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Université Paris I Panthéon-Sorbonne Basile RIDARD Master 2 Recherche Droit Public Comparé Européen 2008/2009 Mémoire de Master 2 Droit Public Comparé Européen L’opposition parlementaire en France et au Royaume-Uni Directeur de recherche : Monsieur le Professeur Otto PFERSMANN

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Université Paris I Panthéon-Sorbonne Basile RIDARD Master 2 Recherche Droit Public Comparé Européen 2008/2009

Mémoire de Master 2 Droit Public Comparé Européen

L’opposition parlementaire en France et au Royaume-Uni

Directeur de recherche :

Monsieur le Professeur Otto PFERSMANN

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L’Université Paris I Panthéon-Sorbonne n’entend donner aucune approbation, ni

improbation aux opinions émies dans les mémoires ; ces opinions doivent être considérées

comme propres à leurs auteurs.

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Je tiens à exprimer mes remerciements à Monsieur le Professeur Otto PFERSMANN

pour avoir accepté de diriger ce mémoire et pour l’ensemble de ses conseils éclairés.

Mes remerciements vont aussi à ma famille et mes amis pour leur soutien .

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Plan

Première Partie – Le groupe parlementaire, un organe de travail des assemblées

parlementaires

Chapitre 1 – L’encadrement juridique des groupes parlementaires

Chapitre 2 – Le cadre de fonctionnement interne et les fonctions des groupes

parlementaires

Deuxième Partie – L’opposition parlementaire, une fonction spécifique exercée par

certains groupes parlementaires

Chapitre 1 – La définition juridique du concept d’opposition parlementaire

Chapitre 2 – La constitution de l’opposition parlementaire comme organe

Troisième Partie – La compatibilité entre la reconnaissance d’organes d’assemblées

et le principe constitutionnel de liberté du mandat parlementaire

Chapitre 1 – L’interdiction du mandat impératif

Chapitre 2 – Les atteintes au principe de liberté du mandat parlementaire

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«Par définition même, la majorité suppose l’existence d’une minorité ; et par suite, le droit de la majorité suppose le droit d’une minorité à l’existence »

Hans Kelsen1

Introduction

Selon le Professeur Hans Kelsen, le parlementarisme est indissociable de l’idée de

démocratie, c’est même la seule forme qui puisse vraiment en permettre la réalisation. Par

ailleurs, le principe majoritaire ne consiste pas à ce que la majorité en nombre puisse dominer

sans effort la minorité. La célèbre formule du député socialiste André Laignel en 1981

« Taisez-vous ! Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement

minoritaires » semble par exemple quelque peu contradictoire avec la conception du

Professeur Kelsen. Au contraire, en vertu du principe majoritaire, majorité et minorité doivent

en effet pouvoir échanger mutuellement dans le cadre d’une démarche de compromis.

La formule précitée du Professeur Kelsen illustre d’ailleurs parfaitement cette

interdépendance entre majorité et minorité, cette dernière étant plus précisément matérialisée

au sein du Parlement par ce qu’on appelle « l’opposition parlementaire ». Le concept

d’opposition parlementaire est donc inhérent au concept de majorité parlementaire. Mais la

reconnaissance juridique de l’opposition parlementaire, fondement incontournable du

parlementarisme et de l’idée de démocratie, ne va pas de soi. La reconnaissance

constitutionnelle de l’opposition parlementaire est le résultat d’une évolution pluriséculaire au

Royaume-Uni, tandis qu’en France, elle ne bénéficie pas à l’origine d’une intégration

normative dans la Constitution de 1958. Ce n’est que cinquante ans plus tard que la notion

d’opposition parlementaire sera intégrée à la norme fondamentale à l’occasion de la réforme

constitutionnelle du 23 juillet 2008.

S’intéresser à la question de l’opposition parlementaire en France et au Royaume-Uni

conduit à aborder le thème des groupes parlementaires, structure indispensable et condition

même de l’existence de l’opposition parlementaire. Nous appellerons « groupe

parlementaire » un organe de travail parlementaire réunissant certains élus d’une assemblée

ayant en commun des opinions politiques semblables. Les groupes s’inscrivent dans

l’organisation du travail parlementaire et ont vocation à exercer les compétences qui leur sont 1 Hans KELSEN, La démocratie. Sa nature – Sa valeur, 2ème Edition, 2004, Dalloz, p. 63.

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juridiquement attribuées au sein d’un cadre unique, le Parlement. Nous définissons

juridiquement ce dernier comme un « complexe de compétences », plus précisément encore

comme un « organe collégial, désigné de manière principalement démocratique, à caractère

représentatif, associé à la production de normes générales et abstraites (lois formelles) et

habilité à contrôler certains autres organes »2. Avant même d’aller plus loin dans notre

réflexion, il convient d’emblée de déterminer ce que recouvre à notre sens les termes de

groupe et surtout d’opposition parlementaire, même si ces définitions seront développées de

façon plus complète au cours de développements ultérieurs.

A titre liminaire, il s’agit de remarquer que l’expression française correspondante de

« groupe parlementaire » est en anglais le « parliamentary party », souvent désigné par le

simple terme « party ». Le droit parlementaire britannique utilise de préférence le terme de

« party » pour désigner le parti au sein et en dehors du Parlement, ignorant la notion sans

doute plus formelle de groupe parlementaire.3 En somme, le « groupe parlementaire» à la

française et le « parliamentary party » à l’anglaise sont à considérer dans une approche

générale comme des noms différents qui cachent des réalités sinon identiques, du moins très

proches.

Outre les difficultés linguistiques ou liées à la traduction, c’est la définition-même du

groupe parlementaire qui doit être ici stipulée. Le groupe parlementaire peut se décrire tout

simplement comme le prolongement d’un parti politique au sein des assemblées, « la

transposition des partis dans l’univers parlementaire ».4 Ainsi, « de la même façon que les

partis politiques concourent à l’expression du suffrage à l’échelle nationale, les groupes

parlementaires facilitent l’expression des représentants de la Nation au Parlement. »5

Néanmoins, cette définition semble trop partielle et imagée pour rendre compte d’une

définition juridique claire du groupe parlementaire. Dans la mesure où il représente une

certaine structure pour la plupart des élus parlementaires, le groupe parlementaire est donc un

élément-clef du modèle de parlementarisme rationalisé6, en ce que « les fonctions du

2 Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Guy SCOFFONI, Otto PFERSMANN, André ROUX, Droit Constitutionnel, 11e Edition, Dalloz, Paris, 2008, p. 693. 3 Sylvie GIULJ, Le statut de l’opposition en Europe, la Documentation française, Paris, 1980, p. 49. 4 Philippe ARDANT et Bertrand MATHIEU, Institutions politiques et droit constitutionnel, 20ème Edition, LGDJ, Paris, 2008, p. 545. 5 Charles VARLET, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires, aujourd’hui, Mémoire de Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005-2006, p. 11. 6 Le concept de parlementarisme rationalisé a été développé au milieu des années 1950 par le constitutionnaliste Boris Mirkine-Guetzevitch pour décrire les constitutions connaissant une codification juridique des rapports

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Parlement se trouvent soumises à des règles strictement codifiées destinées à assurer la

stabilité et l’autorité du Gouvernement. »7 La définition de cet élément-clef du

parlementarisme rationalisé n’est pas chose aisée. Selon la définition classique apportée par le

Professeur Waline, le groupe parlementaire est « la réunion, au sein d’une assemblée

parlementaire et selon les règles établies par le règlement de celle-ci, d’un certain nombre

d’élus qui, ayant en commun un certain idéal politique, envisagent de donner des solutions

très voisines aux différents problèmes politiques du moment ».8 Ainsi, les groupes

parlementaires peuvent être définis comme des organes de travail des assemblées

parlementaires réunissant des élus parlementaires qui ont accepté de se regrouper au sein

d’une même structure en raison d’orientations politiques similaires et qui participent à leur

fonctionnement dans le cadre du parlementarisme rationalisé.

La définition du concept d’opposition parlementaire, entendue donc comme une

opposition présente au sein du Parlement, n’est pas des plus aisée. Le Professeur Pimentel

évoque même une « insaisissable opposition [dont la] nature est tout aussi difficile à cerner

que sa fonction, que l’on peine à décrire. »9 Le Professeur Debbasch comprend l’opposition

comme « un groupement organisé d’hommes partageant un certain nombre de vues critiques

sur les gouvernements »10, tandis que ce terme renvoie, dans le Dictionnaire constitutionnel,

aux « partis ou groupements politiques qui sont en désaccord avec le gouvernement ou le

régime politique »11. Mais ces définitions paraissent en réalité plus politiques que juridiques.

De manière générale, l’opposition est à entendre avant tout comme une certaine fonction ou

un ensemble de droits reconnus à un ou plusieurs groupes parlementaires au sein d’une

certaine assemblée. A mon sens, l’opposition parlementaire en tant que concept doit surtout

être envisagée comme un groupe politique qui n’appartient pas au groupe majoritaire et s’est

déclaré comme appartenant à l’opposition parlementaire, ce qui correspond en réalité à

l’acception actuelle du règlement de l’Assemblée nationale. Tandis qu’au Royaume-Uni,

l’opposition parlementaire officielle, Her Majesty's Loyal Opposition, est représentée par le

groupe le plus important numériquement après le groupe parlementaire majoritaire.

politiques de leur régime parlementaire. Cette expression est aujourd’hui employée plus largement pour définir les régimes parlementaires organisés afin de parer à une instabilité gouvernementale récurrente et de rendre possible un fonctionnement stable des institutions. 7 Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Guy SCOFFONI, Otto PFERSMANN, André ROUX, Droit Constitutionnel, 11e Edition, Dalloz, Paris, 2008, p. 691. 8 Jean WALINE, « Les groupes parlementaires en France », Revue de Droit Public, n°6, 1961, p. 1170. 9 Carlos-Miguel PIMENTEL, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, p. 45. 10 Charles DEBBASCH, Droit constitutionnel et institutions politiques, 4ème Edition, Economica, Paris, 2001. 11 Yves MENY et Olivier DUHAMEL, Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 677.

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La suite de notre introduction va notamment permettre de nous intéresser de plus près

à la nature même de la discipline dans laquelle s’inscrit le thème de notre mémoire, le droit

parlementaire, jugé par certains comme une discipline à la croisée des chemins entre la

science politique et le droit.12 De même, l’opposition parlementaire est parfois considérée

comme « une réalité insaisissable, quelque part entre droit et politique ».13 Tout en respectant

le principe de charité, le présent mémoire va modestement tenter de montrer qu’au contraire,

l’étude d’un thème de droit parlementaire peut tout à fait être traité dans le cadre d’une

analyse juridique s’intéressant exclusivement à l’examen des différentes dispositions

normatives et à leur application. La matière du droit parlementaire amène à se poser des

questions générales d’ordre méthodologique, tenant à la nature des sources et au statut

normatif des objets de notre étude. Il sera prêté une attention particulière à certaines

différences fondamentales qui caractérisent les systèmes constitutionnels français et

britanniques, en particulier ce que le Professeur Dicey a le premier nommé les « conventions

constitutionnelles ». Ces profondes différences sur la nature des sources de droit entre les

systèmes constitutionnels français et britannique, apportent à la fois des difficultés mais aussi

un intérêt supplémentaire à la comparaison.

Il est donc primordial de pouvoir cerner distinctement le cadre d’étude de notre thème

de mémoire, qui concerne avant tout le droit parlementaire. Cette discipline juridique à part

entière se définit de manière tautologique comme le droit qui intéresse les assemblées

politiques délibérantes, le plus couramment donc, le Parlement. Plus précisément, le droit

parlementaire est d’abord à comprendre à travers le domaine qu’il régit, il est le droit qui

traite de « l’ensemble des règles applicables aux assemblées ». Par ailleurs, le droit

parlementaire est à comprendre également stricto sensu comme « le droit spécial des

assemblées »,14 à distinguer du cadre général fixé par la Constitution.

Le droit parlementaire est composé d’un ensemble hiérarchisé de règles qui, en

France, sont contrôlées par le Conseil constitutionnel. Le règlement intérieur des assemblées

12 « Par son caractère hybride fait à la fois de contraintes juridiques et de forces politiques, le droit parlementaire exige de situer son analyse au carrefour de deux disciplines, la science politique et le droit : la première ne voit dans le droit qu’un élément parmi d’autres des forces en présence alors que la seconde s’en tient à l’examen des règles juridiques et à leur application, privilégiant une analyse normative » Julie BENETTI, Jean Gicquel (dir.), Droit parlementaire et fait majoritaire à l’Assemblée nationale sous la Vème République, Thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 30. 13 Carlos-Miguel PIMENTEL, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, p. 45. 14 Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Droit parlementaire, 3ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 3.

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est considéré comme « le noyau dur du droit parlementaire »,15 sa « source privilégiée »16, en

ce que son objet vise justement à l’organisation du fonctionnement et des procédures internes

de celles-ci. Monsieur Urvoas a pu rappeler à l’occasion du vote du nouveau règlement de

l’Assemblée nationale fin mai 2009, que ce dernier est « un élément essentiel de notre vie

parlementaire », qui en permet une organisation précise et est ainsi « la charte acceptée par

tous et qui fonde l’unité collective. »17 Cette réglementation interne doit évidemment être

conforme à la Constitution. Ainsi, le Conseil constitutionnel examine systématiquement la

constitutionnalité de toutes les résolutions tendant à réformer le règlement des assemblées, en

vertu de l’article 61 alinéa 1er de la Constitution. Le Règlement de l’Assemblée nationale, à

jour de la révision constitutionnelle, a d’ailleurs été contrôlé très récemment.18 Cet examen de

conformité du Règlement à la Constitution est, selon le Professeur Ardant, « un témoignage

supplémentaire de la disparition de la souveraineté parlementaire patiemment édifiée par les

Assemblées de la IIIème et IVème République ».19

La Constitution est une autre source importante du droit parlementaire. Elle ne se

contente pas d’énumérer les pouvoirs du Parlement, mais fournit également certaines

précisions comme par exemple le nombre de commissions parlementaires, les conditions de

mise en cause de la responsabilité gouvernementale ou encore l’exercice du droit

d’amendement. La Constitution précise également qu’un certain nombre de modalités

concernant des aspects procéduraux et organisationnels internes au Parlement doivent être

explicitées à travers des dispositions organiques ou encore législatives. Enfin, le droit

parlementaire doit également connaître « des décisions prises par les organes [des assemblées]

pour l’application des dispositions de leur règlement […], que l’on désigne sous le terme

générique de précédents ».20

Une particularité du droit parlementaire est donc celle de la diversité de ses sources et

pose ainsi la question de leur valeur normative. Les règles du droit parlementaire peuvent

15 Philippe ARDANT et Bertrand MATHIEU, Institutions politiques et droit constitutionnel, 20ème Edition, LGDJ, Paris, 2008, p. 543. 16 Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Droit parlementaire, 3ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 4. 17 Jean-Jacques URVOAS, intervention à l’Assemblée nationale à l’occasion du vote solennel du Règlement modifié de l’Assemblée nationale, 27 mai 2009. 18 Le Conseil constitutionnel a en effet eu l’occasion d’exercer son contrôle de constitutionnalité sur la résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale du 27 mai 2009 dans une décision n°2009-581 DC du 25 juin 2009. 19 Philippe ARDANT et Bertrand MATHIEU, Institutions politiques et droit constitutionnel, 20ème Edition, LGDJ, Paris, 2008, p. 544. 20 Julie BENETTI, Jean Gicquel (dir.), Droit parlementaire et fait majoritaire à l’Assemblée nationale sous la Vème République, Thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005.

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ainsi provenir de normes écrites, comme la Constitution, les lois et les règlements

parlementaires, mais aussi de « pratiques » non écrites développées de manière autonome au

sein des assemblées. Ces pratiques doivent donc clairement être distinguées des normes

juridiques qui régissent le fonctionnement des assemblées, puisqu’elles n’ont aucune valeur

normative et ne sont pas juridiquement contraignantes. Néanmoins, et malgré une approche

qui se veut strictement juridique, il ne paraît pas envisageable de les exclure du champ de

notre analyse, du fait de l’importance qu’elles semblent revêtir dans la vie des assemblées et

pour le droit parlementaire.

En effet, ces pratiques, qui restent le plus souvent à la marge dans le système

parlementaire français, occupent une place autrement plus grande dans le système britannique.

De manière générale, le Royaume-Uni est l’un des rares pays au monde, avec la Nouvelle-

Zélande et Israël, à ne pas être encore doté d’un véritable texte constitutionnel écrit. Il n’existe

pas de Constitution au sens formel, de document unique qui, à lui seul, puisse fournir le cadre

général, les règles de partage des compétences et de fonctionnement des différents organes

institutionnels. L’organisation du pouvoir politique est régi par certaines règles éparses et de

nature juridique différente qui, ensemble, forment la Constitution matérielle. Elles sont

affirmées pour certaines dans des textes fondateurs, piliers de la Constitution, comme le Bill

of Rights de 1689, ou dans certaines lois ordinaires pour d’autres. Mais le plus souvent, ces

règles constitutionnelles ne résultent que de la coutume, « règle non écrite résultant de

précédents concordants respectée par les pouvoirs publics d’un Etat [comme en Grande-

Bretagne, et qui] plus généralement se présente comme un complément à la constitution écrite

qu’elle vient interpréter, compléter ou, exceptionnellement, modifier. »21 Le système

constitutionnel britannique est donc tout à fait particulier, dans la mesure où les règles

coutumières sont prépondérantes, en particulier dans l’organisation et le fonctionnement du

Parlement.

Dans un Etat comme la France, doté d’une Constitution rigide, il ne semble pas y avoir

de place, d’un point de vue strictement juridique, pour des coutumes constitutionnelles ou

parlementaires. Au Royaume-Uni au contraire, en raison du caractère souple de sa

Constitution, qui peut être révisée par une simple loi adoptée par le Parlement, la coutume de

nature constitutionnelle et parlementaire est un élément incontournable à prendre en compte.

21 Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 16e Edition, Paris, 2007.

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Elle a notamment permis de « cimenter » à travers les siècles l’essentiel des règles

d’organisation et de fonctionnement des organes institutionnels. Les pratiques parlementaires,

à leur niveau, constituent également un ressort important, qui fonde la plupart des règles de

fonctionnement et de procédure du Parlement. Chaque Assemblée dispose de la maîtrise de

son règlement intérieur ou Standing Orders, qui reprend et codifie d’ailleurs certaines de ces

pratiques parlementaires séculaires. Mais nombre d’aspects fonctionnels et procéduraux du

Parlement restent organisés par des normes non-écrites et coutumières, qui sans avoir

juridiquement une valeur obligatoire, restent néanmoins les seules règles existantes en la

matière.

En droit constitutionnel britannique, ces règles coutumières sont désignées le plus

souvent à travers ce qui est donc généralement appelé les « conventions de la Constitution »,

concept développé à l’origine par le Professeur Dicey de l’Université d’Oxford. Ce dernier les

définit comme des règles non écrites qui organisent « la façon dont les pouvoirs

discrétionnaires de la Couronne (ou des ministres en tant que serviteurs de la Couronne)

doivent être exercés ».22 De manière plus précise, les conventions de la Constitution désignent

l’ensemble des pratiques concernant le fonctionnement des institutions, établies

indépendamment des textes constitutionnels approuvés par l’ensemble des « acteurs » du

système institutionnel. Au Royaume-Uni, ces règles, apparues dès le XVIIème siècle, même si

elles ne sont pas reconnues par Dicey comme des règles à valeur normative, sont considérées

comme dotées d’un caractère obligatoire, puisqu’elles sont constamment suivies et supportent

l’essentiel du système parlementaire britannique.

Mais la prise en compte de ces pratiques parlementaires pose un certain nombre de

problèmes dans le cadre d’une analyse purement juridique, en raison notamment de leur

nature-même. Le problème des conventions constitutionnelles est donc que leur forme-même

ne semble pas permettre une interprétation juridique valide et pertinente. Il va donc s’agir ici

de revenir sur la valeur en droit de ces pratiques et d’en expliciter notre acception, afin de voir

si elles doivent néanmoins être prise en compte dans la suite de nos développements. Le

Professeur Avril constate que « si elles sont effectives, ces normes ne sont pas juridiquement

valides »23. Ces normes non écrites se distingueraient donc des simples coutumes et seraient à

22 Albert DICEY, « Introduction to the Study of the Law of the Constitution », 10e edition, 1959. 23 Pierre AVRIL, Les conventions de la Constitution. Normes non écrites du droit politique, Presses Universitaires de France, 1997, p. 146.

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identifier comme des conventions de la Constitution, telles que définies par le Professeur

Dicey au Royaume-Uni, et repris par le Professeur Avril en France. Ce dernier les décrit

comme des règles non écrites qui ont pour objet de préciser la façon dont les pouvoirs

juridiques attribués par la Constitution se doivent d’être mis en œuvre. Les conventions de la

Constitution représentent donc d’une certaine manière une « interprétation politique » de la

Constitution, opérée directement par les acteurs de la vie politique. Mais le problème de leur

validité normative reste entier en France, puisque ces pratiques ou conventions ne restent que

de simples interprétations. Aucune compétence juridique n’est en effet attribuée aux élus

parlementaires pour interpréter la Constitution afin de permettre l’instauration de nouvelles

pratiques au sein de son assemblée. Les députés ne devraient donc pas s’écarter de la lettre de

la Constitution mais au contraire s’y tenir, que les nouvelles conventions établies soient

simplement interprétatives ou créatrices de droit. Ainsi, quand le Professeur Avril qualifie les

conventions de « pratiques effectives, respectées, dont l’énoncé formel risquerait d’entrer en

conflit avec la hiérarchie des normes » et ajoute que « si on tentait de les inscrire dans le

règlement, elles s’exposeraient éventuellement à la censure du Conseil constitutionnel parce

qu’elles affectent […] les prérogatives du gouvernement », il démontre quelque part, sans le

vouloir, une certaine inadéquation avec le cadre constitutionnel français et un non-respect du

système établi de hiérarchie des normes.

Le fondement juridique de ces pratiques semble donc extrêmement difficile à

déterminer. L’absence de légitimité juridique des conventions parlementaires, en ce qu’elles

ne tirent pas leur source de manière directe ou indirecte de la Constitution, aboutit à les

considérer comme de simples pratiques en marge du droit constitutionnel. De plus, la

Constitution française n’envisage aucune prise en compte normative de la coutume ou encore

des pratiques parlementaires. Le Conseil constitutionnel ne les a pas non plus consacrées dans

sa jurisprudence, à l’exception d’une décision du 15 janvier 196024, où il évoque simplement

la « coutume parlementaire ».

Par ailleurs, la répétition de pratiques dans le temps n’emporte pas d’effet sur une

valeur obligatoire, puisque cela ne fait que refléter une pratique durablement établie, qui n’en

reste pas moins dépourvue de valeur normative et de force contraignante.

24 Conseil Constitutionnel, décision n°59-5 DC du 15 janvier 1960 sur la résolution modifiant les articles 95 et 96 du Règlement de l’Assemblée nationale.

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Néanmoins, la situation du système constitutionnel britannique, très différente de celle

de la France, se doit d’être reconsidérée quant à la valeur juridique de ces conventions. Même

si elle semble une source constitutionnelle originale et même étonnante à devoir prendre en

compte pour des Français, les conventions de la Constitution ne restent pas moins une source

constitutionnelle incontournable au Royaume-Uni, à l’origine notamment de la Chambre des

Lords comme de la Chambre des Communes, et surtout du « statut » de l’opposition. Ces

organes essentiels ne reposent ainsi que sur de telles conventions et n’ont pas de base

législative, même une analyse juridique ne peut donc s’affranchir de la prise en compte de

certaines de ces conventions. Le problème, puisque ce ne sont pas des normes adoptées par

des organes compétents et dans le cadre d’une procédure précise, est que ces conventions

peuvent être sujet à des modifications subites. Il est d’ailleurs parfois difficile d’opérer la

différence entre usage et convention, de savoir à partir de quel moment une pratique répétée

doit être considérée comme une convention de la Constitution et si elle doit être intégrée au

corpus des règles constitutionnelles ou parlementaires. Ce caractère d’indéterminabilité est

étranger à l’acception juridique classique, qui veut qu’une norme, dans un ensemble juridique

donné, soit valide ou non valide. L’absence de caractère contraignant, en particulier pour de

telles règles, non écrites et par conséquent non exprimées de manière définitive, est toujours

susceptible d’entraîner de vives remises en cause de leur sens et de leur effectivité. Malgré un

caractère d’indétermination, les conventions de la Constitution au Royaume-Uni doivent donc

être envisagées dans notre étude sur l’opposition parlementaire, à défaut de l’existence

systématique de dispositions normatives écrites et clairement déterminées.

Avant de poursuivre notre réflexion sur l’opposition parlementaire, il convient de

déterminer plus précisément notre champ d’étude et de le limiter à la Chambre des

Communes et à l’Assemblée nationale. A notre sens, il a en effet été estimé plus judicieux

d’écarter de l’analyse les Chambres hautes française et britannique, qui réservent une place

très particulière aux groupes parlementaires et à l’opposition. En effet, ces assemblées sont

très peu politisées et ne connaissent pas toujours de divisions fondamentales entre les groupes,

ce qui rendrait alors une analyse sur l’opposition parlementaire quelque peu superfétatoire. De

plus, certaines règles d’organisation interne des assemblées supérieures française et

britannique diffèrent trop,25 à notre sens, pour rendre compte d’une analyse comparative

pertinente.

25 En ce qui concerne par exemple le mode de nomination ou d’élection de leurs membres respectifs.

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Dès l’origine, la France et le Royaume-Uni vont accorder une place totalement

différente à l’opposition parlementaire, en raison notamment de traditions juridiques

développées par les idées de certains grands théoriciens. Au temps des premières

Constitutions républicaines en France, les théories rousseauistes de souveraineté populaire

n’admettent pas de place à l’opposition, dans la mesure où la volonté générale exprimée ne

peut se voir limitée, puisque la Nation toute entière est censée s’y conformer par son adhésion

au « contrat social ». Avec de tels fondements idéologiques, l’opposition en tant qu’institution

avait très peu de chances de se trouver consacrée à travers une reconnaissance juridique. Le

ou les partis autres que la majorité parlementaire n’avaient dès lors pas le droit de cité face à

la volonté générale exprimée par la majorité du peuple. De plus, depuis la fin du XVIIIème

siècle, la France a connu de nombreux bouleversements constitutionnels et cette versatilité n’a

jamais vraiment permis de laisser la place ni à une « institutionnalisation », ni à une

constitutionnalisation de l’opposition parlementaire. Le scrutin législatif de la IVème

République fondé sur la représentation proportionnelle n’a pas non plus facilité l’émergence

d’une opposition institutionnalisée mais au contraire plutôt désorganisée et éparse. Dans le

cadre de l’instauration de la Vème République et conformément aux déclarations du général de

Gaulle sur la « dégradation de l’état », dénonçant le « régime des partis », l’intégration

normative des partis politiques se trouve limitée dans la Constitution de 1958. Ils ne sont

mentionnés que dans l’article 4 de la Constitution, qui les restreint à une fonction de concours

« à l’expression du suffrage » dans le respect des « principes de la souveraineté nationale et de

la démocratie ». Envisager une consécration constitutionnelle directe des groupes

parlementaires, et plus encore de l’opposition parlementaire, reste dans ces conditions une

véritable gageure. Après un demi-siècle, la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008

permet des changements en profondeur au sujet de l’opposition parlementaire, puisque cette

dernière, ainsi que les groupes parlementaires, se voient intégrés dans le nouvel article 51-1

de la Constitution qui laisse le soin aux règlements intérieurs des assemblées d’établir plus

précisément leurs droits respectifs,26 le règlement de l’Assemblée nationale a d’ailleurs

récemment été modifié en conséquence.27

26 « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires » Constitution française du 4 octobre 1958, nouvel article 51-1. Article ajouté par la deuxième loi constitutionnelle de 2008 et entré en vigueur le 1er mars 2009. 27 Le nouveau règlement de l’Assemblée nationale a été adopté par une résolution du 27 mai 2009 et examiné par le Conseil constitutionnel le 25 juin 2009.

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En 2004, le Professeur Ponthoreau indiquait à propos de l’opposition parlementaire en

France que « la différence avec la Grande-Bretagne est profonde ». En effet, la place accordée

à l’opposition parlementaire au cœur du système institutionnel d’outre-manche y est

autrement plus importante, dans la mesure où la « confrontation entre les forces politiques en

présence n’a jamais brisé le cadre de l’unité nationale et sociale, l’opposition acceptant de

jouer loyalement son rôle critique à l’encontre du gouvernement, c’est à dire sans contester

les fondements du régime. »28

Le Royaume-Uni s’est ainsi forgé une tradition constitutionnelle forte depuis plusieurs

siècles, qui a déterminé de façon importante une certaine « institutionnalisation » de

l’opposition parlementaire, sous l’influence notamment de Locke et Montesquieu. Ce dernier

estimait que dans un corps politique, « toutes les parties, quelqu’opposées qu’elles nous

paraissent, concourent au bien général de la société, comme des dissonances, dans la musique,

concourent à l’accord total ».29 De telles bases idéologiques ne pouvaient qu’affirmer la place

de l’opposition dans le système britannique, renforcé par une logique partisane souvent

binaire. L’organisation dès l’origine des bancs face-à-face au sein des assemblées, avec le

parti de la majorité gouvernementale d’un côté, l’ensemble des membres de l’opposition de

l’autre, en est peut-être l’illustration la plus évidente. Ce système de bipolarisation et de

construction du concept de l’opposition comme alternative susceptible d’être appelée à

gouverner dès le lendemain est également encouragé par le système de vote majoritaire à un

seul tour encourageant le vote dit « utile ». Pendant longtemps, les deux partis principaux

étaient les Whigs et les Tories, ancêtres du Parti Conservateur et du Parti Libéral, puis vers le

début du XXème siècle, le Parti Conservateur et le Parti Travailliste leur ont succédé.

Actuellement et plus particulièrement depuis les élections de 1974, ce système qualifié par le

terme de « bipartisme », au delà de la confusion sémantique qu’il présente30, ne vaut plus. Le

Parti Libéral parlementaire a progressivement gagné en importance numérique au sein du

Parlement, ce qui a d’ailleurs entraîné une intégration normative dans le règlement de la

Chambre des Communes du « second largest opposition party ». Mais les autres groupes

28 Marie Claire PONTHOREAU, « Les droits de l’opposition en France, penser une opposition présidentielle », Pouvoirs, n° 108, 2004, p.101. 29 « Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence » in « Œuvres complètes », réédition Edition Nagel, 1950, volume, tome III, pp. 414-415, in « Le statut de l’opposition sous la Vème République », François Charles BOUSQUET, Jean Gicquel (dir.), Le statut de l’opposition sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005. 30 Il existe davantage que deux grands groupes politiques au sein du Parlement britannique. Actuellement, à la Chambre des Communes, le groupe travailliste réunit 350 députés, le groupe conservateur 193, le groupe libéral 63, les groupes régionaux du Democratic Unionist Party 9 et du Scottish National Party 7 députés.

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politiques, le reste de l’opposition parlementaire « minoritaire », restent privés de toute

reconnaissance juridique.

La question de l’analyse de l’objet juridique « opposition parlementaire » est souvent

soit abandonnée à la science politique, soit reléguée « aux confins du droit constitutionnel »,

en raison du peu d’intérêt manifesté jusqu’alors par la doctrine.31 La quantité de travaux

juridiques consacrés à cette question est longtemps resté faible. La recherche sur la question

de l’opposition parlementaire en France n’est apparue véritablement que dans les années

1970, notamment avec la parution du premier numéro de la revue Pouvoirs en 1977, consacré

au thème de l’alternance et indirectement aussi à l’opposition parlementaire. Cet intérêt

croissant pour le sujet a accompagné le retour sur le devant de la scène doctrinale de la

discipline du droit parlementaire, en particulier avec la publication du manuel de droit

parlementaire des Professeurs Avril et Gicquel, de même que la réédition en 1989 du Traité

d’Eugène Pierre.32 Mais ce manque d’attrait de la communauté scientifique pour ce thème ne

signifie pas non plus « que l’opposition n’est pas perçue comme un élément physiologique de

l’ordre constitutionnel ».33 A l’inverse, le nombre d’études juridiques portant sur la majorité

est particulièrement important, ce qui démontre « la préoccupation de la Vème République

[…] d’asseoir le droit de la majorité ».34 Les chercheurs ont donc le plus souvent focalisé leur

attention sur l’objet juridique « majorité », au détriment de son pendant conceptuel pourtant

indispensable, l’objet « minorité », et plus précisément dans le cadre de notre étude,

l’opposition parlementaire. La situation a néanmoins évolué et ce depuis peu, avec l’édition

en 2002 du numéro 108 de la revue Pouvoirs consacré cette fois à « l’opposition », dans

laquelle est d’ailleurs relevé « un certain déficit doctrinal autour de la question de

l’opposition, assez rarement abordée en tant que telle ».35 La thèse de doctorat de François-

Charles Bousquet soutenue en 2005 sur « le statut de l’opposition sous la cinquième

République »36, ou encore le très récent article du Professeur Vidal-Naquet sur

« l’institutionnalisation de l’opposition »37 manifestent un certain regain d’intérêt au sujet de

31 Pascal JAN, « Les oppositions », Pouvoirs, n°108, 2004, p. 23. 32 Pierre AVRIL et Jean GICQUEL Droit parlementaire, 1ère Edition, Montchrestien, Paris, 1989 et Eugène PIERRE, Traité de Droit politique, électoral et parlementaire, Réédition Loysel, Paris, 1989. 33 Marie-Claire PONTHOREAU, « L’opposition comme garantie constitutionnelle », Revue du Droit Public, n°4, 2002, p. 1131. 34 ibid., p. 1131. 35 Carlos-Miguel PIMENTEL, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, p. 45. 36 François-Charles BOUSQUET, Jean Gicquel (dir.), Le statut de l’opposition sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005. 37 Ariane VIDAL-NAQUET, « L’institutionnalisation de l’opposition. Quel statut pour quelle opposition ? », Revue française de Droit constitutionnel, n°77, 2009, pp. 153 à 173.

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l’opposition parlementaire. Cet intérêt de la doctrine juridique française à son endroit devrait

se faire croissant, compte-tenu des récentes évolutions normatives qui se sont produites pour

l’opposition parlementaire, tour à tour à travers la révision en 2008 de la Constitution

française et en 2009 du règlement de l’Assemblée nationale.

Aborder les thèmes de groupe et d’opposition parlementaire n’est donc pas nouveau,

puisque des études ont donc déjà été consacrées à ce thème. Dès lors, la question de la raison

scientifique de ce mémoire peut être posée. En d’autres termes, quel but est-il visé à travers ce

travail et que souhaitons nous ici apporter de nouveau à la connaissance scientifique ? Les

intérêts sont nombreux et sont autant d’objectifs que nous souhaitons poursuivre dans les

développements de ce mémoire.

Tout d’abord, le cadre d’analyse se veut restreint mais également précis. Il ne sera

prêté ici intérêt qu’à l’opposition parlementaire au sens strict, alors que beaucoup d’auteurs

traitent plus généralement des différentes formes d’oppositions, situées à la fois à l’intérieur,

mais aussi en dehors du Parlement38 ou peuvent entendre par opposition celle du Parlement

vis-à-vis du Gouvernement.39 Notre étude a pour objectif de rester également à vocation

strictement juridique, alors que beaucoup d’analyses issues pourtant de la doctrine juridique

envisagent la question de l’opposition en relation avec des problématiques faisant plus appel à

la science et à la sociologie politique. Un exemple nous en est donné notamment avec l’article

du Professeur Jan dans la revue Pouvoirs, qui introduit son analyse par une « approche

interdisciplinaire » de l’opposition et ajoute que la science politique [et] la sociologie sont aux

premières lignes des disciplines qui ont mené des investigations sur le sujet ».40 Au Royaume-

Uni, le sujet de l’opposition parlementaire, ainsi que la question des groupes et des partis

politiques est essentiellement traité par des professeurs de science politique avec une

approche qui l’est tout autant. L’acception du droit parlementaire en tant que tel semble être

donc encore plus réduite et la discipline paraît moins facilement investie par la doctrine

juridique qu’en France. L’opposition parlementaire au Royaume-Uni se fonde pour l’essentiel

sur un certain nombre de pratiques parlementaires coutumières ou de conventions de la

Constitution, et peut-être que la difficulté de la « cerner » juridiquement en fait moins souvent

un sujet de prédilection pour les juristes, qui abandonnent ces analyses aux professeurs de 38 Marie-Claire PONTHOREAU, « Les droits de l’opposition en France, penser une opposition présidentielle », Pouvoirs, n° 108, 2004, p.101 à 114, Pascal JAN, « Les oppositions », Pouvoirs, n°108, 2004, pp. 23 à 43. 39 Carlos-Miguel PIMENTEL, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, p. 45 à 61. 40 Pascal JAN, « Les oppositions », Pouvoirs, n°108, 2004, pp. 24 et 26.

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science politique. Dans notre mémoire, nous nous en tiendrons donc à l’analyse exclusive des

normes juridiques qui intéressent les compétences des groupes parlementaires et de

l’opposition parlementaire. Une étude de droit parlementaire stricto sensu a en effet pour

objectif de se concentrer d’abord sur l’examen des normes générales et abstraites qui

définissent juridiquement un organe parlementaire au sein d’un système juridique donné,

ensuite sur les normes inférieures qui en détaillent l’application, non de se focaliser sur des

questions de dynamiques de pouvoirs et autres phénomènes épisodiques qui intéressent le

domaine de la science politique.

Ensuite, l’intérêt de l’étude réside également dans la tentative d’une définition la plus

précise et la plus complète possible de l’opposition parlementaire. A ces fins, l’approche

comparatiste de notre étude va tenter d’en dégager une définition plus aboutie, dans la mesure

où la comparaison entre différents systèmes juridiques permet d’apporter des éléments

théoriques d’analyse et de définir plus précisément certains concepts. Jusqu’alors, la question

de la définition de l’opposition parlementaire s’est souvent résumée à simplement dresser la

liste de ses fonctions, « énumération de pouvoirs qui […] n’en épuise que partiellement le

sens ».41 De plus, l’étude de ces notions de groupe parlementaire et d’opposition

parlementaire au sein de deux pays aux traditions juridiques fort différentes nous a semblé

particulièrement intéressant. Le champ de la comparaison s’attache en effet ici à la fois à un

système juridique de droit civil, de tradition romano-germanique, et à un système de Common

Law, où les règles coutumières sont nombreuses, en particulier en ce qui concerne le

fonctionnement du Parlement. L’intérêt est certain de réaliser une telle étude qui permette de

mettre en rapport le système juridique français de droit continental avec le système

parlementaire britannique, « modèle » parlementaire par excellence, souvent d’ailleurs

dénommé Mother of Parliament en raison de sa très longue expérience parlementaire.

Enfin, notre recherche semble bien s’inscrire dans une démarche nouvelle, dans la

mesure où elle permet en quelque sorte de mettre en perspective les concepts d’opposition et

de groupes parlementaires. Jusqu’alors, ces deux concepts étaient perçus comme deux

ensembles sans trop de rapport, plusieurs travaux étant exclusivement consacrés soit aux

groupes parlementaires,42 soit à l’opposition parlementaire.43 A notre connaissance, elles

41 Carlos-Miguel PIMENTEL, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, p. 45. 42 Jean WALINE, « Les groupes parlementaires en France », Revue de Droit Public, n°6, 1961, p. 1170-1237 ; Ludovic FONDRAZ, Jean Gicquel (dir.), Les groupes parlementaires au Sénat sous la Vème République, Thèse

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n’avaient jusqu’alors jamais été envisagés dans une analyse juridique conjointe. Notre étude

tente donc de se démarquer pour aborder ces deux concepts sous un autre angle d’approche.

Le groupe parlementaire peut être considéré comme le support juridique essentiel de

l’opposition parlementaire, qui ne peut juridiquement « exister » qu’à partir d’un groupe.

L’opposition parlementaire est d’abord et avant tout un groupe parlementaire qui s’est déclaré

d’opposition ou est reconnu comme tel juridiquement, auquel sont attribuées un certain

nombre de compétence, en tant qu’organe à part entière des assemblées.

En présence de configurations juridiques contrastées entre les deux systèmes

constitutionnels et parlementaires soumis à l’étude, du fait de leur héritage constitutionnel

propre, il convient de se poser certaines questions relatives à l’opposition parlementaire en

tant qu’objet d’étude juridique et qui nous semblent ici essentielles.

L’opposition parlementaire est avant tout un groupe parlementaire reconnu comme tel.

Mais de quelle manière peut-être définie l’opposition parlementaire ? Comment et pourquoi

les systèmes juridiques français et britannique permettent-ils la reconnaissance du groupe

parlementaire et de l’opposition au sein du Parlement ? Si la reconnaissance de l’opposition se

réalise en particulier à travers le groupe parlementaire, n’exige-t-elle pas une reconnaissance

juridique préalable de ce dernier ?

Comment le groupe parlementaire se trouve-t-il donc juridiquement encadré ? Son

intégration normative suffit-elle à en permettre de manière libre la mise en place ou la

formation de groupes parlementaires est-elle au contraire soumises à des conditions juridiques

précises ? Quel type de compétences peuvent-elles dès lors être attribuées au groupe

parlementaire et de quelle manière est-il juridiquement organisé ? Son fonctionnement interne

est-il uniformisé entre les groupes ou au contraire contrasté ?

de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1997 ; Virginie MATHOT, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001-2002 ; Jack BRAND, British Parliamentary Parties, Oxford, 1992, p. 2 à 55 ou encore Knut HEIDAR et Ruud Koole, Parliamentary Party Groups in European Democracies: Political Parties Behind Closed Doors, Routledge, London, 2000. 43 Pierre AVRIL, « Le statut de l’opposition : un feuilleton inachevé », Les Petites Affiches, n°254, 2008 ; William GILLES, « L’opposition parlementaire : étude de droit comparé », Revue de Droit Public, p. 1347 ou encore Allen POTTER, « Great Britain: opposition with a capital ”O” » in Political Oppositions in Western Democracies, Robert Dahl, London, 1966.

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Par ailleurs, quels critères doivent-être pris en compte afin de distinguer l’opposition

parlementaire de son support juridique, le groupe parlementaire ? Pour définir le concept

juridique d’opposition parlementaire, en quoi la distinction par rapport à la majorité

parlementaire ne semble-t-elle pas suffisante et quels éléments supplémentaires semble-t-il

pertinent d’analyser afin de pouvoir déterminer l’opposition parlementaire de façon précise ?

Pourquoi la distinction entre le groupe parlementaire et le député indépendant, de même que

celle entre les groupes d’opposition et les groupes des autres catégories, tel que le groupe

majoritaire ou encore les dénommés « groupes minoritaires », paraît-t-elle essentielle ?

Quelle logique est-elle poursuivie à travers l’attribution à l’opposition parlementaire

de compétences spécifiques dans les fonctions législative et de contrôle auxquelles cette

dernière participe dans le cadre de la procédure parlementaire ? En quoi la reconnaissance

juridique des groupes parlementaires et partant, de l’opposition parlementaire, en France

comme au Royaume-Uni, peut-elle se révéler être un moyen essentiel à l’encadrement du

travail parlementaire et à la rationalisation du système parlementaire dans son ensemble ?

