l'océanographie acoustique au shom

13
RÉSUMÉ Cet article fait le point sur les activités conduites au SHOM en océanographie acoustique. Cette thématique regroupe les études des effets du milieu sur les systèmes acoustiques utilisés par les forces navales et les méthodes de caractéri- sation tomographique du milieu. Les principaux axes de recherche et développement dans ces domaines sont pré- sentés. ABSTRACT This paper focus on the activities conducted at SHOM in ocean acoustics. These studies are mainly relative to the impact of the environment on the acoustic systems operated by naval forces as well the tomographic characterization of the environment. The major axes of research in this domain are presented and discussed. 1-1 ÉDITORIAL : LʼOCÉANOGRAPHIE ACOUSTIQUE AU SHOM par Yann Stéphan (1) (1) Ingénieur cadre technico-commercial chargé dʼétudes et recherches en tomographie acoustique SHOM, 13, rue du Chatellier, CS92803, 29228 Brest Cedex 2, France. (Email : [email protected])

Upload: doantu

Post on 01-Feb-2017

217 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: L'océanographie acoustique au SHOM

RÉSUMÉ

Cet article fait le point sur les activités conduites au SHOMen océanographie acoustique. Cette thématique regroupeles études des effets du milieu sur les systèmes acoustiquesutilisés par les forces navales et les méthodes de caractéri-sation tomographique du milieu. Les principaux axes derecherche et développement dans ces domaines sont pré-sentés.

ABSTRACT

This paper focus on the activities conducted at SHOM inocean acoustics. These studies are mainly relative to theimpact of the environment on the acoustic systems operatedby naval forces as well the tomographic characterization ofthe environment. The major axes of research in this domainare presented and discussed.

1-1

ÉDITORIAL : LʼOCÉANOGRAPHIE ACOUSTIQUE AU SHOMpar Yann Stéphan (1)

(1) Ingénieur cadre technico-commercial chargé dʼétudes et recherches en tomographie acoustiqueSHOM, 13, rue du Chatellier, CS92803, 29228 Brest Cedex 2, France.(Email : [email protected])

Page 2: L'océanographie acoustique au SHOM
Page 3: L'océanographie acoustique au SHOM

1-3

1. INTRODUCTION

Les activités du Service hydrographique et océanographiquede la marine (SHOM) sont bien connues des lecteurs desAnnales Hydrographiques, fussent-ils habitués ou occasion-nels. Si la notoriété du service en matière dʼhydrographie etdʼocéanographie nʼest plus à faire, les activités du servicerelatives à lʼacoustique sous-marine, sont probablementmoins connues.

On pourra invoquer deux raisons à cela.

La première raison peut être qualifiée de culturelle : lʼacous-tique sous-marine ne constitue pas le cœur de métier duSHOM, il nʼest donc pas surprenant que la communicationrelative à cette discipline ait été plus "discrète" que celleconcernant dʼautres activités. Pour autant, lʼacoustique sous-marine est un outil indispensable à lʼexercice des missionsdʼun service hydrographique comme le SHOM. En effet, lamaîtrise des systèmes acoustiques les plus modernes demesures de la bathymétrie, des courants, de la nature desfonds marins ou encore de lʼépaisseur des couches sédi-mentaires est une condition sine qua non à la qualité desacquisitions de connaissances hydro-océanographiquesnécessaires à la réalisation des produits et services duSHOM destinés aux usagers civils et militaires du milieumarin. Le SHOM a dʼailleurs été pionnier dans ce domaine,sʼintéressant très tôt à lʼexploitation de la propagation du sonsur le repérage acoustique en mer [Lacombe, 1946,Grousson R., 1955]. Le SHOM, pourrait presque sʼenor-gueillir de lʼinvention du sondeur bathymétrique, dont le princi-pe fût énoncé dès 1836 par Urbain Dorcet de Tessan, ingé-nieur hydrographe1 !

La seconde raison est opérationnelle. La connaissance et lacompréhension des mécanismes de propagation, de réver-bération ou de génération du bruit ambiant font partie inté-grante de la mission du SHOM de soutenir les opérationsnavales, principalement pour permettre aux opérationnels demieux appréhender les effets du milieu sur lʼutilisation deleurs systèmes de détection sous-marine. On comprendraque beaucoup de résultats de ces études soient restés dansun cercle dʼinitiés et dʼutilisateurs restreints. Pour autant,lʼacquisition dʼun savoir-faire en matière dʼacoustique sous-marine pour mieux comprendre les effets du milieu sur lesopérations navales est un processus entamé depuis plu-sieurs dizaines dʼannées, processus rendu particulièrementnécessaire dʼune part par les développements technolo-giques et évolutions tactiques liés à la mise en service opé-rationnelle de sonars à très basses fréquences, plus sen-sibles à lʼenvironnement et opérant sur des portées pluslongues, et dʼautre part par lʼaccroissement des opérationsnavales en zones côtières, plus complexes à appréhender.

Ce savoir faire est le fruit dʼun nombre conséquent dʼétudeset de recherches à la fois sur lʼimpact acoustique des phé-nomènes océanographiques et sur lʼoptimisation de la des-cription du milieu marin pour les besoins de la détectionsous-marine, activités regroupées sous le terme générique"dʼocéanographie acoustique" pour les besoins de cet article.

En définitive, on ne relève dans les AnnalesHydrographiques que peu de références concernant lʼacous-tique sous-marine en général et lʼocéanographie acoustiqueen particulier. La publication dʼun numéro spécial consacréau séminaire SERENADE [Stéphan et al., 2010], apportelʼoccasion de combler, bien que très partiellement, cette"lacune". Ce numéro spécial fournit ainsi lʼopportunité de pré-senter, en complément dʼun article publié dans les précé-dentes Annales Hydrographiques n° 775 [Morel, 2010],quelques résultats récents dʼétudes et recherches en océa-nographie acoustique conduites au SHOM et chez ses par-tenaires. Il présente aussi quelques axes de recherche dansle domaine de la caractérisation acoustique du milieu marinet de lʼimpact acoustique de lʼenvironnement.

