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Les instructions d’un logiciel sont écrites dans un langage que l’ordinateur peut com- prendre : le langage machine (ou langage binaire, ainsi appelé car il s’agit d’une suite de 0 et de 1). Ce langage est quasi-impos- sible à pratiquer pour un être humain. En revanche, il est possible de créer un logiciel en l’écrivant dans un langage informatique compréhensible par des humains 2 , puis en le traduisant en langage binaire. Le logiciel qui permet cette transfor- mation s’appelle un compilateur ; à l’inverse, décompiler, c’est transformer des instructions binaires en langage compréhensible. Lors- qu’il est compréhensible, le logiciel est sous forme de code source. C’est le cas des logiciels libres ; à l’inverse, lorsque vous achetez un logiciel qui n’est pas libre (un logiciel propriétaire), il ne donne pas accès à son code source : il est donc uniquement sous forme binaire (cas des produits Microsoft). De plus, dans certains pays (notamment aux États- Unis, mais aussi au Japon pour les programmes américains), il est interdit de décompiler les pro- grammes. La licence d’un logiciel est un texte qui conditionne l’utilisation du programme (droit ou non de le copier, etc.). Dans le cas d’un logiciel propriétaire, il faut acheter une licence pour chaque ordinateur qui utilise le programme ; dans le cas du libre, cette licence sert juste à rappeler que le programme est libre. § [Pour les lecteurs n’ayant aucune familiarité avec les termes informatiques, il n’est pas inutile de rappeler quelques définitions. Pour les autres, l’article débute page suivante.] Quelques définitions Les logiciels (on peut dire aussi : pro- gramme, ou application) sont l’en- semble des instructions qui permettent à l’homme de communiquer avec la machine. Le mot logiciel a été créé en 1970 : « de logique, d’après matériel » dit Le Petit Robert. C’est l’équivalent du mot anglais software, qui s’oppose à hardware (le matériel, c’est-à-dire l’ensemble des composants qui for- ment l’ordinateur). Au sein des logiciels, il faut distinguer entre les programmes simples (traitement de texte, tableur, navigateur Internet, jeux, etc.) et les systèmes d’exploitation. Le système d’exploitation est le “premier programme” de l’ordinateur : c’est lui qui sert d’interface entre l’utilisateur et les logiciels employés. Lorsqu’on allume un ordinateur, le système d’exploitation se lance, et c’est au sein de cet environnement que l’utilisateur fait fonctionner ses programmes, programmes qui sont conçus en fonction de ce système d’exploitation. Windows (et son ancêtre MS-DOS) est le système d’exploitation de Microsoft, fonctionnant sur les PC. Sur un Macintosh, le système d’exploitation s’appelle Mac-Os. Linux est un système d’exploitation qui peut fonctionner sur n’importe quel type d’ordinateur. de rationnel savoir l 6 L OGICIELS L IBRES les pingouins se déchaînent 1 par Raphaël Meltz 1. Le symbole de Linux est le pingouin : cet animal est devenu l’emblème du logiciel libre. 2. Parmi les langages : C, Perl, Python, HTML. Illustrations : Rocco.

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Les instructions d’un logiciel sont écritesdans un langage que l’ordinateur peut com-prendre : le langage machine (ou langagebinaire, ainsi appelé car il s’agit d’une suitede 0 et de 1). Ce langage est quasi-impos-

sible à pratiquer pour un être humain.En revanche, il est possible de créer un

logiciel en l’écrivant dans un langageinformatique compréhensible par des

humains2, puis en le traduisant en langagebinaire. Le logiciel qui permet cette transfor-

mation s’appelle un compilateur ; à l’inverse,décompiler, c’est transformer des instructions

binaires en langage compréhensible. Lors-qu’il est compréhensible, le logiciel est

sous forme de code source. C’est le cas deslogiciels libres ; à l’inverse, lorsque vous

achetez un logiciel qui n’est pas libre (unlogiciel propriétaire), il ne donne pas accès à

son code source : il est donc uniquement sousforme binaire (cas des produits Microsoft). Deplus, dans certains pays (notamment aux États-Unis, mais aussi au Japon pour les programmesaméricains), il est interdit de décompiler les pro-grammes.

La licence d’un logiciel est un texte quiconditionne l’utilisation du programme (droit ounon de le copier, etc.). Dans le cas d’un logicielpropriétaire, il faut acheter une licence pourchaque ordinateur qui utilise le programme ; dansle cas du libre, cette licence sert juste à rappelerque le programme est libre.

§

[Pour les lecteurs n’ayant aucune familiarité avec les termesinformatiques, il n’est pas inutile de rappeler quelquesdéfinitions. Pour les autres, l’article débute page suivante.]

Quelques définitionsLes logiciels (on peut dire aussi : pro-

gramme, ou application) sont l’en-semble des instructions qui permettentà l’homme de communiquer avec lamachine. Le mot logiciel a été créé en1970 : « de logique, d’après matériel » ditLe Petit Robert. C’est l’équivalent du mot anglaissoftware, qui s’oppose à hardware (le matériel,c’est-à-dire l’ensemble des composants qui for-ment l’ordinateur).

Au sein des logiciels, il faut distinguerentre les programmes simples (traitement detexte, tableur, navigateur Internet, jeux, etc.)et les systèmes d’exploitation. Le systèmed’exploitation est le “premier programme” del’ordinateur : c’est lui qui sert d’interface entrel’utilisateur et les logiciels employés. Lorsqu’onallume un ordinateur, le système d’exploitation selance, et c’est au sein de cet environnement quel’utilisateur fait fonctionner ses programmes,programmes qui sont conçus en fonction de cesystème d’exploitation. Windows (et son ancêtreMS-DOS) est le système d’exploitation deMicrosoft, fonctionnant sur les PC. Sur unMacintosh, le système d’exploitation s’appelleMac-Os. Linux est un système d’exploitation quipeut fonctionner sur n’importe quel typed’ordinateur. d

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LOGICIELS LIBRESl e s p ingouins s e déchaînent 1

par Raphaël Meltz

1. Le symbole deLinux est lepingouin : cet animalest devenu l’emblèmedu logiciel libre.2. Parmi les langages :C, Perl, Python,HTML.

Illustrations : Rocco.

Windows de Microsoft, qui équipe plus de 90%des PC dans le monde, l’utilisateur peut modifier labarre des icônes, ou les options d’affichage, mais nepeut entrer dans le cœur du programme pour luiadjoindre telle fonction ou modifier telle autre.« Pour donner une analogie matérielle de portéeforcément limitée, Microsoft se comporte un peucomme un fabricant de voitures qui, ayant acquis

une position de monopole, interdirait àl’utilisateur d’ouvrir le capot de sa voiture et

d’avoir accès au moteur »b. Non modifiables,les logiciels propriétaires (outre ceux deMicrosoft, on peut citer ceux d’Adobe —Photoshop, Illustrator — ou encore ceuxde Claris, de Lotus) sont également non

copiables. Or, comme le rappelle unthéoricien des logiciels libres, « le droit et

la pratique sociale qui existent dans cesecteur sont déjà dangereusement opposés. Les

lois concernant la reproduction sansautorisation des logiciels commerciauxsont claires, sévères... et rarementobservées. Les lois contre le piratage des

logiciels sont pratiquement inapplicables, et leur non-respect est devenu si socialement acceptable que seuleune minorité de gens s’oblige, par peur ou parscrupule, à leur obéir. »5 Mettre en conformité ledroit et la pratique, faire sortir les outilsinformatiques du champ commercial, et les rendreplus souples pour les utilisateurs, voilà lesfondements du mouvement Open Source(expression qui tend à se substituer à celle delogiciels libres, pour éviter la confusion du mot freeanglais). Les trois caractéristiques concernant leslogiciels libres sont donc : liberté de copie et dediffusion (j’ai le droit de copier le Linux qui estinstallé sur l’ordinateur de mon voisin), libertéd’utilisation (j’ai le droit de faire ce que je veux demon Linux) et liberté de modification (j’ai le droitde modifier en partie ou totalement mon Linux).

