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HACHETTE Éducation établi par Catherine DUFFAU, agrégée de Lettres modernes, professeur en lycée Dom Juan Molière Livret pédagogique

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Page 1: Livret pédagogique - BIBLIO - HACHETTE · Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant,aux termes des articles L.122.-4 et L.122-5,d ... acte II de La Double Inconstance

HACHETTEÉducation

établi par Catherine DUFFAU, agrégée de Lettres modernes,

professeur en lycée

Dom Juan

MolièreL i v r e t p é d a g o g i q u e

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Conception graphiqueCouverture et intérieur :Médiamax

Mise en pageMédiamax

IllustrationDétail d’une gravure

© Hachette Livre

Tous droits de traduction,de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.

© Hachette Livre,2002.43,quai de Grenelle,75905 PARIS Cedex 15.ISBN :2.01.168423.4

www.hachette-education.com

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant,aux termes des articles L.122.-4 et L.122-5, d’une part,que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que « les analyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration,«toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle,faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayantsdroit ou ayants cause,est illicite».Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit,sans l’autorisation de l’éditeur ou du Centrefrançais de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

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AVA N T-P R O P O S 4

TA B L E D E S CO R P U S 6

RÉ P O N S E S AU X Q U E S T I O N S 10

Bilan de première lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

Acte I

Lecture analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

Lectures croisées et travaux d’écriture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

Acte II

Lecture analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Lectures croisées et travaux d’écriture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Acte II I

Lecture analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

Lectures croisées et travaux d’écriture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

Acte IV

Lecture analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

Lectures croisées et travaux d’écriture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Acte V

Lecture analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

Lectures croisées et travaux d’écriture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

BI B L I O G R A P H I E CO M P L É M E N TA I R E 48

S O M M A I R E

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Les programmes de français au lycée sont ambitieux.Pour les mettre en œuvre,il est demandé à la fois de conduire des lectures qui éclairent les différents objets d’étude au programme et, par ces lectures, de préparer les élèves auxtechniques de l’épreuve écrite (lecture efficace d’un corpus de textes,analyse d’une ou deux questions préliminaires, techniques du commentaire,de la dissertation,de l’argumentation contextualisée,de l’imitation…).Ainsi, l’étude d’une même œuvre peut répondre à plusieurs objectifs.DomJuan, en l’occurrence, permettra d’étudier le genre de la comédie,de réfléchir aux procédés de l’argumentation,de s’initier au baroque, touten s’exerçant à divers travaux d’écriture…

Dans ce contexte, il nous a semblé opportun de concevoir une nouvelle collection d’œuvres classiques,Bibliolycée,qui puisse à la fois:– motiver les élèves en leur offrant une nouvelle présentation du texte,moderne et aérée,qui facilite la lecture de l’œuvre grâce à des notes claireset quelques repères fondamentaux;– vous aider à mettre en œuvre les programmes et à préparer les élèves auxtravaux d’écriture.

Cette double perspective a présidé aux choix suivants:

• Le texte de l’œuvre est annoté très précisément,en bas de page,afind’en favoriser la pleine compréhension.

• Il est accompagné de documents iconographiques visant à rendre la lecture attrayante et enrichissante, la plupart des reproductions pouvant donner lieu à une exploitation en classe.

• Précédant et suivant le texte,des études synthétiques et des tableauxdonnent à l’élève les repères indispensables:biographie de l’auteur, contextehistorique, liens de l’œuvre avec son époque,genres et registres du texte…

• Enfin, chaque Bibliolycée offre un appareil pédagogique destiné à faciliter l’analyse de l’œuvre intégrale en classe. Présenté sur des pages decouleur bleue afin de ne pas nuire à la cohérence du texte (sur fond blanc),il comprend:

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A V A N T - P R O P O S

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– Un bilan de première lecture qui peut être proposé à la classe après un parcours cursif de l’œuvre.Il se compose de questions courtes qui permettentde s’assurer que les élèves ont bien saisi le sens général de l’œuvre.

– Cinq à sept questionnaires guidés en accompagnement des extraitsles plus représentatifs de l’œuvre: l’élève est invité à observer et à analyserle passage;les notions indispensables sont rappelées et quelques pistes lui sontproposées afin de guider sa réflexion et de l’amener à construire sa proprelecture analytique du texte.On pourra procéder en classe à une correctiondu questionnaire,ou interroger les élèves pour construire avec eux l’analysedu texte.

– Cinq à sept corpus de textes (accompagnés parfois d’un document iconographique) pour éclairer chacun des extraits ayant fait l’objet d’un questionnaire guidé; ces corpus sont suivis d’un questionnaire d’analyse et de travaux d’écriture pouvant constituer un entraînement à l’épreuve écrite du bac. Ils peuvent aussi figurer, pour la classe de Première, sur le «descriptif des lectures et activités » à titre de groupement de textes en rapport avec un objet d’étude ou de documents complémentaires.

Nous espérons ainsi que la collection Bibliolycée sera,pour vous et vos élèves,un outil de travail efficace, favorisant le plaisir de la lecture et la réflexion.

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T A B L E D E S C O R P U S

Composition du corpus

Texte A : Extrait de la scène 2 de l’acte I de Dom Juande Molière (p.31, ligne 125 à p.33, ligne 164).Texte B : Extrait de La Vraye Histoire de Francionde Charles Sorel (pp.43-44).Texte C : Extrait de La Princesse de Clèvesde Mme de La Fayette (pp.44-45).Texte D : Extrait de la lettre XI de Julie ou la nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau (p.46).

Texte A : Extrait de la scène 2 de l’acte II de DomJuan de Molière (p.60, ligne 164,à p.62, ligne 202).Texte B : Scène 1 de l’acte II de La Double Inconstancede Marivaux (pp.71-72).Texte C : Scène 14 de l’acte IV du Mariage de Figarode Beaumarchais (pp.72-73).Texte D : Scène 3 de l’acte II de On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset (pp.73-74).

Texte A : Extrait de la scène 1 de l’acte III de DomJuan de Molière (p.87, ligne 62,à p.90, ligne 122).Texte B : Extrait des Pensées de Blaise Pascal (pp.96-97).Texte C : Extrait du chapitre 18 du Monde de Sophiede Jostein Gaarder (pp.97-98).

Texte A : Scènes 7 et 8 de l’acte IV de Dom Juande Molière (p.126, ligne 295,à p.128, ligne 362).Texte B : Scène 5 de l’acte I de Hamletde Shakespeare (pp.132-133).Texte C : Scène 1 de l’acte IV de Macbeth de Shakespeare (pp.134-135).Texte D : Extrait de l’acte II de La Machine infernalede Jean Cocteau (pp.135-136).

Corpus

Fidélité et inconstance(p.43)

Le personnage de la paysanne dans la comédie(p.71)

Prouver l’existencede Dieu (p.96)

Le surnaturel au théâtre (p.132)

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Objet d’étudeet niveau

Persuader et délibérer(Première)

Le théâtre : la comédie (Seconde)

Persuader et délibérer(Première)

Persuader et délibérer(Première)

Le théâtre :la représentation(Première)

Compléments aux travaux d’écrituredestinés aux séries technologiques

Question préliminaireComparez les points de vue masculins et les points de vue féminins à propos de l’inconstance amoureuse.CommentaireEn vous appuyant sur l’étude des pronoms personnelset sur le jeu des temps verbaux,étudiez la stratégieargumentative de Julie.

Question préliminaireQuels points communs peut-on trouver à Charlotte,Sylvia et Fanchette ?CommentaireÉtudiez les diverses étapes par lesquelles Flaminia faitpasser Sylvia et analysez l’ambiguïté de leur relation.

Question préliminaireCes trois textes s’adressent-ils au même type de destinataires ?CommentaireÉtudiez les éléments qui fragilisent la démonstration deSganarelle et analysez comment Don Juan en tire parti.

Question préliminaireIdentifiez,dans ces quatre pièces, la nature des manifestations surnaturelles.CommentaireVous étudierez, à travers la composition du discours etles images caractérisant les assassins,quelles émotionsle spectre du roi suscite en Hamlet.

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T A B L E D E S C O R P U S

Corpus

Les hypocrites(p.157)

Composition du corpus

Texte A : Scènes 3 et 4 de l’acte V de Dom Juan de Molière (p.146, ligne 176,à p.147, ligne 201).Texte B : Extrait des Caractères de La Bruyère (pp.157-158).Texte C : Extrait des Liaisons Dangereusesde Choderlos de Laclos (pp.158-159).Texte D : Scène 5 de l’acte I du Tartuffe de Molière (pp.159-160).

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Objet d’étudeet niveau

L’éloge et le blâme(Seconde)

Compléments aux travaux d’écrituredestinés aux séries technologiques

Question préliminaireQuels sont les avantages de l’hypocrisie analysés dansles textes A,B et D ?CommentaireÉtudiez les éléments comiques présents dans le texteet analysez le point de vue de La Bruyère surl’hypocrisie.

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a Toute l’action se passe en Sicile comme c’est le cas du premier acte de la comedia deTirso de Molina.

z Six décors ont été prévus :– Acte I,un palais ouvrant sur un jardin ;– Acte II,un bord de mer ;– Acte III, une forêt et le mausolée du Commandeur dont la porte s’ouvre découvrant l’intérieur ;– Acte IV,une pièce chez Don Juan ;– Acte V,à l’extérieur de la ville,non loin du tombeau.

e La pièce s’ouvre sur un éloge du tabac.Sganarelle s’indigne à l’acte III,quand ilveut sonder les croyances de Don Juan,de ce qu’il ne « croie » pas à ce remède miracleque son habit de médecin lui donne l’idée de vanter.

r Selon un air célèbre de Don Giovanni de Mozart,Don Juan en a séduites « millee tre », mais chez Molière s’il fallait énumérer toutes ses conquêtes, « ce serait un chapitre à durer jusques au soir » (I,1).

t Il fait mine de défendre l’intérêt des femmes,en défendant ironiquement le droitqu’elles auraient toutes d’être aimées par lui (I,2).

y Elvire reproche à Don Juan de l’avoir quittée. Elle l’interroge sur les « causesd’un départ si prompt » (I,3).

u Il projetait d’enlever une jeune fille à qui son fiancé avait offert une promenadeen mer (I,2).

i Pierrot reproche à sa fiancée de ne pas l’aimer comme il faut et il lui cite l’exemplede la « grosse Thomasse » qui est toujours après le jeune Robain (II,1).

o Pour Don Juan, les guérisons sont dues aux « faveurs du hasard et aux forces de la nature » (III,1).

q Le pauvre qui renseigne Don Juan est un ermite retiré dans la forêt depuis dix ans pour y prier (III,5).

s Le Commandeur est le père d’une femme déshonorée par Don Juan.Dans lapièce de Tirso de Molina,comme dans l’opéra de Mozart,elle apparaît sous le nomde Done Anna (III,2).

B i l a n d e p r e m i è r e l e c t u r e ( p . 1 6 2 )

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d Il fait en sorte que le bourgeois ne puisse jamais développer sa revendication enle noyant sous des amabilités (IV,3).

f Le père de Don Juan se nomme Don Louis (IV,4).

g Il écoute silencieusement la longue diatribe et invite son père à s’asseoir pourparler plus commodément ce que le père qualifie d’attitude insolente (IV,4).

h Après avoir contracté de nombreux mariages, il le propose encore aux deux paysannes Charlotte et Mathurine (II,2-3).

j Il invite Elvire à rester chez lui,prouvant ainsi qu’il ne prend pas au sérieux sonrepentir et son désir de retourner dans son couvent (IV,6).

k Devant Sganarelle atterré par la révélation que Don Juan ne s’est pas réellementconverti ce dernier montre cyniquement tous les avantages de l’attitude apparem-ment vertueuse dans la société (V,2).

l Le spectre a l’apparence d’une femme voilée et se transforme en Temps (V,5).

m Elle annonce que le Ciel s’est lassé de voir ses avertissements ignorés par un hommequi persistait dans ses fautes et faisait preuve d’« endurcissement au péché » (V,6).

w Dans une réplique célèbre pour le scandale qu’elle fit, Sganarelle réclame sonsalaire que personne ne lui paiera puisque son maître vient de mourir.Cette demandeapparaît dérisoire au vu du châtiment exemplaire qui vient de se réaliser (V,6).