La première partie de cet article revient brièvement sur lesévolutions récentes des activités en océanographie acous-tique. La seconde partie présente les principales théma-tiques de recherche en cours au SHOM. Enfin, conclusionset perspectives sont dressées en fin dʼarticle.

2. UN BREF HISTORIQUE…

Lʼorigine : environnement et sonars

La connaissance de lʼenvironnement est un facteur essen-tiel pour évaluer les performances des sonars. Dans lecadre de sa mission de Défense, en particulier de soutienaux opérations navales, une des premières actions duSHOM a été de fournir aux forces des conditions typiques,au sens statistique du terme, des environnements de pro-pagation. Ce sont les albums de champs sonores, éditéspar le SHOM à usage des unités de la marine, et dont cer-tains comportaient une estimation des pertes de propaga-tion acoustique (figure 1) permettant dʼestimer les portéesde détection en lʼabsence de systèmes embarqués demesure de la bathycélérimétrie. Lʼavènement des sys-tèmes de mesures et de calculs embarqués, tels que lessondes perdables et les outils numériques de modélisa-tion de la propagation, a rendu obsolète ces albums dechamps sonores pour une utilisation temps réel.Néanmoins, la connaissance statistique dʼun théâtredʼopération, en incluant lʼordre de grandeur des caracté-ristiques de la propagation acoustique, reste un outilimportant pour la planification des opérations.

1« Jʼai proposé, en 1836, dans des notes placées à la suite des Instructions nautiques sur les côtes de lʼAlgérie, de M. A. Bérard, un moyen de mesurer les grandesprofondeurs de la mer, basé sur lʼemploi de bombes qui feraient explosion en touchant le fond. (Le bruit de lʼexplosion ferait connaître lʼinstant de lʼarrivée, et la duréede la chute ferait connaître la profondeur, puisque la vitesse de la chute est constante.) Quelques personnes ont douté que le bruit de lʼexplosion dʼune bombe arri-vée au fond de la mer (4 lieues) pût être entendue de la surface. … on sait que lʼeau, étant beaucoup plus dense et plus homogène que lʼair doit transmettre le sonbeaucoup mieux que lui. Au reste, lʼobservation directe, faite par M. Colladon sur le lac de Genève, est plus probante encore ; …. Il me semble, dʼaprès cela, quʼonne peut plus élever de doutes raisonnables sur la possibilité dʼentendre, de la surface, le bruit de lʼexplosion dʼune bombe suffisamment chargée, qui éclaterait aufond de la mer. » (Physique, tome IV, 1844, 226)

Page 4: L'océanographie acoustique au SHOM

1-4

Le premier élan : la tomographie acoustique

Le véritable essor de lʼocéanographie acoustique au SHOM,dans son contour défini en introduction, eu lieu à la moitiédes années 80 grâce à lʼimplication du service dans lʼimpor-tation en France des techniques de tomographie acoustique(Munk et Wunsch, 1979), en partenariat avec la Directiongénérale de lʼarmement (DGA) et lʼInstitut français derecherche pour lʼexploitation de la mer (Ifremer). La tomo-graphie acoustique, qui est discutée plus en détail dans unautre article de ce volume [Stéphan et al., 2010], présente eneffet un double intérêt. Il sʼagit dʼune part dʼune méthode demesure des paramètres physiques de lʼocéan à lʼéchelle desthéâtres dʼopérations et son emploi contribue donc à la

connaissance océano-acoustique de ceux-ci. Il sʼagit dʼautrepart dʼun système de mesure in situ de lʼimpact des phéno-mènes océanographiques et donc un excellent outil pour lacompréhension des effets positifs ou négatifs sur lʼemploitactique des sonars. Le SHOM, soutenu par la DGA et lamarine, a mené dès 1987 une expérience pilote sur le bordest de lʼocéan Atlantique (campagne BORD-EST, en colla-boration avec lʼIfremer) puis une expérience majeure de vali-dation de la technique en 1990, la campagne GASTOM2(figure 2), qui a confirmé tout le potentiel de la tomographiepour améliorer la perception du milieu et de son impact[Stéphan, 1998].

Figure 1 : Exemple de champ sonore en mer Égée tirée de lʼalbum de champ sonore "Méditerranée orientale", n° 722, 1982.

Figure 2 : La campagne GASTOM90. En haut àgauche, émetteur-récepteur de tomographie. En haut,au centre, illustration de lʼeffet du passage dʼun tour-billon chaud, qui provoque une diminution des tempsdʼarrivés des différentes trajectoires sonores. En basà gauche, emplacement du réseau de tomographie(six mouillages émetteurs/récepteur). En bas à droite,détection et suivi par inversion acoustique du dépla-cement dʼun tourbillon de juin à septembre (coupe à300 mètres dʼimmersion).

2 GAScogne TOMographie

Page 5: L'océanographie acoustique au SHOM

1-5

La confirmation : de la tomographie de bassin à la recon-naissance océano-acoustique de théâtres côtiers

Si la première application opérationnelle envisagée pour latomographie portait sur lʼélaboration dʼobservatoires acous-tiques sur les plaines abyssales, lʼévolution du contextegéostratégique international vers le milieu des années 90 aétendu les zones de crises potentielles, donc de menacessous-marines, des zones hauturières vers les environne-ments côtiers. Les résultats prometteurs de la tomographiepar grands fonds ont suscité le portage du concept dʼobser-vation acoustique du milieu et de son impact par petits fonds,concept quʼon retrouve généralement sous la dénominationdʼévaluation rapide de lʼenvironnement acoustique (REAacoustique3) : comment, à partir de mesures de propagationacoustique sur des systèmes éparses et rapidementdéployables, peut-on caractériser la variabilité océanique etgéoacoustique d'une zone a priori mal connue ? La réponseà cette problématique est toujours aujourdʼhui un axe majeurdes activités en océanographie du service, qui assurenotamment pour le compte de la DGA la maîtrise dʼouvragede programmes dʼétudes amont dans ce domaine. Dès

