livre libres contributions economiques tome 1

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Préface de Edouard SALUSTRO Président honoraire de l’Ordre des ExpertsComptables Président honoraire de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes Président honoraire de la Section Professions Libérales du Conseil Economique et Social Crise et libres contributions économiques

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Tome 1 du livre : " Libres contributions économiques "

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                                                                         Préface  de  Edouard  SALUSTRO                                                                              Président  honoraire  de  l’Ordre  des  Experts-­‐Comptables                                Président  honoraire  de  la  Compagnie  Nationale  des  Commissaires  aux  Comptes  Président  honoraire  de  la  Section  Professions  Libérales  du  Conseil  Economique  et  Social  

 

Crise                                                                                            et  libres  contributions  

économiques  

   

       

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PREFACE  DE  MONSIEUR  EDOUARD  SALUSTRO  :    Définir un ouvrage aussi riche que celui que nous propose aujourd’hui Jean-Yves Archer relève de la gageure. Au fond, je dirais pour tenter de le résumer, qu’il s’agit là de l’œuvre combinant la recherche de sagesse de l’honnête homme du Grand Siècle et la faim de savoir(s) des Encyclopédistes. Rassemblée autour d’un thème ô combien important, la portée de la crise actuelle, cette série d’essais fixe, par touches successives, le portrait d’une société et d’une économie occidentales qui commencent seulement à prendre conscience aujourd’hui qu’elle sont entrées, vers 2007, dans une crise structurelle dont elle ont du mal à saisir la portée et l’amplitude réelle. Sans doute n’y a-t-il rien que de très normal, et l’histoire économique des deux derniers siècles, au moins, nous montre que la myopie est un mal commun à l’histoire économique comme à l’histoire tout court. Dès lors, une mise en perspective comme nous l’offre ici Jean-Yves Archer est-elle un vademecum indispensable, non seulement pour comprendre l’histoire des cinq dernières années, mais aussi pour anticiper, a minima, les cinq années qui viennent. Le thème de la régulation apparait en filigrane dans cet ouvrage. Ce thème, devenu un mantra de nos gouvernants, montre ici toute son ambivalence et la nécessité de le replacer dans le cadre plus large de la légitimité politique. En effet, un régulateur ne tire pas de lui-même sa légitimité mais des pouvoirs politiques qui l’ont mis en place. Ceux qui l’oublient tendent d’ailleurs à perdre rapidement le sens du réalisme et de la réalité (notamment économique) et perdent ainsi toute efficacité. La régulation est donc le thème cher à la plupart des politiques, européens (beaucoup), américains (un peu) et asiatiques (pas encore). Régulation des marchés, régulation des comportements sociaux, la notion est séduisante. Pour autant, la longue mutation dans laquelle nous sommes entrés depuis 2007 a démontré également les limites d’une régulation qui avait pourtant été un leitmotiv de toutes les réformes économiques menées depuis le milieu des années 1980 : le seul exemple français atteste de la prolifération des autorités de régulation, parfois les plus surprenantes (régulation des jeux en ligne ou régulation de la publicité). Or ces mêmes autorités de régulation , depuis 2007, n’ont pas anticipé les bouleversements issus des crises successives du secteur bancaire et de la dette publique, voire ont contribué à les amplifier ou à rendre inopérant une partie de leur traitement. Ainsi, les superviseurs bancaires européens n’ont-ils pas anticipé la révolution qu’allait introduire la réforme des ratios prudentiels, véritable bombe à retardement qui oblige les établissements à une mutation inédite, comparable à celle des années de crise des années 30 ou de prospérité des années 60. En matière comptable, l’émergence tardive des instances d’auto-régulation et de normalisation en Europe en général et en France en particulier, n’a pas permis là non plus d’anticiper le choc que constituaient les IFRS, en particulier pour le secteur financier où leur entrée en vigueur se combinait avec les nouveaux ratios prudentiels mentionnés plus haut.

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En quelque sorte, même si la comparaison est osée, la régulation financière et comptable a manqué, comme la dette publique européenne, d’une instance de gouvernance qui préexiste à l’instauration des disciplines : le Mécanisme européen de stabilité est arrivé trop tard, comme va l’être l’émergence d’un régulateur comptable et financier européen (à travers l’ESMA). L’intérêt de l’ouvrage de Jean-Yves Archer est certes de nous inviter à cette analyse rétrospective. Il est aussi un appel à restaurer l’efficacité et donc la légitimité de l’action publique. Loin des libertariens dont la pensée est limitée, il nous incite à nous demander comment améliorer l’intervention de l’Etat et comment la repenser dans un cadre de refonte radicale de nos structures économiques. L’Etat « modeste » dont M. Crozier s’était fait le chantre, n’est pas l’Etat minimal, pas plus qu’il n’est l’Etat Gargantua dont l’action se résume à produire de la dépense publique et (mais on s’en est aperçu un peu tard) de la dette publique. C’est un Etat qui s’affirme, qui agit, mais qui assume sa vocation de stratège. En ce sens, la réflexion de Jean-Yves Archer est véritablement gaullienne car elle remonte à l’essentiel : que doit faire l’Etat, c’est-à-dire le pouvoir politique, qui ne se résume pas à l’action technocratique. Le manque d’efficacité de la Commission européenne dans la gestion de la crise, la reprise en main par les politiques (même si on a critiqué le couple Merkel-Sarkozy) démontrent que, contrairement à l’idéal saint-simonien ou marxiste, l’administration des choses ne peut pas se substituer au gouvernement des hommes. En ce sens, l’ouvrage de Jean-Yves Archer, très réaliste sur les « années d’angoisse » qui nous attendent, est aussi une leçon d’optimisme et de volontarisme : l’action collective, publique ou citoyenne, est la condition de l’émergence d’un modèle nouveau, au terme de ce qui s’annonce déjà comme une « très longue crise ». Mais c’est justement par la lucidité sur la profondeur du mal que se mesure la capacité à rebondir. Edouard SALUSTRO – 14/09/2012

 

                 

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En  guise  d’introduction  :      La   crise   économique  qui   sévit   actuellement  présente  des  points  de   similitude   avec  un  concert  dont  les  instruments  seraient  tenus  par  des  personnages  aux  gestes  erratiques.  

La  cacophonie  de  la  crise  a  un  coût  social  que  nous  déplorons  et  que  nous  sommes  dans  l'envie  de  dénoncer  tant  les  souffrances  sont  omniprésentes  et  multiples.  

Que  la  crise  atteigne  les  plus  fragiles  de  nos  sociétés  occidentales  semblent  hélas  d'une  certaine   normalité   et   les   mécanismes   d'amortisseurs   sociaux   sont   là   pour   parer   aux  urgences  et  grandes  détresses.  

Mais   la   crise   de   2008   a   des   prétentions   de   destruction   sociale   plus   établies   :   elles  attaquent  sans  détours  ni  ambages  les  classes  moyennes.  

L'Insee  a  instauré  le  concept  de  travailleurs  pauvres  et  qui  ne  saurait  oublier  les  dizaines  de   salariés  qui,   faute  de  pouvoir  honorer  un   loyer,   dorment  dans   leur  voiture   sur  des  aires  de  stationnement  pour  forains  ou  sur  des  parkings  de  supermarchés.  

L'humiliation   sociale   et   le   peu   d'hygiène   la   nuit   à   deux   pas   de   rayons   richement  achalandés  le  jour.  

Tel  est  le  constat.  

A  l'échelle  de  l'Union  européenne,  si  laborieusement  construite,  nous  voilà  confrontés  à  une  crise  monétaire  (  fragilité  de  la  zone  €uro  et  situations  grecque  et  espagnole  :  retour  au   bullionnisme   ?   ),   à   un   tassement   sérieux   de   la   croissance   accompagné   de  délocalisations   (   crise   économique   )   et  bien  évidemment  à  une   crise   sociale   (  pouvoir  d'achat,  chômage,  développement  du  temps  partiel  mal  rémunéré,  mouvements  de  lutte  contre  l'austérité  :  les  Indignés  ).  Nulle  personne  ayant  accompli  quelques  bribes  de  scolarité  économique  ne  peut  rester  indifférent  à  cet  ensemble  de  mines  dérivantes  qui  encerclent  notre  Europe.  

Nul  ne  peut  ignorer  l'histoire  de  notre  Continent  :  il  y  a  nettement  moins  de  cent  ans,  ce  fût  autant  Lord  Keynes  que  le  réarmement  qui  ont  eu  raison  de  la  crise  alors  venue  des  Etats-­‐Unis  d'Amérique.  La  crise  plurielle  que  nous  connaissons  est  une  fabrique  à  exclusion  sociale  et  sociétale  :  elle  déclenche  de  sourds  et  diffus  phénomènes  de  jalousies  sociales,  de  rejets  ethniques,  de  découragements  individuels.  Par  la  crainte  de  l'avenir  qu'elle  déclenche,  cette  crise  nous  fait  voir  des  taux  d'épargne  hors-­‐norme  :  on  remplit  autant  son  livret  d'épargne  que  son  armoire  de  pharmacie  qui  regorge  d'anxiolytiques.  Le  cadre  supérieur,  pris  dans  son  jet-­‐lag,  l'opérateur  pris  dans  une  restructuration  suite  à   un   LBO   (   Leveraged   Buy   Out   ),   la   caissière   d'hypermarchés   exténuée   ont   un   point  commun  :  l'angoisse  voire  la  peur.  

Il  n'est  pas  crédible  d'envisager  vivre  dans  une  société  au  sein  de  laquelle  5  millions  de  gens  sont  précaires  et  dix  millions  dans  la  crainte  d'être  déclassés  en  commençant  par  la  perte  de  leur  capacité  à  conserver  leur  logement.  

Bien  des  économistes  ont  commis  bien  des  écrits  intéressants  mais  là  il  nous  faut  penser  avec  l'urgence  sociale  comme  carburant  de  la  plume.  

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Il   ne   s'agit   pas   de   définir   le   scénario   X   ou  Y   comme   le   faisait   la  Datar   (   "   scénario   de  l'impossible   "   )   mais   il   convient   d'aborder   diverses   questions   économiques   avec   le  compas  dans  l'œil  :  autrement  dit,  avec  précision  et  engagement.  La  crise  étant  partie  du  monde  bancaire,  plusieurs  contributions  de  cet  ouvrage  sont  en  rapport   avec   les   banques.   Avec   leur   situation   générale,   avec   leur   besoin   d'adaptation  pour   les  banques  privées,   avec  un  peu  de   recul  historique  pour   les  banques  d'affaires  par  référence  à  feu  André  Meyer  (  Lazard  Frères  ).  

Nous   sommes   en   effet   convaincus   qu'une   des   conséquences   de   cette   crise   quasi-­‐planétaire  va  être   la  relance  d'un  mouvement  de  concentration  sans  précédent  que  les  vertiges  du  pouvoir  bancaire  sont  loin  d’être  soumis  à  la  moindre  asymptote.  

Bnp  et  Fortis,  accord  Peugeot  et  Gm,    Gan  et  Allianz  après  Axa  et  Uap,  etc  vont  être  les  signaux  précurseurs  de  la  constitution  de  firmes  véritablement  transnationales.  

Le   capitalisme   ne   sait   sortir   que   par   le   haut   :   que   par   l'incessante   massification   des  moyens   de   production.   Ces   futures   opérations   de   croissance   externe   seront   un   des  leviers  de  la  reprise  conjoncturelle  d'ici  à  5  ans.  

D’autant   que   les   acquisitions  de   firmes   venues  des  pays   émergents   (   exemple  Arcelor  Mittal  )  vont  venir  renforcer  cet  état  de  faits.  

Notre  réflexion  posée  nous  fait  en  effet  estimer  que  nous  sommes  confrontés  à  une  crise  du  type  de  celles  que  Clément  Juglar  avait  examinées.  Leur  récurrence  est  de  8  à  11  ans.  Autrement   dit,   des   sub-­‐primes   à   l'éclaircie   :   il   faudra   estimer   une   amplitude   de   type  2007  –  2018  dans  la  pire  des  configurations.  Plusieurs  facteurs  militent  pour  cette  durée  (  qui  va  être  un  supplice  pour  le  corps  social  occidental  )  :  il  faut  du  temps  pour  que  le  système  absorbe  le  déplacement  vers  l'Est  des  foyers   de   production   (   Inde,   Chine,   etc   ).     Il   faut   du   temps   pour   les   cigales   étatiques  redeviennent   réalistes   et   tentent   de   faire   entrer   leurs   déficits   publics   dans   des   zones  acceptables  et  keynésiennement  pertinentes.    Il  faut  du  temps  pour  que  nous  absorbions  cette   fantastique   rupture   technologique   de   l'ère   numérique   et   des   autres   volets   du  progrès   technologique   (   voir   écrits   de   Schumpeter   ou   de   Rostow   sur   les   étapes   du  développement   ).   Enfin,   il   faudra   du   temps   pour   atteindre   un   début   de   palier   de  croissance  démographique  car  on  sait  désormais  que  la  nature  ne  pourrait  pas  absorber,  par   exemple,   12   milliards   d'êtres   humains.     (   nourriture,   pollution,   dérèglements  climatiques  et  obligations  géographiques  de  lieux  sûrs  de  peuplement  ).  Ayant  été  formé  par  le  Doyen  Henri  Bartoli,  Juste  parmi  les  Nations,  il  m'est  impossible  d'oublier  la  large  section  de  son  ouvrage  (  Economie  et  création  collective  )  dédiée  à  la  question  terrible  de  la  faim.  Ici,  nous  serons  davantage  focalisés  –  pour  le  moment  –  sur  des  questions  concernant  l'Occident.  

L'estimé   et   regretté   Doyen   a   écrit   que   "   l'économie   s'inscrit   au   cœur   d'un   fait   social  infiniment  plus  complexe  "  et  nous  adhérons  pleinement  à  cette  affirmation.  Interpréter  comme   le  Professeur  Alain  Touraine   l'a   fait   certains  mouvements  de   la  Société  a  pour  nous  au  moins  autant  de  pertinence  qu'un  modèle  économétrique  dont  les  fondements  sont  parfois  contestables.  

Songeons   aux   stress   tests   des   banques   européennes   effectués   avec   sérieux   et  minutie  par   des   cohortes   d'auditeurs   qui   n'ont   pas   retenu   pour   hypothèse,   dans   un   premier  temps,  le  risque  de  dépréciation  sur  créances  étatiques.    En  étant  un  peu  familier  :  on  se  pince  tellement  on  croit  faire  un  cauchemar.  

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Dans   un   entretien   du   18   Mai   2012,   Monsieur   Alain   Minc   évoque   la   campagne   de  vaccination   H1N1   et   indique   avoir   prévenu   le   Président   de   la   République   des  dysfonctionnements.  Il  ajoute  "  La  capacité  d'alerte  du  système  est  très  faible  ".  On  pourrait   risquer  un   sourire   et   rappeler  que   l'urgentiste  Patrice  Pelloux  avait  dit   la  même  chose  lors  de  la  canicule  :  Pelloux  –  Minc,  le  nouveau  duo  improbable....  

Plus   sérieusement,   il   est   bien   évidemment   aisé   de   démontrer   à   l'infini   que   l'Etat,   en  France,  a  des  capacités  de  remontées  d'information  très  puissantes  et  qui  s'inscrivent  en  contradiction  avec  les  dires  du    "  visiteur  du  soir  "  de  l'ancien  Président  Sarkozy.  Ainsi,   comment   celui-­‐ci   aurait-­‐il   énoncé   son  exceptionnel  discours  de  Toulon  en  2008  sur  la  garantie  des  dépôts  ?    Il  fallait  bien  que  le  Chef  de  l'Etat  fut  informé,  par  exemple,  par  notre  camarade  le  Gouverneur  Christian  Noyer.  Cette  histoire  d'Etat  qui  n'entend  rien  est  véhiculé  par  des  gens  qui  n'entendent  plus  les  bruits   et   les   vents   du   XXIème   siècle.     Même   le   bon   porto   peut   devenir   vintage   et  madérisé.  

L'Etat  entend  mais  est  désormais  face  à  des  complexités  de  choix  publics  que  Messieurs  Crozier  et  Friedberg  ont  démontré  dans  "  L'acteur  et  le  système  ",  il  y  a  trente  ans.  La   décision   publique   nationale   est   contenue   tandis   que   la   décision   européenne   est  complexe   et   souvent   hybride.     Elle   relève   de   compromis   qui   dessine   une   politique  économique  incertaine  ou  étirée  dans  le  temps  tel  l’opportun  projet  d’union  bancaire.  Les  Trente  Glorieuses,   issues  du  mot  célèbre  de   Jean  Fourastié,  ont  été  un  moment  de  forte   intervention   étatique.     Sans   le   plan   Marshall,   l'Europe   n'aurait   atteint   le   même  visage  que  deux  décennies  après.  

Sans   l'implication   gaullienne   dans   des   grands   programmes   nationaux,   sans   le   schéma  Delouvrier   pour   Paris,   etc,   les   choses   auraient   été   très   différentes   et   moins   à   notre  avantage.  

Notre   parti   pris   pour   un   Etat   qui   intervient   est   établi   :   à   condition   que   les   politiques  disposent  du  bon  périscope  et  sachent  lever  les  yeux  pour  voir  loin.  

On  préfère  entendre  un  Président  évoquer   le   futur  technologique  du  plateau  de  Saclay  plutôt  que  de  se  voir  infliger  le  nombre  d'amphores  entourant  la  piscine  de  la  maison  de  l'acteur  Clavier  en  Corse.  

Quand  on  préside,   chaque  nano-­‐seconde  compte   sauf  à   savoir  prendre  du   temps  pour  aller  marcher  près  des  forestiers  d'Avallon  ou  de  Château-­‐Chinon.  Ou  encore  pour  relire  tel   ou   tel   Encyclopédiste   pour   accumuler   ce   recul   qui   donne   à   l'homme   politique   les  capacités   d'initiative   que   seuls   les   hommes   d'Etat   –   comme   feu   François  Mitterrand   -­‐détiennent.  

En   France,   il   y   a   une   redéfinition   de   certains   services   d'Etat   à   conduire   car   la   crise   a  démontré  avec  voracité  leur  inertie  et  le  peu  de  portée  des  théories  holistes.  L'approche  par   la  seule  Rgpp  (  Révision  générale  des  politiques  publiques  )  gomme  trop   l'analyse  des  besoins  stratégiques  à  réaliser  en  amont,   l'analyse  par   fine  capillarité  des  attentes  du  citoyen-­‐acteur.  Dans   bien   ces   cas,   la   Rgpp   s'est   trouvée   ravalée   au   rang   de   l'antique   Rcb   (  Rationalisation  des  choix  budgétaires  )  chère  à  Michel  Debré.    

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Certains  auteurs  –  parfois  en  mal  d'écritures  sensationnelles  –  laissent  leur  plume  flirter  dangereusement  avec  l'Histoire  et  évoque  33  :  1933  en  Allemagne  et  ses  suites.  

Pour   notre   part,   il   nous   semble   que   la   référence   à   l'an   33   suffit.   Elle   est   une   date  fondamentale   pour   les   Chrétiens  mais   elle   est   aussi   une   date   intéressante   en  matière  d'histoire  économique.  

C'est   en   effet   en   33   que   survint   à   Rome   un   effondrement   du   prix   des   terres,   une  aggravation   des   conditions   de   crédit   et   une   crise   de   confiance   marquée   par   la  spéculation   et   le   peu   de   monnaie   en   circulation.     L'Empereur   Tibère   est   alors   dans  l'obligation   de   constituer   un   fonds   d'intervention   de   100   millions   de   sesterces   qui  accorde  des  emprunts  à  trois  ans  sans  perception  d'intérêts.  

Il  serait  audacieux  d'établir  un  parallèle  avec  les  mois  à  venir  pour  la  zone  euro  mais  il  demeure   étonnant   que   nul   ne   parle   des  mouvements   de   déplacements   d'épargne   qui  voient  des  détenteurs  de  patrimoine  s'alléger  d'emprunts  d'Etat   lambda  pour  acquérir  des  emprunts  d'Etat  allemands.  

Selon  certaines  sources,  on  parlerait  en  milliards.  

La  confiance  monétaire  en  zone  euro  a  donc  un  barycentre  et  il  faut  ici  se  reporter  à  la  Loi   de   Gresham   qui   expose   que   la   bonne  monnaie   est   thésaurisée   (   le   futur   nouveau  mark   )   et   que   seule   circule   la   "   mauvaise   "   monnaie   (   celle   des   autres   anciens   de  l'euroland  ).  Si   les   coups   de   butoir   finissent   par   emporter   cette   noble   construction   qu'est   cette  monnaie  commune,  nous  considérons  qu'une  thésaurisation  venue  de  plusieurs  pays  se  portera   sur   la   zone   allemande   au   détriment   d'une   ou   plusieurs   autres   monnaies  d'échange  à  valeur  érodée.  

Gardons  en  mémoire  la  phrase  de  feu  François  Mitterrand  (  prononcée  le  7  Janvier  1995  lors  de  ses  vœux  à  la  presse  )  :  "  l'argent  circule,  il  fuit  les  places  où  il  ne  se  sent  pas  en  sécurité  ".  De   là,   nous   parvenons   à   plusieurs   pistes   de   réflexion   dont   nous   souhaitons   livrer   au  lecteur  le  cadre  interprétatif.  

1   )   Nous   nous   inscrivons,   à   titre   principal,   dans   deux   courants   de   pensée   d'origine  française   :   l'école   de   la   régulation   (   Robert   Boyer   et   Jacques   Mistral   )   et   l'école   des  conventions  (  Robert  Salais  et  Olivier  Favereau,  notamment  ).  

2   )   Parallèlement,   nous   respectons   les   sciences   économiques   et   sociales  mais   dans   la  droite   ligne  de   l'interprétation   faite  par  Raymond  Barre  et  surtout  par  Condillac,  nous  raisonnons   en   termes   d'économie   politique   tellement   l'Etat   est   un   acteur   majeur   et  tellement  la  politique  économique  est  une  variable  motrice  de  rang  1.  

3  )    Sur  ce  dernier  point,  mais  aussi  avec  les  autres  agents  économiques,  nous  militons  pour   la  poursuite  des   travaux   sur   l'asymétrie  d'informations  qui  détermine   fortement  l'acte  d'échange.  

4   )     A   l'heure   où   la  mondialisation   représente   le  même   type   de   bouleversements   que  celui  des  "  enclosures  "  au  XVIIIème  siècle  au  Royaume-­‐Uni,  nous  sommes  inquiets  de  la  prolifération   du   low-­‐cost   qui   masque   une   régression   sociale   dite   des   biens   Giffen.  Autrement  dit,   ces  biens  dont   la  demande  augmente  quand   le   revenu  baisse   et   que   le  consommateur  est  tiré  vers  le  bas.    

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5  )  Société  dangereuse  où  le  peu  d'ethos  (  Max  Weber  )  de  certains  les  conduit  à  étaler  un  effet  Veblen   :  celui  qui  concerne  les  biens  dont   la  demande  augmente  d'autant  plus  que  leur  prix  augmente    (  voitures  de  grand  luxe,  produits  Lvmh,  etc  ).  6  )    Société  en  transition  délicate  par  le  brassage  des  populations  survenu  en  30  ans  et  qui   mérite   d'être   lu   à   travers   des   analyses   d'Emile   Durkheim   et   d'autres   tenants   de  l'acculturation.  (  partage  des  cultures  et  mixité  sociale  ).  7  )    Société  démocratique  où  la  "  logique  de  l'action  collective  "  (  Mancur  Olson  )  pousse  certaines  structures  représentatives  à  s'émanciper  du  message  initial  de  leurs  mandants  pour  se  tourner  vers  une  logique  bureaucratique  propre.  

8  )      Société  politique  où  il  y  a  plus  de  chances  de  rencontrer  un  disciple  d'Alain  Madelin  ou   Jean-­‐Michel   Fourgous   que  William  Beveridge   ou  Bismarck   (   en   première   période   :  lois  sociales  ).  

9  )      Société  d'ensemble  où  le  "  Paradoxe  d'Anderson  "  va  altérer  la  portée  des  mesures  du  Président  Hollande  en  matière  d'éducation.  Rappelons  qu'il  s'agit  de  travaux  réalisés  par  Charles  Anderson  en  1961  qui  avait  démontré  que   le   fait  d'obtenir  un  diplôme  de  rang   supérieur   à   celui   de   ses   parents   ne   garantit   pas   d'acquérir   un   statut   socio-­‐professionnel  supérieur.  Ce  blocage  de  cette  mobilité  ascendante  est  souvent  nommé  la  panne  de   l'ascenseur  social  et   il  englobe  aussi  bien   les  exclus  du  système  (  qui  sortent  non  diplômés  )  que  ceux  qui  ont  réussi  (  Bac  +  5  travaillant  dans  un  fast-­‐food  ou  en  tant  que  coursier  ).  

10   )    Nous  nous   interrogeons  sur   la  pertinence  de   la  Loi  de  Verdoorn  qui  pose  que   la  croissance   économique   est   à   l'origine   des   gains   de   productivité   et   non   l'inverse.  Autrement   dit,   tout   un   pan   de   certitudes   économiques   serait   à   revisiter   comme  l'indiquait  l'article  de  Frédéric  Lemaître  dès  le  5  Septembre  2009  dans  Le  Monde.  11  )    A  l'heure  où  des  formes  spéculatives  attaquent  l'euro,  nous  sommes  très  intéressés  par  les  travaux  rigoureux  de  Richard  Thaler  mais  aussi  de  Daniel  Kahneman  en  matière  de   finance  comportementale  et  d'application  de   l'hédonisme  aux  choix  des  opérateurs  de  marché.  

12  )    Enfin,    dans  une  société  de  plus  en  plus  imprévisible  où  l'immaîtrisable  se  dresse  souvent  face  à  nous,  il  convient  de  lire  posément  "  Morale  et  chaos  "  de  Pierre  Caye  dont  certaines  pistes  semblent  –  selon  notre  entendement  –  fructueuses.  

Ces  douze  pistes  de  réflexion  permettront  aux  professionnels  de  l'économie  de  situer  le  cercle  dans  lequel  s'insère  notre  volonté  de  recherches  futures  et  notre  réflexion.  

En   conclusion   de   ces   prolégomènes,   nous   émettons   une   parole   à   valeur   –   après  d'intenses  réflexions  –  de  postulat  :  

La  crise  est  là.  Elle  apporte  détresses  et  difficultés  autant  que  perspectives  d'un  nouveau  monde.  Si  le  cycle  Juglar  se  vérifie,  nous  avons  entre  quatre  à  sept  ans  d'épreuves  :  peut-­‐être  pas  sept  ans  de  malheurs  mais  sept  ans  d'angoisses.  

Ce  n'est  jamais  bon  que  des  millions  de  gens  aient  peur  de  demain  et  perdent  la  foi  dans  l'idée  du  progrès  humain  décrit  par  nos  amis  des  Lumières  et  par  leurs  successeurs.  

Vite,  que  les  politiques  fassent  jaillir  l'arc-­‐en-­‐ciel  que  le  peuple  espère  tant  !        

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Comment  aborder  ce  livre  ?        Par  la  liberté....    Depuis   des   années   la   vie   économique   et   sociale   –   essentiellement   de   notre   Continent  européen  -­‐  m'a  fait  prendre  des  notes  et  griffonner  des  idées  éparses.  

Sur   la   suggestion   insistante   de   quelques   amis,   l'écriture   s'est   mise   en   marche  récemment  notamment  du  fait  de  cette  crise  économique,  monétaire  et  sociale  qui   fait  souffrir  tant  de  personnes.  

Cette   crise   est   une   inflexion  de   trajectoires   :   elle   brise   les   rêves   du   jeune  ménage  qui  allait  s'installer  et  acquérir  sa  première  maison,  elle  est  un  foyer  de  stress  aigu  pour  le  travailleur  et  pour  l'entrepreneur,  elle  est  un  vecteur  d'inquiétudes  pour  les  anciens  qui  sont   légitimement   soucieux   de   l'avenir   de   leur   descendance   tout   autant   que   de  l'évolution  de  leurs  retraites.  

Face  à  cette  crise  qui  érode  tant  de  projets  de  vie,  des  contributions  économiques  ont  été  élaborées  et  diffusées  via  des  sites  web  –  que  je  tiens  à  remercier  pour  leur  confiance.  

Beaucoup   réfléchissent   en  matière  de   sciences   économiques   et   sociales   :   notre   option  est  la  fidélité  à  notre  ancien  Professeur,  le  regretté  Raymond  Barre,  qui  parlait  d'abord  d'économie  politique.  Chacun  comprend  qu'il  ne  s'agit  pas  là  d'une  nuance  sémantique  mais  d'une  représentation  différente  des  questions  à  résoudre,  d'un  paradigme  distinct  face  aux  mêmes  faits.  

Parallèlement,   nombre   d'études   sont   la   résultante   de   traitements   statistiques   parfois  dignes  du  suivi  d'un  audimat  télévisuel.    Pour   notre   part,   nous   posons   que   l'économie   politique   contemporaine   doit   avoir    l'histoire  triplement  au  cœur  de  sa  démarche.    D'abord,  Fernand  Braudel  et  d'autres  ont  démontré  avec  talent  et  conviction  qu'il  existe  des  séries  longues,  des  faits  pluri-­‐décennaux  et  qu'il  faut  donc  savoir  lever  les  yeux  pour  voir  loin.    Puis,   l'histoire   est   peuplée   de   penseurs   dont   tous   ne   sont   pas   à   écarter   des  problématiques  actuelles.  Certains  livres  ont  vu  leur  papier  jaunir  mais  l'encre  ne  s'est  pas  ternie  et  demeure  parfois  un  lieu  d'interrogations  fertiles.  Relire  Condillac  a  plus  de  portée  que  bien  des  newsletters  d'économistes  réputés  ou  médiatiquement  reconnus.  

Enfin,   l'histoire   est   là   sous   nos   yeux   :   cette   crise   est   de   nature   historique   par   son  ampleur,   sa   vigueur   et   sa  durée.  Elle   condamne  à   réfléchir   sur   son   sens  historique  en    gardant  en  mémoire  –  face  aux  souffrances  –  le  mot  de  Victor  Hugo  :  "  L'histoire  a  pour  égout  des  temps  comme  les  nôtres  ".  (  in  Les  Châtiments  ).  Ancien   élève   et   disciple   du   Doyen   Henri   Bartoli   en   Sorbonne,   le   fait   social   imprègne  notre   réflexion   et   ce   Professeur,   de   surcroît   Juste   parmi   les   Nations,   aura   largement  contribué  à  développer  cette  dimension  de  nos  approches.  

Ces   libres   contributions   économiques   sont   marquées   du   sceau   de   la   liberté   :   de   leur  auteur  dont   la  plume  est   indépendante  et  du   lecteur.  Chaque  partie   est  détachable  du  moins  en  apparence  car  l'examinateur  attentif  pourra  y  voir  un  fil  rouge,  une  amorce  de  pensée  structurée.  

Une  séquence  de  six  premières  contributions  est  dédiée  aux  banques  dont  nul  ne  saurait  vider  de  son  sens  leur  responsabilité  dans  la  crise  de  2008.  

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Plusieurs  angles  d'approche  seront  offerts  au  lecteur  qui  pourra  ainsi  prendre  du  recul  face  à  une  question  désormais  polémique  (  "  la  faute  aux  banques  "  ?  )  et  toujours  placée  en  zone  critique.  Si  l'on  devait  interroger  l'homme  ou  la  femme  de  la  rue,  leur  vision  de  la  crise  passerait  essentiellement   par   les   difficultés   du   pouvoir   d'achat,   la   hausse   des   prix   et   les  délocalisations   :   à   cet   effet,   le   lecteur   trouvera   une   contribution   sur   les   salaires   en  France,   une   dédiée   au   "   made   in   France   "   notion   pleine   de   faux-­‐sens   et   deux   autres  contributions  d'ordre  conjoncturel  dont  une  traite  du  retour  inexorable  de  l'inflation.  Trois   autres   contributions   évoqueront   avec   une   certaine   gravité   les   chantiers   de   la  Présidence   de   la   République   de   2012   et   le   nécessaire   réexamen   de   la   politique  économique.  Trois  contributions  traiteront  de  professions-­‐clefs  au  milieu  de  cette  crise  :  les  avocats  et  les  commissaires  aux  comptes.  Elles  sont  en  première  ligne  de  la  gestion  des  difficultés  des  PME  (  difficultés  contractuelles,  plans  sociaux,  procédure  d'alerte  ).  

Une  dernière  série  de  trois  contributions  visera  à  aborder  la  situation  de  l'industrie,  de  la   crise   et   de   ses   itérations   et   enfin   de   l'usage   toujours   risqué   des   métaphores   en  Economie.  

Il  sera  alors   temps  d’évoquer  des  questions  de  gestion  publique  notamment   le  rôle  du  Parlement  face  à  la  dépense  publique  et  l’effet  boomerang  de  la  ponction  fiscale  décidée  pour  2013.  

En  guise  de  conclusion  ouverte  et  provisoire,  il  sera  soumis  au  lecteur  un  texte  qui  traite  de   la   rémanence   de   cette   crise   et   de   son   influence   durable   sur   nos   choix   collectifs   et  individuels  de  demain.  

Enfin,  très  sensible  à  la  question  des  Libertés  publiques,  ce  livre  comportera  une  Annexe  unique  concernant  les  lignes  d'alerte  éthique    (  "  whistleblowing  "  )  et  la  C.N.I.L  

La  question  des  Libertés  publiques  a  hélas  de  beaux  jours  devant  elle  et  nous  faisons  le  serment   de   nous   y   consacrer   dans   la   mesure   de   nos   moyens   face   aux   risques   des  nouvelles  technologies  ou  autres  paramètres.  

"   Au   train   où   vont   les   choses,   bientôt,   la   seule   liberté   qui   nous   sera   tout   à   fait  indispensable  sera  la  liberté  de  la  réclamer  "  

Marcel  Jullian,    in  "  Courte  supplique  au  Roi  pour  le  bon  usage  des  énarques  ".  Mazarine.  

 Avec  l'expression  de  mon  dévouement,    Mars  2013.  

   

 

   

 

 

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Sommaire  :      

LA  QUESTION  BANCAIRE  :  

 I        Réflexions  sur  la  crise  bancaire  :    les  banques  ne  sont  pas  mortelles  mais  blessées    II      Quatre  ans  après  :    désarroi  et  maintien  de  l'industrie  bancaire    III    L'indispensable  reconstruction  des  banques  privées    IV    Les  banques  d'affaires  :      "  Prendre  un  bouton  pour  en  faire  un  costume  "    V        Banques  :  sérieux  dangers  et  péril  possible    VI    LIBOR  :  Un  îlot  de  pertes  dans  un  océan  de  profits      CINQ  QUESTIONS  D'ACTUALITE  :    VII    La  délicate  question  des  salaires  en  France    VIII    "  Made  in  France  "  :    gare  aux  faux-­‐sens    IX      Conjoncture  économique  :    où  en  sommes-­‐nous  ?    X          Le  boulevard  de  la  Slumpflation    XI      L'inexorable  retour  de  l'inflation        ETAT    ET    POLITIQUE    ECONOMIQUE  :    XII      Le  Président  du  15  Mai  :    labeur  et  épreuves    XIII      Politique  économique  et  attractivité  :    un  duo  gagnant    XIV      Revisitez  d'urgence  la  politique  économique  !    XV      PEUGEOT  et  la  Nation    XVI    Le  Parlement  et  les  milliards  de  l’évaluation  publique    XVII    La  pression  fiscale  de  2013  et  l’effet  boomerang      

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DES  INTERVENANTS  AU  COEUR  DE  LA  CRISE  :    XVIII    L'avocat  d'affaires  :    le    vent    en    poupe    XIX      Les  avocats  pénalistes  :    un  bien  pour  le  mal  ?    XX        Le  commissaire  aux  comptes  et  ses  sept  défis      INDUSTRIE,    ITERATIONS  DE    LA    CRISE,    METAPHORES    EN    ECONOMIE  :    XXI      L'Europe  a  tiré  une  balle  dans  le  pied  de  notre  industrie    XXII    La  crise  et  ses  itérations  contradictoires  :  un  vrai  danger  !    XXIII    De  l'usage  risqué  des  métaphores  en  Economie      EN  GUISE  DE  CONCLUSION  :      XIV    Crise  et  rémanence      ANNEXE  :    LIBERTES  PUBLIQUES    La  C.N.I.L  face  à  un  risque  de  QPC  :  où  se  dira  le  droit  ?                                                  

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-­‐  I  -­‐  

Les  banques  ne  sont  pas  mortelles  mais  blessées  :                                                                                risque  systémique  surévalué,  autres  risques  négligés...  

   

Feu   le   Sénateur   Etienne   DAILLY   –   dont   les   bordereaux   sont   familiers   à   bien   des  employés  de  banque  –  avait  eu  de  nombreuses  occasions  de  répéter  en  grande  sagesse  au  Gouverneur  Bernard  CLAPPIER  (  Banque  de  France  )  que  la  confiance  bancaire  était  une  matière   délicate   :   qu'il   convenait   que   l'architecture   du   système   bancaire   national  soit  en  cohérence  avec  les  besoins  de  l'économie.    

Celle  que  l'on  appelle,  selon  un  terme  rapide  et  impropre,  l'économie  réelle.  Comme  si  le  secteur  tertiaire  financier  n'était  pas  une  activité  économique  tangible  comme  pourrait  le  démontrer  un  stagiaire  de  l'I.N.S.E.E.  

L'objet  de  notre  propos  est  de  considérer  que   le  risque  dit  systémique  (  de  défauts  en  chaîne  d'établissements   )   est   largement   surévalué   consécutivement   à   la  peur  de  2008  directement  et  légitimement  issue  de  la  faillite  de  LEHMAN  BROTHERS.  

Tout   d'abord,   l'enseignement   d'évidence   de   2008   est   qu'aucun   haut   décideur   public  occidental  ne  prendra  le  risque  de  laisser  choir  une  banque  tant  les  entrelacs  des  unes  avec   les  autres  peuvent  engendrer  un  véritable  séisme.  La   leçon  a  été  assez  rude  pour  que  le  coup  de  dés  ne  soit  plus  tenté  même  en  cas  de  conseils  insistants  d'un  concurrent  de  la  future  victime  du  lâchage...  

Puis,   le  monde  a   changé  avec  cette  dure  et   satanée  crise   :   les  décideurs   sont  en  passe  d'apprendre   une   certaine   prudence   et   d'éviter   les   engagements   hors-­‐bilan   aux  configurations   incertaines   de   même   que   les   financements   croisés   aux   débouclages  hasardeux.  Enfin,  les  Régulateurs  publics  sont  à  l'œuvre  avec  minutie  et  méthode  ce  qui  est  un  gage  de  dilution  progressive  de  l'intensité  du  risque  systémique.  Incontestablement.  L'espace   nous  manque  pour   un   développement   assez   consistant  mais   nous   suggérons  vivement  aux  lecteurs  de  relire  "  L'Europe  financière  de  demain  "  de  la  très  estimée  Alice  Pezard  (  Cour  de  Cassation  )  et  notamment  les  sections  où  elle  évoquait  les  risques  de  la  titrisation....en  1995.  

Par   bien   des   aspects,   le   risque   systémique   en   Occident   nous   semble   dorénavant   un  risque  mais  un  process  de  dimension  maîtrisable.  De  surcroît,  un  détour  par  le  droit  des  affaires  s'impose.  

Toute   entité   commerciale   est,   par   essence,   soumise   aux   risques   de   cessation   des  paiements.   Toutes   ?     Est-­‐on   certain   que   lors   de   la   réunion   de   crise   entre   Messieurs  

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Bouton  et  autres  et  notre  camarade  le  Gouverneur  Christian  Noyer  lors  de  l'affaire  dite  Kerviel   une   cessation   des   paiements   de   la   Société   Générale   ait   été   sérieusement  envisagée  ?      Il  est  des  moments  dans  l'histoire  des  pays  où  la  notion  de  solidarité  de  Place  existe  et  il  faut   relier   cet   état   de   faits   parfaitement   vérifiable   à   la   quantification   du   risque  systémique.  Les  banques  ont  donc  un  statut  particulier  qui  nuance   la  rédaction  de   leurs  Statuts  au  chapitre  usuel  "  Dissolution  –  Liquidation  ".  Selon  notre  analyse  –  seulement  évoquée  ici  -­‐,  nous  affirmons  que  les  banques  ne  sont  pas  mortelles.    NATIXIS  l'esquisse.  DEXIA  et  sa  future  nationalisation  le  démontre  avec  éclat  et  quelques  fracas.    

Si  elles  ne  sont  pas  mortelles  frontalement  comme  un  simple  sous-­‐traitant  de  l'industrie  automobile,  les  banques  n'en  sont  pas  moins  blessées.  

En   premier   lieu,   elles   sont   blessées   car   la   confiance   inter-­‐bancaire,   clef   de   voûte   du  système  moderne,  est  atteinte.  Probablement  durablement  ce  qui  n'est  pas  un  facteur  de  croissance  mais  une  grave  déséconomie  externe  dans  l'allocation  du  capital.  

Deuxièmement,   les   banques   sont   blessées   par   des   contraintes   de   rentabilité   qui  s'ajoutent  à  la  délicate  question  des  exigences  en  fonds  propres.  Selon  nous,  les  années  à  venir   vont   voir   l'hémorragie   du   produit   net   bancaire   (   notamment   du   fait   de   la  dégradation  de  la  qualité  des  créances  détenues  )  et  la  coagulation  des  regards  vers  les  questions  de  haut  de  bilan  et  questions  Bâlistiques.  

Troisièmement,   les   banques   opèrent   ici   ou   là   des   saignées   dans   leurs   effectifs   ce   qui  posera   à   terme   des   questions   de   niveau   de   qualité   du   service   rendu.   Or   la   qualité   de  service   est   primordiale   dans   le   tertiaire   comme   l'a   souvent   démontré   et   écrit   le  publicitaire   David   Ogilvy.   Là   encore,   le   produit   net   bancaire   sera   effrité   après   une  illusion  d'amélioration  liée  à  la  compression  de  personnels.  

Quatrièmement,   les   banques   suscitent   une   immense   méfiance   du   public   et   des  réticences  de   leurs  Clients.   Les   frais   sont   jugés  excessifs,   la   sécurité  des  dépôts  est   en  filigrane  de  bien  des  inquiétudes  et  le  produit  de  l'épargne  est  parfois  englouti  –  en  ces  temps  de  bourrasque  sur  les  marchés  –  au  détriment  de  tous  les  profils  de  gestion.  

Ce  point  nous  semble  crucial  car  il  conduit  les  Clients  à  être  multi-­‐bancarisés  (  effet  de  protection  )  ce  qui  nuit  à  la  taille  unitaire  de  leur  surface  dans  un  Etablissement  donné  donc  à  leur  rentabilité  nette.  Dernier  point,   les   banques   sont   blessées  dans   leur  noblesse  de   fonctionnement   :   elles  sont  devenues  le  bouc  émissaire  d'un  monde  pressé  et  superficiel  qui  a  oublié  La  Fable  des  Abeilles  de  Mandeville  sur  le  vice  et  la  vertu.  Durablement,  les  banques  vont  se  voir  imputer  un  chapeau  encore  plus  large  que  celui  que  le  Président  Mitterrand  arborait  à  la  Conférence  de  Cancùn  en  1982......  

Ce   n'est   pas   satisfaisant   au   plan   de   l'histoire   économique,   c'est   périlleux   pour   qui  cherche  à  retrouver  les  chemins  de  la  croissance  économique.  

 

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Ultime  point  qui  aura  valeur  de  conclusion  provisoire  –  tant  la  matière  est  mouvante  –  il  convient  de  se  poser  une  véritable  question  d'Economie.    

La  mondialisation  est  caractérisée  par  la  mobilité  du  facteur  capital  et  par  sa  capacité  à  se   localiser   là  où   la  combinaison  productive  est  sinon  optimale  du  moins  optimisée  en  apparence   (   risque   de   sous-­‐estimation   des  malfaçons,   coûts   complets   de   la   logistique  mal  appréhendés,  etc  ).  Parallèlement,   l'époque  présente  est   caractérisée  par   la  mobilité   intense  et   véloce  des  capitaux   sur   laquelle   le   Président   français   tente   d'avoir   prise   dans   l'intérêt   de   ses  concitoyens.    

Suite   à   une   controverse   issue   des   travaux   de   Feldstein   et   Horioka,   l'idée   d'une  intégration  croissante  des  marchés  de  capitaux  nationaux  a  été  remise  en  cause.  A  l'heure  où  des  effets  d'éviction  viendront  des  conditions  du  refinancement    des  dettes  souveraines,   nous   sommes   convaincus   que   le   système   bancaire   va   être   soumis   à   un  mouvement   de   concentration   d'une   véritable   intensité   voire   d'une   brutalité   sans  ambages.  

Comme   l'aurait   pensé   Dominique   de   La   Martinière   (   auteur   d'un   raid   avorté   sur   la  Banque  STERN  il  y  a  plusieurs  décennies  ),  il  "  va  y  avoir  des  coups  à  faire  pour  certains  et  des  coups  à  prendre  pour  les  autres  "  (  sic  ).                                                              

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-­‐  II  -­‐  

Quatre  ans  après  :  désarroi  et  maintien  de  l’industrie  bancaire.        Quatre   années   après   la   crise   de   2008,   l'industrie   bancaire   rencontre   des   foyers   de  désarroi  (  relations  clients,  normes  comptables,  etc  )  et  une  obligation  de  maintien  car  il  n'est  pas  pensable  de  réaliser  une  réforme  d'envergure  transnationale  et  simultanée.  Le  phasage  calendaire  du  projet  d’Union  bancaire  européenne  le  montre  :  nous  sommes  dans  un  secteur  à  digestion  lente  (  voir  futurs  retards  d’applications  de  Bâle  III  ).      Il   est   usuellement   admis   en   sciences   humaines   que   l'individu   impressionné   par   une  information  d'envergure  garde  un  souvenir  fidèle  et  précis  de  l'instant.  Il  en  va  ainsi  de  l'assassinat  du  Président  Kennedy,  du  premier  pas   sur   la  Lune  et  plus   récemment  des  attentats  de  Septembre  2001,  il  y  a  presque  dix  ans.  

 En  économie,  cette  capacité  à  mémoriser  notre  localisation  est  un  phénomène  fort  rare  et   généralement   limité   à   la   sphère   monétaire   :   ainsi,   les   citoyens   se   souviennent  généralement  bien  de  ce  qu'ils  "  faisaient  "  au  moment  de  l'annonce  d'une  dévaluation.    Il  n'est  donc  pas  infondé  d'observer  –  à  titre  introductif  -­‐  que  les  évènements  bancaires  de  Septembre  2008  ont  marqué   l'opinion  et  que   le  risque  systémique  a  bel  et  bien  été  perçu   par   des   millions   d'épargnants   et   d'acteurs   économiques   qui   se   sont   quasi-­‐simultanément  posé  les  mêmes  questions  :  Que  faudrait-­‐il  faire  ?  Que  dois-­‐je  décider  hic  et  nunc  ?    Sans  la  confiance  en  la  signature  des  Etats  dispensateurs  de  garanties,  nous  savons  tous  que  des  milliers  de  gens  n'étaient  pas  loin  de  basculer  vers  l'irrationnel  :  depuis  les  files  d'attente  devant  les  banques  de  dépôt  jusqu'à  des  micro-­‐décisions  qui  auraient  relevé  de  l'absurde.    Par   la   matière   première   qu'elle   a   pour   mission   de   traiter   et   de   pétrir,   l'industrie  bancaire   est   donc   –   qu'on   le   veuille   ou   non   –   une   agrégation   hétéroclite   d'opérateurs  économiques  singuliers.      Par   l'ampleur   des   relations   inter-­‐établissements,   sorte   d'immense   linkage   croisé   cher  aux   biologistes,   elle   constitue   un   réseau   spécifique   érigé   au   rang   mal   nommé   de   "  

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système  "  financier  là  où  il  n'y  a  que  suite  et  empilement  de  décisions  aboutissant  à  une  construction  disparate.  Traiter  ce  pan  de  la  question  en  utilisant  la  notion  de  système  revient  à  présupposer  un  ordre,  une  cohérence  là  où  il  n'y  a  en  réalité  qu'une  suite  d'initiatives  privées  (  et  parfois  publiques  )  qui  matérialisent  in  fine  l'existence  d'un  secteur  économique.    Ce  point  n'est  pas  d'ordre  sémantique,  il  est  intrinsèquement  analytique  et  porte  en  lui  –  au-­‐delà   de   ce   rapide   énoncé   –   les   raisons   des   limites   actuelles   des   actions   des  régulateurs  publics.      

 Comment   contrôler   un   secteur   mal   identifié,   mal   "   détouré   "   sous   prétexte   d'une  taxinomie   erronée   ?   Comment   réguler   un   secteur   objectivement   truffé   d'asymétrie  d'informations  et  de  montages  comptables  à  visée  excessivement  exonératrice  ?    Pourquoi  écarter  les  avancées  de  la  méso-­‐économie  là  où  les  approches  systémiques  ne  sont,  en  réalité,  que  guère  opérantes  ?  

 Pourquoi  se  fonder  sur  des  présentations  de  comptes  fréquemment  dérogatoires  du  fil  commun  mais  dépassées  par  les  réalités  des  exploitations  ?  