L’intégration normative des groupes parlementaires, mais aussi de l’opposition

parlementaire dans les systèmes constitutionnels français et britannique, amène plusieurs

questions essentielles quant à leur compatibilité vis-à-vis du principe de liberté du mandat

parlementaire. En théorie fondamentalement indépendants en vertu du mandat parlementaire

de représentation nationale qui leur a été confié ainsi que de l’interdiction de toute délégation

de pouvoirs, les élus parlementaires pourraient-ils voir leur autonomie décisionnelle remise en

cause du fait de leur appartenance à un groupe ou encore à l’opposition parlementaire, et si

oui de quelle façon ? En somme, le groupe et l’opposition parlementaire présentent-elles en

leur sein, de par leur organisation par exemple, des limites à de telles « dérives » ? De plus,

pour l’opposition parlementaire, le problème ne semble-t-il pas se poser de manière accrue,

dans la mesure où le groupe qui s’est déclaré appartenant à l’opposition « s’engage » d’une

certaine façon avec ses membres à adopter une certaine ligne de conduite vis-à-vis du groupe

majoritaire ? De manière plus générale, la reconnaissance de jure de tels organes

parlementaires collégiaux et l’existence de facto d’une certaine discipline parlementaire ne

pourrait-elle pas constituer une violation du principe constitutionnel de liberté du mandat

parlementaire ?

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Pour tenter de répondre à ces nombreuses interrogations, nous envisagerons tout

d’abord dans notre étude le groupe parlementaire en tant qu’organe de travail des assemblées

parlementaires (première partie). Il sera ensuite permis d’analyser l’opposition parlementaire

en tant que fonction spécifique exercée par certains groupes parlementaires (deuxième partie),

pour enfin examiner la compatibilité entre la reconnaissance de ces organes parlementaires et

le principe constitutionnel de liberté du mandat parlementaire (troisième partie).

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PREMIERE PARTIE – LE GROUPE PARLEMENTAIRE, UN ORGANE

DE TRAVAIL DES ASSEMBLEES PARLEMENTAIRES

Les groupes parlementaires sont des organes présents autant à l’Assemblée nationale

qu’à la Chambre des Communes, bien que la nature de leur reconnaissance et les éléments

nécessaires en vue de leur constitution diffèrent au sein des deux systèmes. Les Chambres

hautes des Parlements français et britannique, le Sénat et la Chambre des Lords, que nous

avons du reste choisi d’écarter de notre analyse,44 accueillent également des groupes

parlementaires en leur sein. Les groupes parlementaires peuvent donc être désignés dans une

première approche comme des organes d’assemblées parlementaires. Avant d’aborder plus en

détail notre étude, il nous semble donc nécessaire de rappeler et préciser ici notre acception de

la notion de groupe parlementaire.

Par groupe parlementaire, nous entendons un « organe de travail » des assemblées

parlementaires45 composé par le rassemblement d’élus parlementaires ayant des opinons

politiques semblables. Selon Marcel Prélot, les groupes parlementaires sont des formations

restreintes ou partielles, en ce qu’elles ne se composent que d’une fraction des membres de

l’assemblée, mais également fermées dans la mesure où leurs réunions ne sont pas

publiques.46 A notre sens, le groupe parlementaire doit effectivement être considéré comme

un organe parlementaire partiel, car en tant que groupe, il est l’une des composantes de

l’assemblée réunie en séance plénière. Mais pour autant, nous ne considérons pas que cet

organe est doté d’un fonctionnement ou d’activités fermés. Excepté les réunions de groupes,

qui se déroulent dans une salle à part et ne sont que très exceptionnellement ouvertes à la

presse47, cet organe reste en effet présent tout au long de la procédure de débats, de

discussions et de votes au sein de l’hémicycle à travers les députés qui le composent, et

s’exprime ainsi de manière publique et ouverte.

44 Pour les raisons susmentionnés en introduction (Cf. page 9). 45 Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Guy SCOFFONI, Otto PFERSMANN, André ROUX, Droit Constitutionnel, 11e Edition, Dalloz, Paris, 2008, p. 724 à 727. 46 Marcel PRELOT, « Droit parlementaire français », Les cours de droit, Institut d’études politiques de Paris, 1957-1958, in : Pierre AVRIL et Jean GICQUEL Droit parlementaire, 3ème Edition, Montchrestien, 2004, p. 87. 47 La tenue de réunions régulières de chaque groupe parlementaire, de débats dans des salles à huis clos peut être d’ailleurs considéré dans une certaine mesure comme faisant échec au principe général de publicité des débats.

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Dans la mesure où « la reconnaissance de l’opposition se fait au travers d’un cadre

juridique spécifique, le groupe parlementaire »48, l’analyse préalable du groupe en tant

qu’organe parlementaire paraît donc essentielle avant de pouvoir envisager l’objet juridique

central de notre recherche, l’opposition parlementaire. En particulier, la reconnaissance

constitutionnelle des groupes parlementaires est « dans les faits un nécessaire préalable à la

seconde phase »,49 la reconnaissance de l’opposition parlementaire.

Avant d’aborder l’organisation interne des groupes parlementaires et les compétences

qui leurs sont attribuées dans le cadre du travail législatif (Chapitre 2), il va s’agir de

comprendre et analyser l’encadrement juridique de l’existence des groupes parlementaires,

plus précisément sa reconnaissance par des normes juridiques ainsi que les règles qui

conditionnent sa création (Chapitre 1).

Chapitre 1 – L’encadrement juridique des groupes parlementaires

L’encadrement juridique des groupes parlementaires, exprimé de manière générale,

tient d’abord à la manière dont la reconnaissance formelle en est réalisée par le droit (section

1). Les groupes parlementaires en France ont donc vu leur existence juridique consacrée

formellement d’abord par le droit parlementaire, puis plus tard par le droit constitutionnel. Au

Royaume-Uni, les groupes parlementaires qui se font face au sein de la Chambre des

Communes relèvent surtout d’une tradition parlementaire très ancienne et marquée à l’origine

par la confrontation entre le groupe parlementaire majoritaire et le groupe d’opposition

parlementaire. Leur reconnaissance par des normes écrites est beaucoup plus récente et

l’adoption de la première loi les concernant ne date que de 1937. Par ailleurs, l’encadrement

juridique des groupes parlementaires tient également aux conditions juridiques requises pour

la constitution d’un groupe parlementaire. (section 2) Là encore, le niveau et la précision des

exigences contraste entre les systèmes français et britannique, nous tenterons donc d’analyser

et de comprendre ces différences.

48 Sylvie GIULJ, Le statut de l’opposition en Europe, la Documentation française, Paris, 1980, p. 45. 49 François LUCHAIRE, Gérard CORNAC et Xavier PRETOT La Constitution de la République française : Analyses et commentaires, 3ème Edition, Economica, Paris, 2008, p. 1280.

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Section 1 – La reconnaissance juridique des groupes parlementaires

La reconnaissance des groupes parlementaires sur le plan juridique est très différente

en France et au Royaume-Uni. Depuis 1958, le système constitutionnel français ne

reconnaissait que de manière indirecte les groupes parlementaires, l’expression « groupements

politiques » de l’article 4 de la Constitution recouvrant également les groupes parlementaires

selon le Conseil constitutionnel. Jusqu’à la révision constitutionnelle de 2008 qui introduit un

nouvel article dédié aux groupes parlementaires, ce dernier n’était donc juridiquement

consacré qu’à travers le règlement de l’Assemblée nationale en tant qu’organe de travail

parlementaire.

Au Royaume-Uni en revanche, la reconnaissance juridique du groupe parlementaire

est beaucoup plus délicate à établir. Selon le Professeur Adonis, « les partis politiques sont

presque inconnus de la loi en Grande Bretagne »50 ce qui est en réalité également le cas des

groupes politiques au Parlement. Le Professeur Jennings note pour sa part que la Constitution

britannique peut créer des organes « sans aucune base légale et sans aucune décision

formelle ».51 Le groupe parlementaire se voit ainsi surtout consacré par des règles

coutumières, même si une certaine reconnaissance est assurée de manière indirecte par

quelques dispositions de nature législative. Avant de pouvoir envisager la question de la

reconnaissance constitutionnelle des groupes parlementaires (paragraphe 2), l’analyse sera

portée sur leur reconnaissance juridique lato sensu (paragraphe 1).

Paragraphe 1 – La reconnaissance juridique générale des groupes parlementaires

En France, les groupes parlementaires ont connu leur première consécration normative

au début du XXème siècle, même s’ils « se sont imposés dans les faits bien avant que d’être

consacrés par le droit ».52 La Chambre des députés a en effet adopté en 1910 une résolution53

sur la nouvelle procédure de nomination pour les commissions, fondée sur un scrutin de listes

établies par avance par les bureaux respectifs des différents groupes politiques. A travers cette

résolution, l’action et l’existence des groupes politiques au sein du Parlement sont pour la

50 Andrew ADONIS, Parliament today, 2ème Edition, Manchester University Press, 1993, p. 40. 51 Ivor JENNINGS, Parliament, 2ème Edition, Cambridge University Press, 1969, p. 73. 52 Ludovic FONDRAZ, Jean Gicquel (dir.), Les groupes parlementaires au Sénat sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1997, p. 13. 53 Proposition de résolution présentée par Monsieur Maunoury, député d’Eure et Loir, le 1er juillet 1910.

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première fois reconnus dans un texte réglementaire, bien que de manière annexe à l’objet

même de la résolution. La réforme de 1910 était « un point d’aboutissement tout autant qu’un

point de départ », dans la mesure où le texte « a d’abord sanctionné un état de fait ».54 Cette

résolution ne faisait donc que confirmer juridiquement l’existence des groupes politiques, qui

étaient en réalité déjà établis de longue date dans les pratiques parlementaires. En effet, la

notion de groupe politique est peut-être apparue dès 1789 à l’occasion des débuts de

l’Assemblée nationale constituante. Les députés siègent alors de manière disparate « sans

distinction d’opinion, avant que les représentants de la Noblesse et du Clergé, rejoints par 80

membres du Tiers Etat ennemis des réformes, ne se cantonnent en un groupe compact situé à

droite de la pièce »,55 ce qui constitue la première manifestation tangible en France de

« groupes politiques » fondés sur différentes opinions, au sein de l’assemblée. De même, dès

les premières séances de la Législative, qui succède à la Constituante en 1790, les élus

parlementaires vont également se placer dans l’hémicycle en fonction de leurs orientations

politiques respectives. Il en est déduit par Madame Mathot que « dans toute assemblée

politique, les représentants de la nation se regroupent par opinion et que rien ne peut

empêcher la formation de ces groupes »56 La pratique parlementaire consacre en effet la

formation de groupes parlementaires, mais sa reconnaissance par le droit n’interviendra en

France qu’au cours de la IIIème République. En effet, pendant longtemps, le principe-même de

l’existence des groupes parlementaires a été contesté « dans une conception radicale de la

représentation et de son lien avec le dogme de la souveraineté nationale ».57

L’intégration normative du terme « groupe » en France remonte donc véritablement à

la résolution précitée du 1er juillet 1910, plus précisément à l’article 12 du règlement intérieur

de la Chambre des Députés. Mais les groupes politiques restent cantonnés à la procédure de

nomination des commissions et en dehors de ce cadre, ne se voient pas consacrés par le

règlement de la Chambre Basse. En somme, les groupes parlementaires ne sont donc pas

reconnus comme des organes à part entière de l’assemblée, mais seulement à travers certaines

procédures. Le Professeur Eugène Pierre les juge même tout simplement inexistants dans tous

les autres actes de la vie parlementaire et leur disparition après la nomination des

54 LE BEGUEC Gilles, « Naissance et développement des groupes parlementaires sous la IIIème République », Parlement(s), Histoire et politique, n°0, « Faut-il tourner le dos à la politique ? », 2003, p. 2. 55 Charles VARLET, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires, aujourd’hui, Mémoire de Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005-2006, p. 2. 56 Virginie MATHOT, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001-2002, p. 4. 57 Ibid., p. 4.

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commissions est ainsi souhaitable pour leur propre intérêt, afin de pouvoir recouvrer leur

liberté.58 Une tentative de reconnaissance officielle du groupe parlementaire a ensuite été

réalisée en 1923, lorsqu’un groupe de députés a fait publier au Journal officiel une déclaration

de l’association « Groupe de la Chambre des Députés » ayant pour siège la « Questure du

Palais-Bourbon, Paris ». Mais quelques jours plus tard, le Président de la Chambre a adressé

au ministre de l’intérieur une réclamation en vue d’annuler cette déclaration. La lettre a été

transmise au Garde des sceaux, ce dernier a prononcé la nullité de cette association et

confirmé ainsi que les groupes parlementaires n’ont pas de personnalité juridique. La

distinction était donc faite du statut des groupes parlementaires et de celui des partis

politiques, qui eux pouvaient se constituer en association en vertu de la loi du 1er juillet 1901.

Dans le cadre parlementaire de la IIIème République, les groupes politiques sont donc autorisés

uniquement à des fins procédurales de nomination.

Dans le cadre de la IVème République, les groupes parlementaires sont directement

reconnus à travers le règlement de l’Assemblée nationale. Cette reconnaissance se réalise de

manière plus aboutie dans le règlement de l’Assemblée nationale adopté en 1959, au début de

la Vème République. En effet, les députés ont adopté leur règlement et réservé les articles 19 à

23 rassemblés dans le Titre Ier chapitre V simplement intitulé « groupes » à la définition des

conditions de formation des groupes parlementaires. Les parlementaires parviennent ainsi, dès

l’origine de la Vème République, à faire exister pleinement les groupes parlementaires en droit

et à les consacrer en tant qu’organe de travail incontournable de la vie politique et du travail

parlementaire.

Au Royaume-Uni, aucune norme écrite ne permet la reconnaissance directe et une

formalisation claire des groupes parlementaires. Contrairement au cas français, le règlement

intérieur de la Chambre des Communes ne mentionne pas directement les groupes

parlementaires. Les groupes sont actuellement largement consacrés dans le règlement de

l’Assemblée nationale et font partie intégrante du droit parlementaire français. Outre-manche,

les groupes ne sont donc même pas cités dans le règlement intérieur dont l’objectif,

primordial, est pourtant d’organiser précisément le déroulement de la procédure législative et

plus largement, le fonctionnement de la Chambre. La seule référence indirecte aux groupes

parlementaires qu’il est possible de déceler dans le règlement intérieur de la Chambre des

58 Eugène PIERRE, Traité de Droit politique, électoral et parlementaire, Réédition Loysel, Paris, 1989, supplément 1924, n° 739 et 908.

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Communes est celle au leader du groupe principal de l’opposition et au leader du deuxième

groupe d’opposition.59 C’est ici l’opposition parlementaire qui est directement visée, mais de

manière induite le groupe parlementaire est également consacré, puisque les chefs des deux

plus grandes formations sont avant tout à la tête de leurs groupes parlementaires respectifs.

Ces derniers ne sont donc reconnus que de manière indirecte, à travers leur mention dans le

cadre de règles de procédure parlementaire ou encore par l’acception normative de certains de

leurs organes constitutifs comme le whip60, responsable du fonctionnement interne du groupe

parlementaire dans le cadre du travail parlementaire, notamment en ce qui concerne le vote de

ses propres membres. Les groupes parlementaires ne se sont trouvés consacrés que

tardivement à travers des normes juridiques écrites. Cependant, ils existaient déjà au sein des

institutions britanniques depuis plusieurs siècles, par le biais de différentes conventions

parlementaires. Par exemple, le whip existait dès le XVIIIème siècle et est longtemps resté la

seule forme d’organisation partisane au sein de la Chambre des Communes, en lien direct

avec les groupes parlementaires.61 Il est toujours d’usage, pour la composition des

commissions parlementaires, de nominer les députés à la proportionnelle des groupes

parlementaires représentés au sein de la Chambre des Communes. Cette règle est de nature

exclusivement coutumière et contribue pourtant à préciser un aspect important de

l’organisation du travail parlementaire au sein de la Chambre des Communes. De telles règles

établies par la coutume parlementaire permettent ainsi de réglementer de façon plus générale

de nombreuses facettes de la vie et du fonctionnement de la Chambre des Communes. Mais la

formalisation des groupes parlementaires à travers une norme écrite s’est longtemps fait

attendre.

Au cours du XXème siècle, certaines lois, en particulier le Ministers of the Crown Act

de 1937, qui est la première du genre, sont adoptées et permettent de reconnaître pour la

première fois à travers une norme écrite l’existence de certains organes institutionnels

essentiels. En réalité, plusieurs fonctions exercées en relation directe avec le groupe

parlementaire, comme par exemple le Chief whip, le Leader du parti parlementaire ou encore

le Chairman, président du groupe parlementaire, étaient des éléments de grande importance

59 « Twenty days shall be allotted in each session for proceedings on opposition business, seventeen of which shall be at the disposal of the Leader of the Opposition and three of which shall be at the disposal of the leader of the second largest opposition party » Première phrase de l’alinéa 2 de l’article 14 du règlement intérieur de la Chambre des Communes. 60 Le whip est une institution typiquement britannique, elle n’existe qu’au Royaume-Uni, à Ceylan et en Irlande, ainsi que dans tous les pays du Commonwealth qui ont établi leur parlement sur la base du modèle britannique. 61 Stuart WALKLAND, « The House of Commons in the Twentieth Century », Oxford University Press, p. 8.

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dans le cadre du système parlementaire britannique. Ces derniers sont issus à l’origine

uniquement de conventions parlementaires et ont ainsi préexisté avant même l’apparition de

l’ensemble de ces lois de valeur constitutionnelle.

A partir de l’analyse de la reconnaissance juridique générale des groupes

parlementaires en France et au Royaume-Uni, il est permis de saisir déjà la très forte

différence d’acception qu’ils connaissent dans ces deux systèmes, tant du point de vue des

sources juridiques que de la précision avec laquelle leurs prérogatives semblent organisées.

Le Royaume-Uni connaît des règles généralement plus anciennes mais également plus

indéterminées et issues de conventions parlementaires pour la plupart, tandis que le système

français semble établir et organiser de manière plus explicite l’existence des groupes

parlementaires à travers le règlement de l’Assemblée nationale, source première du droit

parlementaire. La reconnaissance juridique des groupes parlementaires par des normes non

constitutionnelles reste donc particulièrement limitée au Royaume-Uni. Il convient désormais

d’examiner les dispositions constitutionnelles des deux systèmes, afin de savoir si la norme

suprême permet une plus large reconnaissance des groupes parlementaires.

Paragraphe 2 – La reconnaissance constitutionnelle des groupes parlementaires

Au Royaume-Uni, la consécration de dispositions à valeur constitutionnelle paraît de

la même manière très succincte. Les rares organes officiels reconnus directement au sein du

système institutionnel et parlementaire britannique par les dispositions constitutionnelles sont

en réalité l’opposition parlementaire, « Her Majesty’s Opposition » et la majorité

parlementaire, « Her Majesty’s Government ». Mais le concept d’opposition parlementaire et

son analyse juridique, qui reste bien sûr l’objectif premier tout au long de ces

développements, n’est pas ici l’objet direct de l’étude, et sera envisagé plus en détail par la

suite. Il s’agit donc pour l’instant de s’en tenir au concept de groupe parlementaire et à sa

reconnaissance d’un point de vue strictement constitutionnel.

Les seules normes écrites à valeur constitutionnelle qui concernent les groupes

parlementaires au Royaume-Uni sont celles qui permettent l’instauration d’un salaire pour

différents postes en lien direct avec le groupe parlementaire. Ainsi, le premier texte juridique

de cette nature a été le Ministers of the Crown Act de 1937, qui permet notamment d’accorder

un salaire au Premier ministre et consacre pour la première fois son existence à travers une

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norme écrite. Ce texte juridique est formellement législatif, dans la mesure où il a notamment

été adopté par le Parlement selon la procédure législative ordinaire. Néanmoins, il peut être

considéré comme étant de portée constitutionnelle en raison de son contenu matériel et des

sujets abordés, qui ont trait directement à l’organisation du système institutionnel britannique.

Cette loi formellement ordinaire semble ainsi revêtir une certaine valeur constitutionnelle. En

1945, suite aux recommandations de la Commission parlementaire de procédure, il a été

décidé que les projets de loi en matière constitutionnelle seraient désormais soumis à

l’examen de la Commission de la Chambre dans son ensemble, de manière à rendre possible

l’intervention de chaque parlementaire le cas échéant. Mais en réalité, même dans ce cadre, la

portée constitutionnelle de certaines dispositions n’est pas toujours évidente.62

Au delà de la question de sa classification dans la hiérarchie des normes, il est

important de signaler que la loi de 1937 concerne directement les postes de certains

responsables du groupe parlementaire comme le premier d’entre eux, le leader du groupe. Le

Ministers of the Crown Act de 1937 permet d’établir des salaires fixes, notamment pour le

chef du groupe de la majorité parlementaire, le Premier Ministre, ainsi que le chef du groupe

de l’opposition parlementaire. Ainsi, des indemnités supplémentaires viennent s’ajouter à leur

salaire de base de député et sont ici précisées de manière expresse pour ces deux figures

politiques très importantes liées directement au fonctionnement de groupes parlementaires.

Des conventions constitutionnelles, établies à travers la pratique et la coutume parlementaires,

avaient en réalité précédé l’adoption de cette loi, qui n’est que la confirmation de règles

coutumières déjà établies de longue date. Ainsi, le système de whip était déjà très présent à la

fin du XIXème siècle, développé uniquement à partir de conventions parlementaires, et les

chefs whip agissaient déjà comme « aide de camp » auprès des chefs des groupes

parlementaires.63

Plus tard, par le Ministerial and Other Salaries Act de 1975, loi formellement

ordinaire mais qui elle aussi revêt une portée constitutionnelle, dans la mesure où elle limite

notamment le nombre de ministres à 95 membres de la Chambre des Communes. Elle permet

également l’attribution d’un salaire au Chef Whip ainsi qu’au Chef Whip adjoint et leur

consacre ainsi une reconnaissance textuelle en tant qu’éléments incontournables du 62 Monica CHARLOT, « Le pouvoir politique en Grande-Bretagne », 2ème Edition, Presses Universitaires de France, Paris, 1998, p. 41. 63 Paul SEAWARD et Paul SILK, The House of Commons », in Vernon Bogdanor, « The British Constitution in the twentieth century, Oxford University Press, 2003.

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fonctionnement des groupes parlementaires. Néanmoins, cette reconnaissance reste là encore

limitée aux whips du groupe parlementaire majoritaire ainsi qu’à ceux du groupe le plus

important numériquement de l’opposition parlementaire.

En France en revanche, la reconnaissance constitutionnelle des groupes parlementaires

a été rendue possible de manière beaucoup plus directe, mais cette consécration n’a eu lieu

que tardivement, à l’occasion de l’adoption de la Constitution du 27 octobre 1946. L’article

11 de la nouvelle Constitution énonce alors que « chacune des deux chambres élit son bureau

chaque année, au début de la session, à la représentation proportionnelle des groupes » et cette

reconnaissance juridique se retrouve également au sein du règlement de l’Assemblée

nationale. Le groupe parlementaire est désormais identifié juridiquement dans la Constitution

et plus précisément encore dans le règlement de l’Assemblée nationale en tant qu’organe de

travail à part entière réunissant des députés de sensibilités politiques semblables. Au sein du

système parlementaire ainsi instauré, le groupe parlementaire constitue dès lors un rouage

classique et indispensable du mécanisme parlementaire. Mais la révision constitutionnelle du

7 décembre 1954 apporte un bémol à cette évolution avec la modification de l’article 11 de la

Constitution.64 Il n’est alors plus fait mention du groupe parlementaire directement, le nouvel

article se limitant à renvoyer aux règlements des assemblées les conditions d’élection de son

bureau. La Constitution révisée fait ainsi le silence sur les groupes parlementaires, qui perdent

ainsi leur reconnaissance constitutionnelle.

Dans la Constitution du 4 octobre 1958, il n’est plus fait mention directe des groupes

parlementaires. Dès lors, certains ont considéré que « les groupes parlementaires étaient

désormais liés à la tradition des assemblées et que leur existence n’avait pas besoin d’être

affirmée par la Constitution. »65 Il est quand même permis d’en douter. En effet, la rédaction

de la Constitution est directement inspirée de certaines idées du Général de Gaulle et en

réaction au « régime des partis » qu’avait représenté la IVème République. L’absence de

mention directe des groupes parlementaires peut au contraire être interprétée comme une

volonté de limiter leur reconnaissance juridique.

64 « Chacune des deux chambres élit son bureau chaque année au début de la session ordinaire et dans les conditions prévues par son règlement. » Article 11 de la Constitution du 27 octobre 1946, à jour de la révision constitutionnelle du 7 décembre 1954. 65 Virginie MATHOT, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001-2002, p. 5.

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Pourtant, il reste pertinent de se poser la question du sens à donner à la formulation de

l’article 4 de la Constitution, qui bien sûr vise de façon générale les « partis politiques » et les

cantonne à un rôle purement électoral, mais introduit aussi la notion de « groupements

politiques ».66 Cette expression suscite dès le départ des difficultés d’interprétation, même si

certains ont estimé que les rédacteurs de la Constitution visaient « bien évidemment » aussi

les groupes parlementaires.67 Loin d’être une évidence, l’interprétation officielle en a été

fournie par le Conseil constitutionnel à l’occasion de l’examen de la résolution des députés

pour la création du règlement de l’Assemblée nationale dans sa décision 59-2 DC du 16, 17 et

24 juin 1959. A l’occasion de cette décision, importante pour ce qui concerne les modalités de

contrôle d’une déclaration politique68, le Conseil constitutionnel a directement établi un

rapport entre l’expression « groupements politiques » de l’article 4 de la Constitution et les

groupes parlementaires énoncés dans le règlement de l’Assemblée nationale, estimant que le

Bureau de l’Assemblée nationale n’était pas compétent pour examiner la conformité de leur

déclaration politique avec l’article 4 de la Constitution.

Dans le cadre de la reconnaissance constitutionnelle des groupes parlementaires, cette

décision des sages de la rue Montpensier confirme donc l’interprétation des termes

« groupements politiques » déjà réalisée par l’Assemblée nationale à l’occasion des

discussions de son Règlement intérieur. La signification de l’expression « groupements

politiques » à l’article 4 de la Constitution est ainsi explicitée par cette décision, qui confirme

la référence aux groupes parlementaires et se démarque du souhait des Constituants de 1958.

En effet, les membres du Comité consultatif constitutionnel voulaient, à travers l’article 4 de

la Constitution, instaurer un statut des partis politiques respectant les principes de

souveraineté nationale et de démocratie pour mieux les encadrer, mais la question des groupes

parlementaires n’avait pas été abordée dans les travaux préparatoires. Le Conseil

constitutionnel a donc retenu une conception extensive par rapport à ce qui avait été prévu à

66 « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ». Article 4 alinéa 1er de la Constitution de 1958. 67 Charles VARLET, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires, aujourd’hui, Mémoire de Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005-2006, p. 5. 68 Conseil constitutionnel, décision n° 59-2 DC des 17, 18 et 24 juin 1959 relative à l’examen du Règlement nouveau de l’Assemblée nationale. Cette décision est analysée plus en détail au paragraphe 2 de la section 2 de ce même chapitre.

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l’origine, l’expression « groupements politiques » désignant ainsi toute une série d’organes ou

entités, dont les groupes parlementaires.69

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 n’apporte pas d’éléments majeurs pour

ce qui intéresse les groupes parlementaires, à l’exception que ces derniers se voient introduits

dans le texte constitutionnel et brièvement mentionnés à l’article 51-1,70 qui se contente d’un

renvoi aux règlements respectifs des assemblées. Cela ne fait donc que confirmer

l’interprétation faite en 1958 de l’article 4 de la Constitution, qui avait permis d’introduire

juridiquement les groupes politiques dans la vie parlementaire par leur intégration au sein du

règlement de l’Assemblée nationale. Cette confirmation constitutionnelle est en réalité la

simple consécration d’une pratique déjà ancienne et consensuelle, et rendait peu probable un

bouleversement radical du rôle des groupes parlementaires.71 La modification du règlement de

l’Assemblée nationale en 2009 confirme en effet cette logique, puisqu’il se contente de

reprendre la plupart des règles et compétences déjà attribuées aux groupes parlementaires par

l’ancienne mouture du règlement intérieur.

Cette révision constitutionnelle poursuit également la logique des constituants de

1958 : l’expression « groupement politique » de l’article 4 de la Constitution n’est amené à

englober les groupes parlementaires que de manière résiduelle, puisque ce dernier est

désormais littéralement consacré dans un article spécifique qui lui est propre, le nouvel article

51-1 de la Constitution. Le groupement politique retrouve ainsi sa signification première,

désignant les partis et les associations politiques au sens large, dont le champ d’action se situe

au cœur de l’environnement social, militant et syndical et surtout en dehors des assemblées

parlementaires, réservées à l’exercice des compétences des groupes parlementaires.

Le système britannique ne consacre principalement les groupes parlementaires qu’à

travers différentes lois à valeur constitutionnelle, qui permettent, à travers l’attribution d’une

indemnité associée à certaines fonctions, de reconnaître certains éléments du groupe

parlementaire. Mais ces lois constitutionnelles sont diffuses et aucune ne permet une

69 Virginie MATHOT, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001-2002, p. 15. 70 « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. » Constitution française du 4 octobre 1958, nouvel article 51-1 alinéa 1, introduit par la deuxième loi constitutionnelle de 2008 et entré en vigueur le 1er mars 2009. 71 François LUCHAIRE, Gérard CORNAC et Xavier PRETOT, La Constitution de la République française : Analyses et commentaires, 3ème Edition, Economica, Paris, 2008, p. 1282.

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consécration constitutionnelle directe du groupe parlementaire. Cette situation peut

s’expliquer en partie du fait de la place de l’opposition parlementaire. En effet, l’opposition

parlementaire, qui dans la Chambre des Communes fait face au groupe de la majorité

gouvernementale, est largement « institutionnalisée » au Royaume-Uni, aux dépends sans

doute des autres groupes parlementaires. Ainsi, le système s’attache plus au groupe principal

de l’opposition parlementaire qu’à l’ensemble des groupes parlementaires en tant que tel. Au

contraire en France, les groupes parlementaires, même si leur acception directe par la

Constitution de 1958 révisée reste très récente, connaissent néanmoins une

« institutionnalisation » d’ensemble à travers le système parlementaire, au détriment de

l’opposition parlementaire, qui elle a été pendant très longtemps exclue de toute

reconnaissance juridique.

La reconnaissance juridique des groupes parlementaires s’exprime donc de manière

très hétérogène dans les deux systèmes en présence. La question de la reconnaissance

juridique appelle celle des conditions juridiques de constitution des groupes parlementaires,

qui se doit désormais d’être posée (section 2).

Section 2 – Les conditions juridiques de constitution des groupes parlementaires

Les conditions juridiques qui s’imposent en vue de pouvoir constituer un groupe

parlementaire sont elles-aussi extrêmement différentes au sein des systèmes institutionnels

français et britannique. Les conditions juridiques de formation d’un groupe parlementaire sont

nombreuses à l’Assemblée nationale, tandis que la Chambre des Communes ne subordonne

pas véritablement la constitution d’un groupe au respect de règles particulièrement précises.

La raison de ce contraste est liée en particulier à la marge de manœuvre des

assemblées dans le processus d’élaboration de leurs règles internes, plus précisément ce que le

Professeur Favoreu nomme le « degré d’autonomie normative ». L’autonomie en profondeur,

« compétence du Parlement de déterminer lui-même ses propres procédures », est ainsi

distinguée de l’autonomie en surface, « compétences particulières qui lui sont attribuées ».72

Le Royaume-Uni se caractérise par une autonomie forte en profondeur associée tout

logiquement à une forte autonomie aussi en surface. En France par contre, le principe

72 Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Guy SCOFFONI, Otto PFERSMANN, André ROUX, Droit Constitutionnel, 11e Edition, Dalloz, Paris, 2008, p. 699.

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« fortement affirmé [de parlementarisme rationalisé] réduit les deux formes d’autonomie à tel

point que l’autonomie très encadrée de l’édiction du règlement des Assemblées est soumise à

un contrôle obligatoire du juge constitutionnel »73 La grande autonomie de la Chambre des

Communes sur son fonctionnement interne l’autorise ainsi à ne pas prendre de règles

particulières concernant les conditions de formation des groupes parlementaires. Ainsi, le

règlement intérieur de la Chambre des Communes ne fixe pas de règles précises en la matière.

C’est donc l’étude de la pratique parlementaire, devenue coutume ou convention

constitutionnelle et bien souvent seule source réglementaire disponible, qui rend possible la

compréhension des conditions de formation de ces groupes.

Avant d’étudier les conditions juridiques mêmes de la constitution d’un groupe

parlementaire, il convient de s’intéresser brièvement aux conditions pratiques de formation de

ces groupes. A l’Assemblée nationale, comme à la Chambre des Communes, les groupes

parlementaires se constituent au commencement de chaque nouvelle législature ainsi qu’au

début de chaque session parlementaire, tous les ans. Cette constitution doit alors s’effectuer

assez rapidement, dans la mesure où la formation des groupes parlementaires constitue, en

France, le préalable indispensable à la désignation des différents organes de l’assemblée,

comme par exemple la nomination des membres de commissions et la répartition des sièges

dans l’hémicycle.74 C’est pour cette raison que les conditions nécessaires à la constitution des

groupes doivent être remplies au plus vite, afin de passer aux procédures de nominations et

d’organisation générale de l’Assemblée. Chaque groupe parlementaire bénéficie de rangées de

sièges côte à côte pour ses députés et selon des places attribuées de manière nominative. Cette

répartition, préalable indispensable avant de pouvoir entamer le travail parlementaire, doit être

déterminée en accord avec le président de l’Assemblée nationale.

Les règles qui conditionnent la formation d’un groupe parlementaire diffèrent dans les

deux systèmes étudiés. En France, ces règles sont expressément énumérées par le règlement

de l’Assemblée nationale, tandis qu’au Royaume-Uni, les conditions de formation d’un

groupe parlementaire sont établies uniquement par la coutume parlementaire et ne sont donc

pas particulièrement précises. Les conditions juridiques pour constituer un groupe

parlementaire sont donc établies de manière beaucoup plus succincte au Royaume-Uni, ainsi 73Ibid., p. 700. 74 « Après constitution des groupes, le président de l’Assemblée réunit leurs représentants en vue de procéder à la division de la salle des séances en autant de secteurs qu’il y a de groupes, et de déterminer la place des députés non inscrits, par rapport aux groupes » Article 22 du Règlement de l’Assemblée nationale.

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nos développements seront plus largement consacrés au cas français. La condition commune

de constitution d’un groupe parlementaire semble au premier abord être celle de l’exigence

d’un effectif minimum (paragraphe 1). Les développements à ce sujet montrerons que même

cette règle de base n’est pas véritablement de mise au Royaume-Uni. Le système français

exige par ailleurs de publier une déclaration politique commune, ainsi que la liste des députés

membres du groupe parlementaire (paragraphe 2), alors qu’au sein de la Chambre des

Communes, l’appartenance à un groupe parlementaire se manifeste principalement par la

réception d’un document envoyé par le whip (paragraphe 3).

Paragraphe 1 – L’exigence d’un effectif minimum

En France, la première condition juridique de constitution d’un groupe parlementaire

est énoncée à l’alinéa 1er de l’article 19 du règlement de l’Assemblée nationale et s’attache à

l’exigence d’un effectif minimum.75 Le groupe parlementaire doit ainsi être composé d’un

nombre de députés significatif afin de répondre à cette première condition d’effectif

minimum. L’instauration d’un effectif minimum poursuit deux objectifs : rationaliser le

travail parlementaire en limitant la fragmentation politique, la multiplication des groupes, et

« ne pas priver non plus une petite formation de sa légitime représentation ». Ce « dosage

délicat » doit se faire en fonction de l’importance numérique de l’assemblée et « de

l’orientation du régime politique ».76 Le règlement a été adoptée en 1959 par les députés en

réaction au régime d’assemblée de la IVème République, où la multiplication des groupes

parlementaires à l’Assemblée nationale (jusqu’à 14 en avril 1958) avait montré ses limites

dans le cadre du travail parlementaire. Il devenait dès lors impossible dans de telles situations

de permettre une stabilité du système et un travail parlementaire véritablement efficace, dans

la mesure où la majorité gouvernementale était fondée sur un ensemble de groupes

parlementaires éparses. Poursuivant le même objectif de limitation du nombre de groupes,

l’alinéa 3 de l’article 19 du règlement de l’Assemblée nationale précise également qu’un

député « ne peut faire partie que d’un seul groupe ». Cette disposition se pose en réaction

d’expériences parlementaires antérieures, notamment la IIIème République où beaucoup d’élus

étaient membres de plusieurs groupes, certains comme le député Levèvre-Pontalis connaissant 75 « Les députés peuvent se constituer par affinité politique ; aucun groupe ne peut comprendre moins de 15 membres, non compris les députés apparentés dans les conditions prévues à l’alinéa 4 ci-dessous » Alinéa 1er de l’article 19 du Règlement de l’Assemblée nationale, version actuelle, à jour de la résolution modificative du 27 mai 2009 (après la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-581 DC du 25 juin 2009). 76 Nadia BERNOUSSI-IDRISSI, « Droit constitutionnel étranger. Les groupes parlementaires au Maroc », Revue Française de Droit Constitutionnel, n° 61, 2005, p. 205.

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même une quadruple inscription.77 La fixation d’un seuil, ainsi que l’interdiction de faire

partie de plusieurs groupes permet également d’éviter une multiplication des groupes et

l’apparition de groupements de défense d’intérêts trop particuliers.78 L’effectif minimum est

donc justifié par la volonté de lutter contre l’augmentation incontrôlée de groupes

parlementaires et ses conséquences susceptibles de peser sur le fonctionnement et sur

l’efficacité du travail à l’Assemblée nationale. La présence d’un nombre raisonnable de

groupes parlementaires évite également que chaque député s’exprime, l’opinion générale est

souvent fournie par un seul représentant du groupe.

Par ailleurs, la création des groupes reste une faculté, non une obligation, un député a

le droit de ne s’inscrire à aucun groupe et rester indépendant s’il le souhaite.79 En effet, et

pour reprendre les mots de Monsieur Sibille, « à toutes les époques, des hommes politiques

jaloux de leur indépendance, ont refusé d’entrer dans des comités ».80 Il existe également la

situation intermédiaire de l’apparentement, pour les députés qui souhaitent s’apparenter à un

groupe sans pour autant en devenir membre et sans non plus rester un député isolé, à la marge

et dépourvu de moyens d’action. Les élus apparentés n’appartiennent généralement à aucun

parti ou alors sont membres d’un parti réunissant trop peu de députés pour constituer un

groupe distinct. Les conditions d’apparentement à un groupe sont précisées à l’alinéa 4 de

l’article 23 du règlement de l’Assemblée nationale.81 Le rattachement s’effectue sous réserve

de l’acceptation du bureau du groupe concerné et permet aux parlementaires d’obtenir par

exemple des nominations dans certaines commissions. En 1993, des députés non-inscrits ont

utilisé une solution alternative, de manière à disposer de plus de moyens et de propres locaux.

Ils se sont réunis de manière à constituer une formation à part entière, le groupe « République

et liberté ».82

77 Jean GARRIGUES, « Les groupes parlementaires aux origines de la IIIème République », Parlement(s). Histoire et politique n°0, Faut-il tourner le dos à la politique ?, Paris, 2003, p. 3. 78 Charles VARLET, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires, aujourd’hui, Mémoire de Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005-2006, p. 13. 79 Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Droit parlementaire, 3ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 90. 80 « … Enfin que deviendrons-nous, nous qui ne faisons partie d’aucun groupe ? Vous me direz que nous sommes peu nombreux et que, pour sauvegarder les droits d’une infime minorité, vous ne pouvez pas renoncer à un régime qui offre de sérieux avantages. Je vous réponds : […] à toutes les époques des hommes politiques, qui n’avaient pas cru utile de donner une adhésion sans réserve au programme de tel ou tel groupe, ont donné un précieux concours aux commissions chargées de préparer les lois. Est-ce que Lamartine était membre d’un groupe ? ». Monsieur Sibille, in : Jean WALINE, « Les groupes parlementaires en France », Revue de Droit Public, n°6, 1961, p. 1184. 81 Article 19 alinéa 4 du Règlement de l’Assemblée nationale, version actuelle, à jour de la résolution modificative du 27 mai 2009 (après la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-581 DC du 25 juin 2009). 82 Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Droit parlementaire, 3ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 90.

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Sous la Vème République, le premier règlement intérieur adopté en 1959 fixait le

nombre requis à 30 députés pour constituer un groupe. Les exigences quantitatives

nécessaires à la formation d’un groupe étaient alors particulièrement élevées et par exemple,

les députés communistes ne purent se constituer en groupe parlementaire.83 De plus, les

députés apparentés n’étaient pas comptabilisés dans les membres du groupe, ce qui rendait

encore plus difficile pour les petits groupements politiques de rassembler le minimum requis.

L’exigence du nombre minimum de 30 élus était ainsi considérable et a amené beaucoup de

groupes à se créer sur la base de coalitions d’opportunité, de rassemblements techniques, dans

l’objectif de profiter des compétences reconnues aux groupes parlementaires. La constitution

de tels groupes poussait ainsi des groupes parlementaires à se constituer sans que ses

membres partagent forcément les mêmes idées et orientations politiques, même si la

détermination d’un seuil raisonnable était nécessaire pour éviter les écueils de la IVème

République. Cet effectif minimum quantitativement très exigeant a perduré pendant une

trentaine d’années avant d’être abaissé.

En 1988, une résolution est introduite par les députés socialistes en vue de modifier

l’article 19 du règlement de l’Assemblée nationale, afin de réduire le nombre minimum à 20

députés. C’est une décision avant tout politique. Les socialistes ont réagi face aux résultats

des élections législatives qui n’offraient que 27 sièges aux Communistes, et leur ont permis de

pouvoir disposer encore d’un propre groupe, grâce à la réduction du nombre minimum requis.

Cette modification a eu des conséquences non négligeables. Elle a permis momentanément la

survie d’un groupe parlementaire, et les groupes de nature strictement parlementaire, les

groupes de rassemblement dits « techniques » ont progressivement disparu de l’Assemblée

nationale.84

La réforme du règlement de l’Assemblée nationale du 27 mai dernier, consécutive à la

réforme constitutionnelle de 2008, vient apporter un nouveau changement dans l’exigence

d’effectif minimum, qui passe de 20 à seulement 15 députés. Quelques jours avant l’adoption

par le Congrès de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, le président Sarkozy avait en effet

déclaré être pour que « le seuil de constitution d'un groupe à l'Assemblée, actuellement de

83 François LUCHAIRE, Gérard CORNAC et Xavier PRETOT, La Constitution de la République française : Analyses et commentaires, 3ème Edition, Economica, Paris, 2008, p. 1283. 84 Exception faite notamment du groupe République et Liberté sous la 10ème législature et du groupe Radical, Citoyen et Vert sous la 11ème législature. Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Droit parlementaire, 3ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 93.

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vingt membres, soit abaissé à quinze».85 Cette promesse politique visait à rallier un nombre de

voix suffisant pour l’adoption de la réforme constitutionnelle, notamment celles des radicaux

de gauche. Cet engagement d’abaisser l’effectif minimum s’est concrétisé dans le nouveau

règlement de l’Assemblée nationale et permettra sans doute aux radicaux de gauche de former

un groupe parlementaire à part entière86 pour la nouvelle session parlementaire.

Les réductions successives du seuil minimum à 20 puis plus récemment à 15 membres

pour constituer un groupe parlementaire correspondent donc plutôt à de pures réactions

politiques et ne s’appuient sur aucune véritable réflexion constitutionnelle. L’exigence d’un

effectif moindre peut entraîner, sur le plan constitutionnel, une perte d’efficacité du travail

parlementaire, du fait d’une trop forte dispersion des votes à travers le retour à la

multiplication des groupes parlementaires au sein de l’Assemblée. Inversement, dans

l’hypothèse où une disposition du règlement élevait le seuil de manière à rendre impossible la

constitution d’un groupe parlementaire par les élus de l’opposition, il est permis de

s’interroger sur une possible censure du Conseil constitutionnel. L’instauration d’un seuil trop

élevé pourrait être reconnu contraire à la Constitution, dans la mesure où il empêcherait une

minorité de jouir de certaines compétences. Mais dans le même temps, une invalidation paraît

peu envisageable car la norme suprême ne protège pas précisément le droit pour les députés

de former un groupe parlementaire.87 Si l’effectif minimum requis est atteint, les

parlementaires réunis au sein d’un groupe doivent alors rendre publique sa déclaration

politique ainsi que la liste de ses membres.