1996, les excellents résultats de la campagne INTIMATE4,une des toutes premières campagnes de tomographie parpetits fonds au monde, ont confirmé la faisabilité techniqueet lʼintérêt opérationnel de la technique (Stéphan et al.,2000). Dans les années 2000, le lancement et la réalisationdu programme dʼétude amont STEREO se sont traduits en2008 par la validation dʼun démonstrateur de REA acous-tique, le système STEREO5. Ce système, composé dʼunesource acoustique très basse fréquence et de quatre bouéesdérivantes, permet, en précurseur au déploiement dʼunitésopérationnelles sur un théâtre côtier, de mesurer les carac-téristiques océano-acoustiques dʼune zone dʼopération afinde valider ou dʼinfirmer la pertinence de la connaissanceenvironnementale de cette zone pour la détection sous-mari-ne (figure 3). Si, en lʼétat des connaissances, les prédictionsacoustiques sont conformes aux mesures du système, lasituation environnementale est considérée comme valide. Sice nʼest pas le cas, le système STEREO permet, par inver-sion de données, de modifier la perception de lʼenvironne-ment pour la rendre conforme aux caractéristiques acous-tiques observées.

3 Rapid Environmental Assessment4 INternal Tide Investigation by Means of Acoustic Tomography Experiment (observation de la marée interne par la tomographie acoustique)5 STEREO est lʼacronyme de Système Temps réel dʼEvaluation Rapide de lʼEnvironnement Océano-acoustique

a) b)

c) d)

Figure 3 : Système STEREO ; en haut à gauche, sous-système "ensemble remorqué" mis à lʼeau depuis le BHO Beautemps-Beaupré ; en haut à droite, le sous-système "bouées" composé de 4 unités (mats repliés) et leurs antennes associées ; en basà gauche, exemple de comparaison entre pertes de propagation prédite et pertes de propagation mesurées par le système enfonction de la distance source - récepteur. En bas à droite, résultats dʼinversion permettant dʼestimer à partir des mesures lavitesse de compression du fond et sa variabilité.

Page 6: L'océanographie acoustique au SHOM

1-6

Les activités en océanographie acoustique en 2010…

Comme évoqué auparavant, le SHOM a développé unecompétence en acoustique sous-marine essentiellementaxée vers les applications liées à lʼobservation du milieu partechniques tomographiques et à lʼimpact de lʼenvironnementsur les sonars afin de mieux répondre au besoin de la mari-ne en matière de prévision et dʼexploitation des perfor-mances de sonars de détection sous-marine. Cette compé-tence évolue et sʼétoffe en fonction des besoins opération-nels. Ainsi, le SHOM sʼest vu confier la gestion opérationnel-le des bases de données de bruit ambiant à des fins de pro-duction et de prévision opérationnelle de cette grandeur pourles forces sous-marines. Les activités du SHOM en océano-graphie acoustique à lʼheure actuelle peuvent être décritesen cinq principaux volets :- la constitution de bases de données acoustiques : le

SHOM enrichit et gère des bases exploitées ensuite pourdes activités opérationnelles ou dʼétude ;

- le soutien opérationnel : le SHOM diffuse à la marine desproduits relatifs à la connaissance des caractéristiquesacoustiques du milieu marin (propagation, réverbération,bruit ambiant). Ces produits peuvent être à caractère per-manents ou éphémères (prévisions de bruit ambiant, parexemple) ;

- lʼexpertise et les études : le SHOM réalise des expertiseset conduit ou pilote des études dans le domaine de lʼob-servation acoustique du milieu et les effets de lʼenvironne-ment sur la propagation acoustique et le bruit ambiant(figure 4) ;

- les campagnes à la mer : le SHOM acquiert des donnéesen mer à partir de la flotte hydro-océanographique mise àsa disposition. Il spécifie et réalise régulièrement des expé-rimentations acoustiques, en particulier dans le cadre desprogrammes dʼétudes amont que lui confie la DGA ;

- lʼinstrumentation acoustique : le SHOM dispose dʼun parcinstrumental en acoustique sous-marine dans le domainedes très basses fréquences (sources acoustiques etbouées réceptrices).

3. LES PRINCIPAUX AXES DE RECHERCHE ENOCÉANOGRAPHIE ACOUSTIQUE

La recherche au SHOM en matière dʼocéanographie acous-tique vise principalement à répondre à la problématique deREA acoustique. A ce titre, elle est essentiellement soutenuepar les programmes dʼétudes amont STEREO et ERATO6,dont le SHOM assure la maîtrise dʼouvrage par délégationde la DGA.

3.1 Le REA acoustique

Malgré les progrès importants réalisés depuis une décennieen matière de description de l'environnement, un modèle dedescription physique du milieu est par construction uneapproximation de la réalité physique. Comme tout modèle, ilpeut être imprécis, incomplet ou partiellement erroné. Ceconstat pose la question de connaître l'impact de cetteméconnaissance sur l'exploitation des systèmes sonarssachant que la physique de la propagation est telle que surcertains paramètres, une petite erreur de modèle peut géné-rer des écarts importants entre les performances prévues etles performances observées alors que sur certains autresparamètres, une grosse erreur de modèle peut ne générerque des écarts faibles entre les performances prévues et lesperformances observées. C'est de cette idée de mesurerl'impact de la méconnaissance de l'environnement qu'est néle concept de REA acoustique.