 Qui  ne  voit  que  le  débouclage  des  positions  de  Lehman  brothers  –  qui  prendront  selon  les  experts,  a  minima,  plusieurs  années  –  ne  sonne   le  glas  des  espoirs  des  contrôleurs  publics  quotidiennement  inondés  par  le  véritable  flot  d'écritures  comptables  et  les  flux  financiers  permanents  que  ceux-­‐ci  sont  censés  refléter  ?    Face  à  ce  besoin  de  refondation  en  amont  du  démarrage  de  l'analyse  (  du  raisonnement  hypothético-­‐déductif  cher  aux  économistes  ),   il  nous  paraitrait  vraiment  approprié  que  les   Pouvoirs   publics   ne   soient   pas   plus   longtemps   abusés.   En   effet,   que   la   profession  bancaire   soit  organisée  pour   la  défense  de   ses   intérêts   immédiats  et  qu'une  pyramide  puisse   être   factuellement   établie   à   la   lecture   des   poids   relatifs   des   bilans   des   grands  établissements  est  un  point  à  concéder.  Ceci  ne  permet  toutefois  pas  intellectuellement  (  ou  statistiquement,  etc  )  de  conclure  à  l'existence  d'un  système.    Cette   première   approximation   –   hélas   fort   répandue   et   commode   –   pollue   l'action  publique  et  altère   la  portée  opérationnelle  de   la  régulation   :   j'en  suis  personnellement  convaincu  depuis  des  années  (  cf.  Tribune  libre  dans  ENA-­‐mensuel  d'Avril  1993  ).    Fort  de  ce  premier  constat  brièvement  énonçé  –  constitutif  de  ce  que  Madeleine  Grawitz  nommait  en  sciences  sociales  une    "  réification  "  -­‐,  il  convient  de  dresser  un  état  des  lieux  à  la  fin  de  2011  suivant  trois  temps  forts.       1  )  Tout  d'abord,   les  banques  sont  pour   longtemps  dans  un   lien  délicat  avec   la  notion   de   confiance.   Les   enquêtes   d'opinion   rapportent   l'ampleur   de   la   césure   et   le  slogan  "  la  crise  c'est  eux  mais  c'est  nous  qui  la  payons  !  "  ne  cesse  de  prospérer  tel  un  poison  dont  l'anti-­‐démonstration  relève  de  la  gageure.    Les   épargnants   –   incontestablement   atteints   –   en   viennent   à  mélanger   un  peu   tout   et  confondent  parfois   leurs  pertes  objectives  sur   les  marchés  boursiers  avec   le   risque  de  banqueroute   financière   que   le   monde   a   sérieusement   croisé   il   y   a   quatre   ans.   Ils  

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stigmatisent   leur   conseiller   d'agence   en   omettant   que   le   plus   jeune   étudiant   en   droit  pourrait  leur  confirmer  l'abîme  tangible  qui  existe  entre  l'effective  obligation  de  moyens  et   la   non-­‐contractuelle   obligation   de   résultats.   Confrontés   au   risque   absolu   qu'aurait  représenté   une   crise   d'illiquidité   de   plusieurs   banques,   les   épargnants   désormais  rassurés  par  la  garantie  publique  opportunément  apportée  se  sont  à  nouveau  focalisés  sur  l'évaporation  des  rendements  de  leurs  actifs,  sur  le  "  return  "  qu'ils  escomptaient  de  leurs  stocks  d'épargne.    Si  les  banques  doivent  de  facto  œuvrer  pour  restaurer  la  confiance  de  leurs  clients  (  voir  exemples   espagnols   dont   Bankia   ou   franco-­‐belge   Dexia),   ces   derniers   ne   doivent   pas  céder  à  des  assimilations  de  comptoir  qui  n'ont  rien  à  voir  avec  les  liens  contractuels  et  commerciaux  qui  ont  été  effectivement  tissés.    Sur  ce  sujet  où  le  vent  est  favorable,  le  mutisme  de  l'industrie  demeure  surprenant.    Il   y   aura  des   améliorations   car   le   temps   a   –   ici   comme  ailleurs   –   des   vertus   curatives  mais  les  décideurs  des  établissements  financiers  savent  in  concreto  –  dans  leurs  livres  -­‐  le  coût  du  doute  des  clients  et  leur  appétence  chaque  jour  plus  installée  pour  les  litiges  dans  des  sociétés  occidentales  où  cette  tendance  est  relevée  dans  de  nombreux  secteurs  économiques.       2  )  Par-­‐delà  cette  confiance  émoussée  (  cf.  l'augmentation  d'ores  et  déjà  décelable  des   montants   de   la   monnaie   fiduciaire   :   "   cash   is   back   in   the   race   "   )   et   désormais  soumise  à  forte  conditionnalité,  les  banques  ont  un  quadruple  défi  interne.    Premier  côté  de  ce  carré  pour  l'instant  périlleux,  la  crise  a  révélé  le  véritable  format  de  l'échelle   des   rémunérations   au   sein   des   établissements.   Pour   ceux   des   personnels   qui  sont  en  mesure  de   l'accepter,   cette  échelle  des  gains  demeure  choquante  car  chacun  a  bien  compris  qu'elle  n'est  nullement  couplée  avec  une  échelle  de  responsabilités  en  cas  de  mise  en  péril  de  l'exploitation.      Sur  ce  sujet,  il  faut  avancer  avec  prudence  et  veiller  à  la  méthode  d'analyse.  Ainsi,  il  n'y  a  pas   que   dans   le   secteur   bancaire   que   les   virtuoses   de   l'essor   commercial   sont   très  rétribués   sans   pour   autant   avoir   une   échelle   de   responsabilités   comme   celle   qui   est  usuellement  dévolue  par  le  droit  des  affaires  au  mandataire  social.      Au   prix   de   modifications   de   formes   organisationnelles   évidemment   admissibles   et  gérables,   l'industrie   bancaire   pourrait   aisément   élargir   le   nombre   de   ses  mandataires  sociaux  dans  le  but  avoué  d'une  diffusion  de  la  responsabilité.    Cette   extension   numérique   –   que   les   Pouvoirs   publics   pourraient   quant   à   eux   sans  difficultés   majeures   requérir   –   permettrait   ainsi   d'intégrer   les   rémunérations   –   par  exemple  des  traders  –  sous  le  coup  des  dispositions  de  l'article  L  225  –  102  –  1  du  Code  de  commerce  (  traitant  du  Rapport  annuel  sur  les  rémunérations  et  avantages  )  dont  on  observera   au   demeurant   que   leur   respect   est   soumis   à   attestation   (   en   exactitude   et  sincérité  )  des  commissaires  aux  comptes  depuis  la  promulgation  du  décret  de  2006.  (  D.  2006  –  1566  du  11  Décembre  2006,  article  54  ).    

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Notre   proposition   a   certes   un   impact   organisationnel   à   calibrer   (   créations   de   filiales  thématiques   dédiées   entrainant   la   création   de   mandats   sociaux   )   mais   peut   être  déployée  à   strict  droit   constant   ce  qui   constitue  un  atout   au   regard  de  deux  éléments  bien  identifiés  :  d'une  part,  l'encombrement  parlementaire    post-­‐présidentielle...  )  du  fait  d'autres  réformes  à  mettre  en  œuvre,  d'autre  part,  la  nécessaire  recherche  d'une  quote-­‐part  maximale  de  stabilité  des  situations  juridiques.  Si  décisions  il  y  a  dans  le  secteur  bancaire,  notre  analyse  nous  conduit  à  énoncer  qu'elles  seront   tôt   ou   tard   transposées   à   d'autres   secteurs   ce   qui   n'altère   pas   la   faisabilité  opérationnelle  de  la  proposition.  

 Une  certitude  demeure  ancrée  :  ce  n'est  pas  le  montant  nominal  des  rémunérations  qu'il  faut   soumettre   à   la   toise,   c'est   l'exposition   au   risque   que   l'exercice   irrationnel   d'un  métier  fait  courir  à  l'ensemble.  

 Deuxième  côté  du  carré  actuellement  funeste,  la  crise  a  révélé  à  quel  point  la  hiérarchie  la   plus   ultime   des   établissements   bancaires  méconnaissait   le   fonctionnement   concret  des  salles  de  marché  et  leur  évolution  récente.  Pour  ne  pas  dire  plus.    Il  est  hélas  inutile  de  développer  ce  point  car  la  sagacité  du  lecteur  est  ici  présupposée  voire   postulée   et   que   nous   sommes   assez   nombreux   à   conserver   en   mémoire   des  déclarations  publiques  de  dirigeants  qui  suffisent  à  nourrir  notre  affirmation  à  valeur  de  strict  rappel  sur  un  mode  retenu.    

 Nous   serions   heureux   de   pouvoir   intellectuellement   nous   en   abstenir  mais   comme   se  plaisait  à  le  rappeler  Jacques  Delors  dans  d'autres  circonstances  financières  –  elles  aussi  difficiles  -­‐  :  les  faits  sont  têtus…    D'ailleurs,  il  serait  pour  le  moins  contradictoire  de  nier  cette  réalité  car  cela  reviendrait  à   dire   que   les   dirigeants   avaient   pleine   conscience   des   risques   encourus,   de   ce   que  j'appelle   le   cordeau   Bickford   constitué   par   le   poids   et   le   contenu  mutuellement   sans  cesse  croissants  des  engagements  hors-­‐bilan  des  établissements.    Il   y   a   eu   de   lourdes   erreurs   que   les   soutiens   publics   vont   aider   à   gommer   dans   des  silences  lourds  de  sens  car  les  parties  en  présence  n'ont  guère  d'autres  choix.    La  question  qui  demeure  ouverte  pour  l'acteur  public  et  pour  les  historiens  à  venir  de  la  sphère  financière  est  celle  du  degré  exact  ET  préalable  de  connaissances  du  volume  des  risques.  Par  obligation  et  fort  de  notre  expérience  d'ancien  commissaire  aux  comptes,  il  nous   revient   ici   de   rappeler   que   le   mandataire   social   doit   rechercher   la   continuité  d'exploitation  et  ne  pas  déroger  aux  règles  que   le  Doyen  Pierre  Bézard  a  nommé  avec  netteté  dans  plusieurs  ouvrages  (  et  jurisprudences…)  la  loyauté  du  dirigeant.    Il  serait  de  bonne  intelligence  que  les  décideurs  de  l'industrie  bancaire  gardent  présent  à   l'esprit   le   vaste   soupçon   de   baraterie   qui   plane   sur   leur   gestion   dans   la   dernière  période.  Comme  toute  soupçon,  il  charrie  ses  vérités  et  ses  excès  outranciers.    Troisième   côté   du   carré,   les   banques   sont   en   dernier   ressort   face   à   une   crise   de  rentabilité  que  les  états  de  synthèse  de  leurs  profits  ont  parfois  tendance  à  sous-­‐refléter  voire  à  occulter.    

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 Pour  le  grand  public,  la  messe  est  dite  et  les  banques  font  à  nouveau  des  "  sous  ".    

 Pour  qui  prend  le  temps  et  le  soin  de  lire  des  états  comptables  récents,   la  situation  est  nettement  plus  contrastée  ce  qui  a  une  conséquence  méta-­‐sectorielle  que  notre  estimé  ancien  confrère  René  Ricol    a  affronté  durant  de  longues  semaines  dans  ses  fonctions  de  Médiateur   du   crédit.   L'économie   va   être   confrontée   pour   une   période   longue   à   une  sélectivité  accrue  des  banquiers  prêteurs  directement  découlée  de  leur  crise  interne  de  rentabilité.  Ceci  dans  un  contexte  où  le  refinancement  régulier  et  accentué  des  Etats  ne  manquera  pas  de  provoquer  des  effets  d'éviction   (   "   crowding-­‐out   "   )   sur   les  marchés  financiers  d'où  des  tensions  durables  en  matière  de  dettes  souveraines.  

 A  ce  stade,  j'ignore  si  l'analyse  économique  sera  en  mesure  d'apporter  sa  contribution  à  la   crise   d'efficience   allocative   des   banques   mais   dans   la   mesure   où   l'importance   des  économistes   travaillant   pour   celles-­‐ci   est   connue   et   établie   (   voir   les   éminents   Jean-­‐Hervé  Lorenzi  ou  Christian  de  Boissieu  )  il  est  légitimement  permis  d'espérer.    Quatrième  et  dernier  côté  du  carré,  les  normes  comptables.       Sur  cette  question  technique  fondamentale,  souvenons-­‐nous  d'abord  avec  stricte  exactitude  et  un  rien  de  malice  entendue  que  ce  fût  Charles  de  Croisset  (  alors  Président  du   C.C.F   devenu  HSBC   France   )   le   premier   à   souligner   deux   faits   d'importance.   D'une  part,  la  sous-­‐représentation  de  la  France  voire  de  l'Union  européenne  dans  les  instances  investies  du  pouvoir  de  validation  de  la  réforme  des  référentiels  normatifs.  D'autre  part,  l'ampleur  du  big  bang  que  constituerait   l'adoption  pleine  et  entière  de   la  "   fair  value  "  alors  en  cours  de  définition  finale.  Il  ne  fût  guère  entendu  des  dirigeants  d'alors  de  notre  pays  dont  la  condescendance  vis-­‐à-­‐vis  du  chiffre  et  des  comptables  est  historiquement  et  presque  judiciairement  établie.    Le   premier   point   qui   surprend   concernant   les   normes   réside   dans   la   brutalité   du  changement   digne   d'une   "   migration   ",   d'un   basculement   cher   aux   développeurs   de  logiciels  informatiques.    

 Le  monde  a  accepté  de  quitter  –  telle  une  mue  reptilienne  –  une  rive  pour  une  autre  sans  chercher  à  quantifier  les  vertus  du  panachage  voire  du  régime  transitoire.    

 En  effet,  nous  étions  quelques  uns  à  avoir  tenté  de  murmurer  qu'il  y  aurait  pertinence  à  ce  que  les  valeurs  au  bilan  fussent  calculées  par  une  exacte  moyenne  entre  la  valeur  de  marché  et  la  valeur  historique.      Si   l'on   songe   aux   aberrations  des   immeubles   totalement   amortis   qui   valaient  un  €uro  symbolique  en  plein  Paris  haussmannien  ou  Londres  victorien,  chacun  comprend  qu'il  y  aurait  déjà  eu  un  immense  progrès  vers  la  notion  pivot  de  toute  comptabilité:  à  savoir,  l'image  fidèle.    Au   lieu   de   fidélité,   le   travail   collectif   des   normalisateurs   –   par   ailleurs   qualifiable   de  considérable   –   s'est   attaché   à   la   notion   d'exactitude   des   comptes   en   remettant   cette  quête  dans  les  seules  mains  de  la  trompeuse  appellation  de  "  fair  value  "  qui  comporte  –  

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en  creux  -­‐  en  anglais  une  connotation  subjective  qui  apparaît   lorsque  le  terme  d'unfair  est  utilisé  en  droit  ou  en  économie.    Or  là,  il  y  a  eu  recul  conceptuel  préjudiciable.    En  effet,  le  Code  de  commerce  n'introduit  à  bon  escient  aucun  lien  de  cause  à  effet  entre  les  obligations  de  régularité  et  de  sincérité  comptable  d'une  part  et  l'image  fidèle  d'autre  part.  Si  l'image  fidèle  est  effectivement  présente  (  L  123-­‐14,  alinéa  1er  ),  c'est  bien  parce  qu'elle  est  une  notion  distincte  et  exogène  aux  deux  autres  obligations.    Pour   les   professionnels   du   chiffre,   la   comptabilité   est   intrinsèquement   un   outil   où   la  technicité   va   de   pair   avec   une   dimension   conventionnelle.   Celle-­‐ci   est   quasiment  exponentielle  depuis  l'adoption  de  certaines  normes  qui  aboutissant  à  des  non-­‐sens  en  termes  de  valorisation  obligent  alors  à  des  retraitements  et  à  l'utilisation  de  modèles  par  essence  soumis  à  subjectivité  et  non-­‐universalité.    Sur  ce  point  précis  et  vraiment  décisif,  il  faut  ici  rappeler  que  l'alinéa  3  de  l'article  L  123-­‐14  du  Code  de  commerce  énonce  une  disposition  impérative  :  toute  dérogation  rendue  obligatoire  par  la  situation  de  fait  doit  être  explicitée  dans  l'annexe  des  comptes  annuels.    Rappel  du  texte  exact  :    "   Si,   dans   un   cas   exceptionnel,   l'application   d'une   prescription   comptable   se   révèle  impropre   à   donner   une   image   fidèle   du   patrimoine,   de   la   situation   financière   ou   du  résultat,   il   doit   y   être   dérogé.   Cette   dérogation   est   mentionnée   à   l'annexe   et   dûment  motivée,  avec  l'indication  de  son  influence  sur  le  patrimoine,  la  situation  financière  et  le  résultat  de  l'entreprise.  "    Autrement   dit,   le   Code  de   commerce   et   ses   prescriptions   règlementaires   attachées   ne  font  aucune  place  aux  conversations  d'antichambre  dignes  d'un  "  bargaining  "  suspect  et  posent   clairement   les   seules   règles   devant   présider   aux   travaux   d'arrêté   des   comptes  annuels.    L'image  fidèle  est  donc  la  pierre  angulaire  dont  la  pleine  validité  est  à  remettre  au  cœur  des  pratiques  des  acteurs  de  l'industrie  bancaire  et  de  leurs  Comités  d'audit....    Un  exemple  factuel  vient  étayer  cette  affirmation  au  moment  où  des  esquisses  de  quasi-­‐récession  menacent   :   les   banques   sont   les   seuls   agents   économiques   ayant   obtenu   en  France  une  dérogation  de  facto  au  principe  de  prudence  qui  régit  usuellement  les  règles  comptables.  Ainsi,  il  leur  est  possible  pour  les  seuls  titres  de  transaction  de  tenir  compte  des   moins-­‐values   potentielles   mais   aussi   des   plus-­‐values   potentielles.   Nul   besoin  d'expertise   approfondie   pour  mesurer   l'effet   d'aubaine   au   point   conjoncturel   où   nous  semblons  être.    L'image  fidèle  est  le  seul  concept  dont  la  densité  exogène  pourra  contraindre  l'industrie  bancaire  à  la  rigueur  que  l'essence  de  ses  métiers  rend  obligatoire.    Pour  citer  –  à  fin  de  plus  ample  démonstration  –  un  auteur  reconnu  des  praticiens  :    

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"  Une  activité  notable  du  banquier  est  la  prise  ou  réception  d'engagements  significatifs  (  opérations  de  hors-­‐bilan  )  sans  qu'il  y  ait  transfert  de  fonds.  Il  peut  en  découler  que  ces  engagements   ne   génèrent   pas   d'écritures   comptables   dans   les   systèmes   généraux.   La  non-­‐prise  en  compte  de  ces  éléments  peut  être  difficile  à  déceler.  "    Jean-­‐Luc  Siruguet,  in  "  Le  contrôle  comptable  bancaire  ".  (  Revue  Banque  :  page  86  ).    En   peu   de   mots,   l'essentiel   est   rapporté.   En   si   peu   de   temps   de   lecture,   on   mesure  l'ampleur  des  risques  et   la  taille  du  présent  chantier  de  reconformation  qui  va  au-­‐delà  des  renforcements  de  régulation  obtenus  par  la  BCE  et  Monsieur  TRICHET.  

 L'industrie   bancaire   cumule   des   foyers   d'innovation   vecteurs   de   progrès  mais   parfois  d'ordre   tératogène   :   il   faut  que   les  pratiques  de  présentation  comptable  qui   sont,   à   ce  jour,   parcellaires   reflètent   bien   davantage   l'exhaustivité   des   exploitations   par   essence  toujours  imaginatives.  

 Le  deuxième  point   concernant   les  normes  appartient  désormais   à   l'histoire  humaine   :  conçues  pour  être  un  mieux,  elles  ont  été  un  moins  dans  les  bilans.  

 Leur  application  frontale,  hors  sérieux  régime  de  transition  qui  eût  valeur  probatoire,  a  coincidé  avec  une  crise  conjoncturelle  dont  l'impact  sera  profond  et  durable.  

 L'adoption  un  rien  naïve  et  peut-­‐être  totalitaire  d'un  seul  concept  technique  endogène  (  la  "  fair  value  "  )  représente  ainsi  un  gâchis  collectif  dont  le  chiffrage  ne  se  limite  pas  aux  billets  d'avion  des  membres  de  l'IASB  ou  à  leurs  heures  de  travail.    

 Selon  moi,  du  fait  des  spirales  baissières  pro-­‐cycliques  que  les  normes  ont  induit  sur  les  trois   dernières   années,   elles   sont   analytiquement   éligibles   au   rang   de   déséconomie  externe  majeure,  d'anti-­‐externalité  sans  précédent  à  occurrence  séculaire.    Face  à  l'importance  des  destructions  combinées  de  valeur,  il  faudrait  les  patiences  et  les  ardeurs  cumulées  de  feu  Edmond  Malinvaud  (  INSEE  )  et  d'un  estimé  Edouard  Salustro  pour  suggérer  à  une  instance  internationale  une  quantification  de  cette  balle  tirée  dans  le  pied  du  monde.      Le   résultat   serait   probablement   effrayant   mais   il   contribuerait   à   ouvrir   les   yeux   en  matière  de  dévoiement  d'intentions.    A   ce   propos   de   quantification,   si   l'information   est   diffusée   (   car   rendue   publique   ),   il  serait   instructif   de   lire   les   travaux   actuellement   en   cours   du   FCAG   (   Financial   Crisis  Advisory  Group  )  qui  doit  poursuivre,  dans  les  mois  à  venir,  un  opération  vérité  vis  à  vis  de  l'IASB  mais  aussi  de  la  FASB  (  US  Financial  Accounting  Standards  Board  )…    On  sait  que  Clémenceau  pensait  avoir  raison  en  énonçant  que   la  guerre  est  une  affaire  trop  sérieuse  pour  être  laissée  aux  seuls  militaires.      On   sait   désormais   que   les   plus   fins   spécialistes   comptables   peuvent   verser   dans   un  isolement  fautif  par-­‐delà  leurs  nobles  intentions  de  départ.      

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Madame  Christine  Lagarde  –  incontestablement  déçue  par  la  tournure  des  choses  et  les  réponses   (   fin   Août   2009   )   de   l'IASB   –   avait   alors   posé   avec   quelques   bruits   que   la  myopie  et  la  surdité  de  l'IASB  étaient  établies.    

 Pour   notre   part,   nous   voyons   dans   l'aboutissement   présent   des   IFRS   une   approche  monaurale  où  certains  Etats  n'ont  pas  assez  initialement  pris  conscience  de  la  révolution  de   papier   qui   était   en   marche.   Des   validations   publiques   sont   par   conséquent  intervenues  dans  des  conditions  imparfaites.  Donc,  regrettables.  

 Désormais,   il   est   clair  qu'il   faut  un   changement  de   statut   juridique  de   l'IASB   sinon   les  forces  en  présence  joueront  globalement  dans  le  même  sens.    

 Comme  aimait  à  me  le  dire  vivement  le  Préfet  de  Région  Claudius  Brosse  (  sur  d'autres  sujets…)  :  "  Vous  avez  déjà  vu  quelqu'un  de  puissant  se  déjuger  ?  "…  

 Selon  notre  entendement  de   la   situation,   il   faut  –   selon  une  voie  minimale  –  élargir   le  nombre  de  trustees  (  et  partant   leur  "  représentativité  "   )  qui  composent   la  Fondation  IASCF,  organe  de  surveillance  de  l'IASB.  

 Selon   notre   approche   préférée   –   certes   plus   maximaliste   –   il   faut   arrêter   de   s'en  remettre   à   une   simple   association   de   droit   privé   pour   traiter   de   telles   matières   qui  relèvent  –  qui  songerait  à  le  contester  ?  –  de  l'intérêt  général.  

 Sans   tenir   éloignée   de   notre   pensée   l'expérience   française   dite   de   nationalisation-­‐sanction   (   Exemple   des   usines   Renault   à   la   Libération   ),   il   nous   paraît   sincèrement  soutenable   de   préconiser   l'adoption   d'un   statut   international   de   type   UPU   :     Union  postale  universelle.  

 Cette   modification   de   statut   est   probablement   un   point   de   passage   obligé   pour  réorienter   valablement   les   travaux   de   l'IASB   et   ainsi   donner   sa   chance   à   la   notion  d'image  fidèle.  

 Notre  vive  préconisation  formulée  à  l'aune  de  notre  compétence  forcément  contenue  est  en  effet  d'insérer  la  préoccupation  d'image  fidèle  de  manière  normativement  faîtière  et  de  l'endogénéiser.    

 Il   en   va   ici   de   la   crédibilité   des   états   comptables   de   toute   entité   et   singulièrement   de  celles  qui  traitent  de  matière  financière.    A  quoi  servirait  –  par  exemple  non  fortuit  –  une  comptabilité  en  "  fair  value  "  largement  dépassée  par  la  réalité  des  opérations  de  titrisation  et  autres  évènements  hors-­‐bilan  là  où  l'image  fidèle  engage  davantage  en  fait  et  en  droit  la  responsabilité  des  opérateurs  et  des  dirigeants.      Sans  responsabilité,  pas  de  solution  normative  crédible.    Comme  la  métaphore  ici  développée  du  carré  le  préfigure,  les  quatre  côtés  sont  égaux  en  intensité  de  question  à  résoudre.    

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Couple   rémunération-­‐risques   encourus,   maîtrise   réelle   des   métiers   par   les   top-­‐décideurs   et   des   process   par   une   compliance   enfin   reformatée,   crise   d'efficacité  allocative,  refonte  incertaine  de  l'IAS  39  et  autres  normes  applicables  forment  la  matrice  du  désarroi  des  banques  au  début  de  la  deuxième  décennie  de  notre  nouveau  siècle.    A   l'heure   où   il   n'est   pas   improbable   qu'un   jeu   collectif   subi   ou   voulu   aboutisse   à   la  résurgence   de   tensions   inflationnistes   –   soulagement   de   la   dette   publique   et  concomitamment   amélioration   faciale  des   résultats   d'exploitation   en   "   fair   value   "   –   il  nous   revient   d'affirmer   que   les   banques   ont   un   devoir   d'envergure   :   celui   de   juguler  progressivement  les  quatre  sources  précitées  de  leur  désarroi.    C'est  une  nécessité  impérieuse  qui  supposera  que  certains  segments-­‐clefs  des  règles  de  présentation  des  états  comptables  soient  à  nouveau  personnalisés,  "  customizés  "  pour  les  établissements  financiers.      Sans  adaptation  sectorielle  sérieuse,  pas  de  sincérité  idoine.    Des  personnalités  du   rang  et  de   la   compétence  de   Jacques  de  Fouchier  ou  de  Maurice  Pérouse  ont  démontré  de  manière   incontestable  –   il  y  a  déjà  bien  des  années  –  que   le  bon  exercice  du  métier  de  banquier  suppose  la  confiance  des  agents  environnants.    S'il   a   pu   être   reproché   aux   capitaines  de   l'industrie  bancaire  des   actes  de  baraterie,   il  revient  aux  Etats  de  leur  fournir  des  rails  de  navigation  et  des  outils  de  surveillance  de  bon  format.    3  )  Parallèle  au  désarroi  explicité  supra  dans  ce  document,  il  y  a  la  notion  de  maintien.    Elle   se   décline   selon   deux   axes   symétriques   qui  mériteraient   –   dans   un   idéal   hors   de  portée  –  de  constituer  des  forces  de  bijection.    3.1      Tout  d'abord,  les  banques  ont  à  maintenir  l'existant  :  nul  ne  peut  décréter  un  grand  soir,   une   sorte   de   tabula   rasa   du   secteur   financier   en   vue   d'une   chimérique  reconstruction  depuis  un  "  ground  zéro  "  de  la  finance  mondiale.  

 Puisqu'il  s'agira  donc  de  réformes  graduelles,  cela  signifie  que  le  temps  sera  une  variable  d'importance.  Or,  nous  avons  déjà  établi  que  le  temps  ne  sait  être  qu'un  allié  déclaré  du  "  crédit   crunch   "   en   cours   de   déploiement   et   que   les   crises   grecque   et   irlandaise   ont  illustré.  

   Tel  est  le  nœud  gordien  du  G20  en  cette  seule  matière.    Autrement   dit,   si   la   qualité   de   définition   des   réformes   est   importante,   leur   vitesse  d'implantation   sera   un   paramètre   crucial   afin   d'éviter   la   cristallisation   des   difficultés  actuelles.  L'idéal  serait  de  construire  à  législation  quasi-­‐constante.    3.2    En  matière  d'occurrence  d'aboutissement  des  projets  humains,  de  sélection  normale  des   programmes   d'investissements,   les   banques   ont   un   cap   à   tenir   qui   relève   de   la  devise  de  Guillaume  d'Orange   :   "   Je  maintiendrai   "  doit  être  un   leitmotiv   transmis  aux  exploitants  par  des  managers  conscients  des  enjeux.  

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 Si   le   "   pouvoir   de   dire   oui   "   s'évapore   du   champ   des   possibles,   la   crise   sera  sporadiquement   auto-­‐entretenue.   Symétriquement,   le   politique  doit   savoir   garder  une  distance   réaliste   afin   de   ne   pas   générer   des   poursuites   d'exploitation   dans   des  conditions  irrémédiablement  compromises  selon  la  formule  judiciaire  usuelle.    La   crise   provoque   en   effet   une   réaction  mixte   et   parfois   contradictoire   de   l'Etat.  D'un  côté,   défenseur   obligé   des   secteurs   et   entités   victimes   du   "   crédit   crunch   "   au   prix  d'éventuelles   approximations   de   droit   et   de   fait.   De   l'autre,   défenseur   de   l'industrie  bancaire  qui  ne  saurait  souffrir  d'un  effet-­‐domino  et  être  irrémédiablement  altérée.    3.3    Si  le  maintien  des  banques  se  parcourt  selon  les  deux  axes  ci-­‐dessus  abordés,  il  faut  revenir  sur  le  rôle  des  économistes  et  poser  qu'il  n'est  ni  offensant  ni  dégradant  de  leur  confier  une  fonction  de  maintenance.      Elle  est  toujours  préférable  au  rôle  de  simple  aristarque.    Or,  à  l'instar  de  l'industrie  ou  de  la  médecine,  la  maintenance  ne  vit  que  par  la  qualité  du  diagnostic,  que  par  la  recherche  étiologique  préalable.    S'agissant  de  la  crise  de  2008,  elle  impose  à  l'économiste  lucide  une  concession  de  taille  et   imprévue   :   la   hiérarchie   des   risques   qui   se   sont   effectivement   matérialisés   est  désormais  connue  et  place  au  centre  de   la  collision   le  risque  d'illiquidité.  En  amont  de  celui  d'insolvabilité.    Là  encore,   les   travaux  et  efforts  déployés  par   les  bâtisseurs   (  Cooke,  Mc  Donough  )   se  sont  brisés  face  à  la  vague  du  risque  dit  systémique.  Il  faut  être  vigilant  et  relever  pour  longtemps  que  le  spectre  des  risques  de  défaillances  a  été  plus  large  que  la  couverture  radar  fournie  par  les  ratios  prudentiels  en  vigueur.    Cette  déduction  vient  des  faits  qui  viennent  de  se  dérouler  sous  nos  yeux  ébahis  et  il  faut  donc  admettre  –  avec  humilité  –  que  la  réalité  du  déroulement  de  l'Automne  2008  a  fait  voler  en  éclats  les  certitudes  de  plusieurs  décennies  de  quêtes  prudentielles.    Pour  ma  part,  au  nom  des  heures  de  recherches  que  cette  question  m'a  inspiré  dans  un  passé  somme  toute  récent,   je  suis  dans   l'obligation  de  rappeler   l'existence  d'une  étude  de  2002  financée  et  publiée  par  la  Fondation  Banque  de  France  hautement  présidée  par  le  Gouverneur  Christian  Noyer.    Son   titre   est   explicite   :     "   L'efficacité   technique   peut-­‐elle   contribuer   à   l'évaluation   du  risque  d'insolvabilité  ?  "    (  Mai  2002,    Gunther  Capelle-­‐Blancard  et  Thierry  Chauveau  ).    Son   objet   défini   par   les   deux   auteurs   est   d'offrir   une   "   identification   des   banques   en  difficulté   fondée   sur   la   seule   modélisation   stochastique   des   postes   du   bilan   "   et   de   "  tester,  pour   la  première   fois  …/…   les  performances  prédictives  d'un   indicateur  avancé  de  faillite  ".    Sa  relecture  est  porteuse  d'enseignements  (   indicateur  CAMELS  adopté  fin  2011  par  la  Société  Générale   )   et   on  peut   valablement   conclure  qu'il   est   de   l'ordre  de   la  nécessité  

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que  de  faire  vivre,  de  manière  enfin  déterminée,  les  indicateurs  proposés  à  la  lumière  de  la  distinction  cruciale  (  évoquée  supra  )  à  établir  entre  insolvabilité  et  illiquidité.    A  l'heure  où  les  banques  ont  obtenu  une  sorte  de  pare-­‐feu  public  qui   induit  une  forme  d'immortalité   de   telles   sociétés   commerciales,   il   est   d'évidence   que   l'apporteur   d'une  telle   protection   est   en   droit   d'avoir   la   faculté   de  mesurer   ce   que   bon   lui   semble   dans  l'environnement  législatif  et  règlementaire  d'un  Etat  de  droit.    Au  moment  même  où  plusieurs   courants  de  pensée  économique  sont  à   l'unisson  pour  stigmatiser  les  risques  de  tension  monétaire  du  monde  présent,  gardons  à  l'esprit  que  –  pour   l'instant   –   les   opérations   en   devises   demeurent   inscrites   dans   le   hors-­‐bilan   des  banques…    Ceci  atteste,  une  fois  encore,  du  vrai  chemin  à  parcourir  loin  de  l'usage  répété,  galvaudé  et  confortable  du  terme  de  "  transparence  "  des  comptes.    Compte-­‐tenu   de   la   consolidation   du   secteur   bancaire   consécutive   à   des   opérations   de  fusions-­‐acquisitions  (  qui  est   là  et  sera  encore  plus  vigoureuse  demain  )  et  du  nombre  limité  d'acteurs  publics  à  la  recherche  de  solutions  consistantes  et  pérennes,  une  chose  semble  certaine  dans  cet  univers  d'incertitudes   :   l'actualité   criante  de   la  phrase  du  20  Août   1940  de  Winston   Churchill     (   qui   évoquait   les   valeureux   pilotes   de   la   R.A.F   )   :   "  Never  was  so  much  owed  by  so  many  to  so  few  ".    Loin   des   polémiques   qui   vont   aller   croissantes   sur   la   trajectoire   de   l'IASB,   combien  seront-­‐ils  à  décider  vraiment  ?      Jusqu'où  auront-­‐ils   la  volonté  d'aller  pour  épauler   la   résilience  actuellement  décelable  mais  grandement  fragile  de  la  machine  économique  ?  Condamneront-­‐ils  une  large  partie  du  monde  à  la  récession  ?                                          

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-­‐  III  -­‐  

L'indispensable  reconstruction  des  Banques  privées  :      

La   crise   économique   est   sévère   pour   les   plus   démunis   :   c'est   l'évidence.  Mais   elle   est  aussi   un   cap   délicat   à   franchir   pour   les   détenteurs   de   patrimoine   dont   les   nouvelles  attentes  obligent  à  une  véritable  reconstruction  des  banques  privées.  

 Tout  le  monde  a  en  tête  une  approche  de  la  notion  de  banque  privée  alors  que  la  réalité  de  celle-­‐ci  peut  être  plus  fine  à  cerner  qu'il  n'y  parait.  

Pour   les   auteurs   du   Vernimmen,   une   banque   privée   est   "   un   Etablissement   qui   se  spécialise   dans   la   gestion   de   fortune   ou   de   patrimoine   de   clients   fortunés   à   qui   des  produits   et   des   services   spécifiques   sont   proposés.   Déclaration   d'impôt,   accès   à   des  hedge   funds   ou   fonds   de   private   equity,   conseils   patrimoniaux,   conseils   pour   l'achat  d'œuvres  d'art,  architecture  du  patrimoine  personnel,  organisation  des  successions,  etc.  Selon  les  banques,  le  minimum  d'actifs  financiers  liquides  détenus  permettant  d'obtenir  des  services  de  banque  privée  sont  compris  entre  250.000  et  1.000.000  d'€uros.  "  

Selon  cette  approche,  la  banque  privée  serait  proche  des  travaux  de  l'expert  fiscal  (  voire  de   l'expert-­‐comptable   )   pour   les   obligations   fiscales   déclaratives   et   du   notaire   (   hors  aspect  réglementé  de  l'Officier  ministériel  )  pour  l'organisation  des  successions.  

En   fait,   les  banques  privées  ont  un  rôle  principal  et  des  missions  connexes  (  ce  qui  ne  signifie  pas  accessoires  ).  

La  mission  principale  des  banques  privées  a  longtemps  été  de  faire  fructifier  la  portion  de  patrimoine  qui  leur  était  confiée  par  leurs  clients.  C'était  leur  job.  La  crise  aidant  –  et  notamment  celle  des  marchés  actions  (  décrite  par  le  dernier  bulletin  d'HSBC   Private   Banking   )   –   a   fait   migrer   la   question   du   rendement   vers   celle   –  autrement  plus  délicate  –  de  la  sécurité  des  actifs  confiés.  

Si   le   client   attend   bien   évidemment   un   retour   sur   fonds   confiés   en   gestion,   il   attend  surtout  une   sécurité  qui   l'éloigne  du   risque  exceptionnel  de   type  Madoff   ou  du   risque  plus  fréquent  du  type  valorisation  de  Dexia  ou  de  Natixis  qui  fut  présentée  (  lors  de  son  introduction  )  comme  une  valeur  de  pater  familias.  

Combien   d'épargnants   sont-­‐ils   collés   avec   du   papier   tellement   dévalorisé   qu'ils  pourraient  presque  en  faire  du  papier  peint  si  les  titres  n'étaient  pas  dématérialisés  ?  

A  ce  stade,  il  faut  convenir  que  la  tâche  des  gérants  est  complexe  :  par  exemple  lorsqu'on  voit   défiler   les   valeurs   du   CAC40   sur   LCI   et   que   le   professionnel   Thomas   Blard   nous  

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invite   à   constater  qu'AXA  est  désormais   souvent   sous   la   barre  des  10  €uros,   il   y   a  de  quoi  comprendre  l'effroi  des  clients  et  le  coup  de  chaud  des  gérants.  

On   ne   peut   réécrire   l'histoire   mais   la   crise   de   l'assurance   est   devant   nous   :   elle  impliquera  la  consolidation  du  secteur  (  GAN  /  ALLIANZ  )  et  des  dépréciations  d'actifs  que  les  normes  comptables  pro-­‐cycliques  viendront  accentuer.  

L'impact  de  la  crise  sectorielle  assurantielle  induit  d'ores  et  déjà  une  onde  de  choc  sur  les  marchés.  

La   première   étape   de   la   reconstruction   des   banques   privées   tient   donc   à   une  modification   sérieuse   et   durable   de   la   hiérarchie   des   attentes   des   détenteurs   de  patrimoine   :   le   passage   en   "   pole   position   "   de   la   sécurité   des   actifs   par   rapport   au  rendement.  La  deuxième  étape  de  la  reconstruction  des  banques  privées  tient  à  l'émergence  du  taux  net  de  rentabilité  de  l'€uro  confié.  Traditionnellement,  on  distingue  trois  types  de  gestion  :  la  gestion  autonome  (  couplée  à  des  services  de  Bourses  en  ligne  où  le  client  agit  pour  son  compte  ),  la  gestion  conseillée  où   le   client   conserve  une  certaine  maîtrise  mais   se  voit  prodiguer  avec  plus  ou  moins  d'insistance  des  conseils  et  enfin  –  en  haut  de  la  pyramide  de  la  relation  de  confiance  –  la  gestion   sous  mandat   avec   définition   obligatoire   des   profils   de   risques   :   de   prudent   à  dynamique.  Pour   ces   trois   types   de   gestion,   le   "   return   "   avant   imposition   n'est   pas   le   même   et  certains  Etablissements   (   l'ex-­‐BNCI  par   exemple   )   ont  parfois  des  pulsions  de   fringale  qui  obèrent  le  rendement  en  temps  de  crise.  

De  la  même  façon  que  l'on  ne  peut  pas  demander  des  TRI  de  15  %  à  nos  amis  porteurs  de   projets   industriels,   il   est   troublant   de   voir   certains   mandats   de   gestion   décorés  comme   un   sapin   de   Noël   de   frais   annexes   généralement   peu   explicités   à   l'entrée   en  relation.  Au   demeurant,   nos   recherches   nous   ont   fait   aboutir   à   une   seule   grille   tarifaire  publiquement  dévoilée  sur  un  site  internet  :  le  Crédit  Agricole.  

En  numéro  2  bis  de  la  reconstruction  des  banques  privées,  une  meilleure  approche  des  charges  réelles  demandées  aux  clients  finira  par  s'imposer.  

Troisième  étape  du  chantier  de  reconstruction  des  banques  privées  :  la  segmentation  de  la  clientèle.  A  ce  jour,  chacun  s'accorde  à  distinguer  la  gestion  privée  correspondant  à  des  montants  autour  d'un  million  d'€uros  de  la  gestion  de  fortune  qui  démarre  au-­‐delà  du  seuil  de  5  voire  10  millions  d'€uros.  

D'où  la  distinction  usuelle  entre  "  private  banking  "  et  "  wealth  management  "  (  voir  sur  ce  point  le  site  d'U.B.S  ).  Dans  une  autre  et  ultime  catégorie   figure   l'exceptionnel   "  Family  office   "  où   la  banque  privée   est   un   interlocuteur   quasi-­‐quotidien   et   s'occupe   aussi   bien   des   avoirs   que   des  conditions   de   vie   de   ses   clients.     Une   coalition   harmonieuse   entre   des   gestionnaires  hors-­‐pair  et  une  sorte  de  service  de  conciergerie  digne  de  l'Hôtel  de  CRILLON.....  

La  segmentation  est,  selon  nous,  tristement  mécanique  et  ne  prend  pas  en  considération  la  fluidité  des  patrimoines  modernes.  

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Certains  accidents  de  la  vie  font  descendre  le  client  de  "  gamme  ".  D'autres  évènements  (  cession   d'une   entreprise   )   lui   font   transcender   positivement   et   significativement   la  catégorie  à  laquelle  il  appartenait.  Autrement  dit,  nous  considérons  que  l'évolution  de  la  cartographie  des  patrimoines  va  plus  vite  que  l'adaptation  des  segmentations  marketing  de  certains  Etablissements.  

L'évolution   de   la   surface   du   client   est   plus   véloce   que   le   suivi   de   bien   des   "   private  banking  ".  

Quatrième  étape  :  le  rapport  aux  temps.  Nous   considérons   que   le   sablier   qui   s'écoule   et   ses   conséquences  matérielles   ne   sont  maîtrisées  de  manière  crédible  que  par  un  nombre  limité  d'Etablissements.  

Première  dimension  du  sablier   :  bien  évidemment   l'horizon  de  placements  qui  est  une  variable   capitale   pour   le   choix   des   classes   d'actifs   mais   qui   est   parfois   fort   mal  appréhendé  par  l'interlocuteur  du  client.  Deuxième   dimension   du   sablier   :   la   révolution   intergénérationnelle   que   les   pays  occidentaux   sont   en   train   d'expérimenter.   D'une   part,   avec   des   enfants   qui   restent   à  charge  plus  longtemps.  D'autre  part,  avec  de  grands  anciens  qui  sont  parfois  une  charge  complexe  à  anticiper  et  honorer.  

"  La  générosité  souffre  des  maux  d'autrui,  comme  si  elle  en  était  responsable  ".  

(  Vauvenargues,    Réflexions  et  maximes  ).  Les   temps   des   clients   sont   des   objets   fragiles   où   il   faut   un   accompagnement   humain  pétri  de  délicatesse  :  des  Maisons  comme  Jean-­‐Philippe  HOTTINGUER,  Banque  1818  ou  OBC   (  devenu  NEUFLIZE  OBC   )  ont  manifestement  donné   instructions  et   formations  à  leur  gestionnaire  de  fortune.  

Que  dire  de  telle  ou  telle  conseillère  qui  vous  rappelle  avec  un  sourire  pseudo-­‐complice  que  vos  propres  parents  ont  plus  de  80  ans  et  qu'un  "  bilan  patrimonial  "  pourrait  être  fait  à  titre  préventif  ?    Non,  pour  être  plusieurs  à  l'avoir  vécu  voire  subi,  il  y  a  des  êtres  qui  sont  bavards  comme  des  garçons  coiffeurs  alors  que  l'on  tente  de  trouver  ses  mots,  par  delà  une  légitime  émotion,  pour  expliquer  ce  que  le  temps  accomplit.  

Ce  mépris  indirect  des  anciens  et  cette  flatterie  du  client  de  50  ans  est  tout  simplement  obscène.  

Troisième  dimension  du   sablier   :     l'entendement   des   donations.   Sur   le   papier,   posons  que  tous  les  banquiers  privés  soient  incollables  en  matière  de  donations.  Point  à  valider  mais  prenons  un   instant   ce  présupposé.    Cette   connaissance   livresque   issue  de   fiches-­‐types  oublient  là  encore  que  le  client  peut  être  plus  mobile  et  vouloir  donner  davantage  que  prévu  à  ses  enfants.  

Certains  Etablissements  –  dont  La  Banque  postale  pourtant  regardée  avec  un  sourire  par  les  authentiques  private  bankers  –  enregistrent  très  bien  les  volontés  de  leur  client.  Par  opposition,   d'autres   Etablissements   –   piégés   par   leur   approche   normative   –   ne  comprennent  rien  et  exigent  (  nous  répétons  exigent  )  du  client  un  contact  informel  avec  le  rédacteur  d'acte  :  avec  le  notaire.  S'il  ne  s'agissait  de  matières  délicates,  on  pourrait  en  rire.  Là,  il  s'agit  de  la  redéfinition  spatio-­‐temporelle  d'un  patrimoine  à  l'échelle  de  deux  ou  trois  générations.  Ce  rapport  aux  temps  est  un  chantier  urgent  pour  près  de  la  moitié  de  la  profession.  

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"   Quand   l'homme   est   misérable,   il   s'aigrit;   mais   quand   il   est   à   la   fois   propriétaire   et  misérable,  il  s'aigrit  davantage.  Il  a  pu  se  résigner  à  l'indigence,  il  ne  se  résigne  pas  à  la  spoliation  "  TAINE  (  Les  origines  de  la  France  contemporaine,  L'ancien  Régime,  IV  ).  Détenir  un  patrimoine  est  un  atout  et  un  enjeu  :  ces  deux  variables  sont  sub-­‐déléguées  à  la  notion  de  confiance  que  suscite  la  banque  privée  sous  réserve  de  former  ces  cadres  au  sablier  et  à  la  délicatesse  oratoire.  Jongler  de  rendez-­‐vous  en  rendez-­‐vous,  en  pensant  à  ces  mails,  ne  fera  jamais  une  bonne  alchimie  pour  l'exploitant  bancaire.  "   Des   choses   anciennes   procèdent   les   nouvelles   "     (   e   veteris   nova,     Sénèque   ,   De  Clementia  XXV  )  rappelle  opportunément  une  page  du  site  de  NEUFLIZE  OBC.  

Cela   tranche   avec   des   banquiers   confirmés   qui   nous   ont   dit,   "   face   to   face   ",   que   les  choses  "  se  précisaient  "  en  évoquant  le  nombre  de  printemps  de  nos  ascendants.  

Quant  on  voit  que  certaines  banques  se  vantent  de  pouvoir  proposer  un  choix  de  visuel  sur  une  Carte  VISA  (  dans  la  section  private  banking  )  on  se  dit  que  l'on  a  peu  envie  de  parler   de   détentions   d'actions   cycliques   sur   les   marchés   émergents   ou   de   comptes   à  terme  d'une  certaine  maturité....  Cinquième  étape   :  par-­‐delà   la  requise  Muraille  de  Chine,   les  banques  privées  vont  être  confrontées  –  par  ricochets  –  à  la  question  du  refinancement  des  dettes  souveraines  et  l'effet   d'éviction   (   "   crowding-­‐out   "   )   que   tout   ceci   va   engendrer.   Elles   trouveront  probablement  des  produits  d'émission  publique  valables  pour   leur  clientèle  mais  elles  vont   surtout   devoir   approfondir   encore   leurs   travaux   d'optimisation   fiscale   dans   un  contexte  où  la  future  instabilité  législative  est  acquise.  

Ce  pan  de   la   reconstruction   va   supposer  une   réactivité   sans  précédent   :   aux  milliards  que  l'Etat  va  devoir  ponctionner,  il  va  falloir  bâtir  des  stratégies  légales  innovantes  dans  un  temps  record.  

Les  banques  privées  sont  sur  un  marché  contestable  au  sens  où  l'économiste  Baumol  l'a  défini   en   1982   :   un   marché   est   contestable   s'il   existe   une   liberté   d'entrée   (   libre  concurrence  )  et  une  liberté  de  sortie.  Internet  a  vu  éclore  des  pure  players  avec  plus  ou  moins   de   réussite   et   il   est   probable   que   les   règles   issues   de   la   nouvelle   régulation  bancaire  (  Bâle  III  )  vont  changer  la  donne  et  provoquer  des  sorties.  

De  surcroît,   la  crise  (  comme  nous   l'avons  déjà  écrit  )  va  engendrer  un  mouvement  de  concentration  :  songeons  ici  à  FORTIS  et  la  dynamique  BNP.  Francis   Bouygues   fût   un   collaborateur   talentueux   et   efficace   du   Ministre   de   la  Reconstruction   Robert   Duchet   :   il   est   impératif   que   les   banques   prennent   dans   leurs  filets   de   recrutement   des   hommes   et   des   femmes   d'exception   capables   de   mener   le  chantier  de  reconstruction  que  nous  avons  abordé  dans  cette  contribution.  

Par-­‐delà   certains   aspects   sulfureux  de   la  première   génération,   convenons   avec   intérêt  que   les  banques  privées  de  notre  pays  ont  besoin  de  davantage  de  personnes  ayant   la  carrure  de  Carlos  MARCH  qui  fut  un  actionnaire  clairvoyant  de  CARREFOUR  comme  de  HAVAS.  Bel  exemple,  in  concreto,  de  gestion  de  patrimoine.  Et  même  de  gestion  de  fortune  pour  rester  englué  dans  une  segmentation  à  faible  portée  efficiente.        

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-­‐  IV  -­‐  

Banques  d'affaires  :  "  Prendre  un  bouton  pour  en  faire  un  costume  "      

Les   banques   d'affaires   sont   à   la   croisée   des   chemins   d'un   nombre   important  d'opérations   capitalistes   :   fusions-­‐acquisitions,   recomposition   de   l'actionnariat,   OPA  hostiles,  etc.  Pour  certains,  elles  sont  l'ennemi.    Pour   d'autres,   elles   sont   des   partenaires   d'affaires   fiables   et   reconnus.   Après   avoir  évoqué   leur   rôle,  nous  passerons  à   la  question-­‐clef  de  cette   contribution   :  mais  où  est  donc  passé  André  MEYER  et  son  slogan  :  "  prendre  un  bouton  pour  faire  un  costume  "  ?    

Les  banques  d'affaires  ne  laissent  jamais  indifférents.  Pour  certains,  notamment  l'ancien  ministre   Anicet   LE   PORS   (   voir   "   Les   béquilles   du   capital   "   ),   elles   sont   globalement  néfastes   et   ne   servent   que   le  mouvement   tendanciel   de   concentration   du   capitalisme.  Pour  d'autres,  elles  sont  méconnues  car  ces  banques  avancent  à  pas  comptés  dans  notre  univers   médiatisé   :   elles   savent   demeurer   aussi   discrètes   que   prospères.   Enfin,   pour  d'aucuns  elles  représentent  tout  simplement  leur  gagne-­‐pain  :  elles  sont  leur  employeur  et  savent  parfaitement  fédérer  des  talents  et  des  ambitions  !  Au  démarrage  de   cette   contribution,   il   est  opportun  de   citer   le   glossaire  VERNIMMEN  qui  indique,  à  la  rubrique,  banque  d'affaires  :    "  Une  banque  d'affaires  est  une  banque  qui  a   un   rôle   d'intermédiaire   dans   les   opérations   financières   :   introduction   en   Bourse,  augmentation  de  capital,  placement  d'emprunt,  opération  de  fusion-­‐acquisition...  Elle  ne  prête  quasiment  pas.  Elle  a  donc  des  besoins  en  capitaux  propres  plus   réduits  que   les  banques   commerciales.   Par   contre,   il   peut   lui   arriver   de   prendre   des   participations  minoritaires  ou  majoritaires  dans  des  affaires  industrielles  ou  commerciales  afin  de  les  aider   à   se   développer   et   de   réaliser   à   terme   une   plus-­‐value   en   recédant   cette  participation  ".    

