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Parution Lettre de la Stomatologie 46 - Juin 2010TRANSCRIPT
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TECHNIQUE SANDWICH A CHARNIERE POSTERIEURE DANS LES DEFICITS VERTICAUX
DES BRANCHES HORIZONTALES MANDIBULAIRESpar O. MODIGA-BOUTAULT
Praticien attaché - Service de Chirurgie maxillo-faciale et plastique de la face du CHU de ToulousePlace Baylac - 31059 Toulouse Cedex - [email protected]
INTRODUCTION
L’atrophie du secteur postérieur mandibulaire, quelle qu’en soit
l’étiologie (édentement non compensé après extractions dentaires
précoces, maladie parodontale avancée, résection tumorale, trau-
matisme, dysmorphose), représente un vrai challenge pour le prati-
cien qui souhaite réaliser une réhabilitation prothétique implanto-
portée. Les raisons en sont à la fois le déficit osseux quantitatif et la
présence du nerf alvéolaire inférieur. Parmi les solutions proposées, on
distingue deux groupes : celles reposant sur une adaptation des
implants et celles faisant appel à des procédés d’aménagement osseux.
1 - SOLUTIONS IMPLANTAIRES
Elles ont été imaginées afin d’éviter le canal dentaire et de s’adap-
ter à certains déficits osseux. Elles font appel soit à l’utilisation d’im-
plants courts, de moins de 8mm. de longueur, soit à la technique
d’implantation basale par voie latérale. L’une et l’autre de ces tech-
niques ont montré leurs limites (1, 2). De ce fait, plusieurs tech-
niques de chirurgie préimplantaire ont été proposées pour surmon-
ter les situations défavorables liées aux déficits verticaux des
branches horizontales mandibulaires.
2 - AMÉNAGEMENTS OSSEUX
2.1 - Repositionnement du nerf alvéolaire inférieurCette technique permet de placer des implants d’une longueur satis-
faisante allant éventuellement jusqu’au bord basilaire de la mandi-
bule. Cependant, le taux de troubles sensitifs postopératoires est
très élevé (3), restreignant grandement son utilisation.
2.2 - Distraction ostéogéniqueIl s’agit d’une technique d’allongement osseux progressif inspirée
du principe d’Illizarov. Elle permet d’augmenter la hauteur osseuse
disponible sans greffe tout en allongeant également les tissus de
recouvrement. Elle nécessite bien sûr une instrumentation spécifique
et une méthodologie précise. Deux interventions successives sont
nécessaires.
2.3 - Apport tissulaireLes matériaux utilisés sont nombreux, allant de l’autogreffe osseuse
aux biomatériaux. Ils peuvent être placés :
- en apposition (onlay grafts) : le gain volumique peut être facile-
ment calculé et immédiatement obtenu. Des bons résultats avec des
greffes autogènes sont décrits dans la littérature, avec cependant
un taux de résorption important, variable selon le type de greffe,
jusqu’à 40% à 6 mois (4). Par contre, il y a un consensus sur les
échecs après apposition d’allo- et xénogreffes, malgré la simplicité
et la rapidité de la méthode.
- en interposition (inlay grafts) : le concept est basé sur l’idée qu’un
greffon osseux placé entre deux fragments d’os vascularisé a les
meilleures chances de réussite. Selon Block (5), elle a été décrite
initialement en 1966 par Barros Saint Pasteur comme une tech-
nique en deux temps avec une ostéotomie horizontale mandibu-
laire, suivie trois semaines plus tard de l’élévation du fragment
supérieur et de l’interposition d’une allogreffe. En 1977, Schettler
propose le terme de « technique sandwich ». Il insiste sur la préser-
vation du périoste lingual lors de l’ostéotomie horizontale et réalise
dans le même temps opératoire l’interposition de greffe autogène,
avec un excellent résultat à long terme et notamment une quasi-
absence de résorption (6).
L’objet de ce travail est de décrire une technique originale d’inter-
position reposant sur le principe d’une élévation du fragment supé-
rieur en préservant une charnière postérieure.
TECHNIQUE CHIRURGICALE1 - VOIE D’ABORD
L’incision est horizontale vestibulaire, à la limite entre muqueuse
attachée et muqueuse mobile, décalée généralement entre 3 et 5
mm en dessous du rebord de la crête édentée, et intéresse tous les
plans jusqu’à l’os. Elle doit déborder légèrement les limites prévues
du trait d’ostéotomie, avec possibilité d’incisions de décharge vesti-
bulaires (fig 1).
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2 - DÉCOLLEMENT
Un lambeau mucopériosté vestibulaire est décollé vers le bas.