Ce concept repose sur la mesure in situ des performancesacoustiques d'un système dont les caractéristiques intrin-sèques sont proches des sonars opérationnels. Endéployant le système en précurseur à des échéancesproches des opérations, on peut mesurer les paramètresacoustiques qui contribuent aux performances des sonars(pertes de propagation, bruit ambiant et réverbération) afinde vérifier que le modèle d'environnement est pertinent. Sice n'est pas le cas, c'est-à-dire si les mesures acoustiquesne sont pas conformes aux prévisions de performances

Figure 4 : Exemple dʼétude dʼimpact montrant lʼinfluence dʼun front thermique sur le disque de détection dʼun sonar de coque.6 Évaluation Rapide de lʼenvironnement Acoustique par Tomographie Océanique.

Page 7: L'océanographie acoustique au SHOM

1-7

issues du modèle d'environnent, le système de REA acous-tique peut permettre de modifier le modèle initial en minimi-sant l'écart entre les performances réelles et les perfor-mances prévues. Deux approches sont possibles :- soit on affecte au modèle des paramètres équivalents, quit-

te à s'éloigner de la réalité physique ; ces paramètres équi-valents sont par construction des paramètres d'environne-ment obtenus par inversion des données mesurées c'est-à-dire que ces paramètres sont équivalents aux paramètresd'environnement du point de vue de leur comportementacoustique ;

- soit on améliore le modèle initial en assimilant et/ou fusion-nant les données du système acoustique de REA.

3.2 Voies de recherches et développements

Le but est de concevoir et réaliser un système de déploie-ment léger capable dʼévaluer de manière discrète et exhaus-tive une zone de plusieurs dizaines de nautiques de coté.Une première étape a été franchie grâce au démonstrateurSTEREO, qui a montré la faisabilité technique du concept. Ilreste à présent à lever certains verrous.

Un premier verrou concerne la discrétion dʼun tel système.Dans le cadre dʼopérations militaires, le fait dʼémettre dessignaux, qui pouvant sʼentendre à plusieurs dizaines de nau-tiques, sont susceptibles dʼune part de dévoiler ses inten-tions et dʼautre part de perturber dʼéventuelles opérations encours, est un frein à une éventuelle exploitation opération-nelle du concept de REA acoustique. Les techniquesactuelles, qui reposent principalement sur des émissionscontrôlées en niveau et en caractéristiques spectrales,devront être adaptées à lʼexploitation de signaux non opti-maux et de faible rapport signal sur bruit. Cʼest lʼobjet de cequʼon désigne par tomographie discrète (Gervaise et al.,2007) et qui constitue un axe majeur de recherche pour lesannées à venir.

Un deuxième verrou est que lʼutilisation de système demesures à bande limitée (de 900 à 2 200 hertz dans lecas de STEREO) ne permet de caractériser le milieu quepar son impact acoustique dans cette bande. Cʼest leprincipe du milieu équivalent. Par exemple, une couchesédimentaire trop profonde pour être perçue à ces fré-quences, ne sera pas détectée par le système STEREOmais pourrait avoir un impact fort pour des sonars tra-vaillant plus bas en fréquence. Cette restriction peut selever de deux façons par :- lʼétalement de la gamme de fréquence en adjoignant au

système de REA acoustique des capteurs supplémentairesfonctionnant à dʼautres fréquences ; on parlera de REAacoustique multicapteurs ;

- lʼinclusion des mesures en bande limitée au sein dʼun sys-tème de modélisation complet de lʼenvironnement c'est-à-dire en assimilant la donnée acoustique dans un modèledʼenvironnement évolutif. On parlera de système global deprévision acoustique.

La définition de nouveaux concepts et méthodes pour leverles verrous exposés précédemment font lʼobjet de trois pro-jets de recherche, qui vont être abordés dans la suite en lesillustrant par quelques résultats.

3.3 Projets en cours

3.3.1 Le projet MODE

Si les systèmes de REA acoustique actifs peuvent êtredes outils efficaces et relativement aisés à mettre enoeuvre pour l'apprentissage océano-acoustique d'unthéâtre, ils reposent sur l'émission dans le milieu naturelde signaux sonores à forte puissance. Le fait de travailleren actif pose trois problèmes :- l'indiscrétion opérationnelle ; dans un contexte de crise,

l'émission d'ondes acoustiques, permettant de renseignersur le type des activités menées voire interférant avec desopérations sous-marines en cours, est un problème majeur ;

- le coût et la lourdeur de déploiement ; si la technologie desrécepteurs acoustiques légers permet d'envisager desmatériels de faible encombrement, les sources acous-tiques très basses fréquences sont volumineuses etlourdes dès lors que l'on cherche à émettre des fortes puis-sances. En plus de coût à l'achat, elles nécessitent unbateau porteur, au déploiement coûteux ;

- la pollution sonore ; depuis plusieurs années, la com-munauté internationale met progressivement en placedes mesures de réduction du bruit anthropique, réputégênant et dans certains cas mortel pour la faune sous-marine. L'utilisation de techniques actives pourra àl'avenir être contrainte et il est de toute façon éco-res-ponsable de minimiser leur emploi.

L'idée de lancer un programme de recherche conséquent surla tomographie discrète est apparue dès la fin des années90. L'idée de base, objet de travaux préliminaires au SHOMet à l'ENSIETA, était notamment d'utiliser les techniquestemps - fréquences pour estimer en aveugle (i.e. sans maî-trise des émissions) la réponse impulsionnelle du milieu. Cesidées ont été finalisées au sein du projet STEREO sous laforme dʼun partenariat entre le SHOM et l'ENSIETA et leconcours de TELECOM Bretagne et du GIPSA-Lab. Ce pro-jet, baptisé MODE (Méthodes d'Observation Discrète del'Environnement), porte sur lʼensemble des concepts detomographie passive et discrète.