Cette   définition   exhaustive   est   d'ordre   statique   :   elle   ne   cherche   pas   à   inclure   les  banques  d'affaires  dans  un  mouvement  historique  auquel  elles  appartiennent  comme  les  autres  agents  économiques.  Dans  "  La  guerre  des  capitalismes  aura  lieu  "  (  publié  par  le  Cercle  des  Economistes  présidé  par  le  Professeur  Jean-­‐Hervé  LORENZI  )  de  nombreuses  pages  retiennent  l'attention.  Particulièrement  le  passage  suivant  :  "  Deux  grands  débats  sont  aujourd'hui  au  cœur  de  ces  tensions  en  Europe.  Le  premier  concerne  la  nationalité  des  entreprises  et   la   crainte  que   les   fusions  et   acquisitions  ne  mènent  à   la  disparition  des   "   champions  nationaux."   (...)   Le  processus   aura  nécessairement  pour   conséquence  des  fusions,  la  disparition  de  grandes  marques  nationales  et  la  délocalisation  de  grands  sièges   sociaux.   Les   tenants   des   champions   nationaux   n'ont   pas   réussi   à   identifier   les  fondements   économiques   de   leur   résistance,   au-­‐delà   de   leur   souhait   purement  mercantiliste  de  procéder  à  des  acquisitions  unilatérales  ".  

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Sempiternel  jeu  de  rôles  entre  le  chasseur  et  le  gibier,  entre  le  prédateur  et  la  cible.  

Les   banques   d'affaires   –   sans   leur   faire   injure   –   ont   un   rôle   assimilable   à   celui   du  chargeur   lors   d'une   partie   de   chasse.   Elles   tendent   l'arme   dûment   préparée   à   leur  donneur  d'ordre  qui  n'a  plus  qu'à  suivre  visuellement  le  gibier  et  l'atteindre.  

Autrement   dit,   nous   contestons   formellement   les   analyses   qui   affirment   –   sans  démontrer  –  que  les  banques  d'affaires  n'ont  qu'un  carnet  d'adresses  et  pas  de  savoir-­‐faire.  

Pour  avoir  travaillé  avec  des  banques  d'affaires  du  temps  de  CLUNY  FINANCE  ou  de  nos  fonctions  de  Commissaire  aux  comptes,  nous  pouvons  attester  que  de  vraies  heures  de  travail  se  déroulent  derrière  les  jolies  façades  des  banques  d'affaires.  

Non,  on  ne  monte  pas  un  MBO  (  Management  Buy-­‐out  )  en  claquant  des  doigts  à  la  sortie  d'un  restaurant  réputé   :   il   faut  du  travail  et  de   la  méthode  pour  recenser   les  variables  motrices  de   l'opération,   les  hiérarchiser  et  choisir,  si  besoin,  des  co-­‐traitants  (  Cabinet  d'avocats  d'affaires  )  pour  assurer  le  bouclage  du  deal.  

Les   banquiers   d'affaires   ont   été   à   l'origine   de   bien   des   opérations   réussies.   Il   faut  toutefois   rapporter   ici   un   fiasco   fameux   :   l'OPA   ratée   de   BSN   (   futur   DANONE   )   en  décembre  1968  sur   le  Groupe  SAINT-­‐GOBAIN.  Le  paradoxe   industriel   savoureux  étant  que   cet   indéniable   échec   a   précipité   le   génial  Antoine  RIBOUD  vers   l'agro-­‐alimentaire  avec  le  succès  que  l'on  sait  !  "  L'esthétique  de   l'échec  est   la  seule  durable.  Qui  ne  comprend  pas   l'échec  est  perdu  "  Jean   COCTEAU   (   Opium   ).     Chez   BSN,   un   stratège   hors-­‐pair   finement   épaulé   par   la  Banque  LAZARD  a  su  assimiler  l'échec.  

En  étude  d'impact,  il  est  clair  que  la  banque  d'affaires  la  plus  connue  demeure  LAZARD  Frères.   Cette   Maison   a   su,   depuis   des   années,   réussir   à   faire   travailler   vers   un   but  commun   des   personnages   aussi   différents   que   le   truculent   et   redoutable   Antoine  BERNHEIM  comme  le   très  respecté  et  regretté   Jean-­‐Claude  HAAS  dont  notre  personne  peut  témoigner  de  l'élégance  par-­‐delà  les  contingences  qu'imposent  les  aléas  de  l'action.  

Fortes  de   leurs   individualités  (  voir  ROTHSCHILD  ),   les  banques  d'affaires  sont  parfois  sous  les  feux  de  l'actualité  (  et  le  regrettent  sûrement  )  :  pensons  ici  à  GOLDMAN  SACHS  dont   les   ennemis   font   chœur   avec   les   "   indignés   "   de   l'ancien  Ambassadeur   Stéphane  HESSEL.  Cela  étant,  business  as  usual  et  "  G.S  "  se  porte  toujours  aussi  bien....  

Selon  nous,   les   équipes  de  GOLDMAN  SACHS  pourraient   prendre  pour  devise   celle   de  LATECOERE  :    "  Lorsque  Pierre  LATECOERE  a  lancé  la  ligne  d'Amérique  du  Sud,  tout  lui  indiquait  qu'il  se  trompait   :  "  Les  calculs  de  mes  ingénieurs  sont  formels   :   le  projet  est  irréalisable.   Il  ne  nous  reste  plus  qu'une  chose  à   faire   :   le   réaliser   "   (  Marcel   JULLIAN,  Délit  de  vagabondage  ).      

L'actualité  récente  rapporte  des  deals  exécutés  avec  brio  par  "  G.S  "  qui  doivent  fatiguer  leurs  concurrents  à  commencer  par  la  JP  MORGAN.  

Bien  entendu,  rien  n'empêche   le  donneur  d'ordres  de  s'adresser  –  essentiellement  par  souci  d'économies  sur  les  fees  –  à  des  structures  dynamiques  et  intéressantes  mais  plus  petites   :  Banque  LEONARDO,  ODDO  &  Cie  ou  à  des  Maisons  de  tradition  qui  savent,  de  génération  en  génération,  travailler  aussi  silencieusement  que  nettement  :  voir  Banque  Jean-­‐Philippe  HOTTINGUER,  par  exemple.  

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Le   spectre   de   la   concurrence   comprend   aussi   des   "   boutiques   "   en   corporate   finance  montées  par  des  individualités  reconnues  :  MESSIER  Partners,  BUCEPHALE  (  Jean-­‐Marc  FORNERI   )   ou   WEINBERG   Partners   (   initié   par   l'efficace   Serge   WEINBERG   dont   la  discrétion  va  de  pair  avec  la  succession  de  présidences  d'entreprises  du  CAC  40...  )  

Du  travail,  de  l'appétit  commercial,  du  talent  d'exécution,  un  bouche  à  oreille  primordial  sont  les  ingrédients  de  la  réussite  d'une  banque  d'affaires.  Pour   les   anecdotes   et   pour   l'ambiance   interne   parfois   électrique,   le   lecteur   pourra  prendre   connaissance   avec   gourmandise   du   livre   alerte   d'Anne   SABOURET   :     "   MM.  Lazard  Frères  et  Cie,  une  saga  de  la  fortune  "  (  1990  ).  

Pour  une  ambiance  nettement  plus  virile,   il  est  requis  de  se  rapporter  à  la  tentative  de  raid  sur  la  Banque  RIVAUD  mené  au  nom  de  GAZ  et  EAUX  (  filiale  de  LAZARD  Frères  )  par  l'impétueux  Dominique  de  LA  MARTINIERE  avec  l'appui  de  la  Banque  STERN.  

Si   cette   opération   fût   un   échec,   Vincent   BOLLORE   sût   reprendre   ce   dossier   et   le   faire  aboutir.  Question  de  timing  peut-­‐être,  question  de  talent  sûrement.  

Jean-­‐François  REVEL  cite  dans  son  ouvrage  Mémoires  (  Le  voleur  dans  la  maison  vide  )  le   philosophe   du   XiXème   siècle   Charles   RENOUVIER   qui   mis   en   lumière   le   terme  d'uchronie.  Comme  l'indique  Wikipédia,  l'auteur  d'une  uchronie  part  d'un  fait  présent  et  réel  et  poursuit  l'histoire  selon  différents  scénarios  d'évolution  possible.  

Loin  d'être  anachroniques  dans  ce  monde  où  la  concentration  des  moyens  de  production  est  un  trait  dominant,  les  banques  d'affaires  réalisent  des  simulations,  des  spéculations  intellectuelles  pour  voir   si   le  deal   est   faisable.  Ainsi,   nous  posons  qu'un  des  piliers  de  leurs  travaux  repose  sur  la  notion  d'uchronie  qui  ne  peut  prospérer  que  chez  des  esprits  féconds  voire  créatifs.  

Dans   "   Un   prince   des   affaires   "   consacré   à   feu   Ambroise   ROUX,   Anne   de   CAUMONT  rapporte  le  propos  convergent  de  plusieurs  patrons  :  "  On  ne  compte  aujourd'hui  sur  la  place  de  Paris  qu'un  homme  capable  d'avoir  une  influence  en  France  et  Outre-­‐Atlantique  :  Michel   DAVID-­‐WEILL   (   LAZARD   Frères   )   Et   il   faudra   au  moins   une   génération   pour  former  d'autres  Michel  DAVID-­‐WEILL  "    (  écrit  en  1996.  )  

A  l'heure  de  l'AIRBUS  A  380  parfois  rempli  de  jeunes  banquiers  d'affaires,  cette  phrase  peut  sembler  écrite  sur  du  papier  jauni.  Personnellement,  nous  ne  le  pensons  pas  car  il  ne   faut   pas   confondre   quelques   deals   réussis   avec   une   capacité   d'influence   hors-­‐pair,  avec   un   téléphone   aussi   efficace   que   des   pinces   de   homard   dans   l'océan   de   la   haute  finance.  

Bien  des  gens  ont  parlé  d'argent  ou  d'art  à  propos  de  Monsieur  DAVID-­‐WEILL,  bien  des  gens   ont   cherché   sa   "   patte   "   derrière   telle   ou   telle   opération   financière   sucrée.   Pour  notre  part,  nous  préférons  nous  réfugier  à  la  page  120  de  son  livre  (  L'esprit  en  fête  )  :  

"  Il  y  a  peu  de  choses  que  je  ne  supporte  pas,  il  n'y  en  a  vraiment  qu'une  :  l'impolitesse.  Je  trouve  que  de  ne  pas  prendre  de  précaution  en  parlant  à  quelqu'un  est  insupportable  ".  

Rien  à  ajouter,  Monsieur  le  Président  !  

Rien   sauf   que   votre   vie   ne   fut   pas   morne   plaine   particulièrement   avec   un   américain  nommé  André  MEYER  qui  avait  commencé  par  travailler  avec  votre  père  à  New-­‐York.  

André   MEYER,   1898   –   1979,   fût   un   des   banquiers   les   plus   influents   que   le   monde  occidental   a   connu.   Dans   une   de   ses   rares   biographies   –   impressionnantes   à   lire   –  l'auteur  Cary  REICH  a  retenu  un  titre  évocateur  :  "  Un  financier  de  génie  ".    (  1983  ).  

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Cet  homme  fût   le  conseiller  d'André  CITROEN,  celui  occulte  de  Jean  MONNET  (  propos  rapportés  par  Monsieur  Jean  GUYOT,  LAZARD  Paris  ),  celui  de  la  famille  AGNELLI,  etc.  

Bref,  le  lecteur  parvient  à  la  question  du  départ  :  mais  où  est  donc  passé  André  ?    

 

   

   

 

   

   

 

   

 

   

   

 

   

   

 

   

 

   

   

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-­‐  V  -­‐  

Banques  :  sérieux  dangers  et  péril  possible.      Les  banques  semblent  en  voie  de   retrouver  une  situation  améliorée.  Mais  une  analyse  plus  précise  des   stress   tests,  des  PRA   (  plans  de   reprise  d'activité   ),  de   la   conjoncture  révèle   plusieurs   dangers   sérieux   qui   pourraient   amener,   comptabilité   aidant,   à   une  situation  de  péril.  

 En  apparence,  la  situation  semble  plus  favorable  pour  les  banques  qu'au  moment  de  la  trop  fameuse  crise  de  2008.  Pourtant  l'observateur  économique  est  dans  l'obligation  de  constater  que  des  zones  de  difficultés  persistent  ;  d'une  part,  le  renforcement  des  fonds  propres  est  une  affaire  moins  simple  que  prévue  à  mener.  D'autre  part,  la  méfiance  entre  établissements   se   manifeste   encore   par   les   mouvements   erratiques   du  marché   inter-­‐bancaire.   Enfin,   la   distribution   de   crédit   est   loin   d'être   aussi   fluide   que   ne   l'affirment  certains  banquiers.  

L'état  bilanciel  des  banques  est  donc  encore  une  zone  de  danger  que   les  engagements  hors-­‐bilan,  parfois  toujours  mal  appréhendés,  vient  accroître  en  intensité  du  risque.  

Face  à  cet  état  de  faits,  la  communauté  de  place  s'est  trouvée  rassurée  par  le  succès  de  la  plupart  des  stress  tests  réalisés  parmi  les  grands  établissements  européens.  Cet   optimisme   issu   d'un   outil   technique   suppose   que   le   manche   du   marteau   du  commissaire-­‐priseur  de   la  sécurité  bancaire  ait  eu   le  bon   format.  Or,   il   a  été  révélé  en  information   publique   que   certains   stress   tests   n'avaient   pas   intégrés   le   risque   de  dégradation  des  créances  sur  dettes  souveraines  :  ces  dernières  étant  frappées  du  sceau  de  la  sécurité  absolue  par  la  littérature  économique  et  par  les  faits  depuis  des  décennies.  Ici  réside  un  point  que  le  bon  sens  censure  :  si   le  cours  de  bourse  du  Crédit  Agricole  a  connu  des  revers,  c'est  principalement  du  fait  de  son  exposition  à  des  créances  privées  mais   aussi   publiques   sur   la   Grèce   dont   l'instabilité   politique   récente   va   très  probablement  venir  ajouter  une  variable  supplémentaire  de  complexité  négative.      

Ces  stress  tests  ont  été  réalisés  comme  des  scintigraphies  parcellaires  et  ne  donnent  pas,  selon  nos  conclusions,  une  approche  valable  de  la  cartographie  des  risques.  

Pour  prendre  une   terminologie  comptable,   ils  ne   restituent  pas  une   image   fidèle  de   la  situation   et   on  ne   peut  manquer   de   s'étonner   que   le  Régulateur   n'ait   pas   imposé  une  plus  grande  exhaustivité  des  paramètres  examinés.  

Pour  recourir  à  une  image  de  la  vie  de  tous  les  jours,  ce  contrôle  technique  (  obligatoire  pour  nos  véhicules  automobiles  )  a  vérifié  les  freins  mais  pas  les  amortisseurs  :  de  tout  ce  travail  important  des  stress  tests  se  dégage  une  impression  de  fiabilité  mais  la  sortie  de  route  demeure  possible.  

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Par   le   champ   d'investigation   des   stress   tests   effectués   dans   les   banques,   on   a   une  approche  des  reliefs  pas  des  densités  de  roches.  On  a  une  vision  de  type  holographique  pas  pétrographique,  autrement  dit  l'écume  des  risques  et  pas  leurs  noyaux  durs.  A  côté  des  stress  tests  qualifiables  de  très  perfectibles,  il  doit  être  examiné  un  danger  a  priori  de  nature  plus  physique.  

La   dématérialisation   s'est   largement   répandue   dans   le   secteur   bancaire   et   le   "   paper-­‐free"   progresse.   Pour   les   particuliers   (   relevés   sur   site   web,   etc   )   comme   pour   les  entreprises  (  multiplicité  de  documents  contractuels  scannés,  etc  ).  Tant  mieux  pour  nos   forêts  d'Europe  dont   celle  du  Morvan  qui   sont  moins   sollicitées,  tant   mieux   pour   les   volumes   requis   d'archivages   qui   sont   mieux   maîtrisés   voire   en  possible  réduction.  Corollaire   de   cette   innovation,   cela   suppose   des   systèmes   informatiques   bien  dimensionnés,   techniquement   fiables  et   sécurisés   :   intrusions  malveillantes,   incendies,  etc.  

Les  banques  sont  ainsi  dans  l'obligation  d'élaborer  puis  d'entretenir  régulièrement  des  PRA  :  plans  de  reprise  d'activité.  Ceux-­‐ci  ont  un  objectif   simple  à   rapporter  mais   complexe  à   exécuter   :   en   cas  de   souci  majeur,  l'exploitation  doit  pouvoir  reprendre  même  en  mode  légèrement  dégradé.  

La  résilience  du  système  repose  sur  plusieurs  approches  techniques  qui  doivent,  in  fine,  répondre  à  l'exigence  posée  par  le  Comité  de  la  règlementation  bancaire  et  financière,  le  PRA  est   "  un  ensemble  de  mesures  visant  à   assurer,   selon  divers   scénarios  de   crise,   y  compris  face  à  des  chocs  extrêmes,  le  maintien,  le  cas  échéant  de  façon  temporaire  selon  un  mode  dégradé,  des  prestations  de  services  essentielles  de  l'entreprise  puis  la  reprise  planifiée  des  activités  ".  Tout  un  chacun  imagine  le  degré  de  sophistication  d'une  telle  démarche  :  il  faut  détecter  l'univers  des  possibles  en  termes  de  risques,   il   faut  alors  concevoir  des  parades  et  des  protocoles  de   secours   (  de  vrais  plans  B   )   et   enfin   il   faut   actualiser   en  permanence   le  fruit  de  cette  démarche.  

Les   embûches   sont   nombreuses   :   les   décideurs   peuvent   être   tentés   de   minorer  l'occurrence  d'un  risque  pour  minimiser  le  coût  corrélatif  du  segment  de  PRA.  La  crise  de  2008  a  montré  –  hélas  –  que  les  mandataires  sociaux  ne  savaient  pas  tout  ce  qui  se  passait   dans   leurs   salles   de  marché.   Pour   ne   pas   dire   plus.   Sait-­‐on   vraiment   la   pleine  architecture  de  systèmes  informatiques  enchevêtrés  et  complexes  ?    De  surcroît,  un  vrai  PRA   implique   nécessairement   des   co-­‐contractants,   des   prestataires   extérieurs   à  l'entreprise  bancaire  d'où  un  maillage  de  relations  qui  ne  simplifie  pas  la  question.  

Tel  le  système  Julia  de  la  Société  Générale,  certains  établissements  optent  pour  un  voie  radicale   :   celle   de   la   réplication.   Autrement   dit,   il   y   a   une   sorte   de   duplication  instantanée  (  synchrone  )  ou  légèrement  différée  (  asynchrone  )  des  flux  d'information  de  l'ensemble  du  groupe  bancaire.  

Pour  visualiser  respectueusement  l'état  de  l'art,  on  peut  dire  que  c'est  la  banque  et  son  miroir  ou  la  banque  et  son  pur  dédoublement  de  personnalité.  

Le  coût  de  ces  réplications  est  certainement   important   :  chacun  voudra  bien  constater  qu'il  est  peu  décrit  dans  les  documents  financiers  et  comptables  et  qu'il  serait  pourtant  de  bonne  loyauté  que  de  disposer  d'une  appréhension  crédible  de  ce  coût.  

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En  effet,  il  y  a  forcément  le  coût  du  matériel  redondant  assurant  la  possibilité  technique  de  la  réplication  mais  il  y  a  aussi  des  charges  plus  délicates  à  identifier  :  combien  coûtent  les   tests   de   PRA   réalisés   sans   interruption   de   service   ?     Où   sont-­‐ils   placés   en  comptabilité   ?     En  provisions  pour   risques  ou  en   charges   faute  de   capacités   réelles   et  sérieuses  de  recensement  des  dépenses  ?  

A   l'heure   des   normes   IFRS   et   de   leur   strict   cadre   validé   par   des   centaines   d'heures  d'auditeurs,  nous  posons  qu'il  existe   là  une  zone  d'incertitude  d'imputation  comptable  et  nous  posons  parallèlement  l'hypothèse  que  chaque  établissement  doit  avoir  sa  vision  des   choses   ce  qui   finit  par   rendre   les   comparaisons   inter-­‐établissements   réalisées  par  les  analystes  financiers  sujettes  à  débat.  

Tout   le   monde   se   souvient   du   dramatique   incendie   de   l'immeuble   Publicis   sur   les  Champs-­‐Elysées  dans  les  années  1970,  tout  le  monde  se  souvient  du  feu  ayant  atteint  le  siège  social  du  Crédit  Lyonnais  :  les  PRA  ne  sont  pas  un  gadget  mais  un  gage  de  sécurité  collective.  

Du   temps   du   remarquable   Raymond   Lévy,   aucun   cadre   de   chez   Renault   (   détenteur  d'une  information  stratégique  )  ne  devait  l'avoir  "  pour  lui  tout  seul  "    :  autrement  dit,  il  devait  y  avoir  un  doublon  en  cas  de  "  pépin  "  de  santé  ou  autre.  

La   prévention   parait   toujours   un   luxe   un   peu   teinté   de   paranoïa   jusqu'au   jour   où   le  danger  fait  irruption.  Risques   d'attentats,   violences   urbaines,  malveillances   internes   sont   autant   de   dangers  bien  crédibles.  Pour   conclure,   il   faut   une   fois   encore   se  plonger  dans   la   comptabilité   qui   est   d'autant  plus   importante   –   hic   et   nunc   –   que   nous   traitons   de   sociétés   faisant   appel   public   à  l'épargne  et  travaillant  de  surcroît  avec  l'épargne  de  nos  concitoyens.  D'un  côté,  la  sécurité  de  Place  semble  assurée  par  l'article  L613-­‐1  du  Code  monétaire  et  financier   qui   énonce   que   l'ACP   (   Autorité   de   contrôle   prudentiel   )   a   pour  mission   de  contrôler  le  respect  des  règlements  par  les  établissements  de  crédit.  

De   l'autre,   nous   sommes   contraints   de   recourir   à   une   analyse   moins   seyante   qui  concerne  la  notion  de  continuité  d'exploitation.  Si  l'on  prend  pour  hypothèse  un  sinistre  plus  grave  que  prévu  dans  le  PRA  (  une  vague  de  tsunami  plus  haute  que  prévue  comme  chez  nos  amis  du  Japon  ),  le  mode  dégradé  est  certain  voire  la  détérioration  durable  des  conditions  d'exploitation.  Or,  les  établissements  bancaires  sont  soumis  au  Code  de  commerce  et  notamment  à  sont  article  L123-­‐20  qui  énonce  :  "  Pour  l'établissement  des  comptes  annuels,  le  commerçant,  personne  physique  ou  morale,  est  présumé  poursuivre  ses  activités  ".  

Il  y  a  donc,  en  droit  des  sociétés  et  corrélativement  en  comptabilité,  un  principe  majeur  relatif  à  la  continuité  d'exploitation.  La  NEP   (  Norme  d'exercice  professionnelle   )  N°570  des  Commissaires  aux   comptes   se  place  dans  le  cas  où  les  difficultés  d'exploitation  sont  liées  à  un  risque  de  cessation  des  paiements.  Toutefois,  notre  lecture  minutieuse  des  textes  nous  force  à  conclure    qu'une  quasi-­‐cessation  d'activité   suite  à   la   réalisation  d'un  danger   consistant  et  majeur   serait  bien  un  cas  où  la  continuité  d'exploitation  serait  attaquée.  Les  banques  sont,  comme  des  dizaines  d'activités  humaines,  potentiellement  en  danger.  Si   le   PRA   ne   devait   pas   être   une   digue   suffisante,   les   équipes   de   maintenance   et   de  

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résilience  auraient  fort  à  faire.  Tandis  que  la  comptabilité  aurait  un  relent  de  guillotine  :  chacun  sait  en  effet  que   lorsque   la  continuité  d'exploitation  n'est  pas  assurée,   il  est  de  droit  d'établir   les  comptes  en  valeur   liquidative.    Du  danger,  on  passe  alors  clairement  au  péril  et  à  la  question  de  l'avenir.  

A   regret,   il   nous   semble   que   des   "   dream   teams   "   ont   remplacé   l'individualité   hors-­‐norme.   Or   l'homme   seul   est   indivisible   et,   s'il   ne   verse   pas   dans   l'erreur,   il   est   plus  cohérent  qu'un  comité  Théodule.  

André   MEYER   aimait   à   rappeler   sa   définition   de   la   banque   d'affaires   :   "   L'art   de  l'investissement  bancaire  consiste  à  prendre  un  bouton  pour  en  faire  un  costume  ".  

De   nos   jours,   bien   des   banquiers   d'affaires   font   du   sur-­‐mesure   pour   leurs   honorables  clients   mais   savent-­‐ils   prendre   un   bouton   et   suivre   à   la   lettre   le   testament   d'André  MEYER  ?  

"  Quel  est   le  père  de   la  gloire  ?  Le  génie.  Quelle  est   la  mère  du  génie    ?  La  solitude.  "  (  HERAULT  DE  SECHELLES,  Pensées  et  anecdotes  ).  

André  MEYER  a  souvent  travaillé  seul.  

Il  laisse  un  pan  de  la  profession  bancaire  comme  orpheline.  A  propos,  combien  de  banquiers  d'affaires  dits   influents  connaissent  effectivement  son  existence  ?  

Chez  les  artisans,  le  compagnon  âgé  est  un  modèle  pour  le  plus  jeune  :  alors  pourquoi  ne  pas  appliquer  ce  savoir-­‐vivre  en  banque  d'affaires  pour  améliorer  le  savoir-­‐faire  ?  

   

 

   

   

 

   

 

   

   

 

   

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-­‐  VI  -­‐  

Libor  ?    Un  îlot  de  pertes  dans  un  océan  de  profits  !      

Les  manipulations  avérées  qui  ont   certainement   concernées   le   taux  Libor  et  peut-­‐être  l'Euribor   sont   véritablement   préoccupantes.   Si   nous   étions   il   y   a   cinquante   ans,   on   se  gausserait  de  ces  banquiers  indélicats  dont  le  sort  final  ne  serait  guère  enviable.  Là,  où  en  sommes-­‐nous  ?  En  bonne   logique,   commençons   l'analyse  par   les  personnes  morales   :   de   la  Barclays  à  UBS  en  passant  par  plusieurs  autres  acteurs  majeurs  de  la  finance  mondiale.  Tout  d'abord,   l'observateur  a  beau  se  doter  de  jumelles  de  haute  définition,  nul  ne  sait  exactement   combien   d'Etablissements   ont   été   concernés.   Des   noms   sont   certains,  d'autres  se  murmurent  en  pointillé.  Cette  indétermination  du  nombre  de  "  bad  guys  "  est  une   vraie   question  dans   la  mesure   où   le   Libor   est   un   taux   fondé   sur   des   déclarations  unilatérales   des   banques   à   la   BBA   (   British   Banking   Association   )   et   n'est   pas   la  résultante  d'une  offre  et  d'une  demande  sur  un  marché.  Autrement  dit,  rien  ne  prouve  que  plus  de  10  banques  aient  commis  des  manipulations  répréhensibles  :  à  l'inverse  rien  ne   prouve   qu'elles   n'étaient   pas   plus   nombreuses   à   dévoyer   la   réalité   quantifiée   du  Libor.  

Puis,   une   autre   question   se   pose   :   ces   manipulations   étaient-­‐elles   régulières   voire  habituelles  ou  s'agissait-­‐il  seulement  de  pratiques   isolées  et   finalement  assez  rares.  Le  peu   que   l'on   sache   semble   attester   du   contraire   :   nous   sommes   donc   en   face   d'une  pratique  quasi-­‐institutionnalisée  par  les  acteurs  majeurs  de  la  Place.  Là   où   les   difficultés   arrivent   (   voir   notre   contribution   précédente   sur   ce   site   :   "   Les  banques  et   l'archipel  de   la   cupidité   "   ),   c'est   lorsqu'on   se  pose   la  banale  mais   cruciale  question  de  l'intérêt  à  agir.  Le  casseur  de  vitrines  qui  dérobe  un  écran  plat  ou  un  iPad  a  un  intérêt  à  agir  qui  est  manifeste.  Quel  était  celui  des  banques  ?    Dans  un  article  paru  ici  (   Libor,   la   chute   d'une   star   ),   l'estimé   Pascal   Ordonneau   (   Ex-­‐dirigeant   d'HSBC   ),   se  demande   pourquoi   manipuler   ce   taux   "   puisque   cela   se   traduit   par   une   baisse   des  revenus  des  Etablissements   concernés   "   et  que   "  Le  vrai   enjeu,   à  partir  de  2006,  mais  plus  encore  en  pleine  crise  de  2008,  était  de  ne  pas   faire  apparaître   les  vrais  coûts  de  refinancements  des  banques,  c'est  à  dire  le  fait  que  ces  coûts  s'élevaient  de  plus  en  plus  ".  Selon  cette  approche,  les  manipulations  sur  le  Libor  auraient  été  de  type  conservatrice  et   auraient   eu   pour   objectif   de   préserver   la   qualité   bilancielle   des   banques.   Cette  explication   a   certainement   sa   part   de   vérité.   Mais   rien   ne   permet   de   s'interdire   de  penser  que,  parfois,  le  Libor  a  été  inflaté  et  que  son  augmentation  artificielle  issue  d'un  cartel   assez   funeste   n'avait   pour   autre   objectif   que   de   développer   les   marges   des  banques  puisque  des  millions  de  prêts  sont  déterminés  à  partir  d'un   taux  égal  à  Libor  plus  alpha.  Pour   résumer   cette   ambivalence   de   la   situation   (   Libor   minoré   ou   majoré   ),   nous  empruntons  à  un  homme  célèbre  dans  la  grande  distribution  du  début  des  années  60  –  Bernardo  Trujillo  –  sa  célèbre  phrase  :    "  Un  îlot  de  pertes  dans  un  océan  de  profits  ".  En  tête  de  gondole  promotionnelle  l'hypermarché  peut  perdre  de  l'argent  (  dans  cet  îlot  du  magasin  )  par  opposition  aux  confortables  profits  qu'il  fait  ailleurs.  

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D'instinct  et  en  pensant  à  la  notion  jurisprudentielle  d'intérêt  à  agir,  nous  estimons  que  les   banques   ont   vaguement   perdu   sur   le   Libor   (   from   times   to   times   )   et   qu'elles   ont  globalement   gagné   en   l'alourdissant   ce   qui   générait   mécaniquement   des   profits   en  cascade.   Oui,   selon   nous,   c'est   l'îlot   de   pertes   contenues   dans   un   océan   débridé   de  profits.  

En   demeurant   focalisé   sur   la   question   des   personnes   morales,   deux   problématiques  doivent  être  posées  et  une  question  additionnelle  évoquée.  

La  première  problématique  relève  de  l'existence  des  auditeurs  internes.  Ceux-­‐ci  sont  des  gens  sérieux  et  dévoués,  force  est  de  constater  que  la  fiesta  sur  le  Libor  s'est  jouée  sans  eux  ce  qui  signifie  que  des  référentiels  méritent  d'être  revus.  Pour  ne  pas  dire  plus.  

La  deuxième  problématique  est  hélas   encore  plus   savoureuse   :   si   vous  opérez  dans   le  milieu   de   la   finance,   vous   ne   cessez   de   recevoir   des   invitations   –   parfois   issues   de  prestigieux   intervenants   –   pour   venir   assister   à   des   conférences   sur   les   progrès   en  matière   de   compliance,   c'est   à   dire   de   conformité   aux   Lois   et   règlements.   Où   est  l'univers  de  la  compliance  dans  la  boite  de  Pandore  qu'a  ouvert  cette  affaire  du  Libor  ?    Où   est   cette   notion   fourre-­‐tout   de   déontologie   alors   qu'on   trompe   une   Place   et   par  itérations  un  volume  potentiel  de  350.000  milliards  de  dollars  de  transactions  ?  

Audit   et   compliance   ont   du   "   homework   "   à   effectuer   sous   peine   de   passer   pour   des  notions  très  étriquées  au  regard  des  enjeux  de  la  régulation  interne  des  Etablissements.  Concernant  la  régulation  externe,  la  cause  est  entendue  :  il  y  a  eu  carence  car  une  fois  de  plus  les  acteurs  du  terrain  se  sont  mis  sur  le  banc  de  touche  pour  bricoler  leurs  affaires  loin   des   yeux   de   l'arbitre.   La   violence   est   dans   les   stades,   elle   est   aussi   dans   cette  gigantesque  tricherie  face  à  la  BBA  qui  n'est  pas  une  petite  institution.  

Manifestement  –  et  toujours  au  plan  des  personnes  morales  –  il  y  a  des  discussions  entre  la  Puissance  publique  et  les  banques  sur  le  thème  du  paiement  d'amendes  importantes  en   valeur   absolue   et   l'abandon   de   poursuites   judiciaires.   Ce   type   d'arrangement  transactionnel  laisse  toujours  le  goût  amer  de  l'inachevé  d'autant  que  les  amendes  sont  peut-­‐être  ridicules  en  valeur  relative,  c'est  à  dire  rapportées  aux  gains  de  la  fraude.  

Aucun   analyste   ou   armée   d'auditeurs   ne   pourra   jamais   établir   le   gain   de   cette  machination  aussi  simple  que  dynamique  puisque  tête  de  pont  d'une  large  section  de  la  notion   de   crédit   en   Occident.   Alors   le   montant   des   amendes   agité   comme   un   chiffon  rouge  pour  apaiser  le  public  revêt  l'aspect  pastel  de  certains  foulards  Hermès.  Là   où   le   chiffon   rouge   digne   d'une   cape   de   toréador   réside,   c'est   dans   la   notion  outrageusement  bafouée  d'image  fidèle  qui  est  une  des  clefs  de  la  comptabilité.  En  osant  des  torsions  inexactes  sur  le  Libor,  les  banques  ont  faussé  leurs  bilans  et  ont  induit  des  coûts   d'endettement   externe   inexacts   dans   des   milliers   de   bilans.   Avec   de   l'essence  frelatée,   c'est   tout   votre   moteur   qui   est   atteint.   Avec   un   Libor   faussé,   c'est   toute  l'inscription   bilancielle   des   clients   qui   est   altérée   et   que   des   petits   actionnaires  pourraient  avoir,  dans  un  futur  proche,  l'idée  de  contester  judiciairement.  

Cette  question  additionnelle  doit  être  évoquée  et  nos  amis  Commissaires  aux  comptes  être  associés  aux  arbitrages  rendus  sur  ce  dossier.  Pourquoi  seraient-­‐ils  les  seuls  face  au  vent  ?  A   côté   de   ses   développements   sur   les   personnes   morales,   il   y   a   la   question   des  personnes   physiques.   Il   y   a   eu   collusion   en   bande   organisée   et   organisation   d'une  entente  illicite.  Si  les  transactions  aboutissent  par  de  véritables  abandons  des  poursuites  

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judiciaires,  alors  l'exemple  sera  terrible  pour  des  dizaines  de  futurs  CEO  de  banques  qui  connaîtront  par  cœur  l'orthographe  du  mot  impunité.  

"   Elément   moral   de   l'infraction   pénale   intentionnelle   constitué   par   la   volonté   de  commettre   l'infraction   ou   par   la   connaissance   de   ce   que   l'acte   risquait   d'entraîner   le  dommage  ".  

Ceci  est,  en  droit  français,  la  définition  du  dol  et  nous  considérons  que  les  informations  publiées  sur  le  "  Liborgate  "  rapporte  l'ampleur  et  la  vigueur  des  pratiques  dolosives.  

Régulateurs  publics,  prenez  garde  :  "  people  is  watching  you  !  "  Si   les   transactions   finissent   avec   le   fair-­‐play   d'une   partie   de   cricket,   ce   sera  naturellement  charmant  mais  générateur  de  futures  émancipations  morales.  

Nous   n'avons,   à   l'instar   de   l'éminent   Robert   Badinter,   jamais   été   convaincu   par   la  supposée  vertu  dissuasive  de   la  peine  de  mort   :  en  revanche,   ici,   si   tout   le  monde  sort  indemne   du   trouble,   c'est   un   blanc-­‐seing   pour   l'émergence   de   futurs   décideurs   qui  n'auront  ni  scrupule  ni  boussole  autre  que   le  profit  par   tous   les  moyens  y  compris   les  pratiques  illicites.  

Ne  soyons  pas  étonnés  ou  faussement  choqués  si  d'ici  une  décennie,  d'autres  pratiques  financières   illégales   nous   font   tomber  du  haut   de   l'armoire   :   elles   seront   un   océan  de  profits  pour  quelques  uns  et  une  marée  d'embêtements  pour  le  plus  grand  nombre.  

Quant  à  l'îlot  de  pertes,  le  contribuable  français  –  par  exemple  -­‐  sait  encore  écrire,  avec  sa  sueur,  le  nom  de  Crédit  Lyonnais  millésime  1994.  

   

 

   

   

 

   

 

   

   

 

   

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-­‐  VII  -­‐  

La  délicate  question  des  salaires  en  France.      

Le  Dimanche  6  Mai  2012   fut   jour  d'élection  présidentielle.  A   la   fin  du  mois,   les  choses  n'auront  guère  changé  pour  des  millions  de  salariés  en  termes  de  "  net  à  payer  "  sur  la  fiche  de  paye.  Que  penser  de  cette  délicate  question  des  salaires  en  France  ?  

 

Un   point   d'évidence   partagé   par   les   statisticiens   ou   les   nombreux   économistes   de  banques,  les  salaires  sont  dans  une  quasi-­‐stagnation.  Leurs  niveaux  augmentent  un  peu  plus  vite  que  l'inflation  mais  chacun  sait  que  l'indice  des  prix  pose  question  depuis  des  années   en   France   comme   le   disent   des   spécialistes   ou   des   tribuns   tels   que  Monsieur  Mélenchon  qui  devait  comparer  à  un  carambar  quotidien  la  hausse  du  Smic  décidé  par  le  Gouvernement  de  Monsieur  Ayrault.    Même   le   regretté  et  éminent  Francis-­‐Louis  Closon   (  Directeur  Général  de   l'I.N.S.E.E  de  1946  à  1961  )  et  ancien  Directeur  des  finances  de  La  France  Libre  (  à  Londres  )  l'a  admis  :  l'indice  est  techniquement  fiable  mais  l'échantillon  d'articles  le  composant  ne  recouvre  pas   une   fréquence   identique   d'achats.   Pour   caricaturer,   le   prix   du   beurre   et   autres  denrées   alimentaires   devraient   être   davantage   surpondérés   que   des   achats  exceptionnels   ou   à   tendance   déflationniste   structurelle   tels   que   les   produits   hi-­‐tech  importés  dont  le  prix  relatif  n'a  cessé  de  baisser.    Souvenons-­‐nous  du  prix  des  premiers  magnétoscopes  VHS  des  années  1980  (  autour  de  5.500  Francs  )  rapportés  au  SMIC  de  1982  :  3980  Francs  par  opposition  à  une  tablette  iPad  qui  coûte  la  moitié  du  SMIC  actuel.    Si  l'indice  et  les  personnes  qui  l'élaborent  sont  sûrs,  il  est  aussi  sûr  que  l'introduction  de  produits  numériques  à   forte  décélération  de  prix  unitaire  apporte  un  biais  cognitif  qui  influe  le  résultat  final.    Depuis   la  rentrée  de  Septembre  dernier,   tout   le  monde  a  pu  constater   la  reprise  d'une  inflation   assumée   (   le   prix   est   visiblement  plus   cher   )   ou  dissimulée   (   changement  de  poids  à  l'occasion  d'un  nouveau  packaging,  etc  ).  Parallèlement,  tout  le  monde  a  ressenti  le   ralentissement   économique   en   France,   en   Grande-­‐Bretagne  mais   aussi   en   Chine   et  hélas  en  Grèce,  peuple  cobaye  de  l'austérité  victime  des  cigales  qui  le  dirigèrent  pendant  des  décennies.    Nous   répétons   notre   conviction   déjà   énoncée   :   nous   marchons   hardiment   vers   une  phase  de  "  slumpflation  "  où  inflation  et  foyers  de  récession  se  coaliseront.    Dans  ce  contexte  difficile,  la  question  des  salaires  est  délicate  mais  leur  seul  alignement  légèrement  supérieur  au  chiffre  contestable  de  la  hausse  des  prix  pose  question.  

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Le  salaire  est  un  moyen  de  subsistance  et  de  nombreuses  études  intellectuelles  ou  des  remontées   d'information   sur   le   terrain  montrent   que   les   "   gens   ne   s'en   sortent   pas   ":  même  Laurent  Fabius  a  eu  cette  formule  :  "  pour  certains,  la  fin  du  mois  commence  vers  le  quinze  ".    L'auteur  du  livre  déjà  ancien  "  La  France  inégale  "  pourrait  le  réécrire  mot  pour  mot  des  décennies  plus   tard  ce  qui  montre   la   résistance  à   l'évolution  sociale,   au  progrès   inter-­‐générationnel   (   Serge   Lacrampe   )   de   notre   pays   même   en   temps   de   conjoncture  convenable.    En  temps  de  crise,  nous  devons   loyalement  convenir  que   l'analyse  marxiste  s'applique  sur  deux  points   :     d'une  part,   il   y   a  pression  à   la  baisse  des   salaires   tant   la   crainte  du  chômage   et   du   déclassement   social   est   grande.   D'autre   part,   bien   des   ménages   sont  soumis  à  la  Loi  d'Airain  qui  postule  que  le  travailleur  voit  son  salaire  fixé  au  niveau  de  son  seul  seuil  de  subsistance.    Sur  ce  sujet,  sans  même  traiter  la  question  du  surendettement  des  ménages  qui  mobilise  chaque  jour  davantage  les  commissions  Banque  de  France,  on  doit  noter  l'explosion  en  flèche  des  crédits  à  la  consommation.    De   la  même  manière   que   l'Espagne,   emprunteur   à   6   voire   8  %,   aura   des   difficultés   à  honorer  sa  dette  sans  une  pression  fiscale  accrue  ou  des  coupes  budgétaires   frontales,  on  voit  mal  comment  un   jeune  ménage  qui  voit  ses  salaires  augmenter  de  2  %  pourra  honorer  des  crédits  à  10  ou  15  %.....    

La  question  salariale  est  donc  ardue  pour  le  bénéficiaire  mais  elle  est  délicate  aussi  pour  l'entreprise  qui  voit  sa  trésorerie  obérée  par  le  choc  récessif.  

Qui  pourrait  valablement  nier  que  la  paye  est  une  charge  d'exploitation  pour  l'entreprise  qui  la  verse  ?    Qui  pourrait  nier  que  chaque  société  est  un  cas  particulier  ?    La   question   du   salaire   est   souvent   centralisée   (   Décret   d'évolution   du   Smic   )   là   où   la  réalité  économique  et  financière  impose  une  fine  capillarité  de  type  micro-­‐économique  et  éventuellement  sectorielle  (  méso-­‐économique  ).  

Essayons  de  clarifier  un  débat  tendu  et  délicat.    

De  prime  abord,   la  question  des  salaires  est   souvent  présenté  au  grand  public   comme  simple   et   binaire   :   le   chef   d'entreprise   veut   les   minimiser   et   les   travailleurs   les   voir  augmentés.  

Les   économistes   néo-­‐classiques   sont   à   leur   aise   et   peuvent   appliquer   des   courbes  simples  sur  une  matière  humaine  complexe.              

Pris  au  dépourvu,  le  décideur  ou  l'homme  de  la  rue  convergent  pour  dire  que  les  salaires  sont   trop   élevés   en   France   dans   le   contexte   de  mondialisation   que   nous   connaissons  voire  que  nous  avons  à  subir.  

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Tout   le   monde   comprend   qu'un   couteau   abusivement   baptisé   Laguiole   fabriqué   au  Pakistan  est  préférable  à  un  vrai  couteau  de  Thiers  ou  de  Laguiole.    

La  crise  aidant,  les  Français  ne  veulent  plus  de  cette  mondialisation-­‐là  chère  au  brillant  Pascal  Lamy   (  OMC   )  mais  dans   l'inconscient   collectif,   l'idée  que   "  nous   "   serions   trop  chers  et  trop  payés  chemine.  

Focalisés   sur   le   prix,   les   élites   et   le   grand  public   regardent   le  miroir   aux   alouettes  du  low-­‐cost  (  cher  à  Charles  Beigbeder  )  et  gomme  le  talent  français.  

Des  viticulteurs  du  Languedoc  se  sont  battus  pour  élever  la  qualité  de  leur  production  et  ainsi  séduire  plus  de  consommateurs  avec  des  prix  réajustés  et  des  marges  restaurées.  

Les   talentueux  exploitants  de  notre  belle  Bourgogne  exportent  des   flacons  d'exception  et  pas  du  rouge  en  bouteille  plastique.  Où  sont  passés  les  travailleurs  de  Matra  et  Renault  de  Romorantin  (  qui  avait  réussi   la  production   de   l'Espace   )     à   qui   on   a   donné   l'ordre   de   fabriquer   une   voiture  invraisemblable  (  Avantime  )  ?  

Pourquoi  Renault   fabriquait-­‐il   plus  d'un  million  de  véhicules   en  France   contre  un  peu  plus  de  400.000  désormais  ?  Pourquoi  son  dernier  modèle  haut  de  gamme  ne  va  pas  continuer  à  être  référencé  par  une  célèbre  compagnie  de  taxis  parisiens  ?  

Pourquoi  avoir  abusé  le  public,  les  salariés  et  l'Etat  actionnaire  en  indiquant  qu'aucune  Dacia  ne  serait  jamais  importée  en  France  ?  

Non  seulement,  on  a   raté   la   fusion  Renault  et  Volvo  qui  aurait  pu  réunir   le  volume  de  Volkswagen  et  le  haut  de  gamme  d'Audi,  mais  désormais  cette  firme  au  losange  dégage  quelques  petites  centaines  d'€uros  par  véhicule  vendu.  

Notre  déception,   face  à  un  tel  misleading  management,  nous   fait  suggérer  que  Renault  vende   des   fers   à   repasser   à   35   €uros   l'unité....   là   doit   résider   la  marge   comme   dirait  BMW  ou  autres  avec  compassion  et  vrai  cynisme.  La  question  des  salaires  –  et  ce  triste  exemple  le  démontre  de  manière  aveuglante  –  est  d'abord  issu  d'un  choix  stratégique  patronal  :  celui  du  mix  produit  et  celui  du  segment  de  marché  choisi.  Chez  Faiveley  industries,  chez  Alstom,  chez  L'Oréal,  etc   l'effet  gamme  et   la  qualité  sont  au   rendez-­‐vous.   Ceci   donne   du   "   grain   à  moudre   "   aux   travailleurs   pour   reprendre   la  célèbre  phrase  du  syndicaliste  André  Bergeron.  Par-­‐delà   cette   condition   de   nature   stratégique,   la   question   des   salaires   suppose   un  détour  instrumental  par  la  vie  observée  car  il  y  a  confusion.  En  matière   de   salaires,   la   première   confusion   analytique   vient   du   fait   que   les   salariés  parlent  du  salaire  net  alors  que  l'employeur  ne  parle  même  pas  du  salaire  brut  mais  fait  systématiquement  référence  au  coût  du   travail  avec  son  ensemble  de  charges  à   la   fois  salariales  et  patronales.  

Autrement  dit,  l'incompréhension  est  profonde  puisque  les  deux  parties  ont  une  lecture  optique  simplifiée  de  deux  documents  distincts  :  la  fiche  de  paye  "  en  bas  de  page  "  pour  l'un   et   les   comptes   de   classe   64   pour   l'autre   et   leurs   impacts   sur   le   Résultat   Brut  d'Exploitation.  

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La  méfiance   est   accrue   par   la   tendance   continue   à   la   hausse   des   charges   sociales   qui  n'est  pas  assez  explicitée  aux  travailleurs.  

L'effort  social  de  la  Nation  qui  porte  sur  le  facteur  travail  –  depuis  30  ans  -­‐   lui  est  très  largement  méconnu  ou  sous-­‐estimé.      

Nous   considérons   qu'il   y   a   une   vraie   carence   en  matière   de   pédagogie   du   bulletin   de  paye  qui  est  un  document  fondamental  mais  digne  d'un  iceberg.  Cet  iceberg  dérive  et  frappe  la  coque  du  navire  baptisée  "  confiance  sociale  "  :  il  avance  masqué  par  le  brouillard  de  la  complexité  que  les  taux  d'erreurs  sur  bulletins  de  paye  (  rapportés  par  les  contrôles  Urssaf  )  illustrent  avec  netteté.  

Bien  des  Commissaires  aux  comptes  savent  que  les  comptes  de  personnels  sont  inexacts  mais  demeurent  en-­‐deçà  des  seuils  de  signifiance.  Le  compte  6412  (   congés  payés   )  donnent   lieu  à  des  provisions  anticipatrices  souvent  erronnées.    Le  compte  6451  (  cotisations  à  l'Urssaf  )  est  devenu  très  complexe  à  suivre  du   fait  de   la   sédimentation  des   régimes  dérogatoires  et  des  exonérations  de  charges   (  pour   tout   ou   partie   du   salaire,   etc   ).   Le   compte   6214   (   Personnel   détaché   ou   prêté   à  l'entreprise  )  est  parfois  un  casse-­‐tête  dans  les  groupes  (  relations  inter-­‐filiales  ).  Autre  angle  d'approche  qui  permet  d'apporter  des  éléments  de  preuve  à  notre  propos  :  les  Liquidateurs  judiciaires  sont  de  plus  en  plus  contraints  de  soumettre  aux  Tribunaux  des   reprises   d'écritures   parfois   pluri-­‐annuelles   en   matière   de   salaires   tant   les  contestations  sont  fondées.  

La  somme  de  ces  approximations  (  généralement  de  bonne  foi  )  rapportent  l'ampleur  du  défi,   la   taille   du   "   glaçon   "   qui   se   promène   au-­‐dessus   d'un   volet   crucial   du   contrat   de  travail  à  savoir  la  rémunération.  

Après   ce   premier   point  matériel  mais   sincèrement   non  négligeable   (   et   très   rarement  évoqué...),  il  convient  de  se  poser  une  vraie  question  économique  :  Quelle  est  la  part  des  salaires  dans  le  total  des  charges  d'exploitation  ?  Pour   faire   sourire   quelques   amis   banquiers,   nous   pourrions   dire   que   cette   part   est  systématiquement  minorée   dans   les   Business   Plans   où   les   Fondateurs   tirent   ce   poste  vers  le  bas  dans  des  proportions  parfois  ridicules  car  irréalistes.  Comme  l'a  montré  Alfred  Sauvy,  nous  sommes  dans  une  ère  où  le  progrès  technique  est  récessif  pour  l'emploi.  On  peut  se  souvenir  de  feu  Antoine  Riboud  inaugurant  une  usine  de   Danone   près   de   Lyon   et   expliquant   qu'il   fallait   quatre   fois   moins   de   personnel   à  équivalence  d'unités  produites.  

La  crise  économique  actuelle,   le  niveau  relatif   très  défavorable  des   salaires  en  Europe  militent  pour  une  "  réduction  de  la  voilure  "  ou  des  accords  de  co-­‐traitance  avec  l'Asie.  