Néanmoins, la simple opposition entrelogiciel libre et Microsoft n’est pas forcémentfondée. Certes, les tenants du logiciel libredénoncent eux aussi les pratiques monopolistiquesde Microsoft (deux exemples parmi d’autres : un

En 1975, William et Paul, deux étudiantsaméricains de l’université de Harvard, mettent aupoint un logiciel pour l’Altaïr 8800, un des toutpremiers micro-ordinateurs. William découvrebientôt que son logiciel n’est pas acheté, mais copiéet diffusé gratuitement sur le campus. Il publie unelettre ouverte dans la presse étudiante : « Est-cehonnête ? [...] ce que vous faites, c’est empêcher laproduction de bons logiciels. Qui peut se permettre defaire travailler des professionnels pour rien ? [...] Vousêtes tout simplement des voleurs. »3 William, sondiminutif c’est Bill : Bill Gates. Avec Paul Allen, ilfonde, un an plus tard, Microsoft. Vingt-cinq ansaprès, les arguments n’ont pas changé. En 2001,Craig Mundie, numéro 3 de Microsoft, qui « mèneune campagne contre le logiciel libre », déclare ainsi :« La protection de la propriété intellectuelle est un desmoteurs fondamentaux de la croissance écono-mique »4. Le logiciel libre est-il vraiment « uneconception dangereuse pour tous les éditeurs delogiciels »4 ?

§Qu’est-ce qu’un logiciel libre ?

Une des erreurs fréquentes concernant leslogiciels libres vient du fait qu’en anglais, le motfree veut dire à la fois “libre” et “gratuit”. Or unlogiciel libre n’est en rien nécessairement gratuit :dans n’importe quel magasin d’informatique, vouspouvez acheter un cédérom de Linux, le plusconnu des logiciels libres. C’est pourquoi il fautentendre « “Free as in speech, not as in beer” : freespeech signifie “liberté de parole”, et free beer, “bièregratuite”, donc “à l’œil” »e.

Les deux caractéristiques principales dulogiciel libre sont les suivantes : qu’il soit opensource, et qu’il soit régi par une licence libre. Opensource signifie que tout utilisateur du logiciel aaccès au “code source” du programme, c’est-à-direaux lignes de code qui font fonctionner leprogramme, son moteur [cf. introduction :Quelques définitions]. Ces lignes peuvent êtrechangées selon les besoins de l’utilisateur, et nonpas seulement selon le bon vouloir du fabricant.Exemple : au sein du système d’exploitation

3. L’anecdote estrelatée in (a) ;le texte de la lettreainsi que latraduction parMichel Volle sontdisponibles surwww.volle.com.4. Craig Mundie,01.net, 04.V.2001,et interview à01.net,03.VII.2001.5. John PerryBarlow, « Vendredu vin sans lesbouteilles », 1993,repris in (d).

bizarre que Stallman ait trouvé dans ledictionnaire »a. C’est surtout un acronyme quise mord la queue : les trois lettres signifientGnu’s not Unix (“Gnu n’est pas Unix”) — le Gn’a donc pas de signification propre, puisqu’ilrelance le mot GNU. Unix était un systèmed’exploitation né en 1969, et développé par lasociété de télécommunications AT & T. Pourconserver son monopole dans les télécom-munications, AT & T avait, par le FCCAgreement de 1953, « renoncé à avoir uneactivité commerciale en informatique »c2. Dèslors, la société n’avait pas le droit d’empêcher lesinformaticiens (notamment dans les universités)d’avoir accès au code source du programme. En1984, la Cour suprême américaine brise lemonopole de AT & T (c’est la naissance des“baby bells”, les multiples petites compagnies detéléphone) : la société recouvre dans le mêmetemps son droit de commercialiser des produitsinformatiques — Unix ne peut donc plus êtrelibrement copié et modifié. C’est alors queRichard Stallman (pour l’anecdote, on dit quec’est le fait de ne pas avoir accès au code sourcedu programme pilotant sa nouvelle imprimantequi a été pour lui le déclic), décide de lancer leprojet GNU en fondant la FSF (Free SoftwareFoundation, Fondation du logiciel libre), endéveloppant les concepts juridiques de copyleftet de licence GPL (General Public Licence), et enmettant sur pied un certain nombre de logiciels,dans un premier temps compatibles avec Unix.Stallman explique : « J’estime que la Règle d’or estque, si j’aime un programme, je dois le partageravec d’autres qui aiment ce programme. Leséditeurs de logiciels cherchent à diviser et àconquérir les utilisateurs, en interdisant à chacunde partager avec les autres. Je refuse de rompre lasolidarité avec les autres utilisateurs de cettemanière. Je ne peux pas, en mon âme et conscience,signer un accord de non-divulgation ou une licencede logiciels. »10

Alors même que le principe fait rapidementdes émules et que de nombreux logiciels libresvoient le jour, le système d’exploitation (donc la

PC est automatiquement fourni avec le systèmed’exploitation Windows préinstallé, même sil’acheteur ne le souhaite pas, et il est presqueimpossible6 pour l’acheteur de se le fairerembourser s’il souhaite installer Linux à laplace ; en créant un lien quasi-indissolubleentre Windows et Internet Explorer, lenavigateur Internet de Microsoft, la société afait en sorte que Nestscape Navigator, unnavigateur concurrent, soit quasimentéradiqué des PC du grand public).Cependant, lors du procès contre la firme deBill Gates pour position de monopoleentamé à l’automne 1998 et conclu troisans après, ce sont surtout les concurrentsdirects de Bill Gates (Apple, Sun,Netscape7) qui ont nourri l’accusation, bien plusque les gourous du logiciel libre : « Le monde dulogiciel libre et en particulier Richard Stallman,son fondateur, ont toujours réfuté cetteproximité, fût-elle conflictuelle, avec l’entre-prise Microsoft. Pour Stallman, les logicielslibres et Microsoft sont deux choses radica-lement différentes, qui ne supportent aucunecomparaison. »8 De fait, pour les purs et durs dulogiciel libre (notamment Richard Stallman), leslogiciels propriétaires ne devraient toutsimplement pas exister : « La Fondation dulogiciel libre suit une règle consistant à ne jamaisutiliser un logiciel propriétaire sur ses ordinateurs,sauf à titre temporaire, et pour élaborer unremplacement de ce même logiciel. Exception faitede ce cas, il n’existe aucune excuse pour l’utilisationde ce type de logiciels. »9

§La naissance du gnou

En lieu et place de Linux, c’est Hurd quiaurait dû être la star des logiciels libres. Hurdétait le système d’exploitation que RichardStallman, le père du logiciel libre, a commencéà mettre au point en 1984, au sein de son projetglobal GNU. Que signifie GNU ? C’est toutsimplement la dénomination anglaise du gnou,« ainsi choisi parce que c’était le nom le plus

6. Cf. Roberto di Cosmo,Le Hold-up planétaire,Calmann-Lévy, 1998.7. Apple vend desordinateurs qui tournentavec Mac-Os, Sun venddes ordinateurs quifonctionnent avec Unix(ce qui correspond à deuxsystèmes d’exploitationpropriétaires). 8. Olivier Blondeau,Le Monde, 31.I.2001.9. Free SoftwareFoundation, « Catégoriedes différents logicielslibres et non libres », trad.française disponible surwww.april.org/groupes/gnufr/categories.html etreprise in (d).10. Richard Stallman,« Le manifeste GNU »,1984, repris in (d).