Le problème du nombre de membres minimum en vue de constituer un groupe

parlementaire appelle à des développements beaucoup moins importants au Royaume-Uni. En

effet, la question de l’effectif minimum y est abordée de manière pour le moins imprécise et

ne présente pas de caractère obligatoire. Il existe actuellement plusieurs groupes

parlementaires à la Chambre des Communes, les trois plus importants d’entre eux que sont les

partis Travailliste, Conservateur et Libéral, réunissent déjà plus de 90% du total des 646

députés de l’assemblée. La question de l’effectif minimum ne pose donc aucun problème pour

de telles formations, qui chacune parvient à réunir des dizaines voire centaines d’élus

85 Interview de Monsieur Sarkozy, Le Monde, 17 juillet 2007. 86 De même, cette réduction de l’effectif minimum à 15 députés va vraisemblablement entraîner la constitution d’un groupe parlementaire indépendant pour les députés communistes, 18 actuellement à l’Assemblée nationale. 87 Virginie MATHOT, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001-2002, p. 26.

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parlementaires à la Chambre des Communes. Par ailleurs, il existe également quelques

groupes politiques beaucoup plus restreints défendant le plus souvent des intérêts locaux,

comme le Plaid Cymru et le Scottish National Party, qui sont réunis à travers leurs 10 députés

et constituent bien un groupe parlementaire distinct. Enfin, quelques députés sont enregistrés

comme députés indépendants, sans attache partisane particulière ou alors dissidents des

groupes conservateurs ou travaillistes.

Au Royaume-Uni, la composition de la Chambre des Communes est largement

déterminée par le mode de scrutin de ses représentants. En effet, l’élection des parlementaires

de la Chambre des Communes s’effectue dans le cadre du First past the post system au scrutin

majoritaire à un seul tour. Un siège seulement est donc à pourvoir dans chaque

circonscription, favorisant ainsi l’élection de représentants des deux plus grands partis. Ce

mode de scrutin peut aboutir à des résultats positifs amplifiés pour le parti vainqueur de

l’élection. Ce dernier se voit en effet généralement attribué un nombre de sièges important qui

lui offre la possibilité de gouverner seul et ce, malgré la courte avance en suffrages nationaux

exprimés le séparant de son principal concurrent. Par exemple, lors des dernières élections

législatives de 2005, le parti travailliste a recueilli environ 30% des voix des électeurs au plan

national mais, avec l’élection de 355 députés travaillistes, a récupéré 55% du total des sièges

à la Chambre des Communes.88 Ainsi, le parti majoritaire se voit le plus souvent accordé la

majorité absolue des sièges à la Chambre alors qu’il ne jouit que d’une majorité relative en

terme de nombre d’électeurs. Dans le même temps, cette situation entraîne logiquement une

sous-représentation des autres partis et favorise par là-même une situation parfois qualifiée de

bipartisme. Néanmoins, cette qualification, souvent employée par une partie de la doctrine,

n’est pas exacte, dans la mesure où le système britannique ne présente justement pas une

« stricte division entre deux grands partis [favorisant] bien évidemment l’opposition ».89

Le système de partis du Royaume-Uni a donc longtemps été caractérisé par la

représentation écrasante au sein du Parlement de deux partis principaux. A l’origine Whigs et

Tories, les deux principaux partis sont ensuite devenus Parti Conservateur et Parti Libéral,

puis ce dernier a été supplanté par le Parti Travailliste vers le début du XXème siècle. Dans les

années 1980, le groupe Libéral parlementaire a de nouveau connu une certaine progression, 88 Anthony BRADLEY et Keith EWING, Constitutional and Administrative Law, 14ème Edition, Pearson Longman, Londres, 2007, p. 33. 89 François Charles BOUSQUET, Jean Gicquel (dir.), Le statut de l’opposition sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, 2005, p. 121.

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sans toutefois être en mesure de gagner en importance au point de se substituer aux deux plus

grands partis. Le mode de scrutin pour les élections législatives britanniques n’a donc pas

pour effet d’instaurer un véritable bipartisme, mais plutôt de favoriser l’émergence d’un

groupe parlementaire majoritaire en mesure de soutenir la politique gouvernementale

travailliste. Ainsi, la situation du système de partis tend plutôt vers un modèle de tripartisme

au Royaume-Uni, même si quelques petits partis et députés indépendants en marge restent

également représentés au sein de la Chambre des Communes.

Le système électoral britannique renforce donc une situation où la plupart des députés

sont rattachés à l’un des trois principaux groupes parlementaires, ce qui a pour conséquence

de minimiser la possibilité d’existence et d’action des autres groupes parlementaires. En

France, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours des élections législatives rend

généralement possible une plus large représentation des partis politiques au sein de

l’assemblée et l’exigence d’un effectif minimum de députés par groupe semble cohérente

dans ce système de parlementarisme rationalisé. En effet, cette exigence permet d’éviter la

dispersion des députés dans un nombre trop important de groupes parlementaires, ce qui

pourrait nuire au bon déroulement du travail parlementaire et à la stabilité du système

parlementaire. Au contraire au Royaume-Uni, la condition d’un effectif minimum pour la

formation d’un groupe parlementaire n’est pas juridiquement établie, dans la mesure où le

système de scrutin pour l’élection des députés assure l’émergence de grandes formations et ne

présente pas le risque d’un éparpillement des députés à travers un trop grand nombre de

groupes parlementaires. En raison d’une certaine tradition parlementaire, où les plus grands

partis ont jusqu’alors toujours refusé de former une coalition avec des partis tiers et où le

mode de scrutin en lui-même permet de contenir le nombre de groupes parlementaires

différents au sein de la Chambre des Communes, l’exigence juridique d’effectif minimum en

France ne trouve en définitive pas d’application au Royaume-Uni.

Si l’effectif minimum est, en France tout du moins, une condition juridique de

constitution des groupes parlementaires, elle n’en est pas pour autant la seule. Pour satisfaire

pleinement aux exigences de formation d’un groupe, une publication de la déclaration

politique accompagnée de la liste des membres est aussi requise en France (paragraphe 2).

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Paragraphe 2 – La publication de la déclaration politique et la liste des membres en

France

En France, les conditions de constitution d’un groupe parlementaire, outre l’effectif

minimum requis, sont précisées à l’alinéa 2 de l’article 19 du règlement de l’Assemblée

nationale.90 L’article 21 précise que toute modification ultérieure quant à la composition de

ces listes doit être portée au service de la séance parlementaire, qui transmet l’information au

Président de l’Assemblée nationale. Tout changement est assorti de conditions de signature

spécifique en fonction d’une situation de démission, de radiation ou d’adhésion à un groupe

parlementaire.91 La publication d’une liste des membres de chacun des groupes au Journal

Officiel permet d’informer l’ensemble des citoyens français sur l’appartenance des élus

parlementaires à un groupe parlementaire. De même, toute modification de cette liste est

instantanément portée à la connaissance des citoyens à travers une publication au Journal

officiel. La publication est obligatoire en vue d’informer le peuple français, mais pas

seulement. La liste des membres permet également d’apporter la preuve que le seuil minimum

à la constitution d’un groupe parlementaire est atteint et qu’aucun parlementaire n’est membre

de plusieurs groupes à la fois. Mais l’établissement d’une liste de membres ne suffit pas pour

constituer un groupe, la déclaration politique est également indispensable, souvent considérée

d’ailleurs comme l’acte fondateur du groupe parlementaire.

La rédaction de la déclaration est relativement libre, dans la mesure où le Conseil

constitutionnel s’est refusé à lui-même ainsi qu’au bureau de l’Assemblée tout contrôle de son

contenu, à travers la décision des 17, 18 et 24 juin 1959. A l’origine, le nouveau règlement de

l’Assemblée nationale devait prévoir, dans son article 19 alinéa 4, un contrôle obligatoire des

déclarations politiques que les groupes déposeraient alors au bureau de l’Assemblée nationale,

afin d’examiner la conformité de chaque déclaration politique avec l’article 4 de la

Constitution. L’Assemblée se réservait ainsi, à travers le bureau de l’Assemblée nationale,

l’exercice d’un tel contrôle. A travers l’organisation dans son règlement intérieur de ce

contrôle, les députés prenaient acte des dispositions imposants aux partis de respecter les

90 « Les groupes se constituent en remettant à la Présidence une déclaration politique signée de leurs membres, accompagnée de la liste de ces membres et des députés apparentés et du nom du président du groupe. Ces documents sont publiés au Journal Officiel ». Article 19 alinéa 2 du Règlement de l’Assemblée nationale. 91 « Les modifications à la composition d’un groupe sont portées à la connaissance du Président de l’Assemblée sous la signature du député intéressé s’il s’agit d’un démission, sous la signature du président de groupe s’il s’agit d’une radiation et sous la double signature du député et du président de groupe s’il s’agit d’une adhésion ou d’un apparentement ». Article 21 du Règlement de l’Assemblée nationale.

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principes « de la souveraineté nationale et de la démocratie » et tentaient surtout d’entraver

l’action du groupe communiste, qui ne pouvait assurer que son fonctionnement était

véritablement démocratique.92

Le Conseil Constitutionnel a alors censuré cette disposition dans sa décision des 16, 17

et 24 juin 1959, estimant qu’elle pouvait empêcher « la formation même [de certains groupes]

par une appréciation laissée à la seule Assemblée nationale de la conformité de la déclaration

politique » des groupes en question.93 La décision du Conseil constitutionnel paraît donc

appropriée, ce serait en effet au contraire de la logique du système parlementaire français

d’affirmer que la majorité politique de l’Assemblée puisse apprécier du bon respect ou non

par un groupe politique des principes de souveraineté nationale et de la démocratie.94

La déclaration politique, élément fondateur et incontournable de la constitution des

groupes parlementaires, doit permettre la concrétisation de la communauté de pensée et de

valeurs partagées par l’ensemble des signataires.95 La déclaration est paraphée par tous les

députés membres du groupe en question, mais en réalité la signature de ce document

n’emporte pas d’effet juridique, dans la mesure où ce n’est qu’un texte déclaratoire. La

déclaration permet également, à travers la publicité qui en est faite, de permettre à chacun de

situer le positionnement politique du groupe au sein de l’hémicycle et ses grandes orientations

dans la vie parlementaire. Elle permet souvent aussi d’expliciter son attitude politique de

soutien ou de résistance par rapport à la politique gouvernementale. Mais parfois, la rédaction

d’une déclaration politique fait simplement usage d’expressions très générales, de manière à

rassembler au mieux certains parlementaires aux vues divergentes, en particulier dans le cas

de rassemblements techniques. Cela va d’ailleurs à l’encontre de la logique du groupe

parlementaire, organe parlementaire partiel censé réunir des députés qui normalement

devraient partager un ensemble de valeurs ou orientations politiques communes. La

92 Ludovic FONDRAZ, Jean Gicquel (dir.), Les groupes parlementaires au Sénat sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1997, p. 54. 93 « …Par le motif que les dispositions de ce texte, combinées avec celles de l'alinéa 2 du même article et celles de l'article 20, n'ont pas seulement pour effet de permettre de faire obstacle à l'insertion au Journal officiel de la déclaration politique d'un groupe, mais aussi d'empêcher la formation même de ce groupe, par une appréciation, laissée à la seule Assemblée nationale, de la conformité de la déclaration politique dudit groupe aux dispositions de l'article 4 de la Constitution ». Décision du Conseil constitutionnel du 17, 18 et 24 juin 1959 relative à l’examen du règlement définitif de l’Assemblée nationale. 94 Ludovic FONDRAZ, Jean Gicquel (dir.), Les groupes parlementaires au Sénat sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1997, p. 55. 95 Ludovic FONDRAZ, Jean Gicquel (dir.), Les groupes parlementaires au Sénat sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1997, p. 85.

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déclaration n’est donc souvent qu’une énumération de différents principes, sans emprise sur le

fonctionnement des groupes parlementaires.96 C’est souvent un texte concis, qui ne dépasse

pas généralement une page. Dans l’hypothèse où la déclaration politique était rédigée par des

parlementaires peu politisés et rassemblés au sein d’un groupe commun, une formulation en

termes très généraux et sans véritable orientation politique ne poserait aucun problème. En

effet, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a estimé que ni le Bureau de l’Assemblée,

ni lui-même ne sont compétents pour connaître de la conformité de la déclaration avec

l’article 4 de la Constitution, la rédaction du contenu de la déclaration reste totalement libre et

ouvert à la discrétion des groupes parlementaires. La position du Conseil constitutionnel reste

cohérente en la matière, car l'acceptation d’un tel contrôle reviendrait à prendre des décisions

de nature politique pour lesquelles il n’est pas compétent. Même si les compétences qui lui

sont attribuées ne l’autorisent pas à avoir un rôle politique, il semble pertinent de se demander

si les Sages de la rue Montpensier adopteraient une autre position et consentiraient

exceptionnellement à contrôler si un groupe parlementaire extrémiste rédigeait une

déclaration manifestement contraire aux droits et libertés fondamentales.

Par ailleurs, la déclaration politique paraît également nécessaire à la formation de

groupes afin, comme l’estimait le Professeur Prélot, que les groupes soient « mieux définis et

jouent un rôle plus marqué dans les débats ».97 La déclaration commune permet de souligner

le caractère politique des groupes, de contraindre les parlementaires à se situer politiquement.

Elle rend possible ensuite une organisation plus rationnelle du travail législatif de

l’Assemblée. Plus qu’une simple condition formelle, l’exigence de remettre une déclaration

politique commune au président de l’Assemblée nationale assure une certaine clarification de

la représentation nationale qui, à travers ses parlementaires, se réunit dans des groupes

parlementaires d’orientations politiques diverses, ce qui permet à la fois de structurer et de

marquer davantage les différentes orientations politiques au sein du Palais Bourbon.

Le groupe parlementaire est officiellement formé au moment de la remise au président

de l’Assemblée nationale de la déclaration politique accompagnée de la liste des membres du

groupe. Mais la déclaration reste surtout une condition formelle de constitution du groupe qui

96 Charles VARLET, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires, aujourd’hui, Mémoire de Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005-2006, p. 23. 97 Monsieur PRELOT, JO, débats, Sénat, séance du 22 avril 1971, p. 200, in : Virginie MATHOT, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001-2002, p. 26.

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n’a plus aucune portée dès lors que ce dernier est juridiquement reconnu. Ainsi, selon le

secrétaire général du groupe Gauche Démocrate et Républicaine à l’Assemblée nationale, ce

n’est pas « un texte très lisible et on ne s’y réfère jamais ».98 Cependant, la déclaration

politique reste le fondement juridique originel du groupe et a pour objectif d’opérer la

différence entre un groupe réuni autour de valeurs politiques communes et un groupe

technique formé pour le seul intérêt de bénéficier de moyens matériels et organisationnels.

Si la constitution des groupes parlementaires nécessite au préalable une déclaration

politique et une liste exhaustive de ses membres en France, le système parlementaire

britannique s’attache particulièrement à un élément principal, la réception du document whip

(paragraphe 3).

Paragraphe 3 – La réception hebdomadaire du document whip au Royaume-Uni

Il a pu précédemment déjà être constaté que de manière générale, dans le système

britannique, la constitution d’un groupe parlementaire n’est pas soumise à la réunion de

conditions précises. La formation d’un groupe est ainsi relativement libre au sein de la

Chambre des Communes, dans la mesure où aucune norme écrite ne le subordonne à un

certain nombre de conditions formelles. En particulier, il n’existe pas d’exigence d’effectif

minimum comme en France, où la composition du groupe de 15 membres minimum est une

condition sine qua non de sa reconnaissance formelle en tant que groupe politique à part

entière de l’Assemblée. De fait, la notion d’effectif minimum est étrangère au fonctionnement

des groupes parlementaires britanniques. De plus, la Chambre des Communes est trop exiguë

pour accueillir l’ensemble de ses membres,99 et les places assises ne permettent pas de

contenir les 646 députés. Les députés ne se voient donc pas attribué de siège précis,

contrairement à ce qui se passe à l’Assemblée nationale. L’exigence d’effectif minimum pour

chaque groupe, dans la mesure où il n’est pas possible d’accueillir en même temps l’ensemble

des députés britanniques dans la Chambre, semblerait dès lors quelque peu hasardeuse.

Le seul critère objectif qui permette véritablement d’établir l’appartenance d’un député

à un groupe parlementaire est la réception du document whip, envoyé par le chef whip, qui 98 Dominique Touraine, secrétaire général du groupe Gauche Démocrate et Républicaine, in : Charles VARLET, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires, aujourd’hui, Mémoire de Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005-2006, p. 24. 99 Bill JONES et Dennis KAVANAGH, Politics UK, 6ème Edition, Longmann, London, 2007, p. 410.

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porte également le nom de Parliamentary Secretary to the Treasury lorsqu’il appartient à la

majorité gouvernementale. Il existe un chef whip pour chaque groupe parlementaire, et ce

dernier est ainsi chargé d’envoyer chaque semaine The Whip, qui est un « document vital pour

chaque député ».100 Lorsque la question du whip est abordée, la distinction doit donc bien être

réalisée entre le poste et le message délivré, qui sont désignés par le même terme. Le whip est

une communication hebdomadaire, un document succinct de travail accompagné de très peu

de commentaires annexes. Il fournit des informations sur le travail de la Chambre des

Communes pour la semaine à venir.101 Généralement envoyé le vendredi par le chef whip à

ses députés,102 la réception du whip fonde le critère principal d’appartenance d’un député à un

groupe parlementaire. Cette communication ne consiste pas en de simples informations sur

l’agenda parlementaire, mais en des conseils, pour ne pas dire des consignes de vote, ainsi que

la liste des ministres prévus pour les différentes allocutions de la semaine.103 Le chef whip

communique aux députés de son groupe parlementaire l’attitude officielle de vote par rapport

à chaque texte législatif abordé la semaine suivante lors des travaux de la Chambre. Chaque

projet de loi est donc souligné une, deux ou trois fois en fonction de son importance. Les one-

line whip, whip simplement soulignés ou les two-line whip, doublement soulignés, signifient

généralement que le projet de texte est peu susceptible de désaccords au sein du groupe

parlementaire et la présence pour participer au vote n’est pas obligatoirement requise. En

revanche, un texte triplement souligné, appelé three-line whip, signifie que le chef whip

compte absolument sur la présence des députés de son groupe parlementaire.104

A l’occasion de réunions qui ont lieu chaque semaine, le chef whip réunit son équipe

d’assistants whip et les deux whips adjoints, de manière à faire le point sur le travail législatif.

Cette rencontre hebdomadaire, également complétée par des rassemblements plus brefs et

informels chaque jour, est surtout l’occasion de discuter des divisions ou rebellions

potentielles de députés du groupe parlementaire sur le vote de textes législatifs à la Chambre

des Communes.105 Le cas échéant, l’équipe des whips peut décider de prendre des mesures à

l’égard de certains membres du groupe parlementaire en fonction de leur comportement de

vote pour l’adoption de certaines lois.

100 Robert ROGERS et Walters RHODRI, How Parliament Works, 6ème Edition, Londres, 2006, p. 101. 101 John BIFFEN, Inside Westminster, 2ème Edition, 1996, p. 89. 102 Lord Herbert MORRISON, Government and Parliament : a survey from the inside, Oxford University Press, London, 3ème Edition, 1964, p. 123. 103 Ibid., p. 123. 104 Andrew ADONIS, Parliament today, 2ème Edition, Manchester University Press, 1993, p. 61. 105 Robert JACKSON, Rebels and Whips, Macmillan, Londres, 1968, p. 43.

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La décision disciplinaire la plus grave qui peut être prise à l’encontre d’un député est

le retrait du party whip. Le parlementaire ainsi exclu du party whip ne va alors plus recevoir

le document hebdomadaire envoyé aux membres du groupe parlementaire et n’est en

conséquence plus considéré comme membre du groupe parlementaire.106 Ainsi, il ne peut plus

non plus assister aux réunions principales de son groupe parlementaire ou participer au

commissions spéciales du groupe. La réception hebdomadaire du whip par un député est donc

bien la « reconnaissance [qu’il] est un membre du groupe parlementaire qui lui a envoyé le

whip, donc si le whip (le document) lui est retiré et ne lui est plus communiqué, il est alors à

considérer comme "excommunié" ou exclu. »107

Mais ce choix d’exclusion du groupe parlementaire vient parfois du député lui-même,

qui décide alors volontairement de démissionner. Néanmoins, ce procédé n’est possible que

dans le cas du groupe conservateur, les démissions concernant le groupe travailliste ne sont

toujours en réalité que les conséquences d’une décision d’exclusion du groupe

parlementaire.108 Pour le groupe conservateur, la situation d’un député qui démissionne est

beaucoup plus courante que celle où le whip lui est retiré et où il est donc exclu du groupe. Le

pouvoir d’exclure un député et de lui retirer le whip est soumis à la décision du Parliamentary

Labour Party, le groupe parlementaire travailliste tandis que du côté conservateur, le pouvoir

de retrait du whip appartient au leader et au chef whip, c’est parfois même le chef whip qui

prend seul la décision.109

Par ailleurs, le groupe parlementaire peut décider de simplement suspendre le whip

pour un député pour une durée n’excédant généralement pas un mois, en cas de « faute »

légère du député. Même quand le whip est retiré au parlementaire et semble définitivement

l’exclure du groupe parlementaire, ce dernier peut souvent retrouver sa place au sein du

groupe parlementaire, dans le cas où il se trouve réélu à l’élection législative suivante.110

L’exclusion du groupe parlementaire ne présente donc que rarement un caractère définitif.

106 Alex CARROLL, Constitutional and administrative law, 4ème Edition, Pearson Education, Londres, 2003, p.134. 107 Lord Herbert MORRISON, Government and Parliament : a survey from the inside, Oxford University Press, London, 3ème Edition, 1964, p. 128. 108 James LYNKSEY, « Backbench tactics and parliamentary party structure », Parliamentary Affairs, p. 32. 109 Philip NORTON, « Working without the whip », The House Magazine, n° 659, vol. 20, 1995, p. 11. 110 Robert JACKSON, Rebels and Whips, Macmillan, Londres, 1968, p. 222.

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La réception du whip est donc la condition essentielle pour être rattaché au groupe, et

est en cela l’élément constitutif principal du groupe parlementaire. Néanmoins, certains

députés « rebelles » qui ne reçoivent plus le whip ne sont pas pour autant tous affectés par

leur exclusion ou leur démission volontaire. Monsieur Johnson par exemple, député

conservateur, estime ne pas regretter d’avoir démissionné du groupe parlementaire, dans la

mesure où il conserve certains droits, en particulier celui de voter à la Chambre des

Communes.111 Privé de conseils sur le vote et sur l’importance de chaque projet ou

proposition de loi en examen à la Chambre, le député auquel a été retiré le whip se voit

néanmoins privé d’une source de renseignements utiles dans le cadre du travail législatif.

Mais « les conséquences de ce retrait ne doivent pas être exagérées ». En effet, la plupart des

députés privés de whip et devenus indépendants empruntent de fait les documents whip à

certains de leurs anciens collègues de groupe.112

Après avoir consacré de larges développements au cadre juridique général des groupes

parlementaires, à la fois à travers la reconnaissance juridique qui en est faite par la

Constitution mais aussi par tous les autres textes de nature législative ou parlementaire et à

travers les conditions juridiques indispensables à la constitution d’un groupe parlementaire,

une analyse plus en détail du cadre d’organisation interne et des compétences conférées aux

groupes parlementaires dans le travail parlementaire semble nécessaire (chapitre 2).

Chapitre 2 – Le cadre de fonctionnement interne et les fonctions des groupes

parlementaires

En tant qu’organe de travail des assemblées, le groupe parlementaire se voit attribuer

un certain nombre de compétences (Section 2). L’exercice de ces droits s’exprime dans le

cadre du travail parlementaire et contribue ainsi à un fonctionnement rationalisé de

l’Assemblée nationale et de la Chambre des Communes. Néanmoins, l’ensemble des

compétences dévolues aux groupes parlementaires ne peuvent s’exercer de manière effective

qu’à partir du moment où cet organe de travail parlementaire connaît une organisation interne

précisément définie (Section 1).

111 « Do I, therefore, have cause to regret the step which I took in January when I resigned the Party Whip ? The answer is that I do not. » Donald McIntosh JOHNSON, On being an independent MP, Londres, 1964, p. 9. 112 Robert JACKSON, Rebels and Whips, Macmillan, Londres, 1968, pp. 224 et 225.

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Section 1 – L’organisation interne des groupes parlementaires

L’organisation interne des groupes parlementaires est établie en partie par le droit

parlementaire écrit comme le règlement de l’Assemblée nationale, mais la pratique et la

coutume parlementaire se chargent généralement de fixer plus précisément ces règles. Au

Royaume-Uni en particulier, les groupes parlementaires revêtent une « importance énorme »

au sein de Westminster et cela peut ainsi paraître « surprenant qu’ils ne soient pas reconnus

plus explicitement par les règles » de la Chambre des Communes.113 En effet, il est permis de

déplorer, d’un point de vue juridique, que l’organisation interne des groupes parlementaires

au Parlement britannique ne soit pas établie par des normes juridiques écrites, ce qui

présenterait l’avantage de la précision et de la continuité d’un système. Au contraire,

l’organisation du groupe et de son leader à la Chambre des Communes est principalement

réglée par la coutume parlementaire et par des conventions établies par et au sein de chaque

groupe parlementaire. L’ensemble de ces règles est donc difficile à cerner au Royaume-Uni

dans la mesure où elles restent établies le plus souvent par des pratiques politiques, diffuses et

quelque peu différentes entre les groupes parlementaires. Le Professeur Lynskey parle ainsi

de « structures de groupes parlementaires dissemblables dans la Chambre des

Communes ».114 En l’absence d’autre support d’analyse et bien qu’elle ne revêtent pas le

caractère de normes juridiques, ces pratiques politiques seront prises en compte dans la suite

de l’étude.

Par ailleurs et au delà de l’hétérogénéité des sources normatives, les groupes

parlementaires connaissent une organisation interne très différente dans les systèmes français

et britannique. En France, le règlement de l’Assemblée nationale ne prévoit pas l’organisation

interne du groupe parlementaire, mais confère un certain nombre de compétences à son

président. Au Royaume-Uni, l’organisation du groupe parlementaire et de son leader s’est

largement développée au début du XXème siècle, à l’occasion de la création du 1922

Committee et du Parliamentary Labour Party. Ces évolutions ont permis la mise en place de

manière durable d’une structure interne pour les deux plus grands partis à la Chambre des

Communes et le fonctionnement des réunions de groupes n’a connu que peu de modifications

après plus d’un siècle d’existence.

113 Robert ROGERS et Walters RHODRI, How Parliament Works, 6ème Edition, Londres, 2006, p. 98. 114 James LYNKSEY, « Backbench tactics and parliamentary party structure », Parliamentary Affairs, p. 33.

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En France comme au Royaume-Uni, deux éléments principaux composent et

structurent l’organisation interne des groupes parlementaires. Ces derniers sont chacun

composés d’un chef ou d’une équipe dirigeante, indispensables en vue de maintenir l’ordre et

de poursuivre des choix ou orientations politiques précises (Paragraphe 1), qui sont

généralement discutés de manière préalable au cours des réunions de groupe (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – La direction des groupes parlementaires

Au Royaume-Uni, la direction du groupe parlementaire est assurée à travers plusieurs

organes coordonnés. Le leader du parti semble le responsable logique du groupe

parlementaire en tant que « premier chef du parti », qu’il soit Premier ministre et leader dans

le parti majoritaire ou simplement leader d’un des partis d’opposition. Néanmoins, ce dernier

ne peut assurer à lui seul la direction du groupe parlementaire, en particulier lorsqu’il est à la

tête du gouvernement, accaparé aussi bien par la gestion de son équipe de ministres que par la

conduite de la politique nationale et internationale. Ce leadership « naturel » auprès du groupe

parlementaire est donc pour l’essentiel délégué au chef whip ainsi qu’au président du groupe

parlementaire.

Le chef whip est donc un poste clef pour le fonctionnement interne du groupe

parlementaire ainsi que pour l’organisation du déroulement des séances parlementaires. Mais

s’il est « l’élément le plus connu des groupes parlementaires », le chef whip en est aussi « le

plus incompris ».115 Il peut être rapproché, dans une certaine mesure, de la fonction de

président de groupe parlementaire en France (cf. infra), direction interne et systématique au

sein de chaque groupe parlementaire. En effet, même les plus petits groupes parlementaires au

Royaume-Uni sont composés d’un chef whip, qui joue alors surtout un rôle de représentation

de son groupe dans l’organisation du travail de la Chambre. Le chef whip est à la tête d’une

équipe d’environ une douzaine d’assistants whips pour les deux grands groupes

parlementaires et il est souvent épaulé par un ou deux whips adjoints. L’effectif total peut

varier en fonction du nombre de députés élus, puisque chaque assistant whip est en charge

d’une trentaine de parlementaires. L’ensemble des membres du groupe parlementaire

travailliste élisent le chef whip et désignent ses assistants tous les ans, tandis que chez les

115 Philip NORTON, The Commons in Perspective, Oxford, 1981, p. 28.

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conservateurs, le bureau des whips soumet une liste de nouveau whips au leader du parti, à

qui appartient la décision finale.116

Par ailleurs, le chef whip se présente comme une voie de communication privilégiée

entre le leadership du parti et les backbenchers, les députés de base, placés comme leur nom

l’indique sur les bancs arrières de la Chambre des Communes.117 Le terme whip, qui signifie

littéralement « fouet » en anglais, est assez « déroutant pour les étrangers et même pour la

plupart des anglais ».118 A l’origine, cette expression, « trompeuse et déroutante »,119 était

utilisée pour décrire le fait de « fouetter une meute de chien de chasse »120 et a été reprise pour

désigner cet organe du Parlement britannique. Un chef whip efficace doit donc adopter une

position à la fois stratégique et forte envers le groupe parlementaire, ce qui requiert parfois

d’utiliser des techniques de persuasion assez primaires, par l’usage du « bâton et de la

carotte » de manière à « faire rentrer dans le rang les députés contestataires ».121 Une

dimension incontournable de la fonction de chef whip est donc celle d’organiser et de

conserver une certaine cohérence du groupe dans les votes. L’envoi du document whip,

chaque semaine, en est la preuve concrète. Pour les questions de débats soulignées trois fois,

le three-line whip, la participation des parlementaires au vote est plus que souhaitable. Le

quotidien des whips ne se résume pas néanmoins à se préoccuper des députés

« récalcitrants ». Au contraire, le rôle majeur des whips est « d’agir comme les yeux et les

oreilles du leader du party »122 au sein du groupe parlementaire.

Le rôle du chef whip s’inscrit au cœur du Parlement, il est donc souvent à Westminster

auprès des backbenchers et régulièrement d’ailleurs « le premier à arriver et le dernier à

repartir ».123 Ils permettent d’un côté de rapporter les opinions des parlementaires au

gouvernement et d’alerter sur certains projets législatifs qui ne font pas l’unanimité dans le

groupe, et de l’autre de transmettre et expliciter les attentes gouvernementales en direction des

backbenchers. Quand le groupe parlementaire soutient le gouvernement, le chef whip est

116 John BIFFEN, Inside Westminster, 2ème Edition, 1996, p. 92. 117 Robert ROGERS et Walters RHODRI, How Parliament Works, 6ème Edition, Londres, 2006, p. 98. 118 Lord Herbert MORRISON, Government and Parliament : a survey from the inside, Oxford University Press, London, 3ème Edition, 1964, p. 114. 119 John BIFFEN, Inside Westminster, 2ème Edition, 1996, p. 89. 120 David POLLARD et Neil PARPWORTH, Constitutional and Administrative Law, 4ème Edition, Oxford University Press, 2007, p. 204. 121 Robert ROGERS et Walters RHODRI, How Parliament Works, 6ème Edition, Londres, 2006, p. 109. 122 Andrew ADONIS, Parliament today, 2ème Edition, Manchester University Press, 1993, p. 61. 123 Nicholas BALDWIN, Parliament in the 21st Century, Politico’s, London, 2004, p. 191.

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souvent « le conseiller le plus proche du Leader »124 et même lorsqu’il est dans l’opposition, il

reste toujours en contact étroit avec le leader du groupe. Alors qu’il n’est pas membre officiel

du Cabinet, de l’équipe gouvernementale, il assiste régulièrement à ses réunions.125 Le bureau

du chef whip est situé au 12 Downing Street, ce qui montre bien la proximité du chef whip

avec le leader du groupe, le Premier Ministre.126 Le chef whip du groupe conservateur n’a

alors pas le droit de prendre la parole à ces réunions, sauf si son opinion est requise, tandis

que lorsque le groupe parlementaire travailliste est dans la majorité, le chef whip a un pouvoir

d’initiative dans les débats du Cabinet.127 Ainsi, les travaillistes semblent donner plus

d’importance au chef whip, qui peut plus facilement s’exprimer et retransmettre les vues des

parlementaires sur des projets législatifs en cours.

Le président du 1922 Committee est à la tête de la réunion hebdomadaire du groupe

parlementaire conservateur et tient un rôle important puisqu’en tant que représentant des

intérêts des backbenchers, il dispose notamment d’un accès direct auprès du leader du groupe

conservateur.128 Il est l’autre véritable dirigeant du groupe parlementaire, en complémentarité

totale avec le chef whip, puisqu’ils agissent souvent de concert.129 En effet, ces deux postes

ont chacun pour but d’entretenir des rapports constants entre le leader et les backbenchers.

L’importance du président du groupe parlementaire travailliste semble moindre,

puisque sa fonction consiste surtout à présider les réunions hebdomadaires de son groupe et

puisqu’il peut facilement être remplacé par le chef whip en cas d’absence. A l’origine,

l’appellation de « président » était préférée à celle de « leader » pour désigner le responsable

du groupe parlementaire, et il était élu tous les ans par le Parliamentary Labour Party. Son

pouvoir était donc beaucoup moins fort que son homologue conservateur, il était plutôt

considéré comme un simple « porte-parole ».130 Le rôle moins important du président du

groupe parlementaire peut également s’expliquer par le fait qu’auparavant, le poste de leader

et celui de président du groupe parlementaire étaient occupés par une seule et même

124 Robert JACKSON, Rebels and Whips, Macmillan, Londres, 1968, p. 36. 125 Ministerial Salaries Act, 1965. 126 Lord Herbert MORRISON, Government and Parliament : a survey from the inside, Oxford University Press, London, 3ème Edition, 1964, p. 115. 127 Robert JACKSON, Rebels and Whips, Macmillan, Londres, 1968, p. 37. 128 Robert ROGERS et Walters RHODRI, How Parliament Works, 6ème Edition, Londres, 2006, p. 99. 129 John GRIFFITH et Michael RYLE, « Parliament : Functions, Practice, and Procedure », Sweet and Maxwell, London, 1989, p. 108. 130 Robert MCKENZIE, British Political Parties, 2ème Edition, Heineman, Londres,1963, p. 301.

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personne.131 Depuis 1970, l’habitude a été prise d’élire un président de groupe parlementaire

issu des backbenchers en sus du leader, lorsque ce dernier est au pouvoir, Premier Ministre.132

Dès lors, les deux fonctions sont toujours restées séparées et le leader, à l’occasion de ce

changement, a ainsi emporté l’essentiel des attributions pour ne laisser au Chairman du

Parliamentary Labour Party qu’une infime partie de ses compétences initiales. Néanmoins, le

président du groupe parlementaire travailliste, aux côtés du chef whip, demeure un élément

important de la communication entre backbenchers et frontbenchers. Ces derniers sont

constitués par l’ensemble du Cabinet lorsque le groupe est au gouvernement ou par les

membres du Cabinet Fantôme et des secrétaires d’Etat quand le groupe est dans

l’opposition.133 Lord Clive Soley, qui a présidé le Parliamentary Labour Party de 1997 à

2001, estime que son rôle est à la fois de représenter les backbenchers vis-à-vis de l’équipe

gouvernementale et du Premier ministre et d’assurer dans le même temps la représentation du

Premier Ministre vis-à-vis des backbenchers. Cette fonction est donc relativement difficile, le

gouvernement et le groupe parlementaire vont souvent dans des directions différentes qu’il est

difficile de concilier. Une des fonctions du président du Parliamentary Labour Party est donc

d’opérer une harmonisation de ces orientations.134

La direction des groupes parlementaires à Westminster est donc plutôt assurée par

deux organes distincts, le président de groupe parlementaire et le whip, « chef de file

parlementaire », qui permettent, chacun à leur manière, d’assurer une communication et un

lien constant entre le leader du groupe et sa base parlementaire, les backbenchers.

A l’Assemblée nationale, la fonction de président de groupe a son importance dans le

cadre de l’organisation interne des groupes parlementaires, pour « donner des impulsions

décisives » à ses députés et en quelque sorte les guider vers des orientations, des choix

politiques.135 Au contraire des whips au Royaume-Uni, le président du groupe parlementaire

qui soutient le gouvernement n’a normalement pas à assurer un lien entre leurs parlementaires

et l’équipe gouvernementale. Néanmoins, il arrive que certains présidents de groupe

dépassent le cadre initial de leurs compétences. En 1981, le groupe socialiste a ainsi « pris la

131 Philip NORTON, The Commons in Perspective, Oxford, 1981, p. 33. 132 Robert MCKENZIE, British Political Parties, 2ème Edition, Heineman, Londres,1963, p. 311. 133 HEIDAR Knut et Ruud Koole, Parliamentary Party Groups in European Democracies: Political Parties Behind Closed Doors, Routledge, London, 2000, p. 42. 134 Lord Clive SOLEY, entretien réalisé le lundi 15 décembre 2008. 135 Jean GARRIGUES, « Les groupes parlementaires aux origines de la IIIème République », Parlement(s). Histoire et politique n°0, Faut-il tourner le dos à la politique ?, Paris, 2003, p. 2.

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relève du gouvernement dans la conduite de la bataille parlementaire », son président se

substituant même au ministre chargé des relations avec le Parlement pour accélérer l’examen

ainsi que l’adoption des textes et pour organiser le déroulement de la séance parlementaire.136

Mais généralement, la fonction principale du président de groupe consiste plutôt à représenter

ses parlementaires et à assurer « une sorte de tutelle des élus, leur imposant des initiatives, ou,

au contraire, les freinant et s’y opposant ».137 Il doit leur permettre aussi de profiter des

prérogatives qui leur sont reconnues dans le cadre des procédures parlementaires pour le

temps de parole et l’ordre du jour, déterminés à l’occasion de la Conférence des Présidents.

Le président de groupe, membre de droit de cet organe directeur de l’Assemblée, peut ainsi

porter les volontés de ses députés d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée certaines

propositions de lois et tenter de faire entendre leurs voix. Par ailleurs, il appartient au

président de groupe d’aménager au sein de son groupe la distribution à ses députés du temps

de parole, réparti entre les groupes par le Président de l’Assemblée nationale. Ce dernier se

voit indiqué par chaque président de groupe « l’ordre dans lequel ils souhaitent que les

orateurs soient appelés ainsi que la durée de leurs interventions ».138

Par ailleurs, le président de groupe, en tant que dirigeant d’une formation politique

parlementaire, joue un rôle important de représentation de l’ensemble de ses membres et de

leurs orientations politiques, de leurs valeurs. Ainsi, il est régulièrement sollicité par des

comités en vue d’être auditionné et de connaître les positions du groupe politique qu’il

représente sur un certain nombre de questions. En 2007 par exemple, le comité de réflexion et

de propositions sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème

République139, présidé par Monsieur Balladur, a pu interroger les présidents de groupes

parlementaires afin de connaître leur avis sur la question fondamentale de la révision

constitutionnelle à venir. De même, le comité pour la réforme des collectivités territoriales,

présidé encore une fois par Monsieur Balladur et institué par un décret du Président de la

République, a souhaité recevoir en janvier 2009 les présidents des groupes parlementaires afin

de recueillir leur opinion sur ce projet de réforme. A travers des auditions de Présidents de

groupes parlementaires devant des commissions ou comités ad hoc, les groupes participent

ainsi, en tant qu’organe de travail parlementaire, à la réflexion et au débat politique hors 136 Pierre AVRIL, « Le Président, le parti et le groupe », Pouvoirs, n° 20, 1981, p. 121. 137 Philippe ARDANT et Bertrand MATHIEU, Institutions politiques et droit constitutionnel, 20ème Edition, LGDJ, Paris, 2008, p. 546. 138 Article 49 alinéa 3 du règlement de l’Assemblée nationale. 139 Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, instauré par le décret n° 2007-1108 du 18 juillet 2007.

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assemblée mais en prise avec l’actualité et les projets de réformes législatives et

constitutionnelles.140 La direction des groupes parlementaires est partie intégrante de leur

organisation interne, concrétisée en outre à travers de très régulières réunions de groupes

(paragraphe 2).

Paragraphe 2 – Les réunions des groupes parlementaires

Au Royaume-Uni, le 1922 Committee et le Parliamentary Labour Party sont les noms

respectifs des groupes parlementaires conservateur et travailliste, qui se réunissent

régulièrement pour débattre entre-eux de questions importantes. Si déjà au XIXème siècle

certains leaders avaient sporadiquement organisé de telles réunions, ce n’était que dans

l’objectif pour le leader « d’exhorter, non de consulter » les membres de son groupe.141 De

nos jours, les réunions permettent plutôt d’entretenir le lien entre les backbenchers, députés

sans responsabilité ministérielle, et les ministres du gouvernement. Elles permettent aussi de

valider certaines orientations et les consignes concernant les votes de la semaine à venir à la

Chambre des Communes. Ces réunions sont primordiales, le cœur de la décision politique au

Parlement a désormais lieu dans le cadre de ces réunions de groupe et « le débat au sein de la

Chambre devient une simple formalité », de même que le vote qui s’ensuit.142 Mais les règles

de fonctionnement internes de ces réunions diffèrent pour chaque groupe parlementaire, en

fonction de leur pratique parlementaire. Ces pratiques vont donc être analysées ci-après, en

l’absence de sources juridiques à proprement parler et même si ces pratiques n’ont pas de

valeur normative.

Le groupe parlementaire conservateur, le 1922 Committee, a été créé en 1923 par des

parlementaires élus pour la première fois aux élections législatives de 1922, et ses réunions

ont lieu chaque mercredi à 17h30. Si le groupe est dans l’opposition, tous les parlementaires

conservateurs sont membres du 1922 Committee, et quand ils sont au gouvernement, les

ministres et les whips ne sont alors pas présents, sauf à y être invités.143 Dans la mesure où les

réunions du groupe conservateur permettent d’instaurer un dialogue entre leaders et

parlementaires, le 1922 Committee est « l’arène principale » pour résoudre les désaccords et

140 Notamment à travers la participation aux deux comités officiels instaurés par décret mentionnés supra. 141 Philip NORTON, The Commons in Perspective, Oxford, 1981, p. 32. 142 Paul SEAWARD et Paul SILK, The House of Commons » in Vernon Bogdanor, « The British Constitution in the twentieth century, Oxford University Press, 2003, p. 146-147. 143 Robert ROGERS et Walters RHODRI, How Parliament Works, 6ème Edition, Londres, 2006, p. 109.

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dissiper les incompréhensions au sein du groupe.144 Lorsque le parti est au gouvernement, les

ministres peuvent prendre le temps par exemple d’expliquer plus en détail un projet de

réforme, tandis que les députés de base peuvent les interpeller sur un certain nombre de sujets.

En comparaison avec le Parliamentary Labour Party, les réunions du groupe conservateur sont

donc très informelles.145

Par ailleurs, il revient au 1922 Committee de nommer son leader. La tradition

parlementaire du choix d’un leader « apparaissant naturellement », et qui en cas de doute,

reposait sur le choix du monarque, est définitivement écartée en 1965.146 Désormais, la

nouvelle procédure interne au groupe parlementaire conservateur se veut plus démocratique,

et prévoit la mise en place d’un système d’élection par des règles formelles de scrutin.