Tentons  néanmoins  une  démonstration  en  prenant  le  cas  du  Groupe  Lvmh  :  sur  23.659  millions  d'€uros  de  Chiffre  d'affaires,  il  ressort  des  éléments  comptables  que  les  charges  de  personnels  en  coûts  complets  (  salaires,  charges,  pensions  )  représentent   la  somme  de  4.074  M€  là  où  le  coût  des  ventes  est  de  8.092  et  les  charges  commerciales  de  8.360  M€  Autrement  dit,  les  salaires  pèsent  un  peu  moins  de  25%  des  deux  postes  principaux  de  charges.  Un  effort  de  2%  sur  ces  coûts  (  matières,  publicités,  etc  )  pourraient  autoriser  une  hausse  de  6  à  8  %  de  la  masse  salariale  soit  une  hausse  du  salaire  net  de  4%.  Tout  ceci  sans  altérer  le  Résultat  opérationnel  :  5.154  M€  

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Dans   le   cas   de   L'Air   Liquide,   les   charges   de   personnel   s'élèvaient   en   2011   à   2.482  millions  d'€uros,  le  résultat  opérationnel  étant  voisin  :  2436,5  M€  pour  un  C.A  de  14.457  M€  renvoyant  à  près  de  8  M€  d'achats  et  assimilés.  La  même  analyse  peut  être  généralisée  :  quand  les  achats  et  autres  représentent  50  %  du  montant  H-­‐T  du  C.A,  les  salaires  chargés  dépassent  rarement  22  à  25  %  dudit  C.A.  

Un  effort  soutenu  en  amont  de   la  production  pourrait  autoriser  de  desserrer   l'étau  du  pouvoir  d'achat  de  milliers  de  familles.  

Dans   le   cas   de   L'Air   Liquide,   il   convient   de   surcroît   de   rappeler   que   leurs   effectifs  mondiaux  sont  passés  de  31.900  en  2003  à  46.200  en  2011....  

Comme  dirait  le  brillant  dirigeant  de  Renault  "  citoyen  du  monde  "  (  selon  le  titre  de  son  ouvrage  ),  on  peut  donc  être  un  leader  mondial,  développer  l'emploi  et  ne  pas  courir  voir  l'Etat  pour  un  plan  de  secours  de  plus  de  trois  milliards  pour  la  filière.  Bizarre,  vous  avez  dit  bizarre  ?  Pour   rencontrer   nombre   de   Pme   qui   sont   sur   le   fil   du   rasoir,   il   est   patent   qu'une  augmentation   généralisée,   brutale   et   significative   des   masses   salariales   n'est   pas  crédible.  En   revanche,   il   est   impératif   d'effectuer   un   salutaire   détour   par   la   recherche  économique   et   d'évoquer   la   loi   du   salaire   d'efficience   issue   des   travaux   de   Stiglitz   et  Yellen  en  1982  :  il  y  a  pile  30  ans.    Puis  Shapiro.  Cette   théorie   du   salaire   d'efficience   postule   qu'il   existe   une   relation   croissante   entre  l'effort  consenti  par  les  salariés  –  dont  dépend  leur  efficience  (  ou  productivité  )  –  et  leur  rémunération.  

En  vertu  de   cette   relation,   le   coût   salarial  par  unité  produite   (   salaire  /  productivité   )  n'évolue  plus  comme  le  seul  salaire.  Le  surcroît  perçu  de  rémunération  est  précisément  perçu  (  en  psychologie  )  comme  une  reconnaissance  du  travailleur  et  son  efficience  s'en  ressent.  L'estime   de   soi   devant   son   poste   de   travail   est,   selon   nous,   un   élément   du   nouveau  facteur  résiduel  de  la  croissance  économique.  Cette  estime  est  un  atout  pour  l'Occident  dont  la  main-­‐d'œuvre  est  très  qualifiée,  en-­‐dehors  de  ceux  qui  hélas  n'ont  pas  réussi  leur  intégration  scolaire  puis  professionnelle    (  illéttrisme,  etc  ).  

La   théorie   du   salaire   d'efficience   est   fondée   sur   l'hypothèse   (   assez   évidente   )  d'asymétrie  d'information  :  l'anti-­‐sélection  (  un  salaire  plus  élevé  attire  les  meilleurs  )  et  sur  le  fait  qu'un  salarié  bien  payé  est  plus  fidèle.  

Cette  fidélité  a  plusieurs  ressorts  positifs  :  d'abord,  elle  réduit  les  coûts  d'embauche  (  qui  sont  moins  nombreuses  ).  Puis,  elle  rejoint  l'effet  d'expérience  que  les  matrices  du  Bcg  ont  démontré  depuis  des  années  et  qui  est  un   foyer  ardent  de  productivité.  Enfin,  elle  permet  à  l'entreprise  d'avoir  des  idées  bottom-­‐up  car  un  opérateur  qui  connait  bien  son  job  est  mis  en  mesure  de  faire  remonter  des  propositions  d'amélioration  technique  ou  de  gestion.  

En  matière  de  salaires,  les  choses  sont  délicates.  (  rôle  de  la  négociation  collective,  etc  )  mais   les   chiffres   demeurent   "   têtus   "   comme   aimait   à   le   répéter   le   Président   Jacques  Delors.  Gagner  sur  l'achat,  c'est  donner  de  l'air  au  pouvoir  d'achat.  

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Indispensable  alors  que  l'inflation  revient.  

Et  que  la  slumpflation  "  est  au  coin  de  la  rue  "  pour  paraphraser  le  Président  Hoover.  

Donner   du   pouvoir   d'achat   quasi-­‐gelé   depuis   les   années   des   35   heures   dites   de   "  modération  salariale  ",  c'est  éviter  les  tensions  sociales  et  les  drames  humains.  

Notre  conviction  vous  est  confiée  :  la  notion  de  salaire  d'efficience  fait  sens.  

Il  restera  toujours  les  délocalisations,  la  désintégration  spatiale  du  facteur  travail  mais  il  y  aura  une  nouvelle  appétence  pour  "  aller  bosser  "  chez  des  milliers  de  travailleurs.  

Décideurs,  prenez  garde  à  l'idée  durable  d'austérité  à  l'efficacité  plus  qu'hasardeuse  et  à  cette  hérésie  du  low-­‐cost  comme  spécialisation  ricardienne  pour  la  France.  

Ces  deux  concepts  –  sous-­‐jacents  à  de  beaux  esprits  –  ne  seraient  pas  validés  par  la  vie  de  la  Nation  devenue  couverte  d'esquarres  de  paupérisation.  "   La   Société   est   composée   de   deux   grandes   classes   :   ceux   qui   ont   plus   de   dîners   que  d'appétit  et  ceux  qui  ont  plus  d'appétit  que  de  dîners  ".  CHAMFORT,    in    Maximes.    

 

   

 

   

   

 

   

   

 

   

 

   

   

 

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-­‐  VIII  -­‐  

Made  in  France  :  gare  aux  faux-­‐sens  !      

Le   slogan   forcément   sympathique   du   "  made   in   France   "   requiert   de   la   prudence.   En  apparence,   il  est  simple  à  adopter.  En  réalité,   il  est  d'un  maniement  plus  complexe  car  des  notions  connexes  lui  font  de  l'ombre.  Tentons  de  clarifier  les  choses.  

 De  prime  abord,  il  est  toujours  vérifié  qu'un  concept  économique  qui  devient  un  slogan  politique  est  une  source  de  confusion.  Ce  que  la  notion  gagne  évidemment  en  extension  médiatique,  elle   le  perd   la  plupart  du  temps  en  signification  précise.  Rapidement,  d'un  concept  clairement  détouré,  on  peut  aboutir  à  un  fourre-­‐tout  où  tout  un  chacun  ne  met  pas  le  même  sens  au  même  mot.  Autrement  dit,  l'extension  de  notoriété  provoque  la  polysémie  et  le  danger  du  faux-­‐sens.  

Danger   pour   l'analyse,   danger   aussi   pour   le   citoyen   qui   peut   finir   abusé   à   son   corps  défendant.  Ainsi,   il   faut   d'abord   relever   que   le   thème   du   "  made   in   France   "   est   un   slogan   assez  ancien  qui  traite  de  deux  questions  différentes  et  complémentaires.  D'un   côté,   il   y   a   une   revendication   traditionnelle   du   Parti   Communiste   Français   qui  appelle   dès   1977   par   la   voix   de   Georges   MARCHAIS   à   "   produire   français   ".   Voix  inoubliable   de   Monsieur   MARCHAIS   qui   est   alors   finement   relayée   par   l'économiste  Philippe  HERZOG.  

D'un   autre   côté,   il   y   a   une   revendication   de   pur   chauvinisme   national   qui   appelle   à   "  Acheter   français   "   comme   le   Premier   ministre   britannique   Madame   Margaret  THATCHER  le  fit  avec  son  fort  célèbre  "  Buy  British  "  du  début  des  années  1980.  

Sans  excès  d'analyse  fastidieuse,  force  est  de  constater  que  les  deux  versants  de  l'idée  ne  sont  pas  superposables.  

De  surcroît,  le  "  made  in  France  "  reçoit  une  définition  juridique  ce  que  ne  sous-­‐entend  pas  le  slogan  par  construction  un  peu  réducteur.  Lorsqu'un  objet  porte  la  mention  de  "  Fabriqué  en  France  "  ou  de  "  Made  in  France  ",  il  faut  savoir  que  les  services  des  Douanes  et  de  la  Répression  des  Fraudes  (  DGCCRF  )  ont  pour  mission  expresse  de  faire  respecter  les  règles  de  marquage  d'origine  des  produits.  S'il  n'y  a  plus  d'obligation  complète  de  spécifier  l'origine  des  produits  mis  en  vente  sur  le  territoire   fraçais,   différents   textes   prohibent   le   marquage   inexact.   La   santion   est  importante  puisque   l'encadrement   législatif   fait  relever  cette  apposition   indûe  au  rang  de  fraude.  

Ainsi,   l'article   39   du   Code   des   douanes   –   que   peu   d'entre   nous  maîtrisent   tant   il   est  complexe   –   prohibe   l'importation   de   produits   étrangers   "   qui   portent   une   indication  quelconque   de   nature   à   faire   croire   qu'ils   ont   été   fabriqués   en   France   ou   qu'ils   sont  d'origine  française  ".      

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L'approche   juridique   conduit   à   citer   l'article   L121-­‐1  du  Code  de   la   consommation  qui  définit   la   pratique   commerciale   trompeuse   comme   "   les   allégations,   indications   ou  présentations  de  nature  à  induire  en  erreur  et  portant  sur  son  origine  ".  Une  telle  infraction  est  généralement  sévèrement  sanctionnée  :  l'article  L121-­‐6  du  Code  précité  prévoit  une  amende  maximale  de  37.500  €uros  qui  peut  être  alourdie  jusqu'à  la  moitié   des   dépenses   de   la   pratique   constituant   l'infraction.   En   sus,   une   peine  d'emprisonnement  maximal  de  deux  ans  complète  l'arsenal  répressif.  

Les  articles  L213-­‐1  et  L217-­‐6  du  Code  de  la  consommation  parachèvent  le  dispositif.  Le   "   made   in   France   ",   slogan   d'hommes   politiques   au   destin   incertain,   est   donc  verrouillé  par  un  encadrement  strict.  

Pourtant,   il  est   impératif  de  signaler  que   l'approche  française  est  contestée  par   la  trop  fameuse  OMC  (  Organisation  Mondiale  du  Commerce  )  qui  y  voit  une  entrave  à  la  liberté  du   commerce   et   voudrait   limiter   les   choses   aux   seules   mentions   de   marques  commerciales  de  fabrique.  

A   titre   de   respiration   après   ce   rappel   juridique,   il   faut   donc   convenir   que   "   produire  français   "   suppose   l'existence  de  capacités  de  production  en  France.   (   compétitives  ou  non  ?   )  alors     "qu'acheter   français   "   signifie  que   la  demande  se  porte  sur  des  produits  fabriqués  en  France.  

Si  l'on  songe  à  l'industrie  de  la  télévision,  on  produisait  français  chez  PHILIPS  à  Evreux  mais   le   consommateur  achetait   SAMSUNG  ou  SONY.  Un  des   faux-­‐sens  de   ce   "  made   in  France   "   est   là   :   produire   pour   être   en   surcapacités   nationales   alors   que   la   demande  s'oriente   vers   des   produits   importés   n'a   guère   de   sens.   A   moins   d'imaginer   –   en  changeant  de  régime  politique  et  de  paradigme  économique  –  la  préférence  nationale  du  Front  National  qui  souhaite  imposer  le  fait  "  d'acheter  français  ".  Toujours  dans   la  polysémie  de   la  notion  étudiée   ici,   un  ancien  Premier  ministre   (  peu  clair  avec   la   jeunesse   :  voir   le  CPE  ),  Monsieur  Dominique  de  VILLEPIN  a  eu  recours  à  une  expression  haute  en  couleurs  et  esthétique  :  celle  de  "  patriotisme  économique  ".  

Hélas,  par-­‐delà  le  caractère  alléchant  du  slogan,  il  n'est  pas  compatible  avec  des  Traités  issus  du  GATT  et  de  l'OMC.  En  effet,  le  principe  dominant  que  nous  avons  collectivement  accepté   est   la   libre   circulation   des   biens   (   et   des   hommes   )   ainsi   que   la   libre  concurrence.  

Alors  Ministre  de   la  Défense,  Hervé  MORIN   l'avait   clairement   rappelé   lors  d'achats  de  produits  étrangers  par  l'Armée.  Le  droit  l'emporte  sur  l'envie  de  préserver  nos  emplois.  

A   ce   propos,   on   demeure   interdit   à   l'idée   que   des   normes   écologiques   imposées   aux  produits  vendus  en  France  ne  soient  toujours  pas  largement  répandues.  

L'expression   "   perdant-­‐perdant   "   est   l'opposé   de   l'expression   américaine   "   win-­‐win   "  chère  à  Marie-­‐Ségolène  ROYAL  en  2007.  Dans  le  cas  du  "  made  in  France  ",  il  y  a  des  faux-­‐sens  terribles.  En  dix  ans  RENAULT  sera  tombé  en-­‐dessous  du  cap  du  million  de  véhicules  assemblés  dans  son  pays  d'origine  et  a  stabilisé  sa  production  locale  à  un  peu  plus  de  400.000  unités.  La  fabrication  est  partie  vers  la  Turquie  ou  en  Roumanie  sous  la  marque-­‐ombrelle  DACIA  qui  ne  devait  pas  être  importée   en   France   selon   les   déclarations   formelles   des   dirigeants   de   la   firme   au  losange.  Quadrature  du  cercle,  RENAULT  a  ouvert  une  usine-­‐paquebot  à  Tanger  qui  va  bientôt  rimer  avec  danger  pour  les  emplois  de  Sandouville  et  autres  sites.  

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Le   "   made   in   France   "   qui   fonctionnait   a   été   excessivement   bradé   par   des   calculs  financièrement   contestables.   L'ancien   Ministre   Gérard   LONGUET   s'est   battu   avec  énergie   et   détermination   pour   obtenir   à   la   fin   des   années   1980   la   fusion   RENAULT-­‐VOLVO.  En  fermant  les  yeux  pour  rêver  un  peu,  on  se  dit  qu'il  fallait  réaliser  une  firme  du  type  VOLSKWAGEN  (  volumes  )  et  AUDI  (  haut  de  gamme  ).  Au  lieu  de  celà,  à  force  d'économies   sordides,   on   a   fusillé   la   qualité   de   bien   des   véhicules   produits   et   on   a  désormais  un  constructeur  sans  véritable  haut  de  gamme  et  une  stratégie  de  low-­‐cost.  

Même   un   poissonnier   débutant   sait   qu'il   vaut   mieux   vendre   un   Saint-­‐Pierre   qu'une  tranche  de  cabillaud....  

Démonstration  trop  frontale  ?    Alors  songeons  au  succès  de  TOYOTA  à  Valenciennes  où  la  voiture  est  largement  française  et  appréciée  du  public.  Démonstration  trop  frontale  ?  Alors  que  penser  de  cette  publicité  (  pour  OPEL  )  qui  est  réalisée  pour  moitié  en  langue  allemande  (  diffusée  sur  nos  antennes  )  devenue  symbole  de  l'excellence  destinée  à  séduire  le  client  potentiel.  

Quand  on  cherche,  on  trouve.  La  récente  reconversion  de  l'usine  BOSCH  à  Vénissieux  est  un  bel  exemple.  Fabriquant  des  pompes  diesel  devenues  non  concurrentielles,  le  site  est  passé  à  la  production  de  panneaux  solaires  (Cf.  Le  Monde  du  20/12/2011  ).  

Voilà  le  "made  in  France  "  combiné  à  la  réindustrialisation  :  voilà  le  cap.  

De   triste  mémoire,   la   visite  de  GUILLAUME   II   à  Tanger   en  1905   fût  un  pseudo-­‐succès  militaro-­‐diplomatique  mais  n'a  pas  préparé  les  conditions  de  l'amitié  franco-­‐prussienne.  Pour  ne  pas  dire  plus.  Pour  les  gens  du  losange,  le  carré  magique  de  l'usine  de  Tanger  se  fera  au  détriment  des  mains  des  ouvriers  de  France  :  ce  n'est  pas  un  pari  obscène,  c'est  une   prévision   que   nous   assumons.   Il   faut   seulement   dire   tant   mieux   pour   nos   amis  marocains.  La  mondialisation  et  ses  contraintes  juridiques  sont  à  moduler.  Songeons  que  malgré  le  sentiment   de   l'état-­‐major   de   l'estimé   Jean-­‐Paul  BAILLY,     "   nos   "   postiers   ne   rouleront  plus  en  scooters  PEUGEOT  mais  sur  des  engins  venus  d'Asie.  

Le   respect  des  normes   fonde   l'Etat  de  droit.   L'effondrement  du  bon   sens   remplit  Pôle  Emploi  et  accessoirement  les  déficits  de  l'UNEDIC.  L'élite  de  France  ne  pense  plus  production,  elle  pense  assemblage.  

L'emblématique  patron  (  boss  )  d'ALCATEL,  Serge  TCHURUK  avait  déclaré  sans  ambages  en   2000   que   son   objectif   stratégique   était   la   "   fabless   company   "   :   autrement   dit   le  passage  d'un  producteur  à  un  assemblier.    Cette  approche  a  anéanti  l'emploi  dans  cette  grande  firme  et  malgré  la  fusion  avec  LUCENT,  le  cours  de  bourse  et  d'autres  éléments  montrent  que  le  choix  n'était  pas  idoine.  

Là  encore,  par  dogme  plus  que  par  méthode  d'analyse  méso-­‐économique  raffinée,  on  a  tiré  dans  le  dos  du  "  made  in  France  ".  "   La   France   va-­‐t-­‐elle   se   résigner   à   sortir   définitivement   de   l'Histoire   pour   devenir   un  simple   parc   d'attractions,   à   l'extrémité   occidentale   d'une   Europe   elle-­‐même  marginalisée  ?  "      Jean-­‐Pierre  CHEVENEMENT    (  La  France  est-­‐elle  finie  ?      2011  ).  L'économiste  RICARDO  a  écrit  sur  les  avantages  comparatifs  et  la  France  en  est  dotée.  

Ses   dirigeants   ultimes   (   publics   et   privés   )   doivent   se   réapproprier   des   valeurs   de  production   et   le   faire   avec   gravité.   Le   temps   qui   régit   notre   corps   social   ne   saurait  

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attendre  encore  longtemps  face  à   l'hémorragie  productive  qui  touche  aussi   les  travaux  d'expert-­‐comptable  parfois  délocalisés  en  Inde.  

La  gravité  pousse  à  conclure  qu'aucun  secteur  ne  peut  se  prétendre  épargné.  Cette  contribution  se  termine  par  un  appel  où  le  ciel  de  France  est  noirci  par  les  nuages.  

"   Je   crois   que   le   progrès   dans   l'ordre   de   la   connaissance   fait   de   nous   tous   des  mille-­‐pattes  de  plus  en  plus  vulnérables.  Plus  nous  en  savons  sur  ce  qui  nous  fait  courir,  moins  nous  savons  courir  avec  allégresse  "  Françoise  GIROUD  (  Ce  que  je  crois  ).  

Contribution  "  made  in  France  "  pour  partie  à  Paris  et  pour  partie  dans  le  Morvan....    

 

   

   

 

   

 

   

   

 

   

   

 

   

 

   

   

 

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-­‐  IX  -­‐  

Conjoncture  économique  :    où  en  sommes-­‐nous  ?      Le  Continent  européen  subit  la  crise  économique  et  vit  avec  le  risque  majeur  d'une  crise  financière.  Beaucoup  d'auteurs,  parfois  de  grand  renom,  ont  pris   la  parole.  Pour  notre  part,  nous  nous  posons  une  question  simple  :  où  en  sommes-­‐nous  ?  Quel  scénario  d'évolution  prévisible  à  ce  phénomène  historique  baptisée  crise  ?  

 La   crise   économique   –   perçue   à   l’été   2011   -­‐   est   une   réalité   pour   des   millions  d'Européens   :  elle  est  une   inflexion  de   trajectoires  pour   le   jeune  qui  ne  parvient  pas  à  démarrer   dans   la   vie   active.   Comble   de   la   tristesse   sociale.   Elle   est   aussi   la   négation  d'une   prospérité   escomptée   dans   bien   des   secteurs   comme   par   exemple   celui   de   la  construction  en  Espagne.  

Aborder  l'état  de  l'art  de  la  crise  économique  est  un  exercice  délicat.  Pour  que  ces  lignes  soient  aussi  fluides  que  requis,  il  conviendra  tout  d'abord  de  préciser  la  notion  de  crise.  Puis,   d'en   exposer   –   avec   le   risque   évident   d'imperfections   –   les   ressorts   et   le   trend  dynamique.     Enfin,   il   s'agira   de   prendre   nos   marques   :   autrement   dit,   de   soutenir   le  scénario   d'évolution   prévisible   qui   semble   le   plus   faire   sens   à   quelques   jours   de  l'élection  présidentielle  française  du  6  Mai  2012.  L'introduction  de   la  Revue  Histoire   (  Hachette  N°6   )   de  Décembre  1980  mérite  d'être  soumise   au   lecteur   :   "   La   crise   dont   on   nous   entretient,   à   défaut   de   nous   en   délivrer,  atteint  cette  année   l'âge  de  sept  ans   (  ndlr   :   crise  de  1973  et  guerre  du  Kippour   ).   (...)  Entrée  subrepticement  dans  nos  existences,  elle  fait  maintenant  partie  de  la  famille.  (...)  le   temps   est   à   présent   venu   de   lui   demander   des   comptes,   tant   il   est   généralement  souhaitable  de  savoir  avec  qui  l'on  vit  ".  

La  crise  économique  module  profondément  les  destinées  :  elle  est  omniprésente  et  telles  ces  maladies  chroniques  au  long  cours,  elle  ne  révèle  pas  ses  spasmes  ni  même  sa  durée.  La  crise  économique  joue  gravement  avec  les  nerfs  du  corps  social  qu'elle  affecte  et  se  joue  de  nos  esprits  largement  démunis  face  à  son  nécessaire  entendement.  Au   demeurant,   nul   ne   formule   vraiment   l'étiologie   de   la   crise   actuelle   :   on   part   de  l'histoire   spéculative   des   sub-­‐primes,   on   y   ajoute   la   crise   bancaire   consécutive   à   la  faillite  de  la  banque  LEHMAN  BROTHERS  en  2008  et  on  termine  par  les  conséquences  :  croissance  atone,  chômage  de  masse,  périls  des  dettes  souveraines.  

Pour  l'instant,   l'économiste  doit  savoir  attendre  l'épaule  protectrice  de  l'historien  pour  être   à   même   d'identifier   les   véritables   racines   causales   de   la   crise   de   2008.   Fernand  BRAUDEL   manque   à   l'appel   :   peut-­‐être   aurait-­‐il,   dans   le   silence   mesuré   de   sa   fine  réflexion,   trouvé   la   série   longue   à   laquelle   notre   époque   appartient.   Peut-­‐être   ses  travaux   auraient-­‐ils   pris   une   dimension   pleinement   opérationnelle   et   donc   utile   aux  décideurs  publics.  

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Gardons   efficacement   en   mémoire   l'analyse   de   Louis   de   Bonald   :     "   Dans   les   crises  politiques,  le  plus  difficile  pour  un  honnête  homme  n'est  pas  de  faire  son  devoir,  mais  de  le  connaître  ".    

Que   nous   le   voulions   ou   non,   il   y   a   bien   eu   les   Trente   glorieuses   chères   à   Jean  FOURASTIE  et  ses   taux  de  croissance   insolents  mais  mal  équilibrés.  Le  recul  du  temps  révèle  en  effet   certains  déséquilibres  et  des   travaux  de  Michel  AGLIETTA  (  et  autres   )  ont  montré  que  l'accumulation  du  capital  a  connu  une  crise  de  rentabilité  dès  la  fin  des  années  1960  :  avant  le  choc  pétrolier  de  1973.  

Si   l'on   prend   le   temps   de   se   plonger   dans   des   séries   statistiques   et   des   études  économiques  remarquables  (  Fondation  Banque  de  France  )  on  aboutit  à  une  conclusion  que   le   grand   public   ressent   :   la   crise   est   là   depuis   bien   longtemps   (   voir   niveaux   de  chômage  )  mais  n'a  pas  empêché  une  évolution  favorable  du  niveau  de  vie  depuis  bien  des  décennies.  La  crise  n'exclut  pas  le  paradoxe.  

Pour  conclure  cette  première  section,  notre  conviction  est  établie  :  la  crise  économique  vient  de  loin,  son  étiologie  reste  à  faire  et  "  faisant  partie  de  la  famille  "  elle  est  comme  un   oncle   grognon   dont   on   ne   peut   prévoir   les   réactions.   En   revanche,   de   nombreux  observateurs   savent   voir   les   impacts  de   la   crise  un  peu   comme  un  voyageur   tardif   de  TGV   qui,   ayant  manqué   son   train,   voit   les   deux   beaux   feux   rouges   arrières   s'éloigner  tandis  qu'il  reste  à  quai.    Toute  une  école  de  pensée  n'a-­‐t-­‐elle  pas  été  tardive  en  se  calant  sur   les   travaux   de   Paul   SAMUELSON   sur   l'oscillateur,   c'est   à   dire   en   fondant   leurs  raisonnements  sur  un  modèle  d'interprétation  dépourvu  de  choc  exogène  et  à  caractère  non  monétaire....  

De  même,  d'autres  penseurs  n'auraient-­‐ils  pas  été  bien   inspirés  de  creuser   les  apports  de   la   théorie   des   contrats   qui   nous   semble   pertinente   dans   un   monde   de   plus   en  juridique  et  interpénétré.  Deuxième   temps   fort   de   cette   contribution   :   les   ressorts   et   le   trend   dynamique   de   la  crise.   La   crise   économique   présente   des   résultantes   :   le   sous-­‐emploi   et   sa   tendance   à  être   unitairement   de   plus   en   plus   long   à   juguler   (   chômeurs   plus   souvent   et   plus  longtemps  ).  Celle  de  2008  nous  parait  ressortir  du  modèle  énoncé  dans  l'après-­‐guerre  par   DOMAR.   (   1948   ).   Selon   son   analyse,   l'investissement   revêt   un   effet   de   revenu   (  création  de   richesse  par   le   jeu  du  multiplicateur  keynésien   )   et  une  augmentation  des  capacités  de  production.  Dès  lors,  il  est  fondamental  que  ces  deux  effets  soient  dans  une  relation   quasi-­‐égale.   En   situation   optimale,   la   demande   nouvelle   induite   par  l'accroissement  des  revenus  permettant   l'ouverture  de  débouchés  retrouve   fidèlement  l'offre   additionnelle   issue   de   l'augmentation   des   capacités   de   production.   DOMAR   a  hélas  démontré,  il  y  a  exactement  60  ans  avant  la  crise  de  2008,  que  cette  égalité  n'est  pas   durable   dans   le   temps   et   que   le   système   capitaliste   est   marqué   du   sceau   du  déséquilibre  puis  soumis  à  des  formes  de  stagnation.  

La  crise  n'est  donc  pas  dans  le  jardin  (  not  in  my  back-­‐yard...)  mais  bien  à  la  table  de  la  famille.  Elle  affecte  l'emploi  du  jeune,  érode  le  salaire  du  couple  et  menace  le  niveau  des  revenus  de  nos  anciens.  La  crise  nous  pousse  à  l'habileté  comme  à  un  gigantesque  défi  à  nos  neurones.  La  crise  actuelle  nous  appelle  à  un  sursaut  de  volitions  pas  à  des  proclamations  plus  ou  moins  pathétiques  pour  leurs  auteurs.  

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La  crise  conduit  à  relire  VOLTAIRE  (  dont  la  bibliothèque  fût  acquise  par  Catherine  II  de  Russie  à   l'époque  d'un  certain  rayonnement  "  à   la   française  "  )   :    "  L'habile  homme  est  celui  qui   fait  un  grand  usage  de  ce  qu'il   sait;   le  capable  peut  et   l'habile  exécute  ".     (   in  Dictionnaire  philosophique  ").    Pour  recourir  à  un  exemple  historique,  c'est  bien-­‐là  que  se  situe  la  différence  entre  l'ancien  élu  du  Morvan  et  celui  adepte  de  Corona.  

Si  les  ressorts  de  la  crise  peuvent  mériter  raisonnablement  explication  par  le  modèle  de  DOMAR,  il  reste  à  constater  son  trend  historique.  Mondialisation  oblige,  2008  a  été  une  affaire  planétaire.  Jamais  autant  de  millions  d'hommes  et  de  femmes  n'ont  été  concernés  par  ces  Jeux  Olympiques  de  la  quasi-­‐récession.  

GENARAL  MOTORS  en  danger  absolu,  SONY  en  contraction  d'emplois,  etc  sont  des  faits  d'une  virulence  que  peu  d'entre  nous  n'auraient  pu  concevoir  même  dans  un  mauvais  rêve.  

Le  trend  historique  de  la  crise  de  2008  est  sa  capacité  inouïe  à  s'auto-­‐alimenter  :  on  la  croit  à  peu  près  maîtrisée  à  tel  endroit,  elle  ressort  à  un  autre.  De  cette  martingale  de  la  crise,   peu   de   pays   sont   indemnes   et   leur   corps   social   –   pris   isolément   -­‐   souffre.  Beaucoup.  En   guise   de   développements   à   risques,   nous   souhaitons   proposer   au   lecteur   de  contribuer  à  répondre  à  la  question  :  where  do  we  stand  ?    Où  en  sommes-­‐nous  ?  

Premier  élément,  une  situation  qualifiable  de  très  périlleuse  a  été  évitée  par  l'appui  des  Etats   aux   banques   en   2008.   Pour   notre   pays,   le   discours   de   Toulon   du   Président  SARKOZY   restera  dans   l'histoire   financière  pour   avoir   porté   haut   et   clair   la   notion  de  garanties  des  dépôts.    En  2012,  les  Français  sont  dans  des  files  d'attente  pour  aller  voir  "  Intouchables  "  et  le  talentueux  Omar  SY  :  ils  ne  sont  pas  devant  leurs  agences  bancaires  pour  "  récupérer  "  leur  argent.  La  confiance  a  été  maintenue  lors  de  ce  moment  historique  et  a  d'évidence  rassuré  des  dizaines  de  décideurs  micro-­‐économiques.    "  L'oiseau  construirait-­‐il  son  nid  s'il  n'avait  son  instinct  de  confiance  au  monde  ?  "    Gaston  BACHELARD  (  La  poétique  de  l'espace  ).  

Et  pourtant,  les  plans  sociaux  se  sont  poursuivis  et  le  chômage  vraiment  augmenté.  

Il   y   a   bien   entendu   des   données   liées   aux   délocalisations   expliquées   avec   soin   par   le  Professeur   Jean-­‐Hervé   LORENZI   et   aux   fluctuations   économiques   sectorielles,   de   type  méso-­‐économique  donc.  

Pourtant,   nous   vous   soumettons   mezzo   voce   une   explication   additionnelle   :   dans   un  article   fameux   de   1974,   Robert   BARRO   a   démontré   que   l'accroissement   des   dépenses  publiques  entraîne  celle  de  l'épargne  des  agents  économiques  qui  anticipent  les  hausses  à  venir  des  prélèvements  obligatoires.  

Chacun  connait  le  niveau  très  substantiel  du  taux  d'épargne  (  dite  de  protection  )  de  nos  compatriotes   :   ils   ont   compris   qu'ils   vont   devoir   payer   l'Etat   mais   aussi   les   jeunes  générations  hélas  encore  à  leur  charge.  

Cette  situation  est  un  fait  avéré  et  incontestable  :  un  Etat  cigale,  des  citoyens  encore  plus  fourmis.  Cette  question  de   la  dette  souveraine  a  aussi  été  décrite  par   le  modèle  de  DOMAR  qui  retenait   trois  paramètres   :   taux  de   financement  de   la  dette,   taux  de   croissance,  déficit  primaire  en  pourcentage  du  Produit  intérieur  brut.  

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Alors   que   les   "   indignés   "   chers   au   bouillant   Stéphane   HESSEL   expriment   sur   notre  Continent   leur   fureur,   il   y   a   la   fureur   destructrice   de   certains   opérateurs   du   secteur  financier.   Quand   l'Espagne   emprunte   à   6%,   qui   oserait   faire   tourner   le   modèle   de  DOMAR  ?    Pour  en   tirer  quelles   conclusions   ?    Oui,   il   est  véritablement  proposé  à  nos  contemporains  une  équation  complexe  et  dangereuse.  

Sur   cette   question   de   dettes   souveraines,   l'effet   d'éviction   (   crowding-­‐out   )   sur   les  marchés  provoqué  par  les  Etats  en  quête  de  refinancement  va  bouleverser  les  conditions  d'emprunt  des  agents  privés,  du  secteur  productif  donc.  Voilà  un  point  de  durée  pour  une  faiblesse  de  la  croissance,  telle  est  notre  certitude.  

Voilà   un   point   où   le   Général   de   GAULLE   est   démenti   :   "   Le   Gouvernement   n'a   pas   de  propositions  à  faire,  mais  des  ordres  à  donner  ".    (  L'Appel  ).  Parallèlement,   il   faut   garder   à   l'esprit   la   pertinence   de   la   notion   d'anticipations  rationnelles.  (  John  MUTH,  1961  ).  Elle  nous  paraît  requise  pour  justifier  analytiquement  la   résurgence   des   tensions   inflationnistes   qui   sont   fortes   dans   certains   secteurs   (  industries   agro-­‐alimentaires,   etc   )   et   vont   se   propager   selon   les   enseignements   du  raffiné  Serge-­‐Christopher  KOLM.  Oui,  nous  assumons  de  vous  livrer  que  l'inflation  est  devant  nous.  

Comme  parallèlement,  l'austérité  engendre  la  récession,  cela  veut  dire  que  l'on  aboutit  à  une  de  nos  conclusions  :  l'Europe  va  retrouver  une  période  de  "  slumpflation  ".  Pour  ne  pas  achever  cette  libre  contribution  sur  cette  nouvelle  préoccupante,   il   faut  se  référer  à  la  chance  que  représente  le  progrès  technique  dont  notre  époque  regorge.  Les  travaux  de  Paul  ROMER,  formé  à  Chicago,  mais  aussi  de  Robert  LUCAS  ont  montré  l'importance  du  know-­‐how,  de  l'accumulation  de  la  connaissance  qui  peut  aller  de  pair  avec  des  investissements  publics  (  Robert  BARRO  ).  Nous   serons   probablement   confrontés   à   des   accidents   (   défauts   de   paiement   et  dégradation  corrélée  de  la  qualité  des  créances  détenues  )  mais  il  faut  que  l'€uro  tienne  :  cette  monnaie  gage  de  notre  force  continentale.  

Quant   à   la   slumpflation,   et   si   elle   devait   être   un   adjuvent   puissant   à   notre   réflexion  collective,   une   contrainte   qui   oblige   à   faire   :   qui   pousse   à   retrouver   l'esprit   de   Jean  MONNET  dans  notre  Europe   :     "  Nous  ne  voulons  pas  coaliser  des  Etats  mais  unir  des  hommes  "....  

   

   

 

   

 

   

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-­‐  X  -­‐  

Le  boulevard  de  la  slumpflation.      L'Espagne  est  en  face  de  difficultés  sérieuses  (  voir  notre  article  sur  le  site  web  Le  Cercle  Les   Echos   :   L'Espagne   :   le   début   de   la   tourmente   ",   le   29   Mai   2012   )   et   nous   avons  esquissé   les   risques   que   tout   ceci   représentait   pour   la   zone   euro.   Madrid   n'est   pas  Athènes  sur  certains  aspects  mais  les  besoins  de  liquidités  sont  considérables.    

Se  pose  alors  la  question  de  l'évolution  vers  la  déflation  ou  vers  l'inflation  ?    

Plusieurs  économistes  réputés  et  reconnus  de  l'OFCE  ont  récemment  effectué  sur  le  site  des  Echos  une  démonstration  en  caractérisant   la  situation  d'un  mot   :   "  Déflation  sous-­‐jacente  ".  

Si   l'on   pense   à   l'effondrement   des   prix   des   terrains   et   des   immeubles   en  Espagne,   on  doit   immédiatement   et   sans   retenue  donner   crédit   à   leurs  propos   :   l'Europe   serait   au  bord  d'une  phase  déflationniste.  

Autant  être  clair  et  loyalement  respectueux,  nous  nous  inscrivons  dans  une  perspective  inverse  pour  plusieurs  motifs.  

En  premier   lieu,  nul  ne  saurait  nier  que   l'eurozone  est  en  grande  difficulté.  Si   la  Grèce  sort,  ou  si  l'Espagne  s'enfonce  dans  une  crise  financière,  il  est  hautement  probable  que  la  dépréciation   de   notre   monnaie   commune   sera   un   fait.   Autrement   dit,   plus   la   crise  financière  des  banques  espagnoles  sera  sévère  (  par  exemple  ),  plus  l'euro  sera  attaqué  sur  le  marché  des  changes  ce  qui  renchérira  nos  importations  et  induira  un  premier  type  de  mouvement  inflationniste.  

En  deuxième  lieu,  des  experts  de  matières  premières  comme  le  réputé  Philippe  Chalmin  n'envisage   pas   d'effondrement   du   prix   des   matières   premières.   Les   consommations  exponentielles   de   la   Chine,   de   l'Inde,   etc   et   la   rareté   physique   (   qui   alourdit   les   coûts  d'extraction   )   de   certaines   matières   premières   vont   induire   un   deuxième   type   de  mouvement  inflationniste.  

En   troisième   lieu   –   lié   à   ce   qui   précède   –   la   complexité   croissante   d'acquisition   de   la  ressource   pétrolière,   la   structure   oligopolistique   du   marché,   les   tensions   géo-­‐stratégiques   (   Iran,   Irak,   Nigéria,   etc   )   sont   autant   de   facteurs   qui   militent   pour   une  hausse   tendancielle   du   prix   du   pétrole   sans  même   évoquer   longuement   les   pratiques  spéculatives  qui  peuvent  mener,  selon  certains  experts,  à  un  "  peak  oil  "  sans  précédent.  

En  quatrième  lieu,  les  pays  européens  ont  –  à  pleine  raison  –  engagé  des  politiques  assez  volontaristes   de   l'environnement.   Or   ceci   se   traduit   le   plus   souvent   par   un  renchérissement  du  prix  des  produits.  Domotique,  automobile,  etc  sont  des  secteurs  où  l'éco-­‐label   engendre   des   surcoûts.   Si   la   France   va   vers   un   développement   éolien   et  solaire,  nous  savons  tous  qu'il  est  globalement  plus  coûteux  que  la  situation  actuelle.  De  plus,   l'absence   de   provision   pour   démantèlement   des   centrales   nucléaires   et   d'autres  

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points  ont  clairement  fait  dire  à  Monsieur  Proglio  qu'EDF  devait  augmenter  de  30  %  ses  tarifs  d'ici  à  5  ans.  

Monnaie  moins  valorisée,  coût  croissant  des  matières  premières,  hausse  du  pétrole,  coût  de  la  croissance  verte  ne  sont  pas  des  hypothèses  mais  la  route  qui  s'ouvre  devant  nous.  

Parallèlement,  il  faut  recourir  à  quelques  notions  d'analyse  économique.  

D'une  part,   il   faut   se  souvenir  de   la  pertinence   jamais  démentie  des   travaux  de  Serge-­‐Christopher  Kölm  qui  avait  démontré  que  l'inflation  était  un  phénomène  trans-­‐sectoriel  :  autrement  dit,  hautement   transmissible  d'un  secteur  à   l'autre.  Dans   le  cas  présent,   si  l'euro   s'affaiblit   nous   aurons   à   payer   le   pétrole   plus   cher   et   de   surcroît,   celui-­‐ci   se  renchérira   sur   les   marchés   internationaux.   Double   peine,   au   total   comme   l'a   déjà  publiquement   envisagé   le   Président   Christophe   de  Margerie.   Effets   en   cascade   de   ces  hausses  qui  toucheront  des  produits  omniprésents  dans  toute  notre  économie.    

Ensuite,   il   faut   noter   l'actualité   de   l'étude   de   H.   Aujac   (   "   L'inflation,   conséquence  monétaire  du  comportement  des  groupes  sociaux  "  publié  dans  Economie  appliquée  en  1950  )  qui  démontrait  il  y  a  plus  de  soixante  ans  un  processus  de  type  "  fuite  en  avant  "  lorsque   les   agents   économiques   craignent   pour   leurs   revenus.   Le   pilier   de   notre  réflexion   est   ici   le   suivant   :   les   chefs   d'entreprise,   les   syndicats   de   salariés,   etc   vont  exercer  une  pression  à   la  hausse  nominale  des  prix  pour  avoir  une   forme  de  certitude  face  au  risque  de  déclassement  que  la  crise  comporte.  Qui  n'est  pas  objectivement  stupéfait  par   la  hausse  des  prix  des  produits  de  base  dans  un   hypermarché   ?     En   moins   d'un   an,   certains   relevés   faits   par   des   organismes   de  consommateurs  évoquent  des  hausses  moyennes  de  8  à  12  %.    On  est  loin  des  chiffres  de  l'Insee   dont   les   équipes   sont   sérieuses  mais   les   échantillons   soumis   à   question.   Pour  avoir   été   le   disciple   puis   l'ami   de   Francis-­‐Louis   Closon   (   Fondateur   puis  Directeur   de  l'Insee   de   1946   à   1961   ),   j'ai   quelques   notions   des   impérities   qui   affectent   certaines  pondérations.   A   ce   sujet,   une   récente   interview   d'un   gestionnaire   de   sociétés  d'autoroutes  qui  se  plaignait  –  telle  une  ménagère  –  "  que  tout  augmente  "  et  qu'il  fallait  bien  que  sa  société  "  répercute  "  ne  manquait  pas  de  saveur.  

De  plus,   il  y  a   la  question  du  tertiaire  dans  nos  sociétés  développées   :  Albert  Meister  (  dans  "  L'inflation  créatrice  "  1975  )  cite  une  étude  de  Jean  Charpy  –  là  encore  confortée  par   de   nombreux   travaux   depuis   –   qui   rapporte   l'hypothèse   d'une   "   relation   directe  entre   le   ralentissement   de   la   productivité  moyenne   imputable   au   poids   croissant   des  services  dans  l'économie  et  le  développement  de  l'inflation  "  (  Le  Monde,  8  Juin  1971  ).  

Clairement,  il  est  des  zones  du  secteur  tertiaire  où  l'inflation  se  nourrit  des  tassements  de   productivité   et   des   conséquences   de   la   concentration   voire   des   ententes   qui   sont  parfois  percées  au  grand  jour.  (  Téléphonie,  etc  ).  

Nous   n'appliquons   pas   notre   raisonnement   à   un   pays   comme   la   Grande-­‐Bretagne   qui  pourrait   connaître   un   vrai   épisode   de   déflation   :   en   revanche,   s'agissant   de   la   France  nous  ne  parvenons  pas  à  y  adhérer  d'autant  que   la  nouvelle  majorité  politique  va  être  dans   l'obligation   post-­‐électorale   de   "   faire   changer   les   choses   "   d'où   une   anticipation  inflationniste   de   nombre   d'acteurs   économiques,   à   commencer   par   les   entrepreneurs  inquiets  de  l'érosion  de  leurs  marges.  Après  ces  développements   relatifs  à   l'inflation,   la   situation  économique  ne  nécessitera  que  des  rappels  hélas  connus.  Même  la  Chine  connaît  désormais  un  ralentissement  de  sa  croissance.   Le   Japon   est   aussi   confronté   à   une   érosion   de   la   demande   tandis   que   les  

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Etats-­‐Unis  ne   connaissent  pas  une   franche   reprise.  Quant   à   la   zone  euro,   l'Espagne,   le  Portugal   ou   l'Italie   sont   en   récession   de   fait   et   la   France   la   frôle,   trimestre   après  trimestre.   De   plus,   il   faut   se   souvenir   que   notre   pays   est   destructeur   net   d'emplois  lorsqu'il  n'atteint  pas  2  voire  2,5%  de  croissance  économique.  Ainsi,  cela  signifie  que  la  machine  à  exclure  du  monde  du  travail  est  à  l'œuvre  ce  qui  pèse  sur  les  comptes  sociaux  et  nos  besoins  de  refinancement.  Au   plan   économique,   la   coexistence   de   pressions   inflationnistes   et   de   très   faibles  niveaux  d'activité  voire  de  récession  se  nomme  :  la  slumpflation.  Le  Président  Herbert  Hoover  avait  dit,  pour  le  moins  malencontreusement,  en  1929  :  "  La  prospérité  est  au  coin  de   la  rue  ".  En  assumant   le  risque   intellectuel  d'être  démenti  par  les  faits  à  venir,  nous  pensons  –  après  recherches  et  analyses  –  que  la  slumpflation  a  un   boulevard   devant   elle   en   France   dans   les   18   à   24  mois   à   venir.     Autant   pour   des  raisons   intérieures   liées  à  nos  structures  de   fabrication  des  prix  qu'en  raison  de  chocs  extérieurs.  

A  ceux  qui  verront  ici  ou  là  des  segments  de  déflation,  il  faudra  regarder  le  mètre-­‐étalon  de  la  création  monétaire  et  le  doublement  du  total  de  bilan  de  la  Bce  en  quelques  années.  A   ceux  qui   voudraient  oublier   l'inflation  monétaire,   il   convient  de   se   reporter  au   livre  récent  de   Jean-­‐François  Serval  et  de  notre  camarade   Jean-­‐Pascal  Tranié     (  La  monnaie  virtuelle  )  où  il  est  démontré  en  page  85  l'importance  de  la  vitesse  de  circulation  de  la  monnaie  et  où  il  est  énoncé  :  "  Dans  cet  univers  déjà  sérieusement  remis  en  question,  la  titrisation   a   définitivement   fait   exploser   les   limites   conceptuelles   de   la   monnaie,     en  fluidifiant  la  frontière  entre  biens  réels  et  actifs  liquides.    (...)    Des  premières  tentatives  ont  été  faites  dans  ce  domaine  pour  définir  une  monnaie  élargie  mais  elles  relèvent  de  la  recherche.  A  ce  stade,  il  est  évident  qu'il  y  a  une  course  de  vitesse  entre  la  crise  et  notre  capacité  à  la  déchiffrer  notamment  par  ce  nouveau  concept  porteur  de  "  broad  money  ".  Pour  qui  songe  aux  injections  de  liquidités  requises  à  Madrid,  Rome  ou  Athènes  et  pour  qui  songe  aux  politiques  restrictives  menées  dans  ces  pays,  il  ne  parait  pas  hasardeux  de  voir  se  configurer,  dans  le  futur  proche,  un  boulevard  pour  la  slumpflation.      

 

   

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-­‐  XI  -­‐  

L'inexorable  retour  de  l'inflation.      

Les   économies   européennes   sont   peu   ou   prou   toutes   soumises   à   l'austérité   qui   est  d'abord   caractérisée   par   une   aggravation   de   la   pression   fiscale   et   par   des   coupes  budgétaires   parfois   impressionnantes.   Ceci   est   vrai   en   zone   latine   (   Espagne,   Italie   )  mais  aussi  chez  les  Britanniques.  

Cette   austérité   atteint   le   processus   de   croissance   et   dès   lors,   la   théorie   classique  enseigne  qu'une  pression  à  la  baisse  devrait  s'exercer  sur  le  niveau  général  des  prix.  Or,   de   nombreux   foyers   de   hausses   des   prix   apparaissent   :   ils   posent   par   conséquent  sérieusement  question.    

Dans  un  premier   temps,  nul  ne  saurait   contester  qu'un  climat  récessif  et  une  pression  fiscale   accrue   devraient   mécaniquement   peser   à   la   baisse   sur   les   prix.   Or,   bien   des  secteurs  montrent   à   l'inverse   une   tendance   très   nette   à   la   hausse   des   prix   :   produits  alimentaires,   produits   transformés   de   première   nécessité   (   lessive,   etc   ),   produits  pétroliers   et   dérivés   (   plastiques,   etc   ).   Seuls   semblent   échapper   à   ces   pressions  inflationnistes   les   secteurs   qui   fournissent   des   produits   d'investissement   durable   :  automobile,  produits  numériques  (  écrans  plats,  etc  ).  L'inflation  est  donc  sur   le  point  de  reprendre  une  nouvelle  vigueur  du  fait  du  choc  sur  l'offre  y  compris  de  produits  importés  (  exemple  des  tensions  géostratégiques  sur  le  prix  du  pétrole  ).  Mais  comme  l'a  finement  observé  Serge  Christophe  Kölm  dans  les  années  80,  nous  allons  être  confrontés  à  une  inflation  dite  de  productivité  qui  se  définit  par  le  fait   que   les   entrepreneurs   des   secteurs   où   la   productivité   est   faible   restaurent   leurs  marges  par  une  hausse  des  prix  qui  est  supposée  absorber   les  hausses  salariales.  Or   il  n'est  pas  absurde  de  poser  pour  hypothèse  que  le  nouveau  Président  de  la  République  et  son  équipe  vont  être  obligés  de  "  donner  du  grain  à  moudre  "  (  André  Bergeron,  FO  )  et  de  faire  plus  qu'un  geste  pour  les  salaires.  

Parallèlement,  les  économistes  de  la  régulation  ont  montré  que  bien  des  entrepreneurs  ont  un  réflexe  lié  à  la  marge  nette  escomptée.  Boyer  et  Mistral  ont  démontré  l'existence  de   comportements   de   "  mark-­‐up   "   selon   lesquels   le   prix   est   fixé   par   un   coefficient   de  marge   frontalement  appliqué  au  prix  de  revient  des  produits   fabriqués.  En  période  où  tout  un  chacun  envisage  une  hausse  des  prélèvements  obligatoires,   il  nous  semble  très  réaliste  de   conclure  que  des   anticipations   rationnelles   conduisent   les   entrepreneurs   à  alourdir   leur  mark-­‐up   pour   être   en   bonne   position   sur   leur   future  marge   nette   après  pression  fiscale  alourdie.  

