logique ii : calcul des propositions

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LOGIQUE II : Calcul des propositions (Attention des schémas et des dessins manquent dans la version électronique).

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LOGIQUE II : Calcul des propositions

(Attention des schémas et des dessins manquent dans la version électronique).

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INTRODUCTION

Nous n’allons pas, dans cette dernière partie du cours, présenter une logique radicalement différente de celle que nous avons vu précédemment. La logique des propositions est la logique stoïcienne. Par contre, nous allons adopter un mode de présentation complètement différent. Jusqu’à présent, nous restions aussi près que possible du fonctionnement de la langue commune. A partir de maintenant, nous n’allons plus le faire. Lorsque nous avons introduits les différentes quantités des propositions, nous nous référions, pour expliquer le sens des concepts d’universalité et de particularité, à des expressions de la langue usuelle « bien connue » (les mots « tous », « certains ») ; lorsque nous avons défini les connecteurs logiques, nous avons renvoyé immédiatement aux mots de liaison en français. Cette méthode est didactiquement la meilleure. Mais elle a un inconvénient : elle importe en logique les éventuelles imprécisions de la langue usuelle, et les confusions qu’elle induit. Ainsi, le symbole d’implication, tel qu’il est manipulé par les stoiciens, n’est pas tout à fait le meme que le « si…, alors… » du français. Et la meme remarque vaut pour la disjonction. Chez les Anciens, ce défaut était inévitable ; il tenait au fait que l’objet du logicien n’était pas tant le langage, que le discours intérieur, la pensée. Pour les logiciens contemporains par contre, ce renvoi aux langues usuelles est problématique, et ceci pour au moins deux raisons :

1- L’idée que le détour par le français est un simple moyen non essentiel, car ce que l’on cherche à décrire, c’est la structure de la pensée, ne convainc pas : la différence entre ce que l’on considère comme une manifestation de la pensée, et ce que l’on considère comme une manifestation accidentelle du langage utilisé n’est pas suffisamment précisée.

2- L’idée aristotélicienne que derrière la multiplicité des langues se manifeste une et une seule pensée, gouvernée par une et une seule logique, n’est plus universellement acceptée – d’où la nécessité de définir autrement le sens des concepts fondamentaux.

Telles sont les raisons pour lesquelles les logiciens adoptent aujourd’hui une présentation nettement plus abstraite, qui ne les oblige pas à accepter telle ou telle théorie générale sur les relations entre pensée et langage, et sur l’universalité de la pensée.

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Comment procèdent les logiciens contemporains ? Ils définissent, dans un premier temps, ce qu’ils nomment un langage formel ; ils dotent, dans un second temps, les signes de ce langage d’une signification. 1- Définition d’un langage formel La construction d’un langage artificiel, le langage dont on cherche à décrire la structure logique, permet de répondre à la première des deux critiques formulées ci-dessus. Le langage construit par les logiciens n’a pas en effet pour mission de représenter les structures de notre pensée. Il est simplement un système de signes parmi d’autres, dont on décrit le fonctionnement. Le point important, sur lequel je reviendrai, est le suivant : le langage artificiel étudié n’a pas à etre, en quelque sens que ce soit, « intéressant » ; il n’a pas à représenter quelque chose. La seule exigence est que le système de règle mis au point soit fixe et précis. 2- L’interprétation des signes du langage Pour doter les signes du langage formel artificiel qu’ils ont inventés, les logiciens ne renvoient pas à des expressions du français, exprimant, au niveau du discours intérieur, des structures logiques fondamentales. Pour les logiciens contemporains (Cf. la seconde critique ci-dessus), il n’y a peut-etre pas de pensée unique reflétée par l’ensemble des langues. L’interprétation des symboles fondamentaux s’effectue dans la logique contemporaine par le biais de stipulations arbitraires fixant les conditions de vérité de certaines expressions. Ainsi, le signe « ∧ » ne sera pas renvoyé à la conjonction de coordination en français ; il sera le signe, qui lorsqu’il relie deux signes de proposition quelconques, assigne à la proposition formée la valeur vraie si et seulement si les deux propositions reliées sont vraies. On aurait très bien pu le définir autrement, et le fait de le définir ainsi est un choix, posé comme telle par le logicien. Ce qu’il vous faut comprendre, c’est le caractère artificiel de la construction. Les logiciens contemporains construise un langage, dont ils définissent très précisément la grammaire ; ils dotent ensuite ce langage d’une interprétation, par le biais de la position de stipulations arbitraires. Ils cherchent enfin à décrire certaines structures de la construction artificielle ainsi construite. L’idée que la logique reflète les structures ultimes du monde, ou les opérations fondamentales d’un sujet connaissant, est abandonnée.

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Cela ne signifie pas pour autant que la logique perd tout intérêt. La connexion avec les « problèmes généraux de la philosophie, ou de la psychologie » ne disparaît pas, mais devient plus opaque, et est reléguée à la marge des travaux des logiciens, qui sont en réalité de nos jours, des mathématiciens. Nous allons adopter ce mode de présentation pour exposer le calcul des propositions. Au début (un petit peu certainement, comme au début du semestre précédent), ce que l’on va faire va vous sembler très étrange, et peut-etre difficile. Ne vous inquiétez pas : cela n’est pas plus difficile que ce que l’on a fait jusqu’à maintenant. Il faut simplement que vous acceptiez l’abstraction plus grande de la présentation – que vous ne cherchiez pas immédiatement à comprendre « ce que tout cela veut dire ». Considérez les règles de fonctionnement du langage, et les règles sémantiques (= permettant d’interpréter les signes) comme des règles d’un jeu que je vais vous apprendre ; ces règles sont pensées par les logiciens eux-memes comme aussi artificielles que celles de la belote ou du tarot. 1 - LA SYNTAXE DU CALCUL DES PROPOSITIONS Nous allons définir le langage du calcul des propositions. Mais, d’abord, qu’est-ce qu’un langage ? 1- 1 : La notion de langage formel Dans l’acception courante, un langage, c’est un ensemble de mots (vocabulaire), de règles de combinaison de ces mots (grammaire), et de significations associées à ces mots (le dictionnaire les consignent). Un langage formel, c’est seulement un ensemble de mots et de règles de combinaison de ces mots. Autrement dit, aucune signification n’est attachée aux combinaison de symboles d’un langage formel. C’est la construction d’une sémantique pour un langage formel particulier qui dote les expressions définies de signification. Vous pourriez dire que la notion de langage formel est extremement pauvre. A quoi bon définir un ensemble de combinaison de symboles qui ne veulent rien dire ? La notion est effectivement assez pauvre. Mais pour autant, définir un langage formel, cela exige du travail ; maitriser un langage formel, c’est en effet pouvoir rigoureusement distinguer les combinaisons de symboles qui appartiennent au langage de celles qui ne luiappartiennent pas.

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Dans le langage courant, une telle possibilité de séparer les expressions qui appartiennent au langage de celles qui ne lui appartiennent n’existe pas. Un énoncé comme « c’est trop cool » appartient-il ou non au français ? Un mot anglais, n’appartenant pas au français, y figure ; la construction grammaticale est défectueuse ; ces deux raisons incitent à exclure la phrase du français. Pourtant, tout locuteur du français la comprend. La limite dans les langues vernaculaires entre ce qui est et ce qui n’est pas une expression bien formée est floue. C’est ce flou que la définition d’un langage formel entend faire disparaître. Dans une langue formelle, on sait séparer le bon grain de l’ivraie, et reconnaître au premier coup d’œil les énoncés mal formés. Un langage formel est un ensemble de formules bien formées (= symboles complexes ou simples formés selon des règles). La définition d’un tel langage s’effectue en deux étapes : 1- L’énumération des signes simples (le vocabulaire) 2- L’énumération des règles de formation des formules (la grammaire) Je vous donne un exemple de langue formelle. Soit L, le langage :

1- qui ne comporte qu’un seul signe simple : § 2- qui ne comporte que deux règles de formation :

- a : § est une formule de L - b : si ϕ est une formule de L, alors §ϕ est une formule de L.

