'espace? Fort heureusement, sur la plu-part des mondes, l'esprit n'est pas soumisà une pa-reille'ignominie.

Il n'est pas si difficile qu'on peut le supposer au

premier abord, de croire à la possibilité d'atmos-

phères nutritives. L'entretien de la vie chez l'hommeet les animaux dépend de deux causes la respirationet la nutrition. La première réside naturellementdans l'atmosphère la seconde réside dans la nourri-

ture. De la nourriture provient le sang; du sangproviennent les tissus, les muscles, les os, les car-

tilages, la chair, le cerveau, les nerfs, en un mot, laconstitution organique du corps. L'oxygène que nous

inspirons peut lui-même être considéré 'commesubs-tance nutritive, puisqu'en se combinant avec les

principes alimentaires absorbés par l'estomac il

achève la sanguification et le développement destissus.

Or, pour imaginer la nutrition tout entière passéedans le domaine de l'atmosphère, il suffit d'observer

qu'en somme un aliment complet se composed'albu-

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LE PROCÉDÉ DE L'ALIMENTATION 141

mine, de sucre, de graisse et de sel, et de penserqu'un fluide atmosphérique, au lieu d'être composéseulement d'azote et d'oxygène, soit formé de ces di-verses substances à l'état gazeux.

Dans notre état actuel, ces aliments se trouventdans les corps solides dont nous nous nourrissons, etc'est à la digestion qu'est dévolue la fonction de lés

dégageret de les assimiler à

l'organisme. Lorsquenous mangeons un morceau de pain, par exemple,nous i-ntroduisoiis dans notre estomac de la fécule etde l'araidon, substance insoluble dans l'eau et qu'onne trouve pas dans le sang. La salive et le suc pan-créatique transforment l'amidon insoluble en sucresoluble. Labile, le suc pancréatique et les sécrétionsintestinales changent le sucre en graisse. On trouvedans le sang du sucre et de la graisse, et c'est ainsi

que; par le procédéde l'alimentation, les substancesont été dégagées et assimilées à notre corps.

Vous vous étonnez, mon ami, que dans le monde

céleste, où je

résidedepuis cinq

années terrestres,jeme souvienne encore de tous ces termes matériels, et

que je descende à en parler ainsi. Les souvenirs que j'ai emportés de la Terre sont loin d'être effacés, et

puisque nous traitons par circonstance une ques-tion de physiologie organique, je n'éprouve aucunefausse honte à nommer les choses par leur nom.

Si donc nous supposons qu'au lieu d'être combinésou mélangés dans la constitution des corps solides,ouliquidés, les aliments se trouvent à l'état gazeuxdans la constitution de l'atmosphère, nous créons parlà mêmedes atmosphères nutritives., qui nous dis.

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142 lÙmën1

pensent de la digestion et de ses fonctions ridiculeset grossières.

Ce que l'homme est capable d'imaginer dans lasphère restreinte où ses observations s'exercent, lanature a su le réaliser en quelque point de la créa-tion universelle.

Jev&tis assure, du reste, que, lorsqu'on n'est plusaccoutumé à cette opération matérielle de l'introduc-

tion de la nourriture dans le tube intestinal, on nepeut s'empêcher d'être saisi de sa grossièreté. C'estla réflexion que je me faisais encore il y a quelques

  jours, lorsque laissant mesregards errer sur l'un des

plus opulents paysages de votre planète, je fus frappéde la beauté suave et tout angélique d'une jeune fille,étendue sur une gondole qui flottait doucement surl'eau bleue du Bosphore, devant Constantinople. Descoussins de velours rouge, brodé de soie éclatante,formaient le fauteuil de cette jeune Circassione delourds glands d'or tombaient jusque dans les flots.Devant elle, un petit esclave noir à genoux jouait d'uninstrument à cordes. Ce

corpsétait si

juvénileet

si gracieux, ce bras accoudé était si élégant, ces yeuxétaient si purs et ai naïfs, et ce fropt déjà pensif était si calme dans la lumière du ciel, que je melaissai un instant captiver par une sorte d'admiration

rétrospective pour ce chef-d'œuvre de la nature vi-vante. Eh bien tandis que cette candeur de la jeu-nesse qui s'éveille, cette suavité de la fleur qui s'en-tr'ouvre aux premiers rayons de l'existence me te-naient sous une sorte decharme passager, la barquetoucha le bord d'une plate-forme avancée, et la jeuneallé, soutenue par l'esclave, vint s'asseoir sur un 4i*

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LA POÉSIE SUR LA TERRE 143

van, près d'une table servie copieusement, autour delaquelle d'autres personnes étaient déjà réunies. Ellese mit à manger! Oui, elle mangea! Pendant uneheure peut-être, c'est à peine si je pouvais me rendreà la raison de mes souvenirs terrestres. Quel spec-tacle ridicule Un tel être portant des aliments à sabouche et se versant d'instant en instant je ne saisquelle substance dans l'intérieur de son corps char-

mant Quelle grossièreté! Et puis des morceauxd'un animal quelconque, que ces dents perlées ont lecourage de mâcher Et ensuite des fragments d'unautre animal qui voient s'ouvrir sans hésitation de-vant eux ces lèvres virginales pour les recevoir et lesingurgiter Quel régime un mélange d'ingrédientstirés de bestiaux ou de bêtes fauves qui ont vécudans la fange et qu'on a massacrés ensuite. Hor-reur 1 Jedétournai mes regards avec tristesse de cetétrange contraste, et je les portai sur Jupiter, oùl'humanité n'est pas réduite à de tels besoins.

Les êtres flottants appartenant au monde d'An-dromède où s'est accomplie mon

antépénultièmeexistence, sont encore soumis bien plus servilementque les habitants de la Terre au travail de la nutri-tion. Ils n'ont pas d'air qui les nourrisse aux troisquarts, comme sur votre globe il faut qu'ils gagnentce qu'on peut appeler leur oxygène, et sans trêve ilssont condamnésà faire fonctionner leurs poumons età préparer de l'air nutritif, sans jamais dormir et sans

 jamais être rassasiés d'air, parce que, malgré toutleuBAravail, ils ne peuvent qu'absorber fort peu à lafois i • Hs>:paësen6«ainsileur viéf  entjèitey et- -meurenten succombantà làîpeitte» '•

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144 LUMEN

l3rra~.ux~wte~ A.arFaHi.vattl~»ait na naa ïQujerens[ – Autant vaudrait ne pas naître 1

1

Lumen*– La même réflexion s'appliquerait à la

Terre, Aquoi sert de naître, de se fatiguer à milletravaux divers, de tourner pendant soixante ou cent

ans dans le même cercle journalier dormir, manger,

agir, parler, errer, courir, s'agiter, rêver, etc., etc. A

quoi tout cela sert-il ? Etne serait-on pas aussi avan-cé si l'on s'éteignait le lendemain de sa naissance, ou

nu'eux encore^si l 'on ne se donnait même

pasla

peine de naître ? La nature n'en irait pas plus mal et

ne s'en apercevrait point. Et, du reste, peut-on ajou-ter, à quoi la nature sert-elle elle-même, et pour-

quoi l'univers existe-t-il ?. A toutes ces questionsl'esprit observateur ne peut donner qu'une seule ré-

ponse II faut que toutes les destinées s'accomplis-sent.

Souvent, mon ami, je me suis adressé dans lé fond

de ma conscience ces mêmes insolubles questions,et je me souviens qu'une personne vraiment supé-rieure que j'avais connue dans une existence anté-

rieure, et précisément sur ce monde d'Andromède,

et que j'ai revue avec bonheur, mais trop rapide-ment sur la Terre, la vertueuse princesse Carolath,

que vous ayez aussi connue, m'a souvent alors entre-

tenu de ces mêmes problèmes. Elle fit ses efforts

pour élever l'intelligence du pays à la tête duquelelle brillait, mais n'y réussit guère. Ce monde d'An-

dromède est extrêmement grossier et ne comprenaitt

rien à ses discours.Pour vous donner une idée de la faiblesse intellec-

tuelle de cette humanité, je choisirai les deux sujetsqui donnent énéralement la mesure, de la valeur

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UNE HUMANITÉ 1|5

le voisin, sa

10

d'un peupla la religion et la politique. Or, ep reli-gion, au lieu-, de chercher Dieu 4ans la nature, defonder leur jugement sur la science, d'aspirer à lavérité, de sa servir de leurs yeux pour voir et deleur raison pour comprendre, en un root, au lieud'établir les fondements de leur philosophie sur laconnaissance aussi exacte que possible de l'ordre di-vin qui régit le monde ils se sont divisés en sectesvolontairement aveugles, ont cru rendre hommage àleur prétendu Dieu en cessant de raisonner, §fccroient l'adorer en soutenant que leur mpnda estunique dans l'espace, en récitant des paroles, e.ns'in7

  juriant 4e secte à secte, et, hélas en bénissant lesépées, en allumant les bûchers, en autorisant les masTsacres et les guerres. Il y a telles et telles assertions,dans leurs doctrines qui semblent imaginées, tout ex-près pour outrager le sens commun. Cesont préaisé-mentcelles-là qui constituent les articles. (Je foi deleur» crpyances l

{ls sont 4e la mô.meforce en politique. Les plus in-

telligents et les plus purs ne parviennent pas à s'en-

tendre ayssi Ja république y semble-t-elle une formede gouvernement irréalisable. Aussi loin qu'on puisseremonter 4ar«S les annales de leur histoire, on voit, quele,s peuples, lâches et indifférents, préfèrent à segouverner eux-mêmes être menés par des individusqui s,e prpcjai.eu), leurs.' fiasjleus. Ce chef leur prnndles trois quarts de leurs ressources, fait garder pourlui et }es siens l'eissenpe la plus rase de leur atmos-phère (c'est-à-dire ce qu'il ya de meilleur en cqinonde), les numérote tous, et de temps en temps les

envoie s'entre-bâtonner avec le peuple voisin, sou'

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146 LUMEN

mis lui-même à un Basileus analogue. Semblables àdes bancs de harengs, ils se dirigent des deux partsvers un champ de bataille, qu'ils appellent le champd'honneur, et s'ëntre-détruisent comme dos fous fu-rieux, sans savoir pourquoi, et sans pouvoir se com-prendre, du reste, attendu qu'ils ne parlent pas lemême langage. Quelques privilégiés du hasard enreviennent. Croyez-vous que ceux-ci rapportent à

leur retour la haine du Basileus ? Nullement. Enrentrant dans leurs foyers mobiles, les débris del'armée n'ont rien de plus empressé que de célébreren compagnie des dignitaires de leur secte des actionsde grâce, suppliant leur Dieu de donner de longs

  jours de bénédiction au digne homme qui s'intituleleur paternel Basile 1 .1

Quveeens. – 11 suit de cette relation que les habi-tants de Delta Andromède sont physiquement et in-tellectuellement fort inférieurs à nous; car sur laTerre nous sommes loin d'avoir une pareille conduite.En somme, il n'y a sur ce globe qu'un règne animé,

un règne mobile, sans repos, sans sommeil, livré àl'agitation perpétuelle par une inexorable fatalité. Untel monde me semble bien bizarre, -'• 1

Lumen. – Que diriez-vous donc de celui que j'aihabité il y a quinze siècles ? Monde également douéd'un seul: règne, mais non plus d'un itègne mobile,au contraire, d'un règne fixe, comme votre règnevégétal?~

QuiERENs, – Des animaux et des hommes retenuspar des racines?.

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L'ORGANISATION DES ÊTRES 147

III

Lumen. – Mon existence antérieure à celle dumonde d'Andromède s'est accomplie sur la planèteVénus, voisine de la Terre, où je me souviens d'avoir

été femme. Aussi ne l'ai-je pas revue directementparla loi de la lumière, puisque la lumière met lemême temps pour venir de Vénus ou de la Terre à

Capella, et que, par conséquent, en regardant Vénus, je la vois actuellement telle qu'elle était il y a 72 ans,et non il y a 900 ans, époque de mon existence surcette planète.

Ma quatrième vie antérieure à ma vie terrestres'est passée sur une immense planète annulaire ap-parténantàà la constellation du Cygne, et située dansla zone de la Voie lactée. Or, ce monde singuliern'est habité que par des arbres.

QÛ.ERENS, – C'est-à-dire qu'il n'y a encore là quedes plantes, et pas encore d'animaux, d'êtres in'telli-gents et parlants ?

Lumen. – Nonpas. II n'y a que des plantes, c'estvrai. Mais dans ce vaste monde de plantes, il y a dès

races végétales plus avancées que celles qui existentsur la Terre il y a des plantes, qui vivent commevous et moi, sentent, pensent, raisonnent et parlent.

QuvERENs.– Mais c'est impossible! Oh pardon.!1 je veux dire, c'est extraordinaire, incompréhensibleet tout à fait inconnu. inc,O,m,p

re"b,e"nSible"Lumen. – Ce,s races végétales intelligentes exis-

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ï148 LUMEN

tent si bien, que j'en faisais partie moi-même il y aquinze siècles, alors que j'étais un arbre raison-nable.

Qilerens. – Mais encore? comment une plantepeut-elle raisonner sans cerveau et parler sans

langue?Lumen. – Apprenez-rnoi, je vous prie, par quel

procédé intime votre cerveau matériel donne .nais-

sance à des idées intellectuelles, et par quel mouve-ment voire âme traduit ses pensées muettes en pa^rôles audigibles?

Qujerens. – Je cherche, ô ma.ître! Mais je netrouve point l'explication essentielle de ce fait, ce-pendant si Ordinaire.Lumen. – On n'a pas le droit de déclarer impos-sible un fait inconnu, quapd on ignore ainsi la.ici desa propre manièro d'être. De ce que le cerveau est

l'organo terrestre mis sur la Torro au service de.l'intelligence, croyez-vous donc qu'il y ait des cer-veaux analogues, des cervelets et des moelles épi-nières sur tous les globes de l'espace? Ce serait là

une trop naïve erreur. La loi du progrès régit lesystème vital de chacun des mondes. Ce système vitaldiffère suivant la nature intime et les forces parti-culières à chaque monde. Lorsqu'il est arrivé à

un degré suffisant d'élévation, qui le rende suscep-tible d'entrer dans le service du système du mondemoral, l'esprit, plus oumoins développé, y apparaît.Ne pensez pas que le Père étemel crée directementsur chaque globe une race humaine. Non. Le pre-mier échelon du règne animal reçoit la Iransfigura-

tipn humainepar Ja fqpqe. 4es choses, par la Iqf.nçtu,

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l'organisation DES ÊTRES 449

relie, qui l'anoblit 'le jour où le progrès l'a amené àun état de supériorité relative,

Savez^-vous pourquoi vous avez une poitrine, unestomac, deux jambes et deux bras, et une têtemunie des sens visuel, auditif et olfactif? C'est parceque les quadrupèdes, les mammifères qui ont pré-cédé l'apparition de l'homme sur la Terre étaientainsi faits. Les

singes;les chiens, lès lions, les

ours,lés 'Chevaux,les boeufs, les tigres, les chats* etc., etavant eux le rhinocéros tichorhynus, l'hyène des ca-

vernes, le cerf à bois gigantesque, le mastodonte, la

sarigue, etc.; et avant ceux-ci encore le plésiosaure,'ichthyosaure, l'iguanodon, le ptérodactyle, etc., et

encore avant ceux-ci les tortues, les crustacés, etc.,ont été le produit des forces vitales en action sur la

"terre, dépendantes de l'état du sol et de l'atmos-

phère, de la chimie inorganique, delà quantité dechaleur et de la gravité terrestre. Le règne animalterrestre -a' suivi désson origine cette marche conti--nue et progressive vers le perfectionnement de la

forme type des mammifères, se dégageant de plus enplus de la grossièreté de la matière. L'homme est plusbeau que le cheval, le cheval plus beau que l'otlrS,

l'ours plus beau que la tortue. Une loi semblable a

régi le règne végétal. Les végétaux lourds, gros*siers, sans feuilles et sans fleui'3 ont commencé lasérie. Puis, avec les siècles, les formes sont deve-nues plus élégantes et plus pures. Les feuilles sont

apparues, versant dans les bois une ombre sileh*cieuse. Les fleurs, à leur tour, sont venues embellir

le jardin de la Terre ot répandre de doux parfumsdans l'atmosphère jusqu'alors insipide. Cette double

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150 LUMEN

série progressive des deux Règnes se retrouve au- jourd'hui dans les terrains tertiaires, secondaires etprimordiaux visités par l'œil scrutateur de la géolo-gie.

Il y eut une époque sur la Terre où quelques îlesémergeant à peine du sein des eaux chaudes, dansles vapeurs abondantes d'une atmosphère surchar-gée, il n'y avait d'autres êtres qui se distinguassent du

règne inorganique que de longs filaments en suspen-sion dans les flots. Algues, fucus, tels sont les pre-miers végétaux. Sur les rochers on voit se formerdes êtres que l'esprit est embarrassé de nommer. Làdes éponges se gonflent. Ici un arbre de corail s'é-lève. Plus loin des méduses se détachent comme deshémisphères de gélatine. Sont-ce des animaux ?Sont-ce des plantes ? La science ne répond pas. Cesont des animaux-plantes, des zoophytes.

Mais la vie ne reste pas fixée dans ces formes.Voici des êtres non moins primitifs et tout aussi sim-ples, qui signalent la décision d'un genre de viespécial. Ce sont des annelés, des vers, des

poissonsréduits à l'état de tube, des êtres sans yeux, sansoreilles, sans sang, sans nerfs, sans volonté, espècesvégétatives qui toutefois sont douées de la puissancelocomotrice.

Plus tard, des rudiments d'organes visuels appa-raissent, des rudiments d'organes locomoteurs, desrudiments d'une vie plus libre. Poissons, amphibiesse succèdent. Le règne animal terresljre se forme delui-même '•

Queserait-il arrivé si un premier être n'avait pasquitté son rocher? si. ceséléments primitifs de la vie

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bANS LA CONSTELLATION DU CYGNE 1511

terrestre étaient restés fixés au point de leur forma-tion, et si, pour une cause quelconque, la faculté delocomotion n'avait pas pris un commencement?