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A  côté  de  cette  approche  micro-­‐économique,  on  doit   se  référer  à   la  position  de  Milton  Friedmann   qui   a   toujours   considéré   "   que   l'inflation   est   partout   et   toujours   un  phénomène  monétaire  ".  Or  pour  qui  songe  au  doublement  depuis  2008  du  total  de  bilan  de   la   Banque   Centrale   Européenne   (   qui   atteint   désormais   plus   de   3.000   milliards  d'€uros  ),  il  y  a  matière  à  réflexion  d'autant  que  la  pression  sur  la  demande  de  liquidités  est  généralisée  à  tout  le  continent  pour  la  majorité  des  agents  économiques  :  ménages  (  endettement,  crédits  à  la  consommation  ),  banques  (  renforcement  des  fonds  propres  ),  entreprises   (   financements   d'investissement   ou   au   contraire   besoins   de   crédits   de  campagne  pour  pallier  un  risque  de  crise  de  trésorerie  ),  etc.  

Cette  inflation  monétaire  qui  relève  d'une  inflation  par  la  demande  va  se  conjuguer  avec  le   risque   d'une   inflation   dite   de   structure   :   c'st   à   dire   la   hausse   des   prix   issue   de  structures  à  dominante  oligopolistique.  Ce  phénomène  existe  avec  clarté  :  il  suffit  de  se  reporter   aux   jurisprudences   du   droit   de   la   concurrence   :   lessiviers,   cimentiers,  opérateurs  de  téléphonie,  etc.  Autant  de  secteurs  lourds  qui  ont  été  démasqués  dans  des  pratiques  d'ententes  illicites  sur  les  prix.  

Au   total   des  paragraphes  qui  précèdent,   il   ressort  que   la  pression   sur   les  prix   va   être  multiforme  et  convergente  dans  une  crise  dont  la  récurrence  montre  que  les  travaux  de  Clément  Juglar  sont  probablement  applicables  puisqu'il  fixait  la  durée  d'une  crise  entre  8  à  11  ans.  Autant  Kondratieff   évoquait  des   cycles  pluri-­‐décennaux  difficiles  à  valider,  autant  nous  estimons  que  relire  Juglar  n'est  pas  une  absurdité,  loin  s'en  faut.  

Chacun   pressent   qu'il   faudra   plusieurs   années   pour   stabiliser   (   nous   ne   disons   pas  normaliser   )   les   situations.   Si   l'on   retient   pour   hypothèse   de   travail   un   délai   très  raisonnable  de  quatre  ans,  cela  revient  bien  à  placer  la  crise  intense  que  nous  traversons  sur   une   période   2007   à   2016.     Dans   le   meilleur   des   cas,   tant   les   déséquilibres   sont  grands  et  que  l'endettement  des  Etats  les  privent  de  la  plénitude  des  outils  keynésiens  qui   permettaient   habituellement   de   mener   victorieusement   des   politiques   contra-­‐cycliques.  

L'inflation   sera   inexorablement   de   retour   et   va   déclencher   des   phénomènes  d'anticipations   "   auto-­‐réalisatrices   "   qui   ne   vont   pas   simplifier   la   lourde   tâche   des  responsables  de  la  politique  économique  de  la  France  et  de  l'Union.  

On  peut  dire  que  l'on  va  bloquer  trois  mois  le  prix  de  l'essence  mais  que  faire  après  ?  

Souvenons-­‐nous   de   "   l'édit   du  maximum   "   de   l'empereur   Dioclétien   qui   fut   un   échec  pour  lutter  contre  l'inflation  en  301,  il  y  a  1711  ans.  

           

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-­‐  XII  -­‐  

Le  Président  du  15  Mai  2012  :  labeur  et  épreuves.      Quelques   jours   après   son   élection   du   Dimanche   6   Mai   2012,   le   Président   de   la  République,  François  Hollande,  aura  la  charge  de  Chef  de  l'Etat  pour  cinq  années  dont  on  sait  qu'elles  seront  difficiles  et  cruciales.  

De  prime  abord,  le  15  Mai  2012  ne  doit  pas  pouvoir  être  une  journée  comme  les  autres  pour  celui  que  des  millions  de  suffrages  ont  porté  à  la  magistrature  suprême.  Il   y   aura   une   triple   fatigue   corporelle   et   psychique   :   celle   issue   d'une   campagne   de  marathonien,   celle   issue  de   l'émotion   fort   légitime  de   se  dire  que   l'on   est   rentré  dans  l'Histoire   d'un   pays   millénaire,   celle   enfin   –   digne   d'un   vertige   –   de   visualiser   ses  obligations  et  autres  promesses.  Sans  compter  l'émotion  de  la  passation  des  pouvoirs.  

Le  Président  du  15  Mai  n'aura  pas  la  gueule  de  bois  mais  il  aura  la  nuque  raidie  par  les  clameurs  de  la  victoire  qui  auront  été  bien  souvent  des  appels  au  secours  tant  la  violence  de  la  crise  morale,  économique  et  sociale  est  vivace  et  tenace.  

Le  Président  sera  vite  à  sa  table  de  travail  de  fort  bon  matin  et,  une  fois  lus  et  décryptés  les  télégrammes  diplomatiques,  il  jettera  un  œil  rapide  sur  la  presse  et  se  fera  résumer  les  messages  de  félicitations  émis  par  les  diverses  chancelleries.  Tout  ceci  –  sauf  évènement  international  d'envergure  –  ne  devrait  prendre  que  quelques  instants  à  son  esprit  incontestablement  brillant.  Ce  qui  sera  plus  complexe  sera  le  reste  :  d'un  côté   la   composition  du  gouvernement  avec   l'aide  du  premier  ministre  nommé  ce  qui   est   toujours   un   exercice   subtil   d'équilibrisme.   D'un   autre,   il   y   aura   la   situation  financière   avec   probablement   la   visite   de   Monsieur   le   Gouverneur   de   la   Banque   de  France.  

Monsieur   le   Gouverneur  Noyer,   seul   ou   accompagné,   parlera   au   Président   de   tous   les  Français   de   l'ampleur   de   la   tâche   en  matière   de  dette   souveraine  qui   échoit   à   chaque  citoyen   de   notre   pays.   Le   mot   d'Agence   France   Trésor   reviendra   plusieurs   fois   dans  l'échange.  

Quand  bien  même,  le  Président  –  en  vertu  de  l'adage  "  jamais  le  donjon  en  premier    "  –  se  ferait-­‐il  entourer  de  conseillers,  le  discours  du  Gouverneur  sera  invariant.  

A  cet  instant  précis,  le  Président  vivra  son  quinze  Mai  :  il  saura  exactement  le  lien  entre  des  taux  d'intérêts  à  la  hausse  sur  emprunts  publics  et  les  efforts  qu'ils  imposeront,  de  facto,   au   corps   social.   D'une   logique   intellectuelle   que   les   deux   candidats   dominaient  parfaitement,   le   Président   élu   passera   à   une   logique   quasi-­‐charnelle   en   mesurant   au  trébuchet  la  dérive  de  l'intérêt  face  à  la  pression  fiscale  accrue  ou  la  dépense  publique  encore  davantage  contenue.  

A  cet  instant,  le  Président  aura  devant  lui  l'équation  de  l'épreuve,  la  preuve  que  la  part  non  domestique  de  notre  endettement  est  un  bloc  détaché  de  la  montagne  sur  la  route  

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du   bonheur   de   ses   concitoyens,   de   ses   millions   d'hommes   et   de   femmes   dont   il   est  physiquement   responsable  par   la   recherche  du  maintien  de   la  paix   et  par   la  quête  du  maintien  –  a  minima  –  du  niveau  de  vie.  La   réforme   constitutionnelle   instaurant   le   quinquennat   sera   très   probablement   jugée  sévèrement  par  l'histoire  car  elle  ne  laisse  plus  au  Président  un  vrai  pouvoir  d'arbitrage.  

L'arbitre  est  devenu  un   joueur   :  une  sorte  de  capitaine  d'équipe  à   la   limite  un  chef  de  majorité   parlementaire.   Cette   réforme   allègrement   soutenue   par   Messieurs   Giscard  d'Estaing   et   Jospin   est   déjà   inscrite   au   tableau   des   erreurs   :   il   faudrait   peu   de   choses  pour  qu'elle  bascule  sur  l'ardoise  des  fautes  de  nos  politiques.  

Car  le  Président  du  15  Mai  sera  bel  et  bien  pris  en  tenailles  entre  la  notion  axiomatique  de  continuité  de  l'Etat  et  celle  du  bilan  de  nombreuses  années  d'une  démocratie  laxiste  du  fait  de  sa  propension  trop  aisée  à  dire  oui  à  toutes  les  demandes  du  corps  social.  

Depuis  les  salles  polyvalentes  trop  grandes  en  passant  par  des  aménagements  de  centre  ville  séculaire  que  la  nécessité  n'inscrivait  pas  en  tête  de  la  rationalité.  

Raymond   Barre,   avec   sa   lucidité   brillante   et   corrosive,   a   dit   avec   maladresse   aux  Français   qu'ils   vivaient   au-­‐dessus   de   leurs  moyens.   Bien   des   années   après,   toutes   les  collectivités  territoriales,  tous  les  "  quangos  "  (  quasi-­‐non  governemental  organizations  )  dénoncés  par   la  dame  de   fer  britannique  n'ont  pas  mesuré   la  pleine  portée  du  propos  barriste.  Notre  France  aime  la  dépense  publique.  Pourtant   nos   concitoyens   ont   parfaitement   compris.   A   l'heure   où   l'inflation   est   déjà  manifeste  (  essence,  produits  alimentaires,  etc  ),  ils  économisent  et  présentent  ainsi  un  taux   d'épargne   quasi-­‐record.   Des   beaux   esprits   comme   Alain   Minc   auront   une  explication   que   même   Madame   Christine   Lagarde   ne   serait   pas   mise   en   état   de  comprendre  face  à  la  densité  du  verbiage.  La  réalité  demeure,  les  Français  ont  compris  !  Oui,   ils   ont   bien   compris   qu'il   allait   falloir   soutenir   davantage   leurs   jeunes   en   mal  d'emplois,  financer  une  partie  de  la  dépendance  et  payer  des  feuilles  d'impôts  sur  papier  recyclé  avec  du  papier  monnaie  durement  gagné.  

Loin  d'être  ignares  en  économie,  nos  concitoyens  sont  nettement  plus  clairvoyants  que  nombre  de  politiques  ne  le  pensent.  A  tort,  donc  de  la  part  des  élus.  Pour   le  Président  du  15  Mai,   il   faudra  avoir  une   calculatrice  branchée  en  permanence  sauf  à  vouloir  glisser  vers  une  situation  à   l'espagnole  et   il   faudra  dominer  un  mot-­‐clef  que  Pierre  Mendès-­‐France  avait  su  apprivoiser  en  son  temps  :  la  pédagogie  de  l'action.  Sans  pédagogie,  le  coefficient  d'acceptation  des  efforts  sera  moindre  voire  anéanti.    

Le   toujours   surprenant   Jean-­‐Pierre   Raffarin   pourra   alors   continuer   de   gloser   sur   sa  route  droite  et  sur  la  célèbre  pente  raide.    Ce  qui  sera  raide,  si  le  Président  du  15  Mai  ne  veut   pas   prendre   le   temps   d'expliquer,   d'expliquer   toujours,   cela   sera   les   tableaux   de  roulement  des  compagnies  républicaines  de  sécurité.  Conviendra-­‐t-­‐il   de   recourir   à   l'article   18   de   la   Constitution   aux   termes   duquel   le  Président  "  peut  prendre  la  parole  devant  le  Parlement  réuni  à  cet  effet  en  Congrès  "  ?  

Ce   point   avec   Monsieur   le   Gouverneur   effectué,   il   faut   espérer   que   le   Président   ira  marcher   dans   le   parc   pour   reprendre   du   souffle   comme   savaient   le   faire   ses   deux  terriens  que  furent  les  Présidents  Georges  Pompidou  et  François  Mitterrand.  

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Entre  le  Cantal  et  le  Morvan,  il  y  a  bien  des  différences  mais  ces  deux  êtres  d'exception  avaient  une  force  intérieure  rare  et  une  capacité  de  vraie  distanciation,  qualité  sine  qua  none  pour  un  Chef  d'Etat  digne  de  ce  titre.  On  peut  hélas  craindre  que  le  recul  ne  soit  pas  le  mot  magique  de  cette  journée  et  que  d'autres   rendez-­‐vous   cruciaux   ne   se   suivent   notamment   celui   dédié   au   futur  déplacement  du  nouvel  élu  vers  la  Chancellerie  allemande.  "  Vaste  programme  "  comme  aurait  dit  le  Général  de  Gaulle  tant  le  chemin  de  l'entente  fondamentale  et  névralgique  est  parsemé  d'embûches  pour  ne  pas  dire  de  divergences  conséquentes  que  La  Chancelière  a  pris  le  soin  de  réitérer  à  plusieurs  reprises  en  amont  de  ce  premier  contact  de  visu.  

Un   jour,  Fidel  Castro  a  dit   :   "  L'Histoire  est  écrite  par   les  vainqueurs   ".   Il  nous   restera  donc   à   déchiffrer,   avec   patience,   le   communiqué   final   de   la   future   rencontre   qui   va  donner  lieu  à  un  texte  ciselé  et  des  propos  choisis.  La  France  a  heureusement  progressé  dans  sa  relation  franco-­‐allemande  et   le  temps  où  un   certain   Jacques   Chirac   avait   omis   de   prévenir   préalablement   l'Allemagne   de   la  reprise  en  Août  1995  de  nos  campagnes  d'essais  nucléaires  semble  loin....  Le   Président   du   15   Mai   sera   le   gardien   des   règles   du   Texte   suprême   qu'est   la  Constitution.  

Essayons  d'en  déduire  quelques  points  d'actualité.  La  campagne  électorale  a  évoqué  les  pratiques  religieuses.  Curieusement,  on  ne  sait  pas  très  bien  la   ligne  directrice  des  uns  et  des  autres.  Pour  résumer,  si   l'on  veut  assurer   la  dignité  de  la  prière  (  et  lui  faire  quitter  les  trottoirs  ),  il  faudra  réfléchir  à  l'édification  de  lieux  de  culte.  

"   Nul   ne   doit   être   inquiété   pour   ses   opinions,   même   religieuses,   pourvu   que   leur  manifestation   ne   trouble   pas   l'ordre   public   établi   par   la   Loi.   "     Article   10   de   la  Déclaration  des  Droits  de  l'Homme  et  du  Citoyen  de  1789.  Premier  thème  de  labeur  pour  l'équipe  du  Président  :  faciliter  l'émergence  de  solutions  compatibles   avec   l'article   1er   de   la   Constitution   qui   rappelle   que   la   France   est   une  République  laïque.  Ce   thème   contient   d'ailleurs   un   sous-­‐thème  peu   évoqué   :   celui   du   recours   à   la   langue  française  (  article  2  )  alors  même  que  certaines  files  de  bureaux  de  poste  sont  en  langue  étrangère.  Echouer  sur  ce  sujet  socialement  sensible  de  l'intégration  serait  voir  une  recomposition  des  forces  politiques  de  droite  où  la  composante  la  plus  importante  serait  alors  la  plus  extrême.   Autrement   dit,   un   défi   significatif   et   une   forme   de   péril   pour   la   paix   civique  sans   même   parler   de   la   "   douce   France   "   chère   à   Charles   Trenet   et   reprise   par   Les  Enfants  du  Pays.  L'article  3  traite  de  la  souveraineté  nationale  exercée  par  les  représentants  du  peuple  et  par   la  voie  du  référendum.  Chacun  sent  bien  que  les  Français  rêvent  d'un  ou  plusieurs  débats   référendaires.   Mais   comme   l'ont   magistralement   démontré   les   politologues  Roland  Cayrol   et   Stéphane  Rozès,   dans   un   référendum   le   peuple   choisit   davantage  de  dire  oui  ou  non  au  Président  qui  pose  la  question  plutôt  que  de  répondre  précisément  à  la  question.  

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Le   Président   du   15   Mai,   de   gauche   tempérée   ou   accentuée,   aura   des   envies   de  référendum.   Le   peuple   aussi.   Or,   en   césarisme   démocratique   issu   de   la   cinquième  République,   le  référendum  semble  vite  un  attrape-­‐tout  où   la  démocratie  peut  ne  pas  y  trouver  son  compte.  

Les  élections  législatives  de  Juin  2012  pourraient  apporter  un  lot  de  surprises  voire  de  déconvenues   car   les   appareils   politiques   (   "   Les   partis   concourent   à   l'expression   du  suffrage   "   Article   4   )   seront   placés   dans   des   configurations   moins   univoques   que  prévues.  Et  si  ce  quinquennat,  soi-­‐disant  outil  anti-­‐cohabitation,  en  apportait  une  à  l'homme  du  6  Mai  2012  ?  

Si   tout  mandat   impératif   est  nul,   on  peut   toutefois   craindre   la  montée  de   la  discipline  interne   des   partis   (   les   consignes   coercitives   de   vote   )   et   l'extension   du   rôle   des  lobbystes  au  sein  de  notre  Parlement.  Dans   tous   les   cas   de   figures,   le   travail   parlementaire   restera  marqué   par   l'urgence   et  l'inflation  des  lois  votées  ce  qui  pose  question  au  regard  de  l'étranglement  des  rouages  du  Conseil  d'Etat  en  matière  de  rédaction  de  décrets  d'application.  Par  l'article  5,  le  Président  est  garant  du  respect  des  traités  :  quid  de  cette  formulation  alors  que  certains  traités  mériteront  d'être  revisités  au  plan  européen  :  introduction  de  la  notion  de  croissance  pour  tenter  de  juguler  l'austérité,  refonte  partielle  des  accords  de  Schengen,  etc.  

Par  l'article  38,  le  Gouvernement  peut  recourir,  pour  un  temps  limité,  à  la  procédure  des  ordonnances.  La  crise  aidant,   il  nous  parait  hautement  probable  que  ce  mécanisme  ne  soit  mis  en  action  du  fait  des  contraintes  temporelles.  

L'article   40,   bien   connu   des   juristes   comme   l'éminent   Guy   Carcassonne,   mérite   une  citation  in  extenso  :    "  Les  propositions  et  amendements  formulés  par  les  membres  du  Parlement  ne   sont   pas   recevables   lorsque   leur   adoption   aurait   pour   conséquence   soit  une  diminution  des  ressources  publiques,  soit  la  création  ou  l'aggravation  d'une  charge  publique  ".  

Ce  texte  est  clair  et  vise  la  vie  parlementaire.  Nous   préconisons   avec   insistance   que   dès   le   15  Mai,   le   Président   de   la   République   le  transpose  à  la  vie  ministérielle.  

Autrement  dit,  qu'une  charte  de  fonctionnement  de  l'exécutif  rassemble  les  idées  forces  du  Président  et  qu'elle  contienne  une  disposition  du  type  :    "  Toute  mesure  proposée  par  un   membre   du   Gouvernement   devra   tendre,   à   efficacité   économique   et   sociale  constantes,  à  contribuer  au  désendettement  de  la  Nation.  A  défaut,  l'alourdissement  de  la  charge  publique  due  à  la  nouvelle  mesure  devra  être  obligatoirement  compensée  par  une  ou  des  décisions  d'allègement  budgétaire  ".  L'ampleur  des  réformes  à  mener  est  immense  :  nous  le  savons  tous.  

Si  le  dernier  des  Secrétaires  d'Etat  peut  prendre  telle  ou  telle  initiative  défavorable  aux  finances   publiques,   alors   la   France   ira   vers   des   pages   sombres   de   son   Histoire  économique  et  financière.  

Il  y  a  des  contribuables  riches.  Mais  pas  tant  que  çà.    L'Etat  doit  changer.  

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Le  Président  du  15  Mai  sera  à  sa  table  de  travail  avec  ardeur  :   il  vivra  le  temps  du  dur  labeur  et  celui  des  épreuves.  

Parmi  celles-­‐ci,  pourrait  bien  figurer  la  QPC  (  Question  prioritaire  de  Constitutionnalité  )  définie  par   l'article  61-­‐1  de   la  Constitution.  N'aurait-­‐elle  pas  été  utilisée  en  1982  pour  contrecarrer   les   lois   de   nationalisation   voulues   et   promulguées   par   l'ancien   élu   du  Morvan  :  le  Président  Mitterrand  ?  De  même  ce  quinquennat  qui  débutera  en  2012  verra  sûrement  la  montée  en  puissance  du  Défenseur  des  droits  (  article  71-­‐1  ).  La  journée  du  7  Mai  de  notre  nouvel  élu  pourrait  être  historique  (  comme  elle  le  fût  en  1915  avec   le  naufrage  du  Lusitania  )  en  cas  d'attaques  spéculatives  contre  notre  pays.  D'ici   fin   Mai,   l'Agence   Française   du   Trésor   a   de   lourdes   procédures   de   recours   aux  marchés  à  élaborer  avec  finesse.  Notamment  le  16  Mai.  

Quant  au  Président  de  la  République,  il  pourra  le  lendemain  matin  même  de  son  élection    –  l'espace  d'un  instant  en  ce  7  mai  –  penser  à  Olympe  de  Gouges  (  née  le  7  Mai  1748  )  et  à  sa  "  Déclaration  des  droits  de  la  femme  et  de  la  citoyenne  "  car  la   lutte  pour  l'égalité  hommes-­‐femmes  demeure  un  vrai  sujet.  Ou  alors,  plus  mélancolique,  il  repensera  au  discours  de  1969  de  Jacques  Chaban-­‐Delmas  sur   la   "   nouvelle   société   "   où   des   esprits   comme   Jacques   Delors,   Simon   Nora   et  Dominique   de   La   Martinière   s'étaient   rencontrés   pour   soumettre   un   cadre   qui   fait  encore  sens  dans  bien  des  sections  abordées.  

Oui,   le  Président  du  15  Mai  –  exténué  par   sa  première   journée  –  pourra  enfin  aller   se  reposer  en  murmurant  la  phrase  de  Chaban  :  "  Le  discours  est  moins  important  que  le  projet  dont  il  était  porteur.  "    (  in  Mémoires  pour  demain,  page  431  ).  

La  France  veut  un  projet.  La  France  compte,  par  millions,  des  hommes  et  des  femmes  en  attente  d'une  pédagogie  de  l'action  publique.    Ne  l'omettez  pas,  Monsieur  le  Président  de  la  République.  Et  puis,  gardez  en  filigrane  que  la  pleine  capacité  d'action  commencera  le  lendemain  du  deuxième   tour  des   élections   législatives  des  10   et  17   Juin,   soit   le   Lundi  18   Juin   :   date  historique  s'il  en  est.  Parlant  d'histoire,  le  Président  du  15  Mai  venu  des  terres  rudes  de  Corrèze  sait  que  les  heures  peuvent  être  parfois  graves.    

Nul  homme  de  son  rang  ne  saurait  oublier   le   trop  fameux  16  Mai   :  c'est  à  dire   la  crise  institutionnelle  profonde  du  16  Mai  1877.  

Celle   qui   opposa   le   Président  Mac-­‐Mahon   à   la   Chambre   des   députés   et   notamment   à  Gambetta  qui  avait  déclaré,  à  Lille,  le  15  Août  1877  cette  célèbre  exclamation  "  Quand  la  France   aura   fait   entendre   sa   voix   souveraine,   croyez-­‐le   bien,   Messieurs,   il   faudra   se  soumettre  ou  se  démettre  ".  Face  aux  marchés  financiers  et  à  l'appel  de  fonds  du  16  Mai  2012,  face  à  la  Nation  et  à  son   vote   législatif,   le   Président   a   les  moyens   de   son   action   sous   condition   qu'elle   soit  pertinente,   lisible  et   idoine  et  que   le   temps  de   la  pédagogie  ne  soit  pas  englouti  par   le  temps  requis  de  l'action.  

   

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-­‐  XIII  -­‐  

Politique  économique  et  attractivité  :  un  duo  gagnant.      

La   crise   économique   en   Europe   semble   prendre   une   tournure   très   préoccupante   :   la  Grèce  et  son  peuple  sont  à  bout  et  l'Espagne  vacille.  L'Histoire  s'apprête  peut-­‐être  à  nous  jouer   un   sale   tour   collectif   et   pourtant   il   faut   continuer   de   réfléchir   aux  modalités   de  sortie  de  crise.  

Un  maillage   plus   dense   entre   les   externalités   et   la   politique   économique  nous   semble  être  un  outil  opérant  :  examinons  ensemble  les  lignes  de  force  de  ce  binôme.    

Tout   d'abord,   il   convient   de   revenir   sur   le   diagnostic   de   la   crise.   Le   débat   sur   les  externalités   s'inscrit   dans   un   moment   historique   particulier   qu'il   serait   absurde   de  passer  sous  silence  et  qui  mérite  donc  quelques  paragraphes  en  guise  de  liminaire.  

Si   la   Grèce   est   contrainte   de   quitter   la   zone   euro,   le   choc   sera   sévère  mais   possible   à  absorber.   Les   vides   juridiques   des   Traités   fondateurs,   les   questions   d'insertion   d'une  nouvelle   monnaie   sur   notre   continent,   le   risque   avéré   de   décrochage   de   parité   de   la  nouvelle   monnaie   sont   autant   d'éléments   d'ordre   technique   qui   ne   sont   pas  insurmontables.   Les   poser   comme   absorbables   ne   revient   nullement   à   dire   que   nous  souhaitions   leur   survenance.   Notre   passion   pour   l'Europe   est   à   la   fois   atteinte   et  inquiète.  

En  revanche,  la  situation  espagnole  (  où  l'on  vient  d'apprendre  la  nationalisation  d'une  banque   avec   abandon   pur   et   simple   d'un   prêt   étatique   antérieur   de   près   de   cinq  milliards  d'euros  )  est  d'une  toute  autre  ampleur  et  l'onde  de  choc  serait  –  selon  nous  –  un   super   stress   test   pour   la   zone   euro.   En   fait,   le   test   d'une   nuit   en   montagne   sans  couverture   de   survie.   En   effet,   on   voit   mal   la   BCE   pouvoir   aller   plus   loin   que   son  interprétation   déjà   "   border-­‐line   "   des   traités   pour   soutenir   la   situation.   D'autre   part,  nous   sommes   convaincus   que   des   secteurs   entiers   de   l'économie   ibérique   n'ont   pas  encore  joué  la  carte  de  la  sincérité  des  comptes.  Le  secteur  de  la  construction  doit  avoir  des   réserves   de   besoins   de   provisions   comptables   qu'une   paille   de   fer   permettrait   de  débusquer.  Avec  son   lot  de  conséquences,  attachés  que  nous  sommes  à  une  vision  des  propagations   inter-­‐sectorielles  et  à  une  dimension  holistique  des  sociétés  occidentales  modernes.  En   cas   de   crise   des   paiements   sur   dette   souveraine   espagnole,   il   est   évident   que   les  provisions   pour   dépréciation   font   fleurir   comme   des   coquelicots   dont   le   rouge   se  répandra   sur   les   lignes   des   produits   nets   bancaires   :   l'impact   serait   important   pour  plusieurs   établissements   français   et   bousculerait   à   l'envie   un   quadrilatère   dont   les  sommets  sont  les  suivants  :  provisions  pour  dépréciations  (  ou  constatation  directe  de  la  

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créance  irrécouvrable  sur  un  seul  exercice...),    déséquilibres  bilanciels  en  pleine  réforme  de   type  Bâle   III,     réouverture  de   la   défiance   face   à   tel   ou   tel   établissement,     capacités  restreintes  des  Etats.  S'agissant   de   ces   derniers,   l'exemple   de   Dexia   frôle   la   caricature   :   autant   on   voit  mal  l'état  des   finances  publiques  permettre  un  sauvetage  en  début  de  crise  paroxystique   (  nationalisation  )  autant  il  serait  loisible  à  un  Etat  d'acquérir  –  dans  un  deuxième  temps  -­‐  la  banque  lorsque  son  action  se  compterait  en  centimes  d'euros.  Ce  qui  n'écarterait  pas  le  coût  budgétaire  de  la  restructuration  dudit  établissement.  Ce   schéma   est   à   notre   porte   sauf   à   imaginer   l'hérésie   de   revenir   sur   le   discours   du  Président  Sarkozy  sur  la  sécurité  des  dépôts  (  Toulon,  2008  ).  

Nous  avons  déjà  écrit  que  nous  récusions  le  terme  de  système  bancaire  qui  supposerait  un  ordonnancement  là  où  il  n'y  a  qu'empilement  d'acteurs  indépendants  aux  stratégies  hétérogènes.   Le   risque   systémique   est   un   terme   impropre   :   la   contagion   par   effet-­‐dominos  peut  en  revanche  être  une  réalité.  

Ce   contexte   de   grande   défiance   financière   et   de   risque   sur   dette   souveraine   étant  rappelé  dans  ses  lignes  de  force,  il  convient  d'ajouter  notre  triple  conviction  :  d'une  part,  nous  sommes  dans  un  phénomène  de  crise  de  type  de  celle  de  Juglar  (  entre  8  à  11  ans  de   récurrence   ),   puis   nous   sommes   convaincus   que   la   slumpflation   (   récession   et  inflation   )   nous   attend   et   non   pas   la   déflation,   enfin   ces   chocs   vont   libérer   une   force  gigantesque  de  concentration  de  type  Fortis  absorbée  par  la  Bnp.  

Or  les  externalités  ont  un  lien  technique  évident  avec  la  taille  unitaire  des  producteurs.  Rappelons   en   premier   lieu   leur   définition   par   Pigou   en   1932   :   il   s'agit   de   "   l'effet   de  l'action  d'un  agent  économique  sur  un  autre  qui  s'exerce  en  dehors  du  marché  ".  

L'externalité   est   positive   lorsqu'elle   entraîne   des   bénéfices   pour   tel   ou   tel   agent.   A  l'inverse,   elle   est   négative   lorsqu'il   s'agit   –   par   exemple   –   de   prendre   en   compte   des  atteintes  à  l'environnement.  Ainsi,   les   externalités   représentent   l'impact   réel   mais   fortuit   de   l'activité   d'un   agent  économique   sur   les   autres.   On   cite   souvent   le   cas   de   l'usine   papetière   qui   située   en  amont  génère  une  externalité  négative  pour  les  agents  vivant  en  aval  du  cours  d'eau.  Pour  rentrer  dans  le  vif  du  sujet  et  de  notre  lien  entre  politique  économique  moderne  et  externalités,   cela   revient   à   dire   qu'il   ne   saurait   être   question   de   lire   les   comptes   de  résultat   de   l'activité   Fret   de   la   SNCF   sans   penser   a-­‐u-­‐t-­‐o-­‐m-­‐a-­‐t-­‐i-­‐q-­‐u-­‐e-­‐m-­‐e-­‐n-­‐t   que  l'abandon   de   certaines   dessertes   est   une   externalité   négative   majeure   du   fait   des  milliers  de  camions  qu'elle  rajoute  sur  les  routes.  A  choisir,  que  préfère  le  contribuable  ?    les   rejets   de   Co2   des   poids   lourds   et   leurs   taux   d'accidentologie   ou   un   peu   de   déficit  public   qui   est   digne   d'epsilon   rapporté   aux   déficits   publics   annuels   que   la   France  enregistre  depuis  des  décennies.  On  se  fait  intellectuellement  plaisir  avec  une  calculette  plantée   dans   le   dos   du   valeureux   Guillaume   Pépy   et   on   oublie   le   coût   complet   de   la  mesure  (  usure  des  infrastructures  routières,  pollution  directe,  sécurité  routière  ).    

Bref,  l'Etat  croit  savoir  compter  là  où  il  ne  fait  que  des  soustractions  de  surface  générant  des  questions  de  fond  plus  graves.  

A   l'heure   où   une   nouvelle   majorité   s'installe   et   un   nouveau   Président   se   prépare   à  conduire   les  affaires,  nous  appelons  avec  vigueur  et   insistance  pour  un  nouveau  calcul  économique.  La  LOFL  et  la  RGPP  sont  des  outils  de  première  approche  qui  doivent  éviter  les   écarts   dont   l'analyse   est   le   métier   des   contrôleurs   de   gestion.   Au-­‐dessus,   il   y   a  

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l'intérêt   collectif   majoritaire     (   voire   l'intérêt   général   )   qui   suppose   ardemment   le  recours  à  des  approches  plus  élaborées.  

En  matière   d'externalités   négatives,   il   a   été   réalisé   des   avancées   selon   le   principe   du  polleur-­‐payeur  :  tout  ceci  est  connu.  

Mais   quid   des   externalités   positives   ?       Les   entreprises   d'une   certaine   taille   sont  contraintes  d'annexer  à  leurs  comptes  annuels  un  bilan  social.  Nous   revendiquons   qu'une   Administration   de   mission   comme   la   Datar   (   ou   autre   )  reçoive  mandat  de  faire  un  recensement  analytique  des  externalités  positives  puis  tente,  avec  l'aide  de  services  de  Bercy  et  de  l'Insee,  de  quantifier  les  choses.  

Le   Président   Hollande   a   dit   avec   clarté   et   détermination   qu'il   prendrait   toutes   ces  décisions  en  se  posant  la  question  préalable  de  leur  justice.  Dans  le  cas  du  fret  Sncf,  cela  fait  des  années  que   les  décisions  prises  ne  sont  pas   justes  pour   la  Maison  France  mais  seulement   pour   deux   ou   trois   férus   de   comptabilité   analytique   que   les   pelotons  autoroutiers   devraient   inviter,   manu   militari,   à   voir   les   conséquences   d'un   accident  impliquant  un  camion.  

D'ailleurs,   notre   contribution   est   ici   totalement   prête   au   défi   des   chiffres   :   on   a  économisé  moins  de  200  millions  d'euros  avec  cette  histoire  de  plan  fret  Sncf.  Au  prix  de  la  vie  d'autrui  reconnu  par  les  barêmes  des  assureurs  (  et  sans  parler  du  préjudice  moral  et   du   gâchis   humain   ),   combien   d'accidents   avec   des   camions   ayant   pour   donneurs  d'ordre  des  chargeurs  anciens  clients  de  la  Sncf  ?    Combien  ?  

Combien  de  réunions  où  l'on  veut  s'évanouir  devant  le  prix  du  ferroutage  sans  recourir  à  de   l'analyse   économique   voire   à   la   célèbre   analyse   juridique   du   Conseil   d'Etat   :   le  fameux  bilan  "  coûts-­‐avantages  "  .  

Nous   sommes   dans   une   société   aux   ramifications   sophistiquées   et   aux   produits  complexes,   ne   pas   faire   un   effort   d'appréhension   des   externalités,   c'est   dire   aux  Laboratoires   Servier   que   leur   bilan   "   bénéfices-­‐risques   "   du   Médiator   avait   été   bien  appréhendé....  

Les   enjeux   sont   trop   lourds   et   il   faut   quantifier   les   externalités   pécuniaires   qui  concernent  la  fonction  de  coûts  (  Scitovsky,  1954  )  et  impactent  donc  directement  notre  compétitivité,  pierre  angulaire  recherchée  par   toute  politique  économique  digne  de  ce  nom.   L'économie   du   gratuit   –   qui   est   une   innovation   récente   liée   aux   nouvelles  technologies  (  logiciels,  libres,  journaux  gratuits,  téléchargements,  etc  )  sont  des  faits  qui  doivent  être  quantifiés  quelque  part  dans  le  raisonnement  des  grands  décideurs  publics.  

De   même   des   efforts   sont   à   poursuivre   par   les   entreprises   privées   en   matière   de  chiffrage   de   leurs   efforts   en   matière   de   RSE   (   Responsabilité   Sociétale   et  Environnementale  ).  

A  notre  connaissance,  les  documents  RSE  évoquent  parfois  la  sécurité  au  travail  voire  sa  pénibilité   mais   demeurent   silencieux   sur   le   temps   de   trajet   domicile-­‐travail   et   leurs  risques.   (   accidents,   stress,   fatigue   ).     Plus   le   facteur   travail   est   loin   de   son   lieu   de  production,  plus  son  risque  de  fatigue  en  cours  de  journée  (  avec  le  taux  d'erreur  corrélé  )  est  grand.  On  peut  gloser  dans  des  colloques  sur  la  qualité  :  il  n'est  pas  viable  d'omettre  des  variables.  Pour  conclure,  nous  sommes  convaincus  qu'un  chantier  sur  les  externalités  permettrait  une  politique  économique  plus  performante  en  termes  de  maîtrise  réelle  et  sérieuse  des  coûts  budgétaires  et  en  matière  d'emploi.  

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Avec  une  calculette,  on  ferme  un  hôpital  de  proximité.  Avec  de  la  "  comprennette  ",  on  mesure  le  coût  des  ambulances  VSL  (  et   leurs  petits  arrangements...)  et   la   fatigue  pour  des   patients   qui   font   parfois   140   kms   (   aller   et   retour   )   pour   aller   subir   des   séances  fatigantes  de  radiothérapie.  

Oui,   une   réflexion   technique   crédible   s'impose   sur   l'externalité   qui   est   un   foyer   de  mieux-­‐vivre   et   de   dépenser   juste.  Deux   piliers   formant   un   binôme  pour   une   politique  économique  digne  de  ce  nom.    

Et   bien   évidemment,   ladite   politique   –   last   but   not   the   least   –   constituerait   alors   un  levier  puissant  en  termes  d'attractivité  de  la  France  :  un  duo  gagnant,  en  somme.  

 

   

   

 

   

 

   

   

 

   

   

 

   

 

   

   

 

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-­‐  XIV  -­‐  

Revisitez  d'urgence  la  politique  économique  !      La  politique  économique  qui  repose  sur  plusieurs  instruments  (  fiscalité,  budget,  soutien  à  la  compétitivité,  etc  )  doit  être  revisitée  à  l'aune  de  la  crise  qui  chamboule  certitudes  et  habitudes.  Pour  être  revisitée,  il  faut  d'abord  cerner  ses  objectifs  avant  d'énoncer  mezzo  voce  quelques  idées.  

 En  1974,  défait  par  Valéry  Giscard  d'Estaing,  François  Mitterrand  avait  dit  à  Françoise  Giroud  et  quelques  amis  :  "  Décidément,  l'Histoire  ne  m'aime  pas  ".  En  1981,  on  connait  son  célèbre  :  "  Les  ennuis  commencent,  enfin  ".    A  l'heure  présente,  nul  n'a  rapporté  le  concentré  de  la  pensée  du  Président  Hollande  à  l'exclusion  du  cri  public  :  "  Merci,  peuple  de  France  "  prononcé  avec  panache  à  La  Bastille.  Amour,  ennuis,  merci   :  trois  mots  qui  pourraient  bien  surgir  sur  le  bureau  du  nouveau  Chef  de  l'Etat  selon  une  séquence  brutale  :  les  marchés  ne  vont  pas  aimer  sa  politique,  le  pays   pourrait   avoir   des   ennuis   et   nul   ne   viendra   remercier   cet   homme   estimable   des  efforts  qu'il  va  demander  à   telle  ou  telle  partie  du  corps  social.  En  temps  de  guerre,   le  citoyen   accepte   Clémenceau   ou  Winston   Churchill   :   en   temps   de   paix,   il   les   congédie  comme  ses  deux  illustres  exemples  viennent  le  confirmer  avec  force  et  ingratitude.  

Autant   dire   que   l'élaboration   de   la   nouvelle   politique   économique   de   Monsieur   le  Président  Hollande  va  être  un  acte  fondateur  de  son  quinquennat  et  nous  ne  parlons  pas  ici  du  doublement  du  plafond  des  dépôts  sur  le  Livret  A....  

La  politique  économique  forme  un  tout  mais  est  généralement  composée  d'une  série  de  mesures  prises  par  l'Etat  en  fonction  de  sa  perception  de  l'activité  économique  et  de  la  situation  sociale  (  politique  de  redistribution  ).  

Qui   dit   perception   des   besoins   dit   qualité   du   périscope   :   or,   l'Etat   a   négligé   certains  travaux  internes  très  bien  conduits  par  ses  propres  services  pour  recourir  parfois  à  des  officines   aux   raisons   sociales   d'inspiration   anglo-­‐saxonne   qui   n'étaient   pas   toujours  frappées  du  sceau  de  l'exactitude.  Dans   les   "  mille   sentiers  de   l'avenir   ",   l'estimé   Jacques  Lesourne  avait  donné  des   clefs  pour   identifier  et  planifier   la  prospective.  Ces  règles  sont  trop  souvent   foulées  au  pied  par  des  personnes  dont  le  bagage  relève  plus  de  la  communication  corporate  plutôt  que  des  sciences  économiques  et  sociales.  De  plus,  nous  avons  déjà  écrit  –  en  pleine  fidélité  à  Raymond  Barre  –  que  la  question  centrale  était  l'économie  politique  et  non  les  sciences  économiques.  

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Concrètement,   l'Etat  doit  d'urgence  reprendre  les  rênes  du  périscope  faute  de  quoi  ses  tirs  –  ses  mouvements  de  politique  économique  –  manqueront  leurs  cibles.  

A  l'heure  où  la  France  dispose  d'éléments  efficaces  et  dévoués,  il  est  assez  de  céder  à  des  modes   –   parfois   venus   des   lobbys   de   Bruxelles   –   qui   répandent   des   approximations  économiques  que  le  danger  de  la  crise  ne  permet  plus  de  s'offrir  et  de  supporter.  

Toujours   aussi   concrètement,   quand   le   Commissariat   au   Plan   (   ou   un   organisme  équivalent   )   sera   tenu   par   un   héritier   de   Paul   Delouvrier   (   et   non   par   certains  personnages   transparents   nommés   du   temps   de   Jacques   Chirac   ),   la   Présidence   de   la  République   et   Bercy   auront   des   interlocuteurs   et   non   des   succédanés   d'économistes  passés   par   le   Conseil   d'Etat   dont   la   réputation   juridique   hautement   établie   ne  prédispose   sans   doute   pas,   comme   dirait   notre   camarade   et   ami   Marc   Lambron,   à  l'économie.  

Il   est   toujours   de   bon   ton   de   se   gausser   du   Plan  mais   souvenons-­‐nous   avec   droiture  intellectuelle  du  rapport  du  Plan  intérimaire  de  1982  piloté  par  Michel  Rocard  :  "  Il  n'y  a  pas  de  secteurs  condamnés,  il  y  a  des  technologies  dépassées  ".  

Les   farouches   tenants   d'une   spécialisation   ricardienne   expliquaient   à   longueur   de  colonnes,  de  colloques,  de  réunions  interministérielles  qu'il  fallait  retenir  une  dizaine  de  spécialités  et  lâcher  le  reste,  textile  en  tête.  

Des  années  après,  trois  observations  :  d'une  part  la  France  excelle  dans  certains  textiles  thermiques   et   autres   fort   complexes,   d'autre   part,   la   Chine   et   autres   BRICS   nous   font  lourdement   concurrence   dans   tous   les   secteurs,   enfin   Jean   Riboud   (   Président   de  Schlumberger  et  ex-­‐visiteur  du  soir  de  l'ancien  élu  du  Morvan  :  François  Mitterrand  )  a  toujours   dit   que   la   concurrence   mondiale   serait   omnisectorielle   et   qu'il   fallait   "   tout  tenter  de  défendre  par  la  modernisation  ".  Concrètement,   une   conclusion   opérationnelle   s'impose   :   il   ne   devrait   pas   y   avoir   de  politique   sectorielle   au   sens   de   filière   (   ferroviaire,   électronucléaire   ),   il   devrait   être  enfin   mis   sur   pied   un   authentique   Ministère   de   l'Industrie   dédié   à   tous   les   secteurs  même   si   évidemment   le   périscope   imposera   un   panachage   dans   l'intensité   de   l'action  publique.  Autrement   les   torpilles  de   l'interventionnisme  étatique   feront  de   la   godille   et   iront   se  perdre  par-­‐delà  leurs  objectifs  initiaux.  

Reconstruire  un  outil  de  veille  et  de  prospective  in  situ  est  un  axe  fort.  Il  conditionne  l'efficacité  –  le  rapport  qualité-­‐prix  –  de  l'intervention  de  l'Etat.  

En  effet,   la  politique  économique  est  un  sujet  d'envergure  pour  quatre  grandes  raisons  qu'il  est  impératif  de  lister.  

En  première  approche,  la  crise  (  monétaire,  financière,  économique  )  n'est  pas  finie  et  on  dirait   qu'une   course  poursuite   erratique   s'est   installée   entre   ses   trois   composantes   et  qu'une  sorte  de  podium  olympique  se  dresse  face  aux  peuples.  Parfois  la  crise  monétaire  est  médaille  d'or,  parfois  c'est  la  crise  économique  (  voir  prévisions  de  croissance  revues  à  la  baisse  ce  jour  et  abandon  du  1,7%  )  qui  l'emporte.  Si  la  crise  est  d'ordre  trinitaire,  les  réponses  des  Etats  de  l'Union  ne  sont  pas  unitaires  ni  même  univoques.  En  deuxième  approche,  nous  appartenons  à  un  chemin  de  pensée  qui  estime  que   tout  phénomène  économique  s'inscrit  dans  une  dimension  historique.  Le  prix  Nobel  1993,  le  

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remarquable   Douglass   North,   a   démontré   l'importance   de   l'histoire   économique   (  Institutional  Change  et  Economic  Fundamentals,  1990  ).    

"  Notre  "  crise  est  historique  et  il  faut  lui  répondre  par  des  gestes  de  portée  historique.  Autrement   dit,   la   nouvelle  majorité   aura   –   en   droit   -­‐   les  mains   aussi   libres   que   le   jeu  normal  des  Institutions  le  lui  permettra  mais  elle  doit  avoir  –  en  économie  publique  -­‐  la  tête  libre  et  remplie  de  l'idée  d'innover.  Qui  songerait  à  nier  qu'un  certain  Monsieur  Keynes  a  innové  à  la  lumière  de  la  crise  des  années  30  ?  De  nos  jours  (  troisième  approche  )  le  peu  de  surface  disponible  des  finances  publiques  prive  l'Etat  d'un  levier-­‐clef  et  du  célèbre  multiplicateur  budgétaire.  

Il  faut  donc  écarter  les  politiques  de  "  pur  stop  "  (  austérité  élargie  )  et  soutenir  l'activité  sans  qu'une  politique  de  "  go  "  n'obère  les  finances  publiques.  

A  ce  jour,  aucun  Etat  ou  zone  monétaire  de  dizaines  d'Etats  n'a  réussi  un  tel  pari  :  aller  vers   le   stop   pour   les   marchés   et   l'opinion   allemande   tout   en   soutenant  parcimonieusement  le  go  pour  pallier  les  risques  de  profonde  crise  sociale.  

Le  Président  Hollande  ne  doit   pas   forcément   aller   vers   l'expérimentation  qui  pourrait  aboutir   à   des   effets   contraires,   il   doit   donner   instruction   à   ces   hommes   du   chiffre   de  lancer  des  javelots  d'innovation.  

Face  aux  plus  de  200  milliards  d'exonérations  fiscales  et  sociales,  il  doit  y  avoir  moyen  de  faire  une  sorte  de  BBZ    (  budget  base  zéro  )  et  d'écrire  en  cohérence  sur  une  nouvelle  page  de  l'histoire  économique  de  la  France.  Quatrième  approche,  la  politique  économique  –  de  tous  bords  et  menés  par  quiconque  –  ne  saurait  échapper  à  des  principes  qui  ne  sont  pas  fameux  en  temps  de  crise.  

Premier  principe,  une  loi  votée  au  Parlement  (  définitivement  adoptée  et  promulguée  )  issue  d'une  idée  née  préalablement  lors  d'une  réunion  à  l'Elysée  est  connue  à  Tulle  des  semaines  avant  son  entrée  en  vigueur  du  fait  du  temps  requis  à  la  rédaction  des  décrets  d'application.    

Cet   effet   retard,   cette   hystérésis   est   très   dangereuse   car   elle   laisse   se   développer   des  anticipations  dites  rationnelles  chez  les  agents  économiques  et  si  ces  anticipations  sont  erronées,  on  aboutit  aux  effets  pervers  du  mauvais   tâtonnement  walrassien   (  principe  du  cobweb  et  absence  d'ajustement  entre  l'offre  et  la  demande  ).    

La  célèbre  formule  de  Raymond  Cartier  :  "  La  Corrèze  avant  le  Zambèze  "  (  dénonçant  le  coût   des   colonies   d'alors   )   devient,   en   politique   économique   :   "   En   Corrèze   avant   le  trapèze   de   l'Etat   "   :   autrement   dit,   le   citoyen   est   au   "   parfum   "   avant   que   les   jeux   de  trapèze  (  navettes  parlementaires,  aller-­‐retour  au  Conseil  d'Etat,  etc  )  ne  soient  conclus.  

Deuxième  principe,  l'existence  avéré  du  théorème  du  no  bridge  (  de  l'impossibilité  )  où  Kenneth   Arrow   (   in   Choix   collectif   et   préférences   individuelles,   1951   )   démontre   que  l'on  ne  peut  établir  une  relation  de  préférence  collective  cohérente  à  partir  des  relations  de  préférence  de   chacun  des  agents.  Cela   revient   à   énoncer  qu'il   n'y   a  pas  de   relation  prévisible   et   quantifiable   entre   l'analyse   microéconomique   (   les   ménages,   etc   )   et   la  pratique  macroéconomique  (  l'Etat  )  .  

Ce   théorème   de   l'impossibilité   est   vérifié   en   France   :   ainsi   différents   calculs  économiques   apparemment   pertinents   ont   volé   en   éclats   sous   le   coup   de   la   réalité  

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micro-­‐économique.  Par  exemple,   le   coût  bien  plus  élevé  du  R.M.I  en  1990  par   rapport  aux  quantifications  de  l'équipe  Rocard  parties  d'un  plan  macro-­‐économique.  

Ce   deuxième   principe   est   une   plaie   car   il   peut   brider   le   politique   qui   avance   à   pas  comptés  tellement  il  est  peu  certain  de  son  chiffrage  préalable.  Ici  se  trouve  une  partie  de  l'étiologie  des  déficits  budgétaires  de  la  France....  

Troisième   principe,   la   présence   d'oligopoles   et   de   "   zinzins   "   (   terme   d'Olivier   Pastré  dans  Les  nouveaux  piliers  de   la   finance   )  qui,  par   leur  poids   relatif,  peuvent  altérer   la  réalisation   d'une   politique   économique.   Soit   de   manière   frontale   (   menace   de  délocalisation,   etc   )   soit  de  manière  plus   feutrée  par  un   jeu  d'influences  à   la   française  que  feu  Ambroise  Roux  et  désormais  Claude  Bébéar  ou  Henri  Proglio  savent  inspirer  et  insuffler  avec  discrétion  ou  claire  énonciation.  On  retrouve   là   la   "   théorie  de   la  capture   "  énoncée  dès  1971  par  Stigler  qui  démontre  que  l'action  normative  de  l'Etat  est  souvent  influencée  par  les  producteurs  (  à  leur  profit  bien  évidemment  )  au  détriment  des  ménages  au  sens  de  consommateurs.  

Par-­‐delà  la  puissance  de  calcul  des  ordinateurs  de  Bercy,  ces  trois  principes  (  hystérésis  et   anticipations   imparfaites,     chiffrage   préalable   incertain,   captation   par   les  Institutionnels  )  sont  de  sérieux  obstacles  à  toute  politique  économique  et  celle  conduite  par  l'ancien  élu  de  Corrèze  n'y  dérogera  pas.  