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base de l’ensemble), Hurd, n’avance quant àlui que très lentement. Or, parallèlement, unétudiant finlandais, Linus Torvalds, passionnéd’informatique et passablement agacé par« cette architecture minable avec ce systèmed’exploitation MS-DOS [l’ancêtre deWindows] minable »a des PC, met sur pied unsystème d’exploitation qu’il baptise Linux,contraction de son prénom et d’Unix11. Le 25août 1991, il poste un message sur Internetannonçant la création de son systèmed’exploitation. Aussitôt, des centaines dedéveloppeurs du monde entier se joignent àlui, utilisant notamment les outils déjà mis aupoint par la Free Software Foundation12. En1994 sort une première version aboutie deLinux ; en 1999, la version 2.2 est lancée.

§Linux pour qui ?

En dix ans, Linux est devenu un outilincontournable : fiable (il est ainsi utilisé dansdes secteurs sensibles, telle l’armée), puissant,conçu dans une logique Internet (au moins untiers des prestataires d’accès à Internet sontsous Linux), et surtout... libre (avec tous lesavantages que cela suppose, et notamment lagratuité des licences). Il existe une série de“clones” de logiciels propriétaires existant sousforme libre : ainsi le fameux Gimp, unprogramme de dessin et de manipulationd’images, similaire à Photoshop « mais enmieux »a, mais aussi des traitements de texte,des logiciels de son, etc. Il existe aussi deslogiciels propriétaires fonctionnant sousLinux : ainsi la suite bureautique (traitementde texte + tableur + base de données)StarOffice (offerte aux particuliers et dansl’enseignement) — car, paradoxalement, il estpossible de concevoir des logiciels propriétairesfonctionnant sur un système d’exploitationlibre. Linux est-il vraiment adapté aux particu-liers, aux petites entreprises ? Les auteurs dulivre Logiciels libres résument : « Fiabilitié,interopérabilité et richesse applicative font des

solutions autour de Linux et des logiciels libresune alternative crédible à l’offre propriétairedominante (Microsoft et Apple). Leurgratuité, ou leur prix peu élevé, font de cesoutils une solution avantageuse pour les PME,les établissements d’enseignement, les institutsde recherche ou les collectivités locales,notamment pour l’informatique en réseau, lesserveurs Intranet [i.e. à l’intérieur d’une mêmeentreprise] ou les postes bureautiques indivi-duels. Mais les logiciels libres souffrent parfoisde leur passé universitaire : certains outilsnécessaires aux entreprises comme les progi-ciels de gestion ou les jeux éducatifs pour legrand public sont encore absents de cetteoffre. »a

Quittant le monde universitaire, les logi-ciels libres sont devenus un enjeu pour l’en-semble de la société. Comme les militants13 dulogiciel libre ne cessent de le rappeler, les ser-vices publics devraient obligatoirement fonc-tionner avec et proposer des ressources infor-matiques libres. On sait qu’en France, lestextes légaux et les documents administratifssont libres de droits — mais encore faudrait-ilque les logiciels permettant de les lire le soientaussi. Or, aujourd’hui, une société ou uneassociation « qui demande des subventions àl’Union européenne est contraint[e] en pra-tique d’utiliser la suite bureautique MicrosoftOffice, à l’exclusion de tout autre, pour com-muniquer avec les services administratifs trai-tant son dossier. »a D’autant qu’imposer unstandard de fait qui soit propriétaire n’est pasexempt de risque, loin de là : si la société quidistribue ce logiciel fait faillite, le standardpeut très bien disparaître — ce qui ne peut seproduire avec un logiciel libre. Le cas de l’éco-le est exemplaire. D’abord parce que cela per-met de réduire les coûts. Au Mexique, dans lecadre d’un programme d’informatisation,140 000 écoles primaires et collèges vont êtreéquipés par Linux : « Un système [avec desproduits Microsoft] serait revenu à environ$100 par poste pour les licences de logiciels.

11. Hurd comme Linux sontdes systèmes d’exploitation« de type Unix », ce quisignifie qu’ils ont desfonctions et des façons de secomporter communes avecUnix (multi-tâches et multi-utilisateurs) tout en étantdifférents.12. C’est pourquoi RichardStallman insiste toujourspour que Linux soitdénommé GNU/Linux, enréférence à son travail depionnier, même si son Hurdn’a finalement jamais vu lejour (il est, à l’heure actuelle,encore en développement).13. Il existe en France deuxassociations importantes :l’April (Association pour lapromotion et la recherche eninformatique libre), prochede la FSF de Stallman, etl’Aful (Associationfrancophone pourl’utilisation de Linux et deslogiciels libres), qui, à ladifférence de la première « nedéfend pas le point de vueselon lequel tout logiciel doitêtre libre »(a).

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Avec Linux, il suffit d’acquérir un seul cédérom à$50 et de le copier en toute légalité sur tous lesserveurs et sur tous les postes. »a Ensuite parceque cela permettrait de « garantir l’indépendan-ce entre le programme scolaire et les stratégiesmarchandes des éditeurs de logiciels proprié-taires »a. Les sociétés proposant des logicielspropriétaires font en effet de leur mieux pourconditionner, via l’école, les futurs consom-mateurs à l’utilisation exclusive de leurs pro-duits ; tout comme elles font de leur mieuxpour combattre les logiciels libres au sein desgrandes entreprises. Il s’agit bel et bien d’uncombat : « la suite bureautique MicrosoftOffice serait proposée à certaines multina-tionales françaises à moins de 8 euros parposte alors qu’une petite PME doit payerenviron 600 euros. Dans ces conditions,probablement assimilables à du dumping,peu de grands groupes sont prêts à [...] par-ticiper au développement de la suite bureau-tique libre KOffice. Les grands groupesayant un rôle de prescripteur, de nombreusesPME financent par leurs achats au prix fortla ristourne accordée aux grands groupes. »a

Les enjeux économiques de l’informatiquesont énormes, et les décisions politiquessont souvent dictées par des contraintesextérieures : il suffit de rappeler que l’arrêt,en novembre 2001, des poursuites de l’ad-ministration américaine engagées contreMicrosoft pour pratiques anticoncurren-tielles, a été motivé par les craintes de l’ad-ministration Bush d’affaiblir une entre-prise performante dans un contexteéconomique américain morose14.