Les points 1 et 2 nous permettent de distinguer les formules appartenant à L des autres. Ainsi, l’expression « A§ » n’est pas une expression de L, car un signe simple « A » apparaît qui n’appartient au vocabulaire de L. Le symbole « §

§ » ne comporte que des signes appartenant au vocabulaire de L, mais ils ne sont pas combinés comme les règles grammaticales le stipule (un signe § doit suivre horizontalement, et non verticalement, un autre signe §). L’expression « §§§ » appartient à L. En effet, d’après a, « § » est une formule ; d’après b, « §§ » est une formule ; d’après b encore, « §§§ » est une formule. Ne demandez pas que veut dire la formule « §§§ » ! Elle ne veut rien dire du tout, et son absence de signification n’a rien de problématique : une langue formelle est un vocabulaire et une grammaire ; elle ne peut véhiculer aucune information par elle-meme.

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Remarque terminologique : les règles du type de la règle b, qui donnent les moyens permettant, à partir de formules déjà données, de construire d’autres formules, s’appelle des règles récursives de construction des formules. 1- 2 : La définition du langage du calcul propositionnel (en abrégé : CP) Nous allons définir un langage formel particulier, celui du calcul des propositions. Il est plus complexe que le langage précédent. Définition du vocabulaire du CP : (i) Un ensemble (possiblement infini) de lettres : {p, q, r, …} (ii) L’ensemble des parenthèses ouvrantes et fermantes : {(, )} (iii) L’ensemble des connecteurs propositionnels : {~, ∧, v, ⇒, ⇔} Définition des règles de syntaxe du CP : (i) Les lettres de proposition sont des formules (on les appelle les formules atomiques ou

élémentaires) (ii) Si ϕ est une formule, alors ~ϕ est une formule (iii) Si ϕ et ψ sont des formules, alors (ϕ ∧ ψ), (ϕ v ψ), (ϕ ⇒ ψ), (ϕ ⇔ ψ) sont des

formules Exemples simples de formules du CP: - p, q, r sont des formules du CP d’après la règle i; - ~p, ~q, ~r sont des formules du CP, d’après la règle i, et la règle ii. - (p v q), (p v p), (q ⇒ r), (r ⇔ r), (p ∧ r) sont des formules du CP, d’après la règle i et la règle iii. Exemples plus compliqués : - ~(q ⇒ r), ~(p v p) sont des formules du CP, d’après la règle ii, appliquée aux formules construites d’après la règle i et iii. - (p ⇒ ~p), (~p v ~q) sont des formules du CP : la règle iii est appliquée à des formules négatives.

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- ~(p ⇒ (p v ~~r)) est une formule du CP, que l’on forme en appliquant successivement les différentes règles à p, q et r. Contre-exemples: - v, ⇒, (v⇒) ne sont pas des formules du CP; les règles ne permettent pas de construire ces formules. - (* ⇒ p) n’est pas une formule du CP; * n‘est pas une lettre. - (p v q v r ⇒ r) n’est pas une formule du CP; ils manquent des parenthèses. Cas litigieux: En toute rigueur, les suites de symboles « p v q », « r ⇒ q » ne devraient pas etre considérés comme des formules du CP; ils leur manquent les parenthèses extérieures. Toutefois, on admet ici une tolérance : lorsque seules les parenthèses extérieures manquent, la suite de symboles est considérée comme une formule du CP (comme la formule qui possède des parenthèses extérieures). Remarque : les lettres grecques ϕ et ψ qui apparaissent dans les clauses ii et iii ne sont pas des formules du langage du CP, mais des variables métalinguistiques (= qui appartiennent au langage qui nous sert à décrire le langage CP). Elles désignent n’importe quelle formule du CP, que ces formules soient simples (p, q, r, …) ou complexes ((p ⇒ ~p), (~p v ~q), etc,…) . 1- 3 : L’arbre d’une formule CP Faire un arbre d’une formule du CP, c’est représenter graphiquement comment la formule ϕ peut être engendrée à partir des formules simples et des règles. Prenons l’exemple de l’arbre de la formule (1) : (~(p v q) ⇒~~p) ⇔ r. (1) est une formule du CP. Pour le montrer, il faut prouver que (1) peut etre construite en respectant les règles du langage CP. On va représenter cette construction par un arbre, qui se lit de bas en haut. Les racines de l’arbre sont constituées des formules simples p, q, r, qui sont d‘après i, des formules. A partir de p et de q (en bas à gauche de l’arbre), on peut former, grâce à la règle iii, la formule du CP (p v q), puis grâce à la règle ii, ~(p v q). A partir de p (en bas à droite de la racine précédente), on peut former ~p, puis ~~p, d’après la règle ii. A partir de ~(pvq) et de

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~~p, on peut former (~(p v q) ⇒~~p), en vertu de la règle iii. Et ainsi de suite: on progresse verticalement dans l’arbre en utilisant les règles i, ii, iii, jusqu’à la formule à construire. (~(p v q) ⇒~~p) ⇔ r (iii) (~(p v q) ⇒~~p) (iii) r (i)

~(p v q) (ii) ~~p (ii) (p v q) (iii) ~p (ii) p (i) q (i) p (i) Les lettres « (i) », « (ii) », « (iii) », indiquent à chaque étape les règles qui permettent d’écrire les formules à partir des formules qui les précèdent immédiatement lorsqu‘on lit l‘arbre de bas en haut. L’arbre commence en bas par les formules atomiques de la formule dont on construit l’arbre. Terminologie : toutes les formules qui apparaissent dans l’arbre sont des sous-formules (à chaque nœud de l‘arbre, correspond une sous-formule) ; le connecteur qui est introduit le dernier (qui apparaît le plus haut dans l’arbre) est le connecteur principal de la formule. Ce que nous révèle l’arbre syntaxique d’une formule, c’est que l’ordre typographique de succession des signes dans la formule ne correspond pas à la véritable organisation (l’organisation grammaticale) de la formule. Les groupes de signes qui font unité ne sont pas n’importe quelle succession de symboles simples : par exemple, dans l’énoncé « (~(p v q) ⇒~~p) ⇔ r » analysé ci-dessus, « (p v q) » est une sous-formule, « ~(p » n’en est pas une. Les règles de syntaxe permettent de briser la linéarité des signes et de faire apparaître la véritable structure sous-jacente des énoncés. Cet écart entre ordre de succession et organisation grammaticale des symboles a son correspondant dans les langues usuelles. Lorsque que vous déchiffrez une langue que vous ne connaissez pas, vous ne parvenez pas à repérer les articulations grammaticales (= vous ne

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parvenez pas à construire l’arbre syntaxique des énoncés) ; lorsque vous maîtrisez une langue, vous réussissez à grouper les mots épars de la phrase très rapidement. Cela est particulièrement valide pour les langues dont la grammaire est uniforme et rigoureuse (l’allemand par exemple). Conclusion sur la syntaxe du CP : Pour construire le langage du calcul des propositions (= CP), on a été obligé d’utiliser un langage qui n’était pas celui dont on parlait (= le langage-objet). C’est toujours le cas lorsque l’on apprend un nouveau langage qui nous est complètement étranger: le vocabulaire de base ainsi que les grandes lignes de son fonctionnement sont décrites dans un langage qui nous est déjà familier. Ce simple fait explique pourquoi l’apprentissage de la langue maternelle ne peut etre considérer sur le modèle de l’apprentissage des autres langues. Les logiciens contemporains, très scrupuleux, sont très attentifs à distinguer ce qui appartient au langage-objet et ce qui appartient au langage utilisé pour décrire ce langage-objet (le métalangage), qui est ici le français courant. La distinction n’est pas toujours aisée à faire. Remarquez par exemple que, dans les clauses syntaxiques ii et iii énoncées plus haut, un « si … alors… » métalinguistique apparaît, qui ne saurait être identifié à « ⇒ » du langage-objet. Dit autrement, pour comprendre les règles d’usage de « ⇒ », on doit déjà connaître le sens de « si … alors ». 2 - LA SEMANTIQUE STANDARD DU CALCUL DES PROPOSITIONS La façon dont les logiciens procèdent aujourd’hui est généralement la suivante : après avoir défini un langage, ils construisent une sémantique pour ce langage, c’est-à-dire mettent en relation, de manière réglée, les formules de ce langage avec un ensemble d’objets. L’idée sous-jacente est qu’un ensemble de symboles, même organisé syntaxiquement, n’acquiert de signification que lorsqu’il est mis en relation avec quelque chose qui est différent de lui. Un signe, c’est dans cette perspective, quelque chose qui pointe vers quelque chose d’autre. Cette idée est assez naturelle. Le signe « table » n’acquiert-il pas une signification lorsqu’il est lié à une table réel, en bois avec quatre pieds? Il vous faut cependant faire attention. Les logiciens contemporains définissent une sémantique comme une mise en relation des signes

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avec des objets. Or ces objets ne sont pas nécessairement des objets matériels. Ils sont très généralement des choses qui se distinguent des signes du langage: ils peuvent etre des corps physiques, mais également des sons, des couleurs, ou bien d’autres signes. Ils peuvent etre n’importe quoi qui n’appartient pas au langage considéré. Ainsi, nous allons voir que dans la sémantique standard du CP, les objets en question sont le Vrai et le Faux. Vous pouvez considérer ces « objets » soit dans leur sens habituel (dire d’une proposition p qu’elle est vraie, c’est dire que ce « qu’elle raconte a une réalité »), soit simplement comme deux signes différents, deux valeurs opposées. Peu importe. Ce qui est essentiel pour le logicien, ce sont les règles par lesquelles on attribue aux formules du CP les deux valeurs Vrai et Faux. Nous allons définir une sémantique, que l’on considère comme la sémantique « standard » du CP. Il y en a bien d’autres possibles, mais nous n’en parlerons pas. Deux thèses sont au fondement de cette sémantique : (i) la thèse de bivalence : toute formule du langage du calcul des propositions est soit

vraie soit fausse. On doit associer à chaque formule du CP soit l’objet V, soit l’objet F, mais pas les deux en même temps.

