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1 1 De Portugalèté à St Nazaire Mamie Tapon raconte sa jeunesse

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Livre Mamie Tapon

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De Portugalèté à St NazaireMamie Tapon raconte sa jeunesse

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La guerre d’Espagne (également souvent désignée sous le nom de guerrecivileespagnoleoumoinsfréquemmentderévolutionespagnole),estunconflitquiopposa,enEspagne,lecampdes«nationalistes»àceluides«républicains»réunissant,parfoisavecdevivestensions,communistes,socialistes,républicainset anarchistes. Elle se déroula de juillet 1936 à avril 1939 et s’acheva par ladéfaitedesrépublicainsetl’établissementdeladictaturedeFranciscoFranco,quiconservalepouvoirabsolujusqu’àsamorten1975.

Cette guerre fut la conséquence, sur le long terme, des malaises sociaux,économiques,culturelsetpolitiquesquiaccablaientl’Espagnedepuisplusieursgénérations.AprèslaproclamationdelaIIeRépubliqueen1931,l’exacerbationcroissante des tensions entre Espagnols culmina avec l’insurrection durementrépriméedesAsturies(1934)etlarésurgencedetroublescivilsetdeviolencesréciproquesauprintemps1936,après lavictoireélectoraleduFrentePopular.Préparé de longue date, le soulèvement militaire et civil du camp franquisteéclata le 18 juillet 1936, mais sa mise en échec partielle contraignit les deuxcampsàselivreruneguerretotaleimprévue,longueetmeurtrière.

Préface

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JosuneTapon.

JoséLuisGoikoetxea.

SabinaArestiGoikoetxea. EmilioGoikoetxea.

AngélitaGoikoetxea.

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Onauraitenviedecommencercerécitpar…«ilétaitunefois»...Maiscen’estpasuncontedeféequicommence,niunetragédie,c’esttoutsimplementl’histoiredenotremamieàtous,depapiTapon,delafamillequiafaitcequenoussommes,avecnosqualitésetnosfaiblesses,avectoutunrichepassé,quemamieveutbiennousconter...

...Alorsmamie,raconte!

Alors... Il était une fois... mon frère José Luis Goikoetxea, jeune aspirantofficiermécanicien,devaitnaviguerneufmoisenmer,pourvalidersondiplômed’officier.CestagepratiquesedéroulaitàbordducargoMare Rojo.CebateauappartenaitàlacompagniebasqueEuskalduna.Nousétionsen1936,enpleineguerred’Espagne. Jen’avaisque16ansàcetteépoque!L’âgedel’insouciance!Maisjecroisbienn’avoirjamaisétéinsouciante,dansmavie!

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Chapitre I

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JoséLuisetsesamis

Maquettedel’Altsu-MendiaumuséedelamarineàBilbao

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L’un des navires de cette même compagnie transportant des armes futinterceptéparFranco.Toutl’équipagefutfusillé. LeMare Rojofutluiaussiinterceptéparl’arméefranquiste.L’équipagefutarrêtéetemprisonné,dontmonfrère,JoséLuis.Ilavait26ansàl’époque.Ilfutjugéet condamnéà servirdans l’armée franquiste.Bien sûr,pourmon frère,c’étaitimpensable!Ilréussitàs’échapperetàrejoindreleslignesrépublicaines. Aupetitmatin,quandilseprésentachezlesrépublicains,égratigné,hirsute,ilfutsoupçonnéd’espionnageetinterrogé.Coïncidence,lecommandantd’Etat-Majorconnaissaitlafamille,enl’occurrence,masoeurAngelita. IlaidadoncJoséLuisàrejoindreleplusrapidementpossiblesafamille.Pource faire,unevoiturede journaliste fut réquisitionnée.Monfrère futvéhiculéjusqu’àPortugalètéoùnoushabitions.Onluiprocuraquelquescadeaux,commedupainblanc,trèsrareàl’époque.Ilarrivaàlamaison,parsurprise.Nousnel’attendionspasetpensionsmêmequ’ilnereviendraitjamais.Lapremièrechosequ’ilfit,cefûtdemetendrecepainenmedisant: -Tiens,c’estpourtoipetitesoeur!Maissurtout,nem’approchepas…jesuispleindepoux!!» SonretourparminouseutlieujustehuitjoursavantquelaceinturedeferdeBilbao,dontnousfaisionspartie,netombeentrelesmainsdeFranco.Peudetempsavantleretourdemonfrère,unebombetombaprès l’entréedelamaison,sansexploser.Sonsoufflefitvolerenéclatslesvitrinesdescommercesavoisinants. Cet engin de mort resta ainsi, debout devant notre entrée. Onnousmitunesentinellepourlasurveiller.Sonexplosionpouvaitfairesauterlequartier!Unebarrièredesécuritéfutinstalléepouréloignerlepublic.Commenoushabitionslà,nousdevionstoutdemêmeentreretsortir!!!Nousvivionsdonc avec cette menace à portée de main !!! J’étais jeune, inconsciente dudanger,etcontinuaisàvivrenormalement,(sortirlesacdepoubelle…!).J’étaismêmefièredelaprésencedecettebombesiprèsdenousetdesasentinellesiimportante….!!! Portugalètéestunpetitportsituéàl’embouchure«d’elNervion»donnantsurl’Atlantique.LàétaiententreposéstouslesbateauxdeguerreetremorqueursrépublicainsquelesforcesdeFrancovoulaientdétruireàtoutprix.Nousétionsdoncconstammentsouslesbombardements!Achaquealerte,toutlemondeseprécipitaitdanslesabris.Dèsquelehurlementdelasirèneretentissait,monfrèrem’attrapaitavec forcepar lamain,et, telleunepoupéedésarticulée, jecourrais,volaisàsescôtéssanspresquetoucherterrejusqu’àl’abri.Jemesentaisensécuritéaveclui! C’estdanscesrefugesquejeconnumonpremieramoureux!Maisjen’enfispaspluscas.J’étaisavecmonfrère…j’étaisheureuse,guerreoupasguerre!!! Asonarrivée,JoséLuisbénéficiad’unepermissiond’unesemaine,avantderejoindre« losGudaris» (les soldatsbasquesdecheznous)etdeprendre lesarmescontre l’arméedeFranco.Pournepasêtrereprispar lesfranquistesetfusillécommedéserteur,ilfutobligédefuirlepays. Mon père, alors commandant du remorqueur l’Altsu-Mendi, décidad’embarqueravecsafamilleetdesesauverencachettedurantlanuit.

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Justeavantnotredépart,notremaisondePortugalèté(elleexistetoujours)fut bombardée et coupée en deux ! Dans notre malheur, nous eûmes de lachance : dans la partie épargnée de la maison, se trouvait la cuisine avec lerepasdusoirpréparélaveille.Dufaitdemataillemenueetlégèreonm’envoyachercherlamarmite...(unplatdemoruequejedétestais).Jedusgrimpercahin-cahadans l’escalierendommagéetbringuebalantpour récupérer lamarmite.Jesuisredescendueavecmacasseroledanslesmains!Ilfallaitbienmanger,etsurtoutjenevoulaispaspriverd’unbonrepasmonfrèrequej’adorais!!! LesforcesdeFrancoayantenvahitlarégion,nombredepersonnesvoulusejoindreànouspourfuir.Adeuxheuresdumatinl’Altsu-Mendi,bondé,futprêtàappareiller.NousquittâmeslequaiendirectiondeSantander. Toutàcoup,descrisfusèrentdetoutesparts! -Marchearrièrel’Altsu!Marchearrière!vite!vite!Leponttransbordeurvasauter!Lepontvasauter!Vite!Arrière!Arrière!Monpèrecompritetsansattendreordonna: - Arrière toute ! Arrière toute ! Il stoppa les machines, amorça la marchearrière… Si nous ne reçûmes pas le pont sur la tête, ce fut de justesse ! Le ponttransbordeurdePortugalèté,sous lequeldevaitpasser lenavire,venaitd’êtredynamité. Ilvolaenéclatsavecunbruitdetonnerre!Nousfaillîmeschavireravectouslespassagers.Lesbombestombaientçaetlà,éclairaientlecielcommeenpleinjour!Lebateautanguait!L’eaudéferlaitsurlepont!Lespassagersaffoléscriaient,pleuraient,d’autrespriaient!Lebruitdesmoteurs,desbombes,des tôles et des câbles qui s’entrechoquaient était assourdissant ! Mon pèredonnaitsesordresetsansmêmesepréoccuperduniveaudelamaréenécessaireàlanavigation,ilfitavancerlenavirecoûtequecoûte!Danscettetourmente,jecourusmeréfugierdanslacabinedemonpère,fermailaportederrièremoi,m’étalai sur sa couchetteetenfouisma têtedans l’oreiller. Jevoulusm’isolerdetoutcevacarmeetfinisparplongerdansunprofondsommeil!Danscetteeffervescencejen’avaispasdormidepuis48h.Jenepusentendrelesbombesquitombèrentànouveauçaetlà.Parmiracle,nousfûmesépargnés!

PonttransbordeurdePortugalèté.

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Cefutunenuitterrible!FrancoavaitdéclenchéunénormebombardementsurBilbaoetsapériphérie.NousétionsdevenuslacibledesbateauxdeguerreFranquisteset,sousleurmitraille,nousréussîmesàpasseretàatteindreCastroUrdiales,petitportprèsdeSantander.Toutsepassabien!