Aucun décollement n’est réalisé au niveau de la gencive attachée
qui servira de porte-vaisseaux et doit être soigneusement préservée
tout au long de l’intervention (fig 2). Selon la localisation de l’inci-
sion, l’orifice mentonnier peut être situé dans la zone de décolle-
ment et dans ce cas il doit être repéré pour assurer la protection du
nerf.
3 - OSTÉOTOMIE
L’ostéotomie peut être réalisée avec une fraise très fine ou avec une
mini-scie. Cependant, il est certainement préférable d’utiliser un dispo-
sitif de piézochirurgie (fig 3) qui comporte plusieurs avantages :
- il est moins traumatisant pour les tissus mous (périoste lingual) et
est notamment susceptible de préserver le nerf alvéolaire au cas où
il se situerait à proximité immédiate du trait d’ostéotomie,
- l’intervention est moins hémorragique,
- le trait est plus fin et plus précis,
- et surtout l’utilisation d’un insert coudé permet de s’adapter par-
faitement aux contraintes anatomiques locales.
Le trait d’ostéotomie est d’abord horizontal, au moins 2mm au des-
sus du canal alvéolaire (fig 4). Sa longueur est en fonction de la
zone à greffer. Il intéresse toute l’épaisseur de la branche horizon-
tale jusqu’à la corticale interne qui est atteinte mais non dépassée.
La profondeur est contrôlée avec un doigt appliqué sur le versant
lingual, afin que la corticale soit sectionnée sans léser le périoste et
la muqueuse. En arrière, le trait se rapproche progressivement de
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fig. 2
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la crête sans toutefois l’atteindre, de façon à constituer la zone
charnière (fig 5). En avant, il est prolongé verticalement jusqu’au
rebord et marquera l’extrémité antérieure de la zone reconstruite
(fig 6). Un léger décollement de la gencive attachée est nécessaire
à ce niveau, à la fois pour la préserver (en mettant en place un
décolleur) et pour permettre la mobilisation vers le haut du frag-
ment ostéotomisé (fig 7).
4 - MOBILISATION
Un petit ostéotome droit permet de contrôler et de compléter éven-
tuellement l’ostéotomie (fig 8). Des mouvements prudents de rota-
tion permettent d’amorcer le déplacement du fragment grâce à
l’élasticité de la zone charnière postérieure qu’il convient évidem-
ment de respecter (fig 9).
5 - MISE EN PLACE DU GREFFON
Quel que soit le site de prélèvement (iliaque pour le cas iconogra-
phié), il convient de donner au greffon une forme triangulaire en
“coin” (fig 10).
Son extrémité effilée est positionnée en arrière. Il est encastré de
façon à être spontanément stable grâce à l’effet de rappel élastique
de la charnière postérieure (fig 11 et 12).
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6 - SUTURES
La fermeture doit être soigneuse, au fil résorbable ou non, entenant compte de la légère tension liée à l’augmentation duvolume osseux. Il peut être intéressant de mettre en place despoints en “U” ou type Blair Donati (fig 13).
SUITES OPERATOIRES ET SURVEILLANCE
1 - SUITES OPÉRATOIRES NORMALES
Il est habituel de constater un œdème postopératoire éventuelle-ment accompagné d’une réaction ecchymotique visible. Cessignes durent en moyenne quelques jours. Il convient bien sûr decontrôler la sensibilité labiomentonnière. L’antibioprophylaxie est prolongée au minimum pendant 48heures. En cas de douleurs ou même à titre systématique, desantalgiques de niveau I sont prescrits, associés éventuellement àdes AINS. Des bains de bouche pluriquotidiens sont nécessairesjusqu’à cicatrisation complète. Le port d’une éventuelle prothèseest évidemment proscrit jusqu’à la consolidation. Le premiercontrôle (entre le 10ème et le 15ème jour) permet de vérifier lacicatrisation muqueuse et éventuellement de procéder à l’ablationdes fils de suture. Un contrôle radiologique vers le 3ème mois per-met d’envisager la mise en place des implants.
2 - INCIDENTS ET COMPLICATIONS ÉVENTUELLES
Il est parfois inévitable de provoquer une fracture de la char-
nière postérieure. De ce fait, le greffon et surtout le fragment
ostéotomisé ne sont plus stabilisés. On revient alors à la procé-
dure classique en perdant évidemment l’effet de compression. Il
est alors nécessaire de mettre en place un système d’immobilisa-
tion à type par exemple de microplaque vissée. L’ablation du
matériel d’ostéosynthèse peut très bien être effectuée en même
temps que la mise en place des implants.