(ii) la thèse de vérifonctionnalité (ou encore de compositionalité) : la valeur de vérité de n’importe quelle formule du CP est fonction de la valeur de vérité de ses formules atomiques. Des règles nous permettent de déterminer quel objet (= quel valeur de vérité) attribuer à une formule complexe si on connaît les objets (= les valeurs de vérité) des formules simples dont elle est composée.

2- 1: Construction de la sémantique standard du CP Le concept central de toute sémantique du calcul des propositions est le concept de fonction d’évaluation, qui met en relation les formules avec les objets Vrai ou Faux. Une fonction est très généralement une relation entre un élément d’un ensemble « source » (l’ensemble des arguments possibles de la fonction) et un élément d’un ensemble « but » (l’ensemble des valeurs possibles de la fonction), qui a la propriété suivante : aucun élément de l’ensemble « source » n’est relié à deux, ou plus, éléments de l’ensemble « but ». Dans la sémantique standard, la fonction d’évaluation pour le calcul des propositions est une fonction qui a pour ensemble « source » l’ensemble des formules, et pour ensemble « but » le

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couple {V, F} (V est une abréviation de vrai, F de faux ; l’ensemble « but » est donc l’ensemble des deux valeurs de vérité). La définition d’une fonction d’évaluation s de la sémantique standard du CP se déroule en deux étapes : a- Evaluation des formules atomiques : s attribue au hasard une valeur de vérité et une seule à chacune des formules atomiques du CP. b- Evaluation des formules complexes : la fonction s est telle que :

(i) s(~ϕ) = V si et seulement si s(ϕ) = F (ii) s(ϕ ∧ ψ) = V si seulement si s(ϕ) = V et s(ψ) = V (iii) s(ϕ v ψ) = F si et seulement si s(ϕ) = F et s(ψ) = F (iv) s(ϕ ⇒ ψ) = F si et seulement si s(ϕ) = V et s(ψ) = F (v) s(ϕ ⇔ ψ) = V si seulement si s(ϕ) = s(ψ)

Les deux principes de bivalence et de vérifonctionalité sont respectées : la fonction d’évaluation attribue à toute formule du langage une valeur de vérité ; les valeurs de vérité des formules complexes sont déterminées par les valeurs de vérité des formules atomiques (grâce aux règles b). Soulignons que les cinq règles énoncées en b- sont des stipulations arbitraires posées par le logiciens. Vous pouvez toutefois remarquer que ces conventions ne sont pas surprenantes, et ne font qu’expliciter la signification que l’on attribue spontanément aux mots français, et que les stoïciens attribuaient à « ne … pas », « et », « si et seulement si » et (de façon moins évidente) à « ou » et « si … alors ». De façon plus générale, la présentation qui précède doit vous paraître bien abstraite. Ne vous inquiétez pas, la lecture de ce qui suit devrait vous permettre de vous y retrouver, et de faire le lien avec ce que l’on a déjà vu concernant la logique stoicienne.

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2- 2 : Une représentation graphique de la totalité des fonctions d’évaluation d’une formule : les tables de vérité (I) Il est possible de représenter les clauses b(i)-b(v) par des tables. Nous en dessinerons deux, celles de la négation et celle de l’implication. p ~p V F F V La clause b(i) nous dit que s(~ϕ) = V si et seulement si s(ϕ) = F; la table exprime cette condition ainsi: lorsque dans la première ligne, p est vrai, alors ~p est fausse; et lorsque dans la seconde ligne p est fausse, alors ~p est vrai. Les deux lignes de la table représente les deux fonctions d’évaluation possible: la première attribue à la formule atomique p la valeur V, la seconde la valeur F. p q p⇒q V V V V F F F V V F F V La clause b(iv) nous dit que : s(ϕ ⇒ ψ) = F si et seulement si s(ϕ) = V et s(ψ) = F. Nous avons représenté les quatre fonctions d’évaluation s possibles: la première correspond à la première ligne, et attribue à p et q les valeurs V; la seconde correspond à la seconde ligne, et attribue à p la valeur V, à q la valeur F; la troisième correspond à la troisième ligne, et attribue à p la valeur F, et à q le V; la quatrième correspond à la quatrième ligne, et attribue à p et q les valeurs F. La règle b(iv) nous permet de remplir la dernière colonne: p⇒q est fausse uniquement quand p est vrai et q fausse, c’est-à-dire dans la seconde ligne, et la formule est vraie ailleurs.

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Mode de fonctionnement d’une table de vérité: Le premier principe de lecture d’une table est que chaque ligne correspond à une fonction d’évaluation déterminée. Prenons la première ligne de la seconde table : la fonction d’évaluation s est telle que s (p) = V, et s (q) = V ; prenons la seconde ligne : la fonction d’évaluation s est telle que s (p) = V et s (q) = F. On peut le dire autrement : chaque ligne d’une table correspond à un état possible de la réalité et la totalité des lignes correspond à l’ensemble des états possibles du réel. Le second principe de lecture est le suivant : les règles b(i)-(v) détermine la forme de la dernière colonne en fonction de celle(s) qui précède(nt). La règle b(iv) détermine que (p⇒q) est fausse si et seulement si p est vrai et q fausse; la règle b(i) nous apprend qu’il faut inverser la valeur de vérité de la ligne correspondante dans la colonne précédente pour remplir la dernière colonne. On pourrait interpréter « philosophiquement » la distinction entre ces deux principes de lectures ainsi. D’un point de vue logique, aucune contrainte logique ne pèse sur l’évaluation des formules atomiques, ce qui veut dire que pour savoir comment est la réalité (si elle ressemble à la première ligne, à la seconde, à la troisième, etc…), il faut vérifier empiriquement, et donc a posteriori, ce qui se passe dans le monde. Imaginons que p = il pleut, et q = c’est Mardi gras. Le logicien ne peut pas déterminer si p est vrai et si q est vrai; c’est pourquoi il doit envisager toutes les possibilités - c’est pourquoi il doit envisager les quatre cas possibles qui forment les quatre lignes dans la table de vérité composée de p et de q. Par contre, ce que le logicien peut dire, c’est la chose suivante: si p et q sont toutes les deux vraies, alors l’énoncé « s’il pleut, alors c’est Mardi gras » est vrai. Le fait, qu’une fois déterminées les valeurs de vérité des formules atomiques, la fonction d’évaluation permette de calculer la valeur de vérité des formules complexes reflète le fait l’on peut a priori, de manière purement logique, sans consulter la réalité, déterminer la valeur de vérité des propositions complexes si on connaît celle de ses formules simples (les règles b(i)-(v) représentent la structure invariante de tous les états possibles de la réalité). 2- 3 : Une représentation graphique de la totalité des fonctions d’évaluation d’une formule : les tables de vérité (II)

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Jusqu’à présent, nous nous sommes contenté de construire des tables de vérité très simples, ne mettant en jeu au plus que deux formules atomiques, et un connecteur. En réalité la méthode peut se généraliser. On peut « faire » la table de vérité de n’importe quelle formule du CP, aussi complexe soit-elle. Dit autrement, on peut représenter graphiquement à l’aide d’une table le lien qui existe entre les valeurs de vérité d’une formule complexe et celles de ses atomes. Prenons l’exemple de la formule f = (~(p v q) ⇒~~p) ⇔ r. Voici sa table :