Sachantquelesréfugiésserassemblaientdanscepetitportavecl’intentiondequitterlepays,noussubîmesunnouveaubombardement!Touslespassagersquittèrentlenavirepoursemettreàl’abri,saufmoi!Jedormaissiprofondément,quemonpèren’eutpaslecouragedemeréveiller! A midi, je sortis enfin de mon sommeil. J’avais dormi 24 heures sansinterruption ! Nous restâmes une semaine dans ce port. Puis mon père reçutl’ordrederejoindreleportdeSantander.Ilmanquaitderemorqueurspuissantspourtireretsortirlesbateauxdeguerredesrépublicainsduport.

CastroUrdiales

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L’objectifpremierdemonpèreétaitavanttoutdefaireévacuersonfilsleplusvitepossible,avantqueFranconelereprenne.Ilentrepritdefaireembarquermon frère et mon cousin, lui aussi condamné à mort, comme passagersclandestinsdansuncargo.Cenavire,dirigéparuncapitaineamidemonpère,devait appareillerpour la France.Bienque connaissant le commandant,monpèrepréféranepasleprévenirdelaprésencedecesdeuxclandestins.Ilvoulaitd’unepartéviterunrefus,d’autrepartnepasl’impliquerluiettoutl’équipageaucasoùlenavireseraitinterceptéparlesfranquistes. Pourprocéderàl’embarquementdesdeuxjeuneshommes,monpèreretintl’attentiondesonamilecapitaine,enbavardantnonchalammentavecluisurlequai.Monfrèreetmoncousinenprofitèrentpoursefaufilerdanslefonddecaledunavire! Unefoisleseauxterritorialesdépassées,ilssortirentdeleurcachette,etseprésentèrentaucapitaine.Celui-cifutbiensurprisetcontrariédenepasavoirétémisdanslesecret.Ilavertitaussitôtmonpèreparradio.Sonfils,etsonneveuétaientsainsetsaufs.IlsétaientenroutepourlaFrance!Lepaysdelapaixetdelaliberté!Maispaspourlongtemps!

Rassurés sur leur sort, il nous fallu donc rejoindre Santander le plus vitepossible comme il nous avait été ordonné. Malheureusement une grossepartiedelaflottefranquistesetenaitnonloindeSantander.Sonobjectifétaitd’empêcherlesRépublicainsdepasser.Ilfallutdoncnaviguertoutelanuit,encatimini.Dèsnotrearrivée,monpèrefutréquisitionnépourfairesonmétier.Onluipriad’évacuerfemmesetenfants. En parallèle, beaucoup de chalutiers républicains, transformés et armésde canons, furent pris. Les équipages furent tous fusillés. Dans notre convoi,se trouvaitune jeune femmequidormaitavecmoidans la cabine. Sonmari,capitainedechalutier,venaitd’êtrefusillé.

Altsu-Menditirantunautreremorqueur.

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C’estainsiquemabellemèreetmoiprîmeslechemindel’exil,destination:laFrance!

D’abord, un train nous conduisit à Asturias où un bateau anglais nousattendaitpourprendrelelarge.Ilétaitchargéd’évacuerlesréfugiésbasques. Nous avons navigué durant deux jours et demi ! Les cales étaient pleinesderéfugiés,desfemmes,desvieillardsetdesbébés!Laplupartdespassagersétaient malades. Dans cette tourmente, et dans l’insouciance de la jeunesse,j’avaisl’impressiondevivreunegrandeetbelleaventure! Je me sentais investie d’une grande mission humanitaire ! Je préparaisles biberons des bébés, montais d’un pont à l’autre, distribuais les repas (lecamembert,lepain!)j’allaisausecoursdesunsetdesautres!Pourlapremièrefoisdemavie,j’avaisunelibertétotale!Jemesentaisquelqu’und’important,libéréeducontrôleconstantdemabellemère!Ellenesupportaitpaslamer,elleétaitmaladeaufonddesacale!!Toutlemondemeréclamait,etentantquefilledecommandant,j’étaislaseuleàpouvoiraccéderauxcuisines.Jesollicitaislescuisiniers«tienenambre.. !» leurdisais-jeenaccompagnant legesteà laparole. C’étaitunénormeprivilège!Jemesentaisfavorisée!Jepouvaismeservircommejelevoulais.J’entraînaisfièrementlesautresjeunesadolescentsderrièremoi.MonamieCarmenmesuivaitpartout(maisc’étaitmoilapatronne)!C’étaitcommedansunromanfeuilleton!

Fin juillet 1937, nous arrivâmes au petit matin sur les côtes françaises, àPauillac,à50kmdeBordeaux.Nousétionsarrivés!Onnousdébarquaàmaréehauteendehorsduportlui-même. Selon larèglementationfrançaise,onnousmitenfile indiennepournousvaccinertous,lesunsaprèslesautres.Maiscevaccin,pastoujoursadaptéauxjeunes enfants, fut mortel pour les bébés, et plusieurs décédèrent. C’étaitdramatiquepourlesfamilles.Venir jusqu’ici,etvoir leurenfantmourir!Maisc’étaitlaloi,pourentrersurleterritoirefrançais! Nousreçûmesensuiteunbonpetitdéjeuner(ducaféaulaitàvolontéetdestartines).Commec’étaitbon!!!Unjeunehommequis’occupaitdeladistributionmesuivit jusquedans letrainavecsongrandbidondecaféaulait.Jenesais

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Chapitre II

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passijeluiavaistapédansl’oeilouquoi,toujoursest-ilqu’ilvoulaitquejenemanquederien.

On nous mit ensuite dans le train en direction de Montélimar. On nousprocura de la nourriture de toutes sortes (pâté, saucisson, fromage, pain etboissons).Nousavonstoutmangé! Arrivés à destination, nous nous trouvâmes face à un véritable camp deconcentration,gardépardes...Sénégalais ! Jen’avais jamaisvudenoirs !Là,j’enavaisunbeauspécimen!Ilroulaitsesgrosyeuxglobuleux,ilétaitimmense,imperturbable...etarméenplus! On nous envoya à la douche commune, par groupes de quatre ! Nousn’avions jamais connu ce genre de chose ! Carmen et moi, nous décidâmesdoncdenouséclipser,pouréchapperàcettehumiliation.Nousavions repérédeslavabosdéserts,commedeslavoirsdel’armée.C’estlàquenousavonsfaitnotretoilette.L’unefaisaitleguetpendantquel’autreselavait.Uneinfirmières’aperçutdenotrepetitmanège…Elle ferma les yeux ! La toilette terminée,elle nous fit même moult compliments. Nous étions fraîches et belles. Il fautdirequemarobeblancheduvoyageavaitsouffert.J’avaissortiuneautretenueplusfraîche!Ladifférenceentreavantetaprèsétaitbiensûrstupéfiante!Al’époque, c’étaitdes trainsàvapeuretaucharbonqui crachaient leur fuméenoireetnousimprégnaientdespiedsàlatête!

Nousdormionsdansdesdortoirs,surdespaillasses.Commedanslescampsdeconcentration,ilyavaitl’endroitréservéauxsénégalais,etl’endroitréservéauxréfugiés.Unhautmurnousséparait.Maislesoir,certainssénégalaisarrivaientàgrimperaumur,etnousenvoyaientdessucreries,desnougats,pournotreplusgrandejoie!Lesresponsablesducamps’enaperçurent.Unenuit,ilsinstallèrentvitedesbarbelésau-dessusdumur…finilesgâteries!NousquipensionsquelaFranceétaitlepaysdelaliberté,nousfûmestrèsdéçusparcesagissements.Celanoussemblaitsiinnocentetsisympathique! Lesréfugiésarrivaientdetoutespartset,trèsvite,lecampsetrouvasurchargé.Ilyeudoncuntridefaitparminous.Mabellemèreetmoi,ainsiqued’autrespersonnesdePortugalèté,furentenvoyéesàRomans,dansuncollègedejeunesfilles. Nous y étions très bien, et relativement libres. Malheureusement pourd’autres,celanefûtpasaussiparadisiaque.Avecnous,setrouvaitunemamanetsonbébé.Ilavaitétévaccinépeudetempsavant.Levaccin,peuadaptéàunsijeuneenfant,luiprovoquaunefortefièvre.Ilfuttransportéàl’hôpital,oùildevaitdécéderpeuaprès.Lamère,quin’avaitpaspusuivresonbébéappritsamortdans lecamp... Jen’oublierai jamais leshurlementsdedouleurdecettemère.Elleseroulaitparterre,c’étaittrèsduràvoir! A cetteépoque, les cimetières se sont remplide jeunesenfantsdécédésàcausedecesvaccinstroppuissants.C’étaitunvraiscandale,maislesautoritésontétouffél’affaire. ARomans,nousdormionssurdesmatelasàmêmelesol.Nousétionsbientraitées.Alaportedecepensionnat,setrouvaitungardien.Unancienmilitaireàlaretraite,raide,moche,jamaissouriant,auxpetiteslunettesrondesettoujourssonsiffletàlabouche...unvéritableSS!

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Un jour, un jeune garçon sourd, jouait au ballon dans le terrain près del’entrée.C’étaitsansdouteinterdit.Legaminn’entendaitpaslescoupsdesiffletdugardienqui l’appelait. L’enfant continuaità jouer. Legardien, fortde sonautoritéetde sabêtiseagrippa l’enfantet le frappaviolemment.Témoindecettescène,jerestaisimpuissanteetrévoltée!Jeneconnaissaispasencorelalanguefrançaise,maisjen’oublieraijamaiscetteviolence...