Il serait arrivé que le système vital terrestre, aulieu de se manifester dans deux directions différentesmonde des plantes et monde des animaux, auraitcontinué de se manifester seulement dans la pre-mière. Il n'y aurait eu qu'un" règne au lieu de

deux. Et le progrès créateur, s'opérant dans ce rè-gne commeil s'est opéré dans le règne animal, ne seserait pas arrêté à la formation des sensitives, plantessupérieures qui déjà sont douées d'un véritable sys-tème nerveux, il ne se serait pas arrêté à la forma-tion des fleurs, qui sont déjà si voisines de nous dansleurs actes organiques, mais, continuant son ascen-1-

sion, ce qui s'est produit. dans le règne animal se se-rait produit dans le règne végétal. Il y a déjà des

végétaux sentant et agissant il y aurait eu des vé-

gétaux pensant et se faisant comprendre. La Terren'aurai t pas été pour cela privée du genre humain.

Seulement. le genre humain, au lieu d'être mobilecomme il l'est, aurait été fixé par les pieds.Tel est l'état du monde annulaire que j'ai habité,

il y a quinzesiècles, au sein de'la Voie lactée.

Qu^srens. – Sans contredit, ce monde des Hom-mes-Plantes m'étonne plus encore que le précédent.Mais je puis difficilement me figurer la vie et les

mœurs de ces êtres singuliers.Lumen. Leur genre de vie est en effet bien

différent du votre. Ils ne bâtissent pas de villes, ne

font pas de voyages et ne s'imposent aucune forme

de gouvernement., Ils neconnaissent point la guerre,

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152 lumen

ce fléau de l'humanité terrestre, et n'ont point cetamour-propre national qui voue caractérise. Prudents,patients et dottés d'uti caractère constant, ils n'ont nila mobilité ni la fragilité des hommes terrestres. Ony vit en moyenne dé cinq à sis siècles, d'une viecâline, douce, uniforme, sans révolutions. Mais nepensez pas que ces Hommes-Plantes n'aient qu'uneexistence végétative". Au contraire, ils ont une vie

très personnelle et très absolue. Ils sont divisés, nonpar castes, selon la naissance ou la fortune, commesur la Terre, ce qui est absurde, mais par familles,dont la valeur naturelle diffère précisément selonl'espèce. Ils ont une histoire sociale, non écrite, carrien né peut se perdre parmi eux, attendu qu'il n'y ani émigrations ni Conquêtes, mais par tradition et pargénération. Chacun connaît l'histoire de sa race. Ilsont aussi deux sexes comme sur la Terre, et lesuiiiotti s'y accomplissent d'une manière analogue,mais plus pure, désintéressée et toujours affectueuse.Et ce né Sont pas toujours des unions consanguinespour delà il y a même des fécondations a dis-

tance^GtLèttÉtfs. •* Maisenfin, comment peuvent-ils se

communiquer leurs pensées, s'il est vrai qu'ils pen-sent f Et d'ailleurs*,maître, comment vous êtes-vousreconnu Vous-mêmeMir ce singulier oiohde?

LuMem. – > Unemême r'èponse donnerasatisfactionà votre double question. Je regardai cet anneau dé laconstellation du Cygne, et la vue de mon âme s'y at-tachait avec persistance; j'étais surpris moi-même dene voir que des végBtaul à sa surface, et je femar*quais principalement leurs singuliers groupements 'l

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DANS LA CONSTELLATION DU CYGNE 153

sur la campagne ici doux à deux, là trois à trois,plus loin dix à dix; ailleurs en plus grand nomb.ré

  j'en voyaisqui semblaient assis au bord d'une fon-taine, d'autres qui paraissaient couchés, avec depetits rejetons autour d'eux je cherchais à y recon-naître les espèces terrestres, comme des sapins, deschênes, des peupliers, des saules,inaisje n'y retrouvaipoint ces formes botaniques enfin je fixais souventmes regards sur un végétal de la forme du figuier,sanS feuilles ni fruits, mais avec des fleurs rouge-écarlate, lorsque tout à coup je vis cet énormefiguier allonger Un rameau, comme'un bras gigan^tesqUe, ramener l'extrémité de ce bras vers sa tète,détacher une des magnifiques fleurs qui ornaientsa chevelure et la présenter ensuite, en inclinantla tête, à un autre figuier svelte et élégant portantdô doUOes flaui's bleues, placé à quelque distancedevant lui. Celui-ci parut recevoir la fleur rougeavec un certain plaisir, car il tendit une branche, onpourrait dire une main cordiale, à son voisin et ils

parurent se tenir longtemps ainsi.Vous savez qu'en certaines circonstances il suffit

d'un geste pour faire reconnaître une personne. C'estce qui m'arriva devant ce tableau. Ce geste du figuierde la Voie lactée réveilla dans mon esprit tout uniûdnde de souvenirs. Cet Homme-Plante, 6'êtàit ek-cûre moi, il y à quinze siècles» et je reconnus mesenfahls dans les figuiers aux fleurs violettes quim'entouraient, car je me souvins que la couleur desHeurs descendantes résulte du mélange des deUxcou»leurs du pore et de là tnèfei

Ces Hommes-Plantes voient, entendent et parlent,

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154 LUMEN

sans yeux, sans oreilles et sans larynx.. Sur la Terredéjà, vous avez des fleurs qui distinguent fort biennon seulement la nuit du jour, mais encore les diffé-rentes heures du jour, la hauteur du soleil sur l'ho-rizon, un ciel pur d'un ciel couvert; qui, de plus,ressentent les bruits divers avec une exquise sensibi-lité qui, enfin, s'entendent parfaitement entre elles el

mêmeavec les papillons messagers. Ces rudiments

sont développés à un véritable 'degré de civilisationsur le monde dont je vous parle, et ces êtres sontaussi complets dans jeur genre que vous l'êtes sur laTerre dans le vôtre. Leurintelligence, il est vrai, estmoins avancée que la moyenne intellectuelle del'humanité ter restre mais, dans leurs mœurs et dansleurs relations réciproques, ils apportent en touteschoses une douceur et une délicatesse qui pourraientsouvent servir de modèle à la plupart des habitantsde la Terre.

Qilerens. – Maître! comment est-il possible quel'on voie sans yeux et que l'on entende sans oreilles?

LUMEN. Vous cesserez d'êtreétonné,

monvieil

ami^ si vous réfléchissez que la lumière et le son nesont autre chose que deux modesde mouvement.Pourapprécier l'un ou l'autre de ces deux modes de mou-vement, il faut (et cela suffit) être doué d'un appareilen correspondance avec lui, ne serait-ce qu'un simplenerf. L'œil et l'oreille sont ces appareils pour votrenature terrestre. Dans une autre organisation natu-relle, -le nerf  optique comme le nerf  auditif  formentde tout autres organes. D'ailleurs, il n'y a pas seule-ment dans la nature ces deux modes deinouvementslumineux et sonores je puis même dire que ces qua-

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LES AMES. ET LES ATOMES 155

lifications dérivent de votre manière de sentir et nonde la réalité. Il y a, dans la nature, non pas un, maisdix, vingt, cent, mille différents modes de mouve-ment. Sur la Terre, vousêtes construits pour apprécierprincipalement ces deux-là, qui constituent presquetoute votre vie de relation. Sur d'autres mondes, il yad'autres sens pour apprécier la nature sous d'autresaspects, sens dont les uns tiennent la

placede vos

yeux et de vos oreilles, et dont les autres sont dirigésvers des perceptions tout à fait étrangères à celles quisont accessibles aux organismes terrestres.

Qilerens. Lorsque vous me parliez tout à l'heuredes Hommes-Plantes du monde du Cygne, l'idéem'est venue de vous demander si les plantes terres-tres ont une âme;

Lumen. – Sans contredit. Les plantes terrestressont douéesd'une âme, aussi bien que les animaux etles hommes.Sans l'âme virtuelle, aucune organisationne saurait êt»e. La forme d'un végétal est faite par sonâme. Pourquoi un gland et un noyau plantés l'un à

côté de l'autre, dans le même sol, sous la même ex-position et Identiquement dans les mêmes conditions,produiront-ils, le premier un chêne, le second unpécher? Parce qu'une force organique résidant dansle chêne construira son végétal spécial, et qu'uneautre force organique, une autre âme, résidant dansle pêcher, tirera à elle d'autres éléments pour formerégalement son corps spécifique de même que l'âmehumaine se construit elle-même son propre corps,en se servant des moyens mis par la nature terrestreà sa disposition. Seulement, l'âme de la plante n'apas conscience d'elle-même.<

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156 LUMEN

Ames de végétaux, âmes d'animaux, âmes d'hom- 1mes, sont déjà des êtres arrivés à un degré de per- 1sonnàlité, d'autorité suffisant pour plier à leur ordre, 1dominer et régir sous leur direction les autres forces Hnon personnelles répandues dans le sein de l'immense Inature. Là monade humaine, par exemple, supérieureà la monade du sel, à la monade du carbone, à la mo-

nade de l'oxygène, les absorbe et les incorpore dansson oeuvre. Notre âme humaine dans notre corpsterrestre, sur la Terre, régit sans s'en apercevoirtout un monde d'âmes élémentaires formant les par-ties constitutives de son corps. La matière n'est pasUne substance absolument solide et étendue. C'est un

assemblage de cehtres de forces. La substance n'a

pas d'importance. D'un atome à l'autre; il y a un videimmense relativement aux dimensions dés atomes. Ala tête des divers centres de forces constitutifs quiforment le corps humain, l'âme humaine gtiuVernetoutes les âmes ganglionnaires qui luisonl subordon-nées.

Qu^Rëns. J'avoue, mon profond instituteur, que  je nesaisis pas bien clairement cette théorie.  j

LtJMfiN. – Aussi va-t-elle être illustrée par un 1

exemple qui la fera passer pour vous à l'état de fait. 1

Qujrhens. -=- Al'étal de fait ? Étes-vôîrs- donc une 1Réincarnation de la princesse Shôhorzâde, et m'avez- Ivous fasciné dans un nouveau conte des Mille et trne

Nuits?

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CINQUIÈME RÉCIT («>'

INGENIUM AUDAX, NATURA AUOACIQR

LUMEN. Vous connnaissez la splendide constel-lation d'Orion qui règne en souveraine sur vos nuits

d'hiver, et la curieuse étoile multiple 8 (thêta), qui setrouve au-dessous de l'Ëpée suspendue au Baudrier,et brille au foyer de la fameuse nébuleuse.

Ce système 0 d'Orion est l'un des plus singuliersqui existent d'ans l'écrin, si diversifié pourtant, des

diamants célestes. Il est composé de quatre soleilsprincipaux disposés en quadrilatère. Doux de ces so-leils formant ce que je pourrais appeler la base du

quadrilatère, sont en outre accompagnés, l'un d'un

soleil, l'autre de deux. C'est donc un système desept soleils, autour de chacun desquels gravitent des

planètes habitées.

J'étais alors sur une planète tournant autour d'unsoleil secondaire. Celui-ci tourne ^autour de l'un des

quatre soleils principaux. Celui-ci à son tpup circule,

(1) ifirif mm$<

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158 LUMEN

de concert avec les autres, du reste, autour d'uncentre de gravité invisible placé dans l'intérieur duquadrilatère. Je n'insiste pas sur ces mouvementsla mécanique céleste vous les a expliqués.

J'étais donc éclairé et échauffé sur ma planète parsept soleils à la fois par un plus grand et plus ar-dent en apparence que les six autres, parce quec'était le plus rapproché de moi par un second très

grandet

également brillant par trois de moyenne di-mension, et par deux petits jumeaux. Mon soleilprincipal était -bleu indigo; mon second était jaune-orange mes trois petits' étaient blancs, et les deuxderniers ressemblaient à deux yeux de rubis.

Qilerens. – Comment ? il y a dans le ciel de pa-r,eils soleilsde couleur, doubles et multiples!

Lumeh. – Un très grand nombre! Le systèmedont je vous parle entre autres est connu des astro-nomes de la Terre, qui comptent par milliers dansleurs catalogues les systèmes d'étoiles doubles, mul-tiples et colorées. Vous pouvez l'étudier vous-mêmeau télescope.

Or, sur la planète d'Orion, que j'ai désignéetout àl'heure, les êtres ne sont ni végétaux ni animaux.Ils ne sauraient être rangés dansaucune classifi-cation de la vie terrestre, ni même dans l'une desdeux grandes divisions en règne végéta! et règneanimal. Je ne sais vraiment à quoi les comparer pourvous donner une idée de leur forme

Avez-vous vu dans les jardins botaniques le ciergegigantesque, le cereusgigantçml

QUiERENs.– Je connais particulièrement ce vé-gétal. Son nom lui vient de sa ressemblance avec les

1

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UN MONDE DANS ORION 159

cierges à trois ou plusieurs branches que l'on al-lume dans les temples.

Lumen. – Eh bient les hommes de 8 Orionisoffrent quelque ressemblance avec cette forme. Seule-

ment,Us se*1 meuventlentement et se tiennent deboutpar un procédé de succion, comme'des ampoules. Lapartie inférieure de leur tige verticale, celle qui poseà terre allonge légèrement, à la manière des étoiles de

mer, de petits appendices qui se fixent au sol enfaisant le vide. Ces êtres vont souvent par troupes, etchangent de latitude suivant les saisons.

Mais voici le point le plus curieux de leur organi-sation, celui qui met en évidence le principe dont jeparlais tout à l'heure sur la réunion des âmes élé-mentaires dans,le, corps humain.

Je visitais un jour ce monde et me trouvais au mi-,lieu d'un paysage orionique. Un être était là, sem-blable à un végétal de dix mètres de taille, sansfeuilles iii fleurs, essentiellement composé d'unetige cylindrique, terminée dans sa partie supérieure

par plusieurs embranchements rappelant ceux d'unchandelier. Le diamètre de la tige centrale, commecelui des branches, pouvait bien- mesurer un pied.L'extrémité supérieure de la tige et des branchesétait couronnée d'un diadème de franges argentines.

Tout à coup, je vois cet être agiter ses branches ets'évanouir.En. effet, dans ce monde, on voit souvent des in-

dividus bien portants s'écrouler littéralement toutd'une pièce.

Les molécules qui les constituent tombent, toutesensemble, à terre. L'individu cesse d'exister person-

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160 LUMEN

nelieinent, §es molécules se répaqdent è h14 surfacedu sol et se dispersent.

Qp^p^s, -7»Elle» se désagrègent et vpnt faire

récq|e bwifigonnière?1L.IIMW-– A peu près. Jp me spuvien.s que cette dé-

composition du corps arriye fort souvent pendantla vie. Tantôt elle est le résultat d'une contrariété,tantôt de la fatigue, tantôt d'un désapcord organique

1entra les, différentes parties. Qn existe intégralement,commevous l'êtes actuellement, puis soudain on setrouve réduit a sa plus simple expression La mo-lécule cérébrale qui vous constitue essentiellementse sent descendre par suite de la chute de ses s,oai|rsle long des membres et arrive à la surface 4u sol,

solitaire et indépendante,Qu-wjsns. – Ce mode de disparition serait qucl-

quelqis nu procédé fort commodeici-bas. Pour sortird'une sitaalion embarrassante, par exemple d'une,

scène conjugale à la î^oliàre,, pu d'un quart d'heure dé-sagrpab.le pommecelui de Rabelais, ou d'une impasse jdquîoureuse fe\l& que l'ibtî^eïle d'iin éGhafa.u4. Ûsuf-firait dene plus retenir- ses atomesconstitutifs, et.hqnsoir- la oomp^gnje.

^llMBif. –'Vous prenez le. fait en plaisanterie; mais  je vous affirme que sa réalité est jnpo.ntpsta.ble. Ile^ister-ajt s.ur la tpr-re commesur ]a planùtè 4'Orion,si le principe d'autorité ne régnait pas si (qrteipentchezvous,. II y exisfe élémentairement. Vptre corps

est forxné de molécules, animées, Va^re, mpelle épi-rnière, commel'a dit un de vos éminents, pbysÎQjp-gi^les, est une série lîn,éa,Jre4e centre^ la fois indé-

P.Pni^HtS pt S°HT9}'né?; k°S Parti?gl P?septie,lJe§

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ANALYSE DU SYSTÈME NERVEUX 16Π

H

a«AUïi5E DU S YS TE ME .N ER VE UX loi

constitutives de votre sang, de votre chair, de vosos sont dans le même cas. Ce sont des provincesavec une administration autonomique, mais soumisesà une autorité supérieure.

Le fonctionnement de cette autorité supérieure estune condition de la vie humaine, condition qui estmoins exclusive chez les animaux inférieurs. Souschaque anneau du ver nommé lombric, il y a un ver

complet,de sorte

qu'un lombric représente une séried'êtres semblables constituant une véritable sociétéde coopérationvitale. Coupé par anneaux, le verconstitue autant d'individus indépendants. Dans leténia, ou ver solitaire, la tête est déjà plus impor-tante que le reste et possède, commeles plantes, lafaculté de reproduire le reste du corps dont on a pu'la démeubler. La sangsue est également un êtreformé d'individus soudés. Coupée de cinq en cinqanneaux, l'opération donne autant de sangsues. Demôme-qu'une branche repousse à l'arbre, de même

T la patte de l'écrevisse ou la queue du lézard se res-constituent. Enréalité, les animaux vertébrés – tels

que l'homme, par exemple – sont composés dansleur arbre essentiel (la moelle épinière et son épa-nouissement supérieur au cerveau) de segments jux-taposés, de centres nerveux, dont chacun est douéd'une eme élémentaire.