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B i l a n d e p r e m i è r e l e c t u r e

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◆ LECTURE ANALYTIQUE DE L’EXTRAIT (PP. 38 À 42)a L’appartenance de Don Juan à la noblesse, classe qui a effectivement pour fonction essentielle la guerre, se confirme par les métaphores guerrières :« réduire »(l. 145),« combattre » (l. 147),« rendre les armes » (l. 149),« forcer pied à pied » (l. 149),« résistances » (l. 150), « vaincre » (l. 150), « lorsqu’on en est maître une fois » ((l. 152),« conquête » (l. 156), « triompher de la résistance » (l. 157-158), « j’ai sur ce sujet l’ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire » (l. 158-159),« comme Alexandre » (l. 162),« mes conquêtes amoureuses » (l. 164). Il fait une allusion,iconoclaste, à l’honneur,valeur essentielle de sa caste (l.128).L’aristocratie met ses propres valeurs au-dessus de celles réclamées par la morale commune.C’est bien ce que fait Don Juan quand il s’étonne que Sganarelle soitscandalisé de sa conduite qu’il présente comme naturelle « Comment ! quelle vie est-ce que je mène ? » (l.179).Enfin, la réputation de séducteur du personnage inventé par Tirso de Molina estici avérée ;Don Juan se lance dans une tirade exaltant l’inconstance en amour, ledroit à aimer toutes les femmes aimables.

zAu début de la scène (l.103 à 108),Don Juan avoue qu’il n’aime plus Elvire.Puis,Sganarelle nous informe que Don Juan poursuit simultanément plusieurs aventuresamoureuses (l. 122 à 124) et qu’il a déjà contracté plusieurs mariages (l. 180-181).Ses remontrances nous informent du scandale que suscite le comportement de DonJuan dans la société.Dans la suite de la scène (l. 229 à 245),Don Juan révèle qu’ilprojette d’enlever une jeune fille rencontrée avec son fiancé et de briser ainsi cecouple amoureux. Sganarelle rappelle à Don Juan qu’il a tué, il y a six mois, leCommandeur dans cette même ville et qu’y séjourner est pour lui dangereux.Cedernier en est conscient et demande ses armes (l.252).

e Don Juan est accompagné de son valet qu’il s’amuse à faire parler (l. 168) aprèsl’avoir choqué par ses propos provocateurs dans sa longue tirade. Cette libertén’est que très relative.L’autorité du maître est telle que le valet prend des moyensdétournés pour s’exprimer. De la ligne 194 à 210, il fait mine de s’adresser à unmaître fictif.Aux lignes 192-193 et 214,Don Juan coupe brutalement la parole àSganarelle jugeant qu’il a outrepassé les limites de la liberté d’expression qui lui avaitété consentie.

r L’élément perturbateur est la rencontre de la jeune fiancée qui suscite chez DonJuan un désir tel de l’enlever qu’il abandonne immédiatement son épouse,Elvire.

A c t e I ( p p . 3 1 à 3 4 )

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t Sganarelle prophétise une punition divine exemplaire.Il annonce que les conquêtesde Don Juan sont le symptôme d’un crime plus grave, le libertinage.Don Juan nese soumet pas aux règles édictées par Dieu. Il voit en lui un orgueilleux qui défieDieu,crime que le Ciel ne peut excuser et qu’il punira par une « méchante » mort.Sganarelle annonce, ici, le dénouement de la pièce.

y Don Juan se déclare séduit par le mouvement.La vie n’est intéressante que s’ildoit agir, sinon il déclare s’endormir dans la tranquillité (l.154).Il apprécie la variété qui caractérise le goût baroque.La beauté a des formes mul-tiples, toutes aussi intéressantes, et qui exercent toutes un charme différent (l.135).Un autre trait du baroque est l’inversion des points de vue. C’est ce que fait DonJuan en décrivant,de façon négative,ce qui faisait l’idéal de l’amour courtois jusqu’àla Renaissance : la fidélité, la constance de l’amant. Le parfait amant devient ici ridicule.La relation physique, qu’il désire comme complément d’un attachementsentimental, n’est pas le début de la relation parfaite,mais une fin.Le désir s’éteintavec son assouvissement.De plus,le droit de Don Juan à séduire est converti en droitdes femmes à être aimées par lui (l.134,139-140).La relation amoureuse est décrite comme un processus de métamorphose de l’objetaimé qui abandonne progressivement ses valeurs morales sous les assauts du séducteur.Mais c’est bien le processus et non son résultat qui intéresse Don Juan (l.145 à 164).Enfin,selon Sganarelle,ce libertinage de mœurs a pour fondement la « libre pensée », ledétachement religieux dont plusieurs auteurs baroques furent soupçonnés (l.190-191).

u Don Juan se livre au plaisir d’un discours brillant.La virtuosité verbale est encoreun trait de l’esthétique baroque.Le brio de l’expression est soutenu par l’habiletéd’une argumentation paradoxale, qui réussit à être séduisante et convaincante en utilisant des arguments cyniques et amoraux. Sganarelle, d’ailleurs, piégé par cettehabileté, sent la manipulation sans pouvoir en démêler les éléments (l.169 à 171).

i Don Juan manipule son auditeur en utilisant une argumentation qui pervertithabilement les valeurs.Le plan de sa harangue fait passer l’auditeur de la mort, associée à la fidélité, à l’exaltation de la puissance,exprimée par la conquête.La fidélité est assimilée au vœu religieux qui n’est pas fait pour les laïcs :« on renonceau monde » (l.126) « s’ensevelir » (l.128),« être mort » (l.129).L’expansion universelle du désir et de la vie,à la fin de la tirade,fait un contraste saisissant.Entre les deux,il a retourné le point de vue sur les femmes.La femme épousée voleles autres femmes (l. 133), tromper sa compagne est une justice rendue aux autresfemmes,un devoir qui doit leur être rendu (l.139). Il présente ses victimes commeavides de ses hommages.

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A c t e I

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La réduction des résistances est décrite de façon jubilatoire, comme un jeu subtilet raffiné,mais qui, une fois le but atteint, plonge dans le sommeil.Cette reprise de l’image de la mort du début du texte rend acceptable, par contraste, la fin duraisonnement.Séduire et abandonner est donc présenté comme le plaisir suprême (l. 152 à 160).Don Juan convainc l’auditeur qu’il partage ce point de vue, en utilisant alterna-tivement les marques de la première et de la troisième personne.Son point de vuepersonnel est ainsi présenté comme généralisable.Il utilise,de plus, les ressources formelles de l’art oratoire :– le rythme ternaire (l.125 à 128 et l.128 à 130) ;– l’opposition de l’un et du multiple (l.133 et l.136 à 142) ;– la métaphore filée de la conquête (cf.question 1) ;– la métonymie récurrente de la beauté,du cœur (l.132,135 et 146) ;– l’emphase de la comparaison avec Alexandre qui se double d’une expansion rythmique de la phrase (l.160 à 164).Ces figures de style donnent à cette tirade un élan et un charme incontestables.

o Cette première apparition de Don Juan est brillante et pleine de charme ; il apparaît désinvolte et léger,brillant et téméraire.Son enthousiasme pour sa nouvellecampagne amoureuse lui donne une humeur enjouée dont bénéficie son valet.Soninsouciance face aux divers risques qu’il court lui donne un profil héroïque. Sonaisance et son talent oratoire nous tiennent sous le charme.

q La description faite du héros, à l’acte I, a préparé le spectateur à l’entrée d’unesorte de monstre.Le personnage qui entre en scène nous séduit au point de nousfaire oublier le cynisme et la profonde immoralité de son comportement.Le pointde vue de Sganarelle est donc fortement relativisé.

s « Aimer de tous côtés » (l. 124), « la beauté me ravit partout où je la trouve » (l. 135),« aimer toute la terre » (l.162), « je souhaiterais qu’il y eût d’autres mondes » (l.163) :cesexpressions manifestent un besoin psychologique d’expansion et de mouvement ets’opposent à « demeurer » (l.125),« s’ensevelir […] dans une passion » (l.128).

d Les règles du théâtre classique imposent, pour une question de vraisemblance,que l’action se déroule à un seul endroit. Il apparaît ici qu’un tel héros sera diffici-lement contenu dans un espace étroit et clos.Il situe d’emblée le lieu d’affrontemententre le ciel et la terre. L’expansion horizontale de son champ de conquête se justifie par l’élargissement de ses perspectives vers un autre espace, celui de la spiritualité, le ciel. Il s’agit bien d’une affaire entre le Ciel et Don Juan.L’espace théâtral de la comédie est d’ordinaire commun,trivial,parfaitement réalisteet fortement implanté dans la société concrète. L’espace mental de Don Juan estbeaucoup plus vaste.Il situe son action au-delà du cercle étroit des usages humains.

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f Le langage précieux et littéraire,utilisé par le héros pour décrire ses projets amou-reux (l.129-143), s’oppose à la familiarité et à la simplicité des répliques destinées àSganarelle.Le tutoiement cède la place à un vouvoiement cinglant (l.192) restituantune distance menaçante.Une interjection brutale met fin aux remontrances du valet.

g À la ligne 120,Don Juan invite Sganarelle à approuver son comportement maisil lui coupe très vite la parole pour placer sa longue tirade sur les mérites del’inconstance. Il invite à nouveau Sganarelle à donner son avis, ce que ce derniertente avec embarras.Sganarelle commence par des concessions formelles prudenteset tente ensuite d’exprimer sa désapprobation. Son insistance agace Don Juan etSganarelle s’invente un autre destinataire,un maître fictif,mais la troisième allusionà la punition du Ciel fait que Don Juan lui coupe de nouveau la parole. Il sembledonc que nous assistons à un jeu de chat et de souris.Don Juan s’amuse à choquerSganarelle et aime à le voir embarrassé pour parler. Il censure chez son valet lesmenaces moralisatrices. Sganarelle n’a donc de liberté de s’exprimer que dans lesmarges étroites que son maître lui laisse.

h Sganarelle adopte la posture d’un directeur de conscience : il menace et dévalo-rise le pécheur en le ridiculisant (l.202,206 à 208). Il inverse donc le rapport d’au-torité qu’il a avec Don Juan.Mais ce discours ne peut passer qu’enrobé,mis en scène.Sganarelle utilise la double énonciation.Il adresse à un maître fictif,interpellé au styledirect, les propos qu’il n’ose adresser directement à Don Juan mais qui lui sont enfait destinés.Il insiste sur la différence entre les deux maîtres :le maître fictif est liber-tin par pose, alors que Don Juan est donné pour libertin par conviction profonde.Toutefois, Sganarelle montre ainsi qu’on peut voir dans le libertinage un anticon-formisme mondain qui s’affiche.Quand son propos est trop moqueur,il prend biensoin de rappeler la fiction (l. 203, 208). Il ne peut s’empêcher toutefois, à la fin desa tirade,de prononcer une phrase si directement moralisatrice et si irrespectueuseque Don Juan interrompt la comédie qui dépasse alors les bornes.

j On a affaire à trois partis-pris de mises en scène très différents.a) Dans la mise en scène de Benno Besson (Carlo Brandt,Philippe Avron, p. 30),Don Juan est vêtu,comme le texte le précise,en habit d’aristocrate élégant du tempsde Louis XIV.Sa posture précieuse confine au ridicule ainsi que la surcharge de satenue. Sganarelle porte une livrée de même époque, ornée d’une collerette, qui,comme sa coiffure, rappelle les personnages de la commedia dell’arte. Sa position etson expression sont également caricaturales.Le metteur en scène tire donc la piècedu côté de la comédie,voire de la farce.b) Dans la mise en scène de Roger Planchon (Philippe Avron,Gérard Desarthe,p.37,en haut),les deux personnages sont moins différenciés.Leurs tenues sont moins

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nettement référencées du point de vue historique.Don Juan apparaît plus commeun aventurier,un homme d’armes que comme un mondain et son valet a des alluresde gredin,de vagabond.Les personnages apparaissent plus cyniques et plus cruels.La pièce aura une atmosphère plus sombre et plus tendue.L’immoralité est miseen valeur par ces attitudes d’hommes sans foi ni loi.c) La mise en scène de Georges Descrières (Georges Descrières,Michel Galabru,p.37,en bas) a opté pour une transposition à l’époque contemporaine qui actualisele sujet.Les deux personnages arborent un costume identique qui évoque la tenue desmafieux dans les années 1930.Seule l’allure plus distinguée de Georges Descrières permet de reconnaître en lui le maître.Le costume embourgeoise les personnages,les démystifie et la similitude dit que les deux personnages fonctionnent en miroir.

◆ LECTURES CROISÉES ET TRAVAUX D’ÉCRITURE (PP. 43 À 47)Examen des textes

a Plan du texte B :Madame de Clèves commence par une concession (l. 1 à 3) : leur mariage seraitsocialement acceptable.Mais elle développe immédiatement une contre-argumen-tation en enchaînant trois arguments portant sur la psychologie masculine :– Le mariage tue la passion chez les hommes ; il en sera donc de même pour M.de Nemours ;– M. de Clèves a continué de l’aimer parce qu’elle ne l’aimait pas, or elle aime M.de Nemours ;– M.de Nemours l’a aimée parce que des obstacles existaient, or le mariage va lessupprimer.M.de Nemours se déclare affecté par la mauvaise image qu’elle a de lui,mais ne parvient pas à convaincre Mme de Clèves,qui développe,dans un second temps,lessouffrances auxquelles elle s’attend :– La nature de M.de Nemours est celle d’un séducteur et il aura d’autres amours ;– À cause de son charme, toutes les femmes chercheront à le séduire.Elle souffrirade la jalousie sans pouvoir s’en plaindre ;– Elle comparera ses deux mariages ce qui augmentera ses remords vis-à-vis deM.de Clèves.

z Laurette est un exemple d’enfant née de parents inconnus qui n’a aucune raison de souffrir, selon Francion,de cette ignorance.Cet exemple réduit l’objec-tion qu’il anticipe : la liberté sexuelle brouille les parentés. Il annule l’inconvénient psychologique et permet d’introduire l’avantage sociologique. Il n’existerait plus

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de ségrégation sociale fondée sur la naissance comme c’est le cas de la société del’ancien régime.

e Julie oppose l’amour et la recherche simple du plaisir.Cette forme appauvriede l’amour règne dans les villes dont les mœurs sont tournées vers les plaisirs super-ficiels.Celui qui a connu le véritable amour qui cumule sensualité et passion ne peutse contenter de ces relations superficielles qu’il ne cesse de comparer à la plénitudequ’il a pu connaître.Le dégoût et l’amertume le guettent.

r Pour Julie, l’amour qui l’unit à Saint-Preux est unique et absolu.La fidélité est,pour elle,un engagement total quel que soit le choix de Saint-Preux.

t Les deux femmes décrivent les hommes comme incapables de résister à leurs désirset facilement piégés par la coquetterie des femmes. Julie, toutefois, pense que la passion que Saint-Preux a pour elle gâchera ses plaisirs,tandis que Madame de Clèvescraint que M.de Nemours n’oublie son amour au profit d’une nouvelle passion.