La réunion hebdomadaire du groupe parlementaire conservateur est aussi l’occasion

pour le chef whip de justifier ses recommandations de vote sur les projets de loi à venir.147

Cela lui permet ainsi de développer et expliquer davantage les consignes de vote indiquées

lors de l’envoi du document whip. Par ailleurs, aucun vote n’est organisé aux réunions du

1922 Committee qui permette aux députés de prendre une position claire, c’est simplement le

président du 1922’ qui annonce quel consensus semble s’être dégagé de la rencontre.148 Le

mode opératoire est, sur ce point beaucoup plus clair du côté du groupe travailliste.

De son côté, le Parliamentary Labour Party se rassemble pendant environ une heure

chaque lundi soir avec l’ensemble des députés travaillistes, les backbenchers et les

frontbenchers, députés membres de l’équipe gouvernementale.149 L’origine des réunions du

groupe parlementaire remonte à 1906150, quand le groupe parlementaire voulait conserver une

identité et un fonctionnement distinct du Parti Libéral, avec lequel il était alors allié. Les

réunions du groupe travailliste commencent régulièrement par un rapport du Parliamentary

Committee, une sous-commission spécialement créée dans le but de faciliter le contact entre

les frontbenchers et les backbenchers. Ensuite, le chef whip est amené à s’exprimer. A cette

144 James LYNKSEY, « Backbench tactics and parliamentary party structure », Parliamentary Affairs, p. 34. 145 Robert MCKENZIE, British Political Parties, 2ème Edition, Heineman, Londres,1963, p. 59. 146 Philip NORTON, The Commons in Perspective, Oxford, 1981, p. 39. 147 John GRIFFITH et Michael RYLE, « Parliament : Functions, Practice, and Procedure », Sweet and Maxwell, London, 1989, p. 108. 148 James LYNKSEY, « Backbench tactics and parliamentary party structure », Parliamentary Affairs, p. 34. 149 Robert ROGERS et Walters RHODRI, How Parliament Works, 6ème Edition, Londres, 2006, p. 108. 150 Paul SEAWARD et Paul SILK, The House of Commons » in Vernon Bogdanor, « The British Constitution in the twentieth century, Oxford University Press, 2003, p. 147.

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occasion, le travail législatif à venir est abordé, de même que les consignes de vote. Ensuite,

au moins un membre du Cabinet, ministre du gouvernement, est généralement invité à tenir

un discours devant l’ensemble du groupe à propos d’un projet ou réforme d’actualité.

Par ailleurs, des backbenchers sont autorisés à soulever un point de réforme législative

et à tester l’opinion du groupe sur ce sujet, sous réserve d’avoir signalé leur intervention au

moins une semaine plus tôt au chef whip.151 A l’inverse du groupe conservateur qui ne

fonctionne que par « consensus », des votes sont organisés afin de connaître l’avis général du

groupe sur certains projets de réforme législative.152 L’organisation de ces réunions sur le plan

procédural paraît donc plus aboutie que celles du groupe conservateur. Ainsi, le Parliamentary

Labour Party semble avoir plus d’importance, de façon formelle tout au moins. De plus, le

résultat de ces votes est supposé être contraignant, même si cette règle n’est pas toujours

respectée.153 Néanmoins, de tels votes formels restent relativement rares, les réunions étant

d’abord et surtout un lieu de discussion plus que de décision. Pour rester sur la comparaison

entre les groupes, il peut être également remarqué que les activités du Parliamentary Labour

Party sont plus facilement rendues publiques que celles du 1922 Committee.154

Les réunions du groupe parlementaire travailliste sont également l’occasion pour les

parlementaires d’élire leur leader. Quand il est dans l’opposition parlementaire, le

Parliamentary Labour Party élit à chaque session son leader, alors que dans la majorité

gouvernementale, le groupe ne va élire à nouveau un leader que lorsque l’ancien titulaire a

décidé de démissionner ou de se retirer de son poste.155 Mais le groupe parlementaire

travailliste ne participe pas seul à l’élection du leader. Le collège électoral se compose en

effet du Parliamentary Labour Party, d’organisations syndicales et de membres individuels du

parti représentants des circonscriptions électorales. Auparavant, le Parliamentary Labour

Party avait un avantage numérique puisqu’il représentait 40% du collège électoral. Mais

depuis 1993, chaque catégorie du collège électoral dispose d’un tiers des voix.156

Le Parliamentary Labour Party a permis la création à partir de 1944 de groupes

spécialisés internes au groupe parlementaire. Ainsi, les Subject Group s’intéressent à des 151 Robert ROGERS et Walters RHODRI, How Parliament Works, 6ème Edition, Londres, 2006, p. 108. 152 James LYNKSEY, « Backbench tactics and parliamentary party structure », Parliamentary Affairs, p. 35. 153 KING Anthony, British Members of Parliament, Macmillan, Londres, 1974, p. 53. 154 Robert MCKENZIE, British Political Parties, 2ème Edition, Heineman, Londres,1963, p. 57. 155 Philip NORTON, The Commons in Perspective, Oxford, 1981, p. 32. 156 Justin FISHER, British political parties, Pearson Education, Londres, 1996, p.71.

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domaines précis, tandis que les Area Group concernent des thèmes régionaux. Ces deux types

de groupe invitent régulièrement des ministres ou des frontbenchers lorsque le groupe est

dans l’opposition, ce qui permet de maintenir le lien et la discussion sur certaines

problématiques entre les députés de base et les frontbenchers.157 Il existe également de telles

commissions spécialisées aux côtés du 1922 Committee, appelées Subject Committee et qui

fonctionnent sur le même principe que les groupes du Parliamentary Labour Party.158

Certaines commissions spécialisées, notamment celles des affaires étrangères et celle des

finances, sont particulièrement importantes et jouent un véritable rôle d’expertise,

concurremment aux commissions permanentes ou Standing Committee, qui sont organisées

dans le cadre parlementaire plus général et permettent la réunion de parlementaires toutes

tendances politiques confondues.

Au sein de l’Assemblée nationale, comme à la Chambre des Communes, les réunions

de groupe ont lieu une fois par semaine et permettent de débattre sur certains sujets

d’actualité. La réunion du groupe parlementaire est aussi l’occasion de déterminer ensemble

la liste des orateurs lors des différents débats prévus à l’agenda législatif, le dernier mot

revenant au président du groupe. Lors de ces rencontres, les positions officielles de chaque

groupe sur les projets de textes en débat à l’Assemblée nationale sont également harmonisées.

La situation est assez différente du fonctionnement britannique, puisque les votes effectués au

cours de ces réunions déterminent de manière formelle la position du groupe face à un projet

ou proposition de loi précis, contrairement au 1922 Committee par exemple, où cette

procédure reste relativement opaque. De plus, la réunion de chaque groupe est ouverte

uniquement aux parlementaires inscrits sur la liste des membres publiée au Journal Officiel et

ne concerne normalement pas les membres du gouvernement. Ceci contraste avec les réunions

de groupes parlementaires au Royaume-Uni, qui sont aussi composées de membres du

gouvernement et des whips lorsque le parti est au pouvoir. Le point d’achoppement est

capital, il tient en particulier à la différence du statut ministériel outre-manche. En effet, par

convention et contrairement à la France, tous les ministres doivent être membres de la

Chambre des Communes, ce qui est « la caractéristique essentielle du système parlementaire

britannique ».159 Dans The British Constitution, Bagehot écrivait ainsi que « l’efficacité

157 Lord Herbert MORRISON, Government and Parliament : a survey from the inside, Oxford University Press, London, 3ème Edition, 1964, p. 137. 158 HEIDAR Knut et Ruud Koole, Parliamentary Party Groups in European Democracies: Political Parties Behind Closed Doors, Routledge, London, 2000, p. 44. 159 Ivor JENNINGS, Parliament, 2ème Edition, Cambridge University Press, 1969, p. 22.

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secrète de la Constitution anglaise réside […] dans la fusion presque complète du pouvoir

exécutif et du pouvoir législatif », le lien les unissant étant le Cabinet.160 L’exécutif

britannique établit donc, à travers les réunions du groupe parlementaire majoritaire, un lien

encore plus étroit avec les parlementaires backbenchers, alors que le système français

entretient une séparation et une importante autonomie du groupe parlementaire majoritaire

vis-à-vis du gouvernement en place.

En France, les groupes parlementaires sont relativement libres de déterminer leur

organisation interne, puisque le règlement de l’Assemblée nationale ne fournit aucune

précision à cet égard. Comme au Royaume-Uni, c’est donc en grande partie l’analyse de la

pratique et de la coutume parlementaire qui permet de distinguer les règles qui s’appliquent

pour le déroulement des réunions de groupe. Certains groupes parlementaires comme l’UMP

ont adopté des statuts, des règles internes au groupe. De tels statuts n’emportent aucune valeur

juridique, dans la mesure où ni la Constitution, ni le règlement de l’Assemblée nationale n’en

autorisent la création. Les statuts du groupe UMP permettent néanmoins d’en connaître

davantage sur l’organisation interne des réunions. Le bureau du groupe est constitué par un

premier vice-président et un second vice-président, élus par les membres du groupe sur

proposition du président, de même que 9 autres vice-présidents et d’autres membres

représentant 15% de l’effectif du groupe.161 Le Bureau est compétent pour diverses

nominations, ainsi qu’en cas de rappel à l’ordre. Il peut également prononcer une exclusion

temporaire ou définitive d’un membre en cas de non-respect des statuts.162

L’organisation interne des groupes parlementaires semble beaucoup plus importante

au Royaume-Uni qu’en France, dans la mesure où les pratiques et conventions parlementaires

qui les régissent sont particulièrement nombreuses et développées depuis près d’un siècle au

Parlement britannique. En France en revanche, les règles d’organisation interne des groupes

parlementaires semblent susciter un intérêt moindre de la part de la doctrine, dans la mesure

où elles ne sont le plus souvent que de simples pratiques politiques qui ne sont pas établies

durablement. A l’inverse, les règles définissant les compétences des groupes parlementaires

dans le travail législatif (section 2) abordées ci-après, semblent beaucoup plus développées

160 « The efficient secret of the English Constitution may be described as the close union, the nearly complete fusion, of the executive and legislative powers […] The connecting link is the Cabinet » Walter BAGEHOT, The English Constitution, London, 1867, réédition Fontana Press, 1963, pp. 65 et s. 161 Statuts du groupe Union pour un Mouvement Populaire, titre III Organes du groupe, article 8 alinéa 1er. 162 Ibid., titre V Respect des statuts, article 13.

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dans le système parlementaire français par le règlement de l’Assemblée nationale, qu’au

Parlement de Westminster, où les droits de l’opposition prennent souvent le pas sur ceux du

groupe parlementaire en lui-même.

Section 2 – Les compétences des groupes parlementaires dans le travail législatif

Les groupes parlementaires sont, comme à leur niveau les députés, des éléments

incontournables du Parlement et de ses activités législatives. Des compétences sont attribuées

aux groupes parlementaires en matière de composition de certains organismes parlementaires

(paragraphe 1). Ces règles d’attribution sont développées de manière beaucoup plus

extensives et précises à l’Assemblée nationale qu’à la Chambre des Communes. Les groupes

parlementaires sont aussi dotés de compétences importantes dans le cadre de l’organisation du

déroulement des séances parlementaires (paragraphe 2), compétences exercées par les

présidents de groupe en France et par une collaboration commune des chefs whips au

Royaume-Uni. Ces derniers constituent sans aucun doute « l’huile de la machine du travail

parlementaire ».163

Paragraphe 1 – La détermination de la composition d’organes parlementaires

En France, les groupes parlementaires servent notamment de référence pour la

composition des organes directeurs de l’Assemblée nationale, ainsi que pour des organes de

travail parlementaire.

Tous les présidents de groupe sont membres de droit de la Conférence des Présidents,

en vertu de l’article 47 alinéa 1 du règlement de l’Assemblée nationale. Cet organe est doté de

fonctions particulièrement importantes, puisqu’il est notamment chargé d’établir l’ordre du

jour de l’Assemblée nationale. La Conférence des Présidents est habituellement convoquée

une fois par semaine, mais elle peut aussi être convoquée par un président de groupe à tout

moment et dans certaines circonstances précisées à l’article 47 alinéa 2. Chaque président de

groupe peut soumettre, au cours de la Conférence des Présidents, des propositions relatives à

l’ordre du jour. Dans le cadre de la procédure de vote au sein de la Conférence des Présidents,

chaque président de groupe se voit attribuer un nombre de voix égal au nombre des membres

163 Philip NORTON, The Commons in Perspective, Oxford, 1981, p. 28.

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de son groupe.164 Enfin, il paraît important de remarquer que depuis l’établissement du

gouvernement Pompidou en avril 1962, un poste de secrétaire d’Etat (actuellement un

ministre) chargé des relations avec le Parlement a été créé. Ce dernier est membre de droit de

la Conférence des Présidents et peut être rapproché, dans une certaine mesure, de la fonction

du chef whip britannique.165 A la différence notable toutefois que le chef whip britannique est

un organe présent au sein de chaque groupe parlementaire, il n’est donc pas uniquement un

élément exclusif de la relation groupe parlementaire-gouvernement.166

Les présidents de groupe participent à la composition du bureau, l’autre principal

organe directeur de l’Assemblée nationale. A ces fins, ils se réunissent pour établir une liste

de candidats aux différentes fonctions du bureau, conformément à l’article 10 alinéa 3 du

règlement. L’élection des membres de cet organe doit être réalisée « en s’efforçant de

reproduire la configuration politique de l’Assemblée ».167 Les présidents de groupe doivent

débattre et aboutir à un compromis qui respecte cet objectif, à travers la répartition des postes

de vice-présidents, de questeurs et de secrétaires du bureau. Si les présidents ne parviennent

pas à un accord sur les nominations aux différents postes, un scrutin doit être organisé.

Outre les organes directeurs de l’Assemblée, les groupes parlementaires interviennent

également dans la nomination des commissions permanentes, ils disposent « d’un nombre de

sièges proportionnel à leur effectif numérique par rapport à l’effectif des membres composant

l’Assemblée »168 et doivent « faire connaître les noms des candidats » 169 qu’ils proposent au

président de l’Assemblée nationale. De même, la composition du bureau de chaque

commission doit s’efforcer, d’après l’article 39 alinéa 2, « de reconnaître la configuration

politique de l’Assemblée » et permettre que toutes ses composantes soient représentées. Le

groupe parlementaire est donc à la fois l’organe qui intervient dans la désignation des

membres des différentes commissions et un critère de la composition des commissions, qui

doivent retranscrire au mieux la configuration politique de l’Assemblée. De même, les

groupes participent à la composition d’autres organes dès lors que ceux-ci doivent être

constitués à la représentation proportionnelle des groupes. Ainsi, pour les commissions

spéciales (article 30), la commission des affaires européennes (article 151-1) et les 164 Article 47 alinéa 3 du règlement de l’Assemblée nationale. 165 Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Droit parlementaire, 3ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 74. 166 Cf. supra chapitre 2, section 1, paragraphe 1. 167 Article 10 alinéa 3 du règlement de l’Assemblée nationale. 168 Article 37 alinéa 2 du règlement de l’Assemblée nationale. 169 Article 25 alinéa 1er du règlement de l’Assemblée nationale.

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commissions d’enquête (article 143), le président de chaque groupe présente des candidats au

président de l’Assemblée nationale. La composition de la nouvelle commission spéciale

chargée de vérifier et d’apurer les comptes de l’Assemblée nationale (article 16), de même

que celle du nouveau comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (article 146-

2), tous deux instaurés à travers la nouvelle réforme du règlement induite par la réforme

constitutionnelle, doivent reproduire la politique de l’Assemblée, preuve s’il en est de

l’importance de la prise en compte des groupes et de leurs effectifs respectifs lors de la

nomination de ces organes.

Au Royaume-Uni, la pratique et les précédents parlementaires sont les seuls éléments

tangibles qui permettent de comprendre la procédure de détermination de la composition de

certains organes de l’Assemblée, comme par exemple les commissions parlementaires. En

effet, la seule référence (indirecte) aux groupes parlementaires dans le règlement intérieur de

la Chambre des Communes est une expression qui précise que la Commission de sélection

doit « prendre compte de la composition de la Chambre » afin de constituer les commissions

parlementaires.170 Ainsi, les règles pour déterminer la composition de ces organes restent très

sommaires, puisqu’elles se limitent à exiger une simple « prise en compte » de la diversité

représentée à la Chambre, donc indirectement des groupes parlementaires. Il n’existe pas non

plus de règles précises concernant la désignation du président de ces commissions. Le

règlement précise simplement que le speaker, le président de la Chambre des Communes, doit

procéder à leur nomination.171

Les groupes parlementaires, en particulier à l’Assemblée nationale, participent

activement à la détermination de la composition de certains organes directeurs ou autres

organes de travail de l’Assemblée. Mais leurs compétences dans le cadre du travail

parlementaire ne se limitent pas à la constitution de certains organes internes du Parlement.

En effet, les groupes parlementaires, le plus souvent à travers leurs représentants, leader,

président de groupe ou chef whip, contribuent à l’organisation du déroulement des séances

parlementaires (paragraphe 2).

170 « In nominating such Members the Committee of Selection shall have regard to the qualifications of those Members nominated and to the composition of the House, and shall have power to discharge Members from time to time and appoint others in substitution for those discharged » Nomination des Commissions, article 86 alinéa 2 du règlement intérieur de la Chambre des Communes. 171 « The chairman or chairmen of each general committee shall be appointed by the Speaker from the Chairmen’s Panel ». Présidence des commissions, article 85 alinéa 1 du règlement intérieur de la Chambre des Communes.

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Paragraphe 2 – La participation à l’organisation des séances parlementaires

A l’Assemblée nationale, les groupes parlementaires contribuent dans une certaine

mesure à l’organisation du déroulement des séances parlementaires. Le groupe parlementaire,

par l’intermédiaire de son président, peut intervenir pour demander un changement de la

procédure de vote. En effet, le président de groupe ou son délégué, dont il a préalablement

notifié le nom au président de l’Assemblée nationale, peut demander que le vote se déroule

selon le mode de scrutin ordinaire,172 qui a lieu par vote électronique, et non selon la

procédure normale du vote à main levée.173

Les présidents de groupes participent largement à l’organisation du déroulement des

séances parlementaires. Au début de chaque législature, le Président de l’Assemblée nationale

réunit l’ensemble des présidents de groupes afin d’organiser une division politique de la salle

des séances du Palais Bourbon, « en autant de secteur qu’il y a de groupes », conformément à

l’article 22 du Règlement. Les présidents décident alors de concert de la délimitation précise

des secteurs respectifs de l’Assemblée qui leur seront à chacun attribués. Le groupe décide

ensuite lui-même de la place précise qui sera confiée à chacun de ses membres.

Lors de la Conférence des Présidents, l’organisation de la discussion générale des

textes, l’examen d’un texte législatif ou bien l’organisation des débats sur les motions de

censure est abordée, et à cette occasion, chaque groupe détermine par la voix de son président

les différents orateurs qui seront amenés à s’exprimer. De la même manière, le président de

chaque groupe est chargé d’organiser au sein de son groupe la répartition du temps de parole

pour les séances de questions au gouvernement et participe ainsi à une rationalisation plus

grande dans le déroulement des séances parlementaires. En outre, c’est également le président

de groupe qui doit choisir quel député va intervenir à l’occasion d’une explication de vote, la

parole étant limitée à un représentant par groupe.

L’ensemble de ces compétences montrent bien l’importance de la contribution des

groupes pour les procédures des séances parlementaires, mais aussi l’extrême difficulté pour

un député isolé qui a refusé de se rattacher à un groupe de s’exprimer dans le cadre des

172 « Les modalités du vote électronique et de l’exercice des délégations de vote sont réglées par une instruction du Bureau », article 66 alinéa 9 du règlement de l’Assemblée nationale. 173 Article 64 alinéa 1 du règlement de l’Assemblée nationale.

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séances parlementaires. L’article 49 alinéa 2 du règlement précise que « les députés

n’appartenant à aucun groupe disposent d’un temps global de parole proportionnel à leur

nombre ». Ce temps de parole reste donc extrêmement limité et les députés des groupes

monopolisent donc l’essentiel du temps de parole à l’Assemblée nationale.

Les groupes parlementaires détiennent également nombre de compétences qui

concernent la tenue de la séance plénière. A ce titre, le président d’un groupe peut notamment

demander une suspension de séance, « personnellement et pour une réunion de groupe ».174

Cette réunion doit permettre au groupe une concertation afin de revoir ou d’affiner ses

orientations sur les débats en cours. Chaque président de groupe peut aussi proposer ou

s’opposer à l’engagement de procédures d’examen simplifiées (article 104 du règlement),

avoir la garantie que le temps législatif programmé pour un texte soit de 30 heures minimum

(article 49 alinéa 9), ou encore qu’une fois par session, cette durée soit allongée

exceptionnellement jusqu’à 50 heures (article 49 alinéa 10). L’ensemble de ces discussions

fait donc du président du groupe parlementaire un organe important de l’organisation des

séances plénières. Enfin et de manière plus générale, nous pouvons relever que les groupes

parlementaires de l’Assemblée nationale permettent d’assurer le fonctionnement régulier du

Parlement au cours du travail législatif à travers le soutien matériel et politique qu’ils

apportent à leurs députés pour la présentation de certaines propositions de loi.175

Au Royaume-Uni, les groupes parlementaires participent au fonctionnement régulier

du Parlement, notamment à travers leurs équipes de whips respectifs, dotées d’un certain

nombre d’attributions permettant une organisation plus rationnelle du déroulement des

séances parlementaires. Les whips sont donc toujours présents et attentifs aux procédures de

la Chambre des Communes et des commissions parlementaires. Un membre de l’équipe whip

de la majorité, nommé Comptroller to Her Majesty’s Household, a même le devoir d’envoyer

une lettre manuscrite à la Reine qui rende compte chaque jour de la procédure et du travail

parlementaire de la Chambre des Communes.176 Lors des séances parlementaires, les whips

des groupes d’opposition et du groupe parlementaire majoritaire restent toujours attentifs aux

procédures, prennent des notes sur les orientations exprimées dans les discours des députés et

174 Article 58 alinéa 1 du règlement de l’Assemblée nationale. 175 Didier MAUS, Le Parlement sous la Vème République, 3ème Edition, Presses Universitaires de France, 1996. 176 John BIFFEN, Inside Westminster, 2ème Edition, 1996, p. 95.

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sont prêts à donner l’alerte si des difficultés procédurales ou politiques apparaissent. Les

whips s’assurent donc d’avoir toujours un effectif suffisant dans le cadre des votes.

Selon une formule consacrée, les whips ont pour fonction générale de « constituer la

Chambre [des Communes], de ‘tenir’ la Chambre et d’encourager les ministres »177. Les usual

channels, qui permettent d’établir une coordination entre les whips des différents groupes

parlementaires, sont « des éléments nécessaires du mécanisme parlementaire ».178 Les leaders

des groupes parlementaires chargent ainsi leurs chefs whips respectifs de discuter ensemble

de l’organisation du travail législatif à la Chambre des Communes pour la semaine suivante,

avant de l’annoncer officiellement.179 Ces derniers doivent donc maintenir un lien effectif

avec les autres groupes parlementaires, de manière à se concerter sur l’organisation du

calendrier parlementaire.180 Ainsi, le chef whip du plus petit groupe parlementaire, même s’il

n’a que peu de pouvoir, peut faire entendre sa voix dans le cadre de l’organisation du travail

législatif de la Chambre des Communes. Les usual channels constituent une série

d’arrangements entre les chefs whips de chaque groupe à l’occasion de réunions très

régulières. Cette procédure d’organisation du déroulement des séances parlementaires et de

planification commune des projets législatifs à venir est primordiale pour le Parlement, ce qui

lui permet ainsi de pouvoir fonctionner sans avoir forcément besoin d’un règlement intérieur

précis et extrêmement élaboré.181

Dans le cadre du déroulement des séances parlementaires, chaque whip doit s’assurer

que le nombre de députés de leur groupe parlementaire présent à la Chambre des Communes

est toujours suffisant pour assurer un maximum de voix en cas de vote. Cette mission du whip

de conserver le plus possible de députés disponibles à la Chambre pour voter est d’autant plus

complexe quand le résultat du scrutin semble incertain, en raison d’une division au sein-même

du groupe parlementaire majoritaire par exemple. A l’occasion de l’adoption de lois à la

Chambres des Communes, les différents whips sont chargés d’organiser des pairing.182 Cela

signifie que, pour des votes où la majorité semble acquise et où la présence de chaque

177 « to make a House, to keep a House, and cheer the Minister ». Ivor JENNINGS, Parliament, 2ème Edition, Cambridge University Press, 1969, p. 84. 178 Lord Herbert MORRISON, Government and Parliament : a survey from the inside, Oxford University Press, London, 3ème Edition, 1964, p. 117. 179 Nicholas BALDWIN, Parliament in the 21st Century, Politico’s, London, 2004, p. 194. 180 David POLLARD et Neil PARPWORTH, Constitutional and Administrative Law, 4ème Edition, Oxford University Press, 2007, p. 205. 181 John BIFFEN, Inside Westminster, 2ème Edition, 1996, p. 95. 182 Hood PHILLIPS, Constitutional and Administrative Law, Sweet & Maxwell, London, 2001.

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membre ne paraît pas indispensable, le whip peut autoriser un député de son groupe à former

une « paire » avec un député d’un des groupes parlementaires de l’opposition. La logique

poursuivie est que si vingt membres des deux grands groupes parlementaires trouvent une

paire, les quarante députés vont pouvoir « quitter la Chambre des Communes avec une

conscience intacte. »183

Ainsi, un député peut prévoir à l’avance de ne pas se rendre à une séance de vote à la

Chambre des Communes. Mais pour que son absence n’emporte pas de conséquences sur

l’issue du scrutin, ce dernier doit impérativement trouver un député de l’opposition qui ne

peut se rendre au vote en question. Il doit donc s’organiser de manière à ce que leurs voix

respectives s’annulent et est impérativement tenu de demander confirmation à son chef

whip.184 Souvent, le whip lui-même se charge pour son parlementaire de trouver des députés

de l’opposition absents et de former ainsi des paires en collaboration avec le bureau whip de

l’opposition. A travers la technique du pairing et la collaboration des bureaux whips de

chaque groupe parlementaire, la possibilité est offerte aux parlementaires de ne pas devoir

être perpétuellement au plus près de la Chambre des Communes pour voter, et leur permet

notamment de pouvoir passer plus de temps dans leurs circonscriptions respectives.

La fonction de président de groupe parlementaire en France peut être rapprochée de

celle de chef whip au Royaume-Uni, cependant une distinction fondamentale les sépare.

Lorsque son groupe soutient le gouvernement, le chef whip est chargé d’entretenir des

rapports constants entre les backbenchers du groupe parlementaire et le Cabinet, alors qu’en

France, le président du groupe parlementaire n’a pas pour objectif de maintenir un tel lien. Le

président de groupe se limite à encadrer ses parlementaires et leur permettre d’accéder, de par

son action, à certains droits, comme par exemple celui d’obtenir du temps de parole à

l’occasion de questions au gouvernement. C’est un instrument clef de la rationalisation des

procédures parlementaires, et son action est entièrement tournée vers les parlementaires dont

il est le représentant, le chef. Les compétences du chef whip britannique sont donc plus larges,

dans la mesure où elles recouvrent non seulement la communication entre les backbenchers et

les frontbenchers, mais aussi l’organisation interne et la discipline du groupe parlementaire.

De plus, les chefs whip de la Chambre des Communes semblent consacrer davantage de

183 Ivor JENNINGS, Parliament, 2ème Edition, Cambridge University Press, 1969, p. 87. 184 Lord Herbert MORRISON, Government and Parliament : a survey from the inside, Oxford University Press, London, 3ème Edition, 1964, p. 122.

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temps auprès de leurs députés que les présidents de groupe, dont le champ de compétence est

plus précisément défini mais aussi plus limité par le règlement de l’Assemblée nationale. Les

nombreuses possibilités d’intervention du chef whip dans la procédure parlementaire et

auprès de son groupe parlementaire proviennent directement de la coutume parlementaire, ses

compétences sont donc plus imprécisément définies. Enfin, le chef whip dispose d’une équipe

d’assistants whip et de whips adjoints, qui lui permettent d’être encore plus efficace dans

l’encadrement des membres de son groupe parlementaire.

Après l’analyse détaillée du groupe parlementaire en tant qu’organe parlementaire

partiel, plus précisément en tant qu’organe de travail réunissant une fraction d’élus

parlementaires d’une assemblée et qui partagent des orientations politiques semblables, il

convient d’envisager l’étude de l’opposition parlementaire en tant que fonction particulière

reconnue à certains groupes parlementaires (deuxième partie).

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DEUXIEME PARTIE – L’OPPOSITION PARLEMENTAIRE, UNE

FONCTION SPECIFIQUE EXERCEE PAR CERTAINS GROUPES

PARLEMENTAIRES

L’opposition parlementaire peut a priori recouvrir plusieurs formes d’oppositions au

sein du parlement. En effet, l’opposition parlementaire désigne d’abord simplement la

fonction de s’opposer au sein du Parlement. Un député isolé pourrait alors être reconnu

comme étant « d’opposition » parlementaire. Mais l’acception en droit parlementaire de

l’expression « opposition parlementaire » est celle d’une fonction spécifique exercée

exclusivement par l’intermédiaire de groupes parlementaires. Un député ne peut donc être

considéré comme un élu d’opposition parlementaire qu’à partir du moment où il est membre

d’un groupe parlementaire, qui lui-même est juridiquement reconnu comme appartenant à

l’opposition parlementaire.

Le concept d’opposition parlementaire est tout simplement incontournable dans le

système constitutionnel britannique, en ce qu’il constitue selon le Professeur Jennings « une

caractéristique physique fondamentale de la Chambre des Communes ».185 L’opposition

parlementaire, pierre angulaire du Parlement britannique, se retrouve d’ailleurs dès l’origine,

à travers la disposition de la salle de la Chambre des Communes. Séparées par une allée dans

son milieu, plusieurs rangées de bancs se font face de part et d’autre de la pièce. Cette

organisation est donc bien la preuve que le système parlementaire britannique a pu penser et

organiser ses institutions parlementaires en se fondant sur l’existence de deux blocs

parlementaires, deux partis et sur une certaine logique binaire de majorité et minorité, groupe

majoritaire et groupe minoritaire – autrement dit, « d’opposition ». L’opposition

parlementaire s’entend donc souvent « comme une opposition avec un "O" majuscule ».186

Ni la tradition constitutionnelle française, ni la forme de son système parlementaire et

institutionnel, n’ont permis à la France de connaître une division naturellement si marquée

entre majorité et opposition parlementaire. La question de l’opposition parlementaire à

l’Assemblée nationale, « une idée très moderne »187 selon Monsieur Copé, président du

185 Ivor JENNINGS, Parliament, 2ème Edition, Cambridge University Press, 1969, p. 22. 186 « Opposition in the House of Commons is often characterized as Opposition with a capital O », Michael RYLE, The Commons under scrutiny, Fontana, Londres, 1988, p. 99. 187 Interview de Jean-François COPE, Revue Parlementaire, n° 898, 2007.

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groupe parlementaire UMP et dont la place est essentielle dans « une démocratie apaisée »188,

ne sera directement abordée qu’à l’occasion de la révision constitutionnelle de 2008, qui la

consacre en constatant qu’un « Parlement renforcé est un Parlement plus représentatif ».189

L’élaboration d’un certain « statut de l’opposition » rencontre néanmoins un nombre

important d’objections, par exemple celle de Monsieur Hollande qui estime plus simple de

« parler plutôt de droits du Parlement avec une représentation proportionnelle de tous les

groupes politiques dans toutes les instances ».190 Par ailleurs, le Professeur Feldmann estime

que la révision a manqué ses objectifs en la matière et qu’il « aurait fallu construire un

véritable statut de l’opposition, qui n’existe que de manière évanescente dans la loi

constitutionnelle ».191

Ce qui est ici appelé ici « statut de l’opposition » concerne plus précisément les

compétences attribuées à l’opposition parlementaire, qui intéresse la constitution-même de

l’opposition parlementaire en tant qu’organe détenteur d’un certain nombre de droits qui lui

sont propres (chapitre 2). Mais ce statut « suppose d’abord l’identification de

l’opposition »192, l’étude préalable d’une définition juridique du concept d’opposition

parlementaire semble donc nécessaire (chapitre 1), puisque « pour accorder des droits

spécifiques à l’opposition en tant que telle, il convient de la définir ».193 Si la notion

parlementaire « soulève plusieurs difficultés pour une approche juridique et théorique »,194

nous tenterons donc d’analyser précisément ces difficultés afin de pouvoir si possible les

surmonter.

188 « En Démocratie, le gouvernement doit pouvoir s’appuyer sur une majorité cohérente et stable. Mais une démocratie apaisée doit aussi faire toute sa place à l’opposition » Message au Parlement du président de la République, Jacques Chirac, 2 juillet 2002, cité par Marie-Claire PONTOREAU in : , « Les droits de l’opposition en France, penser une opposition présidentielle », Pouvoirs, n° 108, 2004, note n° 5, p. 103. 189 Exposé des motifs de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République. 190 Audition par le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, Assemblée nationale, Paris, 28 septembre 2007. 191 Jean-Philippe FELDMAN, « "Rééquilibrage" des institutions ou coup d’épée dans l’eau ? », Recueil Dalloz, 15 octobre 2008, p. 2440. 192 Ariane VIDAL-NAQUET, « L’institutionnalisation de l’opposition. Quel statut pour quelle opposition ? », Revue française de Droit constitutionnel, n°77, 2009, p. 157. 193 Jean-Luc WARSMANN, Rapport n° 3113, Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur les propositions de résolution de M. Jean-Louis Debré, Paris, Assemblée nationale, 31 mai 2006, p. 22. 194 Armel LE DIVELLEC, Le gouvernement parlementaire en Allemagne, contribution à une théorie générale, 2004, p. 408, cité par François Charles BOUSQUET in « Le statut de l’opposition sous la Vème République », Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 21.

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Chapitre 1 – La définition juridique du concept d’opposition parlementaire

La définition juridique du concept d’opposition parlementaire n’est pas chose aisée et

présente un certain nombre de difficultés qui attestent de l’intérêt indéniable de son analyse.

Le Professeur Jan estime ainsi qu’il n’existe pas « de modèle unique d’opposition dans les

démocraties occidentales » et souligne « la difficulté de retenir une méthode comparative ».195

Mais l’étude du concept d’opposition parlementaire en France et au Royaume-Uni, qui se

concrétise à travers la reconnaissance juridique de l’opposition parlementaire (section 1), la

construction du concept juridique d’opposition parlementaire (section 2) et sa distinction d’un

troisième ensemble reconnu comme « groupe minoritaire » (section 3), ne peut s’effectuer

sans avoir au préalable apporté une définition de la notion d’opposition.

Le sens général et obvie du terme « opposition » est littéralement l’action de s'opposer

à quelque chose. Mais au delà d’une telle définition lexicale, et en vue de pouvoir conduire à

terme notre démarche de recherche, l’objectif premier est d’apporter une définition stipulative

de l’opposition parlementaire. La notion d’opposition se caractérise d’abord par sa

protéiformité. Elle peut être de nature sociale, à travers les syndicats par exemple, ou encore

institutionnelle, en tant qu’organe de l’Etat.196 L’opposition politique, elle, peut être une

opposition au gouvernement, mais également une opposition au régime tout entier.197 La

plupart des études doctrinales françaises récentes198 envisagent un « statut de l’opposition »,

qui en France n’était qu’un « feuilleton inachevé »199 jusqu’en mai 2009.200 Ce qui est souvent

appelé « statut » n’est en fait rien d’autre, d’un point de vue juridique, qu’un corpus normatif,

ensemble de droits ou compétences attribués à un ou plusieurs organes qui remplissent une

fonction d’opposition parlementaire. Le débat sur le « statut » de l’opposition « intéresse en

priorité l’opposition parlementaire, pas nécessairement toutes les oppositions ».201 En ce qui

nous concerne, c’est bien l’opposition au cœur des assemblées et analysée exclusivement à

travers le prisme parlementaire, qui est ici l’objet de notre étude. 195 Pascal JAN, « Les oppositions », Pouvoirs, n°108, 2004, p. 42. 196 Vincent VIVES, Jean-Pierre Camby (dir.), Le statut de l’opposition à l’Assemblée nationale, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2004-2005. 197 Pascal JAN, « Les oppositions », Pouvoirs, n°108, 2004, p. 27. 198 Ariane VIDAL-NAQUET, « L’institutionnalisation de l’opposition. Quel statut pour quelle opposition ? », Revue française de Droit constitutionnel, n°77, 2009, pp. 153 à 173 ; François Charles BOUSQUET, Jean Gicquel (dir.), Le statut de l’opposition sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, 2005. 199 Pierre AVRIL, « Le statut de l’opposition : un feuilleton inachevé », Les Petites Affiches, n°254, 2008. 200 Le règlement de l’Assemblée nationale modifié conséquemment à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a été adopté par une résolution du 27 mai 2009 et contrôlé par le Conseil constitutionnel le 25 juin 2009. 201 Pascal JAN, « Les oppositions », Pouvoirs, n°108, 2004, p. 39.

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Le Professeur Jan définit l’opposition parlementaire comme « une position reconnue

d’un groupe au sein d’un régime politique en compétition pour l’accession légale au pouvoir

et son exercice pacifique »202 Au sein du Parlement, le caractère d’opposition ne peut être

attribué en effet qu’à un groupe parlementaire, ce qui exclut l’opposition individuelle d’un

parlementaire isolé du champ d’analyse. En revanche, il nous semble qu’il s’agisse plus d’une

fonction juridique dont un organe est titulaire que d’une « position reconnue » politiquement.

Par ailleurs, les groupes d’opposition parlementaire ne poursuivent pas tous nécessairement

l’objectif d’accéder au pouvoir. L’opposition parlementaire ne doit pas être comprise

systématiquement comme une « alternative au gouvernement en place », qui est du reste sa

« fonction politique »203 et non strictement juridique. La définition du Dictionnaire

constitutionnel paraît en ce sens plus générale, en ce qu’elle limite l’opposition parlementaire

aux « groupements politiques qui sont en désaccord avec le gouvernement ou le régime

politique ».204 L’opposition parlementaire peut être aussi définie a contrario et plus

simplement comme étant tout groupe parlementaire autre que le groupe politique majoritaire à

l’Assemblée. Mais cela ne semble pas suffisant dans l’hypothèse d’un groupe qui ne se

reconnaît pas ni de l’une ni de l’autre catégorie et que la Constitution française qualifie de

« minoritaire ». L’opposition parlementaire doit à notre sens désigner, à l’exception du groupe

majoritaire, tout groupe parlementaire s’étant déclaré comme tel et auquel sont juridiquement

conférées des compétences qui le distinguent d’un groupe parlementaire appartenant à une

autre catégorie.

Section 1 – La reconnaissance juridique de l’opposition parlementaire

L’opposition parlementaire de la Chambre des Communes est souvent reconnue un

« emblème de la démocratie britannique ».205 Jusqu’au XVIIIème siècle, l’opposition était très

limitée, puisque la seule opposition qui avait sa place était celle, rare au demeurant, de

l’opposition contre le gouvernement. La notion d’opposition parlementaire ne va émerger que

vers le tout début du XIXème siècle, pour déterminer les députés refusant de se rallier au

groupe parlementaire majoritaire soutien du gouvernement, tantôt les Whigs, tantôt les Tories.

Selon le Professeur Jennings, une opposition parlementaire s’est toujours « assise en face du

202 Ibid., p. 38. 203 Pierre AVRIL, « Le statut de l’opposition : un feuilleton inachevé », Les Petites Affiches, n°254, 2008 , p. 11. 204 Yves MENY et Olivier DUHAMEL, Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 677. 205 Bernard RULLIER, « Un statut pour l’opposition, enfin ? », Revue Parlementaire, n° 899, juillet 2007.

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gouvernement » à la Chambre des Communes, au moins depuis 1832.206 En réalité,

l’expression « Her Majesty’s opposition » semble avoir été utilisée dès 1826 par Monsieur

Hobhouse à l’occasion d’un discours à la Chambre des Communes.207 Depuis, les seuls

moments où l’opposition parlementaire a presque disparu de la Chambre ont été lors des deux

guerres mondiales. Pendant la période 1914-1918, le groupe conservateur a cessé de

s’opposer pour reporter ses critiques à la fin de la guerre et de 1940 à 1945, seule une fraction

de députés de l’aile gauche du parti travailliste a continué de s’opposer au gouvernement de

Churchill.208 Mais excepté ces rares exceptions, la Chambre s’est toujours divisée en deux

parties, le gouvernement et l’opposition parlementaire. L’opposition est effectivement

organisée au Royaume-Uni et fait ainsi partie des « quelques rares Etats [où elle est]

institutionnalisée », envisagée par la norme juridique.209 Monsieur Pinon explique la

consécration de cette dernière en raison de la nature même du système parlementaire

britannique dont le « monolithisme du "bloc majoritaire" n’est toléré que s’il se conjugue avec

l’établissement de solides lieux de contre-pouvoirs », en particulier au profit de l’opposition

parlementaire.210

La reconnaissance de l’opposition parlementaire au Royaume-Uni fut parfaitement

résumée en 1966 par le Professeur Potter : « l’opposition n’est protégée par aucune

disposition institutionnelle de l’Etat. Mais la légitimité de l’opposition est intégrée à la

structure des conventions constitutionnelles, ainsi les conditions préservant la légitimité de

l’opposition sont en Grande-Bretagne les conditions préservant sa Constitution ».211 De la

même manière, il est permis d’observer que « la mention par un texte de droit de l’opposition

n’est aucunement significative de son importance » dans le système juridique britannique,

puisque « l’essentiel du droit politique est coutumier ».212 Les premières normes écrites

autorisant la reconnaissance de l’opposition parlementaire autrement que par la coutume

parlementaire existent depuis 1937 avec le Ministers of the Crown Act. Cette loi peut être 206 Ivor JENNINGS, Parliament, 2ème Edition, Cambridge University Press, 1969, p. 23. 207 Erskine MAY, Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, 23ème Edition, Butterworths, Londres, 2004, p. 247. 208 Ivor JENNINGS, Parliament, 2ème Edition, Cambridge University Press, 1969, p. 23. 209 Pascal JAN, « Les oppositions », Pouvoirs, n°108, 2004, p. 230. 210 Stéphane PINON Stéphane, « La Vème République toujours plus "parlementaire"», Recueil Dalloz, 2008. 211 « The opposition is not protected by any institutional arrangements of the state. But the legitimacy of opposition is incorporated in the structure of constitutional conventions and understandings, so that the conditions preserving legitimate opposition are in Great Britain the conditions preserving its constitution. » Allen POTTER, « Great Britain: opposition with a capital ”O” » in : « Political Oppositions in Western Democracies », Robert Dahl, London, 1966, p. 9. 212 François LUCHAIRE, Gérard CORNAC et Xavier PRETOT La Constitution de la République française : Analyses et commentaires, 3ème Edition, Economica, Paris, 2008, p. 1281.