Ce  sont  des  lois  d'économie  politique  issues  de  travaux  crédibles  et  la  nouvelle  politique  économique  devra   tenter  de   les  domestiquer,  non  de   les   ignorer  sous  peine  de  graves  revers  porteurs  de  lourdes  désillusions  sociales.  "   Toute   pensée   qui   se   bornera   aux   combinaisons   de   l'économie   politique   sera  infailliblement   trompée   dans   les   grandes   affaires   humaines   ".   Edgar   Quinet   (   La  Révolution  ).  En  termes  de  conjoncture,  nous  avons  relevé  l'évolution  nominale  haussière  des  prix  et  le  tassement  confirmé  des  prévisions  de  croissance.    A   regret   pour   le   corps   social,   nous   estimons   que   notre   hypothèse   d'apparition   d'une  phase  de  slumpflation  est  de  plus  en  plus  crédible.    

Face  au  risque  d'asymptote  des  capacités  contributives  de  l'Etat  englué  dans  le  service  de  la  dette,  la  politique  économique  suppose  une  série  de  six  pistes  de  mouvement.  

1  )  Nous  ne  parvenons  pas  à  désespérer  d'une  initiative  européenne  même  si  les  reliefs  qui  entourent  la  piste  ne  militent  pas  pour  un  soft  landing.  Au  plan  strictement  économique  (  et  hors  déversement  des  egos  nationaux  )    il  convient  de   constater   joyeusement   le   degré   d'intégration   européenne,   d'interpénétration   des  économies  qui  conduit  à  rechercher  une  solution  au  niveau  de  l'Union  qui  doit  retrouver  l'esprit  pionnier  qu'avait  la  Communauté  économique  européenne.  

Chercher   d'éventuelles   protections   en   matière   de   libre   circulation   des   biens   et   des  hommes  aux  frontières  de  l'Union  n'est  pas  sacrilège  mais  réalisme.  

Au  plan  monétaire,  la  situation  est  plus  grave  :  nous  détenons  les  mêmes  billets  mais  ne  jouons  pas  avec  les  mêmes  billes.  2   )   Une   cohérence   budgétaire   non   établie   sous   monnaie   commune   est   gageure   pour  l'équilibre  de  l'ensemble.  Comment  faire  pour  que  les  politiques  –  primus  inter  pares  –  l'entendent  et  s'entendent  à  ce  sujet  ?  

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Du   résultat   à   cette   question   découlera   le   degré   d'efficacité   de   la   nouvelle   politique  économique  qui  ne  saurait  se  déployer  efficacement  dans  un  univers  instable.  

3  )  Nous  répétons  notre  position  exprimée  dans  une  contribution  précédente  :  l'Etat  doit  œuvrer  de  manière  résolue  pour  développer  les  externalités  positives  afin  de  faciliter  la  vie  (  et  les  rendements  )  des  producteurs  et  des  consommateurs.  

Nous   nous   inscrivons   ici   à   l'opposé   radical   des   travaux   de   Coase   et   son   anti-­‐Etatisme  quasi-­‐obsessionnel.  

4   )   Notre   survie   nationale   viendra   davantage   d'un   ou   plusieurs   Colbert   lucides   et  ouverts  au  monde  que  de  camarades  de  pensées  d'Alain  Madelin.  

Coase  a  écrit  sur  les  phares  et  s'est  insurgé  de  leur  nationalisation.  Pour  poursuivre  cette  métaphore,   qui   songerait   aller   tenir   meeting   en   Bretagne   pour   annoncer   que   le   rail  d'Ouessant  est  aboli  et  que  le  Cross  Corsen  va  être  vendue  aux  enchères  publiques  ?  

La  réduction  réalisée  des  risques  de  pollution  par  les  hydrocarbures  est  une  externalité  positive  :  il  faut  multiplier  ce  type  d'approche  dans  la  sphère  économique  en  stabilisant  les  situations  juridiques,  par  exemple.  

5  )  Nous  militons  pour  une  révision  constitutionnelle  qui  élargisse  les  droits  de  l'exécutif  en   matière   d'ordonnances   ou   qui   instaure   une   procédure   plus   rapide   encore   que  l'urgence   pour   les   travaux   parlementaires.   Des   dizaines   d'auteurs   dont   le   célèbre  Georges  Burdeau  ont  écrit  sur  le  temps  de  la  loi  :  nous  savons  maintenant  que  ce  temps  est  en  décalage  avec   la  vitesse  de  réaction  des  agents  économiques  comme   l'a  montré  Robert   Lucas   qui   contestait   de   plus   la   valeur   des   séries   statistiques   du   passé   comme  moyen  d'extrapolation  de  l'avenir  

Il  est  capital  que  la  politique  économique  puisse  se  déployer  plus  promptement  faute  de  laisser  un  champ  exagérément  libre  aux  anticipations  imparfaites  qui  font  dévier  de  sa  trajectoire  la  balistique  étatique.  

6  )  Dernier  élément  de  cette  contribution,  la  France  souffre,  selon  nos  recherches,  d'une  excessive  rigidité  de  sa  fonction  de  production.  Composée  du  facteur  travail,  du  facteur  capital  et  du  complexe   facteur  résiduel,   la   fonction  de  production  à   la   française  est  de  type  clay-­‐clay.  Autrement   dit,   une   fois   la   décision   prise,   l'entrepreneur   est   très   réticent   à   modifier  profondément   son  mix.   S'il   y   a   besoins   de   capacités   additionnelles,   la   crise  montre   la  réticence  à  l'extension  de  capacités  ou  à  une  politique  approfondie  de  recrutement.  S'il  y  a   besoin   de   repli,   le   facteur   travail   est   la   variable   d'ajustement   de   manière   très  mécanique  sans  que  des  hypothèses  de  productions  substitutives  ne  soient  recherchées.  En-­‐dehors  de  toute  expression  d'une  opinion  politique,  si  la  politique  économique  n'est  d'ici  douze  mois  que  résumable  à  une  réforme  fiscale,  les  calculettes  du  Ministère  auront  gagné  sur  l'intensité  neuronale  contenue  dans  Bercy.  La  France  sera  alors  loin  de  favoriser  une  fonction  de  production  de  type  putty-­‐putty  et  d'autres  mesures  vraiment  innovantes.  

Avec  des   ingrédients   classiques,   elle   aura  une   réponse   classique  du   corps   social   et   ne  pourra  présenter  qu'un  fade  bilan.  A  l'opposé,  pour  prendre  un  exemple  de  détente,  de  la  cuisine  du  génial  feu  Bernard  Loiseau  ou  du  talentueux  Dominique  Bouchet.  L'un   comme   l'autre   savent   que   le   résultat   de   leur   politique   culinaire   provient   de   leur  audace,  de  leur  innovation  et  de  leur  passion.  

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Monsieur   ou   Madame   le   futur   ministre   de   l'Economie,   soyez   audacieux,   innovant   et  passionné   comme   le   fut   René   Monory   et   "   sa   "   libération   des   prix.   S'il   s'agit   d'être  seulement   méthodique   tel   un   sénateur   de   la   Mayenne,   alors   nous   sommes   mal  embarqués  et  comme  chacun  sait  :  "  Le  conformisme  intellectuel  vaut  l'Inquisition  "    (  J  de  Bourbon  Busset,  in  Tu  ne  mourras  pas  ).  

 

 

                                                                       

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-­‐  XV  -­‐  

La  Nation  doit-­‐elle  à  Peugeot  ?      

Le  Ministre   du   Redressement   productif,   Arnaud  Montebourg,   a   été   plus   loin   Jeudi   12  juillet  au  soir  (  journal  de  20  heures  de  France  2  )  que  lors  de  sa  réponse  à  une  question  au   gouvernement   posée   au   Sénat   dans   l'après-­‐midi.   Ainsi,   il   a   affirmé   que   Peugeot   "  devait  quelque  chose  à  la  Nation  France  "  (  sic  ).  Cette  phrase  pourrait  paraître  grandiloquente  de  la  part  d'un  ancien  avocat  dont  nul  ne  conteste  le  talent  oratoire  et  le  sens  de  la  répartie.  Mais,  véritablement,  sur  ce  plateau  de  télévision,  l'élu  de  Saône-­‐et-­‐Loire  semblait  crédible  et  à  la  limite  de  la  pleine  conviction  émue.  

Si  Peugeot  doit  effectivement  des  explications,  des  justifications  à  la  Nation  au  travers  de  l'acceptation   d'expertises   économiques   contradictoires   (   expert   du   gouvernement,  expert  mandaté  par   le  comité  central  d'entreprise  ),  ce  groupe  ne  peut  gommer  que   la  situation  actuelle  est  très  préoccupante  et  qu'il  a  fait  beaucoup  pour  notre  pays  en  tant  qu'employeur.  

Au   demeurant,   et   sans   être   frontalement   opposé   au   Ministre   qui   hérite   d'un   dossier  industriel   et   social   délicat,   on   peut   se   poser   la   question   symétrique   :   et   si   la   France  devait  quelque  chose  à  Peugeot  ?  

Plusieurs  motifs  viennent  étayer  cette  question.  Premier  motif,  l'aspect  fiscal.  Par  le  montant  de  taxe  professionnelle  versée  et  par  celui  de   la   Tva   (   notamment   lorsqu'elle   était   à   33   %   sur   l'automobile   contrairement   à   la  plupart   de   nos   concurrents   européens   ),   Peugeot   a   été   une   entreprise   largement  contributive  à   l'effort  national.  Elle  n'a   jamais  songé,  contrairement  à  Alcatel,  à  mettre  son  siège  aux  Pays-­‐Bas  pour  payer  moins  d'impôts.  Toujours  au  plan  fiscal,  tous  les  experts  avaient  indiqué  que  la  dernière  prime  à  la  casse  serait  une  pompe  aspirante  pour  des  véhicules  low  cost  et  autres  petits  modèles  de  type  coréen,   etc.   La   Nation   a-­‐t-­‐elle   bien   définie   cette   prime   de   sorte   qu'elle   puisse   venir  épauler  –  dans   les  règles  communautaires  –  ses  constructeurs  ?  Le  bilan  des  analystes  financiers  du  secteur  (  dans  les  banques  )  ne  le  démontre  pas.  A  l'inverse.  Contribuable   normal,   son   ancienneté   dans   le   paysage   industriel   français   en   fait   un  groupe  contributeur  à  milliards  pour  la  Nation.  Les  états  financiers  cumulés  sur  les  dix  dernières  années  l'attestent.  Pendant   ce   temps-­‐là,   Peugeot   a   dû   subir   les   hausses   régulières   de   la   vignette   (  désormais  abolie  ),  le  coût  proportionnellement  croissant  pour  ses  clients  de  la  taxe  sur  les  produits  pétroliers  (  Tipp  ),  l'augmentation  des  assurances  souvent  issues  de  hausses  de  taxes,  etc.  Autrement  dit,  l'automobile  souvent  rapidement  qualifiée  de  "  vache  à  lait  "  pour  l'Etat  ne  pouvait  laisser  inerte  la  situation  des  comptes  de  Peugeot.  Deuxième  motif,  la  rectitude  juridique  du  groupe  Peugeot.  A  l'heure  où  8.000  personnes  risquent   de   connaître   des   épreuves   incontestables,   je  mesure   le   caractère   délicat   des  lignes  qui  vont  suivre  mais  elles  sont  part  de  vérité  et  doivent  être  énoncées.  En  France,  les   Tribunaux   et   Cours   d'Appel   condamnent   régulièrement   des   dirigeants   qui   ont  

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poursuivi  de  manière  excessive  une  exploitation  déficitaire.  Ils  condamnent  ceux  qui  ont  tenté  de   sauver   "   une   situation   irrémédiablement   compromise   "   par  des   recours   à   un  endettement   dépassant   de   loin   les   facultés   de   remboursement   de   la   firme.   De  même,  elles   poursuivent   –   devant   les   juridictions   répressives   cette   fois   –   toute   tentative   de  fraude  bilancielle  ou   toute  manœuvre  visant  à  aveugler   les  commissaires  aux  comptes  chargés   d'éventuellement   enclencher   la   procédure   d'alerte   près   le   Tribunal   de  commerce.  En  l'état  actuel  de  nos  informations,  aucun  fait  de  ce  type  n'est  reproché  au  groupe  PSA  qui  a  donc,  par  voie  de  conséquences,  fait  preuve  de  rectitude  juridique  au  regard   du   droit   des   sociétés   et   dont   les   dirigeants   n'ont   pas   attendu   de   voir   se  développer  une  situation  désespérée.  

Le   groupe   PSA   aurait   pu,   face   à   la   Nation,   joué   la   politique   du   pire   et   attendre   une  nationalisation  de   facto   comme  Dexia  ou   l'espagnole  Bankia.  De  manière  manifeste,   le  groupe   a   lucidement   examiné   les   18  mois   à   venir   et   compris   qu'il   fallait   prendre   des  mesures  socialement  douloureuses.  

Troisième  motif,  la  consistance  du  plan  social.  Manifestement,  Peugeot  a  décidé  d'ouvrir  son   gousset   et   ne   compte   pas   rechigner   pour   mettre   à   exécution   un   plan   social  exemplaire  tant  à  Rennes  qu'à  Aulnay.  Bien  entendu,  cela  ne  soignera  qu'à  la  marge  les  douleurs  et  plaies  humaines  mais  la  Nation  doit  prendre  en  compte  que  le  groupe  va  au-­‐delà   du   strict   minimum.   Lorsque   la   Seita   (   qui   allait   fusionner   et   devenir   Altadis   )   a  fermé  son  site  de  Morlaix  et  restructuré  celui  de  Lille,  son  détenteur  (   l'Etat  )  a-­‐t-­‐il  été  aussi  large  ?  Mieux  lorsque  le  Giat  a  subi  plusieurs  vagues  de  restructuration,  pourrait-­‐on  loyalement  se  pencher  sur  le  caractère  correct  de  l'Etat  employeur  ?  Quand  Alcatel  a  cédé  dans   le  début  des  années  2000  deux  usines  en  Bretagne  (  Laval  et  Brest  ),  est-­‐on  certain  que  le  meilleur  possible  ait  été  proposé  aux  opérateurs  et  cadres  concernés  par  les  cessations  de  contrats  de  travail  ?  

Autrement  dit,  le  choc  des  annonces  de  PSA  est  tel  que  la  mémoire  collective  gomme  la  réalité   du   plan   social   annoncé   et   ne   le   remet   pas   en   perspective   au   regard   d'autres  expériences  douloureuses.  Si  Peugeot  doit  quelque  chose  à  la  Nation  pour  reprendre  les  termes  du  Ministre,  la  Nation  ne  doit  pas  l'oubli  à  Peugeot  :  ni  l'oubli  des  emplois  crées  pendant   des   décennies,   ni   les  modalités   de   sortie   prévues   pour   le   futur   plan.     L'oubli  serait   infamie   pour   un   groupe   qui   joue   peut-­‐être   sa   survie   car   on   voit   mal   quelle  stratégie  d'alliances  pourrait  désormais  être  conçue.  Quatrième   motif,   le   poids   de   l'histoire   et   de   l'interventionnisme.   Dans   le   milieu   des  années   70,   les   dirigeants   de   Citroën   avaient   envisagé   une   grande   alliance   avec   Fiat.  L'Etat  s'y  opposa  et  se  tourna  vers  Peugeot  qui  n'était  donc  pas  demandeur.  Chacun  sait,  dans   l'automobile,   que   cette   fusion   (   1975   )   a   été   très   difficile   (   bureaux   d'études,  intégration   industrielle   )   et  n'a  probablement  pas   rapporté  grand-­‐chose  à   l'acquéreur.  Autrement  dit,   la  volonté  de  la  Nation  n'a  pas  été  conforme  aux  intérêts  de  la  firme  au  lion.  Mais,   il  y  a  plus  compliqué  et  beaucoup  plus  coûteux,   l'Etat  a  imposé  à  Peugeot  la  reprise  en  1979  de  Chrysler-­‐Europe  :  ex-­‐Talbot  et  ex-­‐Simca.  Cette  firme  connaissait  une  panoplie  de  difficultés  (  financières,  gamme,  qualité,  pyramide  des  âges  des  personnels,  etc  ).  Et  si  la  Nation  n'avait  pas  trop  chargé  la  barque  du  constructeur  de  Sochaux  ?  Ce   quatrième  motif   nous   semble   fondamental   :   voyant   Peugeot   prospère,   la   Nation   a  exigé  de  cette  firme  qu'elle  devienne  l'infirmier  de  deux  sociétés  complexes  et  en  piètre  état.  Là,  nous  sommes  en  désaccord  avec  Monsieur  Montebourg  :  c'est  la  Nation  qui  doit  quelque  chose  à  Peugeot.  

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Cinquième  motif,   les   arguments  dérisoires.   Le   jeudi  12   juillet  2012   restera  un   jour  de  grande  morosité  pour   l'industrie   française.  Mais   il   y  a  quand  même  eu  des  arguments  dérisoires.  Ainsi,   le  versement  des  dividendes  en  Assemblée  générale  de  2011  statuant  sur   les   comptes  de  2010  aurait   représenté  un  peu  moins  de  300  millions  d'€uros.  Vu  d'Aulnay,  c'est   insupportable.  Vu  du  petit  actionnaire  (  petit  porteur  )  qui  complète  sa  retraite  avec  ce  dividende,  c'est  déjà  moins  simple  de  juger.  Mais  surtout,  l'essentiel  est  de   savoir   que   le   groupe   PSA   perd   en   ce   moment   un   peu   plus   de   200   millions   de  trésorerie  par  mois   (   je  dis  bien  par  mois   )   :   autant  dire  que   les  dividendes  perçus  en  2011  ne  sont  ni  la  cause  ni  l'objet  du  débat.  Ce  qui  est  en  cause,  ce  sont  les  modèles  et  leurs  ventes  trop  exclusivement  européennes.  

Sixième  motif,   la  dimension  européenne.  Le  brillant  Arnaud  Montebourg  a  pris  un   ton  digne  de  celui  de  l'éminent  Jean-­‐Pierre  Chevènement  lorsqu'il  a  dit  que  Peugeot  devait  quelque  chose  à   la  Nation  France.  A  y  réfléchir  posément,   il  y  a  effectivement  quelque  chose   que   Peugeot   peut   faire   pour   la   France   :   c'est   décider   autrement.   Décider  autrement,  cela  veut  dire  –  en  toutes  lettres  –  fermer  ailleurs.  Donc,  fi  de  la  construction  européenne,   que   Peugeot   aille   faire   son   travail   de   chirurgie   industrielle   plus   loin   :   en  Espagne,  par  exemple.  J'ignore  si  c'est  techniquement  possible  mais  il  est  clair  que  cette  idée  était  sous-­‐jacente  aux  propos  du  Ministre.  Peut-­‐on   le   faire  ?  Doit-­‐on   l'exiger  ?  Les  plus   hauts   responsables   de   la  Nation   vont   en  décider  mais   qu'ils   sachent   qu'Unilever,  Shell  ou  d'autres  regarderont  avec  intérêt  les  injonctions  du  gouvernement  car  il  y  aura  jurisprudence  et  amorce  de  détricotage  de  l'Europe  des  travailleurs.  Là  le  terme  Nation  utilisé  par  le  Ministre  prendrait  hélas  tout  son  sens  pour  ceux  qui  ont  en  tête  –  et  dans  le  cœur   –   la   phrase   d'un   des   pères   fondateurs   de   l'Europe,   Jean   Monnet   ,   qui   aimait   à  répéter  :  "  Nous  ne  voulons  pas  coaliser  des  Etats,  nous  voulons  unir  des  hommes  ".  Septième  motif   :   l'inflation   textuelle.    Au  plus  niveau  du  Conseil  d'Etat  ou  en  audience  solennelle  de  rentrée  de  la  Cour  de  cassation,  il  est  fait  mention  de  l'inflation  textuelle  :  autrement   dit   de   la  multiplication   des   lois   et   des   décrets   d'application.   On   imagine,   à  l'échelle  d'un  groupe  comme  PSA,   le  coût  du  suivi  des  nouvelles   lois   (  environnement,  social,  fiscal,  etc  )  et  la  charge  correspondant  aux  mises  en  conformité  corrélatives.  Oui,  cette   inflation   textuelle   vient   impacter   notre   compétitivité   d'autant   qu'elle   se   rejoint  avec  la  production  de  normes  professionnelles  d'origine  européenne.  Loin  de  nous  l'idée  –  un  peu  simpliste  –  de  nier  l'apport  de  ces  textes  mais  symétriquement  dans  un  marché  aussi   concurrentiel   que   l'automobile,   c'est   souvent   au   constructeur   de   réaliser   des  efforts  de   compétitivité  puisque   le   consommateur   refuse   les   répercussions  de  prix.   La  Nation  s'améliore  en  matière  d'hygiène  et  de  sécurité  au  travail  mais  ce  n'est  pas  elle  qui  passe  à  la  caisse.  Là,  la  Nation  doit  peut-­‐être  quelque  chose  à  Peugeot.  

Huitième   motif   :   l'évolution   des   déplacements.   En   15   ans,   il   a   été   prouvé   que   les  Parisiens   utilisent   moins   (   ou   n'ont   plus   de   voitures   )   leurs   automobiles   et   que   le  kilométrage  moyen  baissait  (  passant  d'environ  15.000  à  11.000  kms  par  an  ).  Les  radars  (   liés   à   la   légitime   quête   de   sécurité   routière   ),   le   coût   des   contrôles   techniques,   la  dimension  écologique,  etc  sont  autant  d'éléments  répulsifs  pour  un  automobiliste.  PSA  a  certainement   méjugé   que   les   ventes   se   font   en   Orient   et   est   trop   resté   rivé   à   son  Occident   de   naissance.   Il   n'en   demeure   pas   moins   que   le   TGV   et   d'autres   initiatives  publiques  ont  fait  de  la  Nation  un  allié  du  lobby  anti-­‐automobile.  

Neuvième  motif  :  les  comparaisons  dangereuses.  Il  est  de  bon  ton  depuis  une  semaine  de  vanter   la   stratégie   de   Renault   et   de   se   gausser   de   celle   de   PSA.   Pour   Renault,   il   faut  quand   même   avoir   la   lucidité   de   rappeler   que   cette   firme   au   losange   produisait   1,1  million  de  véhicules  par  an  –  il  y  a  dix  ans  -­‐  sur  le  sol  hexagonal  et  qu'elle  n'en  produit  

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désormais  plus  que  400.000.  Si  l'alliance  avec  Nissan  a  été  un  coup  de  dés  réussi,  le  reste  est  une  stratégie  implacable  de  délocalisation  et  de  ventes  "en  retour"  de  véhicules  bas  de  gamme  sous  marque  ombrelle  (  Dacia  ).  La  Roumanie  hier,  le  site  de  Tanger  bientôt.  Peut-­‐on  comparer  cela  avec  Volkswagen  ?  (  Qualité,  gamme,  image,  etc  ).  Bref,  la  Nation  a   beaucoup   payé   pour   Renault   (   plan   de   recapitalisation   du   temps   de   Monsieur  Raymond  Lévy,  échec  en  1988  de  la  fusion  avec  Volvo,  etc  )  alors  que  Peugeot  n'a  pas  eu  le  même  coût  pour  le  contribuable.  Quant  au  prêt  de  3  milliards  accordés  il  y  a  quelques  années  en  plein  début  de  crise,  il  est  en  ligne  avec  son  échéancier  de  remboursement.  Pour  conclure,  la  famille  d'Arnaud  Montebourg  vient  du  sud  du  Morvan  :  à  Autun,  là  où  les   collants   Dim   ont   longtemps   été   le   fleuron   industriel   de   la   ville.   Au   fond   de   lui,   le  Ministre   sait   ce   qu'impose   la   compétitivité   et   la   voracité   de   la   concurrence.   Il   saura  bientôt,   chiffres  à   l'appui,  dans   le   secret  de   son  bureau  que  PSA  est   sur  une  mauvaise  ligne  de  crête.  Pour  ne  pas  dire  plus.  Alors,  sa  phrase  sur  ce  que  doit  Peugeot  à  la  Nation  doit,  quant  à  elle,  être  nuancée.  

Telle  était  l'objet  de  cette  contribution  qui  a  fait  référence  aux  ouvriers  de  Peugeot  mais  a   aussi   une  pensée  pour   les   sous-­‐traitants   dont   les   travailleurs   ne   connaîtront   pas   de  conditions  aussi  avantageuses.  

Peugeot  n'a  pas  démérité  de  la  Nation  :  il  en  est  même  un  emblème  industriel.  

"  Dans  une  Nation  qui  est  dans  la  servitude,  on  travaille  plus  à  conserver  qu'à  acquérir.  Dans  une  nation  libre,  on  travaille  plus  à  acquérir  qu'à  conserver.  "    Montesquieu,  (  in  De  l'Esprit  des  lois  ).  Puisse  l'esprit  de  conquête  revenir  dans  notre  Nation  et  ses  industries  !  

 

   

 

 

         

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Le  Parlement  et  ces  milliards  à  portée  de  main.      Notre  pays   a  déjà  dû   enregistrer  une  hausse  d’un  peu  plus  de  7  milliards  de   rentrées  fiscales   votées   lors  du   collectif   budgétaire.   Sachant  que  2013   sera  plus   sévère   encore,  n’est-­‐il   pas   grand   temps   que   le   Parlement   applique   la   Constitution   et   épaule   ainsi   le  Gouvernement   en   quête   de   réduction,   par   milliards,   de   la   dépense   publique  ?     Le  possible,  c’est  maintenant,  selon  une  formule  à  la  mode.  Un  effort  de  33  milliards  

Le  rapport  remis  début  Juillet  au  Premier  ministre  par  le  premier  Président  de  la  Cour  des   Comptes,   Didier   Migaud,   est   clair  :   il   faut   réaliser   un   effort   de   33   milliards   de  réduction   de   nos   déficits   publics.   D’évidence,   cela   sera   fait   en   accentuant   la   pression  fiscale   (   réduction   des   niches   et   suppression   de   différents   effets   d’aubaine,   nouveau  barême  de  l’impôt  sur  le  revenu,  efforts  spécifiques  demandés  aux  grands  groupes,  etc  )  mais  il  conviendra  aussi  de  s’atteler  à  une  tâche  plus  délicate  :  la  réduction  de  la  dépense  publique.  Une  inertie  en  matière  de  dépense  publique  

Cette  tâche  est  plus  délicate,  comme  l’ont  démontré  –  à  vingt  ans  d’intervalle,  l’éminent  Pierre  Lalumière  et  Franck  Mordacq  car   le  poids  des  services  votés  (  ce  qui  a  déjà  été  voté  par  une  loi  de  finances  précédente  :  exemple,  les  emplois  dans  la  Fonction  publique  )  limite  les  capacités  d’initiative.  Par  ailleurs,  en  temps  de  récession  programmée  (  2013  ),   il   est   éventuellement   positif   et   contra-­‐cyclique   de   maintenir   des   programmes  d’investissement   public.   Enfin,   chacun   sait   que   bien   des   pans   du   secteur   public   –  hospitalier   notamment   –   manquent   de   moyens   au   regard   du   coût   des   innovations  technologiques  et  de   la   vigueur  de   la  demande   sociale   (   exemple  :   vieillissement  de   la  population  ).  La  loi  de  Wagner  et  le  risque  de  récession  aggravée  

La  France  n’échappera  pas  à  la  loi  économique  mise  à  jour  en  1872  (  dans    Fondements  de  l’économie  politique  )  par  Adolph  Wagner  selon  laquelle  :  «  Plus  la  société  se  civilise,  plus   l’Etat  est  dispendieux  »  car   il  répond  à  une  demande  des  citoyens  de  plus  en  plus  exigeante.  Dès  lors  que  la  réduction  de  la  dépense  publique  n’est  guère  un  point  fort  de  notre  Nation  et  que  les  exemples  espagnol  et  italien  montrent  que  «  serrer  la  vis  »  nuit  de  facto  à   l’évolution  du  PIB,   il  peut  être  opportun  voire  plus  que  fondé  de  se  pencher  sur  la  question  ardue  de  l’évaluation  des  politiques  publiques.  La  Constitution  à  l’aide  de  la  Nation    

Une  réforme   technique  a  été  votée  en  2001  et  est  entrée  en  vigueur  de  plein  exercice  depuis  2006  :  il  s’agit  du  remplacement  de  l’Ordonnance  de  1959  sur  le  vote  du  budget  par  la  LOLF  :  Loi  organique  de  lois  de  finances.  Elle  a  produit  des  effets  favorables  mais  une  pierre  angulaire  de  notre  arsenal  juridique  reste  instable  car  peu  utilisée.  

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La   réforme   constitutionnelle   de   2008   a   modifié   l’article   24   du   texte   de   1958   en  indiquant   dans   son   premier   alinéa  :   «  Le   Parlement   vote   la   loi.   Il   contrôle   l’action   du  Gouvernement.  Il  évalue  les  politiques  publiques.  »  L’Etat  est  doté  de  toutes  sortes  de  corps  de  contrôles  à  commencer  par  la  prestigieuse  Inspection   des   Finances  :   il   est   donc   assez   illusoire   de   tabler   –   en   matière   de   strict  contrôle   -­‐   sur   les   capacités   réelles   du   Parlement   comme   l’ont   toujours   dit   des  personnalités  aussi  différentes  que  Michel  Charasse  ou  encore   le  méthodique  Philippe  Marini.  Selon  la  formule,  un  bon  contrôle  se  fait  sur  place  et  sur  pièces.  

Le  vrai  sujet,  le  vrai  trou  d’air  par  lequel  des  centaines  de  millions  sont  dépensés  mal  à  propos  relève  de  l’évaluation  des  politiques  publiques.  En   Juillet   2012,   lors   de   la   discussion   en   séance   à   l’Assemblée  Nationale,   il   y   a   eu   des  passes   d’armes   entre   le   ministre   Jérôme   Cahuzac   (   qui   devra   démissionner   en   mars  2013   pour   avoir   détenu   illégalement   des   avoirs   à   l'étranger   )   et   le   Président   de   la  commission   des   finances   Gilles   Carrez.   Sur   des   heures   de   discussions   dûment  retransmises  par  la  chaîne  parlementaire  LCP,  il  n’y  a  eu  que  quelques  allusions  au  volet  évaluation   des   politiques   publiques   par   opposition   aux   accrochages   sur   le  provisionnement  de   la   liquidation  du  précompte  ou  sur   le   fondement  du  chiffrage  des  contentieux  de  l’Etat.  L’évaluation  des  politiques  publiques  :  un  enjeu  démocratique  

Un   décret   du   18   Novembre   1998   fournit   la   définition   de   la   notion   d’évaluation  :  «  L’évaluation   d’une   politique   publique   consiste   à   comparer   ses   résultats   aux  moyens  qu’elle   met   en   œuvre,   qu’ils   soient   juridiques,   administratifs   ou   financiers,   et   aux  objectifs  initialement  fixés.  Elle  se  distingue  du  contrôle  et  du  travail  d’inspection  en  ce  qu’elle  doit  aboutir  à  un   jugement  partagé  sur   l’efficacité  de  cette  politique  et  non  à   la  simple  vérification  du  respect  de  normes  administratives  ou  techniques  ».  Il   y   a   donc   un   enjeu   tridimensionnel  :   détermination   des   objectifs,   résultats   obtenus,  écarts  positifs  ou  négatifs  et  appréciation  d’ensemble.  

Un  exemple  de  demain  peut  être  ici  rapporté  :  la  SNCF  a  pour  objectif  d’augmenter  de  20  à  30  kilomètres/heure  la  vitesse  commerciale  de  ses  trains  TGV.  Les  résultats  seront  au  rendez-­‐vous  mais  bien  des  ingénieurs  ont  écrit  que  cette  vitesse  additionnelle  allait  faire  déraper   plusieurs   centres   de   coûts  :   usure   accrue   des   rails,   fragilité   des   caténaires   et  risques  d’interruption  de  trafic,  coûts  énergétiques,  etc.  Le  bilan  coût-­‐avantages  est  loin  d’être  établi  à  une  époque  où  le  passager  peut  d’une  part  rester  joignable  dans  le  train  (  ou   travailler,   lire,   dormir,   etc   )   et   où   il   met   de   plus   en   plus   de   temps   pour   parvenir  jusqu’à  son  train  du  fait  des  congestions  urbaines.  

Cet   exemple   montre   que   derrière   la   dépense   publique   (   coûts   pour   la   SNCF   et  éventuelles  répercussions  tarifaires  sur  les  clients  )  il  devrait  toujours  y  avoir  un  choix  démocratique.   «  L’évaluation  me  paraît   pouvoir   très  utilement   contribuer   à   éclairer   le  dialogue  public.  Il  ne  s’agit  évidemment  pas  de  proposer  une  recette  miracle  capable  de  réaliser  un  hypothétique  consensus.   Il   s’agit  d’apporter  des  éléments  à  ce  dialogue,  de  lui   fournir   des   données   de   référence   solides,   pour   qu’il   se   développe   dans   de   bonnes  conditions.  Que   les   intérêts  et   les  opinions   s’y  opposent,   c’est  dans   l’ordre  des   choses.  Mais   on   peut   attendre   de   l’évaluation   qu’elle   éclaire   des   zones   de   négociation   restées  

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jusque-­‐là   en   friches   faute   d’information.  »   Jacques   Delors   (   Préface   à   L’évaluation   des  politiques  publiques  par  Jean-­‐Pierre  Nioche  et  Robert  Poinsard,  1984  ).  

L’évaluation  des  politiques  publiques  :  quel  contenu  ?  Si   l’on  devait   résumer,   l’évaluation  a  pour   fonction  de  valider   les   choix  préalablement  conçus  et  mis  en  place.  

Le  contenu  de  l’évaluation  d’une  politique  publique  s’inscrit  dans  un  carré  composé  de  quatre  têtes  de  chapitre.  L’évaluation  permet  de  savoir  si  une  politique  est  efficace,  c’est  à   dire   si   les   résultats   sont   en   ligne   avec   les   objectifs.   Elle   permet   de   situer   son   degré  d’efficience   c’est   à   dire   le   ratio   existant   entre   les   moyens   dépensés   et   les   résultats.  Parallèlement,   l’évaluation   permet   de   vérifier   si   la   politique   poursuivie   est   cohérente  avec  d’autres  décisions  publiques.  Enfin,  l’évaluation  concerne  aussi  les  objectifs  initiaux  et  valide  leur  degré  de  pertinence  avec  les  questions  qu’elle  était  supposée  résoudre.  

Dans   notre   exemple   SNCF,   on   perçoit   que   la   politique   sera   efficace   (   les   trains  circuleront   plus   vite   ),   ne   sera   pas   efficiente   (   surconsommations   de   matériels   et  d’énergie   ),   ne   sera   guère   cohérente   avec   l’idée   de   croissance   verte   et   peu   pertinente  lorsqu’il   s’agira  de  «  gagner  »  moins  de  12  minutes  sur  un  Paris-­‐Bordeaux  (  si   toute   la  ligne  est  sous  format  TGV  ce  qui  n’est  pas  le  cas  ).  

L’évaluation  des  politiques  publiques  :  quelle  boîte  à  outils  ?  

Au   plan   constitutionnel,   l’article   48   prévoit  :   «  Une   semaine   de   séance   sur   quatre   est  réservée  par  priorité  et  dans  l’ordre  fixé  par  chaque  assemblée  au  contrôle  de  l’action  du  Gouvernement  et  à  l’évaluation  des  politiques  publiques  ».  L’expérience  rapporte  que  le  rite  parlementaire  incline  davantage  à  chercher  à  coincer  l’Exécutif   sur   tel   ou   tel   sujet   (   contrôle   )   davantage   qu’à   être   force   crédible   de  proposition.  Les  mentalités  évolueront  sans  doute  mais  tel  est  aujourd’hui  le  constat.  L’inscription   dans   le   temps   de   l’évaluation   est   primordiale  :   notre   exemple   SNCF   est  encore   dans   le   domaine   du   négociable.   D’autres   évaluations   sont   quasiment   post-­‐mortem  lorsque  le  sinistre  pour  les  finances  publiques  a  eu  lieu.  

Nous   sommes   convaincus   qu’un   gisement   de   plusieurs   milliards   réside   dans   le  lancement  ex  ante  d’évaluations  de  politiques  publiques  qui  pourraient   juridiquement  être  associées  aux  clauses  de  revoyure  que  certaines  Lois  instituent.  

L’évaluation  est  une  boîte  à  outils  qui  bien  utilisée  par  les  Députés  Charles  de  Courson,  François   Baroin,   Pascal   Terrasse   ou   les   Sénateurs   Gaëtan   Gorce,   François  Marc,   Jean-­‐Vincent   Placé   ou   Jean   Arthuis   pourraient   utilement   contribuer   aux   vrais   choix   de   la  Nation.  Une  zone  de   libre-­‐réflexion  où   l’obligation  de  résultat  primerait   l’obligation  de  moyen  qui  marque  encore  trop  la  vie  de  notre  Parlement  et  certains  débats  stériles.  

Conclusion  

Pour  prendre  des  termes  d’auditeur,  l’Etat  va  chercher  à  faire  des  économies  en  2013  et  après,  autrement  dit  à  minimiser  les  inputs  en  s’appuyant  sur  l’article  7  de  la  LOLF  qui  définit  une  nomenclature  budgétaire  par  destination.  

L’efficience  que  nous  appelons  de  nos  vœux  consisterait  à  maximiser  le  rapport  outputs  sur  inputs.  Quant  à  l’évaluation,  elle  permettrait  –  au  prix  d’un  renouvellement  cognitif  –  de   valider   si   le   ratio   entre   outputs   obtenus   et   outputs   initialement   escomptés   serait  effectivement  supérieur  à  un.  

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Sous  réserve  que  l’information  fournie  au  Parlement  le  soit  en  coûts  complets  ce  qui  est  une  autre  dimension  délicate  de   la  question  et   relance   le  débat  du  degré  de  confiance  entre  les  Administrations  centrales  et  la  Représentation  nationale.    

 

   

   

 

   

   

 

   

 

   

   

 

   

   

 

   

 

   

   

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-­‐  XVII  -­‐  

Le  choc  fiscal  de  2013  et  l’impasse  de  20  milliards.      

Deux  évènements  financiers  d’importance  sont  survenus  cet  été  :  d’une  part,  le  vote  du  collectif   budgétaire   qui   avait   pour  mission   de   parer   au   plus   pressé   et   d’autre   part   la  remise   par   Didier  Migaud,   Premier   Président   de   la   Cour   des   comptes   de   son   rapport  d’audit  à  Monsieur  le  Premier  ministre.  Depuis,   nombre   d’entre   nous   ont   entendu   parler   du   fameux   chiffre   de   33   milliards  correspondant  au  solde  net  des  économies  budgétaires  à  effectuer  en  2013.  

Dès   lors,   peu   de   citoyens   ont   été   surpris   par   l’entretien   télévisé   du   Chef   de   l’Etat   qui  déclarait,   il   y  a  quinze   jours,  qu’il   fallait   réaliser  un  effort  de  30  milliards.  De  manière  posé  et  pédagogue,  le  Président  a  réparti  en  trois  ses  trente  milliards.  

Il  y  aura  donc  une  ponction  de  20  milliards  sur  les  ménages  et  les  entreprises  tandis  que  l’Etat  lancera  un  plan  de  10  milliards  d’économies.  

Tout  ceci  semble  clair,  loyal  et  presque  mathématique  tant  l’égalité  semble  respectée.  A  y  regarder  de  plus  près,  l’observateur  se  doit  de  relever  des  éléments  de  surprise.  

La  position  des  ménages  :  

La  modification  à  venir  des  tranches  du  barème  de  l’impôt  sur  le  revenu  et  son  non-­‐gel  (  sauf  pour  les  deux  premières  tranches  )  vont  représenter  une  hausse  non  négligeable  du  taux  d’imposition  marginal  et  par  conséquent  de   la  propension  à  dépenser  des  classes  supérieures  mais  aussi  –  ne  nous  y  trompons  pas  –  des  classes  moyennes.  

Autrement  dit,   la  ponction  –  socialement   légitimée  par   la  notion  de  solidarité  –  qui  va  s’opérer  aura  un  effet  de  ralentisseur  de  la  consommation  des  contribuables  concernés.  Parallèlement,   les  ménages  vont  être  symboliquement  et  pécuniairement  marqués  par  l’alignement   des   produits   du   capital   sur   le   barème   de   l’impôt   sur   le   revenu.   Cela   ne  manquera   pas   d’induire,   notamment   chez   les   retraités,   un   frein   quant   à   certaines  dépenses.  Même   l’économiste,   proche  de   la  majorité,  Thomas  Piketty  n’en  disconvient  pas.   L’Etat   aura   donc   un   risque  manifeste   d’évaporation   d’un   segment   de   TVA   qui,   là  encore,  pourrait  se  chiffrer  en  centaines  de  millions  voire  en  milliards  si  l’évasion  fiscale  s’ajoute  à  cette  configuration  délicate  ce  qui  est  hélas  probable.  

D’autre   part,   il   ne   faut   pas   oublier   le   fort   impact   psychologique   d’une   mesure   qui  consiste  à  assujettir  à  un  même  barème  des  sommes  qui  sont  des  produits  d’épargne  qui  ont  déjà  subi,  en  revenus  primaires,   le  mécanisme  de   l’impôt.  Certains  contribuables  y  verront   une   double   peine   insupportable   et   prendront   tout   type   d’avis   pout   tenter   de  réduire  leur  exposition  fiscale  nette.  

La  position  des  entreprises  :  

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La   France   présente   effectivement   une   anomalie  :   l’inégalité   entre   le   taux   d’imposition  moyen   des   PME   et   celui   –   nettement   plus   modéré   –   des   grandes   entreprises.   Il   y   a  sûrement  matière   à   réflexion  mais   on   peut   escompter   des  mesures   d’envergure   de   la  part   de   la   majorité   parlementaire.   D’ailleurs,   a   réécouter   attentivement   les   propos  télévisés  du  Président,  on  a  compris  que  les  entreprises  allaient  être  appelées  pour  une  contribution   non   détaillée   (   à   ce   jour   )   de   10   milliards   d’euros.   Or,   chacun   sait   que  lorsque  le  détail  d’une  future  pression  fiscale  n’est  pas  explicité,  cela  laisse  d’autant  plus  de  marge   de  manœuvre   au   Parlement   pour   alourdir   telle   ou   telle  mesure.   Là   encore,  l’équilibre  devra  être  subtil  –  comme  l’a  démontré  la  courbe  de  Laffer  –  entre  la  hausse  nominale  de  l’impôt  (  plafonnement  des  niches,  contributions  exceptionnelles,  etc  )  et  le  rendement  final  et  concret  de  celui-­‐ci.  La   France   ne   saurait   s’offrir   le   luxe   de   transferts   de   sièges   sociaux   ou   de   fusions  transfrontalières  diluant  l’essentiel  de  l’impôt.  De   surcroît,   après   cette   description   et   cette   mise   en   perspective,   plusieurs   points  d’analyse  s’imposent.  

Tout   d’abord,   le   13   Septembre,   l’Institut   IFW  a   réduit   la   prévision  de   croissance  pour  l’Allemagne  en  2013  de  1,7%  à  1,1%.  

Parallèlement,  nous  connaissons  le  contexte  récessif  accentué  de  nos  voisins  :  Espagne,  Italie.  Selon   nous,   il   s’agit   d’une   tragique   méprise   ou   d’une   insulte   à   notre   intelligence  collective  que  d’oser  avancer  le  chiffre  de  0,8%  de  croissance  du  PIB  en  2013.  Bien  des  économistes  de  banque  savent  que  le  «  vrai  »  chiffre  sera  en-­‐dessous,  proche  de  la  récession.  

Le  manque  à  gagner  :  Selon   nous,   la   croissance   pour   2013   est   actuellement   surestimée   du   double   par   les  Pouvoirs   publics,   au  minimum.  Nous   n’avons   aucun   avantage   sectoriel   avéré   suffisant  nous  permettant  de  pouvoir  tabler  sur  une  croissance  tirée  par  les  exportations  (  voir  le  solde  de  notre  balance  des  paiements...)  et  la  récession  est  sérieusement  là,  en  Europe.  

Quant  à  la  demande  intérieure,  l’effort  de  «  redressement  juste  »  demandé  va  étioler  sa  vigueur.  

Dès   lors,   il   faut   reprendre   les   textes   incontestables   tels   que   le   collectif   estival   de   7  milliards   de   pression   fiscale   additionnelle.   Ainsi   le   compte-­‐rendu   du   Conseil   des  ministres   du   4   Juillet   2012   (   voir   dans   Assemblée   Nationale  :   budget  :   loi   de   finances  rectificative  2012  )  énonce  sous  la  section  «  Assurer  la  réduction  du  déficit  public  »  :  «  Le  Gouvernement  prend  en  compte  une  révision  à   la  baisse  de  7,1  mds  des  prévisions  de  recettes  des  administrations  publiques  pour  2012,  dont  5,1  milliards  pour   l’Etat.  Cette  réduction  est  essentiellement  due  à  la  correction  des  prévisions  exagérément  optimistes  des   recettes   retenues   par   le   précédent   Gouvernement,   indépendamment   de   la  croissance.  »  

Il  y  a  donc  un  double  chemin  de  difficultés  :   les  exagérations  liées  à  la  future  évolution  du   PIB   et   les   exagérations   liées   aux   recettes   escomptées   de   la   structure   votée   de   la  fiscalité.  

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Dans   le   cas   de   2013,   le   réajustement   –   qui   viendra   –   du   taux   de   croissance   pourrait  conduire  à  dégrader  le  solde  des  finances  publiques  de  près  de  8  milliards.    (  Variable  1  ).  Parallèlement,   le   comportement   vertueux   des   consommateurs   qui   vont   se   restreindre  du   fait   de   la   hausse   des   impôts   sur   les   personnes   physiques   conduira   à   un  manque   à  gagner   de   2%   de   rentrées   de   TVA   soit   2,2   milliards   (   Variable   2   )   rapportées   aux  137,829  mds  de  TVA  escomptée  pour  2012  :  article  64  de  le  Loi  de  finances  initiale  pour  2012.  De   même,   la   crise   économique   va   affecter   les   revenus   professionnels   et   on   peut  sérieusement  douter  du  chiffrage  actuel  de  l’IRPP.  Ainsi,  proche  de  60  milliards  dans  la  Loi   de   finances   initiale,   il   ne   serait   pas   improbable   que   le   tassement  d’activité   (   voire  l’entrée  en  récession  que  laissent  augurer  certains  documents  de  la  Banque  de  France  )  n’atteigne  ces  perspectives  de  recettes  d’au  moins  3  milliards  (  5%  en  Variable  3  ).  S’agissant  des   entreprises,   l’Etat  ne  pourra  qu’avoir  une  déconvenue.   Il   est   connu  que  l’impôt  sur  les  sociétés  est  le  plus  sensible  à  la  conjoncture  et  des  effondrements  de  plus  de  10%  ont  déjà  été  enregistrés  par  le  passé  entre  l’escompté  et  le  réel.  Dès  lors  que  la  Loi  de  finances  tablait  sur  44,876  mds  de  produit  net  et  qu’il  faut  inclure  certaines  mesures  du  collectif  de  2012,  on  sait  que  les  recettes  2013  ne  seront  pas  de  48  mds   mais   probablement   de   44   milliards,   soit   un   manque   à   gagner   de   4   milliards   (  Variable  4  ).  

La  notion  de  rétro-­‐action  :  L’économie  politique  n’est  pas  une  matière   inerte  :   elle   est  dynamisme  et   ajustements  incessants.  

Les   quatre   variables   listées   ci-­‐dessus   sont   parfaitement   intégrées   aux   raisonnements  tenus  à  Bercy  à   l’exception  de   l’ampleur  de   l’effondrement  de   la  croissance  du  PIB  qui  semble  encore  sous-­‐estimée  par  posture  politique  ou  espoir  un  peu  hasardeux.  A   côté   de   ces   quatre   variables,   il   y   a   longtemps   que   des   courants   économiques  incontestables   ont   démontré   qu’en   période   de   crise,   la   demande   anticipée   (   de   type  keynésienne   )   est   d’autant   plus   réduite   que   les   perspectives   de   croissance   sont  aléatoires.  Dès   lors,   par   effet  de   rétroaction   la   contraction   relative  de   la  demande  des  ménages   va   croiser   la   réponse   des   entreprises   (   faiblesse   de   l’investissement   )   et  autoalimenter  une  dégradation  additionnelle  du  PIB.  (  Variable  5  ).  C’est  très  exactement  ce  qui  se  passe  en  Italie  malgré  la  gestion  soi-­‐disant  remarquable  de  Monsieur  Monti,  ex  commissaire   européen   qui   refusa   la   fusion   tri-­‐nationale   de   l’aluminium   qui   amena,  après,  au  démantèlement  de  Péchiney.  

Cette  variable  5  ne  serait  être  inférieur  à  un  manque  à  gagner  de  2  milliards.  

Feu  le  Professeur  Pierre  Lalumière  avait  eu  l’occasion  de  démontrer  le  point  supra  à  ces  étudiants  en  Sorbonne.  Un  de  ces  condisciples,  le  Président  Michel  Bouvier  (  Association  pour  la  fondation  internationale  de  finances  publiques  :  www.fondafip.org  )  a  insisté  sur  la  redéfinition  du  rôle  du  Parlement  en  matière  de  finances  publiques.  Pour  notre  part,  sensible   à   la   rédaction   de   l’article   24   de   la   Constitution   ,   nous   estimons   que   les   deux  Assemblées   ont   certes   un   rôle   de   «  contrôle  »  mais   aussi   un   rôle   d’  »   évaluation  »   des  politiques  publiques.  

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Derrière  des  contrôles  souvent   incomplets  compte-­‐tenu  des   lourdeurs  administratives,  on   gâche   un   temps   qui   permettrait   d’évaluer   l’opportunité,   la   consistance   de   telle   ou  telle  politique  publique.  Les  comptes  sociaux  :  

La  France  présente  une  situation  financière  préoccupante,  comptes  sociaux  inclus.  Or,  la  semaine  dernière,  la  Cour  des  comptes  a  eu  l’occasion  d’écrire  que  le  déficit  ne  semblait  pas  tenu  d’où  le  dérapage  de  près  d’un  milliard  sur  un  total  de  14,7  mds.  

La   crise   économique,   par   exemple   chez   PSA   Aulnay,   va   d’abord   impacter   le   pouvoir  d’achat   des   futurs   licenciés   et   parallèlement   les   comptes   paritaires   de   l’UNEDIC.   Puis,  lorsque  le  chômage  frictionnel  (  durée  de  la  longueur  de  passage  au  chômage  )  aura  fait  sa  triste  besogne,  c’est  bien   l’Etat  et   le  département  (  RSA  et  autres  aides   locales  )  qui  viendront  matérialiser  la  notion  d’Etat-­‐providence.  

Autrement   dit,   alors   que   nos   projections   en   termes   de   chômage   conduisent   à   estimer  une  augmentation  de  350.000  personnes  de  septembre  2012  à  septembre  2013,  il   faut  intégrer  le  coût  de  cette  variable  sociale  dans  le  glissement  négatif  des  comptes  publics.  

Compte-­‐tenu   de   l’étendue   de   la   crise   productive   qui   s’annonce,   un   chiffrage   est  complexe  mais   retenir   le  montant  de  2  milliards   (   sur   les  9  que  coûte  actuellement   le  RSA  )  parait  fondé  et  réaliste.    (  Variable  6  ).  