Il faut le redire sans craindre de serépéter, les logiciels libres ne s’opposentpas, en tant que tels, au commerce. « Il y atoujours eu de la rémunération dans le mondedu logiciel libre. Dès 1985 j’ai vendu des bandesde GNU/Emacs15 pour $150. La rémunération estprésente dans le développement coopératif depuispresque 15 ans »c3, rappelle ainsi Richard Stallmanen réponse aux questions qui se posent

fréquemment concernant le développement del’activité commerciale autour de Linux, qui necesse d’augmenter depuis quelques années. SiStallman n’a vendu des programmes libres quedans le cadre non-lucratif de sa Fondation dulogiciel libre, d’autres ont en revanche pourpremier objectif les bénéfices. Prenons le cas deRed Hat, une société qui commercialise Linux— donc dont l’objet premier est de vendre unlogiciel que vous pouvez tout aussi bien copierchez votre voisin en toute légalité. L’équationparaît absurde, et on a tendance à vouloircroire Craig Mundie de Microsoft, qui a, auprintemps 2001, « décortiqué le systèmeOpen Source et l’a jugé peu viable économi-quement en le mettant en rapport avec les

échecs de certaines jeunes pousses [start-up]qui offraient gratuitement l’accès à leurcontenu en vendant d’autres services »16. Orce sont bien à ces propos que semble

répondre Bob Young, le PDG de Red Hatlorsqu’il affirme fièrement que sa société a« 300 millions de dollars en banque, un publiclisting au Nasdaq, et 100 millions de dollarsde chiffre d’affaires », lors d’une conférence

de presse faite en France, à l’intitulé on nepeut moins “hacker” (« L’historique del’Open Source / Les vrais enjeux écono-miques de cette controverse pour lesentreprises / Les avantages chiffrés des infra-structures Open Source / Quelles sont lesprincipales motivations des entreprises qui

choisissent Linux ? / Pourquoi les grands dumonde informatique (IBM, Compaq,DELL....) se rallient à Linux ? »)17. À la diffé-rence de Stallman, Bob Young s’oppose àl’idée que le logiciel libre n’a rien à voir avec

le logiciel propriétaire, en assumant le faitque Microsoft est bien un concurrent pourRed Hat : « Je m’inquiète toujours de Microsoft.

C’est une des sociétés les mieux dirigées, avec quij’ai la malchance d’être en concurrence. Ils sont trèsbrillants et très agressifs. » Mais Bob Young estaussi un businessman pas vraiment comme lesautres, qui s’oppose à la brevetabilité des

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logiciels (cf. infra) en rappelant que c’estgrâce à l’Open Source que l’innovation(pour Internet autant que pour Linux) apu se manifester depuis une dizained’années.

§Cathédrale vs bazar

Quel est l’intérêt des logicielslibres sur le strict plan de l’informa-tique ? En quoi un logiciel libre est-ilplus fiable qu’un logiciel proprié-taire ? Eric S. Raymond a proposéune théorie, reprise partout, pourdémontrer cette supériorité : il oppose le « stylecathédrale » à l’œuvre dans la conception deslogiciels propriétaires et le « style bazar », pour leslogiciels libres. Comme l’explique Olivier Blondeaudans son analyse du texte de Raymond : « Le “stylecathédrale” s’inscrit dans la logique traditionnelle dela division technique du travail, de sa planificationet de son organisation rationnelle, qui privilégiel’approche centralisée et hiérarchisée. Dans cetteconception, les logiciels doivent “être conçuscomme des cathédrales, soigneusement élaboréespar des sorciers isolés ou des petits groupes de magestravaillant à l’écart du monde”. La production est icisérielle : l’ingénieur élabore, le développeurdéveloppe et le consommateur consomme. »b Lorsde la fabrication d’un programme, trois versions sesuccèdent : la version alpha, le prototype, dont lesinformaticiens vont supprimer le maximum deproblèmes (on dit : déboguer, un bogue — bug enanglais — étant une erreur du programme qui le fait“planter”, i.e. se bloquer) ; la version béta, qui estproposée à l’essai à diverses personnes proches del’entreprise afin qu’ils signalent les problèmeséventuels ; enfin la version gold, théoriquementstable et qui sera commercialisée. L’ensemble de cesétapes prend du temps, et coûte cher aux entreprises— c’est pourquoi elles n’hésitent pas à en supprimerune : Olivier Blondeau explique ainsi le succès deMicrosoft par le fait qu’elle se « contente decommercialiser la plupart du temps des versionsbéta, économisant ainsi le long et fastidieux travail

de débogage de ses logiciels »b. Àl’opposé, le style bazar “parallélise” le

cycle de production, en fonctionde la loi édictée par Eric S.

Raymond sous le nom de“Loi de Linus” : « Étantdonné un ensemble [...] deco-développeurs suffisam-

ment grand, chaque problèmesera rapidement isolé, et sa solution

semblera évidente à quelqu’un ». Linux etses épigones sont en libre circulation : il y a

beaucoup plus d’utilisateurs de logiciels libres dansle monde que d’ingénieurs chez Microsoft. D’autantque le développement d’Internet a permis à tous cesutilisateurs d’être en contact les uns avec les autres.Il y aura donc plus de possibilités pour ces utilisa-teurs de repérer des défauts, et, surtout, de proposerdes solutions, qui seront intégrées à la prochaineversion.

Deux problèmes néanmoins se posent. D’unepart, la cohérence d’un logiciel qui pourrait éclateren mille versions différentes (puisque chacun estlibre d’en faire ce qu’il en veut). Bob Young, lepatron de Red Hat, explique : « Jusqu’en 1994, j’étaispersuadé que Linux allait exploser. Comme tout lemonde disposait des secrets de fabrication, je pensaisque les programmeurs partiraient dans des directionsdifférentes, et que plusieurs versions totalement incom-patibles entre elles apparaîtraient, signant l’arrêt demort de Linux. Mais on s’aperçoit que c’est l’inverse quise produit : quand il y a plusieurs projets concurrents,ils finissent par se regrouper. En fait, quand un projetest meilleur, les programmeurs préfèrent le rejoindre, ety ajouter leurs propres idées, plutôt que de travaillerdans leur coin et d’écrire de nouveau des choses quiexistent déjà. J’appelle ça “la théorie du programmeurfainéant”. »18 Dans le monde du logiciel libre, mêmesi la notion de communauté est primordiale, il existeune “hiérarchie” qui décide d’intégrer ou non leschangements apportés dans la prochaine versionmise en circulation. Pour Linux, c’est Linus Torvaldsqui continue à tenir ce rôle (même si, depuis 1996,il s’est légèrement mis en retrait du développementdu programme lui-même). Pour Apache, un logiciel

14. Cf. ledossier dansLibération du03.XI.2001,disponible surwww.liberation.fr/microsoft/.15. GNU/Emacsest un éditeurde textes.16. Logiciels etsystèmes, n°59,juin 2001.17. Conférencede presse du 26novembre 2001à Paris ; proposrecueillis parMoïnaFauchier-Delavigne.Red Hat salariedix des quinzeplus importantsdéveloppeurs deLinux.18. Bob Young,Libération,13.X.1999.

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qui permet de faire fonctionner les sites Internet (etqui est installé sur plus de la moitié des serveurs),c’est un collège de plusieurs membres (l’ApacheGroup) qui vote sur des améliorations qui peuventêtre proposées par tous. L’avantage est que cettehiérarchie peut être modifiée sans granddommage : même sans Linus, Linux nes’éteindrait pas.