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considérée comme emportant une valeur constitutionnelle, dans la mesure où elle fixe des

salaires et concrétise ainsi juridiquement la reconnaissance de certains organes institutionnels

importants comme celui du leader de l’opposition. La loi de 1937 va être révisée à plusieurs

reprises, notamment par le Ministerial Salaries Consolidation Act, actuellement encore l’une

des seules normes écrites et qui fournit une définition de l’opposition parlementaire. Cette

dernière est déterminée à travers son leader, « député de la Chambre, qui est en même temps

le leader du groupe parlementaire en opposition au gouvernement de Sa Majesté le plus

important numériquement à la Chambre des Communes ».213

Par ailleurs, la Chambre des Communes a adopté une résolution le 20 mars 1975, avec

pour objectif d’assurer une assistance financière à tous les groupes de l’assemblée, de façon à

aider chaque groupe parlementaire, à l’exception notable du groupe majoritaire, dans le cadre

de ses activités de travail parlementaire.214 Ainsi, en vertu de cette résolution, révisée

ultérieurement à plusieurs reprises, tous les groupes parlementaires minoritaires de la

Chambre des Communes ont le droit de recevoir une subvention dont le calcul est notamment

basé sur le nombre de sièges occupés par leurs membres au sein du Parlement.215 Cette

disposition emporte donc, de façon implicite, la reconnaissance de l’opposition parlementaire,

puisqu’elle prévoit bien la subvention de tous les groupes sauf le groupe parlementaire

soutien du gouvernement. Cette reconnaissance est bien retranscrite dans les débats

parlementaires d’adoption de cette loi. En effet, il est dit que ce financement a pour objectif

de « tenir la tête haute à ceux qui disposent des vastes ressources du gouvernement, tant en

matière de recherche que d’administration » et de subvenir à « la nécessité pour la démocratie

d’une opposition bien portante et vivante ».216 Ces nouvelles subventions directes en faveur

des groupes parlementaires, annoncées initialement dans le discours de la Reine du 12 mars

1974 et rapidement appelées « Short Money »,217 permettent ainsi de formaliser par écrit

l’intégration normative des groupes parlementaires à travers cette résolution parlementaire.

213 Le Ministerial Salaries Consolidation Act de 1965, qui reprend en réalité pour partie le a été révisé à de nombreuses reprises, notamment par le Ministerial and other Salaries Act de 1997 et plus récemment par le Ministerial and other Salaries Order, 2008. 214 « for financial assistance to any Opposition party in this House to assist that party in carrying out its Parliamentary business » Débats de la Chambre des Communes, volume 888, cols 1933-4. 215 John GRIFFITH et Michael RYLE, « Parliament : Functions, Practice, and Procedure », Sweet and Maxwell, London, 1989, p. 117. 216 Débats sur le projets de Financial assistance to opposition parties, Hansard, 20 février 1975, colonnes 1872 et s., cité par Sylvie GIULJ in « Le statut de l’opposition en Europe », la Documentation française, Paris, p. 67. 217 Anthony BRADLEY et Keith EWING, Constitutional and Administrative Law, 14ème Edition, Pearson Longman, Londres, 2007, p. 165.

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En outre, l’opposition parlementaire a également été reconnue à travers le règlement

de la Chambre des Communes, qui mentionne simplement l’opposition parlementaire à

l’article 14 consacré à l’organisation des travaux parlementaires, en distinguant le « premier

groupe parlementaire le plus important numériquement » et le second groupe parlementaire le

plus important ». En revanche, les éléments significatifs de l’opposition officielle tels que le

Shadow Cabinet ou encore le Front Bench n’ont jamais été juridicisés par leur intégration

dans une norme écrite, et leur existence ne tient toujours qu’à un ensemble de conventions

constitutionnelles.218 Enfin, il convient de signaler que certains écrits du célèbre

constitutionnaliste Erskine May, en particulier l’ouvrage Parliament Practice,219 dans lequel

il aborde la question de l’opposition parlementaire, sont considérés par une partie de la

doctrine comme étant partie intégrante de la Constitution britannique. Ces considérations nous

paraissent cependant très discutables voire même infondées, dans la mesure où un simple

texte d’analyse du droit constitutionnel et parlementaire, même rédigé par l’un des

constitutionnalistes anglais les plus influents du XIXème siècle, ne peut suffire à lui conférer

une valeur constitutionnelle.

La Constitution de 1958 n’a pas permis au départ l’attribution de compétences pour

l’opposition parlementaire, sa reconnaissance même étant d’ailleurs absente du texte

constitutionnel et laissée « dans l’ombre, dans un statut éminemment équivoque ».220 Pendant

longtemps, la notion même d’opposition n’existait pas de fait dans le droit positif français.

Ainsi, même le règlement de l’Assemblée nationale n’a pendant longtemps pas permis la

reconnaissance de l’opposition parlementaire, dont la mise en place officielle n’était pas

prévue par le texte constitutionnel.

Néanmoins, en 1978, sans pourtant que le terme « opposition » apparaisse, une

certaine notion de l’opposition va être intégrée en droit positif français, à travers le paragraphe

3 du nouvel article L 167-1 du Code électoral concernant la participation à la campagne

électorale de radio et de télévision des partis, qui en retient une définition « négative ».221 La

notion d’opposition y est définie a contrario des « groupes qui appartiennent à la majorité »,

218 François Charles BOUSQUET, Jean Gicquel (dir.), Le statut de l’opposition sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 109. 219 Erskine MAY, Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, 23ème Edition, Butterworths, Londres, 2004. 220 Carlos-Miguel PIMENTEL, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, p. 60. 221 L’article 167-1 nouveau du Code électoral est introduit par le décret du 9 janvier 1978 fixant les conditions de participation à la campagne radiodiffusée et télévisée pour les élections législatives des partis et groupements.

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elle correspond ainsi à « ceux qui ne lui appartiennent pas ». Le Conseil supérieur de

l’audiovisuel a dû également reconnaître l’opposition dans le cadre de son contrôle sur le

respect du pluralisme à la radio et à la télévision. Il se fonde sur un faisceau d’indices, et plus

particulièrement sur le vote de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement en vertu

de l’article 49 de la Constitution.222 Mais l’emploi de ce critère ne présente pas forcément des

garanties toujours très pertinentes et conduit même à un certain dilemme pour définir

l’appartenance ou non à l’opposition.223

La résolution du 7 juin 2006224, adoptée en vue de modifier le règlement de

l’Assemblée nationale, intègre pour la première fois en droit français et de manière directe le

terme « opposition ». La nouvelle mouture de l’article 19 du règlement intérieur de

l’Assemblée relatif à la constitution des groupes précise que « le président du groupe remet à

la Présidence une déclaration d’appartenance de son groupe à la majorité ou à l’opposition.

En cas de contestation formulée par le président d’un groupe, le Bureau décide ». La

commission des lois, qui a participé activement à la nouvelle rédaction de cet article, préfère

ainsi fixer la notion d’opposition par référence à celle de groupe parlementaire déjà présente

dans le règlement de l’Assemblée nationale.225 Malgré cela, dans une décision du 22 juin

2006, le Conseil constitutionnel juge les dispositions concernant la modification de l’article

19 du règlement inconstitutionnelles. Les juges de la rue Montpensier considèrent ainsi

« qu’en requérant des groupes une déclaration d’appartenance à la majorité ou à l’opposition

et en conférant, en cas de contestation, un pouvoir de décision au Bureau de l’Assemblée

nationale »,226 les modalités retenues sont contraires à l’article 4 de la Constitution, qui

consacre la liberté de formation et d’exercice de l’activité des partis et groupements

politiques. Cela n’est pas sans rappeler « une jurisprudence établie dès le début de la Vème

République »,227 à savoir celle déjà évoquée dans notre première partie de l’invalidation du

Conseil constitutionnel en 1959 de dispositions visant à conditionner la déclaration politique

et donc la formation d’un groupe parlementaire à l’acceptation du Bureau de l’Assemblée. Le

222 Laure GAUTHIER-LESCOP, « Une résolution pour lutter contre l’inflation normative », Revue du Droit Public, 2007, p. 118. 223 Cf. infra section 2 sur la pertinence du critère de détermination de l’opposition en fonction de l’engagement de la responsabilité du gouvernement, fondé par l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. 224 Résolution n° 582 du 7 juin 2006. 225 Laure GAUTHIER-LESCOP, « Une résolution pour lutter contre l’inflation normative », 2007, p. 118. 226 Conseil constitutionnel, décision n° 2006-537 DC du 22 juin 2006, Résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale, (JORF, 27 juin 2006, p. 9647). 227 Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Commentaire de la décision n° 2006-537 DC du 22 juin 2006, Cahier n° 21, p. 5.

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Conseil constitutionnel, de manière générale, avait donc préféré se cantonner à la seule notion

de groupe parlementaire et refusait jusqu’alors celle d’opposition.

C’est seulement avec la révision constitutionnelle de grande ampleur de 2008228 que

l’opposition parlementaire va enfin être intégrée à la Constitution française, en particulier au

sein du nouvel article 51-1. Le choix des constituants de 2008 de consacrer l’opposition dans

la Constitution est « éminemment symbolique ». L’objectif affiché est de « surmonter les

obstacles constitutionnels qui s'opposent à ce que soient garantis des droits spécifiques aux

groupes parlementaires qui n'ont pas déclaré appartenir à la majorité qui soutient le

Gouvernement ».229 Les constituants ont donc préféré la constitutionnalisation à une « simple

institutionnalisation de l’opposition, qui peut se traduire par des règles internes ou par des

pratiques spécifiques, à l’instar de la Grande-Bretagne ».230 Le Royaume-Uni consacre, nous

l’avons vu, une place très importante à l’opposition retranscrite à travers nombre de

conventions parlementaires. Cette institutionnalisation du rôle de l’opposition apporte au

système institutionnel britannique « une sorte de soupape de sécurité », son respect

représentant ainsi « un gage direct, quel que soit le degré de prédominance de l’exécutif, du

maintien des équilibres démocratiques de ce pays ».231 En France, la reconnaissance de

l’opposition dans la Constitution était devenue un préalable indispensable pour permettre son

intégration au règlement de l’Assemblée nationale, depuis l’invalidation du juge

constitutionnel en juin 2006 de la mention du terme « opposition » dans l’article 19 du

règlement. Il convient par ailleurs de souligner que « le texte constitutionnel prend en compte

explicitement une pratique institutionnelle, le clivage entre une majorité et une

opposition, […] conformément à la logique parlementaire – du moins en France, et au-delà,

conforme à la logique du modèle historique, le régime politique de la Grande-Bretagne ».232

La reconnaissance de l’opposition parlementaire est sensiblement différente entre le

Royaume-Uni et la France. Outre-manche, l’opposition parlementaire est présente de manière

pluriséculaire dans les conventions de la Constitution britannique, même si sa reconnaissance

228 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République. 229 Exposé des motifs de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République. 230 Ariane VIDAL-NAQUET, « L’institutionnalisation de l’opposition. Quel statut pour quelle opposition ? », Revue française de Droit constitutionnel, n°77, 2009, p. 155. 231 Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Guy SCOFFONI, Otto PFERSMANN, André ROUX, Droit Constitutionnel, 11e Edition, Dalloz, Paris, 2008, p. 409. 232 François LUCHAIRE, Gérard CORNAC et Xavier PRETOT La Constitution de la République française : Analyses et commentaires, 3ème Edition, Economica, Paris, 2008, p. 1280-1281.

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par une norme écrite ne remonte qu’au Ministers of the Crown Act de 1937, alors qu’en

France, l’opposition parlementaire n’a été consacrée que tardivement par le droit positif. Cette

différence semble en effet s’expliquer par la longueur et la continuité de l’expérience

constitutionnelle britannique de l’opposition, très contrastée face à « un pays ayant changé de

constitution plus d’une quinzaine de fois en moins de deux cent ans ».233

La reconnaissance constitutionnelle de l’opposition dans le système parlementaire

français a par contre permis d’en dégager une définition plus précise, en particulier à travers

le règlement de l’Assemblée nationale. Il va désormais s’agir d’analyser la construction du

concept d’opposition parlementaire dans les systèmes juridiques français et britanniques

(section 2).

Section 2 – La construction du concept juridique d’opposition parlementaire

L’opposition parlementaire, concrétisation du droit de s’opposer au sein des

assemblées, est un élément irremplaçable du fonctionnement de la démocratie

parlementaire.234 La construction juridique du concept d’opposition parlementaire revêt une

certaine complexité, il s’agit donc de s’entendre sur les critères à retenir pour définir

l’opposition parlementaire dans les systèmes français et britanniques.

L’opposition parlementaire peut d’abord être appréhendée de manière numérique, en

faisant prévaloir « la loi du nombre ». Dans la mesure où le gouvernement est soutenu par un

groupe parlementaire majoritaire à l’Assemblée, nous pourrions envisager que « l’opposition

coïncide avec la minorité exclue du pouvoir ».235 Cette acception, même si elle présente

l’avantage de l’objectivité, reste néanmoins simpliste et ne prend pas suffisamment en compte

la diversité de la représentation politique au sein des assemblées. C’est pourtant peu ou prou

cette conception de l’opposition qui est retenue au Royaume-Uni. Monsieur Erskine May la

définit ainsi comme « le parti minoritaire le plus important numériquement à la Chambre qui

est préparé, en cas de démission du gouvernement, à le remplacer ».236 Selon le Professeur

233 Vincent VIVES, Jean-Pierre Camby (dir.), Le statut de l’opposition à l’Assemblée nationale, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2004-2005, p. 18. 234 Ibid., p. 6. 235 Carlos-Miguel PIMENTEL, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, p. 47. 236 « the largest minority party in opposition which is prepared, in the event of the resignation of the government, to assume office », Erskine MAY, Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, 23ème Edition, Butterworths, Londres, 2004, p. 247-248.

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Jennings, l’opposition est à la fois l’alternative du gouvernement en place et une

concentration du mécontentement du peuple.237 Le Ministers of the Crown Act de 1937 définit

l’opposition comme le groupe parlementaire en opposition au gouvernement le plus important

en nombre à la Chambre des Communes. En cas de doute sur le groupe parlementaire le plus

important numériquement pour représenter l’opposition officielle, il appartient au Speaker,

président de la Chambre des Communes, de trancher.238

La détermination de l’opposition parlementaire par la loi de 1937 est plus précisément

réalisée à travers son leader, qui en est donc une composante essentielle. Premier représentant

de l’opposition officielle, son chef est aussi le « leader du parti de gouvernement

minoritaire », en ce sens que sa fonction est codifiée dans le cadre du Shadow Cabinet, le

Cabinet fantôme, « décalque de la formation gouvernementale », dont le Royaume-Uni est le

seul pays à connaître.239 Son organisation était déjà reconnue par Erskine May, qui précise

que « les leaders de l’opposition et leurs principaux collègues constituent un groupe, connu

sous le nom populaire de "Shadow Cabinet", dont chaque membre exerce un certain nombre

d’activités qui consistent à pouvoir critiquer directement les politiques gouvernementales et à

proposer des solutions politiques alternatives ».240 Cette idée de contre-gouvernement est

inexistante en France d’un point de vue constitutionnel. Néanmoins, il paraît intéressant

d’indiquer que suite aux élections présidentielles de 1965, « l’expérience du contre-

gouvernement a été tentée » mais n’a été que partielle, puisqu’elle n’a engagé que le groupe

parlementaire « Fédération de la gauche démocrate et socialiste », qui du reste à périclité dès

1968.241

Selon Bagehot, l’opposition parlementaire est la conséquence du Cabinet

gouvernemental, « secret de la Constitution britannique », qui permet « l’étroite union, la

fusion presque complète entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ».242 L’opposition

critique ainsi le gouvernement en place tout en faisant partie intégrante du système institué à

237 Ivor JENNINGS, Parliament, 2ème Edition, Cambridge University Press, 1969, chapitre XV. 238 « If any doubt arises as to which is or was at any material time the party in opposition to His Majesty's Government having the greatest numerical strength in the House of Commons, or as to who is or was at any material time the leader in that House of such a party the question shall be decided for the purposes of this Act by the Speaker of the House of Commons, and his decision, certified in writing under his hand, shall be final and conclusive » Section 10 (3), Ministers of the Crown Act, 1937. 239 Yves SUREL, « Le chef de l’opposition », Pouvoirs, n° 108, 2004, p. 67 et 73. 240 Erskine MAY, Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, 23ème Edition, Butterworths, Londres, 2004, p. 248. 241 Sylvie GIULJ, Le statut de l’opposition en Europe, la Documentation française, Paris, 1980, p. 55. 242 Cf. supra (note 159) la formule de Walter Bagehot, The English Constitution, London, 1867.

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travers le Shadow Cabinet, dont le lien avec la base parlementaire d’opposition est assuré du

fait de la conception britannique très particulière de la séparation des pouvoirs. Les règles

d’organisation du Cabinet fantôme diffèrent quelque peu entre les groupes travailliste et

conservateur, puisqu’elles sont issues de leurs pratiques parlementaires propres. Ici encore,

l’absence d’autre source nous amène à prendre en compte ces coutumes parlementaires, tout

en précisant que contrairement à une règle de droit écrite et adoptée en vertu d’une procédure

prédéfinie, elles n’emportent pas de valeur contraignante et absolue. Le Cabinet fantôme

travailliste est aussi appelé Parliamentary Committee, alors que le nom de Consultative

Committee correspond au Cabinet fantôme conservateur. Seul le Cabinet fantôme travailliste

dispose de règles écrites, dans un règlement interne au groupe, alors que les règles de

fonctionnement du Cabinet fantôme conservateur ne sont pas formalisées.243 Le Parliamentary

Committee, Cabinet fantôme avec lequel le leader du groupe parlementaire travailliste

collabore, est élu par le groupe parlementaire dans son ensemble, alors que c’est le leader du

groupe conservateur qui détermine lui-même la composition de son Cabinet fantôme.244 Le

Parliamentary Committee se compose d’un certain nombre de membres, dont le leader, le

leader adjoint, le chef whip, le président du groupe parlementaire, ainsi qu’une douzaine de

membres de la Chambre des Communes, élus par leurs collègues, tandis que le Cabinet

fantôme du groupe conservateur est souvent essentiellement composé au départ de membre de

l’équipe gouvernementale sortante.245 Le Cabinet fantôme est donc composé de Shadow

Spokesmen ou « ministres fantômes », titulaires chacun d’un « portefeuille ministériel

correspondant à celui du ministre qu’il aspire à remplacer ».246

L’opposition parlementaire est donc un élément très important du système

institutionnel britannique puisque l’Opposition de sa Majesté, Her Majesty’s Opposition, est

aussi le gouvernement alternatif de sa Majesté, Her Majesty’s alternative Government.247

Gouvernement et opposition parlementaire officielle semblent donc se situer dans une

situation de complémentarité, voire même d’interdépendance. De la même manière, le leader

de l’opposition d’aujourd’hui est ainsi le Premier Ministre potentiel de demain, même si plus

prosaïquement, il reste simplement le leader, le chef du principal groupe d’opposition. La

place de l’opposition est donc presque égale à celle de la majorité gouvernementale, puisque 243 Rodney BRAZIER, Constitutional Practice, 2ème Edition, 1984, p. 168. 244 Robert MCKENZIE, British Political Parties, 2ème Edition, Heineman, Londres,1963, p. 297. 245 Robert PUNNETT, Front Bench Opposition : the role of the Leader of the Opposition, the Shadow Cabinet and Shadow Government in British politics, Heinemann, Londres, 1973, pp. 11 et 112. 246 Andrew ADONIS, Parliament today, 2ème Edition, Manchester University Press, 1993, p. 22. 247 Ivor JENNINGS, Parliament, 2ème Edition, Cambridge University Press, 1969, p. 79.

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sa vocation première est celle de « se débarrasser » du gouvernement pour en prendre la

place.248

Le problème de cette définition est qu’elle exclut tous les autres groupes

parlementaires de l’opposition parlementaire officielle. Cette institutionnalisation de

l’opposition parlementaire est donc « sélective et ne vaut que pour l’opposition officielle de

gouvernement, les autres oppositions […] parlementaires étant ignorées en tant que telle ».249

Ainsi, aucun salaire n’est reconnu au leader du second groupe d’opposition, alors que le

leader du groupe d’opposition le plus important numériquement, son chef whip et chef whip

adjoint disposent d’un salaire depuis 1937.250 De plus, seul le chef de l’opposition la plus

importante dispose d’un rang relativement élevé dans l’ordre protocolaire, alors qu’aucune

place n’est faite aux leaders des autres groupes parlementaires d’opposition. Ainsi, il est la

deuxième personne, suite au Premier Ministre, à déposer une couronne de coquelicot à

l’occasion des cérémonies du 11 novembre. Le leader de l’opposition parlementaire officielle

occupe une fonction écrasante par rapport aux autres leaders. Néanmoins, le Leader du

deuxième groupe parlementaire d’opposition bénéficie d’une certaine reconnaissance, puisque

certaines compétences leur sont expressément réservées dans le règlement de la Chambre des

Communes. Mais le leader officiel de l’opposition conserve une place prépondérante. Ainsi, il

est toujours consulté par le Premier Ministre en cas de situation exceptionnelle, de crise grave.

Il arrive que le Premier Ministre l’associe à ses décisions, en particulier en matière de

politique étrangère, comme par exemple à travers l’engagement commun pris par Messieurs

Atlee et Churchill de soutenir l’indépendance de l’Inde en 1947.251 Même si ces rapports

n’ont jamais été aussi intenses en France, le président Valéry Giscard d’Estaing a été le

premier à décider de consulter de manière ponctuelle les présidents des groupes

parlementaires, en particulier sur des domaines de politique étrangère et en cas de crise

internationale par exemple.252

En France, l’opposition ne remplit pas systématiquement comme au Royaume-Uni une

« fonction politique d’alternative au gouvernement en place », contrairement à ce qui est

248 Ian GILMOUR, The Body Politic, Hutchinson, Londres, 1969, p. 251. 249 Sylvie GIULJ, Le statut de l’opposition en Europe, la Documentation française, Paris, 1980, p. 30. 250 Ministers of the Crown Act, 1937. 251 Yves SUREL, « Le chef de l’opposition », Pouvoirs, n° 108, 2004, p. 72. 252 Marie-Claire PONTHOREAU, « Les droits de l’opposition en France, penser une opposition présidentielle », Pouvoirs, n° 108, 2004, note 12, p. 108.

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parfois affirmé.253 En effet, un groupe peut se considérer dans l’opposition parlementaire sans

pour autant prétendre et vouloir accéder aux responsabilités gouvernementales. La récente

révision constitutionnelle a permis le développement d’une certaine réflexion en vue de

définir le concept juridique d’opposition parlementaire. Une proposition régulièrement

évoquée254 et utilisée d’ailleurs par le Conseil supérieur de l’audiovisuel,255 fut de désigner

comme appartenant à l’opposition parlementaire tout député qui a voté contre ou s’est abstenu

de voter dans le cadre de la question de confiance posée par le gouvernement et prévue à

l’article 49 de la Constitution256. Mais cette proposition se heurte à plusieurs écueils : d’abord,

une telle procédure en vue de déterminer l’opposition parlementaire supposerait de rendre

l’engagement de la responsabilité du gouvernement systématique après chaque

renouvellement de l’Assemblée nationale. Ensuite, cette mesure, si elle était adoptée, aurait

pour effet de « cristalliser » l’opposition parlementaire, dans la mesure où l’attitude de vote

dans le cadre de l’application de l’article 49 de la Constitution aurait pour effet de « figer » les

positions respectives de chaque député. Enfin, l’opposition parlementaire ne passerait plus

systématiquement par les groupes parlementaires, puisque rien n’interdirait par exemple à un

député du groupe majoritaire de s’abstenir de voter à cette occasion, même cette hypothèse

semble même en théorie à l’encontre de la logique politique. L’appartenance à l’opposition

parlementaire pourrait ainsi être déterminée indépendamment de l’appartenance à un groupe

parlementaire, ce qui rendrait plus complexe l’identification de l’opposition parlementaire. De

la même manière, le vote annuel de la loi de finance a été présenté comme un critère possible

pour définir l’opposition parlementaire, prenant en compte les députés qui votent contre ou

s’abstiennent. L’ancien Premier Ministre Jospin a notamment fixé ce critère a contrario

comme condition de son maintien à la tête du gouvernement.257 Mais ce critère semble

également trop partiel, dans la mesure où il ne prend pas en compte les abstentions de vote qui

sont pourtant régulières, notamment celles du P.C.F. en 2003 et de l’U.D.F. en 2003 et

2004.258

253 Pierre AVRIL, « Le statut de l’opposition : un feuilleton inachevé », Les Petites Affiches, n°254, 2008, p. 11. 254 Bernard RULLIER, « Un statut pour l’opposition, enfin ? », Revue Parlementaire, n° 899, juillet 2007. 255 Le Conseil supérieur utilisait en réalité une pluralité de critères : vote négatif dans le cadre de l’article 49 C, aucun membre de la formation politique intégré au gouvernement et vote négatif de la loi de finances. 256 « Le Premier ministre, après délibération du conseil des ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. » Article 49 de la Constitution française de 1958. 257 « J’avais prévenu les groupes parlementaires et les partis de ma majorité que si ils ne votaient pas le budget de l’Etat, ou s’ils ne votaient pas le budget de la Sécurité sociale, le jour-même ma démission serait remise au président de la République », Lionel JOSPIN, L’Enfer de Matignon, Raphaëlle Bacqué et Philippe Kohly. 258 François Charles BOUSQUET, Jean Gicquel (dir.), Le statut de l’opposition sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 20.

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La résolution du 7 juin 2006, tentative infructueuse déjà évoquée d’intégrer

l’opposition parlementaire dans le règlement de l’Assemblée nationale, reste néanmoins très

intéressante du point de vue de la construction du concept d’opposition. L’innovation de la

résolution en question est « le passage d’une conception négative (les partis "qui

n’appartiennent pas à la majorité", c’est à dire la minorité) à une conception positive

reconnaissant à l’opposition en corps la vocation à exercer une fonction propre ».259 La

conception négative présupposait en effet une définition préalable de la majorité. Madame

Benetti estime d’ailleurs à cet égard que « le fait majoritaire devrait en principe impliquer un

fait minoritaire, c’est à dire la reconnaissance de l’opposition parlementaire ».260 Même si le

Conseil constitutionnel a invalidé cet aspect par la suite, l’innovation majeure consiste en

identification claire de l’opposition parlementaire à travers la mention directe du terme dans le

texte de résolution. En 2008, si la révision constitutionnelle en permet l’intégration textuelle,

elle ne la définit pas pour autant et se borne à en renvoyer la responsabilité aux principaux

intéressés, les parlementaires.261 L’adoption du règlement de l’Assemblée nationale modifié le

27 mai 2009 apporte en effet des éclairages nouveaux sur cette question de la définition du

concept d’opposition parlementaire dans le cadre du système institutionnel français. C’est le

nouvel alinéa 3 de l’article 19 du règlement qui permet de préciser laconiquement que « la

déclaration [politique de chaque groupe parlementaire] peut mentionner l’appartenance du

groupe à l’opposition ». L’opposition se construit donc à partir des groupes parlementaires,

qui décident chacun d’y appartenir ou non. De plus, l’alinéa 4 du même article fait référence

au groupe de la majorité parlementaire, qui est « celui d’entre eux qui compte l’effectif le plus

élevé ». L’opposition est donc définie par défaut, puisqu’elle désigne les groupes qui se sont

reconnus comme tels et n’appartiennent pas à la majorité parlementaire.

L’opposition, la minorité, est d’abord celle qui n’est pas numériquement le plus

important groupe l’Assemblée. Ce raisonnement tautologique est pourtant ce qui ressort de

l’article 19 du règlement de l’Assemblée nationale. L’opposition est ce que n’est pas la

majorité parlementaire ou plutôt, le groupe le plus important de l’Assemblée, ce qui implique

donc, pour la définir plus précisément, de déterminer cette majorité parlementaire. Dès 2007,

le président du groupe UMP à l’Assemblée s’inscrivait dans cette démarche, en promettant

259 Pierre AVRIL, « L’improbable "statut de l’opposition" », Les Petites Affiches, n °138, 12 juillet 2006. 260 Julie BENETTI, Jean Gicquel (dir.), Droit parlementaire et fait majoritaire à l’Assemblée nationale sous la Vème République, Thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 26. 261 Ariane VIDAL-NAQUET, « L’institutionnalisation de l’opposition. Quel statut pour quelle opposition ? », Revue française de Droit constitutionnel, n°77, 2009, p. 158.

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d’avoir « une vraie réflexion sur ce que doit être le rôle d’un majorité parlementaire

moderne » et d’établir un « statut de la majorité […] pendant du statut de l’opposition. ».262

Deux ans plus tard, la concrétisation de ces promesses se fait toujours attendre, puisque la

mention même de « majorité » est absente de l’article 19 du règlement permettant de situer

l’opposition et la majorité parlementaire. Seule une définition purement arithmétique subsiste,

« le groupe qui compte l’effectif le plus élevé », ce qui du reste n’apporte pas d’information

sur la nature même de la majorité parlementaire. A cet égard, le député Jean-Jacques Urvoas

évoque un certain « complexe de la majorité », dans la mesure où cette dernière est définie

« par soustraction ». Il conclut que la majorité parlementaire devrait donc désormais être

appelée « le plus grand des groupes qui n’est pas d’opposition ».263

L’appartenance à l’opposition ou à la majorité parlementaire est une décision, un

choix politique de la part de tout député, comme le choix préalable de devenir membre d’un

groupe parlementaire ou de rester isolé. Dans l’hypothèse où un élu parlementaire souhaite

intégrer un groupe qui ne soit rattaché ni à la majorité, ni à l’opposition parlementaire, il peut

alors choisir un groupe appartenant au « troisième ensemble », (section 3) que la révision

constitutionnelle française de 2008 a dénommé « groupe minoritaire ».

Section 3 – La nature juridique du « troisième ensemble », le groupe minoritaire

Alors qu’au Royaume-Uni, la majorité gouvernementale et l’opposition parlementaire

officielle sont largement reconnues, aucune mention normative ne semble laisser de place à

un « troisième ensemble ». En France, la révision constitutionnelle de 2008 permet la

reconnaissance de dénommés « groupes minoritaires », ce qui pourrait être compris plus

simplement comme un « troisième ensemble », aux côtés de la majorité et de l’opposition

parlementaire. Mais la nature juridique de ces groupes minoritaires n’est pas davantage

précisée par la Constitution. Selon le Professeur Avril, cette nouvelle mention des groupes

minoritaires « traduit la répugnance centriste à se situer politiquement », dans la mesure où les

groupes minoritaires représentent la troisième catégorie, ni dans la majorité, ni dans

l’opposition parlementaire.264

262 Interview de Jean-François COPE Revue Parlementaire, n° 898, 2007. 263 Jean-Jacques URVOAS, discours à l’occasion de la motion de renvoi en commission de la résolution de modification du règlement de l’Assemblée nationale, 12 mai 2009. 264 Pierre AVRIL, « Le statut de l’opposition : un feuilleton inachevé », Les Petites Affiches, n°254, 2008, p. 10.

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En 2006 déjà, le député Monsieur Warsmann prévoyait, dans le cadre d’un projet de

modification du règlement de l’Assemblée nationale, qu’un groupe puisse « très bien

choisir… de ne pas choisir ».265 La notion de groupe minoritaire, introduite par le Sénat266

dans le projet de réforme constitutionnelle adopté par le Congrès en 2008, se caractérise ainsi

par la liberté de ne pas vouloir se positionner, choisir un « camp », entre majorité et

opposition. Cette troisième catégorie permet de ne pas rendre la procédure de choix entre

opposition et soutien à la politique gouvernementale systématique et de préserver la diversité

représentative au sein des assemblées. De plus, cela pourrait permettre aux membres de

certains groupes de voter indifféremment en faveur de la majorité ou de l’opposition et de

conserver ainsi une plus grande autonomie, bien qu’actuellement la configuration politique de

l’Assemblée nationale ne le laisse pas présager. De la même manière que les députés isolés

non rattachés à un groupe parlementaire, les groupes parlementaires auraient donc la

possibilité de n’appartenir ni à la majorité ni à l’opposition, pour être rattachés « par défaut »

à la catégorie des groupes minoritaires s’ils n’ont pas déposé de déclaration d’appartenance à

l’opposition à la présidence.267 Les propositions de la commission des lois de 2006 ont été

suivies d’effets, puisque trois années plus tard, l’article 19 alinéa 4 du règlement modifié de

l’Assemblée nationale retient cette classification et cette définition, les groupes minoritaires

étant « ceux qui ne se sont pas déclarés d’opposition, à l’exception de celui d’entre eux qui

compte l’effectif le plus élevé ».

A la Chambre des Communes, même si la notion de « groupe minoritaire » ne semble

pas reconnue, les « rangs serrés du groupe parlementaire de la majorité [ne font pas face

uniquement] aux rangs serrés du parti de l’opposition ». Pour le Professeur Jennings, la

Chambre des Communes n’est pas un simple « conflit entre les supporters de Monsieur

Gladstone et ceux de Monsieur Disraeli, leurs prédécesseurs et leurs successeurs ».268 Au

contraire, au delà de deux camps rivaux, il a toujours existé des partis tiers au sein du

Parlement britannique. Mais le système britannique, en ne reconnaissant que les deux groupes

265 Jean-Luc WARSMANN, Rapport n° 3113, Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur les propositions de résolution de M. Jean-Louis Debré, Paris, Assemblée nationale, 31 mai 2006, p. 22. 266 François LUCHAIRE, Gérard CORNAC et Xavier PRETOT La Constitution de la République française : Analyses et commentaires, 3ème Edition, Economica, Paris, 2008, p. 1220. 267 Jean-Luc WARSMANN, Rapport n° 3113, Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur les propositions de résolution de M. Jean-Louis Debré, Paris, Assemblée nationale, 31 mai 2006, p. 25. 268 Ivor JENNINGS, Parliament, 2ème Edition, Cambridge University Press, 1969, p. 24.

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d’opposition les plus importants numériquement, fait taire « les » oppositions.269 Ainsi, les

« groupes minoritaires », pour reprendre la nouvelle terminologie constitutionnelle française,

ne sont donc pas reconnus au Royaume-Uni et conséquemment, aucune compétence

supplémentaire à celle des groupes parlementaires ne leur est donc attribuée. La notion de

minorité parlementaire semble absente du cadre parlementaire britannique, ou plutôt définie

par l’absence de reconnaissance portée aux groupes parlementaires autres que les deux

groupes principaux d’opposition et du groupe majoritaire. Le problème de la minorité

parlementaire au Royaume-Uni ne se situe donc pas sur le même domaine que celui des

groupes minoritaires en France, qui a pour objectif de représenter des groupes parlementaires

ayant sciemment décidé de n’appartenir ni à l’opposition, ni à la majorité parlementaire.

Après l’analyse détaillée de la définition juridique du concept d’opposition

parlementaire, à la fois à travers sa reconnaissance juridique dans les systèmes parlementaires

français et britannique et sa distinction de la majorité parlementaire et du troisième ensemble,

le groupe minoritaire, la constitution de l’opposition parlementaire en tant qu’organe

parlementaire à par entière peut désormais être envisagée à travers les compétences qui lui

sont attribuées (chapitre 2), aussi bien dans sa fonction de contrôle que dans sa fonction

législative.

Chapitre 2 – La constitution de l’opposition parlementaire comme organe

La question est ici de savoir dans quelle mesure l’opposition parlementaire est-elle

titulaire de « droits spécifiques », ou plutôt de compétences, qui lui ont été attribuées par la

Constitution ou par des normes juridiques inférieures comme le règlement d’assemblée.

L’attribution de compétences à l’opposition relève d’un certain « privilège », dans la mesure

où cela consiste à donner au groupe parlementaire reconnu en tant qu’organe à par entière

« un poids plus que proportionnel à son effectif numérique ».270 Sans l’attribution de

fonctions législatives et de contrôle, la reconnaissance constitutionnelle de l’opposition

269 Ariane VIDAL-NAQUET, « L’institutionnalisation de l’opposition. Quel statut pour quelle opposition ? », Revue française de Droit constitutionnel, n°77, 2009, p. 161. 270 Carlos-Miguel PIMENTEL, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, p. 47.

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parlementaire pour la troisième fois en Europe continentale après la Croatie et le Portugal,271

demeurerait une coquille désespérément vide.272

L’opposition parlementaire se voyait déjà indirectement représentée dans les organes

directeurs ainsi que dans les organes de travail de l’Assemblée à travers la règle de

représentation à la proportionnelle des groupes parlementaires. Mais la règle de la

proportionnalité, tout en lui garantissant une certaine représentativité, la condamne à rester

minoritaire de la même manière qu’en séance plénière de l’Assemblée concernée et ne lui

apporte donc en soit aucune compétence supplémentaire claire qui lui permette de s’affirmer

juridiquement en tant qu’opposition parlementaire.273

Une première évolution majeure est à relever en 1974 avec la modification de l’article

61 de la Constitution274, avec la reconnaissance d’un droit à une « minorité qualifiée », la

possibilité de saisine du juge constitutionnel par 60 députés ou 60 sénateurs, qui est

longtemps resté le droit le plus important de l’opposition parlementaire. Mais même si cette

nouvelle compétence ouverte aux parlementaires peut paraître orientée vers la protection de

l’opposition, ce droit de saisine ne lui est pas exclusivement réservé. L’attribution de cette

compétence n’est donc pas claire, un groupe de 60 députés issus de différents groupes

peuvent aussi très bien se constituer pour saisir le Conseil constitutionnel. C’est donc de facto

une nouvelle compétence pour l’opposition parlementaire, mais pas de jure, en ce que le droit

de saisine du Conseil constitutionnel est ouvert à tout parlementaire et pas expressément

réservé à l’opposition parlementaire. Cependant, la majorité des saisines du Conseil

constitutionnel depuis 1974 ont été réalisé par des députés de l’opposition parlementaire,

s’accaparant ainsi le « quasi-monopole de l’opposition ». Les députés de l’opposition

parlementaire ont très vite compris l’importance de cette nouvelle compétence qui leur était

ouverte pour intervenir directement sur la procédure législative, et le droit de saisine, à

l’image du droit d’amendement, a pu être parfois employé de manière quelque peu abusive,

dans la mesure où l’utilisation qui en a été faite le détournait de son objectif initial. En effet,

même si la justice constitutionnelle avait été affirmée par le Professer Kelsen comme « un

271 Ariane VIDAL-NAQUET, « L’institutionnalisation de l’opposition. Quel statut pour quelle opposition ? », Revue française de Droit constitutionnel, n°77, 2009, note n° 15, p. 157. 272 Jean-Jacques URVOAS, intervention à l’occasion de l’audition de M. Bernard Accoyer sur sa proposition de résolution n° 1546 tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale, 28 avril 2009. 273 Carlos-Miguel PIMENTEL, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, p. 47. 274 Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 974 portant révision de l’article 61 de la Constitution, JORF du 30 Octobre 1974, p. 11035.

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moyen de protection efficace de la minorité contre les empiétements de la majorité »275, le

Conseil constitutionnel a souhaité rappeler l’objectif du droit de saisine, qui n’est pas de

« gêner ou de retarder l’exercice du pouvoir législatif mais d’assurer sa conformité à la

Constitution ».276

La même année 1974, la recommandation du président Valéry Giscard d’Estaing dans

son message au Parlement du 30 mai 1974 de l’instauration de « questions d’actualité » est

rapidement suivie d’effet. Ces « questions au gouvernement » sont établies de manière

totalement conventionnelle, puisqu’elles résultent de la proposition du président de

l’Assemblée nationale Edgar Faure en Conférence des Présidents277, mais cette pratique

parlementaire ne sera constitutionnalisée qu’en 1995278. Elles ont lieu au départ tous les

mercredi pendant une heure, puis plus tard chaque mardi et mercredi en début d’après midi. Si

les questions au gouvernement ne constituent pas, là encore, une compétence explicitement et

exclusivement réservée aux groupes d’opposition parlementaire, elle devient, de par son

utilisation par les députés, l’un des droits les plus importantes de l’opposition.

Avant la reconnaissance constitutionnelle de l’opposition parlementaire en France en

juillet 2008, aucune compétence n’était donc directement attribuée à l’opposition

parlementaire en tant que telle. L’étude des récents changements apportés par la révision de la

Constitution et du Règlement va désormais pouvoir être abordée et comparée avec le modèle

britannique d’opposition parlementaire. Il peut être souligné ici que les droits accordés à

l’opposition parlementaire au Royaume-Uni, s’ils sont nombreux et d’origine souvent plus

ancienne qu’en France, ne sont que très rarement établis par des règles précises et formalisées.

En effet, le Professeur Jennings précise qu’en vérité, « les droits des minorités ne dépendent

pas des règles expresses mais des habitudes » de la Chambre des Communes.279 dans le cadre

275 Hans KELSEN, « La garantie constitutionnelle de la Constitution (La justice constitutionnelle) », Revue du Droit Public, 1928, pp. 252-253, cité par François-Charles BOUSQUET in : « Le statut de l’opposition sous la Vème République » Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 223. 276 Décision n° 85-197 DC, 23 août 1985, Rec. 70, cité par François-Charles BOUSQUET in : « Le statut de l’opposition sous la Vème République » Thèse de doctorat en droit, 2005, p. 224. 277 François-Charles BOUSQUET, Jean Gicquel (dir.), Le statut de l’opposition sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 232. 278 Introduites dans l’article 48 alinéa 2 de la Constitution par la loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995, ces dispositions sont désormais inscrites dans l’article 48 alinéa 6 depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « Une séance par semaine au moins […] est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement ». 279 Ivor JENNINGS, Parliament, 2ème Edition, Cambridge University Press, 1969, p. 61.

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duquel la principale fonction parlementaire britannique de l’opposition est « d’opposer »,

selon le Professeur Brazier.280

Mais nous ne pouvons en rester à une telle définition tautologique, dans la mesure où

un certain nombre de compétences propres à l’opposition parlementaire sont reconnus dans le

système britannique, qu’il s’agit d’analyser précisément. L’emploi de l’expression « droits

spécifiques » par le constituant français mérite l’attention,281 l’exposé des motifs du projet de

loi constitutionnelle prévoit ainsi « des droits particuliers et nouveaux […] reconnus à

l'opposition en matière, par exemple, de création de commissions d'enquête ou de missions

d'information, ou de représentation dans diverses structures telles que les commissions

d'enquête, missions d'information et équipes de contrôle de l'exécution des lois. »282 Les

différentes compétences de l’opposition en tant qu’organe juridique seront envisagées à

travers deux catégories distinctes du travail parlementaire, la fonction de contrôle (section 1)

et la fonction législative (section 2), constituant ainsi ce que beaucoup nomment la « charte de

l’opposition ».283

Section 1 – Une fonction de contrôle

En 2002, le Professeur Ponthoreau soulignait « l’abîme qui nous sépare […] du

Parlement, lieu où l’opposition bénéficierait de droits exercés indépendamment du bon

vouloir de la majorité de manière à vivifier le contrôle politique. »284 Les récentes

modifications apportées par la loi constitutionnelle de 2008, qui ont notamment pour objectif

de « revaloriser le rôle du Parlement », permettent l’établissement de compétences pour

l’opposition parlementaire dans le cadre de la fonction de contrôle, concrétisées à travers la

résolution modificative du règlement de l’Assemblée nationale du 27 mai 2009.

Déjà en 1999, la mise en place dans le cadre de la commission des finances d’une

mission permanente d’évaluation et de contrôle, coprésidée par un membre de la majorité et

280 Rodney BRAZIER, Constitutional Practice, 2ème Edition, 1984, p. 163. 281 Pierre AVRIL, « Le statut de l’opposition : un feuilleton inachevé », Les Petites Affiches, n°254, 2008, p. 10. 282 Exposé des motifs de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République. 283 Jean-Luc WARSMANN, Rapport n° 1630, Commission des lois constitutionnelles sur les propositions de résolution de M. Jean-Louis Debré, Paris, Assemblée nationale, 30 avril 2009. 284 Marie-Claire PONTHOREAU, « Les droits de l’opposition en France, penser une opposition présidentielle », Pouvoirs, n° 108, 2004, p. 108.