La loi d'autorité en action sur la Terre a déter-miné dans la série animale une direction prépondé-rante. Vous êtes composé d'une multitude d'êtresgroupés, et dominés par l'attraction plastique devotre âme personnelle, qui, du centre de votre être,a formé votre corps, dèsl'embryon, et a réuni autour

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162 LUMEN'

d'elle, dans, son microcosme, tout un monde d'âtresqui n'ont pas encore »cansoience de leur individua-lité.

Qilerens. Sur la planète d'ôrion, la natureellfemême est donc àl'étatde république absolue

Libyen.»- République gouvernée pan la M.Qu/EREMs.-n-. Mais quand un être se trouve ainsi

décomposé eommeiit peut-al ensuite se reconstituer

intégralement?Lumen. « Par la volonté, et souvent sans lemoindre effort, et par un désir même furfcif.Pourêtre séparées de la molécule cérébrale, les moléculescorporelles ne lui sont pas moins toujours rattachéesintimement. A un moment donné,elles se< réunissentet reprennent chacune leur. place. La molécule direc-trice attire les autres à distance, comme l'aimantattire la limaille de fer.

Qilerêns. Je m'imagine volontiers voir toutecette armée lilliputienne surprise par un coup desifflet, et, se rosserranl à son contre, organiser laréunion de tous ces petits soldats,. lesquels, grimpantagilement les uns sur les autres, arrivent en un elind'oàl à reconstituer l'honime-cieug© que vous m'avezdépeint.;En vérité, il faut certainementquitter la Terrepour voir de pareilles nouveautési

Lumen. – Vous  jugez encore de la nature univor-selle par Fatomeque vaus avez sous les yeux, et vousn'ôles apte à comprendre que les faits qui rentrentdans la sphère de vos observations. Mais, je vous lerépète, la Terre n'ess pasle type de Fwnivers..Ce monde de 6 Oianis, avecses sept soleils roulants,est peuple par. unsystème organique analogue à celui

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L'Œil4.ET fcA VUE %$$

qm Je viens de v&us dêftaUvJ'ai véo« là il y g,3,400ans et je m'y revois- actuellement en raison du tempsque met la lumière pour venir de e©point de l'espaceà Capella.. J'y ai «son-sul'esprit qui»§n ce siècle, s'in'©ar-nagiur*J&Terre' et publia ses éludes sous 1@negié'Alkï» KafdeOi durant a^tf^vj© tçrrestp^» mwneao«8 stattveai0n> peint 4a aou%«voii*Qqrwt* m%keep.«Bàsnt -«ans r««s sentions pwf^is attirés l'im wpe

l'auto;©pa? do ànguliers Fapprooh.eiReats <ie pensée*,Mwotenantqw'il estwvîeRu ec«n]*e]Éactta©sle m©sàedes Bspàts, il se sauvient aussi de 1$sistuMèye yé-rpublique; d'Qpion et peut la reviiir. Oui, bien siag»*-

Tiè»e et pourtant pêeUe, Vous n'^Tez aucun© nationsur •sotpe;paw«r©planètft de 1» 4itarsit% ii>imaginaWequi sépare les mandes, tant daw leur géologie q«edans Iwr- physiologie apfanique. Cm entretiens pw^-vent servir à éoMrw votre c^nnaiatanee mr ce Mtgénéral, si important dans la conception de l'uni-vers.

Mais le serrée scientifique que ces. entretiens

peuvent surtout vous rendre, c'est encore de vomsavoir- appris que la lumière est Je modede transmis-sion de l'iù&toÂre.universelle. Avec ta puissante-{a<iuH«visuelle dont bous jouissons, icû noua pouvonsdistinguer la surface, des mondes, lointains. 1,'œi} de

Wtre « përispnt ». n'est pas identique à l'œil du

eoA'ps.ï>»nal'ovil copparel, les rayons, divergent,, ^eSôfteÈju'untres->>etife corps placé toul pi-0s dts \\m\ 

remplitl"iutei?va,lile de deux rayons,, tandis qu'à uwe

plus gçandedistance, un. plus grand, cor-p&e§t néoes-r

s«çe peur rempli^ l'espaee propoptionneHem&ntaccru

qui sépare les onêmesrayons. Dansnotre œil,, au con-

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164 LUMEN

traire, les rayons visuels entrent en lignes parallèles,de 'sorte que nous voyons chaque objet dans sa pro-

portion réelle et dans sa grandeur normale, sans quesa grandeur apparente soit influencée en rien par la

distance. Nous ne voyons pas en entier certains

grands objets, mais seulement des sections propor-tionnées à l'ouverture de notre rétine particulière, et

ces parties sont visibles pour nous avec une égaleciartéà toute distance (quand nous n'avons pas d'atmos-phère pour voiler cette distance,) et un arbre d'une

prairie d'un corps céleste aussi lointain que9 d'Oriori

l'est dé Capollà, est parfaitement visible pour nous.D'autre part, d'après la loi de la transmission suc-

cessive de la lumière, tous les événements de la

nature, l'histoire de tous les mondes, sont répandusdans l'espace commele tableau universel le plus vraiet le plus grandiose de la nature entière.

Comme ces entretiens vous l'ont montré, j'ai

voyagé dans un grand nombre de pays célestes dif-

férents et actuellement j'étudie la création sans mefixer nulle part. J'espère, dans le courant du siècle

prochain, me réincarner sur un monde dépendant du

cortège de Sirius. L'humanité y est plus belle quecelle de la Terre. Les naissances s'effectuent suivantun système organique moins ridicule et moinsbrutal

que le système terrestre mais le caractère le plusremarquable de' la vie sur ce monde, c'est quel'homme y perçoit les opérations physico-chimiquesqui s'accomplissent dans l'entretien du corps. Dans

votre organisme terrestre, vous ne voyez pas com-

ment par exemple,les aliments absorbés s'assimilent,

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LES YEUX LUMINEUX 165

comment le sang, les tissus, les os; se renouvellenttoutes les fonctions s'accomplissent instinctivement,sans que la pensée les perçoive. Aussi subit-on millemaladies, dont l'origine est cachée et souvent introu-vable. Là, l'homme sent les actes de son entretienvital, comme vous sentez un plaisir ou une douleur.De chaque molécule du corps, pour ainsi dire, partun nerf 

quitransmet au cerveau les

impressionsvariées qu'elle reçoit. Si l'homme terrestre était douéd'un pareil système nerveux, en plongeant ses regardsdans l'organisme par l'intermédiaire des nerfs, ilverrait comment l'aliment se transforme en chyle,celui-ci en sang, lé sangen bile, en salive, en matière

nerveuse, etc. il se verrait lui-même. Mais vous enêtes' loin, le centre animique de vos perceptionsétant déjà embarrassé par les nerfs multipliés deslobes cérébraux et des couches optiques.

Sur ce globe du système de Sirius, les yeux hu-mains sont organisés de telle sorte qu'ils sont lumi-

neux pendant la nuit et qu'ils éclairent comme si

K quelque émanation phosphorescente, irradiait de leur? étrange foyer. Uneréunion nocturne composée d'un

grand nombre de personnes offre un aspect vérita-ment fantastique, parce que la clarté comme la cou-leur des yeux changent suivant les passions diverses

qui les animent. Deplus, la puissance dé ces regardsest telle qu'ils exercent une influence, électrique et

magnétique d'une intensité variable, et qu'en certainscasils peuvent foudroyer, faire tomber morte la vic-time sur laquelle se fixe toute l'énergie de leurvolonté.

Un autre caractère précieux de l'organisation

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168 MM!-t

_ ea ~. r~ . s. ~v ,. a. . ~. c.. a. A~ , , ki , ¡; il ol . 1 7. 1vitale du môndô sirien, c'est que Tante peut changerde ewps «sas passer par la circonstance de 1» mort>souvent désagréable, et touJoWli triste. Un savant

qui a travaille toute sa Viepour l'instruotiôta de l'htt^matiitê et voit arriver te -finde Ses ]otti* sans avoir

pU wMtaéf Se» nobles entreprises» pêUt éhaagel* de

corps avec un |e«He tdolèsôêiMset fêéoïflineftcei4 uneliôUfëlle vie, plustttîle encore pe la £fémièMî. Il

«ttffil, purôétté titâtieMgrattohy du eôftsentémefit del'èdôléscént et «îbl'opéwtiôia magnétique d'un  îttêdé-ôîn ébïûpétëiit. Oh voit âUSfeiparfois deu* êtres, unis

pâï- lès liens Sidoux et 8i foï'ts de ï'aïnôuts opérer Un

p&reilÔchSnfS de eorps apr^s piUBieuw anftéêÈ d'u-nïM î l'èftlôde répôux Viettt habHÉr te d fps dô l'ê-

pti*ê> et ïéeiproqueftlent^ ^buf le reste de leur

èïistêtt . L'eXpôrièMceintime de la tië devient in*-

comparablement plus complète pour cM^un d'eufc»

Sur un astre voisin, bien curieux à ee poittl de vue,,les végétaux éoht tous composésd'Unô substance ana-

logue à tiiMnnte, parce que c'estla «ilioe et la hla-

^iéèièqUid'ôttlinent dans «aconstitution. Lés animauxné se nourrissent que dé cette substance. Presquetous les êtres habitant ce monde sont iniombiMiètes.

Je me souviens aussi que sur une planète éclairée

par le brillant soleil hydrogéné.Véga de la Lyre(la petisée n'est pas obligée de passer par la parolepour se manifester. Combiende fois ne vous est-il

pas arrivé) lorsqu'une idée lumineuse ou ingé-nieuse vient d'occuper votre cerveau, de vouloir l'ex-

primer ou l'écriras et, pendant le temps que vous

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LA PENSÉE VERBALE i'67 7

commencez à parler ou à écrire, de sentir déjàl'idée dissipée* envolée, obscurcie ou métamor-phosée ? Les habitants de cette planète ont un si-xième sens, que l'on pourrait appeler télégra-phique, électrique, en vertu duquel,' quand l'auteurne s'y oppose pas-, la pensée se communique au de-hors et-peut se lire sur un organe qui occupe à peuprès la place de notre front. Ces conversations silen-

cieuses sont souvent les plus profondes et les plusprôcfees>elles sont toujours les plus sincères.

Vous êtes toujours disposé à croire que l'organisa-tion humaine ne laisse rien à désirer sur la Terre, eten cela vous manquez de logique, ce qui n'est pasrare, dans votre manière de penser. N'avez-vous

  jamais regretté d'êtreobligê d'entendre malgré Vousdes paroles désagréables» un discours absurde, unsermon gonflé dévide, de la mauvaise musique* désmédisances ou des calomnies ? Vos langues ont beauprétendre que vous pouvez « fermer l'oreille à à

ces discours, il n'en est malheureusement rien. Vousne pouvez pas fermer vos oreilles comifie vos yeux-.Il y a là Unelacune. J'ai visité des planètes moins in-

complètes que la vôtre où la nature n'a pas Oublié cedétail. Il y â là bien moins dé sourdes colères quechez vous, mais les divisions entre les partis politi-ques y sont beaucoup plus accusées» lés adversairesne voulant rien entendre, et y réussissant effective-ment malgré les avocats les plus loquaces.

Sur un monde dans lequel le phosphore joue ungrand rôle» dontg'a^mosphère est constamment élec-

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168 LUMEN

n.c,. :7.v t.. a_s_a_ __u J!1 et_atrisée, dont la température est fort élevée, et où leshabitants n'ont guère eu aucune raison suffisanted'inventer les vêtements, certaines passions se tra-duisent par l'illumination d'une partie du corps.C'est en grand ce qui se passe en petit dans vosprairies terrestres, où l'on voit, pendant les doucessoirées d'été,, les vers luisants se consumer silen-cieusement dans une flamme amoureuse. L'aspectdes

coupleslumineux est curieux à observer le soir

dans les grandes villes. La couleur de la phospho-rescence diffère suivant les sexes, et l'intensité variesuivant les âges et les tempéraments. Le sexe fortbrûle d'une flamme rouge plus ou moins étendue, etle sexe gracieux d'une flamme bleuâtre, parfois pâleet discrète. Vos vers luisants seuls seraient aptes àse former une idée, très rudimentaire, de la naturedes impressions ressenties par ces êtres spéciaux.Chez les lampyres du nord, que vous rencontrez enFrance, le mâle est ailé sans être lumineux et la fe-melle, au contraire, lumineuse mais privée du pri-vilège aérien. Chez les lampyres d'Italie les deux

sexes ont la liberté de l'aile et la faculté de se ren-dre lumineux. L'humanité dont je vous parle a tousles avantages dé ce dernier type.

Mais, mon cher ami, il m'est impossible de vousentretenir de toutes les curiosités de l'univers. Qu'ilvous suffise d'avoir assez soulevé le voile pour vous

permettre d'entrevoir l'incommensurable diversitéqui existe dans les productions animées de tous les

systèmes disséminés dans l'espace.En m'aecompagnant en esprit dans ce voyage in-

tersidéral, vous avez passé quelques heures loin de

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INCOMMENSURABLE DIVERSITÉ 169

la Terre. Il est bon de s'isoler parfois ainsi dans lescélestes sentiers. L'âme prend mieux possessiond'elle-même, et, dans ses réflexions solitaires, elle

pénètre profondément à travers l'universelle réalité.L'humanité terrestre, vous l'avez' compris, est, aumoral, comme au physique, la -résultante des forcesvirtuelles de la Terre. La force humaine, la taille,le poids dépendent dé ces forces. Les fonctions orga-

niques sont déterminées par la planète. Si la vie estpartagée ici en travail et en repos, en activité, ensommeil, c'est à cause de la rotation du globe et dela nuit dans les globes lumineux ou éclairés parplusieurs soleils alternatifs, on-ne dort pas. Si l'on

mange et si l'on boit ici, c'est à cause de l'état impar-fait de l'atmosphère. Le corps des êtres qui ne man-

gent pas n'est pas construit comme le vôtre, puisqu'ilsn'ont besoin ni d'estomac ni de ventre. L'oeil terrestrevous fait voir l'univers d'une certaine façon l'œilsaturnien voit d'une manière différente il y a dessens qui perçoivent autre chose que ce que vous

percevezet

quine voient

pasce

quevous

voyezdans

la nature. Chaque monde est habité par des racesessentiellement différentes, et qui ne sont parfois ni

végétales ni animales. Il y a des hommes de toutesles formes possibles, de toutes les dimensions, detous les poids, de toutes les couleurs, de toutes lessensations et de tous les caractères. L'univers est uninfini. Notre existence terrestre n'est qu'une phasedans l'infini. Une diversité inépuisable enrichit ce

champ merveilleux de l'éternel Semeur.Le rôle de la science est d'étudier ce que les sens

terrestres sont capables de percevoir. Le rôle de

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17Ô LUMEN

la philosophie est de former la synthèse de toutes lesnotions restreintes et déterminées, et de développerla Sphère de la pensée. Maintenant} mon cher ami

terrestre» voussavez ee que c'est que la Terre dansl'univers, vous savez.éléments irement ce que c'est

que te Giél et vtîus savez aussi ce que c'est que laVie. et -ce quec'est que la.Mort.

Voici bientôt venir l'auiwc, qui met en fuite les

esprits, et va faire évanouir notre entretien, commela clarté de Vénuss'évanouit auxapproches du  jourterrestre. J'aurais aimé cependant ajouter aux vues

précédentes une remarque bien intéressante inspiréepar les mêmes observations. C'est celle-ci-. Si voiis

partiez de là Terre au moment où un éclair jaillit, et

que vous voyagiez pendant une heure ou davantageavec la lumière, vous verriez l'éclair pendant aussi

longtemps que vous le regarderiez. Ce fait est établi

d'après les principes exposés plus haut. Mais>si aulieu de vous éloignet1 exactement avec là vitesse de la

lumière, vous vous éloigniez avec une vitesse un peu

inférieure» voici l'observation que vous pourriez faire 1Je suppose que ce vby&ged'éloignement de la Terre,pendant lequel vous regardez l'éclair» dure une mi-nute. Je suppose que l'éclair dure un millième deseconde. Vous aurez continué de voir l'éclair pendant60,000 fois sa durée. Dans notre première supposition,ce Voyage est identique à celui de la lumière. La lu-

mière a employé60,000 dixièmes de seconde pour serendre de la Terre atapoint de l'espace où vous êtes,svotre voyage et le sieik ont coexisté. Or, si au lieu de

voler juste avecla riiémëvitesse que la,lumière, vousaviez volé un peu moins vité>et que, par exemple,

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LE GROSSISSfiMEHt DU TEMPS Itï

vouésayez employé un de seconde de pluspô«# arriver au même point, au lieu de voir toujoursle thèmenàomtntde /'éete>> vsus auriez vu successive-ment les divers moments qui constituent la duréetotale de l'éclair, égale à un millième de secondeDans cette minute entières vous auriez du le tempsde voir d'abord le commencement de l'éclair, d'en

analyser le développement) les phases et la suite, jusqu'à la fin. Concevezalors quelles étranges dé-couvertes on pourrait faire dans la nature intime del'éclair, grossi 60,000 fois dans l'ordre de la durée! iQuelles batailles effrayantes Vousauriez le temps d'à*-percevoir dans ses flammes! Quel pandémonium 1Quels sinistres d'atomes 1 Quel monde caché par safugacité aux yeux imparfaits des mortels!1

Si vous pouviez voir par la pensée, séparer etcompter les atomes qui constituent le corps d'unhomme» ce corps disparaîtrait pour vous, car il y alà des milliards, et des milliards d'atomes en mouve-

ment-, et pour l'oeil analysatour, ce serait une nébu-léuse animée par les forces dé ta gravitation-. Swe-denborgn'avail-il pas imaginé que l'univers vu dans

son ensemblea la formed'un très grand homme? C'étaitla dé l'anthropomorphisme. Mais tout se, ressemble.Ce que nous savons dé plus sûr c'est que les chosesne sorti pasCequ'elles notis paraissent) ni dans l'espaceni dans le temps. Mais revenons k l'éclair ralentu

Quand vous voyages avec la vitesse de là lumièreVous voyez constamment tableau qui existait aumontent de votre départi Si vous restez pendant unan emporté par cette mômevitesse, vous avez pen-dant un an le mêmeévénement stius lias yeux. Mais

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172 lumen

si pour mieux voir un événement qui n'aurait duré

que quelques secondes, comme par exemple la chuted'une montagne, une avalanche, un tremblement de

terre, vous partez de façon à voir le commencementde la catastrophe, et, en ralentissant un peu vos passur ceux de la lumière, à ne pas voir constamment ce

commencement, mais bientôt le premier momentquil'a suivi, puis le seeond moment, et ainsi de suite, de

manière à n'arriver à voir la fin qu'après une heured'examen en suivant presque la lumière l'événementdure pour vous une heure au lieu de quelques. secon-des, vous voyez les rochers ou les pierres suspendusen l'air, et pouvezainsi vous rendre comptedu modede

production du phénomèneet deses péripéties ralenties.Je vois dans votre pensée que vous comparez ce

procédé à celui d'un microscope qui grossirait le

temps. C'est exactement cela. Nous voyons ainsi le

temps amplifié. Ce procédé ne peut pas recevoir ri-

goureusement la dénomination de microscope, mais

plutôt celle de chronoscope,ou de chrono-té-lé-scope

(voir le temps de loin).La durée d'un règne peut, par le même procédé,être augmentée selon le bon plaisir d'un parti poli-tique. Ainsi, par exemple, Napoléon II n'ayant régnéque trois "heures, on pourrait le voir régner pendantquinze ans successivement,en dispersant les 180 minutesformantles trois heures le long de 180 mois, en s'éloi-

gnanl de la Terre avec une vitesse un peu inférieureà celle de la lumière, de manière à ce que, en partantà la première minute où les Chambres ont reconnu

Napoléon Il, on n'arrive à la dernière minute de

son règne fictif qu'au bout de quinze ans seulement.