La principale complication est représentée par la non intégration
du greffon, aboutissant à une exposition de celui-ci dans la
cavité buccale. Il convient alors de retirer le fragment séquestré
(et pas forcément la totalité du greffon). Cependant, la viabilité
du fragment ostéotomisé n’est normalement pas compromise
par cette complication. Une greffe itérative peut être secondaire-
ment tentée si les conditions anatomiques consécutives à cette
complication ne permettent pas la mise en place d’implants.
3 - DÉLAI DE MISE EN PLACE DES IMPLANTS
Il est probablement préférable d’utiliser une technique en 2
temps. La tendance actuelle est de raccourcir les délais : en l’ab-
sence d’incident ou de complication, on peut envisager la mise
en place d’implants dès la fin du 3ème mois. La réalisation d’un
scanner (ou cone beam) est bien sûr intéressante pour optimiser
la longueur et le positionnement des implants.
DISCUSSION
L’atrophie alvéolaire mandibulaire postérieure constitue encore
un obstacle à la mise en place d’implants. Aucune technique ne
peut à ce jour être considérée comme réellement supérieure aux
autres dans ce domaine.
Les greffes d’apposition (“onlay grafts”) constituent parfois la
seule solution dans les cas d’atrophie extrême où la fragilité
osseuse contre indique toute autre méthode. L’avantage princi-
pal de cette technique est que le risque de lésion du nerf alvéo-
laire inférieur est minime voire nul en cas d’ostéosynthèse par
cerclage au fil d’acier. Cependant, elles sont, comme on l’a vu
plus haut, grevées d’un fort potentiel de résorption (5), pouvant
conduire à la perte totale du greffon même en l’absence de phé-
nomène infectieux. Un autre désavantage est le risque de déhis-
cence du lambeau mucopériosté si le volume de greffe est trop
important et la suture réalisée sous tension, aboutissant à l’expo-
sition du greffon et à sa perte.
La plupart des cas à traiter sont heureusement moins sévères. Le
problème est autant la position du pédicule que le manque d’os.
La technique la plus logique consiste alors à augmenter la hau-
teur d’os situé au-dessus du pédicule tout en préservant son inté-
grité. Deux procédés s’opposent, reposant tous deux sur le
concept d’ostéotomie horizontale segmentaire : la distraction
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ostéogénique et la greffe interpositionnelle.
- La distraction alvéolaire a surtout été utilisée avec succès dans le
secteur antérieur mandibulaire ou elle constitue manifestement une
technique intéressante (7). Appliquée au secteur postérieur, elle se
heurte alors à un certain nombre de difficultés :
- l’os disponible pour la fixation des platines est le plus souvent très
étroit,
- le matériel même miniaturisé reste encombrant et souvent mal
toléré par le patient, la tige de commande devant être conservée
pendant toute la durée du processus de distraction (10 à 15 jours
en moyenne),
- le vecteur de distraction est difficile à contrôler dans cette zone
d’accessibilité médiocre, souvent orienté en lingual du fait de la
morphologie de la corticale externe mandibulaire,
- le cal de distraction peut présenter un aspect en “sablier” peu
propice à la mise en place d’implants, nécessitant parfois une pro-
cédure complémentaire.
- La mise en place immédiate d’un greffon osseux au niveau du
site d’ostéotomie (technique sandwich) est en comparaison plus
facile et aboutit évidemment à un bénéfice immédiat. Selon les tra-
vaux expérimentaux de Frame chez le chien (8), un phénomène
d’angiogénèse se produit très rapidement au contact de la greffe
située dans un environnement favorable, entre deux surfaces
osseuses bien vascularisées. A 12 semaines, la greffe d’interposi-
tion est complètement incorporée dans l’os mandibulaire, étant
presque impossible à distinguer. Depuis la première description de
la technique d’interposition osseuse, de nombreux auteurs ont uti-
lisé et amélioré ce procédé chirurgical pour obtenir l’augmentation
verticale des crêtes édentées latérales mandibulaires. Des études
rétrospectives (9-11) ont démontré sa fiabilité et un fort taux de
succès des réhabilitations fixes implantoportées au niveau des sites
greffés.
Si la distraction ostéogénique est supérieure pour ce qui concerne
le gain osseux potentiel (jusqu’à 10 mm. pour la plupart des
auteurs), des complications variées ont été décrites, incluant les
infections, les déhiscences muqueuses, les troubles sensitifs et
même les fractures (12). Dans les études comparatives entre dis-
traction et utilisation de greffe autogène à visée implantaire, on ne
trouve pas de différence statistiquement significative pour le succès
des implants (13). Il y a par contre un consensus en ce qui
concerne le taux beaucoup plus élevé de complication dans la
période préimplantaire pour les sites ostéodistractés : 60% vs
14,3% selon Bianchi (14).