Malgré tout, dans ce pensionnat, j’avais (une fois encore) le privilège entantquefilledecommandant(monpèreEmilioGoikoetxeaavaitunecertainenotoriété)depouvoirsortirdubâtiment.Mabellemère,madameGoikoetxea,m’envoyaitrégulièrementacheterdesfruitsàl’extérieur.Commeàsonhabitude,mabellemèreaimaitjoueràlagrandedame.Ellem’obligeaittoujoursàlaverlelinge,sonlingesale!Là,ellen’avaitpasdefierté!

Puisilfallutlibérerlepensionnat.TouteslespersonnesdePortugalèté(neufexactement,plusune jeuneespagnole) furentenvoyéesdansunpetitpatelincomposéd’uneplace,d’uneéglise,etd’unrestaurant.L’espagnolevoulaittoutdiriger! On nous hébergea dans une bâtisse restée fermée depuis la guerre 1914,sansélectricitéetentouréederuines,c’étaitsinistre!Heureusement,pournous,on installa la lumière ! Pour les repas, nous allions au restaurant. Ce villageétait tenupardescommunistes trèsgentilsetgénéreux.Avecnous, il yavaitdeux grand-mères catholiques et même bigotes. Étant donné les tendancescommunistesdenoshôtes,cesbigotes,lechapeletàlamain,crurentqu’ilvalaitmieux ne pas aller à la messe célébrée dans l’église du petit pays. Mais nousavionstort.Alorsqu’onnousabondaitenbonbonsetfriandisesdetoutessortes,noshôtes,choquésparcequenousnefréquentionspasl’église,cessèrentd’uncoupleursgâteries!Etdirequenouscélébrionslamesseencachette!Voilàbienlesmalentendusdumanquedecommunication,quandonneparlepaslamêmelangue! La période des vendanges est arrivée. Nous fûmes vite embauchées pourvendanger.Nousétionspayéesdixfrancslajournée,plusquelesfrançais,quieux, ne recevaient que huit francs. Ma belle mère me confisquait tout monsalaire.Résultat,jen’avaisjamaisunsousurmoi! C’étaitduraisindu«CôteduRhône»quenousrécoltions,Carmenetmoi.Nouscommencionsàsixheuredumatin,avecunepauselemidi,jusqu’ausoir.Onnousdonnaitdupâtéavecdupaincommerepas.C’étaitunpeulégerpourdejeunesaffamées!Lesoir,nousavionsdroitàunpetitverred’eaudevie!J’auraispréféréunboncasse-croûte!! Nousnelevionspaslenezdenotretravail.Nousétionsdonctrèsappréciées!Etdirequemalgrétoutecetteactivité,mabellemère(Incarnationdeprénom,maisjel’appelaistante)continuaitàmedonnersonlingesale.Aprèslajournéedecueillette, jemerendaisdonctouslessoirsaulavoir, j’acceptaisensilence,mais j’avaishonte!Jenecomprenaisriendecequeseracontaient lesautresfemmesautourdemoi.Jemesentaismalàl’aise! Mabellemèren’étaitvraimentpasnormale.Elleétaitd’ailleursfâchéeavectoutesafamilleetnouséloignaaussidelafamilledemamèreetdemonpère.

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Onnegardaitjamaisunebonneplusd’unmoisàlamaisoncequifaitqu’àlalongue,jesuisdevenuelabonnedelafamille,etlesouffredouleur.D’ailleurs,juste deux mois après le remariage de mon père, ma soeur Angélita préféraquitterlamaisonavecl’accorddemonpère. -Ilvautmieuxquetupartes,luiavait-ildit.Danslafamilleonnedivorcepas,malheureusement! Il était malheureux et avait conscience qu’il avait fait une bêtise avec ceremariage. On peut dire que du fait qu’il naviguait six mois dans l’année, etlaissaitsesfillesseules,dontmoiquin’avaitquedixans,lafamilles’étaitmisentêtedelemarieraveccettevieillefille.Pensantbienfaire,ilavaitlaisséfaire.Quand j’aiperdumamère, jen’avaisquequatreans. Jusqu’au remariagedemonpère,jevécusavecmasoeur,jeunetteelleaussi,elleavaitseptansdeplusquemoi,magrand-mèreetmestantes. Aprèscettedécision,masoeurallavivredans la familledemamère,c’estpourquoi nous avons eu un parcours bien différent l’une de l’autre. C’est en1946,aprèsavoirtraversélesPyrénéesàpied,encachette,lanuit,qu’ellenousrejoignit.J’étaismariéeetvenaitdemettreaumondemontroisièmebébé…matroisièmefille.

Unjour,ilyeutunegrandefêteauvillage.Lafêtedelafindesvendanges.J’auraisaiméyaller,maismabellemèren’étaitpasdecetavis.Unefoisdeplusjedûsresterconfinéedansmachambre,enpleurs.UnenvoyédelamairienousappelaCarmenetmoi.Etonnées,nouspensionsquec’étaitpourvendangerànouveau.Nousmîmesnostabliersdetravailetnosfoulardssurlescheveux.Mabellemèremepermitd’yalleret…c’étaitàunvind’honneuroùnousétionsconviées, toutes les deux uniquement, avec tous les membres de la mairie !J’avaishontecarj’avaislesyeuxgonflésd’avoirtroppleuré! Nousformionsungroupededixfemmesautotal.L’uned’elle,unevéritablepipelette,faisaitlesdouxyeuxaumaîtred’écolequiétaitmarié!Forcément!Elleétaitlaseuleespagnoledugroupe!Onessayaitdel’éviter!Les vendanges terminées, la femme du maire nous demanda de faire de lacouturepourelle.Évidemment,nousavonsaccepté…Nousétionsauchaud!Jecroisbienquenousavonsraccommodétoutesleschaussettesdupays!

Letempspassaainsi.LaguerrepritfinauPaysBasque,Francopritlepouvoir...Etlesréfugiésdurentretourneraupays!Ilafallupartirdéfinitivement! Monpère,quidesoncôtéavaitfuitlePaysBasqueetretrouvémonfrère,étaitpositionnéàSaint-NazaireenBretagne.Ilfitlademandepourquenouslerejoignîmes.Lafemmedumaire,quitenaituneépicerieetquinousappréciaitbeaucoup,nousprocuraplusieursbonssandwichspour levoyage.Unautocarnous emmena jusqu’à la gare de Valence, direction : Saint-Nazaire, où nousattendaientmonpèreetmonfrère.Jemeretrouvaisdoncànouveauseuleavecmabellemère.Levoyagefutinterminable!Vingt-quatreheuresdetrain!Sansavoirgrand-choseàseracontertouteslesdeux!!!

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Le1eroctobre1937,letrainentraitengaredeSaint-Nazaire.Unevillefrançaiseinconnue,àmesyeux.Maisc’étaitleport….oùsetrouvaitl’Altsu-Mendi !Dans lagare,mabellemères’estassise,épuisée, incapablederéagir.Moi,jen’avaisqu’uneidéeentête:trouverleremorqueur...etvite!

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Chapitre III

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Quartierdesdouanes,prèsdelagare.

GaredeSaintNazaireavantguerre.

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J’avaisdelachance.J’airegardédroitverslamer!Leportétaitàdroitedelagare,ettrèsvitejel’aireconnu!l’Altsu-Mendi!Ilétaitlà!Jecourusverslebateausansmepréoccuperdemabellemère. Ah ! Quel bonheur ! Tout l’équipage était sur le pont ! Mon père ! Monfrère!MononcleetuncousinThéodore.Jecourusverseux.Le«grosJoseph»«elgordo»l’appelait-on(ilnel’ajamaissu!)m’aperçutetsemitàcrier: -héaquiviéneSaguchu!AquiviéneSaguchu(voilàlapetitesouris)! Tout le monde vint à ma rencontre ! Ma belle mère, je l’avais oubliée…jenesuispasallée larechercher!!!Nousétionsenfinréunis!Masoeurétaitrestéeaupays.Ellen’avaitpasfaitpartiduvoyage.Jen’aipasessayédesavoirpourquoi.Malgrécesheureusesretrouvailles,etcetteimmensejoieiln’yeupasd’embrassades,cen’étaitpasdansnoshabitudes.Onnes’embrassaitpascheznous,c’étaitcommeça!Mêmequandmonfrèreestrevenuparminousalorsquenouspensionsqu’ilétaitpeut-êtremort,iln’yeupasd’embrassades.

PlagedeSaintNazaire.

VieduportdeSaintNazaire.

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Danslebateau,aprèsnotreinstallation,laviereprit.Mabellemèrereprenaitsavied’épouse,moi,lagamine,onréussitàmetrouverunecouchette:latabledelasalleprincipale!Unmatelasfutposédessus...jedormaislà!Ilyavaitdumondedanslebateau:quatrematelots,leursfemmes,unefiancée,une petite fille, un machiniste, un chef mécanicien, et sans doute aussi uncuisinier? Voilàpourquoijedormaissurunetablesansaucuneintimité.Maisjenemerebiffaispas,mêmesilesépousesdesmatelotsavaientdevraiescouchettes!Lesfemmesavaientattrapé lagale. Jemesouviensqu’elles segrattaientpartoutsanscesse.Chaquejourellespartaientàl’hôpitalsefairesoigner.Ilfallaitvoirlessoins…delagrossecavalerie,sanspudeurniintimité!!!