3.3.1.1 Tomographie active discrète

La tomographie active discrète garde la possibilité d'utili-ser une source acoustique maîtrisée. Pour assurer la dis-crétion, la source doit permettre d'émettre soit dessignaux pouvant leurrer un observateur adverse (parexemple en réémettant une copie de vocalises entenduessur zone), soit d'émettre des signaux "inaudibles"(signaux codés émis à faible niveau). Les travaux réali-sés dans MODE ont permis de démontrer la faisabilité deces approches par la mise au point et le test de tech-niques de synthèse numérique de signaux naturellementprésents dans le milieu (Cros et al., 2005) ou lʼutilisationde signaux codés sous le niveau de bruit ambiant(Rabaste et Chonavel, 2007). Dans les deux cas, le pro-blème se ramène à un problème de tomographie activedont l'approche inverse doit néanmoins s'adapter à descaractéristiques de signaux contraints par un niveaud'émission faible ou par des caractéristiques spectralesnon optimales (recopie de vocalises par exemple).

Page 8: L'océanographie acoustique au SHOM

1-8

3.3.1.2 Tomographie passive

La tomographie passive utilise les sources dites d'opportuni-té, qui peuvent être des émissions sonars extérieures, destransitoires (vocalises de mammifères marins, craquementde glaces, déferlantes,...), des bruits rayonnés par desnavires en mouvement (bruits large bande ou raies spec-trales) ou encore du bruit ambiant. On peut distinguer deuxtypes de tomographie passive :- la tomographie autonome ; le système de tomographie doit

détecter, caractériser et localiser les sources de manièreautonome. C'est le niveau de complexité le plus élevé.Cela nécessite en particulier dʼêtre capable de détecter etcaractériser des sources dʼopportunité. Ce point a été trai-té dans le projet MODE, qui a notamment permis le déve-loppement de techniques dʼestimation à base dʼopérateursde transformation (voir par exemple Ioana et al., 2006) ;

- la tomographie assistée ; on apporte une aide au sys-tème de tomographie soit pour détecter, soit pourcaractériser, soit pour localiser les sources (parexemple en utilisant le bruit rayonné par un bâtimentcoopérant, dont on connaît la position et/ou les raiesspectrales caractéristiques). Ainsi, un des axes explo-rés dans le projet MODE a démontré que lʼon pouvaitestimer les paramètres du guide dʼonde océanique parpetits fonds par inversion du bruit rayonné en largebande par des bâtiments coopérants (Vallez et al.,2007, figure 5).

3.3.2 Le projet CALIMERO

Le premier objectif des systèmes de REA acoustique est decaractériser le milieu par son impact acoustique. Cet objec-tif se décline par la restitution de "milieux acoustiquementéquivalents" cʼest-à-dire des milieux qui par construction"collent" à la réalité de la propagation acoustique ("véritésonar") mais pas forcément à la réalité géophysique ("véritéterrain"). Lʼinconvénient de cette approche est que cesmilieux équivalents ont un domaine de validité restreint auxsystèmes utilisés et ne sont pas a priori pertinents en cas dechangement de systèmes (changement de gamme de fré-quence, par exemple). En fait, ce constat ne sʼapplique passeulement à un système de REA acoustique mais à lʼen-semble des moyens de mesures acoustiques utilisées encaractérisation géophysique (imagerie acoustique, sondeursde sédiments, systèmes de sismiques,…). En effet, aucunsystème acoustique pris individuellement ne permet unecaractérisation complète des fonds puisque chaque systèmene permet de remonter quʼà une description du fond dansson propre spectre dʼutilisation. Par exemple, un imageuracoustique, qui exploite la réponse du sédiment à un signalà haute fréquence, ne permet quʼune caractérisation dusédiment superficiel. De manière plus générale, les sys-tèmes exploitent des phénomènes physiques éventuelle-ment différents (réflexion et réverbération en particulier) quʼilest difficile de relier entre eux mais qui apportent une gran-de complémentarité des observations (figure 6). Cʼest la

Figure 5 : Inversion dʼun canal très petits fonds à partir du bruit rayonné par des bâtiments coopérants (Vallez et al., 2007). Lediagramme temps - fréquence dʼun navire en rapprochement est transformé en courbe "fréquence – nombre dʼonde relatif".Lʼinterprétation des courbes de dispersion modales permet de remonter aux paramètres du milieu.

Page 9: L'océanographie acoustique au SHOM

1-9

recherche de lʼexploitation de cette complémentarité pouraboutir à une représentation unique et cohérente du milieusédimentaire qui a donné naissance au projet CALIMERO(CALIbration des MEthodes de Reconnaissance des fondsOcéaniques), initiative conjointe du SHOM et de lʼIfremer.

Figure 6 : Couverture de lʼespace fréquence – incidence parles différentes familles de systèmes acoustiques. On peut dis-tinguer trois grandes familles : les systèmes sismiques quiexploitent les incidences normales des ultra aux basses fré-quences, les systèmes de REA acoustique (AREA) qui exploi-te les incidences rasantes aux très basses fréquences et lesimageurs acoustiques qui travaillent à haute fréquences.

Le projet CALIMERO (Lurton et Le Gac, 2004) vise à termelʼutilisation conjointe de plusieurs systèmes acoustiques, decaractéristiques fréquentielles différentes et de conceptdʼemploi complémentaires. Il sʼagit de développer desméthodes permettant :- lʼintervalidation des données : il faut sʼassurer que les sys-

tèmes différents ne conduisent pas à des représentationscontradictoires des fonds ;

- la fusion des données : les données issues des différentscapteurs, ou les informations relatives au fond issues deleur traitement, doivent être fusionnées pour enrichir lemodèle sédimentaire au final ;

- lʼextrapolation : en lʼabsence dʼun système de mesures, ondoit pouvoir extrapoler les observations dʼun autre systèmeafin de compléter le modèle sédimentaire obtenu.

Une première expérience pilote a été réalisée par le SHOMet lʼIfremer en 2004 et 2005. Les travaux ont consisté en unlevé exhaustif de trois zones situées dans le golfe du Lion.Tous les moyens acoustiques disponibles au SHOM et àlʼIfremer, complétés par le sonar latéral Klein du GESMA ontété utilisés (figure 7).