Sur  ce   sujet,  nous  ne  pouvons  que  suggérer  au   lecteur  de  prendre  connaissance  d’une  étude   de   Pôle   Emploi   (   «  Repères   &   Analyses  »   n°47   de   Juillet   2012   )   qui   montre,  statistiques   à   l’appui,   que   l’ICDC   (   indicateur   conjoncturel   de   durée   au   chômage   )   qui  «  consiste  à  évaluer   la  durée  moyenne  de  chômage  »  est  passé  de  292   jours  en  2008  (  quatrième  trimestre  )  à  359  jours  en  2011  (  Q4  ).  

Cet  allongement  du  chômage  frictionnel  est  une  donnée  absolument  essentielle  qui  est  une  mine  dérivante  pour  les  comptes  sociaux.  Certains  de  nos  calculs  de  la  variable  6  (  supra  )  aboutissaient  à  plus  de  3,5  milliards.  Dans  ce  domaine,  il  est  urgent  que  les  Pouvoirs  publics  affecte  une  équipe-­‐commando  à  un   suivi   digne   de   la   VACMA   de   la   SNCF  :   veille   automatique   à   contrôle   de   maintien  d’appui  (  «  dispositif  de  l’homme  mort  »).  A  défaut  de  vérifier  que  le  train  des  surcoûts  sociaux   est   piloté,   il   est   clair   que   les   sages   de   la   Rue   Cambon   ne   pourront   qu’être  censeurs  de  la  gestion  ainsi  dérivante.  

En  synthèse  :  En  physique,   la  conjecture  de  protection  chronologique  (   issue  des  travaux  de  Stephen  Hawking   )   milite   en   faveur   du   principe   de   causalité   et   assure   que   les   paradoxes  temporels  ne  sont  pas  des  variables-­‐clefs.  

En  économie  politique,  nous  estimons  qu’il  y  a  des  principes  de  causalité  :  pas  forcément  celui  qui  consiste  à  dire  que  trop  d’impôt  tue  l’impôt  mais  en  revanche  celui  qui  consiste  à  penser  que  trop  d’impôt  dans  une  économie  ouverte  engendre  de  multiples  stratégies  de  réponse  de  la  part  des  agents  économiques.  

Le  Gouvernement  de  Monsieur  Ayrault  n’avait  pas  le  choix  pour  la  trentaine  de  milliards  à  percevoir  :   en  revanche,   il   a  assumé  des  choix     (  un  panachage   )  qui   semble  porteur  d’effet-­‐boomerang.  Le   total   des   six   variables   que  nous   avons   posément   suggérées   ce   jour   au   lecteur   sera  peut-­‐être  démentie  :  rien  n’est  moins  sûr  tant  la  crise  est  sévère.  

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Ses  six  variables  représentent  un  total  de  21,2  milliards  d’euros  ce  qui  paraitra  –  sans  aucun  doute  –  frappé  d’exagération  à  certains  lecteurs.  

Il   faut   rappeler   que   cette   grave   dérive   vient   du   chiffre   actuel   du   PIB   retenu   dans   les  hypothèses  budgétaires  qui  va  voler  en  éclat  contre  le  mur  de  la  réalité  sous  six  mois  et  peut-­‐être  même  avant.  Posture  ne  saurait  durer.  

Les  autres  hypothèses  ne  sont  alors  qu’itératives.  Pour   conclure,   on   sait   –   tel   le   bouillant   député   socialiste   René   Dosière   –   que   l’Etat  pourrait  s’atteler  à  un  effort  supérieur  aux  10  milliards  à  comparer  aux  294  milliards  de  charges  nettes  votées  pour  2012.  Il  suffit  de  feuilleter   le  récent  rapport  de  l’Inspection  générale  des  Finances  sur  le  coût  des  multiples  «  Agences  ».  (  près  de  50  mds  ).  

Comme  l’a  écrit  notre  regretté  ami   le  Préfet  de  Région  (  et  Trésorier-­‐Payeur  Général   )  Claudius   Brosse   dans   «  L’Etat   dinosaure  »  :   «  Mais   si,   sous   la   IIIème  République,   l’Etat  absorbait   un   quart   des   revenus   des   Français,   sous   la   IVème   République,   c’est   le   tiers  qu’il  prélevait,  aujourd’hui,  c’est  la  moitié  qu’il  retire  au  revenu  national.  Or  à  l’évidence,  les   Français   n’ont   pas   envie   de   vivre   sous   un   régime  politique   ressemblant   à   l’Egypte  pharaonique  ou  à  l’Empire  des  Incas.  »  Effectivement,   la   répartition   tripartite   (   10   milliards   d’efforts   pour   chacun   )   laisse  pantois   quant   à   l’effort   étatique   d’autant   que   la   crise   va   augmenter   le   coût   des  amortisseurs  sociaux  et  éroder  les  rentrées  fiscales.  Moins   d’une   dizaine   de   hautes   personnalités   ont   décidé   de   ce   qui   précède  :   formons  vivement   le   vœu   –   pour   tant   de   nos   concitoyens   que   la   crise   affecte   -­‐   que   les   calculs  d’impact  macro-­‐économique   de   niveau   2   aient   été   réalisés   avec  minutie   et   démarche  accorte.  

Sinon,  la  situation  financière  et  sociale  sera  complexe.  Pour  ne  pas  dire  plus.    

   

 

   

 

   

   

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-­‐  XVIII  -­‐  

L'avocat  d'affaires  :    le  vent  en  poupe.      Dans   bien   des   sociétés,   même   pour   de   modestes   dossiers,   on   aperçoit   la   silhouette  généralement  étudiée  et  élégante  d'un  avocat  d'affaires.  Par-­‐delà   l'esthétique,   des   questions   sérieuses   se   posent   :   quels   sont   leurs   apports   ?  quelle   est   leur   capacité   de   suivi   des   évolutions   de   leurs   clients   ?   quels   indicateurs   de  performances  peut-­‐on  valablement  leur  appliquer  ?  Dans   l'imagerie   d'Epinal,   l'avocat   d'affaires   est   posé   comme   parisien   et   cher   :   il   ne  déjeune  –  à  raison  –  que  dans  de  grands  restaurants  tel  le  toujours  accueillant  Lasserre  et  sous-­‐traite  une  large  partie  du  dossier  à  un  collaborateur  dont  l'expérience  a  le  poids  d'une  délicieuse  pomme  de  terre  soufflée  du  restaurant  précité.  

Mais   d'Epinal   à   la   Cour   d'Appel   de   Paris,   il   faut   chausser   ses   bottes   de   sept   lieues   et  revenir  à  la  hauteur  du  plancher  des  vaches.  

Non,  tous  les  dossiers  ne  sont  pas  tenus  par  le  dernier  entré  dans  le  cabinet.  

Non,   tout   ne   se   passe   pas   autour   d'un   Margaux   de   belle   année   sans   travailler  auparavant.  

Le  métier  d'avocats  d'affaires  souffre  objectivement  de  caricatures  préjudiciables  à  son  exercice   et   les   bâtonniers   devraient   avoir   cette   question   davantage   présente   à   leur  agenda.  

Première  idée,  la  tendance  à  la  judiciarisation  de  la  vie  économique  et  commerciale  est  un  fait  que  le  Président  Canivet  a  souvent  rapporté  voire  stigmatisé.  

Ainsi,  le  moindre  contrat  peut-­‐il  être  soumis  à  conflit  interprétatif  et  à  saisine  judiciaire.  Cette   judiciarisation,  d'origine  apparemment  anglo-­‐saxonne,  est  une  réalité  qui   touche  tous   les   barreaux.   Elle   contribue   à   alimenter   le   volume   d'affaires   des   avocats  commercialistes  et  ne  semble  pas  en  voie  de  ralentissement.  Premier   élément  du   vent   en  poupe  pour  des   cabinets   aussi   réputés  que   Jones  Day  ou  Gide  Loyrette.  

Deuxième   élément,   l'inflation   législative   et   son   impact   sur   la   stabilité   des   situations  juridiques.  Tout  le  monde  dénonce  cette  inflation  mais  nul  ne  sait  quel  remède  concret  y  apporter   à   commencer   par   les  magistrats   du   Conseil   d'Etat   confrontés   à   une   pluie   de  rédaction  de   décrets   d'application   rendue   encore   plus   délicate   par   la   présence   supra-­‐normative  de  textes  européens.  

Troisième   élément,   l'avocat   d'affaires   est   désormais   présent   à   tous   les   stades   de   la  chaîne   d'exploitation   de   l'entreprise.   Fusions-­‐acquisitions   ?   il   est   présent   bien  évidemment  (  voir  Bredin  Prat  ).  Opérations  et  financements  immobiliers  ?  Présent  !    (  voir   Salans   ).   Propriété   intellectuelle   et   droit   des  marques   ?     Présent   !     (   voir   Clifford  

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Chance   ).  Arbitrage   contentieux   ?  Présent   (   voir   Freshfields   ).  Droit   social   (   voir   Jean-­‐Pierre   Mignard   ).   Droit   de   l'environnement   (   voir   Huglo   Lepage   ).   Droit   fiscal   (  ReedSmith  ).  Droit  boursier  (  Georges  Berlioz  ).  A   cette   liste   de   présents,   nous   ajoutons   le   cabinet   August   &   Debouzy   en   ayant   une  pensée   toujours   émue   pour   le   décès   de   notre   camarade   de   promotion   et   ami   Olivier  Debouzy.  Jeune   stagiaire   de   l'E.N.A,   il   s'était   fait   remarquer   à   Pau   lorsqu'il   avait   reçu   pour  instruction  d'expliciter  un  plan  de  circulation  à  Lourdes  pour   la  venue  de   Jean-­‐Paul   II.  Un  peu  lassé  par  les  questions  de  sens  unique  et  autres  aménagements,  il  avait  osé  dire  à  la  presse  :  "  C'est  comme  çà,  les  voies  du  Seigneur  sont  impénétrables  ".  

Autrement   dit,   être   avocat   d'affaires   ne   dispense   pas   d'auto-­‐dérision   contenue   et  d'humour  de  bon  aloi.  Oui,  Olivier  ton  style  nous  manque  ainsi  qu'à  des  magistrats  qui  te  respectaient.  Tout  comme  François  PLASSOUX,  inexorablement  parti  avant  40  ans,  vers  l'Espérance  (  Cabinet  Denton  &  Co  ).  

Quatrième  élément,  l'avocat  d'affaires  a  un  rôle  dans  la  procédure  (  auxiliaire  de  justice  )  et   comme   l'a   dit   Maître   Georges   Izard   dans   son   discours   de   réception   à   l'Académie  Française  prononcé   fin  Septembre  1973  alors  que   la  notion  de   justice  disparaissait  du  Chili  d'alors  :  "  Le  but  de  la  plaidoirie  est  de  convaincre.  Sa  règle  suprême  est  la  clarté,  son  idéal  de  constituer  un  enchaînement  si  limpide,  un  système  si  logique,  un  examen  et  une   réfutation   si   complets  des  objections,   que   ce   flot   de   continuité   roule  dans   l'esprit  des  juges  et  n'y  laisse  aucune  place  pour  une  opinion  contraire  ".  Mais  fort  de  notre  expérience,  nous  observons  que  les  avocats  d'affaires  talentueux  sont  ceux  qui  ne  vont  pas  jusqu'à  la  plaidoirie  et  savent  trouver  un  gentleman  agreement  en  amont  pour  le  plus  grand  bien  des  deniers  et  de  la  tranquillité  d'esprit  de  leurs  clients.  Savoir   construire   une   négociation   entre   les   parties   est   un   art   qui   requiert   plus   de  sagacité  que  d'enfoncer  son  client  dans  une  procédure  multi-­‐dimensionnelle  et  étendue  dans  le  temps.  

On   peut   se   vouloir   le   tempétueux   Gilbert   Collard,   il   n'est   pas   dénué   de   sens   d'être   le  subtil  Olivier  Metzner....  (  brutalement  disparu  en  Mars  2013  ).  Cinquième  élément,   l'avocat  d'affaires  est  un  agent  mutagène  dans  bien  des   firmes  où  ses   conseils   valent   ceux   d'un   mandataire   social   à   la   fois   en   pertinence   et   en  retentissement.  Combien  de  chefs  d'entreprise  du  CAC  40  se  rendent-­‐ils  dorénavant  avec  leur  avocat  lors  de  meetings  importants  ?  Combien  d'heures  d'avocats  ont-­‐elles   été  dédiées  aux  négociations   relatives   au  départ  de  feu  Philippe  Jaffré  (  ELF  )  ?    Idem  pour  Jean-­‐Marie  Messier  (  Vivendi  ).  

Là   encore,   l'avocat   d'affaires   a   le   vent   en   poupe   et   son   rôle   ne   se   limite   pas   aux   "  montages  en  droit  des  sociétés  "  (  Jean-­‐Philippe  Dom,  Joly  )  :  il  est  inséré  dans  bien  des  rouages  de  décision.  

Sixième   élément,   le   métier   d'avocats   d'affaires   est   attractif   et   se   féminise  progressivement  comme  l'a  montré  avec  un  succès  éclatant  Madame  Christine  LAGARDE  lorsqu'elle  était  aux  Etats-­‐Unis.  

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De  surcroît,   il  n'est  pas  un  point  invariant  :  un  ancien  maire  de  Neuilly  Sur  Seine  et  un  ancien   élu   de   Chicago   sont   la   démonstration   qu'avocat   un   jour,   président   quelques  milliers  de  jours.  Sur  ce  terrain,  souvenons-­‐nous  qu'un  élu  célèbre  du  Morvan  était  un  ancien  avocat.  

On  lui  prête  une  formule  célèbre  :  "  pour  le  droit,  j'ai  Badinter,  pour  le  tordu,  j'ai  Dumas  "  digne  de  son  éloquence  et  probablement  teintée  de  véracité.....  A   ce   sujet,   l'ouvrage   de   Thierry   Lévy   et   Jean-­‐Denis   Bredin   (   Convaincre   )   dédié   à  l'éloquence  est  une   lecture  gourmande  et   enrichissante  qui   rappelle  –  notamment   -­‐   la  brillante  plaidoirie  de  Maître  Jean-­‐Louis  Tixier-­‐Vignancour  en  1962  pour  la  défense  du  Général  Salan.  

Si  le  métier  a  le  vent  en  poupe  comme  nous  l'avons  établi,  il  faut  garder  en  mémoire  des  cas  de  figures  où  l'Histoire  ne  permet  pas  à  l'avocat  d'exercer  valablement  ses  fonctions.  

Deux   exemples   significatifs   méritent   d'être   rapportés   :   le   cas   du   constructeur   de  camions   Berliet   et   ses   déboires   juridiques   après   la   Libération   :   ceux-­‐ci   s'étalèrent  jusqu'à  1949  date  à  laquelle  la  famille  pût  retrouver  la  plénitude  du  droit  de  propriété  de  l'entreprise.  L'autre  exemple  fait  honte  à  notre  belle  Nation  :  il  s'agit  de  la  question  des  spoliations  de  biens  juifs  (  voir  Commission  présidée  par  Jean  Mattéoli  )  dont  l'exemple  le  plus  visible  est   réservé  à   la   famille  Camondo.    Quand  on  entre  dans  ce   ravissant  musée  Nissim  de  Camondo,   on   croit   entendre   les   voix   de   personnes   qui   ont   servi   la   France   (   pilote   de  chasse  pendant  la  première  guerre  mondiale  )  et  on  a  le  sentiment  indigeste  (  pour  ne  pas  écrire  plus  )  d'être  là  comme  par  effraction.  

Alors   que   la   France   réfléchissait   sur   la   dépénalisation   du   droit   des   affaires   suite   au  Rapport   de   l'estimé   Sénateur   Philippe  Marini   (  Modernisation   du   droit   des   sociétés   ),  nos   amis   suisses   se   lançaient   dans   la   délicate   question   des   avoirs   bancaires   non  réclamés  :  ce  dossier  a  occupé  bien  des  avocats  d'affaires  helvètes  ce  qui  démontre  que  ce  métier   a   le   vent   en   poupe  mais   est   aussi   à   la   proue   d'un   navire   nommé   :     Justice  devant  l'Histoire  !  

   

       

     

 

         

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-­‐  XIX  -­‐  

Les  avocats  pénalistes  :    un  bien  pour  le  mal  ?      Le  Maréchal  Philippe  Pétain,   le  docteur  Petiot,   le  trop  célèbre  Patrick  Henry,  Henriette  Caillaux,  l'autocariste  Emile  Louis,  Marie  Besnard  :  autant  de  noms  qui  ont  résonné  dans  les  prétoires.    Autant  d'hommes  et  de  femmes  qui  ont  eu  droit  à  un  jugement  et  à  une  défense  dignes  de  ce  nom.  L'avocat  pénaliste  est  donc  un  homme  ou  une  femme  indispensable  à  l'Etat  de  droit  que  nous  voulons  voir  vivre  et  prospérer  dans  notre  Nation.    Cela  étant,  les  situations  sont  parfois  complexes.  

 Une  précision  s'impose   :  cette  contribution  s'inscrit  dans  une  réflexion  volontairement  centrée   sur   l'analyse   de   l'avocat   pénaliste   en   temps   ordinaire.   Autrement   dit,   nous  n'aborderons   pas   la   question   de   la   défense   pénale   en   temps   de   guerre   ou   en   temps  exceptionnels  (  Article  16  de  la  Constitution  ).  Loin  des  Sections  spéciales  de  Vichy  et  des  Tribunaux  militaires   d'exception,   notre   point   central   sera   l'application   du   droit   pénal  sous  un  mode  normal,  c'est  à  dire  tel  que  défini  par  le  Code  pénal  (  refondu  en  1994  )  et  précisé  par  le  Code  de  procédure  pénale.  Nous  serons  donc  éloignés  des  temps  difficiles  que  connut  René-­‐Nicolas  de  Maupeou  (  1714-­‐1792  ).  Tout   d'abord,   force   est   de   constater   la   rémanence   –   parfois   teintée   d'un   voyeurisme  contestable   –   des   grandes   histoires   judiciaires   pénales.   Un   célèbre   journaliste,   Pierre  Bellemare,   en   a   fait   des   succès   de   librairie   tandis   que   le   médiatique   Christophe  Hondelate  en  a  fait  de  jolis  scores  d'audimat  (  Faites  entrer  l'accusé,  France  2  ).  

Toutes  leurs  émissions  portaient  sur  ce  que  Pierre  Lazareff  appelait  "  du  sang  à  la  une  "  et  pas  sur  des  questions  de  droit  pénal  des  affaires  où  seul  Bernard  Tapie  fit  recette  au  sens  propre  comme  figuré  (  évaluation  du  préjudice  moral  ).  

Les  faits  et  les  hommes  qui  ont  commis  des  crimes  (  plus  que  de  délits  )  suscitent  donc  vivement  l'intérêt  du  grand  public.  Ce  point  que  nous  rapportons  d'emblée  mérite  d'être  conservé  en  mémoire.  S'il  est  normal  qu'un  citoyen  délivre  de   la  compassion  pour  une  famille   de   victimes,   il   peut   être   plus   périlleux   d'être   confronté   à   des   mouvements  d'opinion   qui   pourraient   –   selon   une  mauvaise   dynamique   des   fluides   –   entamer   une  notion  cardinale  pour  la  Justice  :  la  sérénité.  Nul   ne   saurait   contester   les   images   troublantes   d'un   récent   procès   où   les   forces   de  police  étaient  mises  en  cause  (  Villiers-­‐le-­‐Bel  )  et  où  le  Tribunal  comptait  des  cordons  de  C.R.S  à  toutes  fins  utiles.  Etre  magistrat  au  pénal,  c'est  donc  connaître  le  droit,  maîtriser  les  faits,  tenir  l'audience  et  conserver  sa  pleine  sérénité.  

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Si  l'emportement  peut  accompagner  la  procédure  pénale  étant  donné  le  lourd  passif  qui  est   parfois   reproché   à   l'accusé   ou   au  prévenu,   cela   signifie   que   l'avocat   pénaliste   doit  avoir   un   comportement   exemplaire,   une   maîtrise   hors   du   commun   afin   de   ne   pas  alourdir  l'intensité  des  temps  de  crise.  

Evoquant  sa  fille  Léopoldine,  Victor  Hugo  a  écrit  :  "  Le  temps  passe,  le  souvenir  reste  ".  

Cette   inscription   figure  sur  de  nombreuses  plaques  de  marbre  dans  nos  cimetières  où  reposent   précisément   les   corps   abîmés   et   stoppés   des   victimes.   Le   souvenir   reste   de  Landru   et   du   sang   de   ces   innocents   comme   il   restera   pour   des   dizaines   d'années   le  souvenir  du  gigantesque  délit  financier  commis  par  Bernard  Madoff.  

Rémanence  d'un  côté,  Self-­‐control  de  l'autre  :  le  pénaliste  dont  le  talent  peut  raccourcir  la  durée  d'écrou  est  une  clef  de  voûte  de  notre  Justice.  Même   si   les   actes   sont   insoutenables   (   plus  de  75  victimes   en  Norvège   ),  même   si   les  circonstances   relèvent   de   l'ignoble   (   Emile   Louis   abusant   de   personnes  mentalement  déficientes   ),   l'humanité   requiert   une   défense   comme   l'a   démontré   Maître   Jean-­‐Yves  Leborgne  en  apportant  son  brillant  concours  à  l'ancien  dirigeant  tunisien  Ben  Ali.  

La  clef  de  voûte  qu'est  le  pénaliste  pour  la  liberté  privée  est  un  verrou  protecteur  pour  les  Libertés  publiques  chères  au  Doyen  Jacques  Rivero  ou  à  Jacques  Robert.  

Sans  défense  pénale  construite,  point  de  procès  équilibré  alors  que  l'affaire  d'Outreau  a  notamment   démontré   crûment   qu'une   trop   grande   convergence   de   vues   entre   le  Parquet  et  le  juge  d'instruction  conduisaient  sur  le  chemin  dégradant  et  préjudiciable  de  l'erreur.  A   ce   propos,   une   éventuelle   réforme   des   conditions   de   l'instruction   aurait   rendu   les  situations   plus   complexes   que   le   but   recherché.   Une   situation   de   chaos   aurait   pu   en  découler,  nous  osons  l'affirmer.    "  Le  chaos  définit   l'imprévisibilité,   l'imprédictibilité  et  l'incertitude  de  nos  sociétés  complexes  et  instables  dont  l'homme  maîtrise  de  moins  en  moins  l'évolution  ".    (  Morale  et  Chaos,  Pierre  Caye  2008  ).  Cette   notion   d'imprévisibilité   nous   conduit   à   trois   remarques   distinctes   mais  complémentaires.  

Premier  point,  il  y  a  un  temps  de  l'audience  pour  reprendre  le  mot  du  très  estimé  Robert  Badinter   :  autrement  dit,   tout  n'est  pas  dans   le  dossier  et   les  confrontations  publiques  oratoires  peuvent  libérer  le  flot  jaillissant  de  la  vérité  jusqu'alors  resté  dans  l'ombre.  

Ce  temps  de  l'audience  est  un  puzzle  voire  même  un  Rubrik's  cube  pour  le  pénaliste  :  il  doit   démonter   point   par   point   –   pièces   à   l'appui   –   un   enchevêtrement   de   faits   pour  porter   le   fer  contre   l'accusé  ou  au  contraire  pour  accumuler,  avec  patience,  des   foyers  d'exonération  de  responsabilités.  

Ce  temps  de  l'audience  a  d'ailleurs  été  souligné  –  à  titre  exceptionnel  –  par  le  Procureur  Général   Yves   Bot   qui   avait   présenté   (   devant   la   Cour   d'assises   d'appel   de   Paris   en  novembre   2005   )   ses   "   regrets   "   aux   accusés   et   confirmé   la   demande   d'acquittement  général.  (  Affaire  d'Outreau  ).  

Deuxième   point,   le   temps   de   l'audience   s'inscrit   au   terme   d'un   long   processus   que   la  technologie   a   commencé   de   bouleverser.   Les   analyses   de   la   police   scientifique   et  technique   sont  désormais  un  axe  de  développement  d'une   instruction  moins  aléatoire  voire  nettement  moins  faillible.  

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Pour  caricaturer,  une  affaire  Seznec  pourrait   toujours  surgir   (  pas  de  corps  retrouvé   )  mais  probablement  pas  une  affaire  Dominici.  Le  progrès  technologique  est  donc  un  atout  pour   le   pénaliste   mais   un   revers   s'il   accable   son   client   car   les   jurés   seront  nécessairement   plus   sensibles   à   des   fragments   de   preuves   scientifiquement   établies  qu'à  des  effets  de  manche  d'un  avocat  en  mal  d'arguments  étayés  et  crédibles.  

Troisième   point,   l'attitude   de   l'accusé.   Pour   son   avocat,   elle   est   parfois   limpide,  convenable  et   favorable  à   la  cause  à  défendre.  Parfois,   il  en  va  tout  autrement   :  voir   le  procès  de  Youssef  Fofana  (  du  gang  des  barbares  )  qui  ne  cessa  de  revendiquer  –  avec  tous   les  détails  devant   les  parties  civiles  –  ce  qui  s'était  déroulé  dans  cette  cave  où  un  jeune  de  moins  de  25  ans  non  seulement  devait  perdre  la  vie  mais  auparavant  se  voir,  jour  après  jour,  ôter  sa  dignité  d'homme.  Le  cœur  est  serré  à  l'idée  de  ce  que  ce  corps  a  traversé  avant  d'être  glacé  et  enfin  libéré  du  supplice.  

On   songe   –   un   peu   mécaniquement   –   à   ces   hommes   de   l'ombre   qui   composèrent   la  Résistance   et   à   la   cellule   359   de   la   prison   de   Fresnes   où   celui   qui   allait   devenir  l'immense  Professeur   Jean  Bernard   fût  prisonnier.   (   "  Dans   la  prison  que   le  France  est  devenue  "  2003  ).    Face  à  cette  cruauté  –  pour  ne  pas  dire  plus  –  on  songe  au  "  Discours  de  la  servitude  volontaire  "  de  La  Boétie  (  1549  )  et  au  partage  du  butin  des  brigandages.  

De  surcroît,   il   faut  ajouter  sur  ce  gang  des  barbares  que  son  accès,  en  détention,  à  des  moyens  de  vidéo-­‐transmission  pose  question  et  doit  parachever  le  calvaire  des  proches  du  jeune  Halimi.  

Pour   le   pénaliste,   il   y   a   donc   plusieurs   variables   :   les   faits   bruts,   la   composition   du  Tribunal,  la  personnalité  du  Président,  le  talent  de  son  confrère  contradicteur,  les  pièces  examinées,  l'attitude  (  the  behaviour  )  de  son  client,  les  réactions  éventuelles  de  la  salle.  

Ces  variables  ne  sont  pas  reliées  par  une  équation  linéaire,  elles  s'entrechoquent  comme  des  molécules  d'alcool  dans  un  bon  vin  et  suivant   leur  assemblage,  elles  pourront  être  présentées  efficacement  aux  jurés.  Avec  pour  objectif  opérationnel  de  faire  consensus  :  "  Le   consensus   est   une   disposition   de   l'esprit   collectif   qui   traduit   un   accord   avec   une  situation  "  (  Doyen  Georges  Burdeau,  in  Pouvoirs  :  N°  5,  1978  ).  

Le  consensus  peut  être  atteint  quelques   instants  par   l'avocat  pénaliste   :   juste   le   temps  requis  pour  emporter  une  conviction  précieuse  à  l'avenir  physique  de  son  client.  

Toutefois,  l'attitude  du  public  (  procès  AZF,  etc  )  est  parfois  préoccupante  car  elle  révèle  que  le  pouvoir  judiciaire  se  heurte  à  l'idée  préconçue  que  la  foule  avait  du  verdict.  "  Quic  quid  multis  peccatur  insultum  "    Lucain,  Pharsale  :  V  260  

(  "  Tout  délit  commis  par  une  foule  est  assuré  de  l'impunité  "  ).  Allant   à   pas   forcés   vers   une   société   à   l'américaine,   on   peut   craindre   des   sorties  d'audience  médiatiques  et  débridées  voire  risquées.  

Souvenons-­‐nous  des  menaces  de  mort  que  dut  affronter  Robert  Badinter  après  le  procès  de  Patrick  Henry.  

Mais  l'avocat  pénaliste  n'est  pas  que  l'homme  ou  la  femme  qui  montre  aux  jurés  l'arme  du  crime  portant  le  sang  séché  de  la  victime.  Il  est  aussi  un  auxiliaire  de  vie  sociétale  (  et  pas  seulement  un  auxiliaire  de  justice  )  et  nous  revendiquons  la  pleine  paternité  de  ce  terme  en  ayant  à  l'esprit  le  fameux  procès  de  Bobigny  et   la  téméraire  Gisèle  Halimi  venue  défendre  une   jeune  "  avorteuse  ".  Sans  

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son  combat  relayé  par  le  manifeste  des  343,  y-­‐aurait-­‐il  eu  une  majorité  pour  le  projet  de  loi  porté  peu  de  temps  après  par  l'emblématique  et  Académicienne  Simone  Veil  ?  

Oui,  le  pénaliste  est  parfois  élu  et  membre  du  Parlement  et  à  ce  titre  vote  la  Loi.  Oui,  le  pénaliste  est  aussi  un  puissant  vecteur  d'influence  qui  peut  faire  modifier  la  Loi  et  faire  avancer  les  choses.  

Ceci  alors  même  que  la  phrase  de  Maupéou  reste  valable  (  cité  par  J.  Flammermont  )  :  "  La  dignité  de  chancelier  n'est  plus  qu'un  vain  titre,  depuis  que  la  politique  d'un  côté,  la  finance  de  l'autre,  sont  devenus  les  deux  pivots  sur  lesquels  roulent  toutes  les  affaires  et  toute  l'administration  ".  

Loin   de   la  maison   de   la   Rue   Harlay,   l'avocat   pénaliste   talentueux   a   généralement   ses  propres  réseaux  de  prescripteurs  et  son  bouche  à  oreille.  Les  aptitudes  reconnues  sont  souvent  mêlées  de  complexes  facteurs  sociaux  comme  l'a  démontré  Eysenck  en  sciences  sociales  (  in  Méthodes  des  sciences  sociales  de  Madeleine  Grawitz  )  et  les  médias  ne  simplifient  pas  l'affaire  :  pour  le  grand  public  l'illustre  Gilbert  Collard  surpasse  le  subtil  Olivier  Metzner.    Dans  les  prétoires,  c'est  une  autre  histoire....  

L'histoire  retiendra  certainement  que  notre  pays  a  de  justes  et  valables  pénalistes  tant  sur   le   fond  que   sur   la  pure  procédure   :   voir  Question  prioritaire  de  Constitutionnalité  soulevée   par   l'admirateur   de   Joseph   de   Maistre   qu'est   l'estimé   Jean-­‐Yves   Leborgne   (  Mars  2011  ).  Dans  une  récente  interview  (  Challenges,  27  Avril  2012  ),  Robert  Badinter  reconnaît  bien  volontiers   sa   passion   de   collectionneur   de   documents   judiciaires.   Noble   vice   pour   un  homme  de  vertu  aurait  pu  s'exclamer  Mandeville  (  La  Fable  des  Abeilles  ).  

Evoquant   le   numérique,   l'ancien   éminent   Président   du   Conseil   Constitutionnel   et  ministre  de   l'abolition  de   la  peine  de  mort,  explique  que  "  nous  nous  acheminons  vers  une  dématérialisation  et  une  uniformisation  de  tous  les  documents  d'archives.  Le  travail  de   la   pensée,   qui   s'inscrit   sur   le   manuscrit,   va   disparaître.   Nous   ne   verrons   plus   les  hésitations  et  les  corrections  que  révèlent  les  documents  autographes.  "  

Nous  ne  partageons  que  partiellement  cette  analyse  un  peu  sombre  et  s'appliquant  aux  textes   des   plaidoiries,   nous   optons   intellectuellement   pour   l'analyse   reflétée   par   Paul  Claudel  (  Poésies  :  L'architecte  )  :  

"  L'architecte  est  celui  qui  a  vocation  par  son  art  d'édifier  quelque  chose  de  nécessaire  et  de  permanent.  Non  pas  pour  être  regardé  seulement  ou  compris,  mais  pour  que  l'on  vive  dedans  ".  

Oui,  le  pénaliste  élabore  une  suite  de  pensées  pour  inviter  son  auditoire  à  vivre  dedans  et   pas   seulement   pour   le   regarder   béatement   ou   le   comprendre   sans   adhérer   à   ses  propos.  

Cette  dichotomie  entre  la  nécessaire  compréhension  et  la  requise  conviction  est  une  des  racines  de  l'arbre  du  talent  de  l'avocat  pénaliste.  

Dans  un  pays  où  l'affaire  de  Toulouse  et  de  Montauban  (  M.  Merah  )  est  encore  dans  la  tête   de   nos   concitoyens,   il   faut   se   souvenir   des   propos   de   paix   du   philosophe  Michel  Serres  qui  pointe  d'un  doigt  inquiet  les  programmes  de  télévision  hyper-­‐violents.  

"  Un  enfant  de  12  ans  a  pu  assister  à  quelque  dix  mille  meurtres  et  assassinats  divers  sur  les  écrans  des  chaînes  de  télévision,  ou  sur  ceux  des  salles  de  cinéma  ".  

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(  Olivier  Bardolle  :  Des  ravages  du  manque  de  sincérité  dans  les  relations  humaines  ).  

Les  derniers  faits  divers  ont  attesté  de  l'abaissement  relatif  de  l'âge  des  personnes  mises  en  examen  :  voilà  un  futur  défi  pour  tous  les  pénalistes  qui  auront,  entre  leurs  mains  et  leurs  neurones,  le  sort  du  début  de  la  vie  d'adulte  de  jeunes  prévenus.  

Ayant   été   commissaire   aux   comptes   pendant   une  décennie,   le   droit   pénal   des   affaires  nous  est  plus  familier  que  le  droit  du  crime,  du  viol,  etc.  Le  pénaliste  de  Cour  d'assises  nous  est  connu  mais  pas  à  titre  professionnel.  

Nous  savons  que  ce  défenseur  (  même  de  l'infâmie  )  est  un  bien  pour  un  mal  qui  ne  peut  souvent  être  réparé  in  vivo.  

Nous   gardons   davantage   en   mémoire   la   très   pertinente   contribution   de   Maître   Jean-­‐Michel   Darrois   et   de   Marie-­‐Noëlle   Dompé   sur   l'évolution   du   droit   des   opérations  boursières  reproduite  dans  les  Mélanges  dédiés  au  Doyen  Pierre  Bézard.  

Le   pénaliste   montre   alors   ses   qualités   d'homme   d'action   mais   aussi   d'homme   de  synthèse.  

Loin  des  affres  de  Paul  Lombard  allant  demander  –   il   y  a  près  de  40  ans   -­‐   la  grâce  de  Christian  Ranucci,  des  dizaines  de  pénalistes  sont  aussi  des  commercialistes  redoutables  tel  Jean  Veil.  

Maître  Olivier  Metzner  a  été  élu  meilleur  avocat  français  du  droit  pénal  des  affaires  en  2010   (   Prix     Best   Lawyers   –   Les   Echos   )   et   sa   contribution   à   des   avancées  jurisprudentielles  est  reconnue  :  il  a  cette  capacité  à  traiter  des  affaires  comme  celle  de  la   malheureuse   Laetitia   (   Pornic,   2011   )   mais   aussi   des   dossiers   comme   celui   de   la  défense  de  l'ancien  Président  d'ELF  :  Loïk  Le  Floch-­‐Prigent.  

Unicité  du  pénaliste  par-­‐delà  la  diversité  des  sections  du  Code  pénal....  

A   l'heure   où   Olivier   DEBOUZY   et   Jean-­‐François   PRAT   ont   quitté   famille   et   table   de  travail,  il  faut  songer  que  la  France  sait  produire  de  fins  juristes.  

Dès  1940,  un  certain  René  Cassin  écrivit  un   texte  démontrant   l'inconstitutionnalité  du  régime   de   Vichy.   Que   les   avocats   qui   utilisent   la   QPC   (   Question   prioritaire   de  Constitutionnalité   )   se   souviennent   de   cet   illustre   exemple   et   pensent   à   la   future  insertion   dans   le   droit   courant   du  Défenseur   des   droits,   autre   innovation   récente   qui  pourrait  surprendre  lors  de  sa  montée  en  puissance.  

"   Tiraillé   d’un   côté   par   la   philosophie   et   de   l’autre   par   les   Lois,   je   crois   que   je  m’échapperai   par   la   diagonale..."   Joseph   de   Maistre   (   Lettre   publiée   par   Clément   de  Paillette  /  La  politique  de  Joseph  de  Maistre,  1895  ).  

   

 

   

 

   

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-­‐  XX  -­‐  

Le  Commissaire  aux  comptes  et  ses  sept  défis.      

En  quelques  années,  le  commissariat  aux  comptes  a  connu  un  profond  bouleversement  :  refonte   complète   des   normes   d'exercice   professionnel,   actions   minutieuses   du   Haut-­‐Conseil  (  H3C  ),  modifications  des  normes  comptables,  contrôles  qualité,  etc.  

Ce  bouleversement  nous  semble  possible  à  résumer  en  sept  lignes  de  force.    

Le  commissariat  aux  comptes  est  une  fonction  relativement  essentielle  au  paysage  des  entreprises  de  France   :   ce   contrôle   légal   externe  des   comptes  garantit   la   sincérité  des  bilans   et   la   fiabilité   des   états   financiers   dont   nombre   de   décisions   dépendent   à  commencer  par   le  crédit   inter-­‐entreprise  ou   les  conditions  de  recours  à   l'endettement  externe  (  bancaire  ou  non  :  comptes-­‐courants  d'associés  ).  

Le  métier  est  désormais  très  concentré  après  la  faillite  d'ENRON  qui  devait  entrainer  la  chute   de   l'emblématique   ARTHUR   ANDERSEN.   Un   commissaire   comme   Jean-­‐Louis  MULLENBACH  ne  cesse  de  rappeler  à  longueur  d'interventions  ou  de  colonnes  (  voir  Les  Echos  ou  Option  Finance  )  les  dangers  de  la  concentration,  du  quasi-­‐monopsone  existant  vis  à  vis  des  grands  groupes  du  CAC40.  

Le   Président   CAZES   (   Compagnie   Nationale   des   Commissaires   aux   comptes   )   a   repris  avec   méthode   des   dossiers   que   le   Président   Vincent   BAILLOT   avait   laissé   sinon   en  jachère  du  moins  en  ordre  imparfait.  

Ainsi,  la  refonte  des  NEP  (  Normes  d'exercice  professionnel  )  a  été  relancée  avec  énergie  et  pertinence   :  elles  constituent  un  guide  quotidien  obligatoire  pour   le  commissaire  et  ses  collaborateurs.  Bible  de   l'action,  elles   forment  désormais  un  corpus  cohérent  qui  a  reçu  l'aval  du  H3C  conformément  aux  Textes  en  vigueur.  Après  avoir  réussi  ce  premier  défi,   la  profession  a  été  confrontée  à  la  délicate  question  de   la   révision   des   normes   comptables.   Cette   opération   lourde   a   lieu   sous   le   contrôle  efficace  et  respecté  du  Président  de  l'ANC,  à  savoir  Monsieur  Jérôme  HAAS.  Le  chantier  ressemble  aux  travaux  du  Grand  Louvre  sous  feu  François  MITTERRAND  et  est   une   démarche   véritablement   conséquente   où   l'amateurisme   est   exclu.   Dans   ce  contexte,   l'ANC   a   opté   pour   une   politique   équilibrée   :   d'un   côté,   la   rigueur   et   la  transparence  financière  sont  toujours  activement  recherchées.  De  l'autre,  l'ANC  a  retenu  de  contribuer  à  la  modernisation  des  Directives  européennes  (  voir  Communication  de  la   Commission   européenne   du   13   Avril   2011   relative   aux   12   leviers   prioritaires   de   "  l'Acte  pour  le  marché  unique  "  )  sans  toutefois  imposer  les  normes  IFRS  aux  milliers  de  PME.  De  la  proposition  de  loi  du  Président  de  la  Commission  des  Lois  (  M.  WARSMANN  ),  l'ANC  a  défini  des  mesures  de  simplification,  notamment  des  informations  à  faire  figurer  en  Annexes  des  comptes.  Ce  deuxième  défi  est  encore  sur  l'agenda  public  et  nul  ne  peut  dire  avec  certitude  quelles  seront   les   obligations   définitivement   arrêtés.   Pour   paraphraser   feu   Chou-­‐en-­‐Laï,   la  profession  et  l'Etat  "  dorment  ensemble  mais  ne  font  pas  le  même  rêve  "  :  il  faudrait  peu  de   conditions   pour   que   les   CAC   ne   se   retrouvent   à   nouveau   avec   un   Etat   hyper-­‐

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régulateur  quelque  peu  éloigné  du  terrain.  Comptons  sur  la  diplomatie  haassienne  pour  éviter  des  travaux  étirés  et  alourdis.  

Le  troisième  défi  concerne  la  documentation  désormais  requise  des  dossiers  de  travail  qui  constitue  une  gageure  et  un  trou  noir  pour   la  marge  des  cabinets   tant  cet  exercice  requis   est   "   time-­‐consuming   ".   Dossier   permanent   et   dossier   de   l'exercice   sont   deux  piliers  nécessaires  à   l'audit  mais   ils  pèsent   lourds  sur   la  marge  brute  des  exploitations  car  leur  précision  impose  patience  et  méthode.  

Le  quatrième  défi  est  souvent  trop  méconnu  :  il  s'agit  de  la  dématérialisation  des  pièces  comptables  à  commencer  par  les  factures  ce  qui  peut  prêter  le  flanc  à  la  critique  tant  les  fraudes   informatiques   sont   encore   accessibles   à   nombre   d'entités.   De   surcroît,   une  discussion   juridique   existe   sur   le   délai   de   conservation   des   pièces   :   trois   ans   selon  l'article  R  441-­‐3  du  Code  Commerce  mais  dix  ans  selon  l'article  L  123-­‐22......  

On  peut   ici  se  demander  à  quoi  servent   les  nombreux  colloques  sur   la  déontologie  des  CAC   lorsqu'une  question  aussi  simple  et  cruciale  est   l'objet  d'un  conflit   textuel  dans   le  même  Code.  

Ce  quatrième  défi  de   la  dématérialisation  nous  parait  mal  engagé  et  source  potentielle  d'abus  et  de  fraudes.    

De   son   existence   découle   le   cinquième   défi   :   celui   issu   des   conditions   de   la  circularisation.   Par   cet   acte   de   confirmation   de   solde,   les   CAC   peuvent   obtenir   toutes  informations   utiles   à   leur  mission   auprès   des   tiers   "   qui   ont   accompli   des   opérations  pour   le  compte  de   la  personne  ou  de   l'entité  ".   (  Article  L  823-­‐14,  alinéa  2  du  Code  de  Commerce   ).   Le   secret   professionnel   ne   saurait   être   opposé   aux   commissaires   aux  comptes   (   sauf   par   les   auxiliaires   de   justice   ).   Bien   évidemment,   le   lecteur   devine   la  réalité   de   la   circularisation   :   les   taux   de   réponse   sont   incertains   tout   comme   le   fond  parfois.   La   NEP   505   (   "   Demandes   de   confirmation   des   tiers   "   )   voit   son   application  concrète  être  un  vrai  défi.  "  Définir,  c'est  savoir.  Aussi  la  définition  juste  est-­‐elle  la  plus  rare  des  denrées  ".  Auguste  BLANQUI  (  in  "  Critique  sociale  "  ).  

Sur   ce   cinquième  défi,   notre  expérience  passée  et   révolue  de  CAC  nous  a   enseigné   les  limités   de   la   sincérité   de   certains   écrits   notamment   en   matière   d'engagements   hors-­‐bilan  ou  d'ampleur  quantifiée  d'un  litige  en  cours....  

Le  sixième  défi  est  d'un  maniement  plus  délicat  et  a  trait  aux  ressources  humaines  des  cabinets.  S'il  est  clair  que   l'audit  attire  de  beaux  et   jeunes  papillons  comme   la   lumière  halogène,  les  conditions  de  travail  souvent  bouculées  et  hasardeuses  induisent  des  taux  d'erreurs  non  négligeables  dans  certains  segments  des  dossiers.  Nous  sommes  obligés  de  relever  le  taux  désormais  très  majoritaire  dans  la  profession  et  d'émettre  l'hypothèse  selon   laquelle   le   salariat   ne   garantit   pas   toujours   le   dévouement   de   la   profession  libérale.  Il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  approche  sentencieuse  ou  d'une  affirmation  capricieuse  :   seulement   de   l'énoncé   d'un   fait   connu   des   plus   grands   managers   des   plus   grands  cabinets.  On   est   loin   du  Livre   vert   sur   l'audit   du  Commissaire   européen  Michel  BARNIER  qui   –  préconisant  nombre  d'actions  dont  le  renforcement  du  Co-­‐Commissariat  –  n'a  pas  traité  cette  question  pourtant  tendanciellement  cruciale  :  voir  le  turn-­‐over  dans  la  Profession.  

Le   Livre   vert   a,   en   revanche,   traité   du   septième   et   dernier   défi   -­‐   retenu   ici   -­‐   :   la  nomination  de  l'auditeur  externe  en  insistant  sur  le  rôle  majeur  du  Comité  d'audit.  

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Le   choix   du   CAC   est   affaire   simple   ou   complexe.   Selon   les   attentes   ultimes   de   l'entité  contrôlée.  

Dans   "   Grammaire   de   la   Bourse   "   (   1903,   S   Robert-­‐Milles,   E.Rey   Libraire   ),   on   note  l'affirmation   suivante   relative   aux   "   Commissaires   vérificateurs   des   comptes   appelés  autrefois  Commissaires  de  surveillance  et  Censeurs  "  :  

"  Sans  doute,   le  mandat  de  commissaire  est  assez  limité   ;  mais  tel  qu'il  est  défini  et  tel  qu'on  doit   le  concevoir,   il   est,  pour  un  esprit  droit  et   ferme  (   sic   ),  bien  suffisant  pour  rendre  les  services  qu'on  est  en  droit  d'attendre.  "  Plus   d'un   siècle   après   ces   lignes,   les   "   créateurs   de   confiance   "   (   slogan   publicitaire  retenu  par  la  CNCC  )  sont  supposés  faire  le  "  job  ",  rien  de  plus.  

A   la   conception   extensive   des   normes   et   des   textes   à   appliquer,   le   commissaire   doit  demeurer  dans  une  conception  restrictive  de  ces  fonctions.  Joli  paradoxe.  

A  ce  stade,  nous  souhaitons  formuler  un  souhait  de  praticien  du  monde  des  affaires.  Les  pages  585  et  586  du  Journal  Officiel,  Sénat,  Débats  parlementaires  (  terrain  familier  pour  l'estimé  Jean  ARTHUIS  )  de  1934  rapportent  l'existence  du  projet  n°  2416  (  Article  34  )  non  adopté  au  sein  du  Décret-­‐Loi  de  1935.  (  préalable  à  celui  du  31  Août  1937  )  et  la  proposition  intéressante  du  Sénateur  de  l'Aube  Vincent  LESACHE  (  1860  –  1938  ).  

Cette  proposition  vise  à  exclure  du  vote  sur  la  nomination  et  le  choix  des  commissaires  aux  comptes  en  Assemblée  Générale  Ordinaire  les  Administrateurs  actionnaires.  A  la  réflexion,  et  après  avoir  assisté  à  d'importants  travaux  de  l'I.F.A  (  Institut  Français  des  Administrateurs  )  présidé  par  Monsieur  Daniel  LEBEGUE  sur  la  "  gouvernance  ",  on  peut  penser  que  cette  proposition   fait   sens  dans  un  univers  où   le  conflit  d'intérêts  est  parfois  prospère.  

A   législation  quasi-­‐constante,  nous  avons  établi  que   la  proposition  LESACHE  peut  être  réactivée  dans  le  but  de  modifier  les  rapports  que  décrit  (  en  sciences  économiques  )  la  Théorie  de  l'Agence.    (  Voir,  par  exemple,  Vernimmen  :  Finance  d'entreprise  ).  Ceci  dans  le   but   de   renforcer   la   confiance   qu'ont   les   apporteurs   de   capitaux   (   en   univers   APE  essentiellement  )  dans  les  mandataires  sociaux.  

Comme  aime  à  le  dire  l'éminent  Edouard  SALUSTRO  :  "  La  profession  a  de  beaux  jours  devant  elle  si  elle  ne  fait  pas  trop  de  grosses  bêtises  ".  

A  voir  certains  appels  d'offres  où  les  cabinets  sortent  laminés  pour  la  même  quantité  de  travail  à  fournir,  il  y  a  de  quoi  être  inquiet.  Le  temps  des  libéraux  part  dans  la  nuit,  celui  des  salariés  plus  ou  moins  mal  rémunérés  et   motivés   domine   :   vite,   que   revienne   le   temps   des   entrepreneurs   comme   le   fort  malicieux   Edouard   SALUSTRO,   pour   que   les   commissaires   aux   comptes   puissent  franchir  les  sept  haies  à  valeur  de  défis  décrites  dans  cette  contribution.  

   

 

   

 

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-­‐  XXI  -­‐  

L'Europe  a  tiré  une  balle  dans  le  pied  de  notre  industrie  !      Européen  en  premier  et  dernier  ressort,  force  est  de  constater  que  notre  adhésion  à  ce  beau  projet   collectif   se  heurte   au  principe  de   réalité.   L'Europe  a   contribué  à   fragiliser  l'essor  de  nos  industries.    Prenons  un  peu  de  recul  et  sédimentons  les  faits  avec  minutie  et  tristesse.      

Contribution  dédiée  à  toi  l'ouvrier  européen  qui  ne  demandait  qu'à  le  rester  !    

Par   attaches   familiales   qui   remontent   aux   années   1920,   par   réflexion   de   type   méso-­‐économique  chère  au  Professeur  Pierre  Bauchet,  par  volonté  de  voir  aboutir  une  grande  idée,   oui   nous   voulons   l'Europe.   Comme   l'a   écrit   Jean  Monnet   "   nous   ne   voulons   pas  coaliser   des   Etats   mais   unir   des   hommes   ".   Or   l'acte   de   production,   le   travail   est  fondateur  :  il  ne  doit  pas  voir  sa  "  fin  "  comme  l'a  écrit  l'estimé  Michel  Drancourt  ou  plus  récemment  l'éminent  sociologue  Michel  Vacquin.  

Dès  lors  que  ce  désir  d'Europe  –  d'une  essence  différente  du  désir  d'avenir  de  2007  –  est  proclamé,   il   faut   l'alimenter   de   ses   succès   en   matière   agricole,   spatiale   et   géo-­‐stratégique.  Est-­‐on   sûr  que  notre   immense   joie  de  novembre  1989   (   chute  du  mur  de  Berlin   )   aurait   eu   lieu   si   l'Europe   n'avait   pas   été   au   rendez-­‐vous,   si   notre   Président  d'alors   et   le   Chancelier   Kohl   n'avait   pas   su   élaborer   une   complicité   allant   au-­‐delà   de  l'entente  ?  Par-­‐delà  l'admiration  que  l'on  peut  valablement  porter  à  l'ancien  élu  de  Château-­‐Chinon,  ce  n'est  pas  être  offensant  vis  à  vis  de  sa  mémoire  que  d'affirmer  qu'il  connaissait  mal  les  questions  industrielles.    Des  dizaines  de  décideurs  du  rang  des  Présidents  Ambroise  Roux,  Georges  Pebereau  et  Jean-­‐Louis  Beffa  l'ont  dit  avec  tact  mais  conviction.  