Monfrère,moncousinetmononcledormaientdansl’undesdeuxferrys(leSaint-HerblainetlePèlerin)achetésparlegouvernementBasque.Cesbateauxdevaient être remis en état puis envoyés au Pays Basque remplis d’armes. Leresponsable de ces ferrys s’appelait Pasqual. C’était un tout petit homme dequarante-troisans,avecunoeildeverreetundentier.Ilmefaisaitsouventdescadeaux,desgâteauxsurtout!Unjour,sefutmêmedeuxpairesdechaussuresqu’ilm’offrit !!!Paspour rien…J’apprispar la suitequecemonsieurm’avaitdemandéenmariageàmonpère!Cefûtunesourceconstantedemoqueriesdelapartdemonfrère! -Tuvasvoir, tu serasheureuseavec lui !Tu leprendraspar le couquandvousvouspromènerez!Lesoir,ilposerasonoeildeverresurlatabledenuit,prèsdesondentier!Tuverras,ceseraunmariidéal!J’avaishontedetouscessarcasmes! Cemonsieurmenaitgrandstanding.Illogeaitàl’hôteletsefaisaitapporterses plateaux repas dans le remorqueur… Couverts en argent, vaisselle deporcelaine,leluxequoi!C’étaitunexcellentparti…maistellementmoche!!!Paspourmoi!!!!

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L’Altsu-Mendi.

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Al’époque,leportdeSaint-Nazaireétaitpleind’effervescenceetdegaîté.JepusassisteraulancementdupaquebotPasteur.Laguerren’étantpasencoredéclarée,lavieétaitinsouciante.NousétionsamarrésprèsdupaquebotParis,nonloindelamairieetdelagared’oùarrivaienttouslestouristesquiembarquaientpour les mers du sud, dans l’un des trois gros paquebots de la CompagnieGénéraleTransatlantique.Ilsfaisaientlatraverséedel’océanatlantiquetouslesmois.

VieuxSaintNazaireetsaplaceMarceau.

LeMexiqueàquaiauportdeStNazaire.

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Le Mexique assurait la ligne Saint-Nazaire le Mexique. Le Bretagne et lepaquebot de la Salle naviguaient sur la ligne « Lente » reliant Saint-NazaireetBordeauxauxAntillesetà lacôteferme. (Le14octobre1939, leBretagnefuttorpilléaulargedel’Angleterreparunsous-marinallemand).Chaquesoird’arrivéeoudedépartdel’undecespaquebots,c’étaitlafête!Destapisrougesétaientdérouléssur lespasserelles jusqu’auquai. Ilyavaitde lamusique.Lestouristesdansaient,chantaienttoutelanuitsousleslampions.Decespaquebots,on y débarquait des bananes, des ananas, des noix de coco, toutes sortes defruitsexotiquesquenousneconnaissionspas.J’auraispuparticiperàcetteliessedeplusprès…maisc’étaitinterditparmachèremarâtredebellemère.Jemecontentais de regarder de l’Altsu-Mendi !!!! A mon grand désarroi, je restaissimplespectatrice!!! Durantl’hiver1938,quifutparticulièrementglacial,jesouffrisbeaucoupdufroid,surmonlitdefortune.Ilétaitplacéjustedevantl’escalierquimenaitaupont.J’étaisdoncenpleinscourantsd’air!Heureusement,j’étaissolide,etdebonneconstitution.

Peudetempsaprèsmonarrivée,monpèrem’appritqu’unfrançaisvenaitprendre des cours d’espagnol et d’anglais avec José Luis. Ce français s’étaitportévolontairedanslaCroixRouge.Ils’occupaitd’accueillirlesréfugiés,leurdistribuer des vivres, les conseiller, les guider, les réconforter. Pour cela, il luifallaitparleruntantsoitpeul’espagnol.Audépart,ilnebaragouinaitjustequequelquesmots:«puedovenirlà…!»maistrèsviteilmaîtrisabienlalangue. -C’estungrandfrançaissympathiquequis’appelleAbel,meditmonpère.Monfrèreetluis’étaientdéjàliésd’amitié.Lelendemainilarrivaàvélo! Mondieu!Quellehorreur!Telunépouvantailàmoineauxdansleschamps,ilportaitunpantalonbouffantauxmolletsàlamodedetintin,unbonnetquiluidescendaitjusqu’auxoreilles,uneécharpequiluifaisaittroisfoisletourducou…!«C’estpourmeprotégerduvent!»medisait-il. Maiscommejeletrouvaismoche!!!Ilétaitpourtantàlamodedumoment,signedeluxe,maisquellemode!Cheznous,dansmonpays,j’avaislesouvenirdes garçons qui se promenaient en pantalon sombre et chemise blanche…élégantsquoi!!!Quelcontraste!!!Maisbon,c’étaitl’amidemonfrère!

Nousétionsdonc tous installésdans le remorqueur.Nousétionsà l’étroit,maisenfamille!Jemerevois,surlepont,entraindefairelalessive.Mabellemère laissait faire. Elle était toujours fatiguée... mais pour moi… elle étaitsurtoutparesseuse!Lespersonnesquisepromenaientsurlequaipouvaientmevoir.J’avaisunpeuhonte,maisj’étaisjeune,etsurtoutjeneparlaispasfrançais.Je me demandais bien ce que pouvaient me dire certains jeunes français quinesegênaientpaspourmeregarderaveceffronterie,dontAbeld’ailleurs!Jen’avaispasunetrèshauteopiniond’eux.Jelestrouvaismoches,malhabillésettrèsmalélevés! Ilyenavaitunquimeparaissaitplusdévergondéquelesautres,c’étaitvotrepère!J’étaismignonne.Nousétionspresquedevenusuneattraction!

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Nousvécûmesdeuxannéesdanscebateau.Régulièrement,mabellemèreetmoiallionsaumarchéfairedesachats.C’étaituntrèsbeaumarchésituénonloind’oùnousétions.Unjour,nousfûmesvictimesd’unmalentendudûànotremanquedecommunication. Nousdemandâmessixoeufsàunepaysanne.Mabellemèrelestrouvantdebelletailleenpritsixautres.Nouspayâmeslesdouzeoeufs.Lapaysannesansregarderlebillet,lemisdanssapoche.Pensantquenousn’avionsprisquesixoeufs,ellenousvitpartiravecunedouzaine.Quellenefutpassaréaction!Ellenous traita de voleuses, fit un scandale…! Quelle honte ! Heureusement, lespersonnesalentoursprirentnotredéfense. Lapaysannenedemandapas sonresteetpartitavecsamarchandise.Pasfaciled’êtreréfugiéetnepascomprendrelalangue!Jepleuraiscommeunemadeleinetellementjemesentaisridiculeethumiliée!!! Prèsdeladouane,setrouvaitunchamp.Régulièrement,nousapercevionsdesfrançaisesavecunsacàlamainetunpetitcouteau.Constammentpenchées,elles semblaient ramasser quelque chose. Intriguées, après leur départ, nousnous rendions sur place mon amie et moi. Nous voulions savoir ce qu’il enétait.Mystère!Nousn’ytrouvionsriendespécial…Qu’est-cequ’ellesontputrouver???Iln’yavaitquedel’herbe!!!Maisquefaisaient-elles???Votrepèreamusédenotreignorancenousexpliqua. -Ellesramassentdelasaladepardi! -Delasalade?Quellesalade?Ohlescochons!Parterre?Saleté!Etc’estpiétiné!!!Onn’ajamaisvuça…? Ilestvraiquenousnesavionsmêmepascommentpoussaientlespatates!Ilfallaitquandmême,d’aprèsnous,êtrebienpauvrepourramasserçadansleschamps!!! Puis, un jour nous reçûmes un avis de l’Armateur. Le remorqueur devaitquitterSaint-Nazairepour retournerà sonportd’attacheàPortugalèté.Monpèrerefusadepartiretd’enprendrelescommandes.Ilnevoulaitpasretourneraupays,avec laprésencedeFrancoetd’abandonner sa famille.UncapitainedeLaBauleacceptadeprendreenchargel’Altsu-Mendi.Ilnousfallurendreleremorqueuràlacompagnie.Nousvoilàdoncsanslogement!Nousdébarquâmestoutenotrerichessesurlequai.(Bagages,objetsdepremièrenécessité,etc!) GrâceànotreamieLinès,nousnoussommesretrouvéstousàTrignac,monpère,mononcle,monfrèreetmachèrebellemère!Leparraindemonamie,restaurateurdemétier(restaurant«le Santander»prèsdelagare),étaitaussipropriétaire d’une maison à Trignac, près de Saint- Nazaire. Cette maison necomportaitquedeschambrespourjeunesgenscélibataires.Danschacuned’ellessetrouvaientdeslits,cequinousaidabienpuisquenousn’avionsaucunmeuble.C’étaitunepetitemaisonàétage,toutenlongueur,entrèsmauvaisétat,ferméedepuis1914,sale,sentantlerenfermé! Le plancher, les escaliers et le couloir étaient noir ! Je dûs frotter, frotterpourleravoir,avectrèspeudesavon.Làencore,mabellemèrem’abeaucoupregardé!Leplancherdevaitêtretropbaspourelle!!Endehorsdelacuisineellenefaisaitvraimentrien!Si,lasieste!C’étaitsacré! Nousnousyinstallâmes.Monpèreetmabellemèreprirentunechambre,mon oncle une autre, mon frère et mon cousin une troisième, et moi, on

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m’installaencoredanslacuisinederrièreunrideau.Aumoins,ilyfaisaitchaud,mêmesicelan’étaitpastrèsintime.Iln’yavaitpasdesalledebainsdanscettemaison.Biensûr,chaquejour,c’estmoiquidevaisallerviderlepotdechambreàl’extérieur.J’étaisdecorvéejournalière.Quellehontedetraverserlacour,sousleregarddesautreslocataires!!! C’estdanslecouloirdecettemaisonquej’aiapprisàmonteràvélo!! Aurez-de-chaussée,vivaientdéjàmonsieuretmadameThomas,desivrognesquisetapaientdessus.Leursdeuxfillespleuraienttoutletemps.Ellesétaientpourtant toutes mignonnes avec leurs cheveux bouclés. Quelle tristesse desparentscommeça!J’avaishonted’avoirdesvoisinspareils.Silafamilled’Algortavoyaitcela!