L’autre problème posé par ledéveloppement coopératif estcelui de la divergence de plus enplus marquée entre deux façonsd’être par rapport aux logicielslibres : au fur et à mesure queceux-ci ont conquis le grandpublic, ils ont cessé d’être desoutils réservés aux seuls infor-maticiens (l’un des problèmesde Linux a longtemps été d’êtretrès difficile à installer pour unnon-initié). Y a-t-il un risquede voir sans cesse croître le nombre des simples uti-lisateurs, qui s’opposent aux utilisateurs-dévelop-peurs des premiers temps ? Richard Stallmanrépond : « il n’y a qu’une communauté, qui contientdeux genres d’utilisateurs. Les besoins sont différentsmais nous faisons déjà des grands efforts pour lesbesoins des utilisateurs ordinaires non-hackers. Lacommunauté peut continuer unie. »c3

§Le copyleft

« Pour protéger vos droits, nous devons apporterdes restrictions, qui vont interdire à quiconque de vousdénier ces droits, ou de vous demander de vous endésister »19, explique le préambule de la GPL(General Public Licence), la licence mise au point parStallman au sein de la Free Software Foundation. Ils’agit de détourner la protection habituelle ducopyright pour créer un “copyleft” : jeu de motsubtil qui repose sur l’idée que l’auteur laisse (left)faire des copies (left signifiant aussi “gauche”,l’opposition peut également s’entendrepolitiquement). Un logiciel sous licence GPL a unauteur dûment mentionné, mais celui-ci énonce

sous le copyright que « ce programme est un logiciellibre ; vous pouvez le redistribuer et/ou le modifierconformément aux dispositions de la Licence PubliqueGénérale GNU »19. Le problème de la FSF était toutbête : protéger un logiciel dont la vocation est d’êtrelibre — donc protéger la liberté. Car, sans cetteprotection, rien n’aurait empêché une entreprise derécupérer un logiciel libre, de faire quelquesmodifications, puis de le commercialiser sous formepropriétaire, brisant le cercle de la communauté dulibre. Comme l’explique un tenant du logiciel libre,« la simple publication dans le “domaine public” [i.e.renoncer à tous les droits] ne marchera pas, parce quecertains essayeront d’abuser de la situation à leur profiten privant les autres de la liberté. Tant que nous vivonsdans un monde avec un système légal où lesabstractions légales telles que le copyright sontnécessaires, en tant qu’artistes ou scientifiquesresponsables nous aurons besoin des abstractions légales,en bonne et due forme, du copyleft qui assurent noslibertés et les libertés des autres. »20 Il ne faut donc passe méprendre sur le sens du copyright de la FSF : ils’agit d’un pis-aller (ou comment se défendre avecles armes de l’ennemi), et certainement pas d’unedéfense de la notion de droit d’auteur en ce quiconcerne les logiciels.

Car le credo des tenants du logiciel libre est quele copyright (l’auteur conserve ses droits et lesconcède aux usagers) et a fortiori le brevet (qui offreune protection encore plus forte : les inventeursd’un procédé en conservent le contrôle pendant 20ans), n’ont pas de sens pour un programme infor-matique — qui est comparé à un théorème mathé-matique (« la plupart des brevets [aux États-Unis etau Japon] sur le logiciel résultent plus d’une décou-verte d’une propriété mathématique, d’un algorith-me ou d’une méthode d’organisation que de la miseau point d’un procédé industriel original et com-plexe »a). Or, comme le note Bernard Lang, « onimagine la frustration des mathématiciens si on leurdisait tout à coup que les théorèmes sont une propriétéprivée, qu’il faut payer pour avoir le droit de les utili-ser et que, en outre, les preuves étant secrètes, ils doiventdonc faire confiance à la société qui les vend, tout enspécifiant qu’elle ne saurait être tenue pour responsable

19. Traductionfrançaise « non-officielle »(la licence nepeut être utiliséequ’en anglais) dela GPL,disponible surwww.april.org/gnu/gpl_french.html. 20. MichaelStutz,« Appliquer lecopyleft à del’informationde type nonlogiciel »,disponible surhttp://dsl.org,et repris in (d).

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des erreurs éventuelles. La confiance que l’on peutaccorder à une théorie mathématique est le résul-tat d’un processus social fondé sur la libre circula-tion de l’information dans la communauté scienti-fique : elle se développe par la coopération, lacritique, la concurrence, les ajouts et transforma-tions, en étant à chaque étape soumise à l’appré-ciation et au contrôle des pairs. La preuve mathé-matique est en théorie un objet rigoureux, mais enpratique si complexe que seul ce processus engarantit la crédibilité. Il en va d’ailleurs de mêmepour bien d’autres disciplines scientifiques, et c’estaussi comme cela que se développent efficacementles programmes informatiques. »21 La question desbrevets dans l’industrie informatique est relati-vement complexe22, notamment parce que ceux-ci sont autorisés aux États-Unis et au Japonmais, pour l’instant, interdits en Europe. Or lesbrevets permettent à des grandes firmes de ver-rouiller un certain nombre de fonctions utilesen informatique, ce qui empêche la fabricationde logiciels libres clones. Ainsi, aux États-Unis,« la fonction mathématique “ou exclusif ” a parexemple été brevetée pour son application auprocédé d’inversion des couleurs sur un écrancomme celui qui est utilisé pour faire clignoterun curseur sur un écran. Or il s’agit d’unprocédé connu et tellement élémentaire quepersonne n’avait osé déposer un brevet aupara-vant. [...] De nombreuses sociétés ont alors étéattaquées pour contrefaçon parce qu’elles utili-saient la fonction “ou exclusif ” dans des appli-cations graphiques sans savoir qu’un brevet exis-tait et ont dû accepter de verser des royalties audétenteur du brevet. »a Or l’Europe sembles’acheminer vers une brevetabilité des logiciels23

(et sous l’intense lobbying des grandes entre-prises de logiciels propriétaires, notammentaméricaines, qui pourraient alors déposer unmaximum de brevets et bloquer ainsi l’innova-tion).

Le copyright n’est pas seulement remis enquestion dans le cas des programmes informa-tiques. Richard Stallman, dans un article inti-tulé « Copyright : le public doit avoir le dernier

mot »d, écrit : « le système du copyright s’est déve-loppé en même temps que l’imprimerie. Au tempsde l’imprimerie, il était pratiquement impossible àun lecteur ordinaire de reproduire un livre. Unetelle reproduction nécessitait que l’on disposâtd’une presse à imprimer, et en général les lecteursn’en avaient pas sous la main. En outre, il étaitabsurdement coûteux de reproduire un livre decette façon, à moins de le tirer à un grand nombred’exemplaires — c’est pourquoi, de fait, seul unéditeur pouvait reproduire un livre sans se ruiner.