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un membre de la minorité parlementaire,285 laissait ainsi présager d’une extension de la

fonction de contrôle à l’opposition.286 Lors du projet de résolution de 2006 visant à modifier

le règlement de l’Assemblée nationale, son président de l’époque, Monsieur Debré, souhaitait

attribuer la présidence de l’une des six commissions à un membre de l’opposition, mais les

députés avaient rapidement écarté cette disposition.287 Un peu plus d’un an plus tard, suite au

dernier renouvellement de l’Assemblée nationale, le député socialiste Didier Migaud a

pourtant été élu le 28 juin 2007 à la tête de la Commission des finances, de l’économie

générale et du contrôle budgétaire, conformément aux engagements du président Sarkozy, qui

souhaitait en réserver la présidence à un député de l’opposition. Mais cette volonté politique,

désormais traduite dans la pratique parlementaire, ne présentait bien sûr aucune garantie sur le

long terme. La révision du règlement du 27 mai 2009 permet dorénavant d’inscrire dans la

pérennité cette nouvelle convention parlementaire en permettant sa codification à l’article 39

alinéa 3 du règlement de l’Assemblée nationale.

La différence avec le Royaume-Uni est grande, puisque la règle très récemment

adoptée en France qui permet l’attribution de la présidence de la Commission des finances à

l’opposition et fait figure d’innovation, est en réalité déjà établie de longue date outre-

manche. En effet, le Public Accounts Committee,288 l’équivalent britannique de la commission

des finances à l’Assemblée nationale, est depuis longtemps réservé à un membre de

l’opposition au Royaume-Uni.289 La présidence de cette commission est d’autant plus

importante que le National Audit Office, institution correspondant peu ou prou à la Cour des

comptes française, dépend exclusivement de la Chambre des Communes et plus

particulièrement du Public Accounts Committee présidé par un député de l’opposition.

Malgré cette innovation française, toute relative au regard de la situation britannique,

qui permet une participation accrue de l’opposition parlementaire à la fonction de contrôle, la

commission des finances reste la seule des huit commissions permanentes au Palais Bourbon

à être présidée par un député de l’opposition parlementaire. Des expériences ont néanmoins

eu lieu en période de cohabitation le plus souvent, avec la nomination au poste président de la 285 Ibid., p. 108. 286 Même si l’établissement de cette mission permanente a eu lieu lors d’une période particulière (la troisième cohabitation) et était du reste issue uniquement de la pratique parlementaire. 287 Laure GAUTHIER-LESCOP, « Une résolution pour lutter contre l’inflation normative », Revue du Droit Public, 2007, p. 120. 288 Le Public Account Committee est l’un des Select Committee, c’est plus précisément la commission parlementaire de la Chambre des Communes compétente en matière budgétaire. 289 Carlos-Miguel PIMENTEL, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, p. 47-48.

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commission des Affaires étrangères de Roland Dumas en 1986-1987 puis de Valéry Giscard

d’Estaing de 1987 à 1989.290 La logique consistant à limiter la présidence des commissions

pour l’opposition à la commission des affaires étrangères et celle des finances, est liée

directement à la nature « consensuelle » des affaires qu’elle sont amenées à connaître. La

commission des finances exerce essentiellement une action de contrôle, le domaine financier

et budgétaire intéressant le plus souvent majorité et opposition parlementaire. Réserver à

l’opposition la présidence d’autres commissions serait problématique, dans la mesure où ces

dernières sont souvent plus « politisées », ce qui explique que le règlement de l’Assemblée

limite la présidence d’un membre de l’opposition à cette commission. Pourtant, d’autres pays

comme l’Allemagne, et plus particulièrement le Royaume-Uni, accordent la présidence d’un

certain nombre de commissions importantes et « politisées » à l’opposition.291

De plus, la récente modification du règlement du Palais Bourbon permet également de

nouvelles compétences à l’opposition parlementaire dans le cadre des commissions.

Désormais, la présidence de commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes

de l’Assemblée nationale est également réservée au membre d’un groupe parlementaire

s’étant déclaré d’opposition, en vertu de l’article 16 alinéa 2 du règlement.292

Par ailleurs, dans le cadre de l’article 48 de la Constitution qui s’intéresse à la fixation

de l’ordre du jour, une semaine par mois réservée à la fonction de contrôle et d’évaluation des

politiques publiques est proposée par le comité Balladur.293 Mais par la suite, le projet de

révision « édulcore totalement le mécanisme » prévu, puisque la différence entre fonction de

contrôle et fonction législative a disparu, ne laissant subsister qu’un simple partage entre

l’ordre du jour gouvernemental et l’ordre du jour parlementaire. Pour finir, le texte final,

remodelé en première lecture par l’Assemblée nationale, rétablit néanmoins la nouvelle règle

d’une semaine sur quatre par mois réservée à la fonction de contrôle.294 Chaque mois,

l’opposition va donc pouvoir exercer sa fonction de contrôle une semaine durant. Néanmoins,

290 William GILLES, « L’opposition parlementaire : étude de droit comparé », Revue de Droit Public, p. 1365. 291 A la Chambre des Communes, plus d’une dizaine de commissions permanentes sont présidées par des membres de l’opposition parlementaire (cf. infra, section 2). 292 Cette nouvelle disposition n’entre en application qu’à l’ouverture de la XIVème législature, en vertu de l’article 157 de la résolution n° 292 du 27 mai 2009. 293 Edouard BALLADUR, Président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, Une République plus démocratique, Paris, 18 juillet 2007, proposition n° 22, p. 32. 294 Michel LASCOMBE, « Les nouvelles règles relatives à la fixation de l’ordre du jour sous la Ve République », Les Petites Affiches, n°254, 2008, p. 88.

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même si la fonction de contrôle est naturellement utilisée davantage par l’opposition

parlementaire, cette semaine ne lui est pas non plus exclusivement réservée, de sorte que les

députés du groupe majoritaire ont aussi leur rôle à jouer dans cette fonction de contrôle et

d’évaluation des politiques publiques.

La fonction de contrôle connaît également une grande innovation avec l’établissement

d’un comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques à travers le nouvel article

146-2 du règlement de l’Assemblée nationale. Tous les groupes parlementaires, notamment

ceux de l’opposition, peuvent obtenir de droit la réalisation d’un rapport d’évaluation une fois

par session ordinaire (article 146-3 alinéa 2). De plus, en vertu de l’alinéa 3 de l’article 146-3,

un des deux rapporteurs du rapport d’évaluation doit impérativement appartenir à un groupe

parlementaire d’opposition, ce qui va ainsi permettre d’associer de façon plus étroite

l’opposition parlementaire au suivi des politiques publiques, aux côtés du groupe majoritaire.

La réforme du règlement permet également une participation plus importante de l’opposition

parlementaire en ce qui concerne le suivi de l’application réglementaire de textes législatifs.

En effet, dans un délai de six mois après l’entrée en vigueur d’une loi nécessitant pour son

application la publication de textes réglementaires, deux députés, dont l’un doit être membre

d’un groupe d’opposition parlementaire, sont chargés de présenter en commission un rapport

sur la mise en application de cette loi (article 145-7 du règlement). Cette nouvelle disposition

permet ainsi un contrôle, en coopération directe avec des députés d’opposition parlementaire,

dans la durée de la mise en application des textes législatifs adoptés.

La fonction de contrôle de l’opposition parlementaire doit aussi se concrétiser à travers

la possibilité d’enquêter sur une affaire précise, au sein de commissions d’enquête. Depuis

2003,295 le règlement de l’Assemblée nationale prévoyait déjà que les fonctions de président

ou de rapporteur d’une commission d’enquête doivent revenir de droit à un membre du

groupe parlementaire qui a proposé la création de la commission d’enquête. La fonction du

président est importante, puisqu’il est chargé de convoquer la commission, d’assurer la

direction des débats, et de veiller à ce que la commission n’aborde pas les affaires judiciaires

en cours dans ses discussions. Depuis la réforme du règlement de 2003, en pratique, les

rapports des quatre commissions créées ont ainsi été présidées ou rapportées par un membre

295 Résolution n° 106 du 26 mars 2003 (Conseil constitutionnel, décision n° 2003-470 DC, 9 avril 2003).

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de l’opposition parlementaire.296 Mais cette possibilité de présider la commission n’était pas

reconnue directement dans les textes comme « réservée à l’opposition ». La réforme de 2008

permet la constitutionnalisation des commissions d’enquête à travers leur intégration au

nouvel l’article 51-2 de la Constitution. L’article 143 alinéa 2 du règlement modifié du Palais

Bourbon indique que la fonction de président ou rapporteur revient de droit à un membre de

l’opposition parlementaire, ce qui laisse en vérité à la majorité parlementaire le choix de

reléguer le membre de l’opposition parlementaire au poste de rapporteur afin de limiter ses

compétences. De plus, l’hypothèse formulée par le Professeur Camby sur le fait que les

modalités de fixation de l’ordre du jour issues de la révision constitutionnelle pourraient

permettre aux groupes de l’opposition de demander la création d’une commission

d’enquête297 a été confirmée par la réforme du règlement de l’Assemblée nationale.

Désormais, chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire peut demander,

une fois par session ordinaire, l’inscription d’office à l’ordre du jour d’une séance (de la

semaine de contrôle nouvellement instaurée) d’un débat sur une proposition de résolution

tendant à la création d’une commission d’enquête, consacrant ainsi le « droit de tirage ».

L’article 141 alinéa 2 poursuit ainsi la logique impulsée par la révision constitutionnelle

instaurant une semaine de contrôle parlementaire chaque mois, en attribuant cette compétence

complémentaire à l’opposition. Néanmoins, cette possibilité reste très limitée puisqu’une telle

demande ne peut être effectuée que rarement, une fois par session ordinaire.

La fonction de contrôle s’inscrit donc au cœur des compétences exercées par

l’opposition parlementaire, permettant sa concrétisation en tant qu’organe. Elle lui permet de

remplir une fonction essentielle de surveillance et d’évaluation des politiques menées par le

gouvernement et sa majorité parlementaire. Le pendant de cette fonction de contrôle est bien

évidemment la fonction législative (section 2), en ce qu’elle se doit de participer à l’ensemble

des débats et des procédures parlementaires visant à l’adoption des différents textes

législatifs.

296 Le statut de l’opposition, Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, 2008. 297 Jean-Pierre CAMBY, « La constitutionnalisation des commissions d’enquête parlementaire : une reconnaissance plus qu’une nouveauté », Les Petites Affiches, n° 254, 2008, p. 98.

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Section 2 – Une fonction législative

La fonction législative de l’opposition parlementaire peut notamment se manifester à

travers la participation de cette dernière à l’établissement de l’ordre du jour de l’Assemblée

nationale ou de la Chambre des Communes. Au Royaume-Uni, l’ordre du jour de la semaine

suivante ainsi que l’organisation des débats sont établis tous les jeudis par le leader de la

Chambre après consultation entre les chefs whips du gouvernement et de l’opposition, qui se

réunissent et se consultent à travers les usual channels, brièvement évoqués dans notre

première partie. Cette procédure est matérialisée par le leader de l’opposition, après le Prime

Minister Questions Time, la séance de questions au Premier ministre. Le chef de l’opposition

parlementaire pose alors la question formelle suivante : « le président de la Chambre peut-il

nous faire part du travail parlementaire de la semaine prochaine ? »298 Ce à quoi le président

de la Chambre répond en détaillant les différents points à l’ordre du jour de la semaine

suivante, « jour après jour et sujet après sujet ».299 Suite à cette réponse, et tout en connaissant

déjà le détails de l’ordre du jour à venir, qui a été coordonné au préalable par les chefs whips,

le leader de l’opposition demande alors des comptes au président de la Chambre des

Communes sur des questions qui ont été exclues de l’ordre du jour. Ce dernier, conformément

à la coutume parlementaire, lui promet alors que « ces questions vont être prise en compte par

le biais des "usual channels"».300

L’encadrement de cette collaboration entre chefs whips par les usual channels est

toujours assuré par le Speaker de la Chambre des Communes, dont la désignation est

effectuée par le chef du gouvernement avec la participation du leader de l’opposition. Chaque

chef whip doit développer des relations de travail étroites avec ses collègues des autres

groupes. Lord Biffen évoque même à ce propos une certaine « fraternité entre les whips »,301

ce qui peut paraître étonnant pour un observateur français, dans la mesure où une

collaboration aussi aboutie semble tout simplement inenvisageable à l’Assemblée nationale.

Au cours de chaque réunion, les groupes parlementaires sont amenés à collaborer entre eux à

travers leurs représentants respectifs, les chefs whips, et à faire des concessions le cas

298 « Can the Leader of the House tell us next week’s business ? » 299John BIFFEN, Inside Westminster, 2ème Edition, 1996, p. 97. 300 « These matters can be considered through the usual channels », ibid., p. 97. 301 Ibid., p. 94.

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échéant.302 Si par exemple le groupe majoritaire envisage un certain sujet de débat pour une

journée parlementaire de la semaine à venir, les groupes parlementaires de l’opposition

peuvent accepter à condition de réserver un temps de débat pour aborder un autre thème

précis de réforme.303 Par l’utilisation commune des « usual channels », les whips développent

ainsi un réseau commun de connaissance et de compréhension réciproques entre les groupes

parlementaires majoritaire et d’opposition. Néanmoins, au delà des échanges et de la

collaboration réciproque entre les groupes majoritaires et ceux d’opposition, l’ordre du jour

peut toujours être modifié ultérieurement par le gouvernement avec l’organisation de débats

prioritaires. Ainsi, la participation de l’opposition à la fixation de l’ordre du jour à la Chambre

des Communes reste limitée, « en raison […] de la rationalisation du travail parlementaire qui

privilégie les projets gouvernementaux ».304

Avec la révision du règlement de l’Assemblée nationale en 1995305, une séance par

mois est réservée à l’ordre du jour fixé par l’Assemblée nationale. Mais la mise en œuvre de

cette « fenêtre » parlementaire a rapidement été confronté à ses limites d’application pratique,

puisque la convention parlementaire du « droit de tirage » qui visait à réserver un espace à

chacun des groupes parlementaires n’a permis d’offrir en pratique qu’une ou deux séances

annuelles à l’opposition parlementaire.306 Même si cette procédure était un moyen ponctuel

pour les groupes d’opposition ou minoritaires de s’exprimer par l’inscription à l’ordre du jour

de sujets estimés importants pour eux, il n’était néanmoins reconnu aucune compétence en la

matière directement attribuée à l’opposition parlementaire en tant que telle.

La révision constitutionnelle de 2008 a été l’occasion d’attribuer des droits de manière

directe à l’opposition en matière de fixation de l’ordre du jour. Le comité Balladur prévoyait

un « partage de l’ordre du jour » mensuel avec notamment deux semaines réservées à l’ordre

du jour déterminé par le gouvernement composé des projets et propositions de loi qu’il a

retenu et une semaine à l’ordre du jour fixé par l’Assemblée nationale concernant les projets

302 Lord Herbert MORRISON, Government and Parliament : a survey from the inside, Oxford University Press, London, 3ème Edition, 1964, p. 116. 303 Nicholas BALDWIN, Parliament in the 21st Century, Politico’s, London, 2004, p. 194. 304 Yves SUREL, « Le chef de l’opposition », Pouvoirs, n° 108, 2004, p. 72. 305 Loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995, JORF du 5 août 1995. 306 Michel LASCOMBE, « Les nouvelles règles relatives à la fixation de l’ordre du jour sous la Ve République », Les Petites Affiches, n°254, 2008, p. 88.

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et propositions de loi qu’elle a retenu.307 Cette logique n’est pas pleinement poursuivie par les

constituants, puisque excepté le gouvernement qui conserve deux semaines, la semaine qui

aurait permis l’exercice de la fonction législative de l’Assemblée n’est plus mentionnée,

laissant ouverte l’interprétation possible de son utilisation future.

A l’inverse, dans le cadre de la discussion des textes soumis à l’Assemblée nationale,

l’article 49 du règlement modifié fixe précisément la répartition du temps consacré à son

examen. Il est précisé que le temps minimum accordé à chaque groupe d’opposition doit être

supérieur à celui accordé pour chaque autre groupe (le groupe majoritaire et le(s) groupe(s)

minoritaire(s) le cas échéant). Le règlement indique également que pour une discussion de

texte nécessitant du temps supplémentaire, celui-ci est attribuée à hauteur de 60% aux groupes

d’opposition. Ces dispositions sont donc très précises et semblent offrir à l’opposition

parlementaire de plus grandes garanties sur sa participation orale aux débats législatifs en

séance. De même dans le cadre des déclarations du gouvernement devant l’Assemblée (article

132) ou encore des questions au gouvernement (article 123), l’opposition parlementaire se

voit systématiquement attribuer la moitié du temps d’intervention.

En outre, le comité Balladur prévoyait l’attribution d’une journée mensuelle à

l’opposition parlementaire pour chacune des deux fonctions législative et de contrôle, alors

que le projet final ne lui en accorde plus qu’une et la contraint à se décider entre le rôle de

législateur et de contrôleur, ce que le Professeur Lascombe dit regretter.308 La journée

réservée chaque mois à l’opposition reste donc de portée limitée pour cette dernière, qui devra

trancher et choisir de remplir soit sa fonction de législation, soit sa fonction de contrôle.

Vu du système parlementaire britannique, la mesure permettant d’accorder une

journée par mois à l’opposition parlementaire et introduite par la réforme constitutionnelle

française de 2008 semble d’une importance toute relative. En effet, à la Chambre des

Communes, 20 jours par session parlementaire sont accordées à l’opposition parlementaire à

l’occasion desquels elle est libre de fixer l’ordre du jour, en vertu du règlement

307 Edouard BALLADUR, Président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, Une République plus démocratique, Paris, 18 juillet 2007, proposition n° 20, p. 32. 308 Michel LASCOMBE, « Les nouvelles règles relatives à la fixation de l’ordre du jour sous la Ve République », Les Petites Affiches, n°254, 2008, p. 88.

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parlementaire309. L’opposition parlementaire principale se voit attribuer 17 jours, tandis que le

deuxième groupe d’opposition, « second largest opposition party » dispose de 3 jours par

session parlementaire, ce qui est déjà relativement important, puisque ce groupe n’est pas

« l’opposition officielle de sa Majesté » et son leader ne se voit pas accorder de statut

particulier. Mais la portée de ces Opposition Days est à nuancer, dans la mesure où ceux-ci ne

consistent le plus souvent qu’à un débat de politique générale ne permettant pas d’adopter de

nouveaux textes importants. La pratique anglaise des Opposition Days peut donc laisser

penser qu’il en sera de même pour les journées réservées à l’opposition parlementaire en

France. La réponse ne sera véritablement apportée qu’à travers la prochaine session

parlementaire à partir d’octobre 2009.

Par ailleurs, la procédure de la closure offre à la Chambre des Communes la

possibilité à l’opposition, en réalité à tout député s’il a pu rassembler le soutien de 100

parlementaires minimum, de présenter une motion soumise à la Chambre sans débats. Le

règlement de la Chambre des Communes310 permet ainsi, sans l’énoncer expressément,

d’attribuer une compétence supplémentaire à l’opposition, plus précisément à la minorité

parlementaire, dans sa fonction législative. De même, le Prime Minister Question Time,

même s’il n’est pas réservé exclusivement à l’opposition, présente un moyen important

d’expression dans la procédure législative. Le chef de l’opposition parlementaire officielle a

le privilège de commencer le premier à questionner le Premier ministre, et peut répondre à ses

répliques par des questions successives. Cette procédure de questions, pour le moins théâtrale,

dans la mesure où le Premier ministre et le leader de l’opposition se lèvent tour à tour et

s’expriment directement face à leur interlocuteur, reste un moyen privilégié pour l’opposition

parlementaire d’interpeller la majorité gouvernementale à travers son leader. Cette procédure

n’est pas précisée au règlement de la Chambre des Communes, elle est simplement fixée par

convention, de même que la possibilité pour le leader du second groupe d’opposition de

prendre part, dans une moindre mesure au Question Time. Le député Ian Gilmour constate que

309 « Twenty days shall be allotted in each session for proceedings on opposition business, seventeen of which shall be at the disposal of the Leader of the Opposition and three of which shall be at the disposal of the leader of the second largest opposition party; and matters selected on those days shall have precedence over government business », article 14 alinéa 2 du règlement de la Chambre des Communes. 310 « When a question ‘That the question be now put’ has been decided in the affirmative, and the question consequent thereon has been decided, a Member may claim that any further question be put which may be requisite to bring to a decision any question already proposed from the chair, and if the assent of the chair, as aforesaid, be not withheld, any question so claimed shall be put forthwith » Article 36 alinéa 2 du règlement de la Chambre des Communes.

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« le groupe parlementaire d’opposition a pris la place d’une procédure d’opposition »,311 sous-

entendant ainsi que le front bench, Cabinet fantôme de l’opposition parlementaire, a la

priorité pour intervenir à la Chambre, au détriment des interventions des backbenchers, qui

usent plutôt de procédures parlementaires de manière à influer sur les travaux du Parlement de

Westminster.

Par ailleurs, le leader de l’opposition officielle dispose du droit très symbolique mais

d’une certaine importance néanmoins, de répondre directement à la Reine par une Adress à

l’occasion du Queen’s Speech, le discours du trône, lors de la cérémonie d’ouverture du

Parlement, qui marque tous les ans l’ouverture de la session parlementaire.312 En raison des

nombreuses compétences attribuées à l’opposition parlementaire en vue de s’exprimer de

manière constante (et parfois même pressante) envers le gouvernement lors des sessions

parlementaires, le Professeur Barnett considère que « le temps parlementaire est donc autant

un "temps de l’opposition qu’un "temps du gouvernement".313

Dans le cadre de l’adoption des lois, la faculté de déposer des amendements est une

autre forme de participation au travail législatif pour l’opposition parlementaire. Cette

procédure, ouverte à tous les députés à l’Assemblée nationale comme à la Chambre des

Communes, n’est donc pas spécifiquement réservée à l’opposition parlementaire. Néanmoins,

la procédure de dépôt d’amendements dans les systèmes français et britannique est bien

souvent l’apanage de l’opposition, qui en use parfois massivement, pour ne pas dire

abusivement, afin d’entraîner un « blocage » de la procédure législative.314 Au Royaume-Uni,

différentes techniques existent pour remédier au dépôt massif d’amendements, en particulier à

travers la technique de la « guillotine », qui consiste à accorder un temps limité de discussion

sur un article, ou encore de celle du « kangourou », offrant au président de la Chambre des

Communes de « sauter », d’écarter les amendements qu’il estime non pertinent dans la

procédure législative.315

311 Ian GILMOUR, The Body Politic, Hutchinson, Londres, 1969, p. 254. 312 Erskine MAY, Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, 23ème Edition, Butterworths, Londres, 2004, p. 248. 313 Hilaire BARNETT, Constitutional and Administrative Law, 7ème Edition, Londres, 2009, p. 358. 314 François-Charles BOUSQUET, Jean Gicquel (dir.), Le statut de l’opposition sous la Vème République, Thèse de doctorat en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 209. 315 Anthony BRADLEY et Keith EWING, Constitutional and Administrative Law, 14ème Edition, Pearson Longman, Londres, 2007, p. 197.

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En France, le droit d’amendement est garanti par l’article 44 de la Constitution, qui

précise que « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. »

Son usage est également limité, puisque le gouvernement peut s’opposer à l’examen de tout

amendement après l’ouverture du débat, s’il n’a pas été antérieurement soumis à la

commission, ou encore demander le vote du texte en retenant uniquement les amendements

qu’il a proposé et accepté. La réforme du règlement de l’Assemblée nationale de mai 2009

consécutive à la révision constitutionnelle de 2008 permet un encadrement plus important

encore de l’exercice du droit d’amendement. Dorénavant, les amendements doivent être

présentés plus en amont de la discussion sur le texte. Auparavant, des amendements pouvaient

être déposés jusqu’à 17 heures la veille du début de la discussion, alors que l’article 99 du

règlement modifié exige le dépôt des amendements au plus tard le troisième jour ouvrable

précédant la date de début de la discussion, de même pour la présentation d’amendement en

commission (article 86). De plus, la durée de défense des amendements est réduite de cinq à

deux minutes, et les amendements déjà discutés en commission ne doivent plus être débattus

une seconde fois en séance. Ces changements ont pour objectif de limiter le nombre

d’amendements déposés, de l’ordre de 25 000 par an en moyenne alors qu’il était de l’ordre

d’un ou deux milliers par an dans les années 1970. Mais derrière les objectifs affichés d’une

plus grande rationalisation du travail parlementaire, il est permis de voir une limitation

substantielle à un droit largement utilisé jusqu’alors par l’opposition parlementaire.

La fonction législative de l’opposition peut encore se manifester à travers la

nomination à des postes-clefs de commissions parlementaires spécialisées, officialisées au

Royaume-Uni par l’inscription du nom du président dans l’acte constitutif de la Commission.

Quand le Palais Bourbon ne réserve que depuis peu les présidences de la commission des

finances, de la commission spéciale chargée d’apurer les comptes de l’Assemblée nationale et

de certaines commissions d’enquête à l’opposition, le système parlementaire britannique leur

attribue la présidence de près d’un tiers des commissions parlementaires permanentes de la

Chambre des Communes. La nomination des différents membres de chaque commission doit

a priori reposer sur un vote majoritaire de la Chambre, excluant théoriquement les membres

de l’opposition parlementaire du poste de président. Mais de manière coutumière, un certain

nombre de présidences de commissions sont attribuées à l’opposition parlementaire, bien que

ces règles ne soient pas formalisées dans le règlement intérieur de la Chambre des

Communes. Certaines sont de grande importance, comme par exemple la commission

parlementaire de la défense, celle des finances ou encore celle concernant la justice. De plus,

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l’attribution de la présidence de certaines commissions à l’opposition est répartie entre les

députés appartenant au premier groupe d’opposition parlementaire le plus important316 et ceux

appartenant au second plus grand groupe d’opposition, à qui est actuellement confié trois

présidences de commissions parlementaires.317

L’opposition parlementaire, en tant qu’organe, se voit donc attribuer des compétences

propres qui permettent de la distinguer des autres groupes parlementaires qui ne sont pas

reconnus comme tels. L’opposition parlementaire est donc un groupe parlementaire doté de

compétences supplémentaires par rapport à un groupe parlementaire appartenant à une autre

catégorie, soit celle de la majorité, soit celle de la minorité qui n’est pas d’opposition. Cette

certaine « discrimination positive » à son encontre assure donc « à celle-ci plus que ce que la

simple proportionnalité attribue à sa représentation ».318 Mais en réalité, cette « discrimination

positive » se retrouve également pour les groupes parlementaires par rapport aux députés non

rattachés à un groupe, indépendants au sein d’une assemblée parlementaire. En effet, les

groupes, en tant qu’organes de travail, disposent de certaines compétences dans le cadre du

travail législatif, tandis que le député seul, non rattaché à un groupe parlementaire, se voit

quant à lui attribuer des compétences nettement plus limitées pour intervenir dans la

procédure parlementaire.

Dès lors, il semble adapté de parler d’un « double niveau de discrimination », d’une

part entre le député indépendant non rattaché et le député membre d’un groupe parlementaire,

qui dispose à travers son groupe parlementaire de compétences additionnelles, d’autre part

entre le groupe parlementaire et le groupe d’opposition, auquel est attribué un certain nombre

de compétences supplémentaires par rapport aux catégories de groupes parlementaires, le

groupe majoritaire et le(s) « groupe(s) minoritaire(s) ».

Cette différenciation entre le député indépendant sans rattachement, le député membre

d’un groupe parlementaire en général et le député membre d’un groupe parlementaire

d’opposition, et plus encore la « discrimination » établie par le champ de compétences plus ou

316 Select Committee on Statutory Instruments, Environmental Audit Select Committee, Procedure Committee, Business and Enterprise Select Committee, Culture, Media and Sport Select Committee, Defense Select Committee, Environment, Food and Rural Affairs Select Committee. 317 Innovation, Universities, Science and Skills Select Committee, International Development Select Committee, Justice Select Committee. 318 Pierre AVRIL, « La séparation des pouvoirs est-elle un concept opératoire ? », VIIème Congrès français de droit constitutionnel, Congrès de Paris, 25, 26 et 27 septembre 2008.

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moins élargi dans le cadre de la procédure parlementaire, semble poser un certain nombre de

problèmes. En effet, nous pourrions examiner si la reconnaissance des groupes parlementaires

et la « discrimination » qu’ils représentent vis-à-vis d’autres catégories de groupes ou encore

du député indépendant sont bien compatibles avec le respect de certains principes

constitutionnels, notamment celui de liberté du mandat parlementaire (troisième partie).

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TROISIEME PARTIE – LA COMPATIBILITE ENTRE LA

RECONNAISSANCE D’ORGANES D’ASSEMBLEES ET LE PRINCIPE

CONSTITUTIONNEL DE LIBERTE DU MANDAT PARLEMENTAIRE

La compatibilité entre la reconnaissance des différents organes d’assemblées

envisagés dans notre étude, à savoir les groupes parlementaires majoritaire, d’opposition ou

encore « minoritaire », et certains principes constitutionnels, en particulier le principe de

liberté du mandat parlementaire, doit ici être abordée. Il s’agit d’un problème central, « du

point principal de discussion historique et doctrinale concernant l’existence des groupes

parlementaires ».319 La consécration d’organes parlementaires tels que ceux précités, au cœur

des systèmes parlementaires et institutionnels en France comme au Royaume-Uni, pourrait

donc présenter des contradictions avec la règle constitutionnelle d’interdiction du mandat

impératif. Monsieur Rouillon souligne également le problème et remarque que « la

collectivisation du travail législatif n’est pas sans soulever des interrogations doctrinales sur la

compatibilité de l’emprise des groupes sur le vote des parlementaires avec le texte

constitutionnel ».320

Les développements ci-après vont donc être l’occasion de déterminer si le non-respect

du principe de liberté du mandat parlementaire est ou non avérée. Au début des années 1960,

le Professeur Vedel relevait que « dans la pureté du mandat représentatif », il ne pouvait

imaginer qu’une place puisse être aménagée au sein des assemblées pour les groupes

parlementaires, dans la mesure où « chaque parlementaire est le représentant de la nation toute

entière, sa mission [étant] de contribuer à l’expression de la volonté nationale par sa parole ou

par son vote, qui l’un et l’autre ne relèvent que de sa conscience ».321 Le principe du mandat

représentatif, dans sa forme « pure », présupposerait donc que chaque député est totalement

libre et indépendant dans ses choix politiques et à l’occasion de votes. Or l’attribution d’un

certain nombre de compétences aux groupes parlementaires, plus importantes encore dans le

319 Charles VARLET, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires, aujourd’hui, Mémoire de Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005-2006, p. 18. 320 Christophe ROUILLON, Didier Maus (dir.), La discipline de vote dans les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1990-1991, p. 6. 321 Georges VEDEL in : Jean WALINE, « Les groupes parlementaires en France », Revue de droit public, 1961, n°6, p. 1771.

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cas des groupes d’opposition parlementaire, « enserre le député dans un carcan qui restreint sa

liberté d’action et l’incite […] à agir dans le cadre collectivisé du groupe ».322

Dès lors, la question est donc bien de savoir en quoi les groupes parlementaires, qui

concentrent des orientations politiques et des intérêts particuliers, matérialisés juridiquement

en France par la publication obligatoire d’une déclaration politique, caractérisés au Royaume-

Uni par une organisation et une discipline forte, exercent une influence sur leurs membres

respectifs et si les groupes parlementaires, plus encore l’opposition parlementaire, en tant que

tels, ne contreviennent pas au principe constitutionnel de liberté du mandat représentatif et du

vote personnel de l’élu parlementaire. Il va donc s’agir d’examiner l’interdiction du mandat

impératif telle qu’elle est juridiquement prévue dans les systèmes constitutionnels français et

britanniques (chapitre 1), avant d’envisager les atteintes possibles au principe de liberté du

mandat parlementaire, à travers la violation du principe de vote personnel et la restriction

apparente de la liberté de vote par la discipline parlementaire dans les groupes parlementaires

(chapitre 2).

Chapitre 1 – L’interdiction du mandat impératif

L’interdiction du mandat impératif suppose logiquement la consécration du mandat

libre, dont la contrepartie essentielle est « l’obligation constitutionnelle de désigner

démocratiquement les membres du Parlement ou plus exactement d’au moins l’une des

assemblées qui le composent ».323 Les systèmes parlementaires français et britanniques, dont

les Chambres basses respectives sont issues du suffrage universel direct, s’inscrivent

effectivement dans une telle perspective. Mais ces deux systèmes, de par l’activité des

groupes parlementaires, et plus encore celle de l’opposition parlementaire, semblent

néanmoins s’inscrire dans une certaine contradiction avec l’interdiction du mandat impératif.

Pendant longtemps, en particulier sous la IIIème République, « le principe de ces groupes a été

contesté, dans une conception radicale de la représentation ».324 L’acceptation des groupes au

sein des assemblées n’a pas été sans réticence. Dans la stricte observance juridique de

322 Christophe ROUILLON, Didier Maus (dir.), La discipline de vote dans les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1990-1991, p. 6. 323 Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Guy SCOFFONI, Otto PFERSMANN, André ROUX, Droit Constitutionnel, 11e Edition, Dalloz, Paris, 2008, p. 696. 324 François LUCHAIRE, Gérard CORNAC et Xavier PRETOT La Constitution de la République française : Analyses et commentaires, 3ème Edition, Economica, Paris, 2008, p. 1282.

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l’interdiction du mandat impératif, le fait que les députés puissent se diviser en groupements,

en formations diverses réunies autour d’opinions politiques communes, semblait constituer

une violation de l’ordre constitutionnel établi. Dans ce cadre, « l’épouvantail du mandat

impératif » a été agité à de nombreuses reprises comme un argument contre l’intégration

normative des groupes parlementaires, argument déjà employé « en 1910 lors de la

reconnaissance des groupes par le règlement de la chambre des députés ».325

Le caractère prohibé du mandat impératif est clairement formulé en France par

l’article 27 alinéa 1er de la Constitution, qui dispose que « tout mandat impératif est nul ». Au

Royaume-Uni en revanche, l’intégration normative de l’interdiction du mandat impératif,

voire même de toute notion de représentation du peuple par ses représentants élus à la

Chambre des Communes est beaucoup moins évidente. Le Professeur Turpin constate ainsi

que si la Constitution britannique « ne consacre pas de théorie de la représentation, [elle] ne

se prête pas non plus à l'idée qu'un représentant parlementaire est un délégué direct de ses

propres électeurs et est tenu d'agir conformément à leurs instructions ».326 Même si,

contrairement à la France, aucune conception de la représentation ne paraît formellement

consacrée dans l’ensemble constitutionnel britannique, ce dernier n’autorise pas pour autant le

mandat impératif et prohibe l’idée d’un élu parlementaire en tant que « délégué direct » de sa

base électorale.

Au delà du degré différent de reconnaissance normative de la nature de la

représentation au sein de leur système constitutionnel respectif, la France et le Royaume-Uni

se fondent donc tous deux, comme la majorité des systèmes démocratiques, sur la

souveraineté nationale et sur la même conception du mandat politique, celui du mandat

représentatif, général, libre et non révocable, qui s’oppose par essence au mandat impératif.

Les développements suivants vont ainsi être l’occasion d’envisager l’interdiction du mandat

impératif comme partie intégrante d’une norme formellement constitutionnelle (section 1),

avant de pouvoir analyser les exceptions strictement encadrées à l’interdiction de délégation

de vote de l’élu parlementaire (section 2).

325 Pierre AVRIL, « L’improbable "statut de l’opposition" », Les Petites Affiches, n °138, 12 juillet 2006. 326 « Our Constitution does not embody any one theory of representation, but it is not amenable to the notion that a parliamentary representative is a delegate of the electors and bound to act in accordance with their instructions ». Colin TURPIN et Adam TOMKINS, British Government and the Constitution, 6ème Edition, Londres, 2006, p. 527.

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Section 1 – Une norme formellement constitutionnelle

Puisque les assemblées parlementaires, en France comme au Royaume-Uni, sont des

organes « bénéficiant de certaines compétences que le peuple en tant qu’ensemble de citoyens

ne peut pas exercer dans son ensemble de façon continue »327, les citoyens se font donc

représenter à travers leurs votes par des parlementaires ainsi élus. La question du mandat

« correspond donc avant tout à une question de la nature de la représentation »,328 dont

l’organisation relève en France du principe constitutionnel de souveraineté nationale, affirmé

pour la première fois dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,329 puis

plus récemment dans l’article 3 de la Constitution de 1958 : « La souveraineté nationale

appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Dans ce

cadre, chaque assemblée est donc « un organe qui agit en lieu et place des électeurs qui en

désignent les membres sans en recevoir la moindre instruction. C’est la signification juridique

originelle de la représentation politique »330 Le mandat, en droit constitutionnel, est d’abord

« la mission que les citoyens (mandants) confient à certains d’entre eux (mandataires)

d’exercer le pouvoir en leur nom et pour leur compte. En régime démocratique, le mandat

politique procède de l’élection ».331

La traduction de la représentation politique au plan constitutionnel en est l’interdiction

du mandat impératif, consacré à l’article 27 de la Constitution française, et de manière plus

générale, la liberté du mandat. Dans ce cadre, le mandat impératif, constitutionnellement

prohibé, correspond à la conception « selon laquelle les élus, tenant leur mandat des électeurs

de leur circonscription (souveraineté populaire), doivent se conformer à leurs directives et

peuvent être révoqués par eux ».332 A l’échelle des groupes parlementaires, le mandat

impératif « consiste en la remise par un élu entre les mains d’un autre élu ou d’un groupe

d’une lettre de démission en blanc, non datée. Le vote systématique d’un élu dans le même

327 Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Guy SCOFFONI, Otto PFERSMANN, André ROUX, Droit Constitutionnel, 11e Edition, Dalloz, Paris, 2008, p. 695. 328 Colin TURPIN et Adam TOMKINS, British Government and the Constitution, 6ème Edition, 2006, p. 526. 329 « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément », Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 26 août 1789. 330 Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Guy SCOFFONI, Otto PFERSMANN, André ROUX, Droit Constitutionnel, 11e Edition, Dalloz, Paris, 2008, p. 696. 331 Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 16e Edition, Paris, 2007. 332 Ibid.

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sens que les autres membres d’un parti ne saurait lui être assimilé ».333 Cette conception

s’oppose ainsi à la théorie de la souveraineté nationale, qui retient le principe de mandat

représentatif, dont la conception veut que « les élus, tenant leur mandat de la Nation elle-

même, l’exercent en toute indépendance à l’égard de leurs électeurs, dont ils n’ont pas à

recevoir d’ordres ou d’instructions et qui ne peuvent les révoquer. »334

C’est effectivement cette dernière conception de mandat représentatif qui est présente

dans les systèmes constitutionnels français et britanniques. Mais ce qui intéresse plus

précisément notre étude s’inscrit non pas dans la procédure d’élection du député par le peuple,

mais dans le cadre des relations entre le député « mandaté » et le groupe parlementaire

comme possible « mandataire ». Ainsi, au sein du Parlement, les élus doivent décider de

manière autonome et « être libre dans l’expression de leur vote, afin de pouvoir se rallier,

après la discussion, à la détermination qui leur paraîtra la plus raisonnable ».335 C’est donc la

volonté de la nation tout entière qui se doit d’être exprimée à travers l’ensemble des élus

parlementaires, dans le cadre d’une délibération publique et contradictoire.

Le député Edmund Burke, à l’occasion d’un discours aux électeurs de Bristol en 1774,

va établir de manière rigoureuse la détermination du principe du mandat représentatif et de

son opposition inhérente au mandat impératif : « pour ce qui est des instructions impératives,

des mandats auxquels un représentant doit obéir aveuglément et expressément, qu’il doit voter

et approuver même s’ils sont contraires à ses convictions les plus intimes et à sa conscience -

ce sont-là des choses complètement étrangères aux lois de cette terre et qui naissent d’une

erreur fondamentale, liée à une interprétation erronée de la lettre et de l’esprit de notre

Constitution ».336 Le mandat impératif est ici clairement écarté par le député Burke, qui

permet de confirmer, s’il en était encore besoin, que le système parlementaire et

constitutionnel britannique reconnaît et admet uniquement le mandat représentatif comme 333 Débats du Comité consultatif constitutionnel, p. 98, La Documentation Française, 1960, in : « La discipline de vote dans les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale sous la Vème République », Christophe ROUILLON, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, p. 19. 334 Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Guy SCOFFONI, Otto PFERSMANN, André ROUX, Droit Constitutionnel, 11e Edition, Dalloz, Paris, 2008, p. 696. 335 Maurice HAURIOU, Droit Constitutionnel, cité par Charles VARLET in : Les groupes parlementaires, aujourd’hui, Mémoire de Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005-2006, p. 19. 336 « But authoritative instructions ; mandates issued, which the member is bound blindly and implicitly to obey, to vote, and to argue for, though contrary to the clearest conviction of his judgment and conscience, these are things utterly unknown to the laws of this land, and which arise from a fundamental mistake of the whole order and tenor of our constitution » Edmund Burke, Discours aux électeurs de Bristol, novembre 1774, cité par Colin TURPIN et Adam TOMKINS in : « British Government and the Constitution », 6ème Edition, Londres, 2006, p. 527.

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mandat politique dans le cadre de son système électoral. Avec les successifs Representation of

the People Act, depuis la première loi en 1832 jusqu’à la dernière datant de l’année 2000, le

système britannique a considérablement modifié sa base électorale, passant progressivement

d’un suffrage censitaire à un suffrage universel.337 Contrairement à ce que leur intitulé

pourrait laisser penser, les lois Representation of the people ne permettent pas de préciser ce

qu’est la « représentation », voire même de définir le mandat représentatif. L’ensemble de ces

lois ne consiste donc principalement qu’à déterminer la répartition des circonscriptions

électorales sur l’ensemble du pays et préciser les conditions requises pour pouvoir faire partie

de l’électorat.

Jean-Jacques Rousseau, défenseur de la souveraineté populaire, critique vivement la

conception du mandat représentatif soutenue par Burke, présente en particulier dans le

système constitutionnel britannique : « Le peuple d’Angleterre pense être libre ; il se trompe

fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du Parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est

esclave, il n’est rien ».338 Toujours au XVIIIème siècle, le parlementaire Mirabeau objecte que

« si nous sommes liés par nos instructions, nous n’avons qu’à déposer nos cahiers sur nos

banquettes et à nous en retourner chez nous »,339 affirmant au contraire la nécessité selon lui

du mandat libre représentatif au sein du système parlementaire.

Dans la conception du mandat représentatif, la volonté des électeurs des

circonscriptions respectives des élus parlementaires ne peut en aucun cas être uniquement

prise en compte et se substituer à la volonté démocratique de la nation toute entière.340 En

France, dès la fin du XVIIIème siècle, la conception de mandat représentatif et de prohibition

de toute forme de mandat impératif était précisément définie, comme l’atteste la célèbre

intervention de Condorcet à la Convention : « Mandataire du peuple, je ferais ce que je

croirais le plus conforme à ses intérêts. Il m’a envoyé pour exposer mes idées, non les

siennes ; l’indépendance absolue de mes opinions est le premier de mes devoirs envers

lui ».341 En conséquence, la démission en blanc remise à leur parti par certains candidats lors

des élections, de manière à ce que ces derniers puissent l’envoyer au président de l’Assemblée 337 Anthony BRADLEY et Keith EWING, Constitutional and Administrative Law, 14ème Edition, Pearson Longman, Londres, 2007, p. 154 et s. 338 Francis HAMON et Michel TROPER, Droit constitutionnel, 26ème Edition, LGDJ, Paris, 1999, p. 168. 339 Comte de MIRABEAU, cité par Christophe ROUILLON in : « La discipline de vote dans les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale sous la Vème République », Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1990-1991, p. 18. 340 Michel DE VILLIERS et Thierry RENOUX, Code constitutionnel, 3ème Edition, Litec, Paris, 2004, p. 396. 341Ibid., p. 396.