Etlaguerreaétédéclarée...Onétaitenseptembre1939.MadameThomas,lavoisine,mecriait: -Mademoiselle!C’estlaguerre!C’estlaguerre! Là,jecomprenaislefrançais!Maisjenemesentaispasconcernée,c’étaitlaguerredesfrançais,paslamienne!Sij’avaissu….!!! PartanteMarguerite,bellesoeurd‘Abel,nousavonseuquelquesmeubles.Elleatoujoursétégénéreuseetbonneavecnous.Nousavonstrouvéunpoêledansunesalledesventes.Nosvêtements,nouslesrangionsdansdescaissesàoranges! Unmatin,jerevenaisdescourses.Jemeretrouvainez-à-nezavecunpolicieren civil escorté de plusieurs autres policiers en tenue. Il s’était déjà introduitdans la maison en bas des escaliers. Surpris de me voir, il me fit comprendrequ’ilrecherchaituncertainThéodoreFrancoAresti.Interloquée,etneparlanttoujourspaslefrançais,jeluisignalaispardesgestesquenosmamansétaientsoeurs,doncqu’ilétaitmoncousin.Jelefismonter.Ilputconstaterquenousétionsenfamille.Ilcompritetdélivraaussitôtuneprolongationdeséjouràmoncousin.DufaitqueThéodoreportaitlenomdeFranco,nomespagnol(samèreavait épouséunespagnol, cequi avait été trèsmal vudans la famille), il futconsidérécommeespionetdoncrecherchéparlapolicefrançaise.MoncousindécidadepartirpourleVenezuela.IlembarquasurleMexiqueetallas’installerlà-bas.

Nous ne sommes pas restés longtemps dans cette maison, car elle étaitdestinée à la démolition. En effet, mal placée au bord d’une route, elleprovoquaitpasmald’accidents.Lesautoritésontdoncdécidédeladémolir.Unenouvellecitédevaitêtreconstruite.Lelieuchoisipourl’emplacementdecette-cifutsurprenant:unlac!OnétaitpresqueenBrière,zoneinondable.Ilafalludestonnesdeterrepourcomblerl’endroit.Descamionspassaientsanscessepourtransporterlaterre! Nousfûmeslespremiersàobtenirunpetitlogement,carnousétionsdevenusprioritaires pour l’acquisition d’une nouvelle habitation. C’est pourquoi nousnoussommesretrouvésdanslaCitéNetter,àTrignac,dansunemaisonàpeineterminée.Uneautreviecommençait...Maispaslaplusheureusecarc’estlàquemonfrèreallaitêtretué!

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L’usine des Forges de Trignac s’est remise à fonctionner. La plupart desouvriersétantréquisitionnésparlaguerre,lepatrondesForgesavaitbesoindepersonnel.Ilfuttrèscontentd’embauchermononcleetmonfrère.Ilsn’ontpasembauchémonpère,tropâgé,quiavaitunpeuplusque50ans! Undirecteurfutnommé. Ilvenaitdesusinesdunordquifonctionnaientàfond.CemonsieurétaitenvacancesàLaBauleavecsafamille.Bienquen’étantpastoutjeune,ils’estfaitnommerd’officeDirecteurdesForgesdeTrignac.

Trèsvitemonfrèrefutremarqué.Ilétaitleseulàparleranglais.Monfrèreavaitlaformationd’ingénieurdesmachines.Entantqu’étranger,ilnepouvaitpasêtreembauchéàceniveau. Il futdoncemployéauposted’ajusteur.Pourmieuxlerémunérer,onluioctroyalepaiementd’heuressupplémentaires!Aveclesdeuxsalaires,celuidemononcle,etceluidemonfrère,plusl’aideverséeauxréfugiés,nousnemanquionspasd’argent,nousétionsàl’aise!

C’estalors,quelaconstructiondelaCitéNetteracommencé!

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Chapitre IV

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VieuxTrignac.

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Plus tard, mon père me raconta qu’il avait hésité à se rendre à Saint-Nazaireavecleremorqueur.Ilavaitentenduparlerdeceportimportant,maisilconnaissaitleportdeSouthampton,enAngleterre.Finalement,iloptapourSaint-Nazaire.Jenepeuxm’empêcherdepenserques’ilavaitfait lechoixduportanglais,vousseriezdespetitesanglaises,ettoutauraitétédifférent!

Abelcontinuaittoujourssescoursd’espagnol.Onvoyaitqu’ilavaittrèsenvied’apprendre cette langue. Mon frère l’aidait beaucoup. Je ne m’intéressaistoujourspasàlui.Jeletrouvaistrèsridiculeavecsespantalonscourts,àlafaçonTintin ! Et sonbéret,bienenfoncé sur lesoreilles ! Il devaitme trouverbiengamine!Jesavais,parJoséLuis,qu’ilavaitbeaucoupd’admiratrices! Jelevoyaisdoncassezsouvent,surtoutledimancheoùilsortaitavecmonfrère.Puisunjour, ilnousannonçaquesesparentsdésiraientnousconnaître.Ilfautdirequenousn’étionspasn’importequelsréfugiés.Monpèreavaitétécapitaineaulongcours,avantdeprendreladirectiondeceremorqueur.Deplus,ilétaitreconnucommeétantunexcellentcapitaine! Quelle ne fut pas notre surprise quand nous vîmes arriver ce dimanche-làvotrepèreetsesparentsdansunemagnifiquevoiture!Imaginez,àl’époque!Pour un couple d’enseignants, c’était extraordinaire ! Ils étaient considéréscommedesnotables!

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LesForgesdeTrignac.

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Ducoup,monregardportésurAbelasubitementchangé.Soudain,jeneletrouvaispassiridicule!Sesparentsavaientunevoiture!Etquellevoiture!! DansmonpaysàPortugalèté,onn’envoyaitpasbeaucoup!Celamefitunetrèsforteimpression!Ducoup,l’épouvantailàmoineauxestmontéd’uncrandansmonestime,auminimum!Deplus,unefemmeauvolant...Mondieu!Chose curieuse, acheter une voiture à l’époque, le permis de conduire étaitoffertavec!Pourcombiendetemps…mafuturebellemèrenetenaitpasàlesavoir! Unjour,nousfûmesinvitéschezeux.Ilsvinrentnouschercherenvoiture!!!Quellefierté!Si lafamilled’Algortanousvoyait!!!Ilshabitaientunegrandemaison touteblanche, située sur la côte, faceà laplagede laRangeole,nonloindeVillèsMartin.A l’entréedu jardinsetrouvaitunsuperbepommier.Lasalleàmanger,trèsensoleillée,donnaitpratiquementsurlaplage.Ilyavaitdesuperbestableauxsurtouslesmurs! -Qu’est-cequ’ilssontriches!Maisqu’est-cequ’ilssontriches!SimescopinesdePortugalètémevoyaient,pensais-je!Pourtant,jevenaisd’unefamillenantie,maislà!J’étaisimpressionnée.

Grand-pèreAbeletgrand-mèreRenéeTapon.

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LafamilleTaponétaitaussipropriétaired’unvergersituéprèsdeGuenroüetdanslacampagne.Chaqueannée,nousyallionspourleramassagedespommes.Mafuturebellemèreavaitpourhabitudederâperlespommespourlesmanger.Jesûsparlasuitequ’ellen’avaitplusdedentsdepuisl’âgede53ansetqu’elleportaitundentier.Desannéesplustard,c’estàmasoeurAngélita,votretante,quejeconseillaisdefairedemême.Ellen’avaitpasdebonnesdentsellenonplus. Al’époque,mafuturebellemèreétaitdéjààlaretraite.Enseignanteaveccinqenfants,laretraitearrivaitvite.C’étaitunebourgeoisequiavaitunebonne. Durantsonactivité,elleenseignaitdansuneécoledecampagne.Sespetitsélèvesvenaientdesquatrecoinsdelacampagne,etnerentraientdoncpaschezeuxpourlerepasdumidi.Ilsamenaientchaquejourtantôtdeslégumes,tantôtduporc,enfin,dequoipréparerdesrepas!C’étaitlabonnequiétaitchargéedelaconfectiondecesrepas,ettoutelafamilleenprofitait. Chaque été pour les vacances, la famille Tapon louait une grande maisonà Piriac sur le bord de la mer. Il faut dire qu’à l’époque, le maire, le curé etl’instituteurduvillageétaientconsidéréscommedespersonnalités.