Travaux d’écriture

Question préliminaireAvantages de l’inconstance amoureuse :C’est la marque de la vie (texte A) ;c’est l’exaltation de la puissance (texte A) ;c’estl’assurance du plaisir perpétuel (textes A et B) ; c’est l’épanouissement de la liberté(texte A).Elle évite les inconvénients du mariage, jamais satisfaisant, que la femmesoit belle ou laide et où s’exprime la tyrannie de l’honneur.Elle engendrerait unevéritable révolution sociale démocratique.Ces points de vue sont masculins.Inconvénients de l’inconstance amoureuse :Elle fait souffrir le partenaire (texte C) ; elle n’apporte que des plaisirs superficielssans commune mesure avec ce que fait connaître l’amour (texte D) ; elle aboutitau dégoût et à l’ennui (texte D).Ces points de vue sont féminins.

CommentaireL’aspect le plus intéressant de cet extrait de lettre est la stratégie argumentative paradoxale utilisée par Julie pour maintenir vivante,malgré l’éloignement,la passionqui la lie à Saint-Preux.I.Une attitude moralisatricea) Julie parle à Saint-Preux comme une mère : elle multiplie les mises en garde,les conseils de prudence.b) Elle prend une attitude de prophétesse en annonçant à son amant ce qui l’attend.c) Elle utilise une argumentation rationnelle qui se présente comme un syllogisme :Tu seras soumis à la tentation du plaisir.Or, il n’a rien d’équivalent à notre amour et tu te sentiras avili, donc la seule issueest que tu restes fidèle.

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II.Un chantage sentimentala) Elle utilise un style très affectif : exclamations, impératif, montrant ainsi son émotion.b) Elle apitoie Saint-Preux en laissant transparaître sa souffrance : sa liberté est très réduite et son angoisse est extrême.Son trouble et sa confusion sont grands (findu dernier paragraphe).c) Elle présente l’aspect pathétique de sa propre position à travers la phrase d’articulation des deux paragraphes dans une phrase qui mélange le présent,le passéet le futur preuve de son propre amour.d) Elle a une liberté très restreinte mais elle donne tout ce qu’elle peut. Cette abnégation ne peut que lier Saint-Preux.e) Elle prononce un engagement solennel,(rythme,ponctuation) et recourt à Dieuet à la morale en face de l’univers citadin marqué par la frivolité et l’immoralité.III.Une position paradoxalea) Julie se prétend détentrice d’une vérité que pourtant son jeune âge et sa vieretirée à la campagne ne lui permettent pas de connaître.b) Elle ne connaît pas la société de ces « grandes villes », ni la vie qu’on y mène. Ils’agit plus ici du point de vue de Rousseau.c) Rousseau expose là une théorie sur l’amour qui lui est propre.Par la voix de Julie,il oppose deux projections dans le futur.À cause de l’environnement social danslequel ils se trouvent,Saint-Preux se laissera tenter par les plaisirs et Julie restera fidèleà Saint-Preux.Il manifeste ici sa désapprobation des mœurs naturelles dégradées parles faux raffinements de la civilisation.d) Si Saint-Preux oublie Julie, il vivra dégradé et elle mourra.Rousseau affirme icila force de la passion qui seule donne son sens à la vie.ConclusionJulie exprime la conception de Rousseau.L’amour est un absolu qui unit étroitement la sensualité et les sentiments.Il est exclu-sif et ne laisse pas de place à un autre lien du même type.Cette conception eut unécho énorme dans la société cynique du XVIIIe siècle que Laclos,grand admirateurde Rousseau, stigmatise dans Les Liaisons dangereuses.

DissertationCes quatre textes proposent des visions très contrastées du même problème, celuide l’infidélité.Les avis diffèrent tant par leur contenu,que par le point de vue.I. Le point de vue adoptéa) Les textes C et D jouent sur des projections dans l’avenir.b) Les textes A et B comparent deux situations au présent en en dévalorisant l’uneet en exaltant l’autre.

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c) Les textes A et B sont convaincants pour les hommes car ils adoptent le pointde vue de leur intérêt, de la satisfaction, de leur désir, de leur plaisir. La situationdes femmes est négligée, ou traitée de façon ironique voire méprisante : celle quiprend un deuxième amant se prostitue pour Francion.II. La valeur des arguments des hommesLes arguments sont plus ou moins spécieux.a) Le texte A repose sur une contradiction entre les désirs des femmes qui seraienttantôt de rester liées à un homme, tantôt de multiplier les conquêtes. Il y a là uneprojection de la psychologie masculine.Le fait de conquérir Don Juan est présenté comme un droit, celui d’en être aimécomme un privilège. Il y a une totale indifférence pour ce que ressent la femmeabandonnée.Sa résistance n’est pas prise au sérieux.Elle est considérée comme unsimple objet qu’on délaisse lorsqu’on l’a obtenu.Un homme fidèle fait une injus-tice aux autres femmes retournant ainsi l’infidélité est une injustice faite à l’épouse.Don Juan convainc en séduisant,en amusant,en tentant l’auditeur.b) Les arguments de Francion semblent plus proches de la réalité mais il envisagedeux cas opposés censés refléter la réalité du mariage.Ils n’en représentent pourtantque des extrêmes : l’épouse est soit belle et charmante, soit laide et acariâtre. Il y alà deux situations caricaturales.La réflexion de Francion est unilatérale.Quand il est las d’une femme, il la quittesans se soucier de savoir ce qu’elle pense.La réciproque n’est pas exacte dans le casévoqué de la femme qui a un autre amant en même temps que lui mais ne le quittepas et dont il dit qu’elle se prostitue.Il nie toute valeur aux liens entre les parents et les enfants (« sotte curiosité »).Il envisage un enchaînement de conséquences très irréaliste à la liberté sexuelle.Elle devrait avoir des retombées, non seulement sociales,mais aussi économiques.De plus, il présente l’instinct comme supérieur à l’ordre social et définit une régression comme un progrès.III. La valeur des points de vue fémininsa) Madame de Clèves se place sur le plan psychologique. Elle s’appuie sur uneanalyse précise de la personnalité de M.de Nemours ainsi que sur l’observation descaractéristiques de la conquête amoureuse et des effets du mariage.Elle désire s’éviter des souffrances qu’elle juge inéluctables,mais peut-être M.deNemours a-t-il raison de dire qu’elle n’a pas confiance ni en lui,ni en son amour ?Cette vérité est peut-être une projection de ses angoisses.Son argumentation convainc par la force de sa construction et l’aspect pathétiquedu sort qu’elle envisage pour elle.b) Julie également se projette dans l’avenir.Elle pense que les traces de leur passionsont indélébiles mais que les hommes se laissent séduire par la coquetterie des

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citadines.Elle pense inévitable que Saint-Preux se laisse tenter mais lui prédit le mal-heur qui en résultera pour lui.Elle développe la thèse exactement inverse de celle de Don Juan.La fidélité est lavie.Les seuls plaisirs,quand on a connu l’amour,mènent au dégoût et au malheur.Peut-être transpose-t-elle également la psychologie féminine sur celle de l’homme.Elle incite saint-Preux à la fidélité pour son bien mais elle exerce un certain chantage : elle mourra s’il l’oublie.Elle le lie par l’engagement absolu de sa proprefidélité.ConclusionCes argumentations sont convaincantes quand on adopte le même point de vue,c’est-à-dire masculin ou féminin mais elles sont toujours spécieuses car le point devue est unique.Le raisonnement se fonde sur des a priori concernant l’amour, le mariage, la vieen ville ou à la cour.Les raisonnements des femmes sont apparemment logiques,lucides et réalistes,ceuxdes hommes cherchent plus à séduire qu’à convaincre et entraînent avec fougue versl’irréel.L’imagination exaltante des hommes s’oppose à une imagination plus sombredes femmes dont le raisonnement émeut et culpabilise. L’effet de chacun dépenddonc de la part,plus ou moins importante,d’égoïsme ou d’altruisme du lecteur.

Écriture d’invention On peut imaginer que la féministe interrompt Don Juan à la fin de chaque phrasede son argumentation pour la démonter.Le principe directeur de sa position seraitde faire valoir le point de vue féminin et de dénoncer l’égoïsme et la cruauté d’unetelle attitude. Elle pourrait aussi inverser la situation, ironiser sur les arguments spécieux, souligner le côté puéril ou délirant de Don Juan en montrant qu’il n’estpas dans une relation mais dans un pur narcissisme.

◆ LECTURE ANALYTIQUE DE L’EXTRAIT (PP. 66 À 70)a Il s’agit d’un processus en cascade,propre à déclencher le rire.Le naufrage a fait manquer l’enlèvement prévu mais la rencontre de Mathurine permet un réinvestissement immédiat.Cependant,un objet nouveau se présente enla personne de Charlotte qui devient immédiatement la troisième proie.

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Charlotte,dans la scène précédente,vient d’entendre parler d’un grand seigneur trèsséduisant et a essuyé les reproches de froideur de Pierrot.Elle est dans une positiond’insatisfaction et d’attente.Charlotte reste passive et sur la défensive (l. 166 à 205). Puis, à partir de la ligne220, on sent que ses réticences tombent. Don Juan a l’initiative de l’entretien etétourdit Charlotte de discours qui ne lui laissent pas le temps de se reprendre.Sganarelleest témoin : il commente, en aparté, de façon ironique, les propos de Don Juan.Pris à témoin de la beauté des mains de Charlotte, il est à la fois spectateur et acteurdu jeu de Don Juan.

z Don Juan commence par détailler les beautés de Charlotte qu’il déclare remarquables.Il la traite comme une dame en lui baisant la main ; il s’indigne qu’elle se mésallieen épousant Pierrot ; il lui déclare son amour ; il la demande en mariage ; il l’assurequ’elle est trop belle pour être abusée.L’essentiel de l’argumentation de Don Juan repose sur la flatterie.

e Don Juan met en pratique les principes exprimés à l’acte précédent pour prou-ver qu’il ne s’agit pas que de provocation verbale et sans doute aussi pour le plaisir de scandaliser Sganarelle.Ce dernier semble pourtant blasé face à un comportement de routine.Don Juan élargit également le champ social de ses conquêtes pour varierle jeu.Dans la scène 1 de l’acte I,Don Juan est décrit par Sganarelle comme un scélérat,épouseur à toutes mains de « dame,demoiselle,bourgeoise,paysanne » (p.28,l.67-68).Ilconfirme de sa propre bouche que n’importe quelle femme aimable est susceptiblede l’engager à entreprendre sa conquête.Cette scène est l’application concrète deces propos.Cependant,si Charlotte n’est pas belle,ou attirante,le comportement deDon Juan apparaît comme une sorte de pathologie.

r Charlotte a peu d’esprit et répond platement aux questions de Don Juan (l.167,169,171,173 et 176).Elle se méfie du grand seigneur car elle connaît le mépris que cette classe éprouvepour les paysans (l. 185, 189 et 193).Elle montre qu’elle est consciente de l’excèsdans ses propos (l.196).Elle semble résignée à un mariage arrangé par commodité(l.206).Elle est consciente de ses limites sociales et intellectuelles,elle a bien intégréles leçons de son entourage mais elle a envie de croire ce qui lui fait plaisir.Elle craintl’opinion de son entourage (l.226 à 229) mais l’attrait du rêve l’emporte sur la sagesse.Elle apparaît donc comme naïve.

t Les compliments de Don Juan sur le physique de Charlotte (l.180 à 184) laissententendre au lecteur qu’elle se tient mal, qu’elle a la paupière lourde.Elle dit elle-même avoir les mains noires.