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p q r p v q ~(p v q) ~~p ~(p v q)

⇒~~p f

V V V V F V V V V V F V F V V F V F V V F V V V V F F V F V V F F V V V F F V V F V F V F F V F F F V F V F F F F F F F V F F V Nous avons figuré par des flèches les colonnes en fonction desquelles se faisait, à chaque étape, l’évaluation ; nous avons ajouté quelle règle sémantique nous utilisions. Ainsi, pour construire la 4ème colonne, je dois seulement considérer la 1ère et la 2nde; pour construire la 5ème, je n’ai besoin de considérer que la 4ème (la négation inverse les valeurs de vérité); remplir la 7ème m’oblige à prendre en compte la 5ème (l’antécédent de l’implication) et la 6ème (le conséquent de l’implication): je mets des F seulement dans les lignes où la l’antécédent est V et le conséquent est F (c’est-à-dire dans les deux dernières lignes); enfin, remplir la 8ème colonne m’oblige à regarder ce qui se passe dans la 7ème et dans la 3ème. La représentation par des tables de vérité se relève très commode. Elle nous permet d’un seul coup d’œil de déterminer quand f est vraie, quand f est fausse. Elle nous permet par exemple de dire que, lorsque p est V, q est F, r est V (3ème ligne), f est vraie; que, par contre, lorsque p est V, q est V mais r est F, f est fausse (4ème ligne). Si les tables de vérité sont utiles, elles ne sont néanmoins pas indispensables : on pourrait tout à fait évaluer la valeur de vérité de la formule f sans utiliser les tables, simplement en considérant l’ensemble des fonctions d’évaluation possibles. Mais l’exercice serait long et très ennuyeux.

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Les tables sont aux règles d’évaluation, ce que les figures géométriques sont aux équations algébriques: il est possible de faire de l’algèbre sans figure, mais cela aide beaucoup de se représenter visuellement ce que les calculs nous livrent. Remarque utile (non démontrée) : la table d’une formule qui contient n formules atomiques doit comporter 2n lignes (c’est-à-dire qu’il y a 2n états possibles du monde différents, où encore 2n fonctions d’évaluation différentes). Cette remarque est commode, parce qu’elle vous permet de vérifier que votre table est bien construite. Si vous faites une table avec trois formules élémentaires, alors votre table doit posséder 2x2x2 = 8 lignes. Si elle ne comporte que 7 lignes, elle est mal faite. Il est absolument indispensable que vous sachiez construire des tables de vérité de n’importe quelle formule du CP. Entrainez-vous en faisant des exercices. Il est inutile de continuer à lire le cours, si vous ne maîtrisez pas la partie que l’on vient de voir. Inversement, la suite du cours n’est finalement qu’une application de ce que l’on vient d’exposer, de sorte que si vous maîtrisez les tables, la suite du texte ne devrait pas vous poser de problèmes. 2- 4 : Tautologie, équivalence logique et conséquence sémantique Nous allons maintenant définir trois concepts sémantiques importants: celui de tautologie, celui d‘équivalence logique, et celui de conséquence sémantique. Il faut que vous les maitrisiez : ils donneront lieu à de nombreux exercices. 2. 41: Le concept le plus simple est celui de tautologie. Dans la vie courante, on dit d’un énoncé qu’il est tautologique, lorsqu’il est évident, lorsqu’il ne nous apprend rien. La phrase « il pleut ou il ne pleut pas » est un exemple de tautologie ; je ne sais rien de plus lorsque je connais cette « information » qu‘avant de la connaitre: quel que soit le temps qu’il fait, « il pleut ou il ne pleut pas » est un énoncé vrai. Un énoncé est tautologique lorsqu’il est « toujours » vrai, c’est-à-dire, formulé de façon plus rigoureuse, lorsque l’énoncé est vrai quelle que soit la valeur de vérité de ses atomes. On peut définir formellement une tautologie ainsi :

une formule ϕ du CP est une vérité logique (= une tautologie) si et seulement si, quelle que soit la fonction s, s(ϕ) = V.

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De façon moins abstraite, et en s’aidant des tables de vérité, on peut dire qu’une formule ϕ du CP est une vérité logique ssi dans la dernière colonne de sa table de vérité, chaque ligne est remplie d’un V : aucun distribution des valeurs de vérité (= aucun état du monde) ne peut la rendre fausse. Ainsi, la formule « p v ~p » est une tautologie, parce que dans sa table : p ~p p v ~p V F V F V V Il n’y a que des V dans la dernière colonne : que p soit vraie ou soit fausse, « p v ~p » sera toujours vraie. Notation : au lieu d’écrire « ϕ est une tautologie », on peut écrire « l=ϕϕϕϕ ». ATTENTION : « l= » (= « etre une tautologie ») est un signe du métalangage, non du langage-objet. Trois remarques : (i) Il importe que vous distinguiez entre une formule vraie et une formule logiquement vraie ou tautologique. Une formule vraie n’est pas forcément tautologique. Par exemple, lorsque p, q, r sont vraies (lorsqu’on se place dans la première ligne de la table), la formule f (celle dont on a fait plus haut la table), est vraie. Mais f n’est pas pour autant tautologique ; il y a des lignes de sa table, représentant des états possibles du monde, pour lesquelles f est fausse. Lorsque vous dites qu’une formule est vraie, vous considérez une et une seule ligne de la table (un et un seul état du monde). Lorsque vous dites qu’une formule est tautologique, vous vous prononcez sur la totalité des lignes de la table, sur l’ensemble des mondes possibles. (ii) La vérité logique est définie ici comme un énoncé, non pas qui est vrai, mais qui est « toujours » vrai, c’est-à-dire comme un énoncé que l’on ne peut pas rendre faux. Cette approche de la vérité logique, ou plus généralement de la vérité a priori (= qui précède toute expérience = que l’expérience ne peut rendre fausse) est relativement récente ; elle date du XIXème siècle. Elle s’oppose à une autre définition du logiquement vrai, qui le fait dépendre de l’existence d’une preuve. Dans cette seconde approche, qualifiée parfois d’approche

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axiomatique, un énoncé est tautologique ou logiquement vrai, lorsqu’il existe une preuve de cet énoncé. (iii) De même qu’il est possible de construire des formules qui sont « toujours » vraies, il est possible de former des énoncés qui sont « toujours » faux. Ce sont des contradictions. Une contradiction est une formule qui est fausse dans tous les mondes possibles (= dans toutes les lignes de la tables de vérité). Ainsi, l’énoncé « p ∧ ~p » est contradictoire ; que p soit vrai (qu’il pleuve, par exemple), ou que p soit faux (qu’il ne pleuve pas), la phrase « p ∧ ~p » (« il pleut et il ne pleut pas ») sera fausse. 2. 42: Le concept d’équivalence logique est important car il donne un sens précis à la notion vague de synonymie. Quand peut-on dire que deux énoncés sont synonymes? Il est en premier lieu clair qu’une proposition vraie ne peut avoir le même sens (= etre synonyme avec) qu’une proposition fausse. Ainsi, « Chirac est président » ne signifier la même chose que « Rocard est premier ministre ». Mais il est en second lieu également évident que deux propositions vraies, ou deux propositions fausses, n’expriment pas nécessairement le même contenu: « Chirac est président » ne veut pas dire la même chose que « Clermont est la capitale de l’Auvergne »; et « Rocard est premier ministre » ne veut pas dire la même chose que « Raffarin est le meilleur buteur de la dernière coupe du monde ». L’identité de signification (la synonymie) entre deux énoncés est quelque chose de beaucoup plus fin que l’identité de valeur de vérité. Lorsque nous avions parlé des stoïciens et de leur logique, nous avions proposé de caractériser la signification en termes de condition de vérité: deux propositions ont même sens lorsqu’elles sont vraies dans les mêmes conditions. Ou dit autrement, deux énoncés sont synonymes lorsque l’on ne peut imaginer une situation dans lequel l’une est vraie et l’autre est fausse. Nous allons reprendre cette caractérisation ici, et définir le concept d’équivalence logique ainsi: deux formules sont logiquement équivalentes lorsque leurs valeurs de vérité sont identiques, quelle que soit la valeurs de vérité de leurs atomes. Formellement: ϕ et ψ sont logiquement équivalente si et seulement si quelque soit s, s(ϕ) = s(ψ). De façon plus concrète, ϕ et ψ sont logiquement équivalentes si et seulement si elles ont la même table de vérité (= si leurs dernières colonnes sont identiques).