Petitàpetitlesrelationsavecvotrepèreontévolué.Oh!Pasdanslesensd’uneamourette!Non,plutôtversunebelleamitié.J’allaismêmeparfoischezsesparents.J’étaisinvitéeàfairedelacouturedansleurmaisonlouéeàVillesmartin.J’étaistrèsheureused’yaller,carj’avaisdroitàunbongoûter! De tempsen temps,ma futurebellemèrem’amenait fairedes coursesenville.Nousyallionsenvoiture.Quellefierté!Simescousinesmevoyaient!!SiSimonemevoyait!Aufonddemoi,jen’espéraisqu’unechose:quelaguerredure encore longtemps pour profiter de cette vie ! lorsque l’on rentrait à lamaisonilétaitl’heuredudéjeuner.Mafuturebellemèremettaitlatable…maispourlerepas...qu’allions-nousmanger?Enuntourdemain,lerepasétaitprêt.Hop!Uneboîted’haricotsverts,hop!Unepoêlesortieduplacard!Ethop!Lefeuallumésurlagazinière…commeparmagie!Jedécouvraislemodernisme!C’étaitl’Amérique!Moi,j’enétaisencoreàlacuisinièreàcharbon!

LeRocherduLion.

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Sonmaripeignait.J’allaissouventlevoirdanssonatelier.Abelétaitungrandgossede19ans, insouciantetgâté. Ilétait ledernierdescinqenfants.Ilétaittrèslibre,contrairementàmoi,toujourssouslecontrôledemabellemère.MaisellemelaissaitfréquenterlafamilleTapon.Jecroisquecelalaflattait. Abelavaitcommencéàtravaillerauxchantiers.Avecsespremièrespayes,ilachetaunterrain.Commeiln’avaitpasencorevingt-et-unans,c’estsonpèrequisignachezlenotaire.Abeletsesparentsvinrentunjournouschercheraubateau.Toutfierettoutheureux,ilvoulaitnousmontrersanouvelleacquisition!Quandjevisceterrain…isolédansleschamps,avecjustequelquesfermesalentours,donnantsuruncheminnommé«cheminalleretretour»mapremièreremarquepourluifûtenespagnole: - Oh ! Tu pobre mujer ! Ta pauvre femme ! Je ne voudrais jamais être tafemme!Jelaplains!Jen’aijamaisoubliémaréaction. -Maisilyalaplage!m’a-t-ilrépondu.Jem’enfichaispasmaldelaplage!Elleétaitàseulement200mètres!(Nombred’annéesplustard,nousconstruisîmesnotremaison«KerEgusky»bienconnuedesenfantsetpetitsenfants). Ilestvraiquepetite,j’habitaisauborddel’eau,maisilm’étaitinterditdeme baigner. Ma soeur, qui devait me surveiller, me l’interdisait toujours. Ellenevoulaitpasavoird’ennuis!J’enviaistoujoursmescopines,quielles,nes’enprivaient pas, ni ma soeur d’ailleurs ! J’ai donc appris à nager quand j’étaismariée.

C’estainsiquej’aibienconnuTanteMarguerite.EllehabitaitPornichet.ElleétaitmariéeavecAndré,lefrèreaînéd’Abel.Jel’aitrèsviteappréciée.

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Maisleplusgrave,c’étaitlaguerrequivenaitd’êtredéclarée.Assezvite,lesévènementstragiquessesontenchaînés.L’usinedeTrignacétaitunlieustratégiquequepréservaientlesallemands.Unjour,parmaladresse,unebombe allemande tomba sur l’usine, provoquant beaucoup de dégâts. Mononcleytravaillait.Ilavaitremplacéuncollègueouvriercejour-là.Entantquecélibataire, ilétait leseuldisponible.Cetoncle, lefrèredemonpère,avait laquarantaine. Il était blond aux yeux bleus, comme mon grand-père paternel.Magrand-mèreétaitbrune,auxyeuxfoncés.Vousdeveztenird’ellelesfilles!! Donc,mononclesetrouvaitlàquandlabombeesttombée.Ilfutgrièvementbrûlé.Sesbrûluresn’étaientpasapparentes.Ilétaitbrûlédel’intérieur,parlesgaz,sansdoute!C’estmonfrèrequileconduisitàl’hôpital.Notreoncleétaittrèsconscientdelagravitédesesblessures.S’ilsurvivaithuitjoursilpouvaits’ensortir. Chaquejour,j’allaislevoir.Ilétaitprotégésousunecage,enraisondesesbrûlures.Sapeaupartaitenlambeaux.Ilétaitgonflé,etnesentaitpasbon.Jemesouviensluiavoirapportéunebouteilled’eaudeCologne.Chaquejour, ilmedemandaitdepuiscombiendetempsilétaitlà.Ilpensaitsansdouteauxhuitjoursfatidiques…. Laveillede sondécès,au septième jour, il croyaitêtreauhuitième, je l’aidétrompé.Non,unjourencore!Etilestdécédédanslanuit.Aveclerecul,jeregrettedenepasluiavoirmenti.Ilespéraittellements’ensortir!C’étaitle8juin1940dans lanuitduvendrediausamedi. Jemesouviensaussique je luiapportaisdesoranges!Lejusluifaisaitdubien! A l’hôpital, on m’a demandé un drap pour l’ensevelir. On ne pouvait pasl’habiller. Les funérailles eurent lieu au cimetière de Saint-Nazaire, là où setrouventleslycéesmaintenant.Ilfaisaittrèsbeau!Al’église,durantlacérémonie,uneénormedéflagrationsefitentendre.Lecurésetut.Quesepassait-il?Onétaitenguerre,ons’attendaitàtout! Plustard,nousapprîmesquelenaviredesoldatsanglais leLancastria,quimouillait au large de Saint-Nazaire venait de recevoir une bombe allemandedanssacheminée! Ilyeuplusde4000morts,dontdescivils,quirepartaientpourAngleterre! Par la suite,durantdes jours,nousrepêchionsdescadavresdéposéssur lacôteparlefluxdesvaguesetdesmarées,c’étaitaffreux!

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Chapitre V

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CedramefitplusdevictimesqueleTitanic,maisonenparlatrèspeu!Cen’étaitquedessoldats,pasdesnotables! Unmonumenttémoignedecedrame,etchaqueannéelesdescendantsdecesvictimesanglaisesviennents’yrecueillir.Suiteàcestristesévènements,laviecontinuamalgrétout!

Petit à petit, j’appris le français, en allant chez les Tapon, et surtout, encôtoyantvotrepère, toujoursentouteamitié. Ilprogressaitviteenespagnol,ilétaitdoué!Mais ilmesemblait toujoursunpeu«pardillo»avec sespullsrepriséstricotésàlamain,etsespantalonsbouffants.Alamaison,jecontinuaisàfairelabonne!Mabellemèreportaitdesculottesouvertesenbas.Ilmefallaitparfoisfrotterdurpourlesravoir!Etavecsipeudesavon! Unjourjemesuisfâchée!Jeluiaiditqu’ellepouvaitlaversonlingeelle-même!Ellen’apasbronché.Monpèrenedisaitrien.Ilétaittrèsmachoettrèsintransigeant.MonamieLinèsm’avaitprêtédesmagasinespourapprendrelefrançaism’avait-elledit.Touteravie,jelesamenaiàlamaison.Quellenefutpaslaréactiondemonpèreenlesvoyant! -Tunelirasjamaiscessaletéslà!Tuvaslesrendreaussitôtoujelesjette! Enpleurs,jelesrendisàmonamie.Lepeudefoisoùnousallionsaucinématouteslesdeux,jedevaissortiravantlafindelaséancepourarriveràl’heureàlamaisonetéviterainsilacolèredemonpère. Mesvisites chez lagrand-mèreTaponse sont intensifiées. J’étaisheureused’échapperà lasurveillancedemachèrebellemère!J’allaispresquetous lesjours à pied du port à Villès Martin. Je n’avais pas encore de vélo. C’était leprincipalmoyendelocomotionencetempslà.Monpèreetmonfrèreavaientle leur. Ils les avaient construits avec des pièces récupérées ça et là chez lesferrailleurs.

LeLancastria.

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C’est mon frère qui m’acheta mon premier vélo avec son premier salaire.C’estle1erjanvier1940quemonfrèremefitcecadeau.Jelevoisencore.J’étaisaupremierétagedelamaison.Jel’entendaism’appeler: -Josune!Descends! -Non,jeneveuxpas! -Quet’esbête!Descend! -Maisnon!Tum’embêtes!Qu’est-cetuveux!Jenesuispasdescendue.Ilfaisaitfroid,c’étaitl’heuredemanger,qu’estcequej’allaisfairedehors?Ilmetaquinaitsisouventquejenevouluspascéder! Je jetai,malgré tout,un coupd’oeildehors,et là j’aperçu levélo…! J’enrestaibouchebée.Leslarmesmemontèrentauxyeux!C’étaitunsuperbevélogrisd’avant-guerre,demarqueAlcion.Monfrèreyavaitmistoutesapaye!750francs!C’étaitlapluschèredesmarques!Sapremièrepayedesontravailauxforgesavaitétépourmoi!Monfrèrevoulaitcequ’ilyavaitdemieuxpoursapetitesoeur!Quelsuperbecadeau!Ilm’aétélongtempsd’unegrandeutilité.C’estavecvotrepèrequ’ilarendul’âme!!!