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l'étude DE l'univers 173

,L-Chaque minute serait vue pendant un mois, chaque

 j seconde pendant douze heures.La conclusion de cet entretien, mon cher Quserens,

t réside tout entière dans son principe. Je voulais vousapprendre que la loi physique de la transmissionsuccessivede la Lumière dans l'espace est un des élé-ments fondamentaux des conditions de la vie éternelle.

Par cette loi, tout événement est impérissable, et le[ passé toujours présent. L'image de la Terre d'il y a6000 ans est actuellement dans l'espace, à la distanceque la lumière franchit en 6000ans les mondes si-tués en cette région voient la Terre de cette époque.Nous pouvons revoir notre propre existence directe-ment, et nos diverses existences antérieures; il suffittpour cela d'être à une distance convenable des mondesoù nous avons vécu. Il y a des étoiles que vousvoyezde la Terre et qui n'existent plus, parce qu'elles sesont éteintes après avoir émis les rayons lumineuxqui vous arrivent seulement maintenant; de mêmeque vous pourriez recevoir la voix d'un hommeéloi-

gné, lequel pourrait être mort avant l'instant où vousl'entendez, s'il avait été, par exemple, frappé d'apo-plexie immédiatement après avoir jeté son cri.

  je suis heureux que ce cadre m'ait permis de voustracer en même temps un tableau de là diversité deces. existences de la possibilité de formes vivantesinconnues à la Terre. Ici encore, les révélations d'U-ranie sont plus grandes et plus profondesque, cellesde toutes ses sœurs. La Terre n'est qu'un atome dans

l'univers.~œurs.

Je m'arrête là; toutes ces nombreuses et diversesapplications des lois de la Lumière vous étaient res-

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1T4 mjmbn:-

toes inaperçues. Sur la Terre, dans oette oavor-ncobscure, si judicieusement qualifiée par Platon, vousvégètes da«a i'ignoraftoe dea forces gigantesques enaction dans l'univers. Le jour viendra au la sciencephysique découvrira dans la lumière le principe detout mouvement et la raison intime des choses. Déjà,depuis quelques annéesi, l'analyse speotrale vous aappris à "voir daaa l'examen d'un rayon lumineuxvenu du Soleil ou. d'une étoile les-

substances quiconstituent ce soleil et cette étoile; déjà vous pouvezdéterminer, à travers une distance de millions et detriUitm»de lieues,, la nature des corps célestes dontx<m reeeYea le rayon lumineux ! L'étudede. la lur«lièpe vous prépare des résultats plus Hiagniftqusseaoor«, et dankla science expérimentale, ot dans sesapplications à la philosophie, del'univer».

Mais la, réiraçlioa de l'atmosphèpe terrestre étendm delà du zénith le lumière émanée du lointain ao»leil. Les. vibrations du jau# m'empêehent de mecsomra.uoMjuei1plus longtemps à vous. Adieu, mondigne ami. Adieu! ou plutôt au revoir { Jte gr;\nd;§

évéwnwmtsvont s'afccoœplir autour de vomsu Apresla tempête, jo reviendrai peut-être, une dernière fois,voua donner signe, d'exisitence, voua montrer que jee

ae vo.es oublie poini. Jhiia, plus tard, quand v»usa,urea ceaaé da vivre sur cette médiocrepjïtn.ète, jeviendrai w-4evaïU deveus, et nousfcrojns ^HS,emhle«;« voyage réal à, trawpales iii«nar.raWes splendeursde VimmeBsiW»Dans les rêves les plus téméraires deVotre imagination, vous ne vous formero^ jamais unevtee*m.ôm*appjmejjé^ desstupéfiâmes ouriosités, des

i&eifve-iUos lniïaagin«ye&l qui vous, atte^deat

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SIXIÈMERÉCIT»

I NFWHT U M – E TERNIT AS

II y avaitplusieurs années que je n'avais reçu, au-cune communication, de turççN, quoique bien sou-

vent j'aie réfléchi à ses étranges révéJation,s,§u.r la

lumière et sur la,vue du passé et des, existences an-

térieures^ lorsqu'un soir, à l'heure où, nous avions eu

l'habitude d[e no,us entretenir, – quand, au, troisième  jou.? d.e la Luw»le croissant silencieux plane mêlant~Rr~i!i~i\ijt,~ile~W'1I; rltlnt) W@l~Ih

çoliquement dws le ciçl occidental, – heure douce

Ct câline e»tre tpute j'entendis u.n frém.iasoça t à

côté de moi II -mesemhla,qu'un nouveau, ven,u levait

marché sue des feuilles mortes mais j'étais assis

dans u,n fauteuil sur mon balcon, et il n,'y avait pe.ade leuilles mortes. Deno,uvya,ii Le mémobrg.it xnsx,-

pl,içables.e fit entendre, je fis, le tour dubalcon aa«a

(1) Écrit «n ;»,7^.

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176 LUMEN

voir personne, et du reste nul n'aurait pu entrer àmon insu; je passai par la coupole du grand téles-cope, et l'idée de diriger l'œil d'Uranie sur les pay-sages lunaires, si remarquables à cette époque de lalunaison où ils sont éclairés obliquement par le Soleil,me vint subitement à l'esprit et m'occupa avec assezd'intensité pour que j'aie oublié le bruit singulier que

 j'avais entendu et qui m'avait fait lever de ma rêverie.

Je passai une bonne heure dans l'étude de la séléno-logie et je m'appliquai surtout à prendre un dessin desrives escarpées de la mer Sérénité. Quand la Lune futcouchée, je tournai le télescope vers, Jupiter, et  je re-

marquai mieuxque jamais l'éclat des zones blanches quitraversent son disque, zones alors si brillantes, qu'unde.ses satellites passant sur la planète me parut noir

par contraste, quoiqu'il fût blanc en dehors du disque.Comme il y avait alors beaucoup de taches sur le

Soleil et que peu de temps auparavant on avait ad-miré sur l'Europe entière une magnifique aurore bo-réale, la coïncidence du nombre des taches solaireset dula fréquence des aurores boréales depuis quel-ques années nie fit songer que peut-être il existeaussi actuellement des aurores boréales sur Jupiter,qùiajoutent à l'éclat de cette planète une lumière

propre, distincte de celle qu'elle reçoit du Soleil et

qu'elle réfléchit dans l'espace. ,tJ'avais ainsi passé la soirée en observations astro-

nomiques. Vers dix heures, la température baissantsensiblement, on alluma le poêle de faïence de la

pièce voisine, et je vins de temps en temps entreles observations me chauffer les pieds. Vous pensezsans doute, mon cher lecteur, que ce sont là des

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PNEUMATOLOGIE 177

12

détails superflus qui vous importent peu. Détrompez-vous, car si je prends soin de. les consigner ici, c'estqu'il y a utilité à le faire pour l'explication de ce quisuit. En effet, un de mes collègues m'arriva vers mi-nuit pour me parler d'une étofle, double qui allaitpasser au méridien. Tout en causant, je songeais àlui montrer mon dessin des rives escarpées de la merde la Sérénité et à lui demander s'il le trouvait exact.

Je cherchai d'abord le dessin sur mon bureau et fusassez étonné de ne pas l'y trouver. Mais il était posésur le poêle de faïence. – Tenez! lui dis-je, je le

1

cherche bien loin et le voilà devant nous. Voyez lemont Roëmer est bien éclairé. Le grand cratère dePogsidçnius n'est encore qu'à demi dans la lumière,et les bprda du lac des Songes sont assez remplisde crevasses» Le cirque de Le Monnier et celui deVitruve ressortent pierveilleuseme,nt. mais je ne saispas pourquoi je garde cette feuille au lieu de vous lamontrer. Prenez-la, et examine^ à votre aise ce mé-ridien de notre satellite pour lequel le Soleil se lève

[ a cette heure.

Mon collègue prit la feuille, et j'allai pointer le té-lescope sur l'étoile double dont il m'avait parlé. Jefus bien cinq minutes à placer l'ipstrument en posi-tion, et, pendant tout ce temps, il pe me dit pas un

mot, ni pourapprouver, ni pour critiquer mon dessin.Quand je revins vers lui l'inviter à aller regarderl'étoile double, il se mit à rire aux éclats en s'é-criant!¡

– Aht.'eà! mon cher, est-ce que vous devenezfou?, où diable est votre dessin là-dessus? Ce n'est

pas là un paysage lunaire en vérité, mais un grimoire40o

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178 LUMEN4

d'astrologie ou d'alchimie, où les sorciers d'Albert leGrand eux-mêmes ne verraient goutte.

Comment cela ? répliquai-je. Mon dessin n'estpourtant pas si mal fait, et vous n'ignorez pas que

depuis longtemps j'examine particulièrement cesmêmes régions de la Luné. Demain, nous verrons sila petite montagne de Linné ^«sttoujours la même ale Soleil arrivera l'effleurer.

Eh bien faites-moi le plaisir de me dire oùest le cratère de Possidonius sur ce papier-là.

Et il me tendit la feuille.Je l'eus à peine regardée, que je ressentis un éton-

nernent sans pareil, au point de me demander sé-rieuseinent si je rêvais. Et vous jugerez de ma'stu-péfaction si j'avoue que la feuille ne portait pas mondessin au crayo1 mais un grimoire à l'encre, une sé-rie de lignes fantastiques indéchiffrables 1

La première réflexion qui m'arriva futdé supposerque je m'étais trompé, de feuille et que je n'avais pasremis le dessin à mon collègue. Mais comme  j'en

avais parfaitement revu les détails avant de lui passerla feuille, je ne pouvais pas admettre cette hypothèse.D'ailleurs, ces lignes indéchiffrables, je ne les. avais

 jamais vues. Comment étaient-elles chez moi ? Enfinc'était bien la même feuille sur le quelle j'avais faitmondessin, demi-feuille de papier à lettre,jnarquéeà mon chiffre, que j'avais prise, parfaitement blanche,au moment de dessiner.

Quelle explication chercher à un pareil phéno-mène ?

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PNEUMATOLOGIE 179

Voici le grimoire qui remplaçait si étrangementmon dessin sélénographique.

m ©• $A+An?Tf?+! >T)î$T>iïvt 0 $•?•-fiO^r? k ©n !??â/-

J'€+s< + C &$"b!?>+ C!b: d"îni *n/.W>1i/  a* O «€#€$?•

© ©2â>A?A+-0*0-

 /C !n 0/20 rA$A+!Tj <f'02i!r>4C!>î  !*+'¡0\~A( > 0"0+'¡ *?2!? d~~>?~.`r!~2+,

~>1)J:10>?!A( 0 1'>*An!?> n+ q J~ t»1anc .,10(1 @?0u*Anl!

© VC+nC!, (/©+/  n+? $n+©Cv'A+, m

5'?+!?+ </•>© -^A2ip? !n if©/  ©ni>?-

saCV î+iî+vn. •&? +? •?>© à$nsVâC, &©> «î  +? cf^C • ÉJny' !'?+!>?-

'?4-(Ç>.~m<:?+.

Evidemment, il n'y avait pas moyen de recon-naître dans ces lignes les moindres traces de mondes-

sin. C'était là une inscription, sans doute, mais,avouons-le, cabalistique en vérité, et inintelligible.J'élais beaucoupplus étonné moi-même que je nevoulais le paraître, decette singulière métamorphose.J'avouai à mon ami que je n'y comprenais absolu-ment rien, et. je lui laissai penser que mon dessin

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180 LUMEN

avait été fait sur une autre feuille et était momenta-nément égaré.

Lorsqu'il eut pris congé de moi je -revins au pa-pier, et, en le retournant (ce que, je ne sais pourquoi,

 je n'avais pas encore fait), je vis mon dessin del'autre côté, assez peu marqué du reste car cen'était qu'une légère esquisse au crayon. Mais, com-

ment, en le dessinant, n'auraiskje pas vu ces lignescabalistiques si nettement imprimées de l'autre côté ?

Évidemment, elles n'y étaien.t pas. Je m'épuisai en

conjectures, et lorsqu'arriva l'heure du sommeil, jeremis jiijarecherche au lendemain, en me souve-nant du vieux proverbe, qui affirme que « la nuit

porte conseil. »A mon réveil, le lendemain matin, je ii'eus rien de

plus empressé que de prendre de nouveau ma mysté-rieuse feuille de papier et de l'examiner en continuant

lsreehçrcb^ du problème. Autre merveille t Mondessin séléoographique y était parfaitement visible.

Quant aux ^hiéroglyphes, il n'y en avait plusla moin-

dre trace 1– Pour le coup m'écriai-je, voilà un tour assez

bien réussi de mon esprit familier. Mais où peut êtrela raison de tout cela?.

Et je me mis à chercher, à bâtir mille conjectures 1poui1 arriver à unoexplication. Enfin l'idée du poêleet do la chaleur me remettant en mémoire les pro-priétés des encres sympathiques, je songeai subite-

ment que peut-être mes hiéroglyphes étaient écritsavec une substance de cette nature. Pour le vérifier,

  je memis & chauffer mon papier et je n'eus pas uneemédiocre satisfaction à voir apparaître les mystérieux

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PNEUMATOLOGIE 181

caractères à mesure que le papier était chauffé da-vantage. Lorsque l'inscription fut parfaitement visi-ble, je me mis en devoir de.la transcrire, pour l'étu-dier et chercherà la lire en lui appliquant les règlesde la cryptographie.

Le premier point qui me frappa en examinant l'ins-

cription, ce fut la signature. Ce mot de cinq carac-

tères me fit penser à Lumen, et je pensai que peut-être c'était mon ami spirituel d'outre-terre qui étaitl'auteur de cette inscription. Je me souvins immé-diatement du singulier bruit que j'avais entendu deuxfois de suite, la veille, en songeant a lui, et je fis laréflexion que ce n'était pas là une conjecture indigned'attention. D'ailleurs je pouvais simplement l'ad-mettre à titre d'hypothèse provisoire, et essayer si ellene m'aiderait pas à lire le monogramme ^W^1-tSi cette signature est le nom dé Lumen, me dis-je,

chacun do ces cinq caractères correspondra respecti-vement aux cinq lettres de son nom. Je supposai

donc que•

$^L

tt ==

f;

tJ

= M

? = Ë

+ê=N

et j'essayai de remplacerchacun de ces signes par sa

lettre correspondante partout où je les rencontrerais; ¡puis j'examinai si cette substitution apportait un com-mencement de clarté dans cette grande obscurité. Le

premier mot imprimé plus haut fut doncinscrit

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182 LUMEN

!u

Les deux caractères du second mot ne se trouvantpas dans les cinq de la signature probable qui meservait de base pour commencer mon déchiffrement,

 je dus passer outre. Mon hypothèse de substitutionme donna sept lettres connues à remplacer dans letroisième mot, et je l'inscrivis ainsi

AnQuemen

J'eus à peine fini d'écrire ce mot, que le signe!m'apparut devoirêtre un t, comme terminant l'ad-verbe. Le premier mot devait donc être très pro-bablement tu, et le troisième finissait par uement.. Lafabrication de ces deux mots m'apprit deux pointsextrêmement importants pour ma recherche le

premier, c'est que la signature était effectivement lenom de Lumen; le second que l'hiéroglyphe étaitconstruit pour la langue française. Je continuai ma

recherche avec espérance.Le quatrième mot n'était pas éclairci par la subs-titution de sa quatrième lettre 1. Il en fut de même,malheureusement, des suivants.

Le dernier mot de la première phrase fut écrit.

tem~V

J'augurai de ces deux derniers caractères qu'ils nepouvaient guère être qu'un p et une s, et pour savoirsi ma conjecture était soutenable, je vis que le se-cond mot de cette première phrase encourageaitl'hypothèse. Recommençant donc d'écrire cette pre-

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PNEUMATOLOGIE 183

mière phrase, j'eus les fragments suivants, en rem-

plaçant les caractères inconnus par des points

Tu .s l. n. uement .1. l'esp.. e et m temps.

L'examen logique de cette phrase fragmentairemontre que le mot principal qui précède le temps

doit être l'espace. En faisant cette supposition, lesigne 0 devient a et le signe ty devient c. Essayonssi l'hypothèse est bonne, et répétons la phrase avecces deux nouvelles substitutions

Tu as l. n. uement .l. c.. à l'espace et au temps.