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On dira que deux propositions sont synonymes lorsqu’elles sont logiquement équivalentes. On retrouve ce que l’on a dit plus haut: il ne suffit pas, pour qu’il y ait synonymie, que la valeur de vérité des deux formules soient la même dans un état du monde ou une ligne de la table déterminé; il faut que cette égalité se retrouve dans toutes les situations possibles, dans toutes les lignes. Prenons un exemple. Les formules « p v ~q » et « q⇒p » sont logiquement équivalentes. En effet, leurs tables donne: p q ~q p v ~q q⇒p V V F V V V F V V V F V F F F F F V V V Chaque fois que la première formule est vraie, la seconde l’est également, et vice-versa. Il n’y a donc pas une situation dans laquelle « p v ~q » est vraie et « q⇒p » est fausse, et inversement: les deux propositions sont logiquement équivalentes. Conseil: lorsque vous avez à déterminer si deux propositions sont logiquement équivalentes, il est judicieux de dessiner les deux tables dans un tableau unique, à partir de la même « base ». Ici, au lieu de faire deux tables différentes (une pour « p v ~q », une pour « q⇒p »), j’ai évalué les deux formules à la suite, rendant plus évident l’identité des deux dernières colonnes. Notation : « ϕ est logiquement équivalent à ψ » se note ϕϕϕϕ ≡≡≡≡ ψψψψ. ATTENTION : Ne pas confondre l’équivalence logique, qui est une notion métalinguistique avec le symbole « ⇔ » du langage-objet : ϕ⇔ψ est une formule du calcul des propositions ; ϕ est logiquement équivalent à ψ n’est pas une formule du calcul des propositions, mais du métalangage. Que, pour une fonction s particulière, s(ϕ⇔ψ) = V ne prouve pas que ϕ soit logiquement équivalent à ψ. ϕ est logiquement équivalent ψ ssi pour toute fonction s, s(ϕ⇔ψ) = V. Dit autrement, ψ et ϕ sont logiquement équivalentes si et seulement si la

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formule « ϕϕϕϕ⇔⇔⇔⇔ψψψψ » est une tautologie (= est vraie dans tous les mondes possibles, dans toutes les lignes de la table). En utilisant les notations introduites, cela donne: ϕϕϕϕ ≡≡≡≡ ψψψψ si et seulement si l= (ϕϕϕϕ⇔⇔⇔⇔ψψψψ) 2- 43: La notion de conséquence sémantique (= conséquence logique) est un peu plus compliquée que celle d’équivalence logique pour la raison suivante: lorsqu’une formule ϕ est conséquence sémantique d’une formule ψ, il n’est pas vrai généralement que ψ soit conséquence sémantique de ϕ. La relation de conséquence sémantique entre deux formules, à la différence de la relation d’équivalence logique, n’est pas symétrique. L’intérêt de cette notion est qu’elle donne un sens relativement intuitif au concept de déduction. Dans la logique aristotélicienne, dire qu’une proposition se déduit d’une autre, c’est dire que la première suit par une série de syllogismes de la seconde et d’autres prémisses. C’est donc ici la théorie du syllogisme - à savoir les différentes règles que vous avez apprises au premier semestre, et qui sont loin d’etre intuitives (penser à la classification des syllogismes) - qui donne un contenu à la notion de « etre déductible de ». Ici, on ne va pas définir la notion de déduction par un ensemble de règles, mais par l’absence de contre-exemple. Une formule ϕ est déductible d’une formule ψ si et seulement si on ne peut trouver une situation (= un état possible du monde) dans lequel on a ψψψψ vrai et ϕϕϕϕ fausse, ou dit autrement si chaque fois que ψψψψ est vrai, ϕϕϕϕ l’est également. La relation de conséquence sémantique entre deux formules, c’est précisément cela. En terme formel: ϕ est une conséquence sémantique de ψ ssi il n’y a pas de fonction d’évaluation s, telle que s(ψ) = V et s(ϕ) = F. De manière plus imagée: ϕ est une conséquence sémantique de ψ ssi dans les lignes où ψ est vraie, ϕ l’est aussi. Prenons l’exemple des propositions « p v q » et « p ∧ q ». La seconde formule est-elle conséquence sémantique de la première? Pour le savoir, construisons leur table sur le même tableau: p q p v q p ∧ q V V V V

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V F V F F V V F F F F F Non! « p v q » est vrai dans les trois premières lignes; or, dans la seconde et troisième ligne, « p ∧ q » est faux. Donc, « p ∧ q » n’est pas conséquence sémantique de « p v q ». Posons la question inverse: « p v q » est-elle conséquence sémantique de « p ∧ q »? A cette seconde question, on peut répondre par l’affirmative. Chaque fois que « p ∧ q » est vrai (« p ∧ q » n’est vrai qu’une fois, dans la première ligne), « p v q » l’est également. Donc, « p v q » est conséquence sémantique de « p ∧ q ». Si je vous dis « il pleut ou c’est la nuit », vous n’avez pas le droit de déduire qu’il pleut et que c’est la nuit. Par contre, si je vous dis « il pleut et c’est la nuit », vous pouvez en conclure qu’il pleut ou que c’est la nuit (= si la conjonction est vraie, la disjonction le sera forcément). Notation : « ψ est une conséquence sémantique de ϕ » est notée : ϕl=ψ. Attention au sens! La conséquence ψ figure en second et l’antécédent ϕ en premier dans la notation avec le signe « l= », contrairement à ce qui se passe dans la phrase « ψ est une conséquence sémantique de ϕ ». De manière générale, la relation de conséquence sémantique pose un problème aux étudiants à cause du fait qu’elle est orientée; faites attention au sens de la relation, et entraînez-vous sur les exercices à repérer dans quel sens va la relation. Remarque: de même qu’il y a une parenté entre l’équivalence logique et le connecteur « ⇔ », de même il y a une parenté entre la conséquence sémantique et le connecteur « ⇒ ». On peut en effet démontrer que : ψψψψ est conséquence sémantique de ϕϕϕϕ si et seulement si l’énoncé « ϕϕϕϕ ⇒ ψψψψ » est une tautologie. Ou, en utilisant les notations introduites: ϕϕϕϕ l= ψψψψ si et seulement si l= (ϕϕϕϕ ⇒ ψψψψ). Pour que ϕ l= ψ, il ne suffit donc pas que ϕ ⇒ ψ soit vrai dans une ligne de la table ; il est nécessaire au contraire que ϕ ⇒ ψ soit vrai dans toutes les lignes.

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On peut généraliser la notion de conséquence sémantique aux cas d’un raisonnement qui comporte, comme le syllogisme, deux prémisses ϕ et φ, et une conclusion ψ. On dira que ψψψψ est conséquence sémantique de ϕϕϕϕ et de φφφφ (et on notera : (ϕϕϕϕ , φφφφ) l= ψψψψ) si et seulement si chaque fois que ϕ et φ sont toutes deux vraies, alors ψ est vrai. Ce que l’on a dit de la « parenté » entre implication et conséquence sémantique reste vrai: (ϕϕϕϕ , φφφφ) l= ψψψψ si et seulement si l= [(ϕϕϕϕ ∧∧∧∧ φφφφ) ⇒ ψψψψ] Faites attention lorsque vous avez un raisonnement à deux prémisses. Si dans une situation vous avez l’une des deux prémisse (ϕ disons) vraie, la seconde prémisse (φ disons) fausse, et la conclusion ψ fausse, cela ne veut pas pour autant dire que le raisonnement est invalide. Pour qu’il y ait invalidité, il faut que les deux prémisses ϕϕϕϕ et φφφφ à la fois soient vrais, et que la conclusion ψ soit fausse. Comme je l’ai déjà dit, beaucoup d’exercices tournent autour de ces trois notions de tautologie, d’équivalence logique et de conséquence sémantique. Il est nécessaire de les maîtriser. Si vous ne parvenez pas à manipuler correctement les deux dernières, vous pouvez toujours vous ramener à la première des trois notions ainsi: - lorsqu’on vous demande de déterminer si une formule ϕ est logiquement équivalente à une autre ψ, chercher à savoir si ϕ ⇔ ψ est une tautologie. Si c’est le cas, les deux formules sont logiquement équivalentes; si ça ne l’est pas, les deux formules ne sont pas logiquement équivalentes. - lorsqu’on vous demande de déterminer si une formule ϕ est conséquence sémantique d’une autre formule ψ, chercher à savoir si ψ ⇒ ϕ est une tautologie. Si c’est le cas, ϕ est conséquence sémantique de ψ; si ça ne l’est pas, ϕ n’est pas conséquence sémantique de ψ. 3- LA METHODE AXIOMATIQUE L’ensemble de ce chapitre, portant sur l’idée d’axiomatique, ne donnera pas lieu à des exercices. Il peut par contre donner lieu à des questions de cours. Un des problèmes majeurs que se posent les logiciens est le suivant : comment reconnaître les formules logiquement valides (= les tautologies) et les distinguer des autres formules ?