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Ses propos sont outranciers (l.213-214) ;on voit qu’il ne se soucie même pas d’êtrecrédible.Ses protestations de sincérité s’appuient sur un argument que le spectateursaisit comme ironique (l.245 à 247).

y On ne s’apitoie pas sur Charlotte parce qu’elle est vaniteuse.Elle croit Don Juan,qui la flatte en vantant sa beauté et en l’assurant qu’elle vaut plus que les autrespaysannes. Il la traite comme une dame en lui demandant respectueusement de luibaiser la main.Il peut ensuite lui faire miroiter que sa vraie place est ailleurs que dansun village, qu’elle « mérite » d’être une dame. Elle se prend d’ailleurs au jeu en expliquant à Pierrot,dans la scène suivante,qu’elle lui donnera de l’argent quand ilviendra lui porter du beurre et du fromage (l.304 à 306).

u Les premières réponses de Charlotte ne sont que de plates et brèves réponses aux questions de Don Juan.Don Juan rebondit ensuite sur les termes de Charlotte(« honteuse » l. 176,« railler » l. 186,« obligée » l. 189) pour la flatter.Puis, il poursuitl’inventaire par les mains et reprend la même technique de dénégation desobjections de Charlotte. Quand il aborde la question du mariage, les échanges s’allongent, coupés en leur milieu par la protestation de Don Juan et le commen-taire de Sganarelle au milieu des réticences de Charlotte.La réassurance de Sganarelleinterrompt la longue plaidoirie de Don Juan.Les réserves de Charlotte sont ainsibalayées par un discours contre lequel elle n’a aucune défense.Don Juan utilise le champ lexical de la beauté quand il parle de Charlotte, beautédont il se contente d’affirmer le charme sans la décrire (l.166,174,179,180 à 185,191,198,203,206,212,217,245 à 247). Il emploie le lexique du sentiment quandil parle de lui-même (l.184,187,213,215,217),puis recourt au champ du sacré etde la morale pour la convaincre (l.208,210,212,215,230 à 235,244).

i La description de Don Juan peut évoquer l’attitude d’une jeune fille extrême-ment timide et réservée qui se tient humblement la tête baissée et le regard à terre(l.177 à 184).À la ligne 200,la gêne de Charlotte peut être authentique devant l’étatde ses mains. Puis (l. 205), elle peut marquer l’acceptation docile de ce qui a étédécidé pour elle.Elle peut se montrer convaincue du bien-fondé de la leçon qu’ellerépète et révéler ainsi sa prudence et sa sagesse,le sérieux et la conviction dans le tonde cette réplique révèleraient une jeune fille authentiquement vertueuse (l. 221 à224).Et enfin (l.250), la réplique finale pourrait exprimer un grand trouble.

o La mise en scène de Marcel Maréchal (cf. photo,p.64) tend vers ce dernier choix.La tenue de Charlotte est celle d’une paysanne modeste,propre et pudique.Sa révé-rence indique son humilité devant Don Juan et la conscience qu’elle a de l’inéga-lité des rangs. Son expression éperdue laisse entendre qu’elle redoute un piègemais elle semble cependant aussi fascinée qu’effrayée.

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La mise en scène de Jean-Marie Villegier (cf. photo p.81) concerne la scène suivante.Les deux paysannes sont ici habillées de façon plus bourgeoise.Une coiffure assezsavante, à la place du modeste bonnet, indique un souci de séduire et des mœursbeaucoup plus délurées comme le confirment leurs attitudes.Don Juan est assailli,submergé par le désir rival de ces deux femmes à qui il apparaît comme une proieà ravir,une chance à ne pas laisser passer.Sensuelles,opportunistes et arrivistes,ellessont situées à l’opposé de la précédente.

q Sganarelle est témoin en retrait mais actif dans cette scène. Ses interventionssont assez contradictoires.De la ligne 153 à la ligne 159, il tente une sortie moralisatrice qu’il ravale prompte-ment.On suppose que l’air menaçant pris par Don Juan est à l’origine de sa pirouette.Il se voit contraint d’approuver son maître (l. 163) mais ajoute un commentaire critique en aparté.À la ligne 195,Don Juan l’utilise dans son jeu de séduction.Sans réponse de la partde Sganarelle,on peut imaginer divers jeux d’expression plus ou moins complice.Il intervient de sa propre initiative en aparté et de façon ironique (l.225).Il soutient les propos de Don Juan dont il se fait complice en utilisant une ironie queCharlotte ne peut discerner (l.238).On voit ici parfaitement comment ce personnage incarne une complicité de fait,malgré toutes les réticences morales qu’il avance.L’ambiguïté de ses relations avecDon Juan apparaît nettement.

s C’est peut-être surtout pour le scandaliser que Don Juan s’intéresse à Charlotte.Il est le spectateur privilégié de la scène de séduction que joue Don Juan,mais ilest aussi entraîné dans le jeu à son corps défendant.On peut imaginer qu’un gestede Don Juan l’oblige à prononcer la réplique de la ligne 225.Il est directement inter-pellé à la ligne 337. Il y a là une sorte de sadisme exercé par Don Juan.Par ailleurs,les attestations qu’il donne et sa présence sont pour Charlotte des preuves de la bonnefoi de Don Juan car elle ne sait pas qu’il agit sous la contrainte et ne dispose pasdes éléments qui révèleraient la portée ironique de ses propos.

◆ LECTURES CROISÉES ET TRAVAUX D’ÉCRITURE (PP. 71 À 75)Examen des textes

a Son vocabulaire pour exprimer sa désapprobation est enfantin (« vilains », « sottes »,« babillardes »). Elle utilise des images concrètes pour décrire la coquetterie des femmesde la cour.Elle emploie des interjections et des exclamations qui montrent qu’ellene contrôle pas ses émotions.Elle tombe dans tous les pièges que Flaminia tend à savanité.

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z Flaminia veut aider le prince à conquérir Sylvia.Elle laisse entendre à la jeunepaysanne que les femmes de la cour méprisent son physique et ses manières.Elle rapporte le bruit qui court parmi elles que l’intérêt du prince n’est qu’un capricemomentané et qu’il ne tardera pas à le désavouer.Ces ragots cruels vexent Sylvia chez qui elle induit ainsi le désir de prouver le contrairepour se venger de ces humiliations.Ainsi, Sylvia, qui résistait au prince par amourpour Arlequin,va chercher à le séduire poussée par son amour-propre.

e Fanchette apparaît comme une enfant dans la façon dont elle se défend d’écouter les conversations. Elle dit sans dire le sens de sa présence (elle cherche « quelqu’un ») et tombe aisément dans le piège tendu par Figaro. Elle ne soupçonne pas le sens du message qu’elle transmet et ignore que Figaro ne devraitpas en être informé.Elle ne comprend pas la réaction de Figaro.

r Figaro prend Fanchette pour une entremetteuse rusée alors qu’elle est surtouttrès naïve.De ce fait,elle ne comprend pas la réaction de Figaro et menace de par-tir sans transmettre le message qu’elle s’apprêtait innocemment à remettre au mau-vais destinataire.Figaro est obligé de changer d’attitude et de ruser pour la retenir.

t Sylvia et Rosette sont conscientes que les « dames » maîtrisent un code gestuelde la séduction et des rapports amoureux que les jeunes paysannes devinent sanssavoir vraiment le déchiffrer ni l’utiliser.Cela crée chez elle un sentiment de gêneface aux hommes et d’infériorité face aux femmes.

y Rosette,en reprochant à Perdican les baisers qu’il lui donne,met en cause l’am-biguïté du type de relation qu’ils traduisent. Il l’embrasse comme un frère et pré-tend qu’il le ferait devant sa mère.Mais, en réalité, il l’entraîne à une promenadeen l’absence de sa mère et lui fait la cour ce qui ne la laisse pas insensible. Elleinterroge Perdican sur son mariage avec Camille et élude la question qu’il lui posesur le sien.Elle souligne l’aspect contradictoire des propos et de l’attitude de Perdican.Ce dernier se dit heureux d’être avec elle alors qu’il est plein de la tristesse occa-sionnée par le refus de Camille. Elle sent bien qu’elle n’est qu’un dérivatif pourPerdican,qu’en lui faisant la cour il a l’esprit ailleurs et elle s’en plaint discrètement.

Travaux d’écriture

Question préliminaireLes paysannes s’expriment dans un langage pauvre et limité.Elles sont jeunes,n’ontreçu d’autre éducation que des mises en garde et des consignes de comportement.Elles ne connaissent du monde que leur village.Elles ne comprennent que partiel-lement les intentions de ceux qui les utilisent et en sont conscientes,mais, guidéesessentiellement par leurs émotions et leurs désirs, plus que par leur raisonnement,elles sont aisément manipulées.

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CommentaireCette scène est comique parce qu’elle montre au spectateur un très habile exemplede manipulation.Sylvia résiste à l’amour du prince parce qu’elle aime Arlequin eten est aimée.Flaminia va cependant faire en sorte qu’elle fasse un bon accueil auxdémarches du prince.Elle utilise pour cela les atouts de son milieu social et sa connais-sance de la psychologie féminine pour le plus grand plaisir du spectateur.I. Les atouts du milieu sociala) Flaminia,contrairement à Sylvia,maîtrise parfaitement le langage :son vocabulaire est varié ;ses phrases bien rythmées et fluides ;elle restitue avec aisance les propos prétendument entendus.Cependant,elle prend soin de rester proche de l’expression un peu naïve de Sylvia« Ah qu’elles méritaient bien d’être punies ».b) Elle connaît la cour et use de l’autorité que cela lui donne pour convaincre Sylvia.Elle dit connaître la pensée du prince et celle des dames de la cour à propos de Sylvia.II. La finesse psychologique de Flaminiaa) Elle dévalorise les dames aux yeux de Sylvia,qui ne pensait pas jusque-là pouvoirrivaliser avec elles,en affirmant à Sylvia que le prince aime justement par contrastele naturel de Sylvia.b) Elle les rend odieuses en rapportant ou inventant des propos vexants pour Sylvia.c) Elle touche sa fierté de femme en lui disant que les hommes de la cour ne la trou-vent pas très jolie.d) Elle reprend l’idée qui court, selon laquelle Sylvia n’est qu’un caprice pour leprince, la mettant ainsi indirectement au défi de prouver le contraire.Cette stratégie comporte une certaine cruauté.Sylvia,surprise et flattée de plaire auprince,est ici humiliée.Flaminia lui révèle crûment le mépris que les courtisans ontpour elle.C’est Sylvia elle-même qui va formuler la réponse qu’elle pourrait faireà ces médisances.III. La naïveté de Sylviaa) Sa sincérité la pousse à voir en Flaminia une amie alors que celle-ci ne lui rapporte que des propos blessants.b) Son ignorance des intrigues ne lui permet pas d’imaginer que Flaminia inventetout cela pour la pousser dans les bras du prince.c) Elle exprime très naturellement à quel point son amour-propre est blessé.d) Elle formule elle-même le défi que Flaminia a suggéré et qu’il ne reste plus à cettedernière qu’à renforcer.ConclusionOn retrouve,dans cette scène,la cruauté de Marivaux que les réalisateurs modernes

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s’appliquent à souligner.Le rire n’est cependant pas gâché car c’est la vanité de Sylviaqui est malmenée.Elle n’apparaît pas,de plus,sans défense et Flaminia travaille à sonbénéfice en la poussant à prétendre à une union bien supérieure à celle qu’elle pou-vait espérer ce qui est incontestablement positif dans la société du XVIIIe siècle.

DissertationLa tradition théâtrale utilise des types de personnages récurrents issus de la comédielatine :le barbon,le valet et le jeune couple.On rencontre aussi,dans des rôles secon-daires, de jeunes paysannes.De Molière à Musset, la société a changé particulière-ment au XVIIIe siècle dont Marivaux et Beaumarchais illustrent deux périodes différentes.Dans certaines pièces de ces quatre auteurs apparaissent des paysannes.On peut se demander si l’évolution de la société et des mœurs a eu une incidencesur le profil de ce type de personnage.I. Les constantesLes paysannes sont jeunes et courtisées par certains personnages masculins (DonJuan,Arlequin et le prince,Chérubin et le comte,Perdican) souvent de conditionsociale supérieure.Elles sont reconnaissables à leur langage assez enfantin et pauvre et à leur peu d’aisance dans les manières.Elles sont sans détours et manifestent une franchise simple et directe.Elles sont opposées à des femmes de condition plus élevée que courtisent égalementleurs soupirants (Elvire, Flaminia, Suzanne et la comtesse,Camille) et leur serventde contrepoint.II. Les modifications de leur fonction dramatiqueCharlotte et Mathurine n’apparaissent que de manière occasionnelle et sans incidence sur le déroulement de la pièce.Sylvia est, en revanche, un des quatre personnages principaux que sont le couplearistocratique et le couple paysan.Fanchette multiplie involontairement les gaffes qui révèlent les turpitudes du comte.Elle n’est pas importante en tant que personnage mais en tant qu’élément dyna-misant de l’action et support d’un comique de situation.Rosette est l’instrument qu’utilise Perdican pour rendre Camille jalouse et dont lamort séparera le couple à jamais.On peut cependant constater que, dans tous les cas, ces personnages sont utilisésou manipulés par d’autres.III. L’évolution du point de vue sur leur statut Chez Molière, les paysannes suscitent le rire.Leur classe est discréditée, leur simpli-cité tenue pour de la bêtise et leurs états d’âme négligés.Elles sont perçues commeintéressées et cupides et trop sottes pour voir le monde qui les sépare des nobles. Il

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s’agit,à la limite,de deux espèces différentes et leurs prétentions à l’élévation socialesont plus ridicules que pathétiques.Les relations sociales ont évolué à l’époque de Marivaux.Les dames de la cour semoquent de Sylvia et considèrent que le prince ne peut raisonnablement lui resterattaché longtemps.Le mariage, s’il apparaît comme une folie, reste cependant plusenvisageable qu’à l’époque de Molière.Fanchette est naïve mais peu farouche et accepte sans arrière-pensée les hommagesdu comte comme ceux de Chérubin.Elle a la fraîcheur du naturel. Son avenir nesemble pas la préoccuper et le spectateur ne s’en inquiète pas.Le destin de Rosette témoigne d’une forte modification du point de vue.Les amoursancillaires,considérées comme normales et vécues sans scrupules dans les pièces anté-rieures,apparaissent ici inacceptables.La sensibilité de la jeune fille est montrée de façonémouvante et la manipulation dont elle est l’objet n’est plus amusante mais scandaleuse.Malgré sa simplicité,Rosette est reconnue comme un individu à part entière.Le faitqu’elle soit utilisée comme un moyen dans la stratégie amoureuse de Camille et Perdicanconduira à une fin tragique (mort de Rosette et union impossible des amants).ConclusionSi les traits généraux des personnages restent assez stables,la considération pour ellescroît.D’objets, elles deviennent des sujets,dotés de sensibilité et qu’il faut considé-rer et respecter.