Evidemment c'est bien cela.Je restai ensuite une heure environ à tourner et

retourner cette phrase, sans pouvoir découvrir lesdeux lettres manquant encore au troisième mot, niles six lettres manquant au quatrième. Dès Icrs,

  j'entrepris d'analyserpar la même méthode la se-

conde phrase de mon singulier logogriphe.Le premier1résultat de cette analyse fut de remar-

quer la fréquence du signe (J. D'après son place-ment, je conjecturai que ce ne pouvait être qu'une

voyelle, et comme j'avais Vu, Va et Te, j'essâyai l'o,et j'inscrivis ainsi le premier mot de la seconde

phrase:l'on.ono

Cette supposition ne m'amena pas à deviner le mot,en faisant passer successivement toutes les con-sonnes par la lettre manquante. Mais comme le signe

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184 titMÊN

représentatif  de la voyelle i me manquait aussi, jel'essayai, et J'écrivis t,

l'in.ini

A peine eus-je interposé les consonnes, que jetrouvai avec 'un double et indicible plaisir, qu'en

remplaçantla lacune

parla consonne f, on. obtènait.

l'infini.

Ce qui démontrait i« que lé signe (( représentaitla voyelle i, 2o que le signe 2 était la consonne f.Je continuai mon interprétation avec le plaisir crois-sant de l'algébriste qui poursuit la solution d'uneéquation en bonne marche. Les deux mots suivantsfurent inscrits, avec les deux signes non encoreconnus

et F. te.nit.

L'éternité m'écriai-je. Mais aussitôt je me de-mandai commentil se faisait que 1$ voyelle e, dont

  je connaissais le signe représentatif (?)n'était pas dé-signée par ce signe, mais par le signe 5. AyanttrouvéT«, l'j et l'«, j'essayai Yo et l'y, simplementpour constater que ces voyelles n'allaient pas. Cemotne pouvait être que l'éternité. Je fus donc con-luil àadmettre que le soné n'étant pas du tout le mêmeque le son e, l'Esprit avait représenté chacund'euxpar un caractère différent, aulieu demettre unaccent.Je continuai.Le mot suivant était

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PNEUMATOLOGIE 185

~?n:a

dont je ne connaissais ni la première ni ,la dernièrelettre. J'inscrivis .eu,, sans découvrir le mot.

Je continuai la suite de la phrase.mJ^sfK^res (ftàftciles à aQpr&fAnçfir.

2 f  et 2 p, me dis-je, ce doit être simplement là un

doublement de consonnes. Dans ce cas, le secondmot de ce fragment, c'est.

difficiles

Le signe est un d en le remplaçant par la lettre

qu'il représenté, je puis écrire de nouveau la phraseàèu, m. st. res âifftéîles à iïppr.f.ndir.

Àppr6fbnd¥ï m'écriai-je. Le signe Aest la voyelleo. J'ai maintenant toutes les voyelles. Mais nonl1Entre l'm et Ys du second mot, ce ne peut être

qu'une voyelle. Cen'est ni l'a, ni l'e, ni Yi, ni l'o, nil'u, puisque c'est Jf . Maisqu'est-ce que j|\ ? Ne se-

ait-ce pas un y?C;, deu. myst. res

Deuxmystères voilà l'énigme. L'è étant encore un

autre son que Yê et que Ye, aura été représenté parle signe N7 il y a huit voyelles dans cette languecabalistique. Deplus, le signe | est un œA l'aide de ces nouveaux documents, je recom-

mençai la première phrase pour essayer d'en dé-chiffrer maintenant les mots que  je n'avais pu encoredécouvrir, Aprèsl'avoir reprisé, ainsi que la seconde,

  je vis que je les épelais presque couramment. Je me

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186 LUMEN

fis alors un alphabet avec tous ces signes planétaires,zodiacaux, astronomiques et autres, et j'arrivai peu à

peu à connaître le sens de chaque caractère. Cetterecherche ne fut pas stérile; car, à la fin, je pus lirele document que l'Esprit m'avait si singulièrementconstruit. Il offrait dès lors un sens parfaitement in-

telligible. Le voici

Tu as longuementréfléchià l'espace et atz temps.L'infini et l'éternité deux mystéresdifficiles à appror

fondir.Si tu as la volonté d'accroitre ton savoir dans cette

direction, vPrépare-toi à écouter un Esprit qui sait beaucoup.A minuit, dans une lunaison, tu l'entendras comme

tu m'as autrefois entendu. Ce ne sera plus moi, car jene dois plus t'entretenir

LUMEN.

Il y avait un mois, ou, pour parler exactement, 29

  jours, quecette singulière aventure m'était arrivée,lorsque, par une même nuit, tiède et silencieuse,sous un magnifique clair de lune, je me trouvai seulsur la terrasse de l'Observatoire. J'étais debout) ap-puyé contre la petite construction du nord dans la-

quelle est installé. le chercheur de comètes, et decette haute terrasse de pierre, je regardais la grandecité parisienne, tout illuminée, et dont le bruit sourd

rappelait le gémissement lointain de la mer. Comme.autrefois du haut de la noire tour de Babel les Chàl-

déens contemplaient Babylone brillante et animée,ainsi je contemplais l'immense brillant Paris du soir.

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PNEUMATOLOGIE 1871

Le croissant lunaire estompait d'une vague clarté lesédifices qui dominent le niveau moyen des toits gri-sonnants.

Le Val-de-Gràce avec ses belles sculptures se dé-tachait sur le fond du ciel septentrional, le Pan-théon'élevait dans l'atmosphère sa haute coupole, la

tour de Clovis rappelait le souvenir-des conférencesd'Abailard sur la montagne Sainte-Geneviève,Saint-Sulpice montrait sa nef  sombre et ses deux

piliers massifs, la petite coupole de la chapelle de la

Visitation brillait, tout argentée par la lumière del'astre des nuits. Les vieux marronniers de l'avenuedormaient silencieusement, et l'on ne sentait qu'unelégère brise toute parfumée venant des campagnesdu sud-ouest.

Sir Humphry Davy raconte que se trouvant un

soir, au clair de lune, assis sur les ruines du Colisée à

Rome,il fut enveloppé comme d'un fleuve de lu-

mière, entendit des sons mélodieux analogues à ceux

d'une harpe, et s'endormit dans une sorte d'extase

pendant laquelle un Esprit lui montra successive-ment les différentes époques de l'humanité depuisles sauvages de l'âge de pierre jusqu'aux brillantes

productions delà civilisation moderne. En même

que l'Esprit lui montra ces spectacles et

même l'état actuel d'habitation de plusieurs planètesde notre stème, il lui expliqua à haute voix l'his-toire de l'humanité terrestre et celle des autres hu-

manités des sphères voisines (1). Une sensation ana-

(1). Les Derniersjours d'un Philosophe.Traduction deC. Flammarion, premierdialogue, p. ?o.

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188 LUMEN1 « 1 1..logu©à celle dont parle le savant chimiste eïivelôppatout mon être, déjà plongé dans une rêverie pro-fonde. Mais je ne reçus que la moitié du privilègedont l'illustre présidée* de la Société Royale avait

 joui, car le sens de ma vue ne fut affecté en aucunefaçon, et je restai éveillé sana jamais voir d'autretableau que celui que j'avais sous les yeux. Monoreille seule fut affectée et entendit une vûijî  hu-

maine, lente, profonde et toutefois agréable, une voixvraiment sympathique, qui metint le discours que jevais reproduire. Je sentis commeun souffle passer surmonfront, je tournai instinctivement la tôt® vers lagauche, et je sentis que là était l'Esprit annoncé parLumen. En effet, après m'avoir rappelé mespropresrecherches sur les problèmes de la nature' et mesentretiens avec Lumen, il m'annonça qu'il devait dé-velopper devant moi des perspectives astronomiquesque l'on n'avait jamais comprises dans leur gran-deur. On en jugera par son récit d'Une heure, que jeereproduis à peu près intégralement. Le voici.

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DANS L'INFINI

RECITSURLE TEMPSETL'ESPACE,PARUNESPRIT

J'arrive d'une étoile avec la vitesse du vol del'oiseau des hautes régions, vitesse supérieure à celledu plus rapide de vos trains express. J'ai volé plusvite que l'hirondelle, plus vite que le pigeon voya-geur, plus vite que le condor se précipitant sur saproie. J'ai fendu l'espace avec une rapidité plus

grande que celle decette

unique locomotive dont letrajet cbuvrait unf. lieue par minute, – avec une

rapidité plus grande que celle d'un aérostat emportépar le vent du cyclone qui franchit 80mètres par se»

conde lorsqu'il dévore l'atmosphère de l'Atlantique,J'ai voyagésans m'arrêler à raison de cent lieues par

heure.

Malgré cette vi Lesseconstante, je suis en marchedepuis cent trentfr-huit billions six'cenl quatre-vingt-dix millions trois cent quatre-vingt-quatorze millesix cents siècles. C'est-à-dire, puisqu'il y a 8766

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1^0 LUMEN

hAiir*AS nflr» an rr tip i' ni nonuiAimn 4Oheures par an, que j'ai parcouru 12 quintillions 157quatrillions 600 trillions de lieues de puis mon départ.Ces chiffres sont faciles à vérifier, car, pour le diretout de suite, je viens d'un univers analogue à celuidans lequel vous êtes, d'une nébuleuse de même di-mension que la Voie lactée, et qui ne vous paraissantque sous un angle de dix minutes, commeces lointainsamas d'étoiles, est éloignée de 334 fois le grand dia-mètre de la Voie lactée, lequel est ds 36400 trillionsde lieues environ (700 fois la distance d'ici à Sirius).

Je suis venu en ligne droite.Ce sont là les confins de votre univers sidéral

visible. A.l'œil nu vous ne les distinguez pas, maisgrâce à vos inventions optiques qui ont centuplé laportée de votre vue, grâce à vos méthodes de calcul,vous êtes parvenus à pousser vos investigations

 jusque-là, à savoir que la Terre est une planètegravitant en compagnie de plusieurs autres autourd'une même étoile qui est votre Soleil, à constaterque chaque étoile est un soleil brillant de sa propree

lumière,–

à mesurer que l'étoile la plus rapprochéede vous est à 8 trillions de lieues, à remarquer quetoutes les étoiles forment un même ehsemBle, unemême nébuleuse, – à deviner qu'il y a un immensedésert autour de votre nébuleuse, – à observerd'autres amas d'étoiles, lointains, non moins peuplésque le vôtre, à reconnaître que les plus éloignéesde ces nébuleuses connues gisent à la limite que jeviens de vous rappeler, limite au delà de laquellela création se continue jusqu'à l'infini, mais au delàde laquelle votre imagination épuisée ne peut plus riendeviner.

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DESCRIPTION DE L'UNIVERS 191

Or. je traverse cet univers sidéral d'une limite àl'autre. Je viens d'une nébuleuse située dans la cons-tellation d'Orion, et je me rends à une nébuleuse si-tuée dans la constellation d'Ophiuchus, juste à l'op-posite de la première relativement à la stationterrestre vous voyez que je traverse l'univers de

part en part. Je m'arrête un instant dans votre sys-tème solaire, qui est à peu près au milieu de ma

route. Ce voyage vous donne la mesure des dimen-sions de l'univers révélées par les découvertes del'astronomie moderne.

Malgré vos longues méditations sur l'universelsujet, vous ne vous rendez sans doute pas exactement

compte des grandeurs. qu'il comporte, et vous nepouvez avoir des notions aussi absolues que celui qui

 juge par lui-même. Situé dans l'espace pur, je jugemieux et mes mesures vous frapperont davantage.J'ai souvent assisté à vos muets désirs de savoir, et

lorsque Lumen m'invita à vous entretenir un jour,un instant, des vérités célestes, j'accueillis sa de-mande avec

sympathie,car

jeconnus

quemes

pa-roles reçues par votre esprit ne seraient pas perdues– mais comprises.

`

Et d'abord, vous rendez-vous compte de l'infini ?

L'espace, mon ami, est sans fin, sans mesure et sansdimension. Le comprenez-vous suffisamment? –Sans dimensions ? c'est-à-dire que si vous partiezd'ici vers un point quelconque du Ciel apparent, et

que vous voyagiez avec n'importe quelle vitesse pen-dant n'importe combien de temps dans la directionde ce même point, après la plus longue série desiècles que vous puissiez imaginer, vous n'auriez fait

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192 LUMEN

awun chemin, aucun progrès vers la limite sanscesse plus reculée de l'infini. Prenons, si vous le pré-férez, un autre exemple. Supposez que la Terre surlaquelle vous habitez ce siècle-ci tombe dans l'espace,

et c'est du reste ce qu'elle fait avec le Soleil etavec l'amas d'étoiles dont le Soleil fait partie. Ehbien, supposez qu'elle tombe, en ligne droite ou enspirale pendant autant de milliards de siècles que

vous voudrez après une chute épouvantable quil'entraînerait dans le précipice toujours béant avecune rapidité d'un million de lieues par jour, ou da-

vantage si vous pouvez vous le figurer, après desnullards de siècles de chute. elle ne serait pasapprochée du fond de l'abîme, et ce serait, devantl'infini, exactement comme si elle était restée immo-bile.

Dans cet espace infini, éternel, incréé, nécessaire,il aurait pu se faireque rien n'existât, et que pendantl'éternité cet infini fût infiniment vide. A quoi tient-ilqu'il y ait « quelque chose » dans cette étendue ? A

quoi iient-ii qu'il y ait des globes lumineux et des

globes obscurs, et sur ceux-ci des minéraux solides,des végétaux, des animaux, dès hommes, de toutes

espèces, de toutes formes et de toutes dimensions ?C'est assurément là un secret intrinsèque qu'il serait

superflu de chercher actuellement à approfondir.Quelle que soit la raison de l'existence de l'univers,nous ne pouvons encore quenous borner à constaterson existence et à nous rendre compte de son mode,

La conception la plus importante pour vous est d'es-

sayer de bien vous représenter cet espace infini surl'étendue duquel je viens de diriger l'intensité de

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DESCRIPTION DE L'UNIVERS 193

Il- .ï_

ïrs lequel

13

votre vue intellectuelle, et dans cette immensité,des globes lumineux suspendus, isolés, sans soutiend'aucune sorte. Ce sont les étoiles ou les soleils, carles deux mots sont identiques, disséminés dans l'infinià d'immenses distances les uns des autres:

Qui soutient ces globes dans le vide ? Aucuneforce n'est absolument nécessaire pour cette cause.Supposez la matière inerte, dépourvue de toute pro-priété, ces globes, quelque gros, quelque lourdsqu'ils puissent être d'ailleurs, resteront immobilesdans l'endroit où ils auront été posés ou formés. Enl'absence de toute propriété de la iuatière ou de touteforce influente, quelle cause les tirerait de leur repos,les inviterait à se déplacer? Aucune. Le verbe tomber,vous le savez déjà, n'exprime pas une idée absolue,'et ne peut être employé que pour exprimer une idéerelative, puisqu'il n'y a ni haut ni bas dans l'univers..Ainsi, on ne peut pas même se demander quelle forceempêcherait les astres de tomber, car cette questionsupposerait qu'il y a une région inférieure dans l'uni-

vers, vers laquelle seraient attirés les objets aban-donnés à leur propre poids. Mais une telle dispositionn'existe pas. La Terre vous paraît former la régioninférieure de l'univers parce que vous habitez sasurface mais en rêfléèhi'ssaht qu'elle tourne sur elle-même en 24 heures et que tous les astres passentainsi successivement au-dessus de vos têtes, voussentez déjà qu'il serait absurde de supposer que cetteprétendue base de l'univers changeât diamétralementde place chaque jour. L'illusion des sens se rejetteensuite sur l'idée que la Terre peut être un globesitué au centre de l'univers, centre vers lequel ten-

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19-4 lumen

draient toutes les parties de la sphère céleste. Maislorsqu'on sait que la Terre circule en un an autourdu Soleil, on est forcé d'éloigner la seconde illusioncomme la première, et de considérer tous les globescélestes, y compris la Terre, comme isolés et sus-pendus d'eux-mêmes sans soutien, dans l'immensité.

Les habitants de chaque monde sont portés dansl'espace comme l'aéronaute l'est dans sa nacelle*comme des

grainsde

poussière, adhérents autour d'unboulet de canon, le suivent dans sa course. L'espaceque nous voyons autour de nous, c'est le Ciel.

Je vous ai dit que s'il n'y avait pas de forces dansla nature, ces corps matériels inertes devraient né-cessairement rester immobiles, aux points respectifsoù la main de Dieu les a suspendus. Mais il y a desforces, et la plus générale, la plus importante detoutes, celle qui fait mouvoir l'univers et constitue lemécanisme de sa vie, c'est l'attraction.

Les corps célestes s'attirent en raison directe desmasses et en raison inverse du carré des distances.

Cette force étant donnée, il en résulte que tous lesastres disséminés dans l'infini s'attirent mutuellement.Si nous supposions qu'ils eussent été créés tout for-més aux différent points de l'espace où ils sont dis-séminés, puis abandonnés à la force d'attraction, ilsse seraient tous mis en mouvement, chacun d'euxsubissant l'influence attractive de son voisin le pluslourd et le plus proche – ce voisin étant d'ailleurséloigné de plusieurs milliers de milliards de lieues.Chacun des astres aurait, dis-je, subi une légèreoscillation, et ensuite une autre, et encore uneautre, car ce n'est pas l'attraction d'un seul que

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DESCRIPTION DE L'UNIVERS 195

chacun aurait ressentie, mais celle de deux, dix,cent, mille, d'autant plus affaiblie qu'elle serait venuede distances plus considérables.