Les travaux, qui à ce jour ont principalement porté sur lʼesti-mation des paramètres géoacoustiques et la comparaisondes méthodes dʼinversion pour les différents capteurs, ontmontré lʼintérêt dʼexploiter la complémentarité des capteurs.En effet, les levés par les différents moyens acoustiques secomplètent parfaitement. Sur lʼexemple de la figure 8, lazone de levé peut ainsi se caractériser par trois régions ; lapremière région, au sud-est de la zone, est une zone à faibleréflectivité (sédiments mous) ; au centre de la zone, unezone sableuse à ridules et enfin une ligne à lʼouest de lazone correspondant à la roche de Sète, affleurementrocheux. Les résultats des traitements montrent que la zonesédimentaire au sud est visible sur lʼensemble des capteurs; ce nʼest pas le cas de la roche de Sète, qui nʼest pas visiblesur lʼimagerie haute fréquence. On peut noter égalementque la roche de Sète et la zone sédimentaire au sud signentde la même façon sur la réflectivité au sondeur de sédiment(image de droite) mais que lʼinversion géoacoustique met enévidence des vitesses de compression très différentes (levéde lʼambiguïté). On peut également noter que la zone deridules nʼest visible quʼà lʼimagerie SMF, de résolution déci-métrique. Une discussion détaillée de ces comparaisonspeut être trouvée en (Theuillon et al., 2007, Theuillon et al.,2008).

Un autre axe de recherche du projet CALIMERO a porté surla mise au point de méthodes dʼestimation des paramètresgéoacoustiques (vitesses et atténuation de compression) dumilieu à partir des approches sismiques légères. Ces tra-vaux ont notamment reposé sur lʼexploitation conjointe desdonnées de sondeurs de sédiments et des techniques dʼin-version géoacoustique. En effet, le sondeur de sédiment per-met de détecter des couches sédimentaires et dʼévaluer lʼat-ténuation des ondes acoustiques. Par contre, il nʼest paspossible de remonter directement aux vitesses de compres-sion. A lʼinverse, les techniques dʼinversion géoacoustiquepermettent dʼobtenir ces vitesses de compression mais res-tent peu sensibles aux coefficients dʼatténuation. Deuxapproches ont été développées. La première, développéepar (Theuillon et al., 2008), permet dʼobtenir les coefficientsdʼatténuation par une technique de rapport de spectres. Laseconde, développée par (Plantevin et al., 2009), exploiteles réflexions acoustiques sub-critiques dans le sédiment.Elle repose sur lʼécoute au point fixe sur un hydrophone designaux émis par une source à très basse fréquence (inver-sion géoacoustique). La figure 9 présente une synthèse desrésultats au point où était mouillée lʼantenne acoustiqueTELEMAQUE.

Figure 7 : Zones de levé (à gauche) et instrumentation mise en œuvre (à droite) lors de la campagne CALIMERO.

Page 10: L'océanographie acoustique au SHOM

1-10

3.3.3 Le projet SIGMAA

Un des inconvénients majeurs des approches inverses entomographie par petits fonds est que les méthodes utiliséessont le plus souvent des méthodes méta-heuristiques (MH),fondées sur la simulation, souvent très dépendantes du pro-blème considéré. En particulier, ces méthodes nécessitentd'être mises en oeuvre à chaque nouvelle donnée. Si l'onconsidère un problème ponctuel d'inversion géoacoustique,ces approches sont très satisfaisantes. Pour du levé dezone, qui nécessite de déplacer souvent les capteurs oudʼexploiter le mouvement de ceux-ci, les méthodes méta-heuristiques peuvent se révéler lourdes et au final peu adap-

tées. Une alternative aux méthodes MH est lʼinversion varia-tionnelle par modélisation adjointe (Le Gac, 2003). Lʼidéesous-jacente est dʼappliquer au problème de lʼinversiongéoacoustique les techniques de modélisation adjointe clas-siquement utilisées en océanographie. La résolution du pro-blème inverse de tomographie par des méthodes variation-nelles utilisant l'opérateur adjoint du modèle acoustique pré-sente en effet un triple intérêt :- par opposition aux méthodes MH, elle propose un forma-

lisme mathématique rigoureux pour l'inversion, formalismequi est généralisable à tout type d'environnement (fondvariable, colonne d'eau,...) que ce soit en inversion ou enassimilation de données ;

Figure 8 : Mise en évidence de la complémentarité des capteurs acoustiques ; à gauche, image de la zone B obtenue par SMFà 100 kHz ; au centre, même image à 12 kHz ; à droite, carte de réflectivité obtenue par sondeur de sédiment et estimation desvitesses de compression par inversion géoacoustique TBF.

Roche de Sète

Figure 9 : Caractérisation géoacoustique par approches sismiques légères. Lʼimage de gauche montre le signal reçu par leSBP120 sur une radiale de 2 000 mètres autour de lʼantenne de réception acoustique. Lʼimage montre les coefficients dʼatté-nuation au voisinage du point de mesure par la méthode de rapport de spectre (Theuillon et al., 2008). Les épaisseurs descouches sédimentaires et leur vitesse de compression sont obtenues par inversion géoacoustique (Plantevin et al., 2009).

Page 11: L'océanographie acoustique au SHOM

1-11

- elle permet plus facilement et plus rigoureusement d'inclu-re la physique des phénomènes, l'information a priori sur lemilieu et la dynamique des observations ;

- elle minimise le recours à la simulation du problème direct,ce qui réduit notablement les temps de calcul.