Écriture d’inventionLa lettre reflètera ce que le texte suggère :– Perdican découvre une jeune fille alors qu’il se souvenait d’une enfant.– Il adopte à son égard une attitude assez paternaliste.– Il est séduit par sa pureté.– Il se permet à son égard certaines privautés.– Il érotise sans scrupule et en le niant, parce que c’est Camille qu’il aime, unerelation jusque-là innocente et fraternelle.

◆ LECTURE ANALYTIQUE DE L’EXTRAIT (PP. 91 À 95)a La fonction expressive est représentée lorsque les personnages expriment leurssentiments et leurs points de vue.La fonction conative s’exerce quand Sganarelleinterpelle son maître ou le pauvre. La fonction référentielle est mobilisée quand

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Sganarelle décrit la création.Aucun passage ne définit un élément du code utilisédonc la fonction métalinguistique n’apparaît pas. En revanche, la fonction phatique se trouve dans les réponses vides de contenu de Don Juan.

z À ce moment central de la pièce, Sganarelle veut obtenir la confirmation de cequ’il soupçonne : le comportement de séducteur de Don Juan,dont le spectateura vu s’enchaîner les effets au cours des deux actes précédents, repose sur le faitqu’il ne croit pas en Dieu et ne redoute donc aucun châtiment de ses fautes.Il semblechercher à le convaincre de l’existence de Dieu pour lui éviter la damnation,maisil n’obtient aucune réponse claire de Don Juan.Cet interrogatoire accroît la pré-sence du divin dans la pièce et oriente le cours de l’action différemment.La menacedu châtiment devient de plus en plus présente.L’incrédulité de Don Juan se déduiraultérieurement, plus de ses actes que de ses propos, de son irrespect de toutes lesvaleurs, de son rationalisme devant les prodiges.On peut aussi considérer qu’il y adans ses actes des défis qui expriment plus un doute et l’attente d’une confirmationde l’existence de Dieu, au risque même du châtiment annoncé depuis le début dela pièce.

e Sganarelle a l’initiative du dialogue mais Don Juan lui ôte tout pouvoir en refu-sant de débattre. Il laisse Sganarelle ruiner seul son raisonnement.Le début du pas-sage est constitué par une série de questions dont le sérieux se dégrade et queDon Juan élude.À la question directe de Sganarelle,il fait une réponse qui déclenchela contre-argumentation de Sganarelle écoutée dans un silence qui l’exaspère et àlaquelle Don Juan ne fait qu’une réponse indirecte.Sganarelle,exaspéré,abandonne.

r Sganarelle semble profiter d’un temps mort de l’action durant lequel Don Juans’amuse de ses propos.La disponibilité de Don Juan enhardit Sganarelle qui devientde plus en plus pressant et volubile,sans pour autant réussir à entamer la position deson maître.Le rapport de force et la situation hiérarchique ne sont qu’apparemmentinversés.

t Il faut s’interroger sur les intonations des réponses de Don Juan.Les remarquesde Sganarelle impliquent qu’elles sont négatives.On peut supposer aussi un cer-tain agacement qui culmine à la ligne 74.Le refus de répondre directement laisseplaner un doute.Don Juan laisse Sganarelle affirmer qu’il ne croit en rien mais lui-même ne le dit pas directement.En revanche,l’apostrophe de la ligne 81 donne unecertaine solennité à la déclaration.

y Don Juan use de son autorité (l. 64 à 66). Puis de la dérision (l. 68 à 70), il diffère sa réponse par une insulte et une répétition de la question (l. 74 à 79). Il argue des règles de la courtoisie (l. 104),d’un jeu de mot, il souligne la faiblesse del’argument de Sganarelle.

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u Sganarelle profite des critiques proférées par Don Juan à l’encontre des médecinsà l’occasion du déguisement de Sganarelle.Pour Sganarelle,les médicaments ont unevertu magique et il « y croit ». La science médicale est pour lui irrationnelle puis-qu’il pense que des remèdes indiqués au hasard pourraient cependant être efficaces.Il entretient avec la médecine les mêmes rapports qu’avec la religion, ceux d’unecroyance superstitieuse.C’est pour cette raison que la critique de Don Juan,qui voitdans les médecins des escrocs et des charlatans, le ramène à ses interrogations surles croyances religieuses de son maître.

i La foi de Sganarelle repose sur l’argument de la cause première.Il a bien fallu quequelqu’un crée tout ce qui existe.De plus, le corps humain (argument découlantnaturellement de la discussion sur la médecine) est une prodigieuse machine qui n’apu être créée que par un être supérieur.

o Ces arguments sont très classiques et fréquemment utilisés dans les raisonnementsthéologiques.Ils apportent une réponse à la question métaphysique du « pourquoi ? ».Toutes les religions affirment l’existence d’une force divine créatrice ou organisa-trice du chaos primordial.Très présents dans la culture, ils semblent avoir la forcede l’évidence même si les données de l’astrophysique semblent aujourd’hui pouvoirles infirmer.Cependant,la maladie et les chutes,comme celle de Sganarelle,démen-tent cette idée de perfection du fonctionnement corporel et donc relativisent lesecond argument.

q La célèbre affirmation de Don Juan est un contre-argument.Il oppose à la croyancesuperstitieuse en des éléments surnaturels, comme le diable ou le moine bourru, lescertitudes aux résultats issus du raisonnement mathématique.Ce dernier est un outilconstruit par l’esprit humain et qui n’accepte que ce qui peut être rationnellementdéduit d’une démonstration logique.Il se limite aux données quantifiables,mesurablesdonc concrètes.Il s’attache à distinguer une affirmation vraie,d’une affirmation fausseà l’aide de règles rigoureuses.Ce type de définition de la proposition vraie exclutl’affirmation superstitieuse.Cette dernière postule l’existence d’un univers autre quematériel.Les croyances sont donc le fait d’une adhésion intuitive,d’un désir de croireet non l’acceptation d’une évidence rationnellement justifiée.Le silence de Don Juandevant le second argument montre qu’il ne le considère pas suffisamment convain-cant tel que le présente Sganarelle.Sa remarque devant la chute du valet est plus qu’uneboutade ;elle souligne que les faits démentent les assertions de Sganarelle.La toutepuissance de son cerveau sur son corps est mise en échec.

s Les arguments officiels prouvant l’existence de Dieu sont dévalorisés du fait qu’ilssont présentés par un individu qui vient de faire étalage de sa sottise et de sa super-stition.Le jeu de scène,propre à la farce,démonte également le sérieux du propos.

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La position inverse est attribuée à un personnage intelligent,instruit et rationnel maisjamais effectivement affirmée par lui. On en reste au procès d’intention fait parSganarelle.

d Le comique de ce passage tient :– à l’ordre des articles de foi que Sganarelle propose et qui est l’inverse de l’ordreattendu.Il semble penser qu’il est plus grave de ne pas croire au moine bourru quede ne pas croire en Dieu ;– à l’attitude suffisante de Sganarelle (l.67,83 et 84) qui traite Don Juan de haut, sevante et se félicite de son ignorance,pense voir avec « son petit sens […] les choses mieuxque tous les livres » (l.89-90) ;– aux analogies triviales (l.92,96-97) ;– à la pauvreté de ses connaissances (l.100-101) ;– à la naïveté de ses observations (l.110 à 112) ;– au comique gestuel (l.113).

f Don Juan fait monter l’impatience de Sganarelle par ses réponses évasives.Puis,il lui assène une révélation décevante : il le laisse s’enferrer dans un raisonnementque le valet n’a pas les moyens intellectuels de mener au bout et se moque de luilorsqu’il s’effondre.

g Don Juan s’amuse du spectacle ridicule qu’offre son valet bouffi de prétention.Il connaît l’argumentation qu’il essaie de développer et ne se met pas en peine dele contredire car il sait les limites des capacités de raisonnement de son valet.L’incidentde la chute lui permet une réplique fine, spirituelle et riche de sens.

◆ LECTURES CROISÉES ET TRAVAUX D’ÉCRITURE (PP. 96 À 99)Examen des textes

aAu début du passage,Pascal s’inclut en utilisant nous dans le groupe de ceux quisont dans l’incertitude.C’est une façon de montrer que personne n’a de réponsecertaine à la question de l’existence de Dieu,pas plus lui que quiconque et que l’onest réduit à parier.Le deuxième paragraphe oppose je et vous. Le texte prend alorsla forme d’un dialogue entre Pascal et le lecteur.Deux avis s’opposent sur le faitd’opter pour quelque chose d’incertain ou de s’en tenir au scepticisme.Le lecteurest censé admettre qu’il doit nécessairement choisir et n’oppose plus qu’une objection pratique liée au pari.

z L’argument de Pascal n’est pas centré sur Dieu mais sur l’homme. Il n’a paspour objectif la recherche d’une vérité mais une réflexion sur l’intérêt bien compris de l’homme.Il est d’ordre utilitaire et non rationnel.

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e La pensée de Descartes est censée être expliquée à une enfant.La langue est cellede la vie quotidienne.Il lui prête des objections naïves et concrètes (le crocophant) etadopte lui-même des images simples (le tableau, le cercle).

r L’existence de Dieu est pour Descartes de l’ordre de l’intuition. Elle reposeaussi sur l’idée évidente pour lui que les mots qualifient le réel,ou plutôt que du réelémanent les mots qui le désignent. L’existence d’un mot, d’un concept, impliquel’existence d’une réalité correspondante.Il s’agit plus d’un postulat que d’une démons-tration.

Travaux d’écriture

Question préliminaireDeux de ces trois textes visent, non à caractériser Dieu, mais à établir son existence.Les arguments sont de natures différentes :– Le monde a forcément été créé (texte A) ;– La perfection de la nature implique qu’une intelligence supérieure l’ait conçue(texte A) ;– Seule une réalité parfaite et infinie peut générer l’idée de parfait et d’infini chezl’être limité qu’est l’homme (texte C).Le texte B renonce à prouver l’existence de Dieu mais cherche à convaincre le lecteur que son intérêt est de faire l’hypothèse qu’il existe.

CommentaireCette tirade est une parodie bouffonne des débats théologiques qui s’insère dans unepause de l’action mais possède une fonction importante dans la progression de lapièce car elle alourdit l’accusation d’incrédulité faite à Don Juan.On peut étudierles effets comiques que Molière tire du décalage entre le contenu de la tirade et lescaractéristiques de l’orateur.

I. Le fond de l’argumentationa) Sganarelle reprend une preuve très classique de l’existence de Dieu : la nature aforcément été créée par un être supérieur.Toutes les religions contiennent une cosmogonie et Sganarelle reprend de façon allusive celle de la Bible.La Genèse etle champignon poussé en une nuit s’opposent aux six jours que Dieu a mis à créer lemonde.Il énumère sommairement,et à l’envers,ce que Dieu a créé successivement.b) La question de l’origine de l’homme (Don Juan pris en exemple) est complé-mentaire de celle de l’origine du monde.c) Enfin, l’argument de la perfection de la nature qui n’a pu être organisée que parune intelligence supérieure s’ajoute aux précédentes.

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II. Les limites induites par la personnalité de l’orateura) Sganarelle adopte un ton extraordinairement supérieur,encouragé par son habitde médecin.b) Il pontifie en proférant des généralités sur la folie des hommes comme le fontcertains philosophes mais la vérité générale qu’il assène est issue du « bon sens populaire ».c) Il se vante de sa bêtise ;personne n’a jamais rien pu lui apprendre.d) Il pense savoir mieux que les livres dont il ignore le contenu.Tant de prétention,mêlée à tant d’ignorance,ne peuvent que faire rire le spectateur.III. Les limites de son raisonnementa) Sganarelle ne sait qu’énumérer les divers aspects d’un même phénomène (l. 93,99-100,110 à 112).b) Ses connaissances étant fort limitées,il lui manque le terme propre (« ingrédients »,l. 100-101) et sa liste tourne vite court.c) Sa démonstration s’épuise car il ne sait pas la conduire. Il s’en prend au silencede Don Juan dont la boutade le fait enrager. Son abandon est un aveu d’incapa-cité.ConclusionCette tirade est très ambiguë.Face au rationalisme de Don Juan,que vaut une démons-tration si mal menée et par un esprit aussi peu aiguisé ? On pourrait en conclureque ces preuves elles-mêmes manquent de solidité et qu’elles ne peuvent convaincreque les esprits faibles.Toutefois, le ton de la comédie ne supporterait pas une disputethéologique en bonne et due forme alors que la prétention de Sganarelle et sa parodie de dispute sont elles du registre comique.