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Comment décider si une formule est une tautologie ou non ? Ou ce qui revient au même (Cf. remarques précédentes) : comment reconnaître qu’un raisonnement est correct ? Comment décider de façon incontestable qu’un argument est valide ? (c’est déjà la préoccupation d’Aristote). Nous avons déjà, pour le calcul des propositions, une méthode sémantique pour résoudre le problème : construire la table de vérité d’un énoncé, ou d‘une implication formé de la conjonction des prémisses et de la conclusion. Nous allons étudier ici une méthode alternative, la construction d’une axiomatique. 3-1 : Pourquoi axiomatiser ? L’idée selon laquelle un raisonnement est valide à condition que l’on ne puisse pas à la fois rendre vrais les prémisses et fausse la conclusion a un défaut majeur : elle fait référence à des possibilités (« un raisonnement est valide à condition que l’on ne puisse pas … »). Or comment distinguer entre ce que l’on ne peut pas imaginer parce que l’on est trop paresseux, trop stupide, trop frileux, et ce qui est objectivement, réellement, impossible ? Prenons l’exemple de l’émergence des géométries non euclidiennes. Pendant deux millénaires, on a cru que, si 1- par deux points passaient une droite, que si 2- une droite pouvait être poursuivie indéfiniment, que si 3- il existait des cercles de tout centre et de tout rayon, que si 4- tous les angles droits étaient égaux les uns avec les autres (ce sont les 4 premiers postulats d’Euclide), alors 5- par un point extérieur à une droite donnée ne devait passer qu’une et une seule droite parallèle à celle-ci (c’est le « fameux » cinquième postulat d’Euclide). Au XIXème siècle, certains mathématiciens s’élevèrent contre cette croyance : il est possible, affirmèrent-ils, d’affirmer la vérité des 4 premiers postulats, et la fausseté du cinquième ; il est possible de construire des géométries non-euclidiennes. Autrement dit, ils soutinrent que ce que l’on avait tenu jusqu’à maintenant pour impossible, en réalité, l’était: par un point extérieur à une droite donnée, plusieurs parallèles, ou aucune, peuvent passer. Cette idée que ce que l’on tient pour impossible à un moment ne l’est plus quelque temps après est quelque chose qui scande l’ensemble de l’histoire des mathématiques. Les mathématiques avancent grâce à des gestes de transgression (ce qui était considéré comme impossible, comme scandaleux, est à un moment donné, réalisé ; Cf. par exemple, la

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découverte des irrationnels dans l’antiquité, l’usage des nombres complexes (racine carré de nombre négatifs) à la renaissance, etc…). Pour tester la validité d’un raisonnement, se référer à ce qui est possible ou impossible présente donc un danger. Nous, en construisant une sémantique pour le calcul des propositions, nous avons donné un sens précis, objectif, à la distinction entre ce qui est possible et ce qui ne l‘est pas. Mais notre cadre, celui du langage du calcul des propositions, est limité ; il n’est pas certain que l’on puisse étendre la procédure à toutes les formes de raisonnement. D’où l’idée, qui remonte à Euclide, et qu’Aristote, dans sa syllogistique a reprise, de définir le raisonnement par un ensemble de règles. L’idée ici est qu’un raisonnement correct est un raisonnement qui, à partir d’axiomes (= de vérités premières = postulats), et en utilisant des règles d’inférence (par exemple, les règles syllogistiques aristotéliciennes), parvient à la conclusion. Un raisonnement correct est, dans cette optique, une preuve. Il y a donc deux conceptions de la déduction. 1- Une approche sémantique (on dit parfois « l’approche de la théorie des modèles ») selon laquelle un raisonnement est valide lorsque aucun « monde possible » ne rend vrai les prémisses et fausse la conclusion ; 2- Une approche syntaxique (= axiomatique) en terme de preuve, c’est-à-dire en terme d’axiome et de règle d’inférence. On doit ainsi distinguer la relation de conséquence sémantique entre deux formules dans une sémantique donnée, de la relation de conséquence syntaxique (ou axiomatique) entre deux formules dans une axiomatique donnée. 3- 2 : Définition abstraite d’une axiomatique De manière formelle, la définition d’un système axiomatique pour un langage donné comprend deux parties : (i) la détermination d’un ensemble (possiblement infini) de formules du langage

nommées les axiomes du système (ii) la détermination d’un ensemble de règles gouvernant les relations entre les formules

du langage-objet nommées règles d’inférence.

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Une déduction formelle (ou preuve formelle) est une suite finie de formules dont les premiers termes sont des axiomes et dont tous les termes sont reliés entre eux par des règles d’inférence. Les théorèmes du système sont l’ensemble des formules qui peuvent être déduites dans le système (un théorème est la formule finale d‘une déduction formelle = d‘une suite finie de formules dont les premiers termes sont des axiomes et dont tous les termes sont reliés entre eux par des règles d’inférence). Les axiomes du système sont des théorèmes. Notation : φ est un théorème d’un système axiomatique L dont les axiomes sont α1, α2, …, αn est noté : α1, α2, …, αn φ. Remarque: pour pouvoir définir une axiomatique, il faut que l’on ait défini préalablement un langage formel. Si l’on ne l’a pas fait, on ne peut pas construire de système (= d’axiomatique). Le langage formel est le cadre dans lequel je batis une axiomatique, c’est-à-dire dans lequel je choisis des axiomes et des règles d’inférence. Exemple d’une axiomatique M défini sur le langage L construit en 1 : 1- Axiomes : §§ est l’unique axiome 2- Règle d’inférence : si φ est un théorème de M qui comporte n occurrences de §, alors ψ, qui comporte 2n occurrences de §, est un théorème de M. Preuve que §§§§§§§§ est un théorème de M : a §§ (Axiome) b §§§§ (Règle d’inférence appliqué sur a) c §§§§§§§§ (Règle d’inférence appliqué sur b) Vous pouvez remarquer que les concepts de théorème, de système axiomatique et de preuve formelle, sont purement syntaxiques ; on n’a pas besoin de savoir ce que « veulent dire » les symboles employés pour construire des preuves. 3- 3: Construction d’une axiomatique pour le calcul des propositions

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On va maintenant construire une axiomatique particulière, l’axiomatique de Lukasiewicz, dans le langage du calcul des propositions. Il y a un nombre indéfini d’axiomatiques possibles définissables sur ce langage. L’axiomatique présentée ici a une propriété remarquable dont on fera état plus loin. - Les axiomes : (i) (p⇒q)⇒((q⇒m)⇒(p⇒m)) (ii) p⇒(~p⇒q) (iii) (~p⇒p)⇒p - Règles d’inférence : a la règle de substitution qui stipule que si dans un théorème on substitue simultanément à

toutes les occurrences d’une même formule atomique, une même formule (non nécessairement atomique), on obtient un théorème.

b La règle du Modus Ponens qui stipule que si ϕ⇒ψ et ϕ sont des théorèmes, alors ψ est un théorème.