J’étais assez impressionnée par le standing de la famille Tapon. Elle megardaitsouventàmanger,etj’enétaistrèsfière! Votrepèreétaitungrandgamin!Iladoraits’occuperdesesoiseauxdansuneimmensevolière.Ilsifflaitaveceuxetnettoyaitsouventleurcage.Savieétaitinsouciante,etilestrestéainsi,ungrandgosse,gentil,maisungrandgosse.Sij’aimaisparticulièrementallerchezmafuturebellemère,c’étaitaussiparcequeTanteMargueriteyvenait,avecsapetitefilleColette,quiavait3ansàl’époque.J’aimais particulièrement le moment du bain. Avant de mettre Colette dansl’eau,ellecontrôlaitlatempératureavec...unthermomètre!Jeneconnaissaispascematériel.Jen’enn’avaisjamaisvu! Ma future belle-mère tricotait beaucoup, car les tantes Renée et Michelleattendaientleurbébé.Ilyavaitunebonneambiance,quimechangeaitbeaucoupdecellecrééeparmabellemèreàlamaison!Sansaucuneaffection,j’avaisenvied’êtreaimée,etlestaquineriesconstantesdemonfrèremepesaientparfois.Maistoutabasculéenjanvier1942. Le 6 janvier, nous avions fêté les Rois Mages. Ce soir là, nous avionsconfectionnédeschurros.C’étaitunréfugié,Emilio,quiétaitaufourneau.Lapâtetropchaudeexplosasoudainetseprojetapartoutdanslacuisine!!!Lelendemain,7janvier,JoséLuisentrepritdenettoyerlesprojectionsdepâtesurleplafond…!Ilétaitleplusgranddenoustous! Danslasoirée,ilvoulutrendrevisiteàuncopaintrèsmalade,Matéo.Ilnousconseilladoncdemangersanslui,carilrentreraittard.Asonretour,ils’attablaseul.Ilfaisaitunpeuchaudetjevoulusouvrirlafenêtre.Jemesuislevée. -Non!C’estdangereuxàcausedelalumière!medit-il.Cefurentsesdernièresparoles!Jem’étaisdéplacéedel’évieràlacuisinièrepourréglerlefeu.Celamesauvalavie! Tout à coup, un énorme souffle d’air….Une bombe venait de tomber etd’éclaterdanslacouraucoindelamaisonfaisantunénormetroudanslemur.Lamitrailleseprojetadanstoutelacuisine,faisantvolertoutunepartiedela

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maisonetl’évierenéclats…Ilnerestaquequelquespansdemursdebout.Ungrandsilences’ensuivit. -JoséLuis!JoséLuis!Appelions-nousmonpèreetmoi.JoséLuis!JoséLuis! Nous le trouvâmes à terre, étendu sous les gravas. Nous le sortîmes àl’extérieurdecequirestaitdelamaison.Jeprismonfrèredanslesbras.Jereçussonderniersoupir. -Jeveuxlevoir!Jeveuxlevoir!imploraitmonpère... -Allumeunebougie!!Allume,allume,jenevoisrien!! A cet instant, à la lueur de la bougie, je découvris mon père, le visageensanglanté.Ilavaitreçudeséclatsdebombedanslesyeux….Ilvenaitdeperdrelavue!!! Sansperdrelatête,jelaissailesmiensetmeprécipitaipourdonnerl’alerteàl’usineetrecevoirdessecours.Ilétaitunpeuplusde9heuresdusoir,maistoutétaitéclairéparlesbombesquitombaient.Danslahâte,jefaillistomberdansletroulaisséparlabombe.Lemondecourraitdanstouslessens!Dehors,c’étaitl’affolement. Toutes les maisons de la rue avaient été touchées. Un gardienm’attrapaparlebraspourm’arrêter.Danslarage,jelemordisetmelibérai.Iléructad’uncriquimelaissaprésagerlaforcedemoncoupdemâchoire…!!! -Vite!vite,monfrèrevientd’êtretué!Monpèreestblessé! -Oùça! -AlacitéNetter!AlacitéNetter! Enpassantparl’usine,j’airencontrélegardien,trèsinquiet.Ilhabitaitdanslarue.Ilvoulaitsavoiroùétaittombéelabombe. Jen’aipaspuluidirequesafilledetreizeansétaitunedesvictimes,trèsgrièvementblessée.Onaretrouvésonfilsdedix-neufansentraind’errer,enétatdechoc. JecontinuaimacoursejusquechezMaxime(unmembredel’équipage)quiaccourusurlechamp.C’étaitdelafoliedecourirainsisouslebombardement.Personne ne pouvait me retenir. Maxime s’occupa de mon frère tandis quej’amenaismonpèreàl’infirmeriedel’usine,pourlespremierssoins. Jesavaisqu’ilétaittroptardpourmonfrère,maisjevoulaisquemonpèreailleauplusviteàl’hôpital.Ilyavaitbeaucoupdevictimesdanslarue.Adeuxheuresdumatin,uncartransportatouslesblessésàl’hôpitaldeSaint-Nazaire.J’accompagnaismonpèreet le soutenais.Troispersonnesdécédèrentprèsdemoidurant letrajet.Nous lesconnaissionspresquetous.Dans lamaison,faceàlanôtre,vivaituncouplederéfugiésdunord.Desgensadorables.Ilsavaientinvitéchezeuxunjeunecoupleetleurjeunefrèrededix-septans.Ilsfurenttuéssurlecoup.Etdirequeleurfillerevenaitd’unséjourdecolonie!Sesparentslavoulaientensécurité,àlacampagne.Elleestrevenueàlamaisonpourmourir!Ilyaeuvingt-sixmortscejourlà...

Monpèrefutemmenéàl’hôpitaldeSaint-Nazairepuis,plustard,àl’hôpitaldeNantes.Auparavant,lapetitevoisinefutopérée,justeavantmonpère.Elledécédasurlatabled’opération.Elleavaittreizeans! Nousn’avionsplusdelogement.Malgrélesréticencesdesafemme,unami,Massimo,voulubiennoushébergermabellemèreetmoi.Desmatelasfurentdisposésàmêmelesol,unpourmoi,unpourmabellemère.C’estlàquema

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bellemère,couchéeàcotédemoi,memurmura: -Tusais,mêmesicelapeuttesurprendre,j’aimaisbeaucouptonfrère. En effet, j’étais surprise, elle qui semblait n’aimer personne ! Peut-êtrem’aimait-elleàsafaçon? Je ne devais jamais oublier cette phrase, dite en pleine nuit après cebombardement. Et dire que beaucoup plus tard, après ta naissance Nénette,(elle était ta marraine), elle s’est prise d’une véritable passion pour toi. Elledécouvrait,surletard,toutcequepouvaitapporterunbébédanslavied’une«vieillefille»ausentimentmaternelrefoulé.Elleavaitmêmedécidéquetuaurais tous ses biens ! Bien sûr cela ne s’est jamais fait ! Voilà les différentsaspectsdéroutantsdemabellemère!

Le 11 janvier les obsèques des victimes du bombardement eurent lieu.Grandioses ! Tous les officiels locaux, dont des allemands, étaient là pour lescondoléances.TelsdesarbresdeNoël, ils s’étaientornésde leursnombreusesdécorations.Lepréfetlui-mêmes’étaitdéplacédeNantes!TouslescommercesdeTrignacetdelacôterestèrentfermés.Pouramenerlesvingt-sixvictimesàleurdernièredemeure,ilfalluréquisitionnerdescharrettesàcharbonniers.Unetristeprocessiondehuitcharrettesdrapéesdenoir,aménagéesencorbillardsseformade l’églisedeTrignac jusqu’aucimetière.Chaquecharrettetransportaitquatre cercueils recouverts de gerbes de fleurs. Au cimetière, chaque famillesetenaitdevantlecercueildesondéfunt.Vingt-sixtrousavaientétécreusés...Quelletristesse! Tout le haut commandement de Nantes et de Saint-Nazaire, guidé par lePréfet,nousserralamainenrépétantàchacundenousenguisedecondoléances: -AyezconfianceenleMaréchalPétain! Arrivésàmoi,jecachaiaussitôtmesmainsderrièremondos,etrépondis: -LeMaréchalPétain,avecFranco,c’estpoureuxquemonfrèreestmort!!! Ungrandsilencepesants’ensuivit.Moncriderévolteetdedouleurfitdel’effet.C’étaitgravedecritiquerainsiPétain.Ilétaitrespectéparbeaucoupdefrançais.Jerisquaismêmelaprison!Celam’étaitbienégal! Lasuitedes«dignitaires»saluèrentlerestedesfamillessansplusparlerduMaréchalPétain.Ilsneleuradressèrentplusquedesimplescondoléances.MonpèrequiétaittoujourshospitaliséàNantesneputêtreprésentauxobsèques.Ilsouffritbeaucoupdenepasaccompagnersonfils.J’étaiseffondrée,mabellemère n’arrêtait pas de pleurer, cela m’agaçait ! Je me revois, affalée sur lecercueil.

LafamilleTaponn’étaitpasaucourantdenotredrame.VotrepèreétaitencampdejeunessedanslesuddelaFrance.Jevoyaismoinslafamilleàcausedelaguerrequichamboulaittout. C’estparhasardquenousrencontrâmesAndré,lemarideMarguerite.Ilfuttoutétonnédenousvoirendeuil!Tousfurenttrèsbouleversés,surtoutAbel,legrandcopaindemonfrère.Deretourdesoncamp,ilvinttrèsvitenousvoir.Jecroisquecesévènementsdramatiquesnousrapprochèrent.

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Monpères’étaitremisdesesblessures,maisilavaitdéfinitivementperduunoeil.Chaquedimanche,oupresque,votrepèrevenaitnousrendrevisite.Ilétaitchaleureuxettrèsproche.Maisjen’imaginaispasdutoutmemarieraveclui!Etpourtant...Peuàpeu,jelevoyaisd’unautreoeil.Ilétaitd’unebonnefamille,ilavaitunemploi,etilavaitétésiprochedemonfrère! Noussortionsrégulièrementensemble,aveclapermissiondemonpère,etle silencedemabellemère.Pargentillesse,un jour,Abelnous invita tousaucinémavoir lefilm«Ramuntcho».C’étaitunfilmsur lePaysBasque.Quelledélicateintention!Pourunefois,quelqu’uns’intéressaitàmoi!Etilétaittrèsrespectueux!