DissertationLa théologie fut longtemps la reine des sciences jusqu’à ce que les progrès de ladémarche scientifique mobilisent de plus en plus l’activité intellectuelle. Jusqu’auXVIIIe siècle, il est inconcevable de ne pas croire en Dieu.L’incrédulité passe pourune pause provocatrice plus que pour une authentique conviction.Cependant,onressent le besoin de fonder rationnellement la croyance en Dieu dès le Moyen Âge.Descartes,Pascal et Molière appartiennent tous les trois au XVIIe siècle, époque quisuit le traumatisme des guerres de religion.L’aristocratie cultive également, à cetteépoque,une attitude d’indépendance par rapport aux préceptes de la morale cou-rante.Elle prétend n’avoir pour seule préoccupation que le souci de sa « gloire ».Cen’est donc sans doute pas un hasard si l’on ressent alors le besoin de réassurer la foi.I. Les techniques de présentation des argumentsa) Le contexte de ces trois fragments est différent :– Molière aborde cette question au cours d’une pièce de théâtre ;

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– Descartes l’évoque au cours d’un essai qui cherche à définir le moyen d’accéderavec certitude à la vérité ;– Le texte de Pascal est un fragment d’une œuvre qu’il ne put achever avant sa mortet dont on ignore quel aurait été l’agencement définitif.On en connaît toutefoisle projet général : l’apologie de la religion chrétienne.b) Les deux textes philosophiques passent par cette étape au cours d’un raisonne-ment plus large.Dans la pièce de théâtre,Sganarelle postule que l’immoralité de sonmaître a pour origine son incrédulité ;s’il peut le convaincre de l’existence de Dieu,il pense que cela entraînera un changement d’attitude chez son maître, cette discussion a donc un enjeu dramatique.c) Descartes poursuit un objectif intellectuel : la quête de la vérité. Pascal et le personnage de Molière cherchent à fonder une pratique : la croyance déterminantl’adhésion à une morale.II. Examen de l’argument de Descartesa) L’argument de Descartes est purement rationnel. Il ne sert pas la cause de l’insti-tution religieuse. Descartes a voulu écarter toutes les causes possibles d’erreur jusqu’à ce qu’il tienne une idée absolument sure : la première est celle qu’il existepuisqu’il pense « Cogito ergo sum ».La seconde est que la perfection existe forcémentpuisque nous en avons une idée.Ces deux affirmations serviront de fondement à laconstruction de certitudes.b) Cette affirmation semble s’imposer avec évidence mais laisse Sophie réticente.Cet argument semble effectivement trop simple et on le sent contestable parce qu’ilest de l’ordre de l’intuition et non la conclusion d’une démonstration.c) L’argument de Descartes apparaît donc fiable puisqu’il ne défend pas d’intérêtconcret mais il n’emporte pas complètement l’adhésion.III. Examen de l’argumentation de Pascala) Pascal,dans d’autres passages de son œuvre,utilise des démarches démonstratives.Il cherche à les diversifier pour répondre aux attentes des différentes formes d’esprit. Il en identifie deux : l’esprit de finesse (les intuitifs, les imaginatifs) et l’esprit de géométrie (les rationnels). Il envisage cependant de convaincre les mondains,peu intéressés par les raisonnements abstraits.Il s’appuie sur une pratiquesociale très enracinée dans la société mondaine de son temps, le jeu de hasard. Il vadonc proposer à son lecteur un pari le prenant par son penchant.b) De plus,Pascal invite le lecteur à réfléchir dans le sens de son intérêt. Il place laréflexion sur un terrain inhabituel et donc intrigant et intéressant.Ce que Pascaldéfinit comme l’intérêt principal, c’est échapper à la damnation, s’assurer après lamort le paradis, la paix éternelle. Il n’incite pas à croire au nom de la vérité mais aunom des avantages qu’on tirera du choix réalisé.

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c) L’argument est amusant car il se présente comme un raisonnement sur les probabilités, les avantages et les risques de chaque option.En dernière analyse, ilaboutit à la conclusion que parier que Dieu existe est le choix le plus intéressantpour le parieur.Cependant, sommes-nous vraiment convaincus ? L’intérêt envisagé n’est pas de cemonde.Or,le mondain ou le matérialiste privilégient l’ici et maintenant à l’au-delà.IV. Examen du raisonnement de Sganarellea) Sganarelle,en prophétisant une punition horrible,avait jusque-là cherché à effrayerDon Juan. Cependant, la valeur principale de l’aristocrate est le courage. Don Juan en est pourvu et ne peut donc céder à la peur que Sganarelle cherche à lui inspirer.b) Il postule ensuite que l’immoralité est le résultat de l’incroyance. Il va donc tenter d’aller sur ce terrain.Mais ses armes dans ce domaine sont limitées.c) La création dans sa diversité et sa perfection suppose un créateur.L’argument estclassique et semble évident. Il ne l’est pourtant pas si on pense que la nature a toujours existé.De plus, la maladie et la chute de Sganarelle opposent un démentià la perfection de la nature. Enfin, Sganarelle a bien du mal a développer cet argument de façon plus convaincante.d) Il s’agit là d’une démarche utilitaire.Sganarelle voudrait que cesse le scandale,queDon Juan ne mette pas sa vie et son salut en péril.Lui faire admettre que Dieu existeest le moyen d’arriver à ces fins.Mais on voit bien ici qu’il s’agit d’une sorte de mani-pulation.L’argument perd de sa force pour cette deuxième raison.ConclusionCes trois textes montrent que convaincre de l’existence de Dieu est un enjeu essen-tiel à plus d’un titre : intellectuel,moral, social et spirituel.Cependant, aucune desdémonstrations n’est totalement convaincante soit parce qu’elles poursuivent un autrebut que la simple élaboration d’une vérité, soit parce que la foi est de l’ordre d’uneadhésion intime sans grand rapport avec la logique.On est persuadé intuitivementde l’existence de Dieu plus qu’on n’en est convaincu par une démonstration.

Écriture d’invention Pascal et ses amis jansénistes avaient une conception austère de la religion et une foiprofonde.Le personnage de Don Juan n’aurait pu que scandaliser un ami de Pascal.Les jansénistes pensaient que l’on ne pouvait faire son salut que si Dieu nous accor-dait sa grâce.Don Juan peut apparaître comme un homme à qui elle a été refuséeet qui marche inexorablement vers la damnation.La lettre peut aussi développer l’argumentation que l’ami aurait eu envie de soute-nir à la place de Sganarelle.Elle pourrait,par exemple,poser la question de savoir sil’argument du Pari aurait eu un impact sur Don Juan.

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L’ami pourrait aussi prendre parti dans le querelle entre Molière et les dévots àpropos de cette scène.Traduit-elle des opinions subversives de l’auteur ? On doittenir compte du fait que les dévots ne partageaient pas les points de vue des jansénistes.

◆ LECTURE ANALYTIQUE DE L’EXTRAIT (PP. 129 À 131)a Sganarelle adopte ici le comportement du valet de la commedia dell’arte,toujours affamé et à l’affût de quelque chose à dérober.Dans ce même registre,onl’a vu risquer d’être battu à la place de son maître,s’effondrer dans sa démonstrationd’habileté, trembler de terreur devant le prodige.Cependant, il est aussi souventraisonneur, familier, quand son maître l’y autorise, et fait souvent figure de doublecaricatural de Don Juan.

z Don Juan se confie à Sganarelle non sans un certain cynisme à l’égard d’Elvire etavec son habituel goût de la provocation.Il s’amuse à menacer sadiquement Sganarellequand il constate son larcin,mais finalement se montre généreux.Puis, il l’oblige,malgré sa terreur, à faire bonne figure au Commandeur.La présence de Sganarelleinduit des effets comiques qui dédramatisent la situation.Sa goinfrerie fait oublierla perversité de Don Juan. Sa terreur, rendue cocasse par le flegme de Don Juan,neutralise le sens prophétique et moralisateur de la visite du Commandeur.

e Don Juan partage avec Sganarelle une certaine intimité et fait preuve d’une relative générosité expliquée par le fait, cependant, qu’il a besoin de son valet. Ilaccueille l’apparition du Commandeur, dont il ne peut plus ignorer l’aspect spectaculaire, avec beaucoup de sang-froid.

r Molière a abrégé la scène du repas longuement développée chez Tirso de Molina.Il évite ainsi de tomber dans un folklore de pacotille qui pourrait faire virer la scèneau grotesque et conserve entier l’effet de surprise et la solennité de la situation.

t Le Commandeur est représenté par une tête de marionnette animée par DonJuan ce qui peut se justifier par le jeu du repas auquel le maître force le valet. Iltémoigne ainsi que,pour lui,le Commandeur n’est qu’un fantoche,une mécaniquequi n’a de vie qu’autant qu’on lui en prête et qui peut donc être objet de dérision.

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y Patrice Chéreau a fait du Commandeur « une sorte d’automate qui distribue des coupsde poing à la façon de certains mannequins de foire ».On retrouve la même idée d’artifi-cialité.Le Commandeur n’a pas d’autonomie,il est inerte et n’est animé que par deshumains. Il est un instrument utilisé par l’ordre régnant, aveugle et sans discerne-ment, pure force punitive et répressive.Molière en fait un personnage autonomemais il est bien l’instrument de la justice divine. Le côté dérisoire de la marion-nette ou du mannequin montre l’affaiblissement de la peur de la punition divinedans notre société.

◆ LECTURES CROISÉES ET TRAVAUX D’ÉCRITURE (PP. 132 À 137)Examen des textes

a « C’est Le serpent qui m’a mordu,qui porte aujourd’hui ma couronne » :cette périphrasepermet d’identifier Claudius.Le serpent prend alors une valeur métaphorique : iln’est plus l’animal rendu responsable de la mort du roi,mais caractérise la perversitéet la traîtrise du meurtrier.Sortilèges et dons en font un sorcier,donc un être vouéà Satan.– « Bête adultère et incestueuse » : la métaphore du serpent se prolonge avec la référence à Satan, séduisant Ève au Paradis terrestre et la poussant à commettre lepéché originel.Le mot « bête » renforce l’idée de lubricité.– « un misérable dont les dons naturels semblaient des mendiants près des miens » : la pau-vreté matérielle est ici l’image de l’infériorité intellectuelle de Claudius.– Le rappel des liens de parenté (« frère », « oncle ») rend plus choquante et plus brutale la dernière image :« il m’a jeté devant mon Juge ».

z Claudius tue par ambition et lubricité.C’est son frère qu’il tue et sa belle-sœurqu’il séduit.Enfin,le roi meurt sans avoir pu se confesser,ce qui compromet son salut.

e Le prodige de l’apparition est préparé visuellement par l’enfoncement du chau-dron et auditivement par le son du hautbois.Macbeth décrit l’apparition successivede huit rois à la chevelure identique,ornée d’une couronne flamboyante et qui sontles sosies du spectre de Banco.Le miroir que porte le huitième en reflète une mul-titude qui porte les emblèmes du pouvoir.Les rois sont suivis par le spectre de Bancoensanglanté qui les désigne comme ses fils. Les sorcières font une ronde accompa-gnée d’une musique magique et disparaissent.On peut noter que tous ces effets sontà imaginer.Macbeth décrit sa vision et le spectateur l’imagine.Les seuls élémentsconcrets sont la musique, la danse des sorcières et l’enfoncement du chaudron.

r La musique contribue à créer une sensation d’irréalité car elle peut être produitepar des instruments invisibles.

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t Le sphinx se dissimule pour opérer sa métamorphose comme une femme pudique.Elle est avisée et anticipe les réactions des Thèbains.Elle a de l’affection pour Anubiscomme une femme aimerait son chien fidèle.Elle essaie de retarder l’échéance.Sacoquetterie lui fait regretter de renoncer à sa beauté.Elle se montre maternelle àl’égard d’Œdipe.

y Œdipe est loin de s’être comporté en héros. Son impatience le rapproche del’échéance terrible de son destin.L’aveuglement mental d’Œdipe préfigure son aveu-glement physique.La vérité qui va lui crever les yeux est la découverte de ses crimesinconscients.

Travaux d’écriture

Question préliminaire Dans le texte A,il s’agit d’un spectre et d’une statue miraculeusement animée et quiparle.Ces êtres sont les instruments de Dieu, ils représentent son dernier avertisse-ment et le moyen par lequel se réalise le châtiment.Dans le texte B, il s’agit du spectre du père d’Hamlet qui vient réclamer que justice soit faite et charger son fils de mener à bien cette tâche.Dans le texte C,apparaît symboliquement la descendance de la victime de Macbethet son spectre ensanglanté. Il s’agit d’une apparition prophétique. Le sourire de Banco montre que sa mort sera vengée par le fait que le profit du crime échappera à Macbeth.Dans le texte D,une chimère et un dieu égyptien sont les instruments du destin etdétiennent la connaissance de tout ce qui échappe à Œdipe.