Cette première émotion de tous tes corps célestesaurait été suivie de leur départ universel, chacunsubissant l'appel de la masse prépondérante qui sur-passerait les autres influences) et se dirigeant verscette masse. Les astres les plus lourds auraient atti-

ré à eux les plus légers et l'action attractive se seraitexercée en raison du carré des distances. Dans cette

hypothèse, la marche générale de tous les astres tendraitvers leur réunion. Ils se précipiteraient tous les unssur les autres, et quoique deux soleils marchant l'unt&"8 l'autre pour se rencontrer emploieraient desijiilUons d'Snnées à se rapprocher et s'atteindre, ce-pendant le résultat final serait le choc de tous lescorps célestes se précipitant avec frénésie les uns sur

.les autres. Ainsi, par exemple* la Lune est attirée parla Terre si, de la hauteur où elle est (96000lieues)elle tombait sur la Terre, qui est son centre d'attrac-tion, elle uiullrtiil à tomber 4 jours 19 heures 55 mi-

nutes. neparcourrait d'abord qu'un millimètre dans lapremière seconde de chute, accélérerait progressive»ment sa vitesse, et arriverait à la surface du globeavec une rapidité cent fois supérieure celle d'unboulet de canon. La Lune pèse 72 sexliliions de kilo-grammes, et la Terre 5875. Autre exemple. La Terreest attirée par le Soleil si, de la hauteur où elle est

(37000000de lieues) elle tombait sur le Soleil, qui estson centre d'attraction, elle mettrait 64 jours 12 heu-res à tomber, ne parcourant d'abord que 3 millimètresdans sa première seconde de chute, accélérant pro-

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196 LUMEN

gressivement sa vitesse, et arrivant à se précipiter fina-lement en raison de 600,000 mètres par seconde. Vousdevinez quel chocproduirait cette masse de 5875sex-tillions de kilogrammes sur le Soleil qui pèse lui-même2 nonillions :2,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000Autre exemple encore. Supposez qu'il y ait uneétoile assez rapprochée de vous pour avoir uneseconde de parallaxe ( en réalité, il n'y ena pas uneseule de si

rapprochée;et

quecette étoile soit de

lamême importance que votre Soleil (en réalité plu-sieurs sont beaucoup plus importantes), eh bien! 1si cette étoile et votre Soleil commençaient aujour-d'hui à marcher l'un vers l'autre en obéissant à leurdouble influence attractive, ils se rencontreraient un

 jour au milieu dé leur distance, c'est-à-dire aprèsavoir parcouru chacun de leur côté trois trillions septcent billions de lieues; mais après une marche de plusd'un million d'années Le choc de ces deux colossesse précipitant ainsi l'un sur l'autre serait capable deles briser tous deux 1 L'arrêt subit de leur mouve-ment produirait une chaleur capable de les réduire en

vapeur. Ils formeraient dès lors un seul astre, im-mense et gazeux. De tels chocs sont déjà arrivés.On les a remarqués de votre propre planète, sans lesconnaître, par le grand et soudain éclat qu'ils, ontproduit au point du Ciel où ils se sont passés. Plu-sieurs des étoiles nommées nouvelles, qui ont brilléun instant pour disparaître après quelques années oumême quelques mois, sont dues à des chocs sidérauxplus ou moins puissants. Mais revenons aux mouve-ments célestes.

Si l'attraction était la seule force directrice de l'u-

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DESCRIPTION DE L'UNIVERS 197

nivers et que les astres fussent sortis du repos pourlui obéir, l'univers entier tendrait donc en définitive à

.s'agglomérer en une seule masse, et finirait un jourpar former un tout solide. Mais tel n'est pas le butde la création. Tous les, astres se meuvent, non enligne droite, mais en lignes courbes. De plus, ceuxdont on a entièrement mesuré le cours, suivent descourbes fermées. Un certain

nombre de comètes fontseules exception, et ces capricieuses vagabondesvolent un peu à la façon des chauves-souris quisemblent se précipiter sur les tourelles et subitementrebroussent chemin en décrivant une parabole pourcourir dans une direction imprévue. Ainsi, les. co-mètes chevelues s'enfuient de système en système.Mais les globes solides qui constituent la base dessystèmes, circulent suivant des courbes fermées, lessatellites autour des planètes, les planètes autour dessoleils, et ceux-ci autour de centres de gravité plusimportants.

Ces courbes fermées donnent naissance à une se-

conde force, contraire à celle d'attraction, à la forcecentrifuge, qui tend, comme son nom l'indique, àéloigner les astres des centres autour desquels ils

gravitent. Comme la pierre dans la fronde tend à s'é-chapper, ainsi les planètes tendent à s'échapper dela force solaire et les satellites de la domination pla-nétaire. Si cette' force centrifuge existait seule, ouseulementsi elle était prépondérante sur l'attraction,il'en résulterait une tendance générale de l'univers

opposée à celle que nous considérions tout à l'heuretous les corps célestes tendraient à s'éloigner sur la

tangente, et au lieu de la convergence qui, dans

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198 lumen

notre première hypothèse, aurait concentré tous lescorps en une seule masse, ce serait une divergence

éloignant, suivant des spirales grandissantes, tous lesastres vers l'extérieur, et les poussant comme lesvagues du rivage pour aller se perdre vers les rivesde l'infini. Mais comme l'infini est sans limites, cetécartement du centre, cet éloignement des positionsprimitives, pourrait se perpétuer indéfiniment» faire

le vide en quelque sorte au centre de l'univers, etpousser tous les astres vers une circonférence exté-rieure jamais atteinte, toujours reculée,

IVJaisla force centrifuge ne dirige pas les astresexclusivement, pas plus que l'attraction ne les pos-sède absolument. Ces deux forces contraires sontégales. En vertu de l'attraction du Soleil, la Terretend à s'approcher de lui, avec une intensité de 3millimètres dans la première seconde de ce mouve-ment. En vertu de la répulsion engendrée par soncours, elle tend à s'éloigner exactement aved cetteintensité de 3 millimètres dans la première seconde

de ce mouvementen sens

eontratoe. Il résulte decette double sollicitation un équilibre parfait, grâceauquel les planètes ne peuvent ni se rapprocher nis'éloigner du Soleil. C'est cet équilibre qui soutientla Tecre et tous les mondes dans l'espace. Ainsi,mon ami, vouscomprenez, j'espère, exactementmaintenant cette organisation idéale. La Terre niaucun des milliards de mondes habités qui existentn'est soutenue par quelque puissance matérielle.C'est en quelque sorte sur une idée que les corps cé-lestes reposent. Et ils sont plus solides, mieux affer-mis sur cette; forceinvisible, qu'ils ne le seraient; sur

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DESCRIPTION DE L'UNIVERS 199

les plus puissants soutiens de fer ou d'airain par les-

quels les anciens avaient cru nécessaire d'expliquerla stabilité du monde.

Or cet équilibre magique n'est possible qu'à lacondition du mouvementperpétuel et universel. C'est

pourquoi pas un seul atome n'est en repos dans lemonde. Tout est en mouvement, en mouvement

perpétuel. La Terre tourne sur elle-même en 24heures. La Lune tourne autour d'elle en 27 jours.La Terre court en même temps le long d'une orbitedont le Soleil est le centre, et qu'elle décrit en 365

 jours. Chaque planète décrit de même autour du So-leil uneorbite proportionnée à sa distance la plusrapprochée, celle de Mercure, ne demandant que 88

  jours pour être accomplie, et la plus éloignée, cellede Neptune, demandant 165ans pour être achevée.Maintenant le Soleil, qui paraît relativement im-mobile au centre du système planétaire, tourne surlui-même en 25 jours et demi, de l'ouest à l'est,dans le sens de la révolution de, toutes ses planètes.De plus, il se déplace et marche lui-même dans Pes-pace, entraînant avec lui tout le système planétaire.Dans son mouvement annuel autour du Soleil, laTerre vole en raison de 644,000 lieues par jour,chaque planète est emportée dans son cours par unmouvement analogue, proportionnel à sa distance etau chemin qu'elle a à parcourir dans sa révolution.La vitesse de transport du Soleil et de son systèmedans l'espace est de 60 millions de lieues par an,Ainsi il court depuis qu'il existe, se dirigeant actuel-

lement vers les étoiles de la constellation d'Hercule

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200 LUMEN

Cette vitesse est considérable, mesurée par vos me-sures mais l'espace est si vaste, qu'en supposantmême qu'il vogue en ligne droite vers Hercule, aprèsun million d'années, il n'aurait encore atteint aucune

des étoiles de la constellation d'Hercule, car elles

planent à plus de 60,000,000,000,000lieues.

Chaque étoile, chaque soleil de l'espace, accom-

pagné de son système, de planètes, vole ainsi. Et

c'est par ce mouvement rapide de tous les astres del'infini qu'ils se tiennent en équilibre, loin les unsdes autres, soutenus sur l'invincible et inextricableréseau de l'attraction universelle. C'est par ce mou-vement qu'ils vivent. Notre Soleil est l'une, desétoiles qui vole le moins vite. Le mouvement propred'Arcturus est de 1,800,000 lieues par jour! Celuide l'étoile qui porte le n" 1830 du catalogue de

.Groombridge est de 2,822,000 lieues par jour. Etainsi des autres soleils. Et cependant ces étoiles pa-raissent.fixes au fond de la nuit silencieuse, et depuisles années et les siècles ,qu!on les observe, elles nesemblent pas avoir changé de place; la Terre vous

paraît en repos au centre du système planétaire.Pourquoi cet aspect convaincant de tranquillité etd'kûmobilité ? Parce que ces mouvements immensess'effectuent dans un espace d'une telle étendue, à detelles distances, qu'ils sont imperceptibles'. De la dis-tance de l'étoile la plus rapprochée de vous, l'am-

plitude du mouvement annuel de la Terre, le cerclede l'orbite terrestre, qui mesure 74 millions de lieuesde diamètre, serait caché par la largeur d'un fil d'unmillimètre placé à 125 mètres de l'œil d'un observa-teur..

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DESCRIPTION DE L'UNIVERS 201à

Les soixante-quinze millions de soleils qui consti-tuent votre amas d'étoiles soutiennent chacun des

systèmes variés, portant dans les déserts de l'espaceles humanités écloses à la surface de leurs mondes.

La plus grande diversité règne parmi ces productionsdu ciel. Sur l'astre que vous habitez, la lumière du

Soleil est blanche, sa chaleur moyenne annuelle ne

dépasse pastrente

degréscentigrades, l'année dure

365 jours et la journée 24 heures; l'homme pèse en

moyenne 60 kilogr., mesure 5 pieds 3/4 de taille,

possède 36 degrés et demi de chaleur vitale, vit en

moyennne 39 ans et se reproduit à raison de trois

générations par siècle. Sur un autre monde, la lu-

mière du Soleil est bleue, et il n'y a pas d'autres

couleurs; sa chaleur moyenne est de 50 degrés au

dessous de zéro; l'année est de 60 000 jours, le jourde sept heures; l'homme pèse 1500 kilogr., mesure

50 mètres de taille, sent circuler dans ses veines un

,sang beaucoup plus froid que la glace, et vit quatre

siècles en moyenne. Sur un autre monde, au con-

traire, il y a trois Soleils, deux rouges et un violet,douze Lunes diversement coloriées; la températuredu sang est de 300 degrés. et l'homme ressemble à

une sphère de gaz, volant et nageant dans l'atmos-

phère comme des bulles de savon. Matériaux, poids,

densité, chaleur, lumière, années, saisons, mètre,

etc. tous les éléments varient à l'infini à travers l'in-

nombrable diversité des systèmes de mondes.

Les étoiles ne sont pas des astres d'égales dimen-

sions, nid'égal éclat, et ce n'est pas seulement à leurs

différences d'éloignement que vous devez la différence

de leurs grandeurs apparentes. Les étoiles les plus

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202 LUMEN

brillantes que vous appelez de première grandeur, nesont pas les plus proches, et les plus petites ne sont

pas les plus éloignées. il y a autant de variétés, etbien davantage, dans les productions du ciel quedans celles de la terre. Plusieurs surpassent de

beaucoup votre Soleil en dimensions et en lu-mièfe; d'autres lui sont bien inférieures. Lé mou-vement annuel de la Terre vous emporte sur uneorbite de 74 millions de lieues de

diamètre,et

pro-duit un petit mouvement apparent dans les étoiles les

plus rapprochées comme, lorsque vous suivez uneroute, les arbres du paysage semblent se déplacersur l'horizon en sens inverse de votre mouvement,ainsi les étoiles les plus rapprochées décrivent an-nuellement, devant les plus éloignées qui restent

fixes, une petite ellipse correspondant à la pers-pective de l'orbite terrestre. La plus proche, celledu Centaure, décrit une ellipse dont la longueurest peine la 900e partie dudiamètre apparent de laLune. C'est excessivement petit. Mais cette distance

(la plus proche) est encore si grande, que l'orbite de

Neptune, décrite avec unrayon 300 fois plus grandque celui de l'orbite terrestre, lui est peine compa-rable. Si l'on supposait un Soleil assez vaste pour oc-cuper toute cette orbite, il n'apparaîtrait encore; vuude cette étoile que sous un disque neuf fois plus pe-tit que celuiqu'il nousoffre; Si le Soleil, tel qu'il est,était transporté à la distance de l'Alpha du Centaure,

son éclatserait représenté par la fractionIi, 1?'-rr '52.9UO.000.000

comparativement 4 son éclat actuel. Mais la lumière

que vous recevez d'Alpha du Centaure] est de

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DESCRIPTION DE L'UNIVERS 203

 î  comparativement à celle du Soleil. Il18.980.000.000 Fen résulte que cette, étoile émet environ trois fois

glus de lumière que votre propre Soleil. Son vo-lume est dans le même rapport, et son diamètreest à celui de votre propre Soleil dans le rapport de

17 to.Les deux étoiles les plus, brillantes de votre ciel

S0ût Canopus et Sirius. La première est trois foisplus brillante qu'Alpha du Centaure, et comme la

translation annuelle de l'observatoire terrestre ne

produit pas le moindre changement de position danscette étoile, il en résulte qu'elle est incomparablementplus éloignée de vous, et incomparablement plus lu-

mineuse et plus volumineuse. Sirius est plus de

quatre fois plus brillant qu'Alpha du Centaure et

présente un changement de position annuel qui vousà fait déterminer sa distance. En tenant compte decette distance, on trouve que sa lumière intrinsèquesurpasse de 64 fois celle du soleil du Centaure et

192 fais celle de votreSoleil.

Lediamètre de cet

astre est qùatorze fois plus grand que celui de votre

Soleil, et son volume est 2688fois plus considérable,

quoique votre Soleil soit déjà 1279000 fois plus volu-

mineux que la Terre.

D'un autre côté, la 61° du Cygne plus éloignée queAlpha du Centaure et moins éloignée que Sirius, est

une étoile double dont chaque composante ne vous

envoie que la centième par de là lumière de cettedernière étoile. Celle-ci, éloignée à la mêmedistance,~p~M4'ait neuf  ~~loiaë'D~HSBte quelle ne paraît,paraîtrait neuf  fois moinsbrillante qu'elle ne paraît,et surpasserait de onze fois l'éclat dé chaque compo-

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204 LUMEN

sante. Le diamètre de chacune d'elles n'est pas le

tiers de celui de Alpha du Centaure, et leur volume

n'en est pas le trentième. La somme de leurs volumes

n'est que le tiers de celui du Soleil. Voilà donc

deux soleils conjugués, qui sont beaucoup plus petits

que le vôtre.De ces exemples, que je recommande à votre atten-

tion, vous pouvez comprendre quelle diversité existe

entre les soleils. Sirius est 2688fois plus volumineuxque votre Soleil, lequel est six,fois plus volumineux

que chacun des deux Soleils jumeaux du Cygne, ce quidonne au Soleil-Sirius un volume 16000 fois plus

grand que celui des Soleils du Cygne. Il y a autant,et plus de différences entre les soleils de votre uni-

vers sidéral, qu'entre les planètes de votre système

solaire, où déjà vous avez un globe, comme Jupiter,1400 fois plus gros que la Terre, et de petites planè-tes télescopiques, telles que Sylvia et Camilla, à

peine de l'étendue d'un de vos départements fran-

çais.

D'ailleurs la quantité de lumière n'est pas toujoursune indication du volume, car il y a des astres de

tous .'es éclats, de toutes les conditions chimi-

ques, de tous les états physiques et de toutes

les densités. Les uns sont immenses et légers,les autres petits et lourds. Ceux-là, gigantesques.sont presque obscurs, et même tout à fait obscurs,n'émettant plus que delà chaleur. Ceux-ci, de dimen-sions moindres, brillent d'une éblouissante lumière,

qui traverse les espaces illimités. Ces différents

états chimiques, calorifiques, électriques, établissent

entre les soleils les plus grandes diversités de cou-

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DESCRIPTION DE L'UNIVERS 205

leurs, depuis l'or et l'orange, jusqu'à l'émeraude etau saphir: et toutes les fleurs éclosent dans le par-terre céleste, depuis la rose éclatante jusqu'à la ti-mide violette.

Un voyage à travers ces vastes régions changetoutes les perspectives et toutes les idées. J'ai traversétrois amas stellaires sur mon passage, qui planaientdans l'océan des cieux comme d'immenses archipels.

Les amas d'étoiles, les univers, sont composés deplusieurs millions de soleils et de systèmes plané-taires et environnés d'insondables déserts. Ainsi, le

premier de ces univers sidéraux que j'ai traversésdans ce voyage était situé à 2 quintillions de lieues demon point de départ, le second à 5, et le troisième à 9

quintillions. En arrivant à 36 ou 37 quatrillions delieues d'ici, j'ai commencé à trouver les premièresmaisons de votre village, ou pour mieux dire les fau-

bourgs de. votre cité stellaire, et depuis ce moment

  jusqu'aujourd'hui jen'ai fait que traverser la moitiéde votre univers, quoique j'y sois entré depuis 415

millions de siècles, et que je fasse cent lieues àl'heure. J'ai rencontré tour à tour sur mon passagedes soleils doubles, triples, multiples, tournant encercle avec leurs systèmes autour les uns des autres;– des soleils solitaires s'enfuyant avec une rapiditéinouïe, entraînant à leur remorque les mondes de

leur domination – des soleils colorés versant surleurs planètes les plus singuliers mélanges de cou-

leurs; – deà systèmes absolument gazeux et unique-ment formés de sphères de vapeur – des étoilesd'azote et des comètes d'acide carbonique.