Entre lespromenadesaucimetière,et les séancesaucinéma, tout celaenvélobiensûr,nousavonsapprisànousconnaîtreetsurtout,ànousapprécier.Quantaulogement,nousavonseudelachance!DesamisdemonfrèrenousontproposéunevillaàlaBaule,c’étaitunemaisonréservéeauxréfugiés.Nousenétions,etvictimesdelaguerre,enplus!

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C’étaitunemagnifiquevillaKerEsméralda,elleexiste toujours.Nousétionsàl’aise,carnousn’étionsquetroisdanscettemaison!Danssonsous-solnousavonseulasurprisededécouvrirleslitsdesdomestiques!C’étaitunevraiemaisonbourgeoise! Maislavien’yétaitpastrèsgaieentremonpèretrèsaffectéparlamortdesonfils,etmabellemèrequinechangeaitpas! Heureusement, les visites d’Abel me faisaient du bien. Il venait avecdesfleurspour lesmettreaucimetière.Sinon, je sortaisavec lecouple,entremonpèreet sa femme.Sansvraiment faire sacour, je sentaisquevotrepères’attachaitàmoi.C’étaitréciproque.Quandj’avaisl’occasiondemonterdanslavoituredesesparents,jemesentaiscommeunereine!

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Chapitre VI

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KerEsméralda-LaBaule.

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Peu à peu les choses ont évolué. Nous avons même commencé à parlermariagemaisnousvoulionsattendrelafindelaguerre...

Unjour,votrepèreaaccéléréleschoses.Ilestvenumemontrersonbulletindesalaire: -Tuvois,avecça,onpeutvivreetsemarier!J’aitrouvécelatrèsattendrissant.

Alors,onavitefixéladatedesfiançailles,enmars1943!Ilfautdirequesaprésence me réconfortait beaucoup. Ma future belle-mère était très gentille.ToutelafamilleTaponsemblaitm’adopter! Jen’avaisaucunenouvelledemasoeurAngélita.Onnes’écrivaitpas,etlecourrierfonctionnaittrèsmalencettepériodedeguerre.

Debouts : grand-père Emilio Goikoetxea, mabelle mère et les deux jeunes fiancés. Assis :grand-mère Renée Tapon et grand père AbelTapon.

lesfiançailles.

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Lesfiançailleseurentdonclieuàlavilla«Esméralda»àLaBaule.C’estmabellemère,finecuisinière,quipréparalerepas.Pourcetteoccasion,j’avaisunetrèsjolierobeenmousseline,àgrossesfleursbleues.C’étaitTanteMichelle,unefemmetrèscoquettequimel’avaitofferte.Jelatrouvaismagnifique!Cefutunebellejournée,maislesabsentsmanquaientterriblement.

Malgrécesfiançailles,onnesevoyaitpasbeaucoupAbeletmoi.Laguerreétaitlà,elleperturbaittout!Alors,ons’écrivait,moitiéfrançais,moitiéespagnol.Abelmerépondaitaussitôt. Ilécrivaitdetrès jolies lettres sentimentales !Unévènement l’avait très affecté. Une bombe était tombée sur le chantier dePenhouêtet lesapprentisavaientété tués.Cela fût terrible !Tous ces jeunesgarçonstués!Celafitbeaucoupdebruitàl’époque! Votrepèreparticipaauramassagedescorps.Undesescopainsareconnulecorpsdesonproprefils,c’étaitaffreux!

Puisladatedumariagefutfixéepourle28avril1943.J’aiencorelefaire-part!

Faire-partdemariage.

Villadesgrands-parents«lesécureuils»-Pornichet.

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Pendantunmoisvotrepèreetmoiavonsfaitlesdernierstravaux.Peinturestapisseries,etc...Grand-mèreavaitdesmeublesentropdanssongrenier.Nouslesavonsrécupérés.Jelesairepeintsenblanc.Celafaisaittrèsmoderne!Avecdesrideauxàcarreauxrougesetblancsauxfenêtres,c’étaittrèspimpant! Puislemariageestenfinarrivé!Nousétionstrèsamoureux!

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Tante Marguerite connaissait une petite maison, à peine achevée. Elledevaitlogerunfuturcouple,dontlesfiançaillesontétérompues.Nousl’avonsrécupérée ! Elle était très mignonne, pas loin de chez tante Marguerite. Elleexistetoujours,elleaussi,maisilfallaitlaterminer.

Petitemaisondesamoureux-Pornichet.

Lesjeunesmariés.

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C’estentaxiquenousnoussommesdéplacés.Nousyavionsdroit,pourunecérémoniereligieuse.Commej’étaisfièreetémue! Votre père était très détendu ! Je me souviens qu’il fallait se confesser, àl’égliseNotreDamedelaBaule.C’étaitlapremièrefoisqu’ilétaitentêteàtêteavecunprêtre!Auxquestionsducuré,ilrépondaittrèssérieusement: -Ouimonsieur!Nonmonsieur! Poursespéchés,ilmeregardaitenfaisantdesgrimaces!Jerigolaisbeaucoup,maisj’étaisoutrée!Ensuite,biensagement,ils’estassisbrascroisés,ilsemblaitattendre quelque chose... Au bout d’un moment, je lui ai demandé ce qu’ilattendait!Ilm’arépondu,trèssérieusement: -Ehben!J’attendsqu’ilmedonnel’absolution!! Unpeucomme s’il espéraitun certificatdebonneconduite ! Il étaitainsivotrepère,ungrandgossegentil,unpeunaïf!

LanoceeutlieuàVillèsMartin.Ilfaisaittrèsbeau.

EgliseNotreDame-LaBaule.

PlagedeVillèsMartin.

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J’avaisunjolitailleurclairtrèsélégantetdesfleursdanslescheveux.Pourl’occasion,ma«nouvelle»bellemère,avaitlouélesservicesd’unepersonnequis’occupaitdurepasetduservice,c’étaitlegrandstyle! Maisjen’aipascomprispourquoitanteMargueriten’étaitpaslà.Jesûsplustardquemabellemèreavaitdetièdesrelationsavecelle.Pourquoi?Jen’aipascherchéàensavoirplus.Nousétionspeunombreuxenfait,maisencettepériodeagitée,celanesurprenaitpersonne.

Aussitôt le mariage célébré, nous sommes entrés dans notre petitemaisondepoupée.J’étaisheureuse!!!!

Neuf mois plus tard ma première petite fille est née, toi Nénette.D’autresontsuivipuisAbel,enfinunfils!Letroisièmedunom!

Nous avons vécu… Pas assez longtemps ensemble, et pas toujoursheureux…maisc’estcelalavie!

FIN

Lesjeunesmariés.

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Papienfant.

Mamiejeunefille.MamieetsonamieLinès.

ApparaissentdanscesarchiveslessurnomsdonnésparPapiTaponàsesenfants:NénettepourRenée,LouloupourLouisetteetBébépourJosune.

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TataAngélita.

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Mamie,papietNénette.Mamie,Nénette.

MamieetNénettenourisson.

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Mamie,Tataetlesenfants.

GrandpèreGoikoetxea.

Mamie,Tata,Nénette,LoulouetBébé.

Nénette,NellyetLoulou.

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FamilleGoikoetxea,NénetteetLoulou.

EmilioGoikoetxea.

Danslejardinde«BelAbri»Loulou,Tata,Nénette,Mamie,BébéetAbel.

AbeletNelly.

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Loulou,Bébé,AbeletNénette.

Photodetouslesfrèresetsoeursàl’écoledeKerlédé,année1954.Loulou(1),Nénette(2),Bébé(3),Nelly(4)etAbel(5).

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FamilleTaponaucompletettanteCarmen.

FamillesTaponetRumin.

AbeletNelly,remisederrièrelaCoop.

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Abel. Papi,TataetAbel.

MariagedeLoulou,août1966-Belgique(Bébé,Nénette,Nelly,AbeletLoulou)

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Bébé,Mamie,NellyetLoulou. Campingsurlagrandecôte.

PapipêcheuretLoulou. Papi,Mamieenvacancesausoleil.

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Photodevacances. Photodevacances.

TanteCarmenetlesenfants. Papi.

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Noel1967(NicolasetJosuneenpréparation).

Tata,Loulou,MamieetAbel.

Claude,Bébé,Georges,Nelly,Abel,WalteretLoulou.

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Abel,NellyetMamie. Abel,MamieetNelly.

Vacancesauxsablesd’Olonne1961,ClanRLJA.

Papi.

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Mamie,Papi,Nicolas,NénetteetAbel.

Nénette,LoulouetNelly. LoulouetBébé.

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Mamieetsesquinzepetitsenfants,août1979-StHerblain,baptêmedesjumeaux.

PapietMamie.

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Au fil de l’eau...

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Louisette«Loulou»TAPON07/07/1945

Josune«Bébé»TAPON28/10/1946

Renée«Nénette»POIDRAS-TAPON19/01/1944

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AbelTAPON04/11/1919

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... au fil du temps

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NellyCOUTURIER-TAPON27/03/1951

AbelTAPON27/01/1948

Josune«Bébé»TAPON28/10/1946

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Mai2010