CommentaireTexte à commenter :depuis « Oui, cette bête » jusqu’à « le faix de mes imperfections. »L’apparition du spectre est l’élément déclencheur de l’action de cette tragédie.Le défunt roi du Danemark révèle à son fils la véritable cause de son décès.Il attendd’Hamlet qu’il le venge mais ce dernier tergiversera longtemps avant de passer àl’acte, l’obligeant ainsi à passer à l’action.Le discours de cette apparition doit doncavoir des caractéristiques propres à bouleverser le héros en lui inspirant divers sentiments.I. Sentiments inspirés à Hamlet envers les criminels a) mépris pour le comportement de sa mère :– elle s’est montrée sans vertu, incapable de résister à la sensualité ;– elle a trahi la mémoire de son époux ;– elle s’est laissée aller à une union quasi-incestueuse ;– elle manque de discernement en aimant un médiocre qui ne vaut pas son époux.

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b) dégoût devant la lubricité de l’oncle et de la veuve s’exprime par le champ lexical de la bestialité et de l’ordure.c) l’horreur sacrée devant l’aspect démoniaque de Claudius qui est assimilé à Satan.II. Sentiments inspirés à Hamlet envers le spectre lui-mêmea) pitié pour la souffrance ressentie du fait de la trahison de la reine.Cette dernièreest oublieuse de ses devoirs et de la valeur de son époux ;b) horreur devant les effets du poison dont la description est très concrète,très visuelleet se renforce avec l’évocation de la lèpre de Lazare ;c) effroi sacré : le roi n’a pu se repentir devant Dieu de ses fautes et ne trouvera pasle repos éternel. Le crime est donc majoré car le dommage dépasse de beaucoupla stricte privation de la vie.III. La tonalité du discoursIl comporte des caractéristiques :a) pathétiques car il vise à bouleverser Hamlet et à susciter une indignation propreà le faire agir ;b) poétiques car les images sont nombreuses et fortes. Elles sont souvent en relation avec le monde surnaturel d’où vient le spectre ;c) oratoire :les parallélismes de construction,l’apostrophe,les interjections,les construc-tions d’ampleur croissantes à la fin du discours, donnent aux propos une extrêmesolennité qui les rendra inoubliables.ConclusionCe discours prononcé dans une urgence qui souligne l’aspect surnaturel de la scène(les spectres ne peuvent apparaître qu’au cœur de la nuit) est propre à profondémentbouleverser celui qui l’entend. Au-delà de son intérêt de prince dépossédé,Hamletse doit de restaurer le droit politique en détrônant l’usurpateur, de restaurer la justice au nom de laquelle on ne peut laisser un crime impuni, de laver l’honneurfamilial, de venger les douleurs physiques et morales ressenties par son père.Toutserait donc en place pour une action immédiate si Hamlet n’était pas un être velléitaire.

DissertationDans le théâtre antique, la présence du surnaturel est forte. Les dieux intervien-nent dans les guerres humaines et influent d’une façon relativement arbitraire sur lavie des hommes.Les dieux font absolument partie de la réalité.Le christianisme athéoriquement éliminé le polythéisme au profit d’une divinité unique.Toutefois, lethéâtre occidental a gardé des traces de paganisme.Pourquoi ?I. Formes du surnaturela) Hamlet et MacbethLes spectres renvoient à la crainte païenne d’une certaine forme de survivance desmorts, particulièrement de ceux qui ont subi une mort violente ou qui conser-

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vent une rancœur à l’égard des vivants.C’est le cas de l’esprit du roi de Danemarket de Banco. La progéniture de ce dernier est, quant à elle, l’objet d’une visionprophétique qui rappelle les oracles antiques, les prophéties bibliques.Mais cettevision émane de Satan et non de Dieu puisqu’elle est suscitée par des sorcières.Ces dernières représentent une profanation par inversion du culte rendu à Dieu quiest retourné dans un rituel d’allégeance à Satan.b) Dom JuanLe spectre de femme qui se transforme en temps et la statue animée renvoient àun surnaturel plutôt populaire ou traditionnel.Le fantôme n’est pas celui d’un mortmais donne une forme aux remords qui devraient hanter Don Juan.Le Temps est lareprise d’une représentation allégorique ancienne.La statue évoque les prodigesmerveilleux expliqués de façon magique par les naïfs ou les ignorants mais aussi lesmiracles de la vie des saints.c) La Machine infernale Cocteau exhume un personnage mythologique grec et un dieu égyptien.Les croyances superstitieuses semblent donc avoir une place dans ces œuvres.Maisquelle est la fonction des êtres évoqués ?II. Fonctions de ces entités a) Chez Cocteau, il s’agit d’une pure référence culturelle, inextricablement liée ausujet choisi.La manière dont il prend des libertés avec le mythe et le mélange qu’ilopère entre deux sources mythologiques montre assez qu’il en fait une exploitationpoétique et non religieuse.De plus,il démythifie autant le héros que les personnagessurnaturels : le sphinx est une jeune fille déprimée, Anubis, un animal de compa-gnie. Ils ne conservent de divin que leur connaissance du destin d’Œdipe. Ils renforcent l’effet tragicomique de la précipitation du héros.Aveuglé par sa vanité,il court vers son destin au moment même où il croit lui échapper.b) Chez Molière, les personnages surnaturels ont une pure fonction de signes. Ilsn’ont pas d’autonomie et n’existent que pour signifier la colère divine. On necroit pas en leur réalité mais en l’imminence du châtiment qu’ils annoncent ou dontils sont l’instrument.III. Le cas de Shakespearea) Il est plus ambigu.La sorcellerie était une pratique répandue mais très sévèrementréprimée à son époque.La croyance en la réalité des fantômes était commune.b) Cependant, ces personnages ont plutôt dans les pièces une valeur symbolique.Le spectre de son père est l’incarnation pour Hamlet de ses doutes ou de ses soupçons inconscients. Pour Macbeth, ils représentent l’obsession de la faute et lahantise du crime inutile. Le recours aux sorcières fait référence au fait qu’il a succombé à la tentation du mal. Cette ambition criminelle est suggérée par Lady Macbeth,nouvelle Ève démoniaque.

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Conclusion Pour ces trois auteurs, le surnaturel a sans doute un degré de réalité un peu différentmais il apparaît dans leur pièce essentiellement comme un instrument symboliqueet poétique.

◆ LECTURE ANALYTIQUE DE L’EXTRAIT (PP. 152 À 155)a Don Juan prétend se plier à la volonté divine.Celle-ci l’emporte sur les volon-tés humaines qui exigent de lui qu’il rende compte de ses actes.Il prétend donc queDieu lui ordonne d’abandonner Elvire.L’honneur l’oblige à se battre contre DonCarlos qui vient lui demander raison de l’offense subie par la famille. Don Juan poursuit dans la même voie en utilisant la position proposée par les jésuites :on nese bat pas en duel.L’Église et le roi l’interdisent mais si on est attaqué on a le droitde se défendre.

z Le fait que Don Juan attaque le fantôme et accepte la main du Commandeurpeuvent être interprétés comme les marques d’un très grand courage, d’une adé-quation parfaite entre ses actes et ses idées ou comme la preuve d’une inconscienceaberrante et d’un entêtement absurde.Jusque-là,il défiait indirectement le surnatu-rel par ses paroles et son comportement immoral vis-à-vis des humains. Ici, danscette attaque directe,il outrepasse les limites du tolérable pour tout croyant.Il mani-feste ainsi que son cas est désespéré et que sa punition s’impose.La description de ce que Don Juan ressent a deux fonctions.Elle peut se justifier parla surprise qu’il éprouve.Celle-ci montre que, jusqu’à la dernière seconde, il a étéincrédule.De plus, il faut que le public soit informé de la terrible souffrance quesubit le héros pour pouvoir juger de la pertinence du châtiment et s’en effrayer.

e La statue utilise la troisième personne.C’est une façon d’accroître la solennité dela mise en demeure mais c’est aussi une façon de prendre à témoin le public,de luiannoncer l’imminence du châtiment annoncé depuis le début de la pièce et de lerendre ainsi plus exemplaire encore.Le Commandeur interpelle Don Juan directe-ment mais l’utilisation du pronom on généralise le propos et annonce un sort iden-tique à qui s’aviserait de suivre l’exemple de Don Juan.

r Sganarelle exprime l’indignation du public devant l’attitude de Don Juan face àDon Carlos.Il est une fois de plus celui qui sert d’intermédiaire entre le Ciel et DonJuan,celui qui exprime les réactions supposées de Dieu face à un tel comportement,

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celui qui déchiffre dans les événements des messages adressés à son maître de façoninsistante, celui, enfin,qui cherche à convaincre Don Juan de la réalité du surnatu-rel. Les derniers mots lui sont laissés, il tire la morale de cette histoire mais, reve-nant à des préoccupations personnelles et matérielles,il casse la solennité du propos.Sa fonction est donc ambivalente : il annonce à Don Juan son châtiment mais ilregrette sa disparition. Il vivait avec un monstre mais un monstre nourricier.

t La comédie s’achève en général par une réconciliation de tous les protagonistesdont le conflit est résolu. L’énumération des pluriels de la réplique (l. 241 à 243)montre qu’une multitude d’individus a été outragée par Don Juan et pas seulementles quelques personnages mis en scène.Don Juan n’empêchait pas comme Tartuffele rapprochement de certaines personnes.Il était poursuivi par des individus offen-sés chacun à un titre divers et qui n’avaient pas d’intérêt commun.La disparition deDon Juan peut cependant laisser un sentiment de frustration car si le monstre estpuni,ses victimes ne sont pas dédommagées et la frustration qu’exprime Sganarellerésume toutes les autres. Le scène vide renvoie à ce sentiment de manque quechacun peut éprouver.Elle laisse aussi le spectateur sous le coup de l’effroi créé parle terrible jeu de scène que le texte décrit.

y Cette réplique détruit l’effet moralisateur du dénouement.Elle crée un contrastebouffon avec la solennité du moment et l’élévation des préoccupations expri-mées. Elle relativise la nécessité du châtiment, après tout, Don Juan était utile, ilfaisait vivre Sganarelle.Elle manifeste aussi l’hypocrisie de Sganarelle qui,après n’avoircessé de crier à l’immoralité, fait ici passer son intérêt matériel avant la justice.

u Sganarelle,les jambes pendantes et les mains croisées,ressemble à un enfant perdu.On peut imaginer un ton geignard ou pleurnichard.

i La mise en scène de Jean-Luc Moreau (cf. photo p. 156) renonce à l’amplifica-tion grandiose du Commandeur.Il est le plus souvent représenté sous la forme d’unestatue colossale,romaine ou en armure.Il est ainsi un personnage épique,qui l’em-porte manifestement en puissance sur Don Juan,d’autant plus que cette statue estanimée.Ici,le Commandeur est une sorte d’épouvantail bricolé,néanmoins effrayantpar le jeu de lumière qui l’anime. Il représente en fait ce que va subir Don Juan etl’état de squelette qui va bientôt être le sien.Chez Fragonard, le Commandeur estl’instrument de la mort sur la scène de Jean-Luc Moreau. Il est la figuration mêmede cette mort.On joue là plus sur l’horreur et la souffrance que sur l’écrasementde l’orgueilleux.

o Le spectre apparaît sous la forme d’une femme voilée. Il symbolise toutes lesfemmes dont le héros a fait le malheur et dont le souvenir a disparu de sa mémoire

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sans susciter le moindre remords alors qu’il aurait dû le hanter. Ses propos repren-nent l’exhortation d’Elvire au repentir et sa tenue crée un écho à cette visite quiprend rétroactivement un aspect prémonitoire.La forme de son intervention fontde lui un messager qui parle au nom de Dieu et non en son nom propre.Le spectres’adresse ainsi à Don Juan mais en même temps au monde entier.Sa métamorphoseen Temps annonce que le terme est échu.

q La statue exprime le point de vue de Dieu dont la miséricorde n’est pas infinie.Il laisse un certain nombre de chances de rachat au pécheur mais ne peut accepterque ces faveurs soient méprisées. Le christianisme affirme que toute faute peutêtre pardonnée si elle suscite un repentir sincère. En revanche, l’absence de contrition est impardonnable et sera sévèrement châtiée.Sganarelle exprime plutôt la cause des valeurs humaines, ici classées par ordre d’importance décroissante.Les éclairs attributs de Zeus symbolisent par extension la colère du Dieu de la Bibledans des tableaux,comme par exemple l’hiver ou le déluge de Nicolas Poussin.Lefeu d’en bas renvoie à une figuration traditionnelle de l’Enfer, imaginé comme unéternel brasier.Le jeu de scène signifie donc que la colère de Dieu jette Don Juandans l’Enfer.

s On a vu comment l’attitude de Sganarelle crée un contrepoint. Il permet de donner à la pièce un dénouement relativement cohérent avec le genre annoncé.Àtravers sa réplique s’expriment les exigences de la vie qui continue.Ainsi, la mort est dépassée, effacée et n’est plus objet de méditation. La misère de Sganarelle efface l’exemplarité du châtiment et nous fait redescendre à un niveau très prosaïque.Le quotidien s’impose à nouveau avec ses exigences incontournables en reléguantau second plan les préoccupations de la pure morale.