Montrer la faisabilité dʼune approche systémique de lʼinver-sion géoacoustique par modélisation adjointe a fait lʼobjet duprojet de recherche SIGMAA (Système dʼInversionGéoacoustique par Modélisation Adjointe Automatique), col-laboration entre le SHOM, lʼUniversité Pierre et Marie Curie,lʼUniversité Jules Verne de Picardie et lʼUniversité Libre deBruxelles.Les travaux menés dans le cadre du projet SIGMAA ont per-mis d'apporter la démonstration quʼune approche adjointe,basée sur des équations de la propagation dʼondes acous-tiques, peut fournir une base mathématique commune pourla résolution de problèmes inverses en acoustique sous-marine tant pour l'inversion géoacoustique (paramètres dufond marin) que pour la tomographie acoustique (paramètresde la colonne dʼeau). L'approche développée exploite unmodèle général de la propagation (modèle WAPE, équationparabolique grand angle avec conditions aux frontières nonlocales) pour lequel un adjoint semi-automatique, obtenu parle générateur dʼadjoint YAO (Nardi et al., 2009) a été déve-loppé en se basant sur la théorie des graphes modulaires(Hermand et al., 2006b). Ce modèle direct permet de faireintervenir explicitement les paramètres acoustiques de lacolonne dʼeau et du fond dans la résolution du problèmeinverse (gradient de la fonction de coût obtenu par rétro-pro-pagation). Le développement et la validation dʼun schémadʼoptimisation conjointe sur un nombre arbitraire de fréquencespermettent dʼobtenir des résultats robustes (Hermand et al.,2006a, Hermand et al., 2006c) et pouvant être a priori aisémentimplémentés sur des calculateurs parallèles.

Cette méthodologie adjointe a pu être appliquée avec succèsà lʼenvironnement complexe de la campagne Yellow Sharkde 1994 (YS94) menée par le NATO Undersea ResearchCenter (NURC) au sud de l'île d'Elbe (par exemple Hermand,1999). La figure 10 montre les résultats obtenus sur ces don-

nées réelles (Meyer et al., 2007) pour trois paramètres géoa-coustiques. Les résultats, ainsi que de nombreux autres nonrepris ici (par exemple Badran et al., 2008) montrent que laméthode permet une inversion précise des paramètres géoa-coustiques et du profil de célérité. Comme toute méthodelocale, elle reste cependant dépendante des conditions ini-tiales (solutions a priori). Pour que l'inversion converge versle minimum global, il est nécessaire que la connaissance apriori apportée au système soit suffisamment proche de lasolution réelle.

3.4 Discussion et perspectives

La mise au point des techniques dʼévaluation rapide de lʼen-vironnement océano-acoustique et leur intégration dans dessystèmes intégrés constituent lʼaxe principal des recherchesconduites au SHOM dans le domaine de lʼocéanographieacoustique. Si la démonstration du concept de REA acous-tique actif est faite, il faut poursuivre dans la recherche desolutions techniques et technologiques permettant dʼenvisa-ger à moyen terme un emploi opérationnel. Cette préoccu-pation a permis de définir pour les années à venir les thèmesde recherche qui seront conduits. En particulier, les tech-niques de tomographie côtière doivent être enrichies par desvisions complémentaires afin d'aboutir à une caractérisationphysique de l'environnement. Cet enrichissement pourra sefaire par des techniques de fusion d'observation multicap-teurs (cf. CALIMERO) et par des techniques d'inclusion auproblème inverse de la physique de l'environnement (assimi-lation de données acoustiques dans les modèles physiques).Une fois mise au point, ces techniques devront s'appliquer àdes concepts dʼemploi opérationnel réalistes. Des tech-niques de caractérisation du milieu devront s'adapter auxconcepts émergeant d'observatoires côtiers aux techniquesde collecte et de diffusion des données (réseau d'observa-tion, AUV) et aux contraintes associées à cette collecte (nonintrusion, non pollution sonore,...). Ces axes de recherchesfont l'objet du programme d'études amont ERATO en coursau SHOM.

Figure 10 : Environnement de la campagne Yellow Shark'94 (Hermand, 1999) et inversion des paramètres géoacoustiques parapplication de la méthodologie adjointe aux données réelles de la campagne YS'94 (huit hydrophones en réception).

Page 12: L'océanographie acoustique au SHOM

1-12

4. CONCLUSION ET PESPECTIVES

Le SHOM a développé une compétence en acoustiquesous-marine essentiellement pour les applications dʼobser-vations du milieu par techniques acoustiques (tomographieacoustique). Cette compétence sʼest par la suite étoffée àlʼimpact de lʼenvironnement sur les sonars afin de mieuxrépondre au besoin de la marine en matière de prévision etdʼexploitation des performances de sonars de détectionsous-marine. Plus récemment, le SHOM sʼest vu confier lagestion opérationnelle des bases de données de bruitambiant à des fins de production et de prévision opération-nelle de cette grandeur pour les forces navales. Le SHOMdispose dʼune expérience forte dʼune vingtaine dʼannéesdʼétudes et recherches en océanographie acoustique. Cetteexpérience sʼest enrichie par de nombreuses expérimenta-tions, souvent en partenariat avec des organismes et labo-ratoires étrangers civils ou militaires. Si ces expertisessʼexercent principalement pour les besoins militaires, ellesont aussi vocation à être valorisées pour les problématiquesduales. Alors que lʼacoustique sous-marine a souvent étélʼaffaire de sonaristes, des nouvelles applications civilesémergent pour la gestion intégrée des ressources et la sur-veillance des écosystèmes. La tomographie discrète, quipeut permettre un monitoring permanent, non intrusif de cer-taines zones sensibles ou protégées comme les parcsmarins, peut apporter des réponses adaptées au besoin. Demanière plus générale, on semble bien loin dʼavoir exploitétout le potentiel des techniques dʼobservation acoustique dumilieu, comme en témoigne la variété des applicationspotentielles abordées lors du séminaire SERENADE.

BIBLIOGRAPHIE

BADRAN F., BERRADA M., BRAJARD J., CRÉPON M.,SORROR C., THIRIA S., HERMAND J-P. , MEYER M., PER-ICHON L., ASCH M. (2008): "Inversion of satellite oceancolour imagery and geoacoustic characterization of seabedproperties: Variational data inversion using a semi-automaticadjoint approach". Journal of Marine Systems (vol. 69,126–136).