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nationale s’ils estiment que les engagements de l’élu n’ont pas été respecté, n’a donc aucune

valeur d’un strict point de vue juridique.342

Les membres de l’Assemblée nationale se doivent donc de défendre toujours l’intérêt

général de l’ensemble de la Nation et il leur est expressément interdit, en vertu de l’article 79

du règlement de l’Assemblée nationale « d’adhérer à une association ou à un groupement de

défense d’intérêts particuliers, locaux ou professionnels ou de souscrire à l’égard de ceux-ci

des engagements concernant sa propre activité parlementaire, lorsque cette adhésion ou ces

engagements impliquent l’acceptation d’un mandat impératif ». Le règlement, par cette

énumération, vise à traduire l’interdiction constitutionnelle du mandat impératif, en prohibant

à travers ses dispositions toute coopération ou engagement de l’élu parlementaire qui

consisterait en l’acceptation implicite d’un mandat impératif. Pour le Royaume-Uni, la

conception du mandat représentatif semble quelque peu éloignée de « la conception française

classique du mythe d’un député indépendant de toute influence partisane ou de la défense des

intérêts particuliers de sa circonscription ».343 Au contraire, dans la mesure où les groupes

parlementaires sont établis de manière pluriséculaire dans le système parlementaire

britannique, l’acception du mandat représentatif est sensiblement différente et prend beaucoup

plus en compte la division de l’assemblée en différents groupes parlementaires.

Si le groupe parlementaire est envisagé comme une réunion de députés qui se

réunissent autour d’un ensemble de valeurs politiques et défense d’intérêts particuliers, leur

existence-même peut être jugée contraire à l’interdiction du mandat impératif. Mais le Conseil

constitutionnel ne considère pas que « leur apparition conduise à une dépersonnalisation du

mandat » qui puisse contrevenir à l’article 27 de la Constitution de 1958.344 L’interdiction à

l’article 23 du règlement de l’Assemblée nationale de constituer des groupes de défense

d’intérêts particuliers qui supposent l’acceptation d’un mandat impératif ne vise donc pas la

constitution de groupes parlementaires, qui ne peuvent être réduits à un groupe d’intérêts

particuliers, dans la mesure où généralement, leurs orientations politiques s’inscrivent dans un

« projet de société » plus général.

342 Francis HAMON et Michel TROPER, Droit constitutionnel, 26ème Edition, LGDJ, Paris, 1999, p. 166. 343 Christophe ROUILLON, Didier Maus (dir.), La discipline de vote dans les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1990-1991, p. 9. 344 Christophe ROUILLON, Didier Maus (dir.), La discipline de vote dans les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1990-1991, p. 6.

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Section 2 – L’interdiction générale de la délégation de vote

L’interdiction générale de la délégation de vote des parlementaires, intégrée à la

Constitution de 1958, résulte en réalité de la réaction à une pratique du parlementarisme

français qui subsistait depuis l’instauration du scrutin public en 1848 avec des bulletins

nominatifs et consistait à « faire voter les absents ».345

Ainsi, le système français ne prévoit pas en règle générale de délégation de vote du

parlementaire, de manière à protéger la liberté du mandat de l’élu parlementaire. Néanmoins,

l’article 27 alinéa 3 de la Constitution française prévoit un certain nombre d’exceptions à

l’interdiction générale de délégation de vote, en précisant que « la loi organique peut autoriser

exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus

d'un mandat. » La délégation de vote fait donc bien figure d’exception, et dans les rares cas où

elle est rendue possible, cette délégation est uniquement limitée à un mandat par

parlementaire. Dès 1958, une ordonnance346, complétée par une loi organique du 3 janvier

1962,347 a donc permis de détailler les cas d’exception où la délégation de vote du

parlementaire est autorisée. Lors de l’examen de l’ordonnance de 1962, le Conseil

constitutionnel a cependant jugé que l’exception concernant « les obligations découlant de

l’exercice du mandat parlementaire ou d’un mandat dans les conseils élus des collectivités

territoriales de la République » n’était pas recevable. Cette disposition a été déclarée non

conforme, car les termes dans lesquels elle était rédigée et l’absence de contrôle des bureaux

des Assemblées « enlèverait à la délégation de vote le caractère, qu’a voulu lui conférer la

Constitution, de dérogation exceptionnelle au principe de vote personnel ».348 Le Conseil

constitutionnel tient en effet à garantir le strict encadrement de la délégation de vote de l’élu

parlementaire, qui doit rester une procédure « exceptionnelle », comme le prévoit la

Constitution à l’article 27 alinéa 2.

345 Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Droit parlementaire, 3ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 139. 346 Ordonnance 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote. Les exceptions sont celles de « Maladie, accident ou événement familial grave empêchant le parlementaire de se déplacer ; Mission temporaire confiée par le gouvernement ; Service militaire accompli en temps de paix ou en temps de guerre ; participation aux travaux des assemblées internationales en vertu d’une désignation faite par l’Assemblée nationale ou le Sénat : En cas de session extraordinaire, absence de la métropole ». 347 Loi organique no 62-1 du 3 janvier 1962 modifiant l'ordonnance no 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, JORF du 4 janvier 1962, p. 34. Une 6ème exception est évoquée : « Cas de force majeure apprécié par décision des assemblées ». 348 Conseil constitutionnel, décision n° 61-16 DC du 22 décembre 1961, cinquième considérant, JORF du 3 janvier 1962, p. 26.

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L’article 62 du règlement de l’Assemblée nationale reprend les dispositions de la loi

organique en précisant que si le vote des députés est personnel, « leur droit de vote dans les

scrutins publics peut être délégué par eux dans les conditions fixées par l’ordonnance du 7

novembre 1958 ». Ce même article 64 du règlement reprend les dispositions de l’article 2 de

l’ordonnance précitée, de manière à préciser certaines conditions de mise en œuvre de la

délégation par l’élu parlementaire. En vertu de l’article 64 alinéa 3 du règlement de

l’Assemblée nationale, « la délégation de vote est toujours personnelle, rédigée au nom d’un

seul député nommément désigné. Elle peut être transférée avec l’accord préalable du

déléguant à un autre délégué également désigné ». Cette délégation de vote doit donc être

réalisée sous forme écrite assorties de ces différentes précisions, et est obligatoirement

notifiée au Président de l’Assemblée nationale avant l’ouverture du scrutin ou des premiers

scrutins pour lequel elle s’applique. Cette disposition permet que le Président de l’Assemblée

nationale soit prévenu à temps et qu’il puisse faire organiser matériellement la délégation de

vote, par un « couplage » des boîtiers électroniques de vote. Enfin, la durée de la délégation

est limitée de droit à huit jours francs à compter de sa réception si elle n’est pas spécifiée dans

la délégation de vote.349 Ainsi, la délégation réalisée n’emporte pas de valeur pour l’avenir, ce

qui en souligne son caractère ponctuel en tant qu’exception à la règle générale de

l’interdiction de la délégation de vote.

Au Royaume-Uni, le système de délégation de vote n’est même pas prévu de manière

exceptionnelle à la Chambre des Communes. Plus qu’une véritable interdiction de la

délégation du vote, c’est le système de procédure de vote à la Chambre des Communes qui ne

permet en aucune manière de pouvoir l’envisager. En effet, lors de l’adoption d’un texte

législatif, les députés sont invités à passer dans le couloir des « Aye » ou des « No » pour

exprimer leur choix d’accepter ou de refuser le texte soumis au vote. Les députés qui

souhaitent participer au vote se doivent donc d’être présents personnellement et physiquement

à la Chambre (cf. infra). Dans un cas exceptionnel, un premier ministre assisté du chef whip a

même été jusqu’à ordonner l’arrêt d’un paquebot afin qu’un député à son bord puisse prendre

un autre bateau et rejoindre Londres au plus vite. Le député fut de retour à temps pour voter

au Parlement en faveur de son groupe parlementaire.350 Ce dernier exemple, certes extrême,

est bien l’illustration qu’au Royaume-Uni, il n’existe pas de système organisé de délégation

de vote et que le député se doit d’être présent physiquement. Seul le système de « pairing »

349 Chapitre XIII « Modes de votation », article 62 du règlement de l’Assemblée nationale. 350 Robert JACKSON, Rebels and Whips, Macmillan, Londres, 1968, p. 37.

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déjà évoqué, qui consiste pour un député à ne pas se rendre au vote s’il a trouvé un député de

l’opposition qui s’engage à ne pas non pus prendre part au vote, consiste en une alternative à

la délégation de vote prévue de manière exceptionnelle à l’Assemblée nationale.

Le mandat impératif est effectivement interdit dans les deux systèmes constitutionnels

soumis à l’étude, même si ses fondements sont plus clairs en France avec sa consécration dans

l’article 27 de la Constitution. Cette interdiction constitutionnelle sous-entend également la

prohibition de la délégation de vote, qui ne semble même pas envisagé par le système

britannique et est soumis à certaines exceptions permettant son emploi de manière très

encadrée en France. Après avoir envisagé de quelle façon la liberté du mandat impératif est

normativement défendue par l’interdiction constitutionnelle du mandat impératif, il s’agit, dès

lors, d’examiner si des atteintes peuvent être portées à ce principe constitutionnel (chapitre 2).

Chapitre 2 – Les atteintes au principe de liberté du mandat parlementaire

Le principe de liberté du mandat parlementaire se déduit a contrario de l’interdiction

du mandat impératif consacrée par les systèmes français et britanniques. Les développements

suivants vont être l’occasion d’examiner si des violations du principe de liberté du mandat

parlementaire peuvent être relevées, notamment du fait de l’exercice des compétences des

sujets principaux de notre étude, les groupes parlementaires d’opposition. Ainsi, après avoir

analysé la violation probable du vote personnel (section 1), il nous sera permis d’envisager

l’apparente restriction de la liberté de vote par la discipline parlementaire (section 2).

Section 1 – La violation du principe du vote personnel

En France, le principe constitutionnel du vote personnel est affirmé à l’alinéa 2 de

l’article 27 de la Constitution française : « Le droit de vote des membres du Parlement est

personnel. ». La Constitution de 1958 a donc élevé au rang de principe constitutionnel le vote

personnel pour faire cesser la pratique des « boîtiers », développées en particulier sous la

IIIème République, qui consistaient pour les députés à voter à la place de leurs collègues

absents grâce à leur boîte à bulletins et instaurait une manipulation généralisée des scrutins.351

Le principe du scrutin personnel et la restriction substantielle des possibilités de délégation du

351 Ibid. p. 139.

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vote du parlementaire est donc un instrument capital pour lutter contre l’absentéisme dans les

assemblées. Son intégration constitutionnelle « se présente en 1958 comme un élément

fondamental, sinon la pièce maîtresse, du rehaussement du prestige du Parlement ».352

Mais cette intégration constitutionnelle du vote personnel ne suffit pas, puisque la

pratique parlementaire va, avec la mise en place du système de vote électronique, changer la

forme de la procédure de vote, perpétuant ainsi une convention parlementaire contra legem et

opérant un détournement de l’article 27 C. En effet, après l’utilisation depuis la IIIème

République des boîtes à bulletins que leur laissaient leurs collègues, les députés vont, à partir

de la IVème République, conserver les clefs des boîtiers de vote électronique de leurs confrères

absents, afin de voter à leur place. Cette pratique parlementaire constitue alors une violation

continuelle du principe de vote personnel garanti à l’article 27 de la Constitution, provoquant

des réactions contrastées de la part des élus parlementaires. Certains déplorent la

transformation du Palais Bourbon en une « assemblée de serruriers »,353 d’autres estimant que

le constituant « a commis une erreur de très bonne intention en inscrivant dans la Constitution

que le vote des députés est personnel, [car même dans l’hypothèse d’avoir] des hommes

parfaits », le respect du vote personnel ne pourrait être imposé.354 Les Professeurs Camby et

Servent soulignent pour leur part que « le résultat était assez étrange [puisque] les députés se

déplaçaient dans les travées en tournant les clefs des membres de leur groupe », provoquant

régulièrement des incidents de séance.355

Dans une décision de 1987, le Conseil constitutionnel semble opérer un transfert de la

question d’interprétation de l’article 27 de la Constitution du « terrain de la conformité à celui

de la sincérité du scrutin ».356 Le juge de la rue Montpensier estime en effet que la procédure

d’adoption du texte en question n’est pas entachée de nullité « s’il est établi, d’une part, qu’un

ou des députés ont été portés comme ayant émis un vote contraire à leur opinion et, d’autre

part, que, sans la prise en compte de ce ou ces votes, la majorité requise n’aurait pu être

352 Julie BENETTI, Jean Gicquel (dir.), Droit parlementaire et fait majoritaire à l’Assemblée nationale sous la Vème République, Thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 198. 353 Monsieur Claudius-Petit s’exclame en effet le 30 juin 1977 : « c’est une assemblée de serruriers ! », cité in : Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Droit parlementaire, 3ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 139. 354 Jacques CHABAN-DELMAS, propos rapportés par Julie BENETTI, Jean Gicquel (dir.), Droit parlementaire et fait majoritaire à l’Assemblée nationale sous la Vème République, Thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 198, note 692. 355 Pierre SERVENT Pierre et Jean-Pierre CAMBY, Le travail parlementaire sous la cinquième République, 4ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 106. 356 Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Droit parlementaire, 3ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 140.

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atteinte ».357 Le juge constitutionnel livre une interprétation beaucoup plus ouverte de l’article

27 de la Constitution qu’auparavant et exclut ainsi de sanctionner la pratique parlementaire

établie. Le Conseil constitutionnel se réserve la compétence de déterminer si la volonté du

parlementaire a été faussé, ce qui peut être interprété comme un certain refus de s’en tenir à

une interprétation à la lumière de l’article 27 de la Constitution, étrangement relégué au

second plan. A travers cette décision, il est admis que les absents puissent voter de manière

régulière et récurrente, détournant ainsi l’esprit et la lettre de la Constitution et favorisant

d’autant plus la discipline de groupe.

Le contraste avec le Royaume-Uni est donc particulièrement important en ce domaine,

puisqu’au contraire, les députés sont amenés à participer le plus souvent possible aux votes.

Ainsi, alors que les projets à adopter se révèlent souvent particulièrement techniques, le rôle

des whips est de convaincre leurs députés à voter dans le sens des directives de leur groupe

parlementaire. Ainsi, même dans le cas d’un projet de loi très complexe, l’objectif du whip est

de faire en sorte que le plus possible de ses députés passent par le couloir des « Aye » ou des

« No », selon qu’ils souhaitent se prononcer pour ou contre le texte soumis au vote, de

manière à ce que leur voix soit comptabilisée conformément aux consignes du groupe. Le

système de vote oblige le député à se déplacer physiquement à la Chambre des Communes et

passer dans le couloir de son choix s’il veut voter. Les députés se réunissent au préalable dans

les Lobbies, les couloirs d’entrée à la Chambre, puis se dirigent dans le couloir des « Aye » ou

des « No », en fonction de leur choix. La participation est souvent importante, voire massive

en comparaison avec l’Assemblée nationale, la majorité simple suffit pour adopter une loi et

par ailleurs, la délégation de vote n’est tout simplement pas permise. Le cas échéant, le

Speaker, qui habituellement ne participe pas au vote, prend position sur le texte pour trancher

en cas d’égalité des voix. Si le règlement intérieur de la Chambre aborde en détail la

procédure de vote et d’élection du Speaker à bulletin secret,358 en aucun cas l’organisation de

la procédure de vote à la Chambre des Communes n’est prévue par le texte. Les règles

relatives au vote des députés pour l’adoption des lois ne semblent donc encore une fois n’être

établies qu’à partir de conventions parlementaires.

357 Conseil constitutionnel, décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987, cinquième considérant, JORF du 25 janvier 1987, p. 925. 358 Article 1A du règlement de la Chambre des Communes.

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Lors de l’ouverture de la session extraordinaire de septembre 1993, le président de

l’Assemblée nationale déclare aux députés de l’Assemblée nationale que « la présente session

sera marquée par une innovation qui touche directement à notre activité législative, […] la

mise en œuvre systématique du vote personnel ».359 Cette décision marque, plutôt qu’une

« innovation », une véritable restauration du respect de la lettre de la Constitution, du principe

de mandat personnel et de l’interdiction générale de délégation de pouvoirs énoncés à l’article

27 C. Le dispositif du vote électronique fut conséquemment modifié, permettant ainsi une

application plus fidèle de l’article 27 de la Constitution. La durée d’un scrutin public fut

limitée à quelques secondes et le système des clefs fut supprimé, de façon à ce que chaque

député ne puisse plus voter qu’en son nom.360 Depuis 1993, le groupe parlementaire

majoritaire, s’il veut obtenir la garantie de l’adoption d’un texte, doit donc s’assurer que le

nombre de députés présents dans l’hémicycle est toujours suffisant. Même si cette réforme a

pu être au départ l’objet de vives critiques, elle a su opérer une véritable transition en

rétablissant la correspondance de la pratique parlementaire à la lettre des textes.361 Malgré

tout, ce renouveau du principe du vote personnel depuis plus d’une quinzaine d’années ne

semble pas apporter l’autonomie escomptée de l’élu parlementaire vis-à-vis de son groupe,

particulièrement en raison de la forte discipline de vote imprimer par les groupes.

Ainsi, la discipline parlementaire semble avoir « emporté pour l’essentiel le principe

de la liberté du vote »362 La situation paraît encore plus contrastée au Royaume-Uni, où la

discipline parlementaire est encore plus importante qu’au sein de l’Assemblée nationale. Le

principal groupe d’opposition parlementaire présente souvent un « vote unitaire » pour tenter

de marquer son opposition face au groupe parlementaire soutien du gouvernement, qui de son

côté, se doit de conserver une cohésion et une discipline forte au moment du vote, de manière

à assurer l’adoption des projets du gouvernement, et restreignant peut être par là-même le

principe de liberté du vote (section 2).

359 Philippe SEGUIN, allocation d’ouverture de la session extraordinaire, 28 septembre 1993, JORF, Débats Assemblée nationale, p. 3312, cité in : Julie BENETTI, Jean Gicquel (dir.), Droit parlementaire et fait majoritaire à l’Assemblée nationale sous la Vème République, Thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 199, note 693. 360 Michel DE VILLIERS et Thierry RENOUX, Code constitutionnel, 3ème Edition, Litec, Paris, 2004, p. 397. 361 Pierre SERVENT Pierre et Jean-Pierre CAMBY, Le travail parlementaire sous la cinquième République, 4ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 106. 362 Julie BENETTI, Jean Gicquel (dir.), Droit parlementaire et fait majoritaire à l’Assemblée nationale sous la Vème République, Thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 203.

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Section 2 – La restriction apparente de la liberté de vote par la discipline

parlementaire

La discipline parlementaire se manifeste en particulier à travers des consignes plus ou

moins fréquentes et précises dans les différents groupes parlementaires. Avant de pouvoir

analyser en détail la compatibilité de la discipline de vote avec l’interdiction constitutionnelle

du mandat impératif, il convient de revenir succinctement sur la définition de certaines

notions. La discipline de vote est généralement entendue simplement comme « une attitude

commune imposée aux membres d’un groupe parlementaire, lors d’un vote ».363 Par ailleurs,

un groupe cohérent est quant à lui « un groupe qui, sauf pour des questions mineures et des

questions d’une importance exceptionnelle, adopte une attitude uniforme, la minorité se pliant

à la majorité du groupe en votant comme celle-ci ou s’abstenant ».364

Dans le cadre du système parlementaire, aborder la discipline des groupes revient au

départ à étudier les comportements de vote des élus de manière empirique et semble dans un

premier temps concerner la science politique et non l’analyse juridique à proprement parler.

En effet, examiner l’évolution de l’emprise plus ou moins importante des groupes

parlementaires sur leurs membres et distinguer différents degrés de discipline parlementaire

relève plus particulièrement d’une étude de science politique. Mais dès lors que cette pratique

parlementaire est envisagée comme ici à travers la question de sa possible violation du

principe constitutionnel de liberté du mandat représentatif, son analyse juridique devient

pertinente.

Au Royaume-Uni, la discipline de parti est, depuis le siècle dernier,365 très présente au

sein du Parlement, en raison d’un « système de partis » très développé et polarisé le plus

souvent autour de deux à trois groupes parlementaires importants, favorisant ainsi la

discipline de vote des membres respectifs de ces groupes. Au sein de la Chambre des

Communes, les groupes parlementaires exigent donc généralement une strict discipline de ses

membres, principalement à travers le système des whips. Cette organisation et la fonction des

whip en ce domaine « font qu’à la fois le gouvernement et l’opposition sont tous les deux

363 Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 16e Edition, Paris, 2007. 364 Jean WALINE, « Les groupes parlementaires en France », Revue de Droit Public, n°6, 1961, p. 1223. 365 Diana WOODHOUSE, Ministers and Parliament : accountability in theory and practice, Oxford University Press, 1994, p. 17.

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forts et (relativement) prévisibles ».366 Lorsqu’un whip envoie un three line whip, instruction

envoyée et soulignée trois fois, il est généralement attendu que « ses » députés vont suivre les

orientations de son leader, relayées par l’équipe des whip. Enfin, en cas de protestation trop

importante, il est possible de « rompre le groupe d’insurgés par la proposition d’un poste au

gouvernement à un ou plusieurs d’entre eux connus pour être moins inflexibles que les

autres ».367

En France, dès la IVème République, un « resserrement de la discipline » s’opère dans

l’organisation intérieure des groupes, avec l’intégration normative des groupes parlementaires

dans trois différents articles de la Constitution. Mais la pratique parlementaire attestera

néanmoins jusqu’en 1958 d’une certaine « instabilité chronique » du Parlement et des groupes

parlementaires qui le composent.368 Sous la Vème République, la discipline parlementaire au

sein des groupes est souvent importante, cette « sévérité de la discipline tiendrait à l’attitude

des députés eux-mêmes, faute d’avoir su trouver une voie moyenne entre le soutien

inconditionnel et la rébellion ».369 Mais l’attitude des députés n’explique pas tout. C’est

d’abord la configuration juridique du système parlementaire qui permet de laisser place ou

non à de telles logiques de discipline des groupes parlementaires. C’est en effet d’abord la

forme, l’organisation des assemblées parlementaires qui permettent la mise en place ou non

d’instruments de discipline en son sein.

Avant d’aborder la question de la discipline à l’Assemblée nationale, il s’agit de

s’intéresser ici brièvement à la discipline qui précède l’élection des parlementaires, au sein

des partis politiques mais qui « engage » pour le futur groupe parlementaire . Il arrive en effet

que parfois, tous les candidats investis par un parti politique doivent signer un engagement

selon lequel ils déclarent à l’avance tous s’inscrire dans le même groupe parlementaire. Cela a

été le cas lors de la dernière élection législative pour les candidats de l’Union pour la Majorité

Présidentielle, qui en outre, se sont engagés à soutenir la politique conduite par le président de

la République. Ce processus de 2007, engageant les candidats UMP à la députation à se réunir

par la suite au sein d’un même groupe parlementaire, n’est en réalité que la répétition de ce

366 Justin FISHER, British political parties, Pearson Education, Londres, 1996, p. 24. 367 Harold LASKI, Reflexions on the Constitution, Manchester University Press, Manchester, 1962, p. 87. 368 Christophe ROUILLON, Didier Maus (dir.), La discipline de vote dans les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1990-1991, p. 12. 369 Julie BENETTI, Jean Gicquel (dir.), Droit parlementaire et fait majoritaire à l’Assemblée nationale sous la Vème République, Thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005, p. 25.

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qui avait déjà été fait notamment lors des deux septennats du président Mitterrand.370 Un

engagement tel que celui-ci peut, dans un premier temps, sembler contradictoire avec la règle

d’interdiction du mandat impératif. Mais cet engagement moral, même formalisé par écrit,

n’emporte pas de conséquence juridique. Rien n’empêche en effet le candidat élu de se

désengager de ses promesses et de décider librement de devenir membre ou non d’un groupe

parlementaire.

De même au Royaume-Uni, même si les candidats ne semblent pas devoir signer un

engagement écrit, il se trouvent contraints le plus souvent à se rallier à un parti puis à un

groupe parlementaire, s’ils veulent avoir des chances d’être élus. Il est en effet très rare de se

faire élire député en tant qu’indépendant et de conserver ensuite cette position au sein de la

Chambre. Plus qu’un éventuel engagement formel avec le parti qui l’a investi comme cela

arrive parfois en France, le candidat britannique à la députation est surtout tributaire du mode

de scrutin majoritaire à un tour ou First past the post system, qui encourage le « vote utile »

du côté des électeurs et qui incite fortement, du côté des candidats, à se rallier à un des

principaux partis de façon à conserver des chances d’élection.

Au sein de la Chambre des Communes comme à l’Assemblée nationale, la règle

d’interdiction du mandat impératif est celle qui est « mise le plus à l’épreuve par la pratique

politique, car les partis politiques ont tendance à imposer des disciplines de vote ».371 En

effet, la discipline de vote est souvent présente sous différentes formes dans la pratique

parlementaire au sein de chaque groupe. Ce qui a parfois « fait dire que leur existence-même

était en contradiction avec l’interdiction du mandat impératif ».372 Mais selon le Professeur

Avril, cet argument est juridiquement incorrect, car « l’appartenance à un groupe repose sur

un engagement politique libre et dépourvu de toute sanction juridique à l’encontre du député

qui ne le respecterait pas ».373 Si la sanction juridique n’est certes pas possible puisque la

discipline de vote des groupes parlementaires n’est consacrée par aucune norme juridique, ni

à l’Assemblée nationale, ni même à la Chambre des Communes, la sanction politique est, elle,

bien réelle. La discipline de vote est ainsi généralement « la règle pour les groupes socialiste

370 Virginie MATHOT, Jean-Pierre Camby (dir.), Les groupes parlementaires sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001-2002, p. 4 371 Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Guy SCOFFONI, Otto PFERSMANN, André ROUX, Droit Constitutionnel, 11e Edition, Dalloz, Paris, 2008, p. 696. 372 François LUCHAIRE, Gérard CORNAC et Xavier PRETOT La Constitution de la République française : Analyses et commentaires, 3ème Edition, Economica, Paris, 2008, p. 1282. 373 Pierre AVRIL, « L’improbable "statut de l’opposition" », Les Petites Affiches, n °138, 12 juillet 2006.

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et communiste [tandis qu’elle] ne s’applique que dans certains cas, sur décision du bureau

confirmée par le groupe à l’UMP ».374 Par ailleurs, certains groupes sont dotés de règlements

intérieurs ou de statuts écrits qui, même s’ils n’emportent aucune valeur juridique, assurent

néanmoins une cohésion générale, précisent des règles de discipline et encadrent également le

droit d’initiative de ses membres.375

Actuellement, le groupe parlementaire de l’Union pour un Mouvement Populaire à

l’Assemblée nationale est par exemple doté de tels statuts, qui précisent les règles relatives à

la discipline interne du groupe. L’article 3 des statuts dispose qu’au sein du groupe, « la

liberté d’expression et de vote est garantie à chaque député ». Ainsi, au vu de cette seule

disposition, la discipline de vote semble absente du groupe parlementaire UMP. Mais l’article

5 des statuts encadre plus précisément la liberté de vote et d’expression de ses membres, qui

n’est « absolue » que pour « les questions ayant trait à des sujets de conscience ou

d’éthique ». A contrario, les questions ne relevant pas de ce domaine peuvent donc être

soumises à certaines consignes de vote de la part du groupe. L’article 5 précise également que

les membres se doivent de manifester leur solidarité avec les décisions de la majorité du

groupe, en particulier à travers leurs votes à l’Assemblée.376 Même si aucune mention directe

n’est faite à une véritable discipline de vote, il est permis de déceler la forte incitation, pour

ne pas parler d’une certaine obligation politique, à suivre la ligne de conduite décidée par

l’ensemble du groupe. Le groupe parlementaire UMP fait néanmoins directement mention

d’une discipline de vote décidée par le groupe à la majorité absolue, qui peut être instaurée

uniquement pour les scrutins de motion de censure et de confiance.377 Dans le cadre des votes

de confiance ou de censure, qui restent néanmoins exceptionnels, si un député ne se conforme

pas aux décisions du groupe, il peut dans certains cas extrêmes être exclu du groupe, selon

une procédure précisément définie dans les statuts du groupe UMP.

374 Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Droit parlementaire, 3ème Edition, Montchrestien, Paris, 2004, p. 96. 375 Christophe ROUILLON, Didier Maus (dir.), La discipline de vote dans les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1990-1991, p. 12 376 « En règle générale, les membres du Groupe et les apparentés se doivent de manifester dans leurs paroles, leurs écrits ou leurs votes leur solidarité avec les décisions de la majorité du Groupe », article 5 alinéa 2 des statuts du groupe UMP à l’Assemblée nationale. 377 « Le Groupe peut décider, à la majorité absolue de ses membres et apparentés, d’instaurer une discipline de vote pour les scrutins de motion de censure et de confiance ».

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Selon le Professeur Troper, « l’indépendance de l’élu est relative car elle dépend de la

rigueur de la discipline dans le parti auquel il appartient ».378 Cette analyse peut se révéler

exacte dans une approche pratique, certaines règles internes de discipline pouvant sembler

contestables vis-à-vis du principe constitutionnel de liberté du mandat. Mais juridiquement, il

n’en est rien, puisque des statuts, comme par exemple ceux du groupe UMP, n’emportent

aucune valeur juridique. Même si ces règles organisent une certaine forme de discipline de

groupe, ce ne sont que des instructions, et non des obligations qui engagent juridiquement ses

membres. Ainsi, puisque les consignes de vote, reflets de la discipline parlementaire, « ne

possèdent aucune qualité juridique, […] rien ne permet donc d’interdire que les représentants

retrouvent à certains moments leur entière liberté. »379 La prohibition du mandat impératif est

donc respectée dans le cadre de ces pratiques politiques. Le Professeur Carcassonne constate

que « bizarrement, les députés s’inclinent, alors même que rien ne permet réellement de les y

forcer ».380 Généralement, la discipline parlementaire a un donc effet étonnamment assez

persuasif sur l’élu parlementaire, alors qu’il se trouve pourtant libre de recouvrer à tout

moment son autonomie, dans la mesure où ces règles n’ont pas de valeur juridique et sont

donc dépourvues de force contraignante.

La discipline de vote, toujours présente au sein des groupes parlementaires, en France

comme au Royaume-Uni, ne paraît donc pas contrevenir au principe constitutionnel de liberté

de mandat parlementaire. Il paraît important toutefois de remettre en question « la discipline

de vote systématique qui aboutit à une réelle mutilation de la fonction législative »,381 même

si l’élu parlementaire a, en droit, toujours la possibilité de retrouver « son entière liberté ». Si

la discipline du groupe parlementaire devient systématique au point de faire perdre au député

toute autonomie, l’exercice de ses compétences dans le cadre de la fonction législative peut se

voir ainsi considérablement réduit et le Parlement se résumer à une simple « chambre

d’enregistrement ».

Le Parlement britannique se fait parfois le lieu d’une telle « discipline de vote

systématique » et la discipline des groupes parlementaires peut se révéler souvent très forte,

378 Francis HAMON et Michel TROPER, Droit constitutionnel, 26ème Edition, LGDJ, Paris, 1999, p. 581. 379 Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Guy SCOFFONI, Otto PFERSMANN, André ROUX, Droit Constitutionnel, 11e Edition, Dalloz, Paris, 2008, p. 696. 380 Guy CARCASSONE, « Le bonheur de l’opposition », Pouvoirs, n° 108, 2004, pp. 147. 381 Christophe ROUILLON, Didier Maus (dir.), La discipline de vote dans les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale sous la Vème République, Mémoire de Master 2 Droit Public Interne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1990-1991, p. 52.

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souvent qualifiée par la doctrine anglaise de « cage de fer » dans laquelle seraient enfermés

les parlementaires du groupe.382 Le député Donald Johnson, devenu parlementaire

indépendant, emploie des métaphores particulièrement fortes pour souligner la sévérité de la

discipline de groupe, en déclarant que le statut du député « fut équivalent à celui des esclaves

noirs dans les Etats du Sud de l’Amerique avant l’abolition de l’esclavage » !383 La Chambre

des Communes, qui, il y a encore environ un siècle, n’était qu’une « assemblée de

parlementaires avec des alliances changeantes », connaît désormais « des groupements de

partis inflexibles sous la discipline du système de whip ; les chances pour les députés d’être

sélectionnés à nouveau pour la prochaine élection dépend de leur loyauté au gouvernement et

plus particulièrement au Premier Ministre. ».384 Ainsi, c’est la spécificité constitutionnelle

britannique de confusion des pouvoirs entre législatif et exécutif, qui semble à l’origine de

cette forte discipline de groupes. Les groupes parlementaires exercent « une telle discipline

sur leurs membres qu’ils étouffent pratiquement toute critique libre » formulée par des

backbenchers et les réduisent des « machines à voter ».385

Néanmoins, ce n’est pas toujours le cas, et il est rapporté par exemple qu’à l’occasion

des deux gouvernements Blair successifs, la discipline n’était plus assurée par les whip de

façon aussi efficace qu’auparavant. Ce changement s’explique par la difficulté pour ces

derniers de gérer l’écrasante majorité parlementaire travailliste. Les « rebellions de députés »

ont alors augmenté considérablement et atteint « des sommets sans précédents » en 2001.386

Du reste, et de manière plus générale, nous pouvons remarquer avec le Professeur Fisher que

« bien sûr, même la discipline de groupe la plus forte ne peut forcer ses membres à voter dans

un certain sens ».387 Ainsi, même une discipline de vote très stricte ne reste qu’une consigne

politique et il est toujours loisible au député de s’en affranchir.

Une discipline parlementaire forte au sein des groupes est également susceptible, par

ailleurs, d’avoir des conséquences sur le champ d’exercice des compétences de l’opposition

382 « The iron cage of party discipline », Alex CARROLL, Constitutional and administrative law, 4ème Edition, Pearson Education, Londres, 2003, p.132. 383 Donald McIntosh JOHNSON, On being an independent MP, Londres, 1964, p. 14. 384 Diana WOODHOUSE, Ministers and Parliament : accountability in theory and practice, Oxford University Press, 1994, p. 17. 385 Strathearn GORDON, Our Parliament, 6ème Edition, Cassell, Londres, 1964, 74. 386 HAZELL Robert, Constitutional Futures revisited, Macmillan, Londres, 2008, p. 267. 387 Justin FISHER, British political parties, Pearson Education, Londres, 1996, p. 24.

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parlementaire. En raison du « fait majoritaire »,388 la discipline peut en effet se présenter

comme une limitation à l’exercice de certaines compétences attribuées à l’opposition. Les

motifs du projet de loi constitutionnelle de 2008 précisent à cet égard que « si l’opposition

dispose de garanties renforcées [par l’attribution de droits spécifiques], l’effet de discipline

qui s’attache au fait majoritaire [pourrait] limiter la portée de prérogatives théoriques ».389 La

discipline au sein des groupes parlementaires peut non seulement constituer une restriction de

la liberté de chacun de ses membres, mais également une limitation des compétences qui

peuvent être exercées par l’opposition parlementaire en raison de la « logique majoritaire »,

de la domination d’un groupe majoritaire caractérisé par une forte cohésion entre ses membres

respectifs.

La discipline de groupe au sein des assemblées présente donc une restriction de la

liberté de vote des parlementaires, mais seulement d’un point de vue politique. Si la discipline

du groupe parlementaire a pour effet d’instaurer une forme de « mandat impératif politique »,

cela ne présente aucune contradiction avec les principes des Constitutions française et

britannique d’interdiction du mandat impératif. Il ne faut en effet pas s’y tromper et bien

opérer la distinction, puisque les règles ou pratiques organisant une certaine discipline

parlementaire ne relèvent que de conventions de nature strictement politiques, et n’emportent

donc pas de violation en droit du principe constitutionnel de liberté du mandat parlementaire.

388 Pour une étude détaillée sur le « fait majoritaire », cf. Julie BENETTI, Jean Gicquel (dir.), Droit parlementaire et fait majoritaire à l’Assemblée nationale sous la Vème République, thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2005. 389 Exposé des motifs de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

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Conclusion

L’opposition parlementaire, telle qu’envisagée dans notre étude, est une fonction

spécifique exercée exclusivement par l’intermédiaire de groupes parlementaires s’étant

déclarés ou reconnus comme tels. La définition juridique du concept d’opposition passe donc

avant tout par cet organe incontournable des assemblées qu’est le groupe parlementaire. Ce

dernier est en quelque sorte son « support juridique », sans lequel elle ne pourrait être

reconnue en droit. L’opposition parlementaire ne peut en effet être reconnue de manière

individuelle, sans rattachement à un groupe parlementaire. Ainsi, un élu parlementaire ne

peut, isolément, se faire reconnaître comme opposition parlementaire. Seul le groupe

parlementaire dans son ensemble peut, en France, préciser dans sa déclaration politique son

appartenance à l’opposition parlementaire. Au Royaume-Uni, même s’il n’existe pas de telles

exigences formelles pour être considéré comme appartenant ou non à l’opposition

parlementaire, il est précisé que l’opposition officielle est le groupe minoritaire le plus

important numériquement à la Chambre des Communes. Même si les modalités changent,

l’essentiel reste, puisque le groupe parlementaire reste ici encore le fondement juridique pour

définir l’opposition parlementaire.

Une étude complète de l’objet juridique « opposition » dans un cadre strictement

parlementaire exige donc de commencer par une analyse juridique préalable du groupe

parlementaire, en ce qu’il constitue en quelque sorte sa « structure juridique ». L’opposition

parlementaire constitue en effet l’une des trois catégories, l’un des trois ensembles qui se

fondent sur le groupe parlementaire. Le groupe parlementaire le plus important en nombre,

soutien du gouvernement, correspond à la majorité parlementaire, au groupe parlementaire

majoritaire, et se distingue ainsi de l’opposition parlementaire dont la fonction première est

littéralement de « s’opposer » face à cette majorité gouvernementale. La troisième catégorie,

le « troisième ensemble » des groupes parlementaires est celui que les constituants français de

2008 ont choisi d’appeler la « minorité parlementaire », notion ignorée pour l’essentiel au

Royaume-Uni. Depuis la très récente réforme du règlement de l’Assemblée nationale, les

groupes de « minorité parlementaire » sont définis comme ceux qui ne se sont pas déclarés

d’opposition, à l’exception de celui d’entre eux qui compte l’effectif le plus élevé. Les

groupes minoritaires représentent donc ceux qui ne font pas partie de la majorité

parlementaire et qui ont refusé de faire partie de l’opposition parlementaire. Ainsi, la

détermination des autres catégories de groupes parlementaires est capitale afin de définir

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juridiquement l’opposition parlementaire, dans la mesure où mieux comprendre les groupes

majoritaire et « minoritaire », c’est mieux pouvoir délimiter ensuite le troisième ensemble,

l’opposition parlementaire, qui est avant tout ce que les deux autres catégories ne sont pas.

La vocation de l’opposition parlementaire est notamment celle d’incarner l’alternance,

ainsi elle doit se tenir prête, en cas de démission du gouvernement, à le remplacer. Cette

dimension revêt une importance beaucoup plus grande au Royaume-Uni, où le leader de

l’opposition officielle (groupe d’opposition le plus important numériquement) dispose d’un

statut spécial, avec un salaire supplémentaire à celui de député qui concerne sa fonction de

leader de l’opposition, ainsi que de certaines attributions importantes liées à sa fonction de

chef de l’opposition. L’opposition parlementaire officielle britannique se place véritablement

en alternative, l’Opposition de sa Majesté, Her Majesty’s Opposition, étant aussi dans une

certaine mesure le gouvernement alternatif de sa Majesté, Her Majesty’s alternative

Government. Le chef de l’opposition peut être le Premier Ministre de demain. Cette idée

d’alternance est forte et très organisée, en particulier avec la pratique du Shadow Cabinet, qui

consiste à nommer des membres du groupe parlementaire d’opposition « en doublon » de

leurs homologues ministres au gouvernement officiel. En France en revanche, l’idée

d’alternance n’est pas autant présente, la préparation de l’alternance n’est d’ailleurs pas

forcément l’objectif poursuivi par tous les groupes parlementaires qui se sont déclarés

appartenir à l’opposition parlementaire.

L’opposition parlementaire peut donc être définie de manière générale comme un

groupe parlementaire doté de compétences supplémentaires par rapport à un groupe

parlementaire appartenant à une autre catégorie, soit celle de la majorité, soit celle de la

minorité qui n’est pas d’opposition (le groupe « minoritaire »). Le Professeur Pimentel a ainsi

pu souligner la mise en place d’un certain « privilège de l’opposition, seul à même de lui

donner un poids plus que proportionnel à son effectif numérique ».390 Ce « privilège de

l’opposition », évoqué par un grand nombre d’élus politiques lors de la dernière réforme

constitutionnelle française comme une « charte de l’opposition »391 permettant l’élaboration

d’un « statut de l’opposition », se résume, d’un point de vue juridique, à l’attribution de

compétences spécifiques aux groupes parlementaires d’opposition. Ces compétences doivent

390 Carlos-Miguel PIMENTEL, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, p. 45. 391 Jean-Luc WARSMANN, Rapport n° 1630, Commission des lois constitutionnelles sur les propositions de résolution de M. Jean-Louis Debré, Paris, Assemblée nationale, 30 avril 2009.

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leur être explicitement réservées au travers des dispositions juridiques qui prévoient

l’attribution de tels « droits spécifiques ».

Le groupe d’opposition parlementaire, en tant qu’organe, se voit donc attribuer des

compétences propres permettant sa distinction des autres groupes parlementaires qui ne sont

pas reconnus comme tels. Cette « discrimination positive » à son encontre lui assure donc plus

que ce que la simple proportionnalité ne confère à sa représentation. 392 D’où l’idée exprimée

d’un double niveau de discrimination dans l’attribution de compétences aux organes

politiques des assemblées. Un député indépendant et non rattaché ne dispose pas des

compétences supplémentaires qu’il pourrait exercer à travers un groupe parlementaire, s’il

était membre de l’un d’entre eux. La notion de groupe n’est donc pas « sans introduire de

discrimination parmi les parlementaires, entre ceux inscrits et ceux non-inscrits ».393 Le

caractère reconnu d’opposition parlementaire à certains groupes permet d’instaurer un

deuxième niveau de discrimination par l’attribution de compétences supplémentaires

réservées uniquement aux groupes déclarés ou reconnus comme tels.

L’appartenance pour un élu parlementaire à un groupe parlementaire, et plus

précisément à un groupe d’opposition parlementaire, n’est donc pas sans conséquence. Ainsi,

la question est posée de la compatibilité entre de tels organes collégiaux partiels d’assemblées

parlementaires et le principe constitutionnel de liberté du mandat parlementaire issu de la

conception du mandat représentatif, reconnu en France comme au Royaume-Uni. Les

résultats d’une telle étude, menée au cours de nos développements, font ressortir que si

l’activité des groupes parlementaires et leur logique poursuivie en pratique, notamment celle

de discipline parlementaire assortie de consignes de votes au sein du groupe, peut paraître

dans un premier temps en contradiction avec l’interdiction du mandat impératif,

juridiquement, il n’en est rien. En effet, la pratique politique est à distinguer de la logique

juridique, en ce sens que si une discipline plus ou moins forte est effectivement avérée au sein

des groupes parlementaires, il n’existe aucune obligation ou contrainte juridique en soi pour

l’élu parlementaire de suivre les instructions de son groupe. Un député a ainsi dans l’absolu

toujours le choix de recouvrer sa liberté et voter en toute autonomie, dès lors qu’il a décidé de

rompre avec les exigences politiques (et non juridiques) de son groupe parlementaire. 392 Pierre AVRIL, « La séparation des pouvoirs est-elle un concept opératoire ? », VIIème Congrès français de droit constitutionnel, Congrès de Paris, 25, 26 et 27 septembre 2008. 393 Laure GAUTHIER-LESCOP, « Une résolution pour lutter contre l’inflation normative », Revue du Droit Public, 2007, p. 120.