◆ LECTURES CROISÉES ET TRAVAUX D’ÉCRITURE (PP. 157 À 161)Examen des textes

a Cléante s’exprime avec emphase en utilisant de longues phrases. Il construit sonargumentation sur une opposition qu’il annonce entre les vrais et les faux dévots.Sa diatribe utilise majoritairement des organisations binaires.Le démonstratif « ces »met les hypocrites à distance et les offre à notre mépris. Le vocabulaire est noble,les termes employés,tant mélioratifs que dépréciatifs,sont forts.Le lexique utilise denombreux verbes qui montrent les faux dévots en pleine action.Il s’agit d’intrigants,de manipulateurs et non de contemplatifs voués à la dévotion. L’indignation deCléante est sensible. Il adopte un ton polémique.

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z Onuphre est un hypocrite particulièrement rusé et habile.Il évite soigneusementde créer un scandale qui pourrait mettre ses manœuvres en lumière et l’exposer àune sanction pénale ou sociale. Il rivalise avec ceux dont les droits sur une succes-sion sont éloignés.Pour être désigné légataire, il use de la calomnie, ou mieux, dela simple insinuation.La Bruyère insiste sur la façon dont il manipule sans jamaiss’exposer directement.

e La Bruyère manie l’ironie :« pieu dessein », « des gens[…] qu’on est obligé en consciencede décrier » et la médisance « le talent qu’il possède à un plus haut degré de perfection ». Ilutilise de longues phrases reptiliennes imitant la façon dont Onuphre s’infiltre,s’immisce dans les affaires de famille.

r Mme de Merteuil profitait jeune fille de l’indifférence de son entourage pourl’observer, l’étudier, deviner les non-dits et les secrets, les sous-entendus, toute lacommunication implicite de cette société. Elle apprend à contrôler totalementson expression pour dissimuler ce qu’elle ressent et faire croire ce qu’elle ne res-sent pas.Elle devient experte dans l’art de décrypter la communication non verbale.

t Mme de Merteuil transforme en qualité la dissimulation mais elle laisse comprendre,par le parti qu’elle arrive à tirer d’une situation défavorable, sa remar-quable intelligence,ses dons d’observation et d’analyse,ses aptitudes de comédienne,sa lucidité et sa finesse.

Travaux d’écriture

Question préliminaireDon Juan espère,grâce à l’hypocrisie,pouvoir continuer à se livrer à tous ses désirssans encourir de réprobation et même en étant soutenu.Onuphre est un escroc dont la préoccupation essentielle est d’accaparer les biens.Les faux dévots,décrits par Cléante,sont à la recherche de « crédits et de dignités »,cesfaveurs et titres étant souvent assortis de biens. Ici, l’ambition sociale semble toute-fois première.Mme de Merteuil éprouve une extraordinaire volonté de puissance.L’hypocrisie est pour elle l’arme grâce à laquelle elle va pouvoir sortir de la situa-tion d’infériorité dans laquelle les femmes de son temps sont maintenues.

CommentaireCe texte est un portrait satirique à visée moralisatrice. Il est typique de la littéra-ture classique qui se veut utile et formatrice et met l’art d’écrire au service de cettecause.De plus,tout comme Molière dans Tartuffe,La Bruyère dénonce ici une sortede secte religieuse bien en cour, la Compagnie du Saint-Sacrement, dont certainsmembres, sous couvert de remplir une fonction moralisatrice, intriguaient en fait

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pour leur intérêt propre.La Bruyère décrit le masque de la dévotion mais aussi laréalité qu’il dissimule.Tout en amusant le lecteur, il suscite son indignation.Cettemise à jour a également une portée politique.I.Masque et réalitéa) La Bruyère esquisse le portrait inversé du vrai dévot,hautement estimable à cetteépoque où la religion tient une place essentielle. Il montre les défauts qu’il n’a pasplus que les qualités qu’il possède (« ni avare… intéressé »). De même, le dévot s’interdit de dire du mal de quiconque.b) Onuphre lui possède justement ces vices et use du sous-entendu qui dit sans dire.C’est là son principal talent.c) Sa principale caractéristique est un grand sens de la stratégie (« s’insinue »,« entre-prise »,« attaque »,« nuire »,« dépouille ») et la ruse (« sourdement », « il dérobe… est »,« dessein »).d) Il montre beaucoup de chaleur humaine mais tout ceci mis au service de l’accaparement de biens,de fortunes.II. Effets de ce portraitIl inspire :a) de l’admiration pour l’habileté d’Onuphre– dans le choix de ses victimes ;– dans la manière dont il analyse les situations et tisse sa toile ;– dans la façon dont il manipule son entourage (impudence avec laquelle il s’affirmehéritier, sous-entendus perfides).La Bruyère détaille minutieusement sa stratégie pour nous en faire apprécier l’efficacité.b) du mépris pour le personnage :– Onuphre est hypocrite ;– il se limite aux coups sans risques ;– il joue aux redresseurs de torts.c) Ce portrait fait rireLa Bruyère emploie l’ironie (la calomnie est chez lui un talent rare, son dessein estpieu) et va jusqu’à l’absurde (il faut déshériter Onuphre au profit des héritiers légitimes, il ose jouer les censeurs en toute bonne conscience). Il utilise l’effet saisissant du contraste entre l’apparence et la réalité (les gens qu’il faut décrier sontceux à qui il veut nuire).Il nous fait entendre sa mauvaise foi en rapportant au style indirect libre la manièredont il justifie la calomnie.III. La dimension morale du portraita) Sous ces dehors amusants, ce portrait suscite cependant l’indignation car toutecette intelligence est mise au service de la spoliation.

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Cet individu est sans scrupules (« terreur des cousins… nièce »,« les en frustrer à fond »,« leur en ôte... partie ») Même s’il lèse des héritiers secondaires, son action est cependant un scandale auregard du droit.b) La référence au prince est une manière indirecte d’attirer l’attention du pouvoirsur de tels escrocs. Celui-ci est dédouané : s’il n’intervient pas ce n’est pas qu’ilapprouve ou laisse faire mais c’est que tout est fait pour que sa vigilance ne soit pasalertée.S’il était au courant de la situation, le roi interviendrait.Grâce à ce portrait,il est désormais informé et se doit donc d’intervenir.Conclusion La Bruyère reprend le modèle antique de Théophraste en l’adaptant à l’esprit et aux mœurs du temps.Il sait dénoncer un scandale en amusant le lecteur.Le portraitqu’il fait de cet escroc est inquiétant mais La Bruyère dédramatise la situation.Onrit en effet autant des victimes,des collatéraux terrifiés et des vieillards crédules,quedu personnage d’Onuphre lui-même dont le nom a lui seul contient une part dedérision.

DissertationL’hypocrisie est un des vices les plus détestés car chacun de nous peut en être vic-time à son insu.Elle ne nous laisse aucun moyen de nous défendre puisque le piègen’est même pas soupçonné.Elle était particulièrement redoutable au XVIIe et XVIIIe

siècles,où le contrôle des apparences et les intrigues étaient essentiels.Peut-on assu-rer que les choses aient aujourd’hui changé ? Les quatre textes présentent cette ques-tion d’une façon différente.Quels sont les points communs et les divergences deleurs propos et les incidences de leur mise en forme sur le point de vue du lecteur/spectateur ?I. Présentation de l’argumentation1) Différence apparentea) Dans les textes A et C, l’auteur donne la parole à un hypocrite qu’on voit mettreen œuvre ses bonnes résolutions après l’avoir entendu se vanter de sa résolution nou-velle (Don Juan),qui expose son minutieux apprentissage solitaire (Mme de Merteuil).b) Dans les textes B et D, le point de vue est extérieur. Il est celui d’un dénoncia-teur qui s’attaque au problème de façon satirique (texte B) ou polémique (texte D).2) Points de convergencea) Les quatre textes ont une dimension effrayante :– L’impunité semble assurée,dans le monde humain du moins (textes B,C et D) ;– Les forfaits sont graves car leurs conséquences pour les victimes sont lourdes(déshonneur dans le texte A, ruine dans les textes B et D).

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b) Les quatre textes ont une portée émotionnelle :Le spectateur s’amuse de la déconfiture de Don Carlos ; le lecteur de La Bruyèredes différentes caricatures ;celui de Laclos est séduit par le brio de Mme de Merteuil.Enfin,Cléante cherche a susciter l’indignation.II. Éléments diminuant la portée de la critique1) Les quatre textes font qu’on reconnaît à l’hypocrite consommé un talent remarquable.On admire son ingéniosité (texte B), son aplomb (textes A et D), sonintelligence (texte C).2) Les dégâts objectifs de leurs comportements sont, dans ces passages, relativisés(refus d’une réparation dont Don Carlos a avoué à l’acte II qu’elle lui pesait, texte A),Onuphre lèse des héritiers secondaires (texte B),Mme de Merteuil ne dit pas à quoielle va utiliser son talent,Cléante s’indigne au nom de principes généraux.3) Cependant, cette indulgence ne fonctionne que si le lecteur/spectateur s’ima-gine dans la position de l’hypocrite. S’il s’identifie aux victimes, c’est la dimension critique qui prime.III.Dimension critique commune aux textes1) Tous montrent la perversion de différents ordres.a) L’ordre social : les titres ne reposent plus sur le mérite,les héritages,sur les liens deparenté (textes A et D).b) L’ordre relationnel : plus personne ne peut plus avoir confiance en autrui, la viesociale est totalement factice (textes C et D).c) L’ordre intellectuel : le faux s’impose tout autant que le vrai,tout devient illusoire(textes A,B,C et D).2) Le scandale morala) L’injustice règne,le vice est récompensé et la vertu bafouée.Les vraies valeurs sontdiscréditées (textes A et D).b) L’hypocrite est guidé par un égoïsme féroce : son plaisir (texte A), son ambition(texte C et D), sa cupidité (texte B), sont des motivations absolues.ConclusionMalgré des présentations différentes, les objectifs des auteurs sont très voisins.Deuxd’entre eux cependant, jouent les démons tentateurs. Mais les hypocrites qui s’expriment sont tellement exceptionnels que l’on peut difficilement s’imaginer lesimiter.De plus,le châtiment de Don Juan est imminent et celui de Mme de Merteuilsera pire.Elle sera défigurée par une maladie et ses manœuvres seront révélées.Ellene pourra que fuir cette société mondaine qui faisait toute sa vie de séductrice.

Écriture d’inventionUn adolescent peut défendre l’hypocrisie en montrant tous les avantages qu’il y aà se faire bien considérer

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a) par les adultes (parents,professeurs, employeurs) ;b) par ses partenaires amoureux et ses amis.Il sera apprécié,soutenu,défendu en cas de problème,innocenté a priori,et il pourraarriver à ses fins sans encombres,éliminer ses rivaux.Son interlocuteur peut réagir :a) sur le plan moral ;b) sur le plan pratique en montrant le danger d’une telle stratégie si elle vient àêtre découverte ;c) sur le plan de l’épanouissement de soi et de sa valeur propre.Peut-on se sentirvalorisé de ce qu’on sait avoir usurpé ?

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◆ MOLIÈRE

– R.Allier,La cabale des dévots,1627-1666,Éditions Armand Colin,1902.

– M.Corvin,Molière et ses metteurs en scène aujourd’hui,PUF,1985.

– G.Defaux,Molière ou les métamorphoses du comique,De la comédie morale au triomphede la folie,Éditions Klincksieck,coll. « Bibliothèque d’histoire du théâtre,1992.

– O.Mongrédien,La Vie privée de Molière,1950, réédition Hachette,1992.

– M.Vernet,Molière côté Jardin, côté cour,Nizet,1991.

◆ DOM JUAN DE MOLIÈRE

– P.Dandrey,Dom Juan ou la critique de la raison comique,Éditions Honoré Champion,coll. « Bibliothèque de la littérature moderne »,1996.

– H. Mazaheri, « Dom Juan ou le libertin martyr : le rôle de la statue et la fin symbolique du héros » in Revue du théâtre,n°4,1993.

– P.Ronzeaud,Molière/Dom Juan,Éditions Klincksieck, coll. « Parcours critique »,1993.

◆ LE MYTHE DE DON JUAN

– Barbey d’Aurevilly,Le plus bel amour de Don Juan,1874.

– Butor,Une chanson pour Don Juan,1975.

– Byron,Don Juan,une satire épique,1819-1824.

– Goldoni,Don Giovanni Tenorio ou le débauché,1736.

– E.T.A.Hoffmann,Don Juan,1812.

– Montherlant,Don Juan ou la mort qui fait le trottoir,1958.

– Musset,Une matinée chez Don Juan,1833.

– Pouchkine,L’Invité de pierre,1830.

– Tolstoï,Don Juan,1862.

B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E