CROS L., IOANA C., QUINQUIS A. (2005): "Synthesis fromunderwater data: application to the oceanic discrete tomo-graphy". Proc. of IEEE OCEANSʼ05 (vol. 1, 507- 510).

GROUSSON R. (1955) : "La propagation du son dans lechenal sonore". Annales Hydrographiques (4e série, tome 6,p. 353-369).

GERVAISE C., VALLEZ S., STÉPHAN Y., SIMARD Y.(2007): "Passive acoustic tomography: an efficient way toreduce acoustic emission in tomographic process - review,new concept & applications using marine mammals voca-lises". Journal of the Marine Biological Association of UnitedKingdom (87, 5-10).

HERMAND J-P. (1999): "Broad-band geoacoustic inversionin shallow water from waveguide impulse response measu-rements on a single hydrophone: theory and experimentalresults". IEEE Journal of Oceanic Engineering (24 (1),41–66).

HERMAND J-P., MEYER M., ASCH M., BERRADA M.(2006a): "Adjoint-based acoustic inversion for the physicalcharacterization of a shallow water environment". Journal ofthe Acoustical Society of America (119 (6), 3860-3871).

HERMAND J-P., MEYER M., ASCH M., BERRADA M., SOR-ROR C., THIRIA S., BADRAN F., STÉPHAN Y. (2006b):"Semi-automatic adjoint PE modelling for geoacoustic inver-sion". Seventh International Conference on Theoretical andComputational Acoustics (E.C. Shang, D. Lee, A. Tolstoy andY.C. Teng, editors, Seventh International Conference onTheoretical and Computational Acoustics).

HERMAND J-P., MEYER M., ASCH M. et BERRADA M.(2006c): "Adjoint-based shallow water tomography with par-tially known bottom properties". In Proc. of OCEANS '06 AsiaPacific, IEEE.

IOANA C., QUINQUIS A., STÉPHAN Y. (2006): "Featureextraction from underwater signals using time-frequencywarping operators". IEEE Journal of Oceanic Engineering(vol. 31, 3, 628-645).

LACOMBE H. (1946) : "La propagation du son dans sesrapports avec le repérage radio-électrique". AnnalesHydrographiques (3e série, tome 18, p. 71-90).

LE GAC J-C. (2003) : "Deux approches de lʼinversion géoa-coustique : inversion par signaux large bande et approchevariationnelle". Thèse de lʼUniversité de Toulon-Var.

LURTON X. et LE GAC J-C. (2004): "The CALIMERO project:Scientific objectives and first at-sea results". In Situ SeabedCharacterization. (Proc. 1st Sea Tech. Week, Brest, France).

MEYER M., HERMAND J-P., BERRADA M. et ASCH M.(2007): "Adjoint-based monitoring of environmental parame-ters in shallow water areas". Proceedings of the 2ndInternational Conference on Underwater AcousticMeasurements: Technologies and Results (J. S. Papadakisand L. Bjorno, eds.), IACM/FORTH.

MOREL Y. (2010) : "Les axes de recherche au SHOM".Annales Hydrographiques (vol. 6, n° 775, p 2.1-2.28).

MUNK W., WUNSCH C. (1979): "Ocean acoustic tomogra-phy: a scheme for large scale monitoring". Deep-Sea.Research, (26A, p. 123-161).

NARDI L., SORROR C., BADRAN F.,THIRIA S. (2009):"YAO: A Software for Variational Data Assimilation UsingNumerical Models" in Computational Science and ItsApplications (2, 621-636).

RABASTE O., CHONAVEL T. (2008) : "Estimation du canalacoustique sous-marin pour la tomographie acoustique parpetits fonds". Traitement du signal (vol. 25, n° 1-2, pp. 139-150).

PLANTEVIN P., LE GAC J-C., AUGER E., THEUILLON G.,STÉPHAN Y. (2009): "A joint seismo-geoacoustic inversionin shallow water using a subsurface towed sound source".Journal of Marine Sytems (78, S321-S332).

Page 13: L'océanographie acoustique au SHOM

1-13

STÉPHAN Y. (1998) : "Fiche d'exploitation des donnéesacoustiques de la campagne GASTOM90". Fiche technique06/EPSHOM/CMO/OCA/.., Service hydrographique et océa-nographique de la marine (37 pages).

STÉPHAN Y., DEMOULIN X., FOLÉGOT T., JESUS S.,PORTER M., COELHO E. (2000): "Acoustical effects ofinternal tides on shallow water propagation: An overview ofthe INTIMATE96 experiment" in Experimental AcousticsInversion Methods for Exploration of the Shallow WaterEnvironment (Caiti, Hermand, Jesus and Porter (eds.), KLU-WER, 19-38).

STÉPHAN Y. (2010) : "La tomographie acoustique océa-nique : technique du passé ou de lʼavenir ?" (dans ce mêmenuméro).

STÉPHAN Y., GERVAISE C. et LIRET C. (2010) :"Surveillance, étude et reconnaissance de lʼenvironnementpar acoustique discrète : le séminaire SERENADE" (dans cemême numéro).

THEUILLON G., STÉPHAN Y., LURTON X. (2007):"Multisensor geoacoustic inversion applied to the CALIME-RO experiment in the gulf of Lion". Proc. UnderwaterAcoustic Measurement, Heraklion, Grèce.

THEUILLON G., STÉPHAN Y., PACAULT A. (2008): "Highresolution characterization of the sea floor using a subbot-tom profiler in the gulf of Lion". IEEE Journal of OceanicEngineering, (vol. 33, 3, 240-254).

VALLEZ S. GERVAISE C., KENCHAF A., STÉPHAN Y.,ANDRÉ M. (2007) : "Inversion géoacoustique dʼun canal partrès petits fonds: traitement incohérent". Traitement duSignal (25, n° 1, 151-163).