Ex. d’une preuve dans le système de Lukasiewicz : la preuve de p⇒p a) p⇒(~p⇒p) RS de p à q sur (ii)

b) (p⇒q)⇒((q⇒p)⇒(p⇒p)) RS de p à m sur (i) c) (p⇒(~p⇒p))⇒((~p⇒p)⇒p)⇒(p⇒p)) RS de ~p⇒p à q dans b d) ((~p⇒p) ⇒p) ⇒(p⇒p) MP à partir des théorèmes a et c e) (p⇒p) MP à partir de l’axiome (iii) et de d 3- 4 : La propriété de complétude Les notions de conséquence sémantique et de conséquence syntaxique sont tout à fait différentes. Dire que l’on peut déduire à partir d’axiomes certains énoncés ne signifie pas nécessairement que ce que l’on déduit soit une conséquence sémantique des axiomes dans la sémantique standard ; inversement, il est tout à fait possible d’imaginer que dans tel sémantique, une proposition ϕ soit conséquence sémantique d’autres propositions α1, α2, …,

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αn, sans que l’on puisse prouver, dans le cadre d’une axiomatique déterminé, que (α1, α2, …, αn) ϕ. Mais rappelons ce que l’on a dit dans l’introduction ci-dessus : ce qui intéresse les logiciens, c’est de définir des méthodes permettant de distinguer les raisonnements corrects des raisonnements invalides. Autrement dit, ce qui intéresse les logiciens (et les mathématiciens), ce sont des axiomatiques dans lequel 1- l’existence d’une preuve manifeste un lien sémantique de conséquence logique entre les prémisses et la conclusion, et dans lequel 2- chaque fois qu’une formule est conséquence sémantique d’autres formules, il existe une preuve de la première à partir des secondes. Les systèmes axiomatiques qui jouissent d’une telle propriété sont dits complets. Définition : une axiomatique est complète pour une sémantique déterminée si et seulement si quelle que soit α1, α2, …, αn, ψ des formules du langage de référence :

1- si (αααα1, αααα2, …, ααααn ) ψψψψ, alors (αααα1, αααα2, …, ααααn) l= ψψψψ (= s’il existe une preuve de ψ à partir de (α1, α2, …, αn), alors ψ est conséquence

sémantique de (α1, α2, …, αn)) 2- si (αααα1, αααα2, …, ααααn ) l= ψψψψ, alors (αααα1, αααα2, …, ααααn) ψψψψ (= si ψ est conséquence sémantique de (α1, α2, …, αn), alors il existe une preuve de ψ

à partir de (α1, α2, …, αn)) Ou de manière équivalente: une axiomatique est complète pour une sémantique déterminée si et seulement si quel que soit ψ formule du langage de référence: 1- si ψψψψ est un théorème, alors ψψψψ est une tautologie 2- si ψψψψ est une tautologie, alors ψψψψ est un théorème On peut démontrer que, pour la sémantique standard (celle que l’on a définit en 2) l’axiomatique de Lukasiewicz est complète. N’importe quelle théorème de cette axiomatique est une tautologie, et inversement n’importe quelle tautologie est un théorème. Le théorème p⇒p est ainsi une tautologie.

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Pour affirmer la complétude d’un système, il faut bien entendu la prouver. Nous ne ferons pas ici la démonstration de la complétude de l’axiomatique de Lukasiewicz pour la sémantique standard du calcul des propositions. Le point important est le suivant. Comme on l’a dit, il y a deux approches de la relation de déductibilité, une sémantique, et une axiomatique. Ces deux approches ne coïncident donc pas tout le temps ; lorsqu’on définit une axiomatique et une sémantique sur un même langage, il se peut que ce qui soit sémantiquement déductible ne le soit pas syntaxiquement, et inversement. Mais lorsqu’on peut prouver que le système axiomatique est complet pour la sémantique, alors les deux notions de déductibilité (sémantique et syntaxique) correspondent. D’où l’importance du théorème de complétude. Lorsqu’il n’y a pas complétude, les deux approches ne coïncident pas, et il faut choisir quelle est la celle que l’on va tenir comme fondamentale : soit on modifie l’axiomatique pour tenter de l’adapter à la sémantique (c‘est ce que l‘on fait généralement), soit on conserve l’axiomatique et on modifie la sémantique. Dans le premier cas, on considère que c’est l’absence de contre exemple qui constitue le sens le plus profond de vérité logique ; dans le second, on considère que c’est la notion de preuve qui est déterminante. Le schéma qui suit résume ce que l’on a dit :

Définition d’un langage formel Définition d’une sémantique Définition d’une axiomatique Définition de la conséquence sémantique Définition de la conséquence syntaxique

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Coïncidence des deux notions si et seulement si

théorème de complétude 4- LA METHODE DES ARBRES SEMANTIQUES Nous allons étudier une seconde méthode, plus récente et moins importante dans l’histoire des idées, permettant de déterminer si une formule est une tautologie dans le calcul des propositions. Cette méthode présente l’avantage de permettre de déterminer plus rapidement qu’en en faisant la table si une formule est une tautologie. A la différence du précédent, ce chapitre donne lieu à de nombreux exercices. 4-1: Introduction La méthode des arbres est, comme celles des tables, une méthode graphique. A la différence des tables, on ne cherche cependant pas à déterminer exhaustivement la valeur de vérité d’une formule dans tous les cas possibles. En faisant l’arbre d’une formule, on vise seulement à déterminer une situation qui rende la formule vraie. L’idée est que si l’on ne parvient pas, à l’aide d’un arbre, à construire cette situation, c’est qu’aucune situation de ce type n’existe, et que la formule en question est une contradiction. Autrement dit, la méthode des arbres est une méthode systématique de découverte d’un modèle de la formule (un modèle est une situation qui rend la formule vraie). Raisonnons sur un exemple, ce sera plus simple. Pour qu’une disjonction soit vraie, il est nécessaire et suffisant que l’un ou l’autre des termes soit vrai ; pour qu’une conjonction soit vraie, il est nécessaire et suffisant que les deux termes soient vrais. On peut représenter graphiquement les deux possibilités ainsi : (i) ψ v ϕ (ii) ψ ∧ ϕ

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ψ ϕ ψ ϕ

L’interprétation intuitive que l’on peut faire de ces schémas est la suivante. Lorsque deux sous-formules sont l’une sous l’autre, alors la formule qui les chapeaute est vrai si et seulement si les deux sous-formules sont vraies (ainsi, dans (ii)) ; lorsque deux sous-formules appartiennent à des branches différentes, alors la formule qui les chapeaute est vraie si et seulement si l’une ou l’autre est vraie (ainsi, en (i)). - une formule qui se trouve à un nœud de l’arbre est vraie ssi toutes les formules qui se

trouvent sur une même branche de l’arbre qui la suit sont vraies ; par exemple, (ii) est vraie ssi ψ et ϕ sont vraies.

- une formule qui se trouve à un nœud de l’arbre est vraie ssi une au moins des branches est un chemin de vérité (c’est-à-dire si toutes les formules appartenant à une au moins des branches sont vraies) ; par exemple, (i) est vraie ssi ψ est vraie ou ϕ est vraie.

L’ouverture de deux branches représente une disjonction ; la présence de deux formules sur une branche représente une conjonction. 4- 2: Règles de construction La méthode des arbres consiste à construire un arbre (des branches et des embranchements) à partir des formules en respectant des règles. Dans le calcul des propositions, en plus des deux règles déjà énumérées, on a les sept autres règles suivantes : (iii) ~(ψ v ϕ) (iv) ~(ψ ∧ ϕ) (v) ~~ϕ (vi) ψ⇒ϕ ~ϕ ~ψ ~ϕ ϕ ~ψ ϕ ~ψ (vii) ψ⇔ϕ (viii) ~(ψ⇒ϕ) (ix) ~(ψ⇔ϕ) ψ ~ψ ψ ψ ~ψ ϕ ~ϕ ~ϕ ~ϕ ϕ

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Vous pouvez considérer ces règles de deux manières : soit comme des règles syntaxiques, que vous devez apprendre par cœur ; soit comme des règles qui ont une justification sémantique, et que vous pouvez donc retrouver en écrivant pour quelles valeurs des atomes la formule de départ est vraie. Par exemple, la règle (ix) peut se « retrouver » en raisonnant comme suit: pour que ~(ψ⇔ϕ) soit vrai, il faut que (ψ⇔ϕ) soit faux; or, pour que (ψ⇔ϕ) soit faux, il faut que ψ et ϕ n’aient pas la même valeur de vérité, c’est-à-dire soit que ψ soit vrai et ϕ soit faux (branche de gauche), soit que ψ soit faux et ϕ soit vrai (branche de droite). L’application de ces règles permet en tout cas de décomposer n’importe quelle formule complexe et de faire apparaître dans les branches de l’arbre de la formule les atomes ou leur négation. Ainsi, décomposons selon la méthode des arbres la formule ~(p v (q ∧ ~r)):

~(p v (q ∧ ~r)) ~v ~p ~(q ∧ ~r) ~∧ ~q ~~r ~~ r Il faut vous exercer à construire l’arbre sémantique de n’importe quelle formule. Voir exercices et corrections. 4- 3: L’interprétation d’un arbre Un arbre à différentes branches, qui sont appelées des chemins de vérité. Par exemple, l‘arbre qui précède possède deux chemins de vérité : le premier, celui de gauche, contient (en partant du bas) ~p, ~(q ∧ ~r), ~q, ~(p v (q ∧ ~r)) ; le second, celui de droite, contient (toujours en partant du bas) r, ~~r, ~(q ∧ ~r), ~p, ~(p v (q ∧ ~r)).