Classiquement, l’élévation du segment ostéotomisé se fait de façon
plus ou moins globale, s’accompagne d’une assez importante
mobilité de celui-ci et nécessite une ostéosynthèse (microplaques
vissées le plus souvent) pour stabiliser le montage et permettre la
prise de greffe, comme cela est indiqué sur les schémas :
On peut essayer de conserver une charnière interne, en soulevant
le fragment supérieur en “battant de porte”. Le gain est forcément
limité et n’est plus obtenu qu’en dehors, ce qui peut être insuffisant.
Néanmoins, il n’est pas toujours indispensable d’obtenir un gain
de hauteur dans la région la plus postérieure où il n’est pas forcé-
ment prévu de mettre en place des implants. De plus, l’épaisseur
d’os résiduel entre le trait d’ostéotomie et le pédicule alvéolaire est
insuffisant pour supporter une vis d’ostéosynthèse, obligeant à
reporter le matériel aux extrémités.
Dans la technique à charnière postérieure que nous proposons, on
obtient un gain maximum en avant (là où c’est le plus nécessaire).
Le maintien de la charnière aboutit à un effet de ressort qui permet
la mise en légère compression du greffon. Il est alors spontané-
ment stable et l’ostéosynthèse superflue.
Les implants peuvent être mis
en place en sécurité, notam-
ment à proximité de l’émer-
gence du nerf mentonnier :
Si la charnière casse, l’effet de ressort est annulé. Il est alors préfé-
rable de placer une ostéosynthèse. Compte tenu du dessin du trait
d’ostéotomie (oblique en haut et en arrière), le positionnement
d’une plaque unique (en “X” par exemple) est possible et suffisant
:
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CONCLUSION
La greffe d’interposition en “sandwich horizontal” constitue mani-
festement une des meilleures solutions pour les déficits verticaux
des secteurs postérieurs. Ses avantages sont :
- une excellente stabilité et une intégration optimisée (9),
- une résorption significativement réduite par rapport aux greffes
d’apposition (15),
- la préservation du relief initial de la crête alvéolaire,
- une bonne couverture muqueuse.
L’indication type est une résorption modérée ou sévère de la crête
mandibulaire quand la hauteur restante au-dessus du canal du
nerf alvéolaire est comprise entre 4 et 8 millimètres. Au dessus, des
possibilités implantaires existent, en dessous, la technique n’est
plus réalisable.
L’augmentation verticale de la crête peut être également néces-
saire, même si la hauteur disponible est satisfaisante, quand l’es-
pace prothétique à ce niveau est beaucoup trop important pour
pouvoir être compensé par des astuces prothétiques.
Bien évidemment, an cas d’édentement mandibulaire total, l’hypo-
thèse d’une prothèse complète implantostabilisée (avec implanta-
tion symphysaire) méritera d’être discutée.
Par rapport au procédé classique, la technique à charnière posté-
rieure est plus simple et a priori plus sûre pour ce qui concerne le
maintien de la vascularisation du segment mobilisé. Dans la plu-
part des cas, aucune immobilisation n’est nécessaire. L’effet ressort
assure une excellente coaptation entre le site receveur et le maté-
riau de comblement. Nous n’avons utilisé que l’os autogène, mais
il est bien sur envisageable d’employer des biomatériaux avec
cette technique.
ILLUSTRATION PAR UN CAS CLINIQUEIl s’agit d’une patiente de 53 ans nécessitant une réhabilitation
prothétique mandibulaire implantoportée dans les deux secteurs
postérieurs. L’orthopantomogramme (fig 14) semble montrer une
situation anatomique favorable mais le dentascanner montre un
pédicule alvéolaire haut situé avec moins de 7 millimètres de hau-
teur disponible (fig 15).
L’augmentation par la technique sandwich à charnière postérieure
a alors été réalisée (greffe iliaque) de façon bilatérale. Un nouvel
orthopantomogramme pris au 4ème mois montre un gain volu-
mique satisfaisant (fig 16) permettant la mise en place des
implants prévus (fig 17)
Travail réalisé dans le service de Chirurgie maxillo-faciale du CHU
de Toulouse (chef de service : Pr F. BOUTAULT) et ayant fait l’objet
d’un mémoire pour l’obtention du DU d’Implantologie Orale et
Maxillo-faciale de la Faculté de Médecine de Toulouse-Rangueil
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