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La très récente création en France de nouveaux droits exclusivement réservés à

l’opposition parlementaire, qui remonte déjà à plus d’un siècle outre-manche, permet d’en

rendre la comparaison d’autant plus intéressante. Entre le modèle pluriséculaire du Parlement

britannique, considéré comme la « Mère des Parlements » et consacrant largement

l’opposition « institutionnalisée », et la récente reconnaissance constitutionnelle de

l’opposition parlementaire en France accompagnée de l’attribution de compétences réservées,

les contrastes sont importants. La distinction de l’acception de l’opposition entre les deux

systèmes, ainsi que sa redéfinition à l’aune de la méthodologie comparative, semble apporter

un recul supplémentaire et partant, une analyse plus complète de l’opposition parlementaire

en tant qu’objet juridique.

Nous pouvons par ailleurs remarquer, pour reprendre les termes du Professeur

Favoreu, que « la confrontation traditionnelle entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif

s’efface de plus en plus désormais, devant celle entre majorité et opposition. En France

comme en Grande-Bretagne ou dans d’autres systèmes parlementaires européens, le régime

constitutionnel se caractérise en effet par une division bien marquée entre deux camps

antagonistes : celui de l’exécutif soutenu par une majorité à l’Assemblée nationale ou à la

Chambre des Communes et celui de la minorité représentée au Parlement, c’est à dire

l’opposition ».394 La constitutionnalisation de l’opposition en France et son

institutionnalisation déjà ancienne au Royaume-Uni poursuit donc un objectif capital, celui

d’opérer un rééquilibrage des institutions.

Au delà de l’opposition parlementaire, sa signification juridique, sa reconnaissance

constitutionnelle et ses compétences, c’est la fonction même du Parlement au sein du système

institutionnel qui est donc ici en jeu. L’étude de l’opposition parlementaire se révèle

finalement tout à fait centrale, en tant que prisme d’analyse du Parlement. C’est une grille de

lecture qui permet de comprendre plus précisément la place du Parlement au sein des

institutions et la subtilité de l’équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif. Le Royaume-

Uni a su depuis longtemps déjà mettre en place un système qui confère un véritable statut à

l’opposition, à travers les nombreuses compétences qui lui sont exclusivement réservées. La

dernière révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui permet un certain rapprochement du

394 Louis FAVOREU, Droit Constitutionnel, Dalloz, Paris, 2004, p. 338, cité par Ariane Vidal-Naquet in : « L’institutionnalisation de l’opposition. Quel statut pour quelle opposition ? », Revue française de Droit constitutionnel, n°77, 2009, p. 155.

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modèle anglais d’opposition parlementaire, semble par la même occasion augurer un

rééquilibrage des institutions au profit du Parlement. Mais pour autant, il est permis de douter

de l’objectif affiché de « renforcer les pouvoirs du Parlement ». En effet, la réforme du 27 mai

2009 du règlement de l’Assemblée nationale accorde des garanties, des compétences

réservées à l’opposition, qui semblent en deçà de ce qui avait été initialement souhaité par les

constituants de 2008.

Vannes, le 29 août 2009.

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I

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II

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VII

Annexes Annexe I – Extraits du règlement de l’Assemblée nationale concernant directement les groupes parlementaires et l’opposition parlementaire TITRE IER – ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE L’ASSEMBLÉE CHAPITRE III – Bureau de l’Assemblée : composition, mode d’élection Article 10

1 Les autres membres du Bureau sont élus, au début de chaque législature, au cours de la séance qui suit l’élection du Président et renouvelés chaque année suivante, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, à la séance d’ouverture de la session ordinaire. Le Président est assisté des six plus jeunes membres de l’Assemblée, qui remplissent les fonctions de secrétaires.

2 L’élection des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s’efforçant de reproduire au sein du Bureau la configuration politique de l’Assemblée.

3 Les présidents des groupes se réunissent en vue d’établir, dans l’ordre de présentation qu’ils déterminent, la liste de leurs candidats aux diverses fonctions du Bureau.

4 Les candidatures doivent être déposées au Secrétariat général de l’Assemblée, au plus tard une demi-heure avant l’heure fixée pour la nomination ou pour l’ouverture de chaque tour de scrutin.

CHAPITRE IV – Présidence et Bureau de l’Assemblée : pouvoirs Article 16

1 Les dépenses de l’Assemblée sont réglées par exercice budgétaire.

2 Au début de la législature et, chaque année suivante, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, au début de la session ordinaire, l’Assemblée nomme, à la représentation proportionnelle des groupes selon la procédure prévue par l’article 25, une commission spéciale de quinze membres chargée de vérifier et d’apurer les comptes. Son bureau comprend un président, trois vice-présidents et trois secrétaires. Ne peut être élu à la présidence qu’un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition. Les nominations au bureau ont lieu en s’efforçant de reproduire la configuration politique de l’Assemblée et d’assurer la représentation de toutes ses composantes. Les membres du bureau sont désignés dans les conditions prévues à l’article 39.

3 La commission donne quitus aux questeurs de leur gestion ou rend compte à l’Assemblée. À l’issue de chaque exercice, elle établit un rapport public.

CHAPITRE V – Les Groupes Article 19 1 Les députés peuvent se grouper par affinités politiques ; aucun groupe ne peut comprendre moins de quinze membres, non compris les députés apparentés dans les conditions prévues à l’alinéa 7 ci-dessous.

2 Les groupes se constituent en remettant à la Présidence une déclaration politique signée de leurs membres, accompagnée de la liste de ces membres et des députés apparentés et du nom du président du groupe. La déclaration peut mentionner l’appartenance du groupe à l’opposition. Ces documents sont publiés au Journal officiel.

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VIII

3 La déclaration d’appartenance d’un groupe à l’opposition peut également être faite ou, au contraire, retirée, à tout moment. Cette déclaration est publiée au Journal officiel ; son retrait y est annoncé.

4 Sont considérés comme groupes minoritaires ceux qui ne se sont pas déclarés d’opposition à l’exception de celui d’entre eux qui compte l’effectif le plus élevé.

5 Les droits spécifiques reconnus par le présent Règlement aux groupes d’opposition ainsi qu’aux groupes minoritaires sont attribués sur le fondement de la situation des groupes au début de la législature, puis chaque année au début de la session ordinaire.

6 Un député ne peut faire partie que d’un seul groupe.

7 Les députés qui n’appartiennent à aucun groupe peuvent s’apparenter à un groupe de leur choix, avec l’agrément du bureau de ce groupe. Ils comptent pour le calcul des sièges accordés aux groupes dans les commissions par les articles 33 et 37.

Article 20

Les groupes constitués conformément à l’article précédent peuvent assurer leur service intérieur par un secrétariat administratif dont ils règlent eux-mêmes le recrutement et le mode de rétribution ; le statut, les conditions d’installation matérielle de ces secrétariats et les droits d’accès et de circulation de leur personnel dans le Palais de l’Assemblée sont fixés par le Bureau de l’Assemblée sur proposition des questeurs et des présidents des groupes.

Article 21

Les modifications à la composition d’un groupe sont portées à la connaissance du Président de l’Assemblée sous la signature du député intéressé s’il s’agit d’une démission, sous la signature du président du groupe s’il s’agit d’une radiation et sous la double signature du député et du président du groupe s’il s’agit d’une adhésion ou d’un apparentement. Elles sont publiées au Journal officiel.

Article 22

Après constitution des groupes, le Président de l’Assemblée réunit leurs représentants en vue de procéder à la division de la salle des séances en autant de secteurs qu’il y a de groupes, et de déterminer la place des députés non inscrits, par rapport aux groupes.

Article 23

1 Est interdite la constitution, au sein de l’Assemblée nationale, dans les formes prévues à l’article 19 ou sous quelque autre forme ou dénomination que ce soit, de groupes de défense d’intérêts particuliers, locaux ou professionnels et entraînant pour leurs membres l’acceptation d’un mandat impératif.

2 Est également interdite la réunion dans l’enceinte du Palais de groupements permanents, quelle que soit leur dénomination, tendant à la défense des mêmes intérêts.

Article 25

1 Lorsque le texte constitutif impose la nomination à la représentation proportionnelle des groupes, le Président de l’Assemblée fixe le délai dans lequel les présidents des groupes doivent lui faire connaître les noms des candidats qu’ils proposent.

2 À l’expiration de ce délai, les candidatures transmises au Président de l’Assemblée sont affichées et publiées au Journal officiel. La nomination prend immédiatement effet dès cette dernière publication.

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IX

CHAPITRE IX – Commissions permanentes : composition et mode d’élection

Article 37

1 Les membres des commissions permanentes sont nommés au début de la législature et chaque année suivante, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, au début de la session ordinaire, suivant la procédure fixée à l’article 25. 2 Les groupes régulièrement constitués dans les conditions fixées à l’article 19 disposent d’un nombre de sièges proportionnel à leur importance numérique par rapport à l’effectif des membres composant l’Assemblée. 3 Les sièges restés vacants après cette répartition sont attribués aux députés n’appartenant à aucun groupe. Les candidatures pour ces sièges font, à défaut d’accord, l’objet d’un choix effectué au bénéfice de l’âge. Article 39

1 Dès leur nomination, les commissions permanentes sont convoquées par le Président de l’Assemblée en vue de procéder à la nomination de leur bureau.

2 Les bureaux des commissions comprennent, outre le président, quatre vice-présidents et quatre secrétaires. La Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire nomme un rapporteur général. La composition du bureau de chaque commission s’efforce de reproduire la configuration politique de l’Assemblée et d’assurer la représentation de toutes ses composantes.

3 Ne peut être élu à la présidence de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire qu’un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition.

4 Les bureaux des commissions sont élus au scrutin secret par catégorie de fonction. Lorsque, pour chaque catégorie de fonction, le nombre des candidats n’est pas supérieur au nombre de sièges à pourvoir, il n’est pas procédé au scrutin.

5 Si la majorité absolue n’a pas été acquise aux deux premiers tours de scrutin, la majorité relative suffit au troisième tour et, en cas d’égalité de suffrages, le plus âgé est nommé.

6 Il n’existe aucune préséance entre les vice-présidents.

CHAPITRE XI – Conférence des présidents – Ordre du jour de l’Assemblée – Organisation des débats

Article 47

1 La Conférence des présidents se compose, outre le Président, des vice-présidents de l’Assemblée, des présidents des commissions permanentes, du rapporteur général de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, du président de la Commission des affaires européennes et des présidents des groupes.

2 La conférence est convoquée chaque semaine, s’il y a lieu, par le Président au jour et à l’heure fixés par lui. Elle est également convoquée par le Président à la demande d’un président de groupe pour qu’elle puisse exercer, le cas échéant, les prérogatives qui lui sont reconnues par les articles 39, alinéa 4, et 45, alinéa 2, de la Constitution.

3 Dans les votes émis au sein de la conférence sur les propositions qui lui sont soumises par ses membres, il est attribué aux présidents des groupes un nombre de voix égal au nombre des membres de leur groupe après défalcation des voix des autres membres de la conférence.

4 Les présidents des commissions spéciales et le président de la commission instituée à l’article 80 peuvent être convoqués à la Conférence des présidents sur leur demande.

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X

Article 48

1 Sous réserve des dispositions de l’article 29, alinéa 1 et de l’article 48, alinéas 2 et 3, de la Constitution, l’Assemblée fixe son ordre du jour sur proposition de la Conférence des présidents.

2 Avant l’ouverture de la session ou après la formation du Gouvernement, celui-ci informe la Conférence des présidents, à titre indicatif, des semaines qu’il prévoit de réserver, au cours de la session, pour l’examen des textes et pour les débats dont il demandera l’inscription à l’ordre du jour.

3 La Conférence des présidents établit, au commencement de chaque séquence de huit semaines, une répartition indicative des différentes priorités prévues par la Constitution en matière d’ordre du jour.

4 Les demandes d’inscription prioritaire à l’ordre du jour de l’Assemblée sont adressées, au plus tard la veille de la réunion de la Conférence des présidents, par le Premier ministre au Président de l’Assemblée qui en informe les membres de la conférence.

5 Sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l’article 136, les présidents des groupes et les présidents des commissions adressent leurs propositions d’inscription à l’ordre du jour au Président de l’Assemblée au plus tard quatre jours avant la réunion de la Conférence des présidents.

6 Sur le fondement de ces demandes ou propositions, la Conférence des présidents établit, à l’occasion de sa réunion hebdomadaire, dans le respect des priorités définies par l’article 48 de la Constitution, un ordre du jour pour la semaine en cours et les trois suivantes.

7 La conférence fixe également la ou les séances consacrées aux questions des députés et aux réponses du Gouvernement ainsi que, le cas échéant, les séances consacrées à des questions orales sans débat dans les conditions prévues aux articles 133 et 134.

8 Chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire obtient de droit l’inscription d’un sujet d’évaluation ou de contrôle à l’ordre du jour de la semaine prévue à l’article 48, alinéa 4, de la Constitution. Dans le cadre de cette semaine, une séance est réservée par priorité aux questions européennes.

9 La conférence arrête, une fois par mois, l’ordre du jour de la journée de séance prévue par l’article 48, alinéa 5, de la Constitution. Les groupes d’opposition et les groupes minoritaires font connaître les affaires qu’ils veulent voir inscrire à l’ordre du jour de cette journée au plus tard lors de la Conférence des présidents qui suit la précédente journée réservée sur le fondement de l’article 48, alinéa 5, de la Constitution. Les séances sont réparties, au début de chaque session ordinaire, entre les groupes d’opposition et les groupes minoritaires, en proportion de leur importance numérique. Chacun de ces groupes dispose de trois séances au moins par session ordinaire.

10 L’ordre du jour ainsi établi est immédiatement affiché et notifié au Gouvernement, aux présidents des groupes et aux présidents des commissions. Au cours de la séance suivant la réunion de la conférence, le Président soumet les propositions de celle-ci, autres que celles résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement, à l’Assemblée. Aucun amendement n’est recevable. L’Assemblée ne se prononce que sur leur ensemble. Seuls peuvent intervenir le Gouvernement et, pour une explication de vote de deux minutes au plus, les présidents des commissions ou leur délégué ayant assisté à la conférence, ainsi qu’un orateur par groupe.

11 Si, à titre exceptionnel, le Gouvernement, en vertu des pouvoirs qu’il tient de l’article 48 de la Constitution, demande une modification de l’ordre du jour, le Président en donne immédiatement connaissance à l’Assemblée. La Conférence des présidents peut être réunie.

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XI

Article 49

1 L’organisation de la discussion des textes soumis à l’Assemblée peut être décidée par la Conférence des présidents.

2 La conférence peut fixer la durée de la discussion générale dans le cadre des séances prévues par l’ordre du jour. Ce temps est réparti par le Président de l’Assemblée entre les groupes, de manière à garantir à chacun d’eux, en fonction de la durée du débat, un temps minimum identique. Les députés n’appartenant à aucun groupe disposent d’un temps global de parole proportionnel à leur nombre. Le temps demeurant disponible est réparti par le Président entre les groupes en proportion de leur importance numérique.

3 Les inscriptions de parole dans la discussion générale sont faites par les présidents des groupes, qui indiquent au Président de l’Assemblée l’ordre dans lequel ils souhaitent que les orateurs soient appelés ainsi que la durée de leurs interventions, qui ne peut être inférieure à cinq minutes.

4 Au vu de ces indications, le Président de l’Assemblée détermine l’ordre des interventions.

5 La conférence peut également fixer la durée maximale de l’examen de l’ensemble d’un texte. Dans ce cas, est applicable la procédure prévue aux alinéas suivants.

6 Un temps minimum est attribué à chaque groupe, ce temps étant supérieur pour les groupes d’opposition. Le temps supplémentaire est attribué à 60 % aux groupes d’opposition et réparti entre eux en proportion de leur importance numérique. Le reste du temps supplémentaire est réparti entre les autres groupes en proportion de leur importance numérique. La conférence fixe également le temps de parole réservé aux députés non inscrits, lesquels doivent disposer d’un temps global au moins proportionnel à leur nombre.

7 La présentation des motions et les interventions sur les articles et les amendements ne sont pas soumises aux limitations de durée fixées par les articles 91, 95, 100, 108 et 122.

8 Toutes les interventions des députés, à l’exception de celles des présidents des groupes, dans la limite d’une heure par président de groupe ou, lorsque le temps réparti en application de l’alinéa 6 du présent article est supérieur à quarante heures, dans la limite de deux heures par président de groupe, du président et du rapporteur de la commission saisie au fond et, le cas échéant, des rapporteurs des commissions saisies pour avis, sont décomptées du temps réparti en application de l’alinéa 6. Est également décompté le temps consacré à des interventions fondées sur l’article 58, alinéa 1, dès lors que le Président considère qu’elles n’ont manifestement aucun rapport avec le Règlement ou le déroulement de la séance. Est également décompté le temps consacré aux suspensions de séance demandées par le président d’un groupe ou son délégué sur le fondement de l’article 58, alinéa 3, sans que le temps décompté puisse excéder la durée demandée.

9 Selon des modalités définies par la Conférence des présidents, un président de groupe peut obtenir, de droit, que le temps programmé soit égal à une durée minimale fixée par la Conférence des présidents.

10 Une fois par session, un président de groupe peut obtenir, de droit, un allongement exceptionnel de cette durée dans une limite maximale fixée par la Conférence des présidents.

11 Si un président de groupe s’y oppose, la conférence ne peut fixer la durée maximale de l’examen de l’ensemble d’un texte lorsque la discussion en première lecture intervient moins de six semaines après son dépôt ou moins de quatre semaines après sa transmission.

12 Si la Conférence des présidents constate que la durée maximale fixée pour l’examen d’un texte est insuffisante, elle peut décider de l’augmenter.

13 Chaque député peut prendre la parole, à l’issue du vote du dernier article du texte en discussion, pour une explication de vote personnelle de cinq minutes. Le temps consacré à ces explications de vote n’est pas décompté du temps global réparti entre les groupes, par dérogation à la règle énoncée à l’alinéa 8.

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XII

Article 58

1 Les rappels au Règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ; ils en suspendent la discussion. La parole est accordée à tout député qui la demande à cet effet soit sur-le-champ, soit, si un orateur a la parole, à la fin de son intervention.

2 Si, manifestement, son intervention n’a aucun rapport avec le Règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l’ordre du jour fixé, le Président lui retire la parole.

3 Les demandes de suspension de séance sont soumises à la décision de l’Assemblée sauf quand elles sont formulées par le Gouvernement, par le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond ou, personnellement et pour une réunion de groupe, par le président d’un groupe ou son délégué dont il a préalablement notifié le nom au Président. Toute nouvelle délégation annule la précédente.

TITRE III – CONTRÔLE PARLEMENTAIRE PREMIERE PARTIE – Information, évaluation et contrôle CHAPITRE Ier – Déclarations du gouvernement

Article 132

1 Le Gouvernement peut faire une déclaration devant l’Assemblée sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, le cas échéant à la demande d’un groupe. Une telle déclaration donne lieu à un débat et peut faire l’objet d’un vote si le Gouvernement le décide, sans que ce vote engage sa responsabilité.

2 Pour le débat auquel donne lieu la déclaration du Gouvernement mentionnée à l’alinéa précédent, la Conférence des présidents fixe le temps global attribué aux groupes et aux députés n’appartenant à aucun groupe. Le temps imparti aux groupes est attribué pour moitié aux groupes d’opposition. Il est ensuite réparti entre les groupes d’opposition, d’une part, et les autres groupes, d’autre part, en proportion de leur importance numérique. Chaque groupe dispose d’un temps minimum de dix minutes.

3 Les inscriptions de parole et l’ordre des interventions ont lieu dans les conditions prévues par l’article 49, alinéas 3 et 4, du présent Règlement.

4 Le Gouvernement prend la parole le dernier pour répondre aux orateurs qui sont intervenus.

CHAPITRE II – Questions

Article 133

1 La Conférence des présidents fixe la ou les séances hebdomadaires consacrées, conformément à l’article 48, alinéa 6, de la Constitution, aux questions des députés et aux réponses du Gouvernement, y compris pendant les sessions extraordinaires.

2 Chaque semaine, la moitié des questions prévues dans le cadre de la ou des séances fixées en application de l’alinéa précédent est posée par des députés membres d’un groupe d’opposition.

3 Au cours de chacune de ces séances, chaque groupe pose au moins une question.

4 La première question posée est de droit attribuée à un groupe d’opposition ou minoritaire ou à un député n’appartenant à aucun groupe.

5 La Conférence des présidents fixe les conditions dans lesquelles les députés n’appartenant à aucun groupe peuvent poser des questions.

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XIII

CHAPITRE IV – Commissions d’enquête

Article 141

1 La création d’une commission d’enquête résulte du vote par l’Assemblée de la proposition de résolution déposée dans ce sens.

2 Chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire peut demander, une fois par session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, en Conférence des présidents, qu’un débat sur une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête et satisfaisant aux conditions fixées par les articles 137 à 139 soit inscrit d’office à l’ordre du jour d’une séance de la première semaine tenue en application de l’article 48, alinéa 4, de la Constitution.

3 Dans le cadre des débats organisés sur le fondement de l’alinéa précédent et sauf décision contraire de la Conférence des présidents, la parole est accordée pour une durée qui ne peut excéder cinq minutes à un orateur de chaque groupe. Seuls les députés défavorables à la création de la commission d’enquête participent au scrutin. La demande de création d’une commission d’enquête peut être rejetée à la majorité des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée.

Article 143

1 Le bureau des commissions d’enquête comprend un président, quatre vice-présidents et quatre secrétaires. Les nominations ont lieu en s’efforçant de reproduire la configuration politique de l’Assemblée et d’assurer la représentation de toutes ses composantes.

2 La fonction de président ou de rapporteur revient de droit à un député appartenant à un groupe d’opposition.

3 Par dérogation à la règle énoncée à l’alinéa précédent, lorsque la commission d’enquête a été créée sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 141, la fonction de président ou de rapporteur revient de droit à un membre du groupe qui en est à l’origine.

4 Les membres du bureau d’une commission d’enquête et, le cas échéant, son rapporteur sont désignés dans les conditions prévues à l’article 39.

CHAPITRE V - Rôle d’information des commissions permanentes ou spéciales

Article 145

1 Sans préjudice des dispositions les concernant contenues au titre II, les commissions permanentes assurent l’information de l’Assemblée pour lui permettre d’exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement.

2 À cette fin, elles peuvent confier à plusieurs de leurs membres une mission d’information temporaire portant, notamment, sur les conditions d’application d’une législation. Ces missions d’information peuvent être communes à plusieurs commissions.

3 Une mission composée de deux membres doit comprendre un député appartenant à un groupe d’opposition. Une mission composée de plus de deux membres doit s’efforcer de reproduire la configuration politique de l’Assemblée.

4 Des missions d’information peuvent également être créées par la Conférence des présidents sur proposition du Président de l’Assemblée. Le bureau de ces missions est constitué dans les conditions prévues à l’article 143, alinéas 1 et 4. La fonction de président ou de rapporteur revient de droit à un député appartenant à un groupe d’opposition, si ces fonctions ne sont pas exercées par la même personne.

5 Le bureau de la commission est compétent pour organiser la publicité des travaux des missions d’information créées par celle-ci.

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XIV

CHAPITRE VII – Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Article 146-2

1 Il est institué un comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.

2 Sont membres de droit du comité :

3 – le Président de l’Assemblée, qui le préside ;

4 – les présidents des commissions permanentes et celui de la Commission des affaires européennes, qui peuvent se faire suppléer par un membre du bureau de la commission ;

5 – le rapporteur général de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ;

6 – le député président ou premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

7 – le président de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

8 – les présidents des groupes, qui peuvent se faire suppléer.

9 Le comité comprend également quinze députés désignés par les groupes suivant la procédure fixée à l’article 37. Les nominations ont lieu en s’efforçant de faire en sorte que la composition d’ensemble du comité reproduise la configuration politique de l’Assemblée.

10 Le bureau du comité comprend, outre le Président de l’Assemblée et les présidents des groupes, quatre vice-présidents, dont l’un appartient à un groupe d’opposition, et quatre secrétaires désignés parmi ses membres.

11 Les votes au sein du comité ont lieu dans les conditions définies par l’article 44.

Article 146-3

1 De sa propre initiative ou à la demande d’une commission permanente, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques réalise des travaux d’évaluation portant sur des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d’une seule commission permanente.

2 Le comité arrête, chaque année, le programme de ses travaux. Ce programme fixe, notamment, le nombre prévisionnel d’évaluations à réaliser. Chaque groupe peut obtenir de droit, une fois par session ordinaire, qu’un rapport d’évaluation, entrant dans le champ de compétence du comité tel qu’il est défini à l’alinéa précédent, soit réalisé.

3 Chaque commission concernée par l’objet d’une étude d’évaluation désigne un ou plusieurs de ses membres pour participer à celle-ci. Le comité désigne parmi eux, ou parmi ses propres membres, deux rapporteurs, dont l’un appartient à un groupe d’opposition.

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XV

Annexe II – Déclarations politiques des groupes

XIIIe législature

Les déclarations politiques des groupes, signées de leurs membres, accompagnées de la liste de ces membres et des députés apparentés, ainsi que du nom du président du groupe, ont été remises le mardi 26 juin 2007 au Secrétariat général de la Présidence.

Groupe de l'Union pour un Mouvement populaire (U.M.P), 314 membres

Fidèles à l'esprit, comme à la lettre, de la Constitution de la Vème République et unis autour du Président de la République élu le 6 mai 2007 les députés soussignés se constituent, par la présente déclaration, en groupe de l'Union pour un Mouvement Populaire.

Plus que jamais attachés aux valeurs qui fondent notre projet : le travail, l'encouragement donné à l'initiative et à la responsabilité, l'autorité, la fraternité et la grandeur de la France, ils abordent cette nouvelle législature avec la ferme volonté d'agir au plus près des préoccupations quotidiennes de tous leurs concitoyens. Ils entendent donner, par leur action législative, une traduction concrète aux engagements pris devant les Français lors des campagnes présidentielle et législatives.

Réhabiliter le travail

Le chômage de masse, la précarité du travail et les 35 heures n'ont pas seulement fragilisé notre société et notre économie. Ils ont dévalorisé le travail. Notre pays est devenu celui qui travaille le moins en Europe. Nous ne pouvons continuer dans cette voie.

Nous voulons rappeler que le travail est une condition de la liberté et de la dignité, qu'il est le moteur de la promotion sociale, de la croissance, que tout doit être fait pour donner du travail à ceux qui n'en ont pas, mais également qu'il n'est pas acceptable que certains refusent de travailler alors qu'ils le pourraient. Nous voulons encourager l'augmentation du pouvoir d'achat, en permettant à ceux qui souhaitent travailler plus de gagner plus, en diminuant la pression fiscale, en garantissant aux personnes âgées le maintien de leur pouvoir d'achat.

Encourager l'initiative et la responsabilité

Nous voulons réhabiliter le mérite, l'effort, le goût du risque. Ceux qui travaillent, qui font des efforts, qui prennent des initiatives, ceux qui trébuchent, mais qui se relancent, doivent être valorisés et récompensés à la hauteur de leur mérite.

Il faut cesser de compliquer la vie de la quasi-totalité des ménages, des entreprises, des collectivités territoriales et des associations. Il faut simplifier les structures, arrêter la machine à produire de la complexité, qui ne résout rien. Chacun doit reprendre confiance dans les autres, pour une société moins rigide, plus libre et réconciliée.

Certains qu'un interventionnisme étatique tatillon et une gestion dispendieuse des deniers publics affaibliraient les forces de l'économie française dans la compétition internationale, les députés du groupe de l'Union pour un Mouvement Populaire s'engagent à donner toutes ses chances à l'économie de leur pays pour le mettre sur les rails du plein emploi.

Attachés à une gestion rigoureuse de l'argent public, les députés de l'Union pour un Mouvement Populaire attendent aussi de l'Etat qu'il montre l'exemple et conduise une politique sérieuse des finances publiques visant à

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XVI

alléger la contrainte que fait peser sur la France et sur ses jeunes générations la persistance de déficits et de dettes publics excessifs.

Transmettre les repères de l'autorité, du respect et du mérite

On a pris l'habitude de dire que l'autorité, le respect, le mérite n'étaient pas des valeurs importantes. Nous considérons que ce sont des valeurs fondamentales sans lesquelles il n'y a pas de société possible. Nous devons tout faire pour que les familles, l'école, la société dans son ensemble soient de nouveau des lieux de transmission de ces repères.

Convaincus que ni la liberté, ni la justice sociale ne sont effectivement garanties dans une société frappée par l'insécurité, les députés de l'Union pour une Majorité Populaire poursuivront avec détermination la politique de sécurité engagée depuis 2002 pour la tranquillité de tous.

Relever le défi du développement durable

Le développement et l'aménagement durable, la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité sont des défis majeurs du 21ème siècle en France et dans le monde. Conscients de ces enjeux, les députés du groupe de l'Union pour un Mouvement Populaire s'engagent à mettre le développement durable au cœur des politiques publiques.

Nous voulons encourager une politique énergétique qui concilie notre indépendance énergétique et les exigences de développement durable. Il convient de conforter l'énergie nucléaire, d'investir fortement dans la recherche et le développement des énergies renouvelables et des énergies nouvelles. Nous voulons inciter les français à adopter des comportements vertueux en mettant en place une fiscalité écologique adaptée et en favorisant les économies d'énergie.

Nous soutiendrons l'action du Président de la République au niveau international pour la réduction des gaz à effet de serre et la protection de la biodiversité.

Conduire de grandes politiques de solidarité, fraternelles et responsables

Convaincus que la croissance n'a d'autre but que de servir le progrès social et attachés à ce que ses fruits soient équitablement partagés, les députés de l'Union pour un Mouvement Populaire réaffirment leur confiance dans la capacité de la société française à garantir la pérennité des mécanismes collectifs de solidarité qui lui sont propres.

Nos politiques de solidarité méritent mieux que l'avarice et le rationnement. C'est pourtant ce que nous leur faisons subir depuis des années parce que nous ne commençons pas par le commencement : créer des richesses marchandes. C'est à ce prix que nous pourrons préserver notre pacte social et l'excellence de notre système de santé.

Nous devons dégager des moyens supplémentaires pour mener de grandes politiques de solidarité, en particulier en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes.

Pour une France, fer de lance d'une Europe qui pèse dans le monde

Soucieux du rayonnement de la France, les députés de l'Union pour un Mouvement Populaire soutiendront activement les initiatives prises par le Président de la République pour que la voix de la France se fasse entendre partout, en Europe et dans le monde.

Convaincus que dans bien des domaines l'Europe est l'avenir de la France, qu'elle doit nous permettre de faire à plusieurs ce que seuls nous faisons moins bien, ils attendent de l'Union européenne qu'elle se rapproche du citoyen et que son fonctionnement soit plus démocratique. La réforme des institutions européennes est, à cet égard, essentielle.

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XVII

L'Europe doit protéger ses peuples dans la mondialisation et face aux délocalisations. Elle doit agir dans le monde pour que les valeurs de la civilisation ne cèdent pas sous la pression des seuls intérêts commerciaux et financiers. Elle doit défendre les droits de l'homme, la démocratie, la protection des plus faibles, la solidarité, la promotion du développement durable.

S'il veut rester lui-même, notre pays a besoin de changements profonds, unis autour du Président de la République, Nicolas SARKOZY, et de son gouvernement, voilà le sens que les députés du groupe de l'Union pour un Mouvement Populaire entendent donner à leur action pour les cinq années qui viennent.

Le président du groupe : Jean-François COPÉ

Groupe Socialiste, radical et citoyen (SRC), 186 membres

Préambule

La liberté de conscience, la liberté de la pensée et son expression sont l’apanage de la République. Elles sont inséparables de la dignité du citoyen et leur défense est le premier devoir du parlementaire. Pour le respect de ces libertés fondamentales dans le cadre de l’Assemblée nationale, se regroupent les députés socialistes, radicaux et citoyens.

Déclaration

Par cette déclaration, les députés socialistes, radicaux, citoyens, divers gauche élus les 10 et 17 juin 2007 pour la XIIIème législature de la Vème république, se constituent en groupe socialiste, radical et citoyen à l’Assemblée nationale. Alors que les institutions de la Vè République connaissent une dérive présidentielle, nous défendons les principes d’un régime parlementaire équilibré fondé sur le respect de la séparation des pouvoirs, sur le plein exercice des compétences législatives et de contrôle du Parlement ainsi que sur le fait majoritaire. Nous assumerons notre pouvoir représentatif et décisionnel au sein de toutes les instances de l’Assemblée nationale. Nous nous inscrivons dans l’opposition et resterons solidaires dans le respect de l’identité de chaque composante du groupe. Nous définirons par nos propositions et nos amendements les fondements d’une alternative de gauche, réformiste, progressiste et républicaine.

Nous nous appuyons sur les valeurs constantes de la gauche et de la République: la liberté, l’égalité, la solidarité, la sécurité, la laïcité, l’écologie. Ces valeurs s’appuient sur la responsabilité individuelle sans laquelle il n’y a pas de société organisée.

Conscients que notre action s’inscrit dans le cadre global de la mondialisation des rapports économiques, culturels, sociaux entre les nations et les individus, nous luttons contre la pauvreté et toutes les formes d’exclusion ou de discrimination pour assurer à nos compatriotes l’exercice effectif de leurs droits et libertés, la dignité et l’épanouissement personnel. Nous défendons le travail et agissons pour assurer une meilleure sécurité des salariés contre l’extension des précarités.

Attachés à l’autorité et à la neutralité de la puissance publique, nous promouvons la conception d’un Etat modernisé qui assure la justice et la solidarité entre les citoyens ; qui garantit le droit à la santé et à la retraite pour chacun ; qui s’appuie sur des services publics rénovés correspondant aux besoins de la collectivité nationale ; qui garantit l’autonomie des collectivités territoriales ; qui reconnaît la pleine responsabilité des partenaires sociaux. Nous oeuvrons pour que la puissance publique donne aux départements et territoires d’Outre mer les moyens d’une pleine égalité et reconnaisse l’apport de leur diversité.

Défenseurs de la liberté de conscience et de la laïcité, nous promouvons la liberté d’expression et le plus large accès à l’information et à la culture. Nous veillons à l’application du principe de parité entre les hommes et les femmes dans toutes les institutions et dans la société.

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XVIII

Soucieux de favoriser l’intégration des populations immigrées résidant sur notre sol, nous favorisons leur adhésion aux valeurs de la République et mettons en œuvre une égalité de plus en plus réelle entre tous. Les droits de chacun doivent s’accompagner de mesures susceptibles d’en permettre la réalisation. Certains que notre environnement naturel est un bien commun qu’il faut préserver, nous oeuvrons pour un développement durable fondé sur le respect des ressources naturelles, la maîtrise des ressources énergétiques et la protection des espèces.

Profondément européens, nous militons pour une Union politique capable de peser sur l’organisation du monde. Avec les parlementaires de l’ensemble des Etats membres et du Parlement européen qui se reconnaissent dans nos valeurs, nous oeuvrons pour une réorientation économique et sociale de l’Union et travaillons à la construction d’un espace public qui permette aux peuples de s’exprimer et de décider de leur avenir commun. Militants de la paix, de la concorde et de l’échange entre les peuples, nous défendons la conception d’un monde multipolaire appuyé sur des institutions internationales qui garantissent des règles communes entre les Nations et qui protègent les peuples ou les minorités menacés. Nous voulons un développement plus solidaire envers les pays pauvres à travers des règles commerciales plus justes et des politiques de coopération plus efficaces. En toutes circonstances, nous plaçons notre action dans le cadre de la promotion de l’intérêt général. Nous constituons une force alternative capable d’assurer les responsabilités de l’Etat. Dans cet esprit, toutes les propositions que nous présentons au Parlement valent acte de gouvernement.

Le président du groupe : Jean-Marc AYRAULT

(*) Le groupe socialiste, radical et citoyen a changé de dénomination le 11 juillet 2007 pour devenir le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), 24 membres

Les député-e-s de France continentale et d’Outre Mer, signataires de la présente déclaration, constituent un groupe parlementaire technique afin de bénéficier des droits associés à la constitution d’un groupe et de favoriser la recherche des moyens d’efficacité de l’action de chaque député-e du groupe.

Les député-e-s Communistes, Verts, Républicains et Ultra Marins entendent faire vivre le libre débat au sein de l’Assemblée nationale, pour assurer la transparence des décisions, pour favoriser le pluralisme et en faire un véritable contre-pouvoir au service des citoyens.

Par leurs propositions, leurs interventions et leurs votes, les député-e-s Communistes, Verts, Républicains et Ultra Marins, pèseront en faveur de tout ce qui sera de nature à rassembler la gauche et à résister face aux projets du gouvernement.

La liberté de conscience, la liberté de la pensée et de son expression sont l’apanage de la République. Elles sont inséparables de la dignité du citoyen, les défendre est le premier devoir du parlementaire. Pour le respect de ces libertés fondamentales dans le cadre de l’Assemblée nationale, se regroupent les député-e-s agissant sous leur responsabilité personnelle et n’acceptant d’autre directive que celle de leur conscience. La liberté de vote leur est garantie. Les député-e-s Communistes, Verts, Républicains et Ultra Marins se rassemblent autour des valeurs de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité. La diversité des sensibilités constitutives aujourd’hui de leur groupe, dans le respect des options individuelles, est une richesse mise au service de ce projet.

Le président du groupe : M. Jean-Claude SANDRIER

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XIX

Groupe Nouveau Centre (NC), 20 membres

Unis au cœur de la vie politique française, les députés soussignés constituent un groupe parlementaire dénommé Nouveau centre.

Partenaires loyaux de la majorité présidentielle née le 6 mai 2007, ils apportent leur soutien au Président de la République dans sa volonté de rassembler au-delà des clivages traditionnels et de mettre en place les réformes profondes dont le pays a besoin. Ils sont déterminés à exercer leur liberté de parole et à être force de propositions au sein de la majorité, pour mener à bien le redressement du pays. Ils auront à cœur de défendre les aspirations et les préoccupations des Françaises et des Français et de se faire leur porte-parole auprès du gouvernement à l’Assemblée nationale.

Les députés du groupe Nouveau centre entendent agir pour construire une démocratie moderne et affirment leur attachement aux idées et aux valeurs sociales, libérales et européennes.

Ils souhaitent réconcilier l’économie et la solidarité. Dans un monde confronté à la mondialisation, seule une économie de marché performante, fondée sur le travail et l’innovation, permettra de développer l’emploi et de créer les richesses que l’on pourra redistribuer pour mettre en œuvre la nécessaire solidarité. Seule l’attention portée aux plus faibles de la société assure l’équilibre de cette économie. En redonnant aux Français le goût d’entreprendre, en revalorisant le travail, en diminuant les charges sociales, en développant la recherche, on redonnera à la France les moyens d’une croissance dynamique.

Ils entendent également contribuer à moderniser notre vie politique. Il est temps de faire respirer notre démocratie, de redonner du sens à nos institutions, qu’il s’agisse de la restauration du rôle du Parlement, de la garantie d’un Etat impartial, de la promotion de la société civile, d’une plus juste représentation des forces politiques au Parlement.

Les députés du groupe Nouveau centre souhaitent une gestion budgétaire saine et responsable, visant à réduire la dette et équilibrer le budget de fonctionnement de l'Etat. Pour assurer la croissance de la France et pour l’avenir de nos enfants, l’assainissement des finances publiques est pour nous une priorité.

Autre priorité absolue du pays, l’école, avec un objectif : réduire l’échec scolaire et faire de l’école un lieu d’excellence pour tous. Des parcours de formation et d’apprentissage mieux adaptés aux élèves permettront de valoriser toutes les voies de réussite. C’est une nouvelle relation de confiance qui doit s’instaurer entre les enseignants, les parents d’élèves et la Nation.

Les députés du groupe Nouveau centre sont profondément conscients de la nécessité d’agir concrètement pour préserver l’environnement. Porte-parole des droits de l’Homme, la France doit aussi devenir le porte-parole des droits des générations futures. Ils souhaitent la fixation d’objectifs clairs en promouvant une économie et une société responsables sur le plan environnemental.

Les députés du groupe Nouveau centre sont, de cœur et de raison, profondément Européens et convaincus que la France a besoin d’Europe, pour défendre notre modèle de société et notre prospérité, pour peser sur le monde. L’urgence est aujourd’hui de donner à l’Europe les moyens de fonctionner démocratiquement à 27, ce qui passe par la rédaction rapide d’un nouveau traité répondant aux attentes des peuples de l’Union. Enfin, les députés du groupe Nouveau centre veulent répondre aux attentes des Français qui ont le sentiment d’être les « oubliés du progrès » et doutent de la capacité des politiques à résoudre les problèmes du pays. En rejetant une manière trop lointaine de faire de la politique, en menant jusqu’au bout les réformes nécessaires, en disant la vérité aux Français, ils veulent leur redonner l’espoir, pour que la France redevienne un modèle.

Le président du groupe :François SAUVADET

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Annexe III – Exemple de document Whip hebdomadaire

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Table des Matières

Introduction (p. 1)

PREMIERE PARTIE – LE GROUPE PARLEMENTAIRE, UN ORGANE DE TRAVAIL

DES ASSEMBLEES PARLEMENTAIRES (P. 18)

Chapitre 1 – L’encadrement juridique des groupes parlementaires (p. 19)

Section 1 – La reconnaissance juridique des groupes parlementaires (p. 20)

Paragraphe 1 – La reconnaissance juridique générale des groupes parlementaires (p.20)

Paragraphe 2 – La reconnaissance constitutionnelle des groupes parlementaires (p. 24)

Section 2 – Les conditions juridiques de constitution des groupes parlementaires (p. 29)

Paragraphe 1 – L’exigence d’un effectif minimum (p. 31)

Paragraphe 2 – La publication de la déclaration politique et la liste des membres en

France (p. 37)

Paragraphe 3 – La réception hebdomadaire du document whip au Royaume-Uni (p. 40)

Chapitre 2 – Le cadre de fonctionnement interne et les fonctions parlementaires

des groupes parlementaires (p. 43)

Section 1 – L’organisation interne des groupes parlementaires (p. 44)

Paragraphe 1 – La direction des groupes parlementaires (p. 45)

Paragraphe 2 – Les réunions des groupes parlementaires (p. 50)

Section 2 – Les compétences des groupes parlementaires dans le travail législatif (p. 55)

Paragraphe 1 – La détermination de la composition d’organes parlementaires (p. 55)

Paragraphe 2 – La participation à l’organisation des séances parlementaires (p. 58)

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DEUXIEME PARTIE – L’OPPOSITION PARLEMENTAIRE, UNE FONCTION

SPECIFIQUE EXERCEE PAR CERTAINS GROUPES PARLEMENTAIRES (P. 63)

Chapitre 1 – La définition juridique du concept d’opposition parlementaire (p. 65)

Section 1 – La reconnaissance juridique de l’opposition parlementaire (p. 66)

Section 2 – La construction du concept juridique d’opposition parlementaire (p. 72)

Section 3 – La nature juridique du « troisième ensemble », le groupe minoritaire (p. 78)

Chapitre 2 – La constitution de l’opposition parlementaire comme organe (p. 80)

Section 1 – Une fonction de contrôle (p. 83)

Section 2 – Une fonction législative (p. 88)

TROISIEME PARTIE – LA COMPATIBILITE ENTRE LA RECONNAISSANCE

D’ORGANES D’ASSEMBLEES ET LE PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DE LIBERTE

DU MANDAT PARLEMENTAIRE (P. 96)

Chapitre 1 – L’interdiction du mandat impératif (p. 97)

Section 1 – Une norme formellement constitutionnelle (p. 99)

Section 2 – L’interdiction générale de la délégation de vote (p. 103)

Chapitre 2 – Les atteintes au principe de liberté du mandat parlementaire (p. 105)

Section 1 – La violation du principe du vote personnel (p. 106)

Section 2 – La restriction apparente de la liberté de vote par la discipline

parlementaire (p. 109)

Conclusion (p. 116)