La disposition des; astres dans l'espace varie sui-9

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209 LUMEN

vant le liey qu'on occupe. Les ligne s, droites oubrisées, les figures diverses rectangles, carrés,arcs; couronnes, qu'ils forment vus d'un certain

point, n'existent plus vus d'un autre point. Eh arri-vant dans votre système solaire, j'ai remarquél'arrangement apparent de la sphère céleste, vosconstellations. Elles sont les mêmes, vues de laLune ou de la Terre, de Vénusou de Mars, et même

de Neptune, parce que les perspectives célestes nechangent pas pour un simple déplacement dequelques centaines de millions,de lieues. Mais si l'on

compte par trillions, et surtout par centaines de tril-lions de lieùe,s, la différence est sensible et lesconstellations se déforment, sur-tout celles dont on

s'approche et dans lesquelles on entre.

Ici l'Esprit s'arrêta. Et après un long silenoe ilreprit en ces termes

Nous arrivon maintenant à votre propre systèmesolaire. Les nombres précédents, si vous avez biensenti leur

simple éloquence,vous ont

développéde-

vant l'esprit des^grandeurs telles, que vous allez fa-cilement vous représenter l'étendue du domaine duSoleil. Et jusqu'ici, malgré vos méditations, vous ne

voua l'étiez pas exactement représentée.Je prendrai l'un dés exemples de cette étendue

dans l'orbite de la grande Comète qui est passéeprès de la Terre l'an 1680. Cette Comète s'éloigne àune distance égale à 28 fois celle de Neptune, quigravite lui-même, comme vous le savez, sur une or-bite dontle rayon surpasse de 30 fois celui de l'orbiteterrestre. La distance de l'étoile Alpha du Centaure

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LES DISTANCES DANS L'UNIVERS 207

est 270 fois plus grande que le rayon aphélique decette Comète, que vous pouvez considérer commereprésentant au minimum le rayon du système so-laire. Vousvoyez qu'en prenant pour unités de com-paraison des étendues immenses, On peut mesurerl'espace sans employer des séries de chiffres quiéchappent à l'appréciation,

Pour venir, non de l'étoile, car je ne viens pas de

ce côté, mais de la distance de l'étoile la plus rap-prochée, j'ai mis neuf millions huit cent milleans. Pour venir de l'aphélie de cette grande Comète

  j'ai inis trente-six mille trois cents ans. Elle s'éloigne,en effet, à 32 milliards de lieues du Soleil, et à cettedistance l'astre solaire a encore le pouvoir de rappe-ler des profondeurs cette faible nébulosité comfetaire,si légèremalgré son étendue, si diffuse, si insigni-fiante pour lui,,et qui, dans un tel désert tressailleencore lorsqu'à l'extrémité de sa course le grand So-leil lui envoie l'ordre de revenir, ce qu'elle ne peut'aire, malgré son obéissance, et malgré la vitessecroissante avec laquelle elle vase précipiter vers leSoleil flamboyant qui l'appelle, – ce qu'elle ne peutfaire, dis-je,, qu'en quarante-quatre siècles.

Pendant les neuf  millions sept cent soixante

quatre mille, ans que j'ai employés à traverser l'éten-due qui environne le domaine solaire et l'isole enquelque sorte de celui de la circonscription du Cett*taure – un désert analogue environne chaque sys-tème et rend chaque soleil roi dans son pays je

1

n'ai rencontré aucun corps céleste capital dont l'attraction puisse, influencer celle du Soleil sur leastres qu'il gouverne mais seulement des débris de

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208 LUMEN

mondes détruits qui tombent dans l'espace avec uneextrême lenteur et semblent même immobiles, car iln'y a presque plus d'attraction d'aucun astre dans ceszones intermédiaires. A la distance aphélique de laComète de 1680, l'attraction solaire n'est plus que0-v 000 000 008 333, et la Comète n'est attiréeque par une force qui lui ferait seulement parcourir

416 cent millièmes de millimètres dans la premièreseconde'de chute Aussi semble~t-elle une mortesoutenue dans le vide sombre comme un léger fan-tôme. Toutes celles qui s'égarent .jusqu'en ces re-gions ne forment qu'une lente procession d'ombressépulcrales I Acent fois la distance aphélique de !amême Comète, l'attraction du Soleil n'est plus que de0>»,000000000 0008333. Ainsi, entre les deux sphèresd'attraction du Soleil et d'Alpha du Centaure, la forcedirectrice des mouvements célestes est, pour ainsidire, devenue nulle, et un corps placé dans cet éloi-ghement demeurerait suspendu pendant des milliersd'années sans se mouvoir. On croit approcher durïéant ou du chaos mais après avoir traversé ces so-litudes dn pénètre dans de nouveaux systèmes.

Enfin, lorsque j'eus franchi l'orbite de plusieursplanètes postérieures à Neptune, dont la dernière,Hypérion, gît à 48 rayons de l'orbite terrestre etgravite en une révolution de 335 ans. je suis arrivé à

Neptune, situé à 1147 millions de lieues d'ici. Il y ade cela treize siècles.

Ici l'Esprit se tut pendant quelques instants, commelorsqu'on a terminé l'exposition d'un sujet. Et eneffet, il venait dë'mefaire1 p'as'sêr!en revue par son

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L'HISTOIRE DANS L'UNIVERS 2O91

voyage toute la constitution des cieux, depuis les con-fins dé l'arnas stellaire dont notre Soleil fait partie, et

depuis les univers lointains étrangers au nôtre,  jusqu'à notre propre système planétaire, au sein du-

quel il arrivait dans son récit. J'avais religieusementécouté et lentement approfondi les grands nombres

par lesquels sa synthèse descendit successivementdes

profondeursde l'infini

jusqu'àla

régioncéleste

où nous vivons, et lorsqu'il m'eut appris qu'il étaitarrivé à Neptune, la dernière planète connue aujour-d'hui, il y a treize siècles, je songeai que ce fait datait

par conséquent du sixième siècle denotre calendrier,et je lui dis« Nous sommes actuellement en l'an 1872 de l'ère

chrétienne. Vous êtes donc passé par Neptune au

temps du règne de Chilpéric et de Frédégonde. De.

puis cette époque, vous voyagez à raison de centlieues à l'heure, et vous êtes seulement arrivé cetteannée sur la Terre!

– Dans l'espace, répondit l'Esprit, nou-s ne comp-

tons pas de temps, comme je Vous l'ai déjà fait com-prendre. L'histoire de la planète terrestre et de ses

Dynasties politiques est de l'insignifiance la plus abnsûlue, L'ère chrétienne elle-mèmej qui paraîtrait à

plusieurs points de vue devoir exister dans le cielcomme chez lés nations évangélisëes n'est pas con-nue des autres mondes. Mais à, compter par révolu*

tions terrestres, il y a réellement 1308 ans que jesuis passé par Neptune.

– Ainsi, répliquai-je, comme pour mieux affirmer

Cette mesurede l'espacé par le temps, si un Homme

pouvait partir aujourd'hui de Jft Terre et se dirigé»

14

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210 LUMEN

vers la limite connue des astres planétaires, lemonde de Neptune, il n'arriverait à ces frontières, en

voyageant avec l'extrême rapidité de cent lieues à

l'heure, que dans 1308 ans, c'est-à-dire l'an troismille cent quatre-vingt?

Vous l'avez dit. C'est la mesure du demi-dia-mètre de la dernière orbite planétaire connuo> Ces1308 années terrestres ne sont toutefois que huit an-nées neptuniennes. Le calendrier change complète-ment d'une planète à une autre. Cependant une an-née de Neptune n'est pas plus longue pour les habi-tants de cette planète qu'une seule année de la Terren'est longue pour vous. Au point de vue de l'abso-

lu,.pour un esprit non incarné, ces deux longueursne sont rien, et sont égales dans leur néant. Le

temps est formé par les mouvements périodiques des

corps matériels, et les corps matériels, qui changentavec lui, lui sont seuls soumis. Les forces, entitésréelles indépendantes de la matière, puissances dy-namiques impondérables qui soutiennent les poids,sont presque indépendantes du temps, car elles se

transmettent avec une rapidité qui s'approche 'del'instantanéité. L'âme de l'homme, quoi qu'elle soitenveloppée de la' substance fluidique qui forme ici--bas un intermédiaire nécessaire entre le corps et;elle,1et qui survivant à la mort du corps terrestre resteattachée à la monade spirituelle, l'âme, dis-je, peutse transporter d'un point à l'autre? de l'espace avec.une rapidité plus grande 'que celle de la lumière etde l'électricité, et pourainsi dire instantanée.

t- Mais, ô Esprit, si l'âme peut voyager avec une

telle rapidité dans l'étendue, pourquoi avejs-vous em-

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LES ÊTRES SPIRITUELS 211

ployé tant de siècles à venir des confins de l'univers

astronomique? `~>. – J'aurais pu accomplir la même traversée en

quelques jours, répliqua l'Esprit avec bienveillance.

Mais, je vous le répète, jours ou siècles ne diffèrent

pas de longueur pour un esprit, Et je n'ai pas été

plus longtempsà faire mon voyage que si j'étais venuinstantanément.

Préexistante, à la vie, l'âme n'a aucun âge au mo-ment où elle s'incarne. Elle n'a aucun âge au mo-ment où la vie cessant, elle se détache de son vête-ment terrestre. Elle n'est pas plus âgée lorsqu'elles'incarne de nouveau soit sur la terre, soit sur uneautre planète. Elle ne vieillit pas pendant l'éternité.En s'écoulant sur elle, les siècles y laissent moins detraces que l'eau du ciel sur les blanches épaulesd'une statue de marbre.

Il n'en est pas de même des corps animés, descombinaisons d'atomes, des agrégations de molécules,des mondes matériels et de tous les astres quiconstituent l'univers physique. Le temps existe pour

ces mondes et par eux. Les soleils n'ont pas denuits, et, jouissant d'un jour perpétuel, se rappro-

chent déjà des conditions de l'éternité. Mais ils ontdes translations, des modifications de températureet des variations qui leur distribuent une mesure de

temps, lente il est vrai, mais réelle. Ils ne durent

pas toujours, mais vieillissent et meurent. Les

mondesplanétaires ont des- jours et des nuits, des

mois, des saisons, des années. Les mouvements quiles emportent forment leurs calendriers variés, don-nant à la- Terre des, années de 365 jours par les-

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212 LUMEN

quelles se mesurent toutes les existences écloses surcette planète, à Jupiter des années de 10,400 jours,à Saturne des années de 25,421 jours, au Soleil et au

système planétaire une révolution de plus de deux,cent mille de vos années. Avec le temps, les étoileschangent de place, les constellations se déforment,les systèmes se détruisent, les planètes s'écroulenten poussière et les soleils s'éteignent. Le temps,c'est-à-dire le mouvement, existe donc pour lès objetsmatériels.

Il n'existe pas au point de vue de l'absolu car dansl'espace pur, entre les corps célestes, il n'y a pas de

temps ni de mesure. L'Esprit n'est pas davantagesoumis au temps; il ne peut le mesurer qu*ëii eia*

ployant les mouvements planétaires, pendules sécu-laires des eieuy.

Aussi les cent trente-huit billions de siècles que j'ai employés à faire mon voyage sidéral ne comptentpas pour moi comme ils comptent pour les mondes

matériels, et je ne suis pas plus êgé qu'au moment de

mon départ. Tel est le grand principe sur lequel  j'appelle ici votre intention. L'univers matériel est la

demeure changeante des Esprits-, qui n'y vieillissentpas.

Dans la vie d'un Esprit, ou, pour parler plus exac-

tement, dans une phase de la- vie éternelle d'un

Esprit, un monde de l'importance de la Terre entière,et même de Saturne ou Jupiter, peut naître, vivre etmourir, et son histoire entière s'accomplir, son hu-manité apparaître, se civiliser, progresser, arriver à

son apogée, et disparaître, tandis que chacun des

Esprits qui l'auront habité sera demeuré intact, se

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LES ÊTRES SPIRITUELS 2139

réincarnant plusieurs fois sur cette même planète, etpassant d'une planète à une autre, en séjournant dansl'espace, sans vieillir.

Il y a deux mondes bien distincts dans la création:le monde spirituel, pour lequel n'existent pas les

conditions matérielles, telles que le temps, l'espace;le volume, le poids, la densité, la couleur, et dans le-quel existent les principes de justice, de vérité, débien, de beau, qui sont coéternels à Dieu le monda

physique, pour lequel n'existent ni bien ni mal, ni juste ni injuste, ni beau ni laid, mais qui reposesur les principes de la réalité matérielle, temps,espacé, dimensions, poids, etc.

– Maître! répliquai-je en entendant cette classifi-cation, si les élémentsdu monde physique sont abso-lument étrangers au monde des Esprits, commentceux-ci peuvent-ils connaître l'univers, voir lesmondes, voyager de l'un à l'autre? Comment, pen-dant l'incarnation, l'âme peut-elle même percevoirl'univers extérieur ?

– Par les principes intermédiaires» répondit l'In-

visible. Ces principes intermédiaires sont les forces,l'attraction, la' lumière, la chaleur; l'électricité, etc.L'âme, même incarnée, ne saurait avoir d'action

directe sur la matière. Si votre âme peut s'occuperd'astronomie, de physique, de chimie, de sciencesexactes, en un mot, ce n'est pas par sa propre intui*tion ou par sa propre puissance, mais grâce auxagents intermédiaires. Votre corps, d'autre part, nesaurait agir non plus sans ces forces. Ces forces sontle substratum de l'univers, existent universellementà l'infini et occupent tout l'espace, dans lequel îes

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214 LUMEN

atomes ne font que flotter. Les atomes constitutifsd'un morceau de fer, de marbre ou de terre, d'une,molécule d'eau ou d'air, d'oxygène ou d'hydrogène,ne sont pas soudés solidement les uns contre les au-tres comme ils le paraissent, mais sont isolés, sépa-

'1rés, aussi bien que les planètes, les mondes del'univers le sont les uns des autres. Il n'y a rien,d'absolument

solide,mais il

ya des

interstices,des

espaces relativement immenses entre les atomesconstitutifs de tous les corps, animés et inanimés, sibien que la force calorifique, par exemple, les rappro-che ou les éloigne, dilate ou resserre les volumes,produit les solides apparents, les liquides et les gaz,trois états différents des mêmes substances et qui nesont dus qu'à la force calorifique. Un, œil qui, verraitla structure atomique d'un objet ne verrait plus cet

objet lui-même: la vue le traverserait. Ainsi vous ne

voyez de votre univers que ses atomes, ses étoiles il

faut regarder de très loin pour reconnaître la, formedéfinie d'un univers, d'un amas d'étoiles. Eh bien 1

lorsque vous recevez. un rayon de lumière, parexemple, ce rayon traverse l'orbite de vos yeux et lastructuré même de votre organe pour aller frapperun nerf, lequel ne transmettrait aucune sensationd'ailleurs 'si, la vie étant détruite, votre âmen'était

pas là pour interpréter la commotion, donner un sensaux vibrations lumineuses transmises par le nerf 

optique. Entre l'objet vu et votre âme il y l'agent 1t

intermédiaire, la force, qui ici est la lumière, sans l

laquelle votre âme ne saurait être mise en rapportavec l'objet. ;i

Mais l'organisme actuel que vous possède? n'est j

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LES ÊTRES SPIRITUELS 2151

pas nécessaire pour cette œuvre. La lumière, commela chaleur, comme l'électricité, comme d'autres for-ces que vous ne connaissez pas, se transmet par le

mouvement, par des vibrations ou ondulations quevotre àme pourrait recevoir sans aucun des sens que

vous possédez. L'œil n'est pas nécessaire pour voir.Un autre organe pourrait le remplacer, organe diffé-rent de l'œil, qui serait, par exemple, sensible aux

ondes lentes et verrait la chaleur, ou bien aux ondesrapides et verrait l'action chimique, et donnerait àl'âme la notion d'une partie plus ou moins étendue

des choses que vous ignorez, parce que vous n'avez

pas de sens pour les apprécier. Vous vivez au milieud'un monde invisible, dans lequel les Esprits, munisd'autres sens que les vôtres, perçoivent un nombreindéfini de réalités dont vous ne pouvez avoir con-naissance.

Vous devez donc voir dans l'univers 1«. l'élémentmatière, soumis aux conditions finies de l'espace,subdivisé en atomes très petits, immuables en gran-

deur et en masse; 2" l'élément dynamique, qui, aucontraire, n'est pas soumis aux conditions finies3° l'élément animique, l'esprit, essentiellement indi-vidualisé dans l'espace et, à l'opposé de l'élémentmatière, incompatible avec toute idée de formes et de

limites définies.

– Esprit inconnu qui me parlez, repartis-je, quique vous soyez, je vous ai écouté avec respect, et

  j'ai le bonheur d'ajouter que je comprends cette

synthèse. Je vois les astres et les atomes, les forces

qui soutiennent et régissent les corps pondérables,les Esprits qui habitent les mondes ou séjournent

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K" 216 LuMBtf  •

dansl'esj>acô l'univers s'illumine à mes yeux d'une >

elai*ténouvelle qui me fait juger sa grandeur et sabeauté. Maïs vous ne m'avez pas montré Dieu ?