Ainsi, en cédant aux éditeurs la liberté dereproduire les livres, le public leur a vendu une

faculté qu’en réalité il ne pouvait pas mettre enpratique. » Diderot, qui, au temps où le publicne pouvait en effet pas mettre en pratique lafaculté d’impression, écrivit sa Lettre sur le com-merce de la librairie [le mot librairie à l’époquerecouvre à la fois le domaine de la vente et celuide l’édition de livres], n’avait pas de mots assezdurs pour ceux qui procédaient à des “contre-façons” (i.e. qui ne respectaient pas le monopo-le de l’impression) : « Sévissez contre des intrusqui se mêlent de leur commerce [celui deslibraires] et qui leur enlèvent leurs avantages sanspartager leurs charges ; que ces intrus n’obtiennentpoint vos privilèges ; que les maisons royales ne leurservent plus d’asile ; qu’ils ne puissent introduire nidans la capitale ni dans les provinces des éditionscontrefaites ; remédiez sérieusement à ces abus »24.Près de deux cent cinquante ans après, il y atoujours des « intrus » : « L’avenir serait la gra-tuité, l’œuvre amortie pouvant librement, au nomd’une idéologie libertaire sympathique, être utiliséesans contrôle et sans rémunération à travers laplanète. Certains fantasment même des auteursdélivrant gratuitement leurs créations... Payés parl’État ou forfaitisés par les groupes multinatio-naux, les auteurs seraient soumis à la subventionou au contrôle... L’auteur qui ne peut plus jouer savie, sa carrière, dans une relation violente avec lepublic, qui n’espère plus lorsqu’il conçoit, écrit oupeint, le retour concret et matériel de son specta-teur ou de son lecteur deviendra vite assujetti à lagratuité. »25 Le plaidoyer pourrait convaincre s’il

21. Bernard Lang,« Internet libère leslogiciels », La Recherche,n°328, février 2000.22. Cf. (a) et Jean-BenoîtZimmermann, « Logicielet propriété intellectuelle »,in (c). Le sitewww.freepatents.orgmilite contre les brevetssur les logiciels en Europe.23. En août 2001, L’Officeeuropéen des brevets aamendé la Convention surle brevet européen de1973 dans ce sens(cf. www.net-iris.com).24. Diderot, Lettre sur lecommerce de la librairie,1763, rééd. Parangon,2001.25. Laurent Heynemann,Bulletin de la SACD,n°113, été 2001.

tion à son anthologie du “libre”, évoque lesdifférents auteurs qui s’y côtoient :« Tous parlent de politique, dessinantune coalition improbable : néolibéraux,libertariens, tiers-mondistes ou encore

protomarxistes. Richard Barbrook évoquemême l’anarcho-comunisme »d. Danscette coalition, l’utopie joue un rôle pré-

pondérant : dans un article intitulé « L’Inter-net, fragments d’un discours utopique », Vivia-ne Serfaty compare Internet aux discoursutopiques, et notamment à celui de ThomasMore. Internet est indissociable, on l’a vu, dumouvement des logiciels libres (parce quenombre des protocoles informatiques régissantle réseau sont libres, et parce qu’Internet a per-mis l’immense travail collectif du développe-ment de Linux et consorts). La position destenants des logiciels libres concernant une com-munication toujours ouverte est fondée sur latransparence, « notion-clé dans l’utopie, où toutdoit être parfaitement intelligible, et où chaque élé-ment — structure politique, organisation sociale,architecture, vêtements, alimentation — doit reflé-ter le projet fondateur global. [...] De même quel’architecture de la cité utopique joue un rôle cen-tral dans la rupture avec le passé et l’instaurationd’une société nouvelle, l’Internet est censé subvertirles configurations du pouvoir et les stratégies dedomination traditionnelles. Dans cette optique, lefonctionnement décentralisé du réseau, dépourvud’ordinateur-maître, ainsi que l’auto-régulationdes forums de discussion, posée comme principe dèsla création d’Usenet, indiquent la recherche de rap-ports humains fondés sur l’égalité plutôt que sur ladomination de quelques-uns et créent tout un ima-ginaire de société égalitaire, décentralisée, non coer-citive. »29 On retrouve là l’exact fonctionnementdu développement d’un logiciel libre.

Au-delà des motivations basiques (dévelop-per un programme pour répondre à un besoinpersonnel spécifique), pourquoi des informati-ciens participent-ils bénévolement au dévelop-pement des logiciels libres ? « Le facteur déter-minant dans l’accélération des développements

ne venait pas du responsable de la SACD, une“société d’auteurs” chargée de distribuer leursdroits et dont la gestion opaque a été maintesfois critiquée26.

Le numérique ayant révolutionné lareproduction (la plupart des formes de création,et notamment l’écrit, le son, et l’image animée,peuvent dorénavant être reproduits numé-riquement, c’est-à-dire sous une formeduplicable à l’infini), la question dudroit d’auteur est posée, par lestenants du libre, pour la musique(avec le format MP3 qui permet defacilement faire circuler des chansonspar Internet)27 ou pour les écrits [cf. letexte de Michel Valensi, p.33]. Et lecopyleft est aussi un mouvement artistiquequi prône la libre utilisation et distributiondes œuvres28. L’ensemble de ces théories etpratiques s’enracinent dans l’idée suivante,développée par un théoricien avec la métaphoredu vin et de la bouteille : jusqu’à présent,c’étaient les bouteilles (le contenant) et non levin (le contenu) qu’on protégeait. « Or avecl’arrivée de la numérisation, il est désormaispossible de remplacer tous les supportsd’information antérieurs par une méta-bouteille,faite d’agencements complexes — et on ne peut plusliquides — de 1 et de 0. [...] Les improvisations dejazz, les one-man-shows, les représentations demime, les monologues, les émissions nonenregistrées, toutes ces manifestations sontdépourvues de la fixation sous forme “écrite”requise par la loi. N’étant pas fixées par lapublication, les œuvres liquides de l’avenirressembleront toutes à ces formes qui s’adaptent et semodifient continuellement, et seront doncétrangères au droit de reproduction. »5

§Une société du don ?

Le modèle du logiciel libre fait glisser leshabituelles frontières politiques plus encorepeut-être que dans les domaines juridiques etéconomiques. Florent Latrive, dans l’introduc- d

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26. Sur la question desdroits d’auteurs, voir ledossier de la revueVacarme, n°15,printemps 2001, etnotamment l’article deP. Mangeot.27. Lire par exempleOlivier Blondeau,« Grande peur et misèresde l’édition musicale àl’ère informationnelle »,disponible surwww.samizdat.net/cyberesistance/ et repris in (d).28. Voir le site :http://artlibre.org.29. Viviane Serfaty,« L’Internet, fragmentsd’un discoursutopique »,Communication etlangages, n°119, 1999.

Libertarien, mélange d’anarchisme de droitepour le social et d’ultra-libéralisme pour l’écono-

mie. »a Or Eric S. Raymond est membre duParti Libertarien, entre autres défenseur dela vente libre des armes à feud. Un desauteurs qui a défini la notion d’“idéologie

californienne” explique : « La failliteidéologique des libertariens de la CôteOuest est due à leur croyance, dépourvuede tout fondement historique, selonlaquelle le cyberespace serait issu d’une“fusion de la gauche et de la droite, de laliberté et du marché” (Louis Rossetto,rédacteur en chef de Wired). [...] Le néo-

libéralisme a été accueilli par la “clas-se virtuelle” de la Côte Ouest commeun moyen de réconcilier l’anarchisme

de la Nouvelle Gauche et le zèle entre-preneurial de la Nouvelle Droite. Et surtout, cemonstrueux hybride s’est renforcé en projetant lesvieux mythes de la Révolution américaine sur leprocessus de la convergence numérique. »34 ChezRaymond, le capitalisme est loin d’être nié : « Leverdict de l’histoire semble être que le capitalisme etle libre marché est une façon globalement optimalede coopérer pour engendrer une économie efficace.Peut-être que, d’une manière similaire, le jeu desréputations de la culture du don est la façon globa-lement optimale de coopérer pour créer (et contrô-ler !) un travail créatif de qualité. »31 La société dudon se fonde sur la compétition entre les indivi-dus : « c’est l’effet dominant du désir de compéti-tion que de produire un comportement de coopéra-tion »31. Après cette phrase, les traducteursrajoutent une note : « Cela n’engage que l’au-teur »d — manière de montrer la gêne que peutprovoquer ces propos chez des militants françaisen faveur du logiciel libre, souvent de gauche.