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Considérons le chemin de gauche : si ~q est vrai, ~(q ∧ ~r) est vrai ; et si ~(q ∧ ~r) et ~p est vrai, alors ~(p v (q ∧ ~r)) est vrai. Le chemin de vérité peut donc se réduire à ~p et ~q, la vérité de ces deux propositions entraînant celle des autres formules sur la branche. De même, le chemin de droite se réduit à r et à ~p : leurs vérités entraînent celles des autres formules de la branche. L’arbre nous permet donc de dire, en remontant ses deux branches, que ~(p v (q ∧ ~r)) est vrai si et seulement si soit ~p et ~q sont vrais, soit ~p et r sont vrais. Autrement dit, les lignes de la table de ~(p v (q ∧ ~r)) qui correspondent au cas où p et q sont faux, et les lignes qui correspondent au cas où p est faux et r est vrai sont des lignes pour lesquelles la formule est vrai. Vous pouvez vérifier ce résultat en faisant la table de ~(p v (q ∧ ~r)). On peut (on ne le prouvera pas) généraliser la méthode : - Les 9 règles nous permettent de faire l’arbre de n’importe quelle formule, en réduisant chaque formule qui apparaît dans l’arbre à des atomes ou à des négations d’atomes - L’observation des chemins de vérité de l’arbre, et des formules atomiques et des négations de formule atomique qui se trouvent sur les chemins de vérité, permet de déterminer les situations dans lesquelles la formule dont on fait l’arbre est vraie. - La totalité des chemins de vérité permet de déterminer l’ensemble des situations dans lesquelles la formule dont on fait l’arbre est vraie. Remarque : attention, il faut que toutes les formules apparaissant dans l’arbre soient réduites. Comme certains « nœuds » sont constitués de deux formules, vous avez un choix dans l’application des règles : vous pouvez décomposer une des deux formules avant l’autre. Toutefois, le point important est de ne pas « oublier » des formules au cours de votre construction de l’arbre. Ainsi, on peut « faire l’arbre » de la formule ~((p⇒~p)⇒~q) de deux façons différentes: ~⇒ ~((p⇒~p)⇒~q) ~⇒ ~((p⇒~p)⇒~q) (*) (p⇒~p) (**) ~~q ~~ ~~q ⇒ (p⇒~p) ⇒ sur (*) q ~~ sur (**) ~p ~p

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~p ~p q q Les deux arbres sont équivalents. Mais il est chaque fois important de se rappeler, lorsqu’on décompose un « nœud » à deux formules, que l’on a à appliquer les règles aux deux formules. 4- 4 : Les arbres comme test 4- 41: On peut maintenant répondre à la question qui gouvernait notre recherche jusqu’à présent : trouver une méthode pour déterminer si une formule quelconque du calcul des propositions est une tautologie. Admettons que ϕ soit une tautologie. Par définition, ϕ est vrai dans toutes les situations; elle n’est fausse dans aucun « monde possible ». Dit autrement, ~ϕ est fausse dans toutes les situations; elle n’est vraie dans aucun « monde possible ». Ce simple raisonnement nous permet de comprendre comment la construction d’un arbre peut nous permettre de déterminer si une formule ψ est une tautologie. Pour le savoir, il suffit de faire l’arbre de ~ψ. Si les chemins de vérités de ~ψ correspondent à une situation possible, alors ~ψ est vrai dans certaines situations, et ψ n’est donc pas une tautologie. Si les chemins de vérité ne correspondent pas à des situations possibles, alors il est impossible de rendre vrai ~ψ, et ψ est bien une tautologie. Que signifie « chemins de vérité qui (ne) correspondent (pas) à des situations possibles »? Prenons l’exemple de la formule « p⇒p ». Nous voulons savoir si elle est une tautologie. Nous faisons donc l’arbre de « ~(p⇒p) ». ~(p⇒p) p ~p Cet arbre, très simple, ne comporte qu’un chemin de vérité. Pour que la formule « ~(p⇒p) » soit vrai, il faut que p soit faux et p soit vrai. Cette condition sur p correspond-elle à une situation possible? Peut-on avoir dans une ligne de table de vérité p à la fois vrai et faux?

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Non, bien sur. Le chemin de vérité ne correspond qu’apparemment à un « monde possible », à une situation envisageable. Dans ce cas, où aucune situation possible ne correspond à un chemin de vérité, on dit que le chemin ferme. Le chemin n’est en réalité qu’une impasse, et pour le montrer, on met une croix au dessous de lui. De manière plus générale, lorsque vous considérez une branche d’un arbre, deux cas sont possibles: - une formule atomique et sa négation apparaissent sur la même branche, et dans ce cas, le chemin de vérité ferme: il ne correspond pas à des situations possibles. - une formule atomique et sa négation n’apparaissent pas sur une même branche, et dans ce cas, le chemin ouvre: il indique véritablement une possibilité de rendre vrai la formule. (On met généralement un rond sous une branche qui ouvre). Dès lors, déterminer si une formule ψ est une tautologie est simple. Il faut suivre cette procédure: 1- faire l’arbre de la formule ~ψψψψ 2- regarder quelles sont les branches (= les chemins) de l’arbre qui ferment On a alors les deux possibilités suivantes: - si toutes les branches de l’arbre ferment, c’est que la formule ~ψ est une contradiction, donc que la formule ψ est une tautologie. - si une branche ouvre, c’est que la formule ~ψ n’est pas une contradiction, donc que la formule ψ n’est pas une tautologie. Voir les fiches d’exercices et leur de correction pour les exemples. Remarque importante : si certaines branches de l’arbre ferment, mais que au moins une branche ouvre, la formule dont on fait l’arbre n’est pas une contradiction. Il faut que toutes les branches ferment pour que l’on est affaire à une contradiction. 4. 42: On peut, par cette méthode, non seulement tester si une formule est une tautologie, mais également déterminer si un raisonnement est correct. Admettons que nous voulions montrer que (ϕ, ψ) l= π (que π est une conséquence logique de ϕ et ψ). Selon la définition, « (ϕ, ψ) l= π » signifie qu‘il n‘est pas possible de trouver une situation dans laquelle ϕ et ψ soient vraies, et π soit fausse.

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Si, en faisant l’arbre des trois formules ϕ, ψ, et ~π placées l’une sous l’autre, on trouve un chemin ouvert, c’est qu’il existe une situation dans laquelle ϕ et ψ sont vraies, et π est fausse. On peut alors en conclure que π n’est pas conséquence logique de ψ et de ϕ. Si au contraire, tous les chemins de l’arbre ferme, alors on peut en conclure que π est une conséquence logique de ψ et de ϕ (il est impossible de falsifier π lorsque ψ et ϕ sont vrais). Prenons un exemple : testons la correction de « (p⇒q, q⇒r) l= (p⇒r) ». Nous allons tenter, en faisant l’arbre de p⇒q (1), q⇒r (2) et ~(p⇒r) ~(3), de construire une situation qui vérifie les deux prémisses et qui falsifie la conclusion. Si une telle possibilité existe, alors « (p⇒q, q⇒r) l= (p⇒r) » n’est pas correct ; si une telle possibilité n’existe pas, alors le raisonnement est valide.

(1) p⇒q (2) q⇒r ~(3) ~(p⇒r)

~⇒ p ~r

⇒ sur (2) ~q r ⇒ sur (1) ~p q ~p q Cet arbre comporte quatre chemins. Ils ferment tous. Il n’y a donc pas de situations possibles (de lignes de la table) qui vérifient à la fois (1), (2) et ~(3) ; donc (1),(2) l= (3). Conseils pour gagner du temps dans les exercices sur les arbres :

- lorsque vous avez à construire des arbres complexes, où figurent plusieurs formules, commencez par réduire les formules qui n’ouvrent pas de chemin ; vous gagnerez du temps.

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- dans l’exemple ci-dessus, on aurait très bien pu ne pas appliquer la dernière règle sur le chemin de gauche : en effet, les occurrences de r et de ~r nous indiquent que le chemin ferme. Voir exercices. - lorsque vous avez réussi à montrer que dans un arbre, un chemin ouvrait, il est inutile de continuer la construction: la formule (ou la suite de formules) dont vous faites l’arbre est vérifiée dans certains cas, et n’est pas une contradiction. Voir exercices.