– C'est qu'il est impossible aux Esprits eux-mêmesde deviner l'Être infini, répliqua la voix. Onvous a fait adorer jusqu'à oe jour un dieu créé

à l'image de l'homme, ou l'on vous a nié bravementl'existence d'un Auteur de la nature parce qu'on nele comprenait pas. Ni les dogmes des théologies of»ficielles, ni les négations de l'athéisme ne sont vraisi

Dieu n'existe pas plus en aucun point du Ciel que ll

sur la Terre, ou pour parler plus exactement, iln'est, nulle part plus visible qu'ici. Il n'y a, en aucune

région de l'infini, delieu fixe pavé de pierreries,, surlequel soit édifié le trône du Très-Hauts L'empyréedu, moyenâge n'existe pas plus que l'Olympe gi»eo.Le paradis de Mahomet n'a jamais brillé que dans labrûlante imagination des disciples du prophète. Les

sept cieux de Bouddha n'ont pas de réalité plus ef-f 2ctive quecelle qu'on leur a donnée sur les fantas-

tiques dessins chinois et japonais qui vous les repré-sentent. Voir Dieu

face à face est uneexpression pu-rement symbolique. Les yeux du corps glorifié le plus

angélique ne sauraient voir ni admirer nulle partcette personne invisible. Le Ciel n'existe pas. L'es-pace astronomique est infini. Dieu est un pup esprit,ou mieux le pur esprit, conscient de lui-même, et de

chaque parti© infinitésimale de l'univers entier, per-sonnel, mais sans forme, infini et éternel, c'est-à-dire sans étendue et sans durée, aussi réellement

présent ici au milieu de Paris, où je vous parle, quesur les étoiles, les plus brillantes, aussi actif dansles

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~r~tDIEU DANS LA' NATURE Ml O

œuvres de la nature terrestre que dans les sublimermanifestations des sphères spirituelles supérieures.L'Être infini; cause des causes, principe de tout ce

qui est, vertu et soutien de l'univers, absolu, éternel,est- d'ailleurs entièrement incompréhensible pourvous, pour moi, pour tous les êtres. Son existence

est incontestable, car il serait impossible d'expliquer

sans ellel'existence de

l'intelligencedans la

création,des mathématiques fque l'homme n'a pas inventées,'mais trouvées), des vérités intellectuelles et morales.Mais l'Auteur et Juge suprême de toutes choses est

au-dessus de notre conception. Déjà nous pouvonsconcevoir que pour lui il n'y a ni temps ni espace,qu'il voit tout à la fois, et l'astronomie vous a même

appris que la lumière émanée de tous les soleils et detes les planètes porte leur, histoire ancienne dans

l'espace, de-telle sorte qu'en se supposant placé au

point où arrive aujourd'hui le rayon lumineux ré-

fléchi par la Terre il y a cent ans, on revoit la Terre

de cette époqueavec ses habitants, et ainsi pour tout

le passéde la Terre que l'on peut revoir en s'éloi-'gnant suffisamment, et ainsi pour l'histoire de tous

les mondes, qui reste ainsi permanente dans l'infini,dans Dieu. Déjà nous pouvons concevoir aussi quel'avenir soit présent pour lui aussi bien que le passé,car les événements qui doivent se succéder sont

aussi bien renfermés dans l'état actuel de l'univers

que le passé s'y trouve lui-même dans son résultat.Mais chercher à comprendre la nature intrinsèque et

le moded'action de l'Être infini serait une peiné ab-solument stérile.Et maintenant, mon fils, votre âmeà reçu, a senti

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218 LUMEN

la notion de l'infinité de l'espace. A-t-elleaussi exac-tement compris celle de l'infinité de la durée. Con-cevez-vous suffisamment la grandeur de l'idée, dufait représenté par ce mot VÉternité ? '<

La durée sans fin, répondis-je, me paraît plus

'Jdifficileà imaginer que l'espace sans fin. Je me sup- ';pose facilement arriver à une prétendue barrière '1dans l'immensité, voir de l'espace au delà de cette

'barrière, imaginer une limite plus éloignée, arriver àcette limite, voir encore l'espace au delà, et tou-

 jours ainsi, sans jamais pouvoir atteindre en aurcune direction une limite qui n'existe pas. Mais jel'avoue, le temps indéfini ou pour mieux dire l'éter-nité sans limités, m'effraye plus qu'elle né m'étonne,de sorte que c'est à peine si ma pensée a la force de

regarder en face un tel sujet.– Votre idée d'une barrière toujours reculée dans

l'espace, répliqua l'Esprit, est applicable à la notionde l'éternité. Quelle que soit la durée des temps quevous imaginiez, vous pouvez vous y supposer par-

venu,constater

qu'aprèsce

tempsécoulé on ne

peut pas arrêter pour cela la durée, et que le tempscontinuera encore de couler. En portant plus loin la

prétendue limite, au delà il y aura encore du temps,et ainsi de suite, sans fin possible. Mais songez bien

que ce,sont là seulement deux comparaisons desti-nées à, rendre sensibles ces notions, mais qu'en réa-

lité, l'infini comme l'élernité sont sans mesure.Dansl'éternité sans mesure, sans commencement

et sans fin, l'univers matériel produit dé. la mesure,du temps, par ses mouvements. Mais, ces mesureselles-mêmes n'ont rien d'absolu. Si la Terre tournait ";

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l'éternité 219

deux fois, cent fois plus lentement, les jours, les ansseraient deux fois, cent fois plus longs qu'ils ne sont;

mais ils seraient les mêmespour vous. Si la Terre de-venait cent fois, mille fois plus petite, et que vos mo-

numents, votre taille, devinssent cent fois, mille fois

• ' plus petits qu'ils ne sont, tout serait resté le même

1 ,p,our vous le mètre serait toujours la dix-million-

nième partie du quart du méridien terrestre, vousverriez les objets sous le même angle, etc. Toutes

'• vos idées, qui vous ont paru absolues jusqu'ici, sont

.ï purement relatives à votre planète périssable.Dans l'éternité immobile, les Esprits restent, les

choses matérielles passent.Les Esprits restent, éternels, indestructibles; mais

il,,y a pour eux aussi des sommeils et des morts.Toutes les âmes humaines qui vivent sur notre pla-

nète, par exemple, ne garderont pas après la mort la

epnsciencede leur existence, quoique toutes gardentleur identité. Le moi peut durer, jouir ou souffrir

sans conserver aucun souvenir de son passé et parconséquent sans former une individualité à ses pro-

i près yeux. Tel est le sort des âmes d'animaux aprèsla mort, et celui d'un très grand nombre d'humains.

>' 11n'ya d'immortels, d'êtres ayant conscience de leurimmortalité que ceux qui ont déjà, pendant cette vie,'?• la conscience intellectuelle de leur spiritualité et la

mémoire spirituelle, différente de la simple impres-sion cérébrale.

Mais voici bientôt les premières lueurs de l'aurore

qui s'annoncent. Je ne tarderai pas à reprendre mons vol et continuer ma route céleste. Je vous ai dits due je traverse l'univers de part en part, et qu'après

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220 LUMEN

m'être arrêté ici je continue ma route, à l'oppositéd'Orion, vers Ophiuchus. Je reviendrai ensuite ici,I,puis à mon point de départ.

Lorsque je reviendrai dans ce quartier du ciel oùplane actuellement le système solaire, lorsque matraversée sidérale m'aura ramené au port où jem'arirête un instant aujourd'hui, ce port n'existera plus,

Je dirige ma course céleste jusqu'aux confins de votreunivers visible, et il reste autant de chemin à par-courir pour y arriver que j'en ai déjà fait pour venir

 jusqu'ici, c'est-à-dire que je n'arriverai au but demonvoyage que danscent trente-huit billions de sièclesenviron, continuant de voler avec la même vitesseconstante de cent lieues à l'heure. Je compte resterlà-bas pendant cent siècles, .pour diriger la formationd'une humanité nouvelle qui occupera avec honneur,

 je l'espère, ce département de l'espace. Puis, je re-viendrai en ligne droite non seulement ici, mais aupoint d'où je suis parti.

Or; lorsque je repasserai par ici, ce sera dans deuxcent soixante-dix-sept billions trois cent quatre-vingtmillions sept cent quatre-vingtHneuf  mille trois centssiècles. A cette époque, la Terre n'existera plus.

Oui, cette belle planète, si vivante aujourd'hui, sirayonnante d'activité, si bruyante et si riche, à lasurface de laquelle les générations se succèdent si ra-pidement, cette planète sera morte, bien morte –plus que cela détruite Aussi bien elle recèle au-

 jourd'hui dans son sein les éléments et les dates deses origines, aussi bien elle contient les germesde sadécadence et de sa fin. Et non seulement elle, maisencore ses compagnes Vénus sa1 'jeune soeur, sj

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l'avenir dé LA TERRE 221

ressemblante et dont l'humanité actuelle est si sin-gulière, Mercure ardent et rapide, Mars dontla géo-

graphie est si curieuse, Jupiter noble et imposantdans son cours, 'Saturne ceint d'un triple anneau et

environné de huit satellites, Uranus lent et vénérable,Neptune dont les années sont des siècles tous ces

  î' .mondes auront cessé de vivre. Que dis-je ? Ils au-

• ront perdu toute chaleur eau, air, liquides, gaz, co-• hésion, affinité, principes d'existence et de vie, tout

aura disparu. Déserts silencieux roulant dans le

morne espace, ils ne montreront plus que des glacesot das rochers dénudés aux rayons affaiblis du So-1 leil. Les météores, les vents, les pluies ayant fait

desoendre les montagnes dans les plaines, ^exhausséle l it des mers et étendu progressivement la surfacee

de l'Océan, qui occupe déjà actuellement'les trois

quarts dela Terre'et finira par l'occuper tout entière..Les taches du Soleil auront augmenté de nombre, et

dé, grand corps sera refroidi par son long rayonne-

ment dans l'espace. D'abordon

aura vu ces tachess'étendre comme deux zones sombres de chaquecôté de son équateur, et les météorologistes auront

constaté une diminution sensible de sa chaleur et desa lumière. Avec les.millions de siècles amoncelés le

refroidissement deviendra tel que les organismes pla.nétaires péricliteront et feront place à dés êtres nou-

veaux constitués pour vivre dans le froid. Mais un-siècle viendra où le. Soleil devenu rouge sombre,

puis obscur, cessera d'être le foyer de la famille qui,si longtemps,puisa an lui son magnétisme et sa vie,et n'enverra plus autour de lui qu'une clarté blafarde

et sinistre. Les jours seront des nuits, et il n'y aura

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â22 LUMEN

plus de printemps ni d'étés. Les mondes lourds et,obs-curs rouleront commedes boulets noirsautourd'uniau-tre boulet noir. Cesera la nuit universelle pour cesystè-me. Terre. Lune, planètes, emporteront dans l'immen-sité les tombeaux fossiles,de leurs derniers habitants.Dans ce même temps, bien d'autres soleils de l'univers.qui brillent actuellement comme d'étincelantes étoiles,i

seront éteints comme le vôtre, tandis que de nou-veaux astres se seront allumés. D'ailleurs les étoiles

qui resteront encore d'aujourd'hui auront changé de

place. Les constellations seront toutes déformées.Les sept de la grande Ourse, lors même qu'aucuned'elles ne serait éteinte, nc formeront plus un cha-riot, le char du Nord sera disloqué, et'en vertu deieurs mouvementspropres, elles se seront écartéesles unes des autres au pointde former d'abord un tra-pèze, puis un immense triangle, puis une informe

ligne brisée. Orion, la magnifique constellation duSud, aura subi le démembrement séculaire du temps,,les Trois Rois se seront séparés. Rigel sera éteint,Aldébaran se sera enfui loin des Pléiades, Sirius au-f ra perjÈlusonsceptre, et les étoiles d'Hercule serontdevenues des astres de première grandeur. Le Cielsera méconnaissable, et la Terre, caduque, dessé-chée, désagrégée, sera tombée en morceaux qui, sedistribuant le long de son orbite, continueront decourir autour du Soleil mort. Squelettes minusculestournant autour d'un squelette géant, aérolithes em-

portant dans la nuit les derniers fragments d'uneterre anciennement habitée, ils pourront être enve-

loppés au passage par une comète hyperbolique quieh entraînant quelques-uns, dans son cours-jra: les,

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LA FIN DU MONDE 223

semer dans un autre, système, sur une planète in-

connue dont les habitants, les recueillant pour les

placer sous la vitrine d'un muséum, les analyserontsans découvrir l'histoire de la Terre d'où ils par-viendront, comme les aérolithes que vous conservez

sans deviner le mystère de leur provenance. Voilàoù en sera la Terre et ses habitants quand je serai

au retour de ma mission céleste. Les corps serontretournés à la poussière. »

Lorsque l'Esprit eut parlé de la sorte, je me sentisfrissonner jusqu'au fond de mon être en comprenant

la profondeur de ces révélations, que j'avais écoutées

dans un recueillement attentif. Je vis l'avenir, les

étoiles changées de place, les constellations dislo-

quées, le système planétaire détruit, leSoleil éteint,la Terre – où nous vivons tranquillement aujour-d'hui la Terre elle-même anéantie,' et rien en sa

place dans l'endroit de l'espace qu'elle occupe actuel-lement; je sentis que cette perspective était vraie, et

considérant que l'Esprit parlait de ces siècles étran-

gessans paraître sentir le temps ni vieillir, je songeaià ce que deviendra, dans cette éternité qui est devant

nous, chacune de nos âmes ô mes lecteurs, et ce

que je deviendrai moi-même dans ces destinées, et

comme frappé par un coup de foudre, je lui jetai cecri personnel, qui lui exprimait bien naïvement

l'étendue de mon anxiété soudaine, cri que chacun de

vous sans doute lui aurait jeté dé la même façon:« Et moi?

– Et vous ? Eh bien vous êtes comme moi, vousç|.es immortel, indestructible.

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224 lumen

Indestructible I m'éoriai-je, en sentant pour la

première fois dé ma vie l'étrange bienfait de cettefaveur. Mais où serai-je d'aujourd'hui en un siècle,

par exemple y

Dans l'espace nul ne peut en sortir c'est

l'infini. Vous serez probablement encore dans votre

système planétaire.

– Et dans mille ans ?– Vous continuerez d'exister.

– • Etdans cent mille ans?

– Vous serez toujours. Sans doute voyagerez-vous.Pour un astronome ce n'est pas là une situation dé-

sagréable.

Vous plaisantez de ces choses qui vous sont fa-

milières, ô Esprit, Mais moi, je vous l'avoue, j'ensuis effrayé. Et où serai-je dans un million d'an-*

nées? ajoutai-je en tremblant.

Vous continuerez d'exister dans l'espace infini.

Et ainsi dans dix millions, dans centmillions d'années.Et après cent millions d'années, vous ne serez .paçplus âgé qu'aujourd'hui. Vous reçomniencerez cent

autres millions d'années. et ainsi de suite.

– Sans pouvoir mourir ? m'écriai-je, épouvanté du

ton si simple et si, affirmatif avec lequel TEsprit me,

présentait ces effrayantes vérités.

– Immortel, indestructible, pour toute l'éternité.Aucune âme créée ne peut vieillir ni mourir. Songezbien que les millions de milliards de siècles ne sontrien dansl'éternité, et qu'après leur écoulement on lesrecommence comme si on ne les avait pas frawchis.sj.

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l'éternité 225

,finr,fiest désormais sans fin nnsxihlp.

FIN

15

et que votre existence est désormais sansfin possible.

– Vie éternelle 1. sans. Sh. possible! répètais- je, en cherchant à comprendre, et en sentant mon

cerveau se fondre dans mon crâne. Ah L^–Et je tombai comme tombe un homffletiiÀiljhtA^N.

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TABLE DES MATIÈRES Ili.

1 r RÉCIT.– Resurrectiopr^eteriti 1Lamort 3

~S~ Lecorps. 5.L'âme 7S~R' L'heuredela mort 11

Vuedel'âmedansleciel 13~~ï~ Lesystèmesolairedansleciel 17~~f~ Laterrevueduciel 19~M. h'étoile Capetta. 23B~ Vitessedelà lumière 31

Lesmondesvusdeloin. 35'Lumenrevoitsaproprevie 37

11°RÉCIT.– Refluumtemporis 52Voyagedans unrayondelumière.. 55

~S~& Lesévénementsretournés. 73Enremontantlesâges 77

~~i~\  L'hommeest organiséparlaplanète.83IIIe RÉCIT. – Homo homunculus 87Lasphèredel' observationhumaine.89

Les événements dansl'espace 97Temps, espace, éternité 101

IV' RÉCIT.– Anteriores vitve. 105L'espaceetlalumière107

L'étoileGammade la Vierge lit~S~ LemondedeGammade laVierge..115

L'existenceantérieure 119~t' Lapluralitédesexistences 125

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223 TABLE DES MATIÈRES

V. Aureau. – Imprimerie de Lagny. '">

i .'MtML'inconnu 127 «Les constellations 133 |Les éléments 137 m

La vie sur la terre 139 M

Le procédé de l'alimentation 141La poésie sur la terre. 143 m

Une humanité 145 S

L'organisation des êtres 149' x|l

Dans la constellation du Cygne 151 4<mLes âmes et les atomes. 155' m

V" RÉCIT. – Inobnium audax. Natura audagior. 157' MUn monde dans Orion 159 j «

Analyse du système nerveux. loi » mL'œil et la vue. 163 t|Les yeux lumineux 1^5 m

La pensée verbale 167 ,1

Incommensurable diversité ifi9 I

Le grossissement du temps. 171 ,L'étude de l'univers. 173 M

VIe' RÉCIT. – Inf ini tom. Eterni tas 175»

Pneumatologie 177 m 9

DANS L'INFINI. Récit SUR LE TEMPS

et l 'espace, par un esprit.. i 189 'mDescription de l'U,onivel's.Description de l'univers 191 'm

Les distances dans l'univers. 207 ,» !'m

L'histoire dans l'univers

Les êtres spirituels 211- SDieu dans la nature. 4. 217 H

L'avenir de la terre. /?i%^?>^22ï' :BLa fln du monde /^Tf   jft»- JE

L'éternité %à'M

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Documents manquants (pages, cahiers.) Original illisible