Même si l’on admet la compétition àl’œuvre dans le développement des logicielslibres, il faut noter que celui-ci a lieu en parallè-le des circuits économiques traditionnels. Il nieainsi la notion de valeur-travail, à l’image dumanifeste de Richard Stallman lors du lance-ment du projet GNU, en 1984 : « À terme,

est sans doute ce que [Eric S.] Raymond appelle“Ego gratification” (la gratification de l’ego).“Pourquoi les peintres amateurs peignent-ils ? Parcequ’ils cherchent la reconnaissance de leurs pairs.Pour les développeurs de logiciels libres, c’estpareil”, résume John Hall, président deLinux International. »a Scott Ananian,un étudiant au MIT, programmeurpour Linux, surenchérit : « L’argentn’est pas ce pour quoi nous écrivons ducode toute la journée. Je ne peux pas plusexpliquer ce qui nous fait produire ducode qu’un poète ne peut dire pourquoiil écrit. »30 Eric S. Raymond a tenté dethéoriser les rapports existant entre leslinuxiens : « Il est très clair que la sociétédes développeurs Open Source est en faitune société du don. À l’intérieur de celle-ci, iln’existe pas de pénurie de produits de premièrenécessité — espace disque, bande passante, puissan-ce informatique. Le logiciel est librement partagé.Cette abondance crée une situation où la seulemesure valable de réussite face aux autres est laréputation qu’on se fait auprès de ses pairs. »31 Laréférence au potlatch (l’économie du don32)qu’on trouve chez de nombreux théoriciens dulibre n’est néanmoins pas innocente. OlivierBlondeau affirme qu’il s’agit d’un « contresensthéorique », citant à raison Maurice Godelier :« Dans le potlatch, on donne pour “écraser” l’autrepar son don. Pour cela, on lui donne plus qu’il nepourra rendre ou on lui donne beaucoup plus qu’iln’a donné. [...] Le don-potlatch endette et obligecelui qui le reçoit, mais le but visé est explicitementde rendre difficile, sinon impossible, le retour d’undon équivalent : il est de mettre l’autre en dette defaçon quasi permanente, de lui faire perdre publi-quement la face, et d’affirmer ainsi le plus long-temps possible sa supériorité. »33 Mais il se pourraitque ce ne soit justement pas un contresens, etque ce soit volontaire. « L’idéologie californien-ne, très présente dans la Silicon Valley, préconiseun désengagement maximal de l’État au profitde l’initiative privée et de l’autorégulation descitoyens. Elle reprend les idées du petit Parti d

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30. Libération,23.VIII.1999.31. Eric S. Raymond,« À la conquête de lanoosphère » [lanoosphère est le“territoire des idées”],disponible surwww.opensource.org,cité in (a) et repris in (d).32. Marcel Mauss, Essaisur le don, 1923.33. Maurice Godelier,L’Énigme du don,Fayard, 1996, cité in (d).34. Richard Barbrook,« La liberté del’hypermédia », 1996,repris in (d). Barbrookest le coauteur, avecAndy Cameron, de TheCalifornian Ideology,1995, disponible surwww.hrc.wmin.ac.uk.

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rendre les programmes libres est un pas vers lemonde d’après pénurie, quand personne nedevra travailler très dur juste pour survivre.Les gens seront libres de se consacrer à des acti-vités ludiques telles que la programmation. [...]Nous avons déjà beaucoup réduit la quantitéde travail que la société entière doit fournirpour sa productivité, mais seulement une peti-te part se traduit en temps de loisir pour les tra-vailleurs, car beaucoup d’activités non produc-tives sont nécessaires pour accompagnerl’activité productrice. Les raisons principalessont la bureaucratie et la lutte isométriquecontre la concurrence. »10 En attendant, lesdéveloppeurs des logiciels libres ont dû com-poser avec le travail traditionnel dans lesentreprises — et Linux pourrait subir, par lejeu d’un coup de billard à plusieurs bandes,le contrecoup du ralentissement de la net-économie. Car les tenants du logiciel libreont bénéficié de l’explosion économique detout ce qui touchait à l’informatique engénéral et à Internet en particulier à la findes années 1990 : « Durant cette périodepermissive, ils pouvaient sans problème ins-taller leur système d’exploitation Linux surle réseau de la société et travailler dessusselon leur bon vouloir. Mais aujourd’hui [...]les programmeurs victimes de l’écroulementde la nouvelle économie vont probablementdevoir accepter des postes dans des institu-tions plus sages, comme les banques, où lessystèmes Linux sont perçus comme risquéssur le plan de la sécurité, et où passer la moi-tié de la journée à discuter en ligne sur laliste de diffusion de Linux n’est pasconsidéré comme une utilisation rentable deleur temps. »35 La rencontre entre le mondeun peu “décalé” de l’informatique libre et lemonde réel des entreprises peut être diffici-le. En 1999, une affaire assez problématiquea ainsi secoué le monde des linuxiens. RedHat, la principale société commercialisantdes solutions Linux, est entrée en bourse.13% des actions avaient été réservées aux

3500 programmeurs bénévoles qui ont par-ticipé au développement de Linux : « Lerésultat fut catastrophique : nombre de pro-grammeurs ont vu leur inscription au site decourtage boursier E-Trade (indispensablepour bénéficier de l’offre) rejetée parce qu’ilsne présentaient pas de garanties financièressuffisantes. [...] Pour profiter de l’offre, ilfaut ouvrir un compte chez E-Trade et dépo-ser au minimum 1000 dollars. [...] Les ques-tionnaires d’admission visent à écarter ceuxqui risquent la faillite personnelle par leurfaible connaissance des mécanismes bour-siers ou leur manque de fonds. »30 Le mélan-ge entre le capitalisme le plus traditionnel etles habitudes des développeurs bénévoles nes’est pas fait en douceur, loin s’en faut.

Cela n’empêche pas Olivier Blondeau,un sociologue très nettement marqué àgauche, de déclarer : « Ne nous y tromponspas : par sa critique des monopoles fondésexclusivement sur des critères de rentabilitéfinancière, le mouvement du logiciel libreinterroge aujourd’hui les fondements mêmes dusystème capitaliste. [...] En décentrant la pro-blématique de la valeur, la fondant ainsi sur laliberté de circulation et le partage communau-taire du savoir et de la connaissance, il contri-bue à déstabiliser ces fameuses lois naturelles del’économie et réactive peut-être cette vieille uto-pie de la libre association des producteurs. »8

Dans son article paru dans la revue marxisteLa Pensée, intitulé « Genèse et subversion ducapitalisme informationnel »b, il tente demettre à jour la théorie de Marx sur la pro-ductivité (« Est productif pour Marx, toutacte de production créateur de plus-value,c’est-à-dire qui a “pour résultat des marchan-dises, des valeurs d’usages qui possèdent uneforme autonome, distincte des producteurs etdes consommateurs” »b), en faisant entrer dansson cadre le travail immatériel : « si un signen’est pas matériel, il n’en devient pas moins unemarchandise dès lors qu’il peut s’objectiver, cir-culer, s’échanger, et être vendu ». On assiste au

BIBLIOGRAPHIE

a. Jean-Paul Smets-Solanes etBenoît Faucon, Logiciels libres :Liberté, égalité, business, Edispher,1999. [Le seul livre général —aussi bien technique que théorique— qui existe sur la question.]b. Olivier Blondeau, « Genèse etsubversion du capitalismeinformationnel », La Pensée n°317,janvier-mars 1999 [disponible surwww.samizdat.net/cyberesistanceet repris in (d)].c. « Les logiciels libres : de l’utopieau marché », numéro spécial de larevue Terminal, numéro 80/81,1999. c1. Bernard Lang,« Logiciels Libres et Entreprises ».c2. Nicolas Jullien, « Linux : laconvergence du monde Unix et dumonde PC ? ». c3. Interview deRichard Stallman. [Tous cesarticles sont disponibles sur le sitewww.terminal.sgdg.org.]d. Libres enfants du savoirnumérique. Une anthologie du“libre”, dir. Olivier Blondeau etFlorent Latrive, éditions de l’éclat,2000. [Cette anthologie estprimordiale pour qui s’intéresse àla question, même si la quasi-totalité des textes sont disponiblessur Internet, et si l’ordre suivi parles éditeurs n’est pas forcémentconvaincant.]e. Tribune libre. Ténors del’informatique libre, O’Reilly, 1999[disponible sur www.oreilly.fr].f. Mélanie Clément-Fontaine, Lalicence publique générale GNU[logiciel libre], mémoire de DEA,Faculté de droit de Montpellier,1999 [disponible surwww.crao.net/gpl ; il s’agit d’uneanalyse juridique extrêmementdétaillée de la GPL].

développement d’une « économie de l’im-matériel » : « ce processus de “dématériali-sation” des moyens de production tend àbouleverser la logique traditionnelle durapport salarial : de force de travail abstrai-te et interchangeable qu’il était, le salarié[ainsi un informaticien qui développe desprogammes pour une entreprise] devientcodétenteur, sinon copropriétaire de cesoutils ». Or « ce brouillage du rapport capi-tal/travail sur ces deux aspects de la questionde la propriété incite le capital à opérer unrééquilibrage [...]. Le renforcement, sinonle verrouillage, de la propriété intellectuellesur la marchandise est une des principalescomposantes de la stratégie du capital. »Après une analyse des logiciels libres, OlivierBlondeau conclut naturellement : « Linux etles logiciels libres portent en effet aujourd’hui lacontestation au cœur des rapports de productioncapitalistes. Ils démontrent dans une pra-tique concrète que les logiques propres aumode de production du capitalisme infor-mationnel sont profondément inefficaces et doncimproductives. »b Ailleurs, il écrivait : « dans le mondedu Libre, l’argent n’est pas un gros mot — et ce n’est paslà le moindre signe de sa maturité dans une société quireste, pour quelques temps encore ;-) empreinte desvaleurs du capitalisme. »d Le “smiley”36 ;-) indique unclin d’œil : utilisateurs de PC, encore un petit effort.

§Que représentent les logiciels libres pour notre

société ? Pour des utilisateurs lambda qui ont prisl’habitude de copier illégalement les programmesinformatiques (ce que nous sommes tous peu ouprou), la licence libre semble parfois n’être pas grand-chose. Mais l’on oublie ce simple fait : en théorie, ilfaut payer des droits pour avoir le loisir de taper soncourrier sur son ordinateur. Les logiciels libres ontdonc cette vertu première : remettre les programmesinformatiques à leur vraie place, celle de simplesoutils, qui appartiennent à tout le monde (peut-onbreveter des tournures de langage ?). Et aux zélotes deMicrosoft qui parlent un peu vite de propriété intel-

lectuelle, il convient de rappeler que BillGates n’a jamais rien inventé, se contentantd’acheter les idées les autres avant de lesrevendre aux consommateurs au prix fort.Les logiciels libres sont aussi la réalisation

concrète d’une utopie, où la propriété etl’individualisme sont abolis. C’est pourquoiceux qui font de Richard Stallman unmarxien convaincant n’ont probablementpas tort, et, aujourd’hui, l’on ne voit guèred’autre issue au monde capitaliste que la voiesuivie par les milliers d’informaticienspratiquant les logiciels libres. Un petit pas

pour leur ordinateur, un grand pas pourl’humanité.

R.M.

LICENCE

Comme le rappelle Bernard Lang dans « Le nouveau protectionnismeest intellectuel »d, « la loi protège automatiquement et implicitementtoutes les œuvres de l’esprit par le droit d’auteur. La mise à disposition

d’une œuvre, notamment sur l’Internet, doit donc être un acte volontaireet explicite. » Pour cette mise à disposition, il a mis au point une licence,

la Licence de Libre Diffusion des Documents : c’est dans le cadre de cette licenceque cet article sera donc librement reproductible.Cet article (ci-après : “le document”) peut être librement lu, stocké, reproduit,diffusé, traduit et cité par tous moyens et sur tous supports aux conditions suivantes : - Tout lecteur ou utilisateur de ce document reconnaît avoir pris connaissance de cequ’aucune garantie n’est donnée quant à son contenu, à tout point de vue,notamment véracité, précision et adéquation pour toute utilisation ; - Il n’est procédé à aucune modification autre que cosmétique, changement deformat de représentation, traduction, correction d’une erreur de syntaxe évidente, ouen accord avec les clauses ci-dessous ; - Des commentaires ou additions peuvent êtres insérés à condition d’apparaîtreclairement comme tels ; les traductions ou fragments doivent faire clairementréférence à une copie originale complète, si possible à une copie facilementaccessible.- Les traductions et les commentaires ou ajouts insérés doivent être datés et leur(s)auteur(s) doi(ven)t être identifiable(s) (éventuellement au travers d’un alias) ; - Cette licence est préservée et s’applique à l’ensemble du document et desmodifications et ajouts éventuels (sauf en cas de citation courte), quel qu’en soit leformat de représentation ; - Quel que soit le mode de stockage, reproduction ou diffusion, toute personneayant accès à une version numérisée de ce document doit pouvoir en faire une copienumérisée dans un format directement utilisable et si possible éditable, suivant lesstandards publics, et publiquement documentés, en usage. - La transmission de ce document à un tiers se fait avec transmission de cette licence,sans modification, et en particulier sans addition de clause ou contrainte nouvelle,explicite ou implicite, liée ou non à cette transmission. En particulier, en casd’inclusion dans une base de données ou une collection, le propriétaire oul’exploitant de la base ou de la collection s’interdit tout droit de regard lié à cestockage et concernant l’utilisation qui pourrait être faite du document aprèsextraction de la base ou de la collection, seul ou en relation avec d’autres documents. Toute incompatibilité des clauses ci-dessus avec des dispositions ou contrainteslégales, contractuelles ou judiciaires implique une limitation correspondante dudroit de lecture, utilisation ou redistribution verbatim ou modifiée du document.© Raphaël Meltz, 2002 : la diffusion de cet article est protégée par la licence LLDL-v1, Licence de Libre Diffusion des Documents, reproduite à la fin du document etdisponible sur : http://pauillac.inria.fr/~lang/licence/v1/lldd.html.

35. AndrewLeonard,Salonmagazine,trad. CourrierInternational,28.VI.2001.36. Un“smiley” estun petit signetypogra-phique quireprésente unvisage placé àl’horizontale.Exemples ::-( ou :-)).

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