L'Histoire   économique   retiendra,   si   elle   a   le   temps   dans   ce   monde   où   l'accélérateur  semble  alourdi,  que  feu  Jean  Riboud  (  Schlumberger  )  a  eu  un  rôle  prépondérant  tel  un  de   ces   trop   fameux   visiteurs   du   soir   à   qui   François   Mitterrand   parlait   rarement   du  Morvan  puisqu'il  était  alors  en  phase  d'écoute  et  probablement  de  questionnement.  N'étant  pas  féru  de  questions  du  secteur  secondaire  (  selon  la  typologie  classique  dûe  à  Colin  Clark  )  sauf  lorsqu'il  réussissait  à  implanter  une  usine  DIM  dans  "  son  "  ancienne  terre  d'élection  (  en  complément  de  celle  d'Autun,  ville  chère  à  Arnaud  Montebourg  et  sa  démondialisation   ),   l'   homme   qui   repose   à   Jarnac   a   laissé   beaucoup   de   latitude   aux  rouages   institutionnels   de   l'Europe,   à   ce   que   le   Général   de   Gaulle   aurait   aussi   pu  nommer  de  "  machin  "  tant  les  processus  de  décisions  sont  décevants  voire  contestables.  Beaucoup  d'exemples  surgissent  de  notre  mémoire.  

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Tout   d'abord,   parlons   d'aluminium   :   un   secteur   important   voire   sensible   depuis   la  cannette   de   sodas   jusqu'aux   berlines   allemandes   dernier-­‐cri   produites   grâce   à   cette  matière.  Avant-­‐hier,  c'est  à  dire  en  2000,  la  Commission  européenne  repousse  un  projet  finement  et  méticuleusement   défini   :   le   projet   de   fusion   entre   Péchiney,   le   suisse  Algroup   et   le  canadien  Alcan.  Le  motif  technico-­‐administratif  invoqué  au  terme  d'un  dossier  juridique  impressionnant  est  simple  :  trop  de  risques  d'abus  de  position  dominante.  

Un  an  après,  en  2001  donc,  le  canadien  persévérant  procède  au  rachat  du  suisse  Algroup  :  un  deal  rondement  mené  et  conforme  aux  lois  de  la  concentration  capitaliste.  

Lois   qui   s'appliquèrent   en   2003  par   le   rachat   de   Péchiney   et   la   perte   d'un   fleuron  de  notre  industrie  fondé  en  1855.  Fleuron  dont  les  principaux  cadres  furent  remplacés,   le  centre  de  formation  de  Janville  vidé  de  son  sens,  etc.  Bref,  une  perte  de  souveraineté  et  des  futurs  plans  sociaux  car  c'est  presque  toujours  la  proie  (  et  non  le  conquérant  )  dont  les  effectifs  servent  de  variables  d'ajustement.  

Parfois   le   chasseur   devient   gibier   :   ainsi   Alcan   se   fait   racheter   par   le   groupe   minier  anglo-­‐australien  Rio  Tinto.  Pour  les  amateurs  de  fusions-­‐acquisitions,  un  coup  de  maître  à  enseigner  à  tous  les  seniors  de  banques  d'affaires  mûrs  pour  le  statut  tant  convoité  de  "  partner  ".  

Après  des  péripéties  et  des  détourages  d'activités,  l'année  2010  a  vu  la  création  d'Alcan  EP  dont  la  stricte  majorité  (  51  %  )  sera  vendue  à  Apollo  (  fonds  d'investissement  nord-­‐américain   )   en   2011   tandis   que   notre   fonds   souverain   (   le   FSI   )   prendra   une  participation  de  10  %.  

De  cette  page  de  notre  histoire  économique,   il  ne   faut  probablement  blâmer  personne  mais  seulement  constater  que   l'application  mécanique  du  droit  de   la  concurrence  (  un  des  piliers  du  droit  de  l'Union  )  a  privé  le  continent  européen  (  Suisse  et  France  )  d'une  fusion  à  trois  avec  une  belle  affaire  :  Alcan.  Autrement  dit,  exécuter  les  directives  à  la  lettre  a  fait  perdre  de  vue  l'esprit  de  conquête  des  pères  fondateurs  de  la  Communauté.  

D'une  fusion  avec  brio,  on  a  fait  un  saut  dans  la  précarité  sociale  et  financière.  Pauvres  ouvriers  de   la   vallée  de   la  Maurienne  dont   le   sort   a   été   scellé  par  un  homme  brillant  devenu  Président  du  Conseil  de  son  pays  :  seules  les  Alpes  et  une  conception  de  l'Europe  les  séparent  au  moment  où  sont  écrites  ces  lignes.  La  campagne  électorale  de  la  France  de  2012  a  évoqué  à  longueur  de  temps  le  "  made  in  France  ".  Il  est  un  secteur,   lui  aussi  vital,  où  cette  expression  a  eu  un  sens  pendant  des  siècles   :   la   sidérurgie.   Après   bien   des   déboires   (   cf.   plan   Barre   de   1978,   etc   ),   ce   pan  d'activités  avait  été  magistralement  modernisé  par  des  milliers  d'heures  de   labeur  des  opérateurs  et  des  ingénieurs.    Là,   une   fusion   aboutie   (   sous   des   réserves   formulées   le   21   Novembre   2001   par   la  Commission  européenne  à  nouveau  par  Monsieur  Mario  Monti  )  avait  donné  naissance  à  Arcelor  qui  réunissait  Aceralia  (  Espagne  ),  Arbed  (  Luxembourg  ),  et  Usinor  (  France  ).  L'Europe   unie   était   ainsi   devenue   le   premier   producteur   mondial   d'acier   et   l'avenir  semblait   rose.  Rose   comme  aurait   aimé  Arnaud  Montebourg  qui   n'a   certainement  pas  goûté  le  raid  boursier  réussi  de  Monsieur  Mittal  après  des  errements  européens  auprès  de  partenaires  russes.  

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Des  heures  furent  requises  pour  construire  un  empire  :  la  mariée  étant  belle,  elle  eût  vite  un  prétendant  aux  yeux  de  velours  mais  aux  méthodes  de  prédateurs.  

Alors   tant   pis   pour   l'ouvrier   de   Lorraine   si   l'Europe   des   fondateurs   s'est   évanouie   au  profit  d'un  grand  marché  qui  piétine  des  segments  du  corps  social.  

Tant  pis  si  tout  se  décide  par  une  famille  –  probablement  honorable  –  qui  réside  dans  la  maison  réputée  pour  être  la  plus  coûteuse  de  Londres.  La  Maurienne,  la  Lorraine,  à  qui  le  tour  ?  

Gueugnon   (   capitale   de   l'inox   )   située   en   Saône   et   Loire   d'où   nos   références   à   son  Président  du  Conseil  Général  ?  

Combien   d'heures   de   bureaucratie   et   d'avocats   brillants   pour   d'aussi   regrettables  résultats  méso-­‐économiques.  Rappelons-­‐nous,   avec   amertume   et   un   brin   de   sidération,   de   la   complexité   de   la  définition   des   pouvoirs   d'un   autre   Commissaire   européen   à   la   concurrence   :   Sir   Léon  Brittan.  En  1992,  le  Président  Delors  a  été  dans  l'obligation  de  constater  les  tiraillements  (  euphémisme  )  entre  le  raffiné  britannique  et  les  hommes  du  Nord  de  l'Europe  :  Martin  Bangemann  (  Vice-­‐président  de  la  Commission  chargé  de  l'industrie  )  et  Karel  Van  Miert.  L'affaire  De  Havilland  était  passée  par  là.  

Le  passage  du  GATT  à  l'OMC  a  été  un  défi  pour  l'Europe  qui  est  devenue  dans  bien  des  segments  industriels  davantage  cliente  du  monde  que  fournisseur.  N'est-­‐il   pas   urgent   de   se   doter   d'outils   raisonnablement  maniables   et   acceptables   par  nos  amis  des  autres  continents  ?  L'Europe  doit-­‐elle  se  faire  souffler  sous  le  nez  ses  champions  (  Arcelor  )  et  dire  toujours  non  à  de  belles  idées  (  Fusion  à  3  dans  l'aluminium  )  ?  

Les   analystes   stratégiques   Thierry   de   Montbrial   et   François   Heisbourg   ont   répété   à  plusieurs  reprises  que  l'Europe  était  plus  forte  lorsqu'elle  avait  un  ennemi  à  ses  portes.  Quand   le  Pacte  de  Varsovie   était   vivace,  Bruxelles   voulait   unir   des  hommes  pour   leur  sécurité  physique  et  leur  bien-­‐être.  

De   nos   jours,   la   complexité   étouffe   l'idée   de   départ,   les   textes   sont   finalement   des  corsets  qui  équivalent  à  des  barillets  visant  le  pied  de  l'industrie  européenne.  L'Oréal,  Suez,  Danone  ?    On  frissonne.  

Laissons   une   conclusion   provisoire   à   un   homme   que   les   sciences   économiques   ne  passionnaient  guère  :  Paul  Valéry.  "  L'Europe  n'aura  pas  eu  la  politique  de  sa  pensée  "  (  in  Regards  sur  le  monde  actuel  ).  

                             

       

 

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-­‐  XXII  -­‐  

La  crise  et  ses  itérations  contradictoires  :    un  vrai  danger  ?      

Le   Président   du   Cercle   des   Economistes,   le   respecté   Professeur   Jean-­‐Hervé   Lorenzi,   a  posté   sur   son   blog   de   l'automne   2011   (   Jolpress.com   )   le   titre   suivant   :   "   La   crise  financière  est  un  symptôme  et  non  une  cause  de  la  crise  économique  ".  

Près  de  six  mois  après,  où  en  sommes-­‐nous  ?    D'où  vient  le  danger  ?    

Un  semestre  après  la  production  de  cet  écrit,  le  Professeur  LORENZI  ne  craint  pas  d'être  démenti.   Lorsqu'il   avait   affirmé   qu'il   convenait   "   de   gérer   sans   drame   excessif,   pour  plusieurs   années,   une   croissance   faible   et   la   nécessité   de   remettre  de   l'ordre  dans   les  finances  publiques  ".  Tout  est  dit  :  la  notion  sociétale  de  drame  excessif,  la  croissance  atone  et  la  rigueur  dans  les   finances   de   la   sphère   publique   finement   pratiquée,   in   concreto,   par   un   certain  Professeur  nommé  Raymond  Barre.  Reprenons   tout  d'abord   ces   trois   éléments.   La  notion  de  drame  excessif   est   lourde  de  sens  et  ne  place  pas  le  débat  au  seul  niveau  des  lecteurs  du  bouillant  Stéphane  HESSEL  et   de   sa   cohorte   d'indignés.   Comme   l'a   souvent   écrit   et   démontré   Raymond   Aron,  l'histoire   peut   porter   révoltes   et   violences   sociales   relevant   d'un   certain   absolu.   C'est  bien  Raymond  Aron  qui  avait  dit  du  Président  Giscard  d'Estaing  :  "  cet  homme  ne  veut  pas  voir  que  l'Histoire  s'écrit  en  lettres  rouges,  avec  parfois  le  sang  des  peuples  ".  

Comme  le  Président  Lorenzi,  il  nous  faut  espérer  que  le  drame  sera  évité  mais  l'austérité  a   un   coût   social   croissant   que   l'on   peut   même   voir   comme   exponentiel.   La   crise   du  logement   notamment   symbolisé   par   ces   travailleurs   pauvres   qui   dorment   dans   leur  voiture  et  bien  d'autres  exemples  ne  saurait  inciter  à  l'optimisme.  Le   corps   social   parviendra-­‐t-­‐il   à   tenir   les   longs   mois   de   ce   que   certains   banquiers  appellent  un  peu  rapidement  la  "  purge  "  ?  

Depuis  les  travaux  de  Mancur  Olson,  (  Logique  de  l'action  collective  ),  il  est  établi  que  les  organisations   poursuivent   parfois   leurs   propres   intérêts   au   détriment   de   celui  initialement  affiché  pour  leurs  mandants.  Comment  les  forces  sociales  olsoniennes  vont-­‐elles  réagir  dans  la  durée  ?  

Pourront-­‐elles   tenir   la   triple   itération   :   contraction   du   pouvoir   d'achat   par   reprise   de  foyers  inflationnistes,  poursuite  de  la  rationalisation  des  effectifs  (  émondage  ),  choc  des  hausses  inévitables  des  prélèvements  fiscaux  et  sociaux.  

Enough  is  enough...  pensent  des  millions  de  travailleurs  sur  notre  Continent.  

Parallèlement  aux  risques  de  grand  dérapage  social,  il  y  a  le  niveau  hélas  bien  faible  de  la  croissance   en   zone   €uro.   D'aucuns   avaient   espéré   que   les   nouvelles   technologies,  l'économie  verte,  etc  seraient  de  puissants  relais  de  croissance.  Là  encore,   la  prudence  est  de  mise  et  les  conjoncturistes  de  peu  d'allant.  

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La  croissance  –  dans  une  bonne  vieille  approche  keynésienne  –  suppose  une  demande  anticipée   et   solvable.   Pour   l'heure,   la   situation  demeure   incertaine  mais  nous   voulons  croire  –  tel  un  axiome  –  à  la  pertinence  de  la  loi  de  Say  :  "  l'offre  crée  sa  propre  demande  ".  Du  micro-­‐ondes  inconnu  à  grande  échelle  il  y  a  vingt  ans  en  passant  par  les  tablettes  ou  autres  objets  numériques,  force  est  de  constater  que  l'innovation  trouve  sa  validation  chez  les  consommateurs.  Autrement  dit,  le  caractère  atone  de  la  croissance  nous  semble  renvoyer  à  la  pertinence  des  produits  fabriqués  et  mis  "  en  rayon  "  devant  les  citoyens.  

Dernier  point  du  trio  de  notions  à  observer  :  la  rigueur  dans  les  finances  publiques.  Tout   d'abord,   nous   sommes   dans   un   véritable   étonnement   !   Nul   n'évoque   jamais   la  célèbre  loi  de  Wagner  qu'il  convient  donc  de  rappeler  avec  précision.    Adolph  Wagner  a  ainsi  écrit   :   "  plus   la  société  se  civilise,  plus   l'Etat  est  dispendieux  ".     (  Fondements  de  l'économie  politique,  1872  ).  

C'est   l'évidence   dans   les   grandes   démocraties   occidentales   et   les   efforts   louables   de  Madame   la  Ministre   Valérie   Pécresse   se   heurtent   donc   à   un   trend   historique.   C'est   là  qu'il   faut   tenter   de   parler   de   rupture   et   de   la   construire   à   partir   d'un   pacte   social   à  redéfinir  et  dont  le  sentiment  d'égalité  devant  l'effort  serait  la  clef  de  voûte.  Le  Président  de  la  République  de  notre  pays  issu  du  suffrage  du  Dimanche  6  Mai  2012  aura   cette   tâche   complexe   à   réaliser.   La   démocratie   parlementaire   –   celle   où   les   élus  disent   vite   oui   aux   demandes   du   corps   social   –   sera   confrontée   à   un   défi   :   elle   doit  impérativement   survivre   (   comme   aurait   dit  Winston   Churchill   )   mais   profondément  évoluer.  Rationaliser   l'action  publique  suppose   le  "   juste   investissement  "   (   le  niveau  adéquat  )  pour  reprendre  un  terme  du  méthodique  Président  Jean-­‐Paul  Bailly  (  alors  responsable  de  la  RATP  ).  Nous  –  à  nos  rôles  et  places  dans  la  société  française  –  avons  tous  des  exemples  où  les  deniers  publics  ont  été  déversés  davantage  qu'attribués  avec  parcimonie.  Notre  Nation  est   parvenue   à   saturation   et   risque   de   sombrer   dans   un   schéma   à   l'italienne   où  l'économie  souterraine  fait  florès.  

A   nos   brillants   sujets   de   Bercy   de   faire   preuve   d'imagination   :   où   sont   les   Maurice  Pérouse  et  Lauré  à  l'heure  où  l'on  ne  sait  critiquer  que  Maurice  Lévy,  créateur  de  valeur  par  labeur  et  talents.  

Dans   son   texte,   le   Président   Lorenzi   évoque   le   transfert   d'activités   vers   les   pays  émergents.  Ses  propos  sont  bien  entendu  appropriés.  

Toutefois,  si  la  migration  des  facteurs  de  production  –  essentiellement  du  capital  (  voir  investissements  de  CARREFOUR  en  Chine,  etc  )  –  a  permis   le  développement  des  pays  émergents,   il   est   vrai   qu'elle   nous   a   quasiment   cantonné   à   un   rôle   de   consommateur  plutôt  que  de  producteur.    Un  certain  Anton  Brender  l'a  dit  et  étayé  des  pertinences  sur  la  finance.    Un  certain  Philippe  Seguin,  mémorable  contradicteur  d'un  Président  dans  un  débat  en  Sorbonne,  l'avait  prédit.  

Pour   notre   part,   nous   pensons   que   cette   migration   aurait   été   moins   pénible   si   notre  appareil   productif   avait   prêté   davantage   d'attention   à   la   qualité   finale   et   au   facteur  résiduel  cher  à  Edmond  Malinvaud.  Par  itérations  successives  (  pas  de  facilités  de  crédit  d'où  peu  d'investissements,    faible  pouvoir  d'achat  d'où  demande  moins  soutenue  qu'auparavant  et  taux  d'épargne  record,  etc  )  la  crise  économique  est  encore  devant  nous.    Elle  nous  tient  par  nos  contradictions  

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et   ne   nous   laissera   pas   en   paix   sans   de   profondes   transformations   sociétales   qu'un  talent  comme  Cornélius  Castoriadis  a  tenté  d'établir  sa  vie  durant.  

Les   réflexions  du   reconnu  Président  du  Cercle  des  Economistes  ont  été  publiées   le  19  Octobre   2011   :   soit   27   ans   après   l'assassinat   du   prêtre   polonais   Jerzy   Popielusko   et  trente  ans  après  le  coup  d'Etat  en  Pologne  du  13  Décembre  1981.  

Le   combat   clandestin   fut   rude  mais   vint   Novembre   1989   et   la   liberté   pour   nos   amis  bloqués  par  le  "  rideau  de  fer  "  (  W.  Churchill  ).  

Raymond   Aron   a   tellement   raison   d'écrire   que   l'histoire   est   tragique   mais   ce   détour  polonais  proposé  au   lecteur  montre  qu'en  moins  de  dix  ans  (  de  1981  à  1989  )   la   face  des  choses  a  changé.  

Autrement  dit  ?  Les  itérations  qui  conduisent  à  la  situation  de  crise  sont  un  fait.  

Tout  comme   l'exactitude  pour   tous  nos  grands  décideurs  publics  de   l'analyse  de  Louis  de  Bonald   :     "  Dans   les  crises  politiques,   le  plus  difficile  pour  un  honnête  homme  n'est  pas  de  faire  son  devoir,  mais  de  le  connaître  ".  

   

 

   

   

 

   

   

 

   

 

   

   

 

 

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-­‐  XXIV  -­‐    

De  l'usage  risqué  des  métaphores  en  Economie  :      

La  crise  économique  est  une  souffrance  pour  des  millions  de  gens  par-­‐delà  les  pays  et  les  continents.  Elle  suscite  de  nombreuses  interrogations  et  de  vifs  débats  économiques  où  des  métaphores  viennent  de  plus  en  plus  souvent  émailler  les  propos.    Est-­‐ce  pédagogique  et  positif  ou  réducteur  et  périlleux  ?      Dans   une   publication   de   l'IFRI   (   Institut   Français   des   Relations   Internationales   )  remontant   à   déjà   plus   d'une   décennie,   Thierry   de   MONTBRIAL   avait   opportunément  rappelé   cette   citation   d'Antonio   GRAMSCI   :   "   Avoir   le   pessimisme   de   l'intelligence   et  l'optimisme  de  la  volonté  ".    Une   vraie   maxime   pour   les   travaux   de   recherches   économiques   ou   le   management  opérationnel  de  la  crise.    En   parcourant   diverses   initiatives   publiques   récentes   et   notamment   tel   ou   tel  communiqué  des  principaux  Chefs  d'Etat  de  la  planète  (  G  20  du  2  Avril  2009  )  à  valeur  d'injonction  voire  d'ultimatum,  l'intelligence  trouve  assurément  son  pessimisme  à  l'aune  de  la  vigueur  de  la  récession  qui  traverse  depuis  2008  tant  d'existences  et  modifie  tant  de  desseins  voire  de  destins.    L'intelligence  -­‐  ou  ce  qui  lui  ressemble  -­‐  demeure  même  un  peu  interdite  face  à  une  crise  digne  du  théâtre  antique  :  unité  de  temps  et  de  lieu  sont  en  effet  des  éléments  nouveaux  qui  aggravent  la  lourdeur  du  processus  récessif.      Jamais   les  cinq  blocs  continentaux  n'avaient  traversé  à   l'unisson  le  choc  de  la  chute  de  croissance.    Ce  fait  sans  précédent  est-­‐il  un  marqueur  de  la  mondialisation  à  valeur  irréversible  ?  Ou  plus  simplement  un  accident  historique  sans  risque  de  réapparition  forcée  ?  Nul  ne  dispose  du  recul  pour  trancher.    A   cette   primo-­‐simultanéité   universelle   doit   s'adjoindre   un   premier   constat   plus  qualitatif   et   fondamental   :   tous   les   opérateurs   et   les   analystes   convergent   en   effet   de  manière  nette  et  irrévocable  pour  énoncer  qu'il  s'est  passé  quelque  chose  d'impensable.    La  crise  actuelle  a  démontré,  grandeur  nature  et  temps  réel  à  l'appui,  que  l'  impensable  est  possible  comme  l'affirment  Matthieu  PIGASSE  et  Gilles  FINCHELSTEIN  dès  le  début  de  leur  récent  ouvrage.    (  in  "  Le  monde  d'après,  une  crise  sans  précédent  "  ).    Dès  lors,  même  le  moins  outillé  des  observateurs  a  ressenti  puis  compris  que  le  monde  économique   et   financier   "  dansait   sur   un   volcan   "   (   ibid.,   page   78   )   fidèle   en   cela   aux  passions  de  Terpsichore,  la  muse  de  la  danse.    

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Le  mimétisme  de  certains  acteurs  économiques,   l'idée  de  gagner  encore  sur  un  ultime  coup  ont  été  décrits  et  désormais  décriés.    Une  sorte  d'adage  découle  même  de  certains  discours  publics  à  valeur  emblématique  :  "  tant  qu'il  y  avait  de  la  musique,  on  a  dansé  "  (  CITIGROUP  ).    Face   à   un   tel   choc   frontal   et   effectivement   sans   précédent,   pourquoi   finalement  s'interdire  de  songer  à  invoquer  les  Muses  ?          Pourquoi  ne  pas  tenter  de  pallier   le  risque  de  manque  de  créativité  en  retournant  voir  les  Muses   ?   Précisément   celles   qui   ornent   le   toujours   grandiose   tableau   de   PUVIS  DE  CHAVANNES   qui   contribue   à   animer   le   grand   amphithéâtre   de   la   Sorbonne,   celui-­‐là  même  où  résonnèrent  les  voix  de  ceux  qui  eurent  la  tâche  de  nous  former.    Par-­‐delà  les  coups  du  sort  que  toute  existence  comporte  et  subi,  je  peux  attester  ici  que  les   Professeurs   Raymond   Barre,   Strauss-­‐Kahn   et   Henri   Bartoli   m'ont   vigoureusement  enseigné  d'être  vigilant  en  matière  de  recherches  économiques  :   ils  ne  goûtaient  guère  les   métaphores   filées   habilement   pour   mieux   emporter   l'adhésion.   Cette   tendance  néfaste  de  certains  qui  se  cachent  derrière  une  image,  une  illustration  de  bon  aloi,  pour  acquérir  votre  conviction.    Alors   qu'il   était   Président   de   la   Commission   des   Lois,   Pascal   Clément   et   le   présent  rédacteur  ont  eu  l'occasion  de  sourire  quant  à  ce  travers  que  la  crise  de  2008  a  revigoré  au  point  d'être  –  selon  notre  approche  –  globalement  négatif.    Un   ancien   Président   de   la   République   a   dit   un   jour   :   "   Notre   maison   brûle   et   nous  regardons  ailleurs  ".    Face  aux  traitements  discursifs  de  la  crise  bancaire,  on  peut  énoncer  sans  risque  d'être  démenti  sur  le  fond  :  notre  intelligence  se  brûle  et  nous  pensons  ailleurs…    La   crise   est   une   réalité   historique   en   mouvement   qui   échaude   tant   de   certitudes   et  conduit  à  tant  échafauder  qu'il  faut  assurément  se  concentrer  et  faire  preuve  de  talents  conjugués.    Telle  est  notre  conviction  et  le  sens  de  nos  contributions.    Au  plan  international,  il  y  a  un  défi  de  gouvernance  qui  s'entrechoque  avec  les  légitimes  questions  de  souveraineté  nationale.      Défi  accru  par  la  dictature  de  l'évènementiel  qui  fait  que  notre  monde  moderne  veuille  des   réponses   de   plus   en   plus   rapides,   des   flux   tendus   de   décisions   publiques   prises  comme  en  rafales.    "   La   gestion   des   affaires   publiques,   elle,   ne   souffre   point   d'interrègne.   Et   c'est   pourquoi  dans   la   vie  des  nations  alternent   la  grandeur  et   la  médiocrité.  Dans   ce  dernier   cas,   il   ne  leur  reste  qu'à  se  consoler  en  se  rappelant  que  les  peuples  heureux  n'ont  pas  d'histoire.  Du  moins,  c'est  ce  qu'on  dit  ".      

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 (  Texte  de  Georges  Pompidou  sur   "  Poésie  et  politique   ",   lu   le   lundi  28  avril  1969  par  Jacques  Toja,  lors  d'une  soirée  poétique  de  la  Comédie-­‐Française  ).      Sans  chercher  à  déconcentrer  le  lecteur  d'un  propos  à  dominante  économique,  l'ampleur  de  la  crise  et  la  profondeur  des  blessures  sociales  qu'elle  charrie  tel  un  torrent  de  boue  est  un  fait  qui  appartient  –  répétons-­‐le  -­‐  à  l'Histoire.        Certaines  affiches  joyeusement  placardées  pendant  Mai  68  disaient  :  "  Arrêtez  la  terre,  je  veux  descendre  ".    Convenons  que  ceci  est  de  l'ordre  du  néant  et  de  l'impossible,  alors  travaillons  pour  que  des  esquisses  de  solutions  puissent  articuler  un  chemin  de  sortie  de  crise,  un  corridor  comme  aurait  dit  un  célèbre  économiste.  (  Leijonhufvud  ).    Là  où  certaines  réflexions  ont  pour  postulat   l'éternelle  quête  du  bouc  émissaire  cher  à  René  Girard  (  "  C'est  la  faute  à  X  ou  Y  "  ),  on  doit  loyalement  enregistrer  qu'elles  ont  pour  trame  plus   ou  moins   visible   l'esprit   d'une   phrase   de  Victor  Hugo   :   "  L'Histoire   a   pour  égout  des  temps  comme  les  nôtres  ".  (  in  Les  Châtiments  ).    Les  anathèmes  à  l'égard  d'une  profession  (  les  traders  )  ou  d'un  secteur  (  la  banque  )  ou  d'une  profession  (  les  normalisateurs  comptables  et  leurs  satellites  )  ne  sont-­‐ils  pas  un  moyen  peu   ruineux  pour   se  dispenser  d'un   regard   sur   le   statut   de   l'argent   ?     Pour   se  distraire  d'un  fait  qui  contrarie  la  société  matérialiste  ?    Pour   notre   part,   nous   préférons   à   ce   point   du   débat   une   position   apparentée   à   celle  qu'Albert  Camus  avait  eu  la  lucidité  d'écrire  :  "  L'Histoire  n'est  que  l'effort  désespéré  des  hommes  pour  donner  corps  aux  plus  clairvoyants  de  leurs  rêves  ".  (  in  Actuelles  ).      En  effet,  l'Histoire  économique  que  l'on  m'a  enseignée  conclut  que  la  crise  peut  se  résoudre  par  l'innovation  féconde  des  dirigeants  ou,  à  défaut  et  immenses  regrets,  par  la  résurgence  de  très  mauvaises  idées  dans  trop  de  beaux  esprits.    Sur  ce  sujet,  la  réflexion  peut  être  vaste  et  j'y  suis  prêt.    Dans  le  format  présent,  laissons  la  conclusion  de  cette  introduction  à  l'élégante  helléniste  Madame  Jacqueline  de  Romilly.    "   J'ai   écrit   ce   livre   (   Le   sourire   innombrable   )   parce   que   je   suis   lasse   du   pessimisme  vraiment  sinistre  de  trop  d'ouvrages  qui  se  publient  actuellement  et  de  trop  de  propos  qui  s'échangent  de  façon  quotidienne.  Le  monde  ne  va  pas  bien,  c'est  vrai  ;  les  misères  se  révèlent   chaque   jour   plus   nombreuses   dans   bien   des   pays   ;   la   situation   même   de   la  France   n'est   pas   à   tous   égards   excellente.   Mais   devons-­‐nous   nous   laisser   aller   à   ces  perpétuelles  descriptions  de   l'horreur  et,  qui  plus  est,  à  un  découragement   inutile   ?   Je  reçois  et  je  me  fais  lire  trop  de  livres  consternants  pour  ne  pas  avoir  désiré,  moi  la  vieille  dame,  inviter  le  lecteur  pour  une  fois  à  un  moment  de  détente,  si  futiles  qu'en  soient  les  causes.  "    

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Prenons  le  risque  d'être  taxé  de  futile  pour  avancer  notre  idée-­‐clef  :  si  la  rémanence  de  la  crise  est  de  bonne  facture  dans  nos  esprits  respectifs  et  multiples,  nous  aurons  les  moyens  de  prévenir  le  risque  de  récidive  par  un  travail  collectif  appuyé  qui  visera  la  machinerie  (  les  complexes  rouages  comptables  et  techniques  notamment  )  pour  préserver  l'essentiel.    Notre  siècle,  vingt  et  unième  du  nom,  a  décidé  de  nous  suivre  dans  notre  goût  immodéré  pour  la  vitesse.    Désormais,  il  faut  tout  faire  vite.  Il  nous  répond  :  chiche  !    Alors  en  moins  de  douze  ans,  ce  nouveau  siècle  nous  propose  –  comme  à  des  serfs  éblouis  –  un  choc  des  civilisations  (  11  Septembre  2001  et  ses  corrélations  ),  un  défi  démographique  sans  précédent,  des  déséquilibres  écologiques  de  plus  en  plus  insistants  mais  prégnants  et  une  crise  économique  que  l'on  peut  considérer  comme  plus  profonde  que  la  crise  de  1929.    1929  et  juste  après,  ce  n'est  pas  autre  chose  qu'une  crise  d'un  stade  du  développement  économique  analysé  par  Rostow  ou  Galbraith.    2008  et  maintenant,  c'est  une  mue  :  on  passe  d'un  état  à  un  autre  marqué  par  une  tangible  et  irréversible  mobilité  des  facteurs  de  production.    Le  monde  a  changé  de  centre  de  gravité  selon  les  leçons  enseignées  par  I.  Wallerstein  et  nous  persistons  à  penser  comme  avant.  De  nos  jours,  les  foyers  de  décision  ont  une  capacité  de  migration  que  l'humanité  n'a  jamais  connu  au  plan  territorial  et  ceci  bouleverse  l'analyse  des  avantages  comparatifs  de  Ricardo.    Chez  Siemens,  on  va  assembler  cette  année  davantage  de  matériels  d'imagerie  médicale  en  Chine  que  dans  le  reste  du  monde  :  on  ne  parle  donc  pas  ici  de  faire  quelques  milliers  de  paires  de  chaussettes  mal  finies  telles  que  celles  décrites  par  un  actionnaire  (  lambda  et  très  déçu  )  en  Assemblée  Générale  de  Carrefour  (  devant  l'air  interdit  d'Amaury  de  Sèze  )  il  y  a  deux  ans.    Et  pourtant  nous  parvenons  à  construire  des  outils  communs  à  vocation  universelle  :    les  normes  comptables,  par  exemple  non  fortuit…    Alors,  traitons  des  métaphores  que  la  crise  a  inspirées.    Après  quelques  lectures  attentives,  il  appert  que  la  métaphore  la  plus  répandue  semble  être  celle  du  naufrage  du  Titanic.    Pour  ne  retenir  qu'un  exemple,  citons  opportunément  l'article  de  M.  Martin  Wolf  (  journal  Le  Monde  du  1er  Septembre  2009  )  intitulé  "  Contre  la  récidive  bancaire  "  :  "  Que  faut-­‐il  faire  ?  La  réponse  la  plus  courante  recommande  de  bricoler  quelques  gardes-­‐fous  règlementaires.  Autant  se  préoccuper  d'aligner  les  transats  :  parfaitement  futile  ".    

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Sur  le  fond,  nous  sommes  réservés  par  cette  assertion  car  la  redéfinition  de  la  régulation  du  secteur  bancaire  nous  semble  un  pré-­‐requis  en  amont  de  la  reconformation  des  normes  comptables.    Sur  la  forme,  nous  rapportons  ici  cette  métaphore  fétiche  qu'est  devenue  le  Titanic.    Cet  événement  étant  connu,  nous  ne  revenons  pas  sur  les  faits  sauf  pour  avoir,  hic  et  nunc,  une  pensée  pour  ceux  qui  étaient  à  bord  (  toutes  classes  confondues…)  ou  qui  formaient  le  cortège  des  proches  des  victimes.    En  revanche,  ce  qui  va  être  instructif  –  dans  les  paragraphes  qui  suivent  –  c'est  de  parler  de  construction  maritime  et  de  se  souvenir  à  bon  escient  de  l'épaisseur  de  la  réalité  d'alors.    Le  Titanic  a  sombré,  seul,  dans  une  nuit.    Mais  il  ne  fût  pas  seul  de  son  "  espèce  "  à  être  construit.    En  effet,  il  a  appartenu  à  une  famille  de  vaisseaux  de  la  White  Star  Line  composée  de  trois  membres  :  le  Titanic,  le  Gigantic  et  l'Olympic.    Nul  besoin  voyeur  de  développer  le  destin  du  Titanic.    Plus  colorée  est  l'existence  du  Gigantic.    D'abord,  elle  commence  par  la  violation  du  principe  selon  lequel  il  n'est  jamais  heureux  de  changer  le  nom  d'un  navire  (  n'en  déplaise  à  notre  Richelieu  devenu  Le  Charles  de  Gaulle  ).    Le  Gigantic  fût  appelé,  après  le  naufrage  du  Titanic  :  RMS  Britannic.  Puis,  déclaration  de  guerre  mondiale  oblige,  il  fût  navire-­‐hôpital  et  nommé  :  HMHS  Britannic  (  Her  Majesty  Hospital  Ship  ).  En  novembre  1916,  il  coula  en  moins  d'une  heure  après  avoir  heurté  une  mine.    L'intéressant  ici,  c'est  qu'il  avait  été  doté  par  l'homme  en  sa  prudence  d'une  double  coque  suite  à  la  catastrophe  du  Titanic.    Pour  filer  la  métaphore,  comme  d'aucuns  à  longueur  de  colonnes,  devons-­‐nous  en  conclure  que  lorsqu'on  change  les  étiquettes  de  la  régulation  bancaire  (  son  appellation  )  et  décide  de  les  renforcer  (  double  coque  ),  rien  ne  change  vraiment  ?    Devons-­‐nous  prendre  un  indicateur  (  la  célérité  du  naufrage  )  et  nous  extasier  quant  à  la  fragilité  persistante  de  l'ensemble  ?    Pouvons-­‐nous  posément  rallier  le  simple  adage  mécanique  selon  lequel  "  les  mêmes  causes  produisent  toujours  les  mêmes  effets  "  et  craindre  la  récidive  en  matière  de  crise  bancaire  ?    

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Pour  notre  part  –  poursuivant  décidément  cette  satanée  métaphore  de  navires  –  nous  formons  le  vœu  qu'une  reconformation  des  référentiels  comptables  obligatoirement  combinée  à  l'action  vigoureuse  des  régulateurs  permettent  au  "  bateau-­‐bancaire  "  d'aller  de  port  en  port  par-­‐delà  les  houles  et  les  marées.    Historiquement,  il  en  fût  ainsi  de  l'Olympic  "  sistership  "  du  Titanic  et  du  Gigantic.    Mis  en  service  avant  le  navire  de  la  tragédie,  il  termina  sa  carrière  (  en  1935…)  après  les  avatars  usuels  de  la  vie.  Sans  baraterie  ni  mutinerie.    Ce  qui  est  croustillant  pour  l'analyste  et  représente  un  clin  d'œil  dévoué  au  lecteur  patient,  c'est  qu'il  reçut  le  surnom  de  "  Old  Reliable  "  tant  sa  fiabilité  fût  avéré  !    Si  seulement  le  secteur  bancaire  qui  a  évité  le  risque  systémique  (  Titanic  )  pouvait  éviter  le  corset  d'utilité  incertaine  (  la  double  coque  du  Gigantic  )  et  recevoir  un  jour  d'une  étude  du  FMI  un  satisfecit  reposant  sur  le  terme  de  fiabilité  (  Olympic  ).    Ce  détour  maritime  a  été  fécond  et  nous  pouvons  livrer  en  quelques  lignes  notre  approche  :  les  analogies  et  autres  métaphores  sont  confortables  mais  compressent  et  prédéterminent  trop  souvent  la  pensée  de  gens  par  ailleurs  compétents.    "  La  reconstruction  de  l'enthymème  ne  force  pas  seulement  le  discours  à  se  couler  dans  un  moule  préfabriqué  qui  exige  souvent  des  transformations  non  négligeables,  dont  une  réorganisation  des  énoncés  et  l'addition  de  propos  implicites  ".  (  L'argumentation  dans  le  discours,  Ruth  Amossy  –  page  132  ).    La  crise  bancaire  est  affaire  sérieuse  et  force  le  raisonnement  à  une  trame  serrée,  à  un  treillage  qui  suppose  un  usage  retenu  des  métaphores.    Oui,  les  enjeux  économiques  et  sociaux  nous  privent  de  l'usage  "  facile  "  des  métaphores  pour  répondre  avec  netteté  à  la  question  de  ce  document.    Pour  ma  part,  je  préfère  la  compagnie  d'un  livre  clair  (  "  Souvenirs  d'une  longue  carrière  ",  Jacques  Georges-­‐Picot  /  Comité  pour  l'histoire  économique  et  financière  de  la  France  )  et  les  déjà  anciennes  injonctions  de  mes  anciens  Professeurs  de  la  Sorbonne,  de  la  rue  Saint-­‐Guillaume  et  de  la  rue  de  l'Université  à  des  illustrations  maritimes  historiques  plus  ou  moins  bien  inspirées.    Cela  dit,  s'il  faut  en  conclusion  ultime  parler  d'un  bateau,  vite  pensons  à  l'Hermione  de  LA  FAYETTE  qui  voguait  vers  le  nouveau  monde  comme  nous  allons  tous  vers  la  suite  de  ce  XXIème  siècle  palpitant  !    La  crise  –  source  de  tant  de  maux  -­‐  réside  en  nos  mots  et  en  nos  chiffres  :  let's  get  back  to  work…        

 

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 En  guise  de  conclusion  :    

Quels  souvenirs  de  crise  ?  Quelle  rémanence  ?  

 Tout  d'abord,  nous  avons  tous  –  en  nos  lieux  et  vies  respectifs  –  été  marqués  par  la  crise  de  2008  :  à  la  fois  par  son  ampleur,  sa  vigueur  et  sa  durée.    Quels  sont  finalement  nos  souvenirs  ?    Quelles  pistes  de  travail  emprunter  pour  épauler  la  résilience  économique  encore  fragile  qui  viendra  après  la  récession  ?      L'Union   européenne   est   constituée   par   une   collectivité   d'êtres   qui   sont   –   depuis   déjà  cinq   ans   -­‐   largement   et   durablement   soumis   aux   pressions   de   la   quasi-­‐récession   en  poursuite  de  déploiement.  Et  2013  ne  s’annonce  que  sous  de  mauvais  auspices.    Fatalement  et  mécaniquement,  ce  qu'il  est  convenu  d'appeler  la  crise  de  2008  est  donc  directement   venue   accroître   le   poids   des   fatigues   sociétales   et   modifier   nombre   de  projets,  qu'ils  fussent  portés  par  des  personnes  physiques  ou  par  des  institutions.    L'époque  présente  démontre  en  effet  déjà  avec  certitude,  à  tout  observateur  attentif  et  patient,  la  pertinence  de  certains  écrits  déjà  anciens  de  Michel  FOUCAULT  :  "Désormais,    les    identités    ne    se    définissent    plus    par    des    positions  mais    par    des    trajectoires  ."      La   crise   actuelle   est   d'abord   et   sera,   a  minima   pour   la   décennie   à   venir,   inflexion   de  trajectoires  humaines.      Inflexion  de  niveau  de  vie  pour  ceux  qui  souffrent.    Inflexion  de  conditions  d'exercice  professionnel  pour  ceux  qui  ont  la  charge  de  décisions  opérationnelles  significatives,  à  commencer  par  les  dirigeants  bancaires.    Inflexion  du  corpus  cognitif  pour  les  économistes  qui  ne  goûtent  guère  cette  crise  et  se  font  ici  ou  là  vilipendés  comme  des  apprentis  de  cuisine.    Trop  de  sel,  trop  de  poivre…..  que  faire  ?        Voir,   à   ce   propos,   l'article   pénétrant   de   Frédéric   Lemaître   dans   Le   Monde   du   5  Septembre  2009  relatif  au  savoir  et  au  statut  des  économistes.    Quant  aux  professionnels  du  chiffre,  on  leur  tire  les  oreilles  à   longueur  de  colonnes  ou  de  colloques  sous  prétexte  que  "  leurs  "  normes  expliqueraient  une  large  part  de  la  crise.    Nul  ne  songe  ici  à  nier  que  les  normes  IFRS  et  la  "  fair  value  "  ont  conduit  à  accentuer  la  spirale  de  dépréciations  des  actifs  par  un  mécanisme  digne  de  poupées  gigognes.    

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Symétriquement,   en   bonne   approche   étiologique,   qui   pourrait   nier   que   la   crise   est  d'abord   venue   de   pratiques   professionnelles   bancaires   et   financières   (   sub-­‐primes,  traders,  etc  )  AVANT  que  de  se  trouver  très  accentuée  par  l'application  mécanique  (  et  légale  –  nous  répétons  –  légale  )  des  normes  comptables  internationales.    A   l'heure   où   tant   de   débats   appellent   à   une   régulation  mondiale   sur   tel   ou   tel   thème  brûlant,   n'est-­‐il   pas   hallucinant   de   voir   des   commentateurs   vertement   critiquer   la  dimension  mondiale  des  normes  comptables  ?  Ce  qui  a  véritablement  été  un   travail  patient  et  complexe  est  bafoué  par  des  analystes  qui  devraient  souligner  le  gap  qualitatif  franchi  par  les  IFRS.    La  même   information   financière   de   Brest   à  Marseille,   de   Londres   à   Chicago   :   cela   ne  compte  pas  ?      L'universalité  comptable  en  économies  ouvertes  et  taux  de  change  flottants,  c'est  un  luxe  ou  une  nécessité  ?    Sur   ce   point,   il   peut   y   avoir   débat.   Nous   sommes   quelques   confrères   prêts   à   la  contradiction  car  confiants  du  sens  de  l'histoire…    Dans   une   première   partie   que   nous   affirmons   comme   indispensable,   il   sera   donc  examiné   la   question   des   "   souvenirs   "   de   la   crise,   la   question   relative   à   cet   ensemble  d'informations  gravées  dans  nos  mémoires  et  qui  va  avoir  son  rôle  dans  nos  décisions  de  demain.    Puis,  nous  essayerons  de  tracer  quelques  pistes  possibles  de  travail  avec  tous  les  risques  que  comporte  cet  exercice  -­‐  pourtant  indispensable  -­‐  à  qui  veut  apporter  sa  pierre  aux  travaux  à  venir.      1  )    SOUVENIRS  DE  LA  CRISE  :    1.1  )    Que  sont  les  souvenirs  et  que  retenir  sous  le  vocable  de  rémanence  ?    Selon  notre  définition  –  à  valeur  micro-­‐économique  –  les  souvenirs  sont  constitués  d'un  ensemble  non  maîtrisable  en  conscience  de  faits  et  chiffres  qui  sont  assez  puissants  dans  notre  mémoire  pour  inféoder  certaines  de  nos  actions,  pour  conditionner  –  à  raison  ou  hélas  à  tort  -­‐  notre  "  univers  des  possibles  "  pour  prendre  un  terme  de  programmation  linéaire.    La  rémanence  en  publicité  (  concept  des  adstocks  ),  c'est   le  souvenir  tenace  que   l'on  a  d'un  slogan  :  Eleska  c'est  exquis  ou  la  musique  des  films  promotionnels  pour  DIM.  Sans  même  parler  de  celle  des  spots  DARTY.    Plus   fondamentalement,   la   rémanence   se   définit   comme   "   le   phénomène   par   lequel   la  sensation   visuelle   subsiste   pendant   un   court   instant   après   la   disparition   de   l'excitation  objective  (  phénomène  qui  permet  l'existence  du  cinéma  )  "  (  in  le  Dictionnaire  culturel  en  langue  française  /  Le  Robert  ).    

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 1.2  )    Quelle  échelle  de  temps  ?    Pleurant  sa  fille,  Victor  Hugo  a  posé  avec  sobriété  :  "  Le  temps  passe,  le  souvenir  reste  ".    Que  seront  les  souvenirs  à  impact  opérationnel  de  tel  ou  tel  agent  économique  dans  six  semaines,  six  mois  ou  six  ans  ?      Que  retiendrons-­‐nous  dans  nos  carcasses  et  cervelles  de  cette  crise  de  2008  ?    Quel  tatouage  invisible  pour  quel  collier  sournois  à  l'action  de  demain  ?    Les   études   récentes   en   neuro-­‐sciences   (   qui   alimentent   désormais   un   courant   de  recherche   économique   conséquent   aux   Etats-­‐Unis   )   qui   nous   ont   été   communiquées  l'attestent  avec  une  sérieuse  vigueur  :  quand  la  rémanence  est  forte,  notre  intelligence  se  brûle   et   nous   pensons   ailleurs   pour   paraphraser   le   désormais   célèbre   "  notre  maison  brûle   et   nous   regardons   ailleurs   "   d'un   homme   à   qui   l'Histoire   de   France   avait   fait   un  présent  (  les  plus  de  80%  de  suffrages  obtenus  en  2002  )  qu'il  aura  dédaigné.      Quand  la  pensée  est  ailleurs  selon  notre  mot,  il  faut  comprendre  qu'elle  est  productrice  à  l'excès   de   biais   cognitifs   (   cf.   Daniel   Kahneman   )   ce   qui,   en  matière   de   crise   bancaire  n'est  pas  un  atout…  On  retrouve  en  boucle  de  rétro-­‐action  les  apports  considérables  de  Richard   Thaler   aux   questions   que   2008   nous   imposent   sans   ménagement   ni   round  d'observation.    La  question  de  l'échelle  de  temps  est  de  rang  1  :    à  partir  de  faits  bruts  comme  des  silex,  le   travail   du   sablier   qui   s'écoule   rend   ces   faits   presque   lisses   comme   des   galets.   En  gommant  les  aspérités,  nous  perdons  du  sens  et  nous  n'y  pouvons  rien  sauf  à  bâtir  des  opuscules  à  valeur  d'aide-­‐mémoire.    Comment  les  écrire  ?    Comment  les  enseigner  avec  rectitude,  devoir  et  passion  ?    Hors   aléa   de   santé   (   dégénérescence,   etc   ),   notre  mémoire   économique   est   donc   une  zone  de  diffusionnisme  où  un  stock  d'informations  malaxées   l'emporte  sur  nos   flux  de  pensée  à  prétention  rationnelle.      Ce   que   nous   nommons   ici   la   freinte   neuronale   (   hors   cause   médicale   )   explique   que  parfois  les  erreurs  économiques  se  répètent  grossièrement…    Et  pourtant   les  scientifiques  (  Phelps,  Nature  en  2001)  ont  mis  en  évidence  (  grâce  au  suivi  minutieux  du  clignement  attentionnel  )  l'abaissement  du  seuil  de  conscience  pour  des  mots  émotionnels.    Alors  la  crise  serait  aussi,  par-­‐delà  les  maux  sociaux  tristement  observables  (  pour  qui  a  de  la  compassion  pour  l'autre  ),  une  crise  de  répercussion  des  mots  forts  dans  nos  têtes  in  fine  plus  fragiles  que  rationnelles.    

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 1.3  )    Quel  mode  de  gestion  des  souvenirs  ?    Face   aux   flots   d'information   qui   nous   assaillent,   il   ne   faut   pas   toujours   cet   esprit   de  synthèse  dont  on  privilégie   l'enseignement  dans   les  grandes  écoles  mais  des  capacités  avérées  de  hiérarchisation.      Plus  précisément  d'ordonnancement.      La   fonction   ordonnancement   en   maintenance   industrielle   est   un   outil   performant   de  rigueur   intellectuelle     qui   peut   être   utilisé   pour   un   travail   de   sensibilisation   et   de  formation.    Pour  s'améliorer  en  "  gestion  adéquate  de  rémanence  économique  "  (  G.A.R.E  ).    1.4  )    Quels  contenus  en  temps  de  crise  ?    A   ce   stade,   nous   souhaitons   citer  pour  mémoire   (   c'est   le   cas  de  dire….)   un   article  du  journal  Le  Monde  dans  son  édition  des  6  et  7  Septembre  2009  sous  la  plume  de  Pierre-­‐Antoine  Delhommais  :    "  Reste  à  savoir  pour  quelles  raisons  la  catastrophe  totale  a  pu  être  évitée.  Difficile  à  dire  lorsqu'on  sait  que,  quatre-­‐vingts  ans  plus  tard,  les  économistes  ne  savent  toujours  pas  très  bien   comment   l'économie  mondiale   avait   basculé   ainsi   dans   le   vide.   Chacun   continue   de  proposer  ses  explications  selon  son  école  de  pensée,  ce  qui  a  fait  dire  à  Barry  Eichengreen  que   la  crise  de  1929  constitue  "   le   test  de  Rorschach  "  de   la  macroéconomie.   Il  n'y  a  pas  d'accord  sur  les  causes  de  la  Grande  Dépression,  mais  il  existe  un  consensus  sur  les  grandes  erreurs   de   politique   économique   qui   furent   commises   à   l'époque,   avec   pour   effet  d'aggraver  l'état  du  malade.  Et  qui  n'ont  pas  été  reproduites  en  2008  ".    Sur  le  fond,  tout  est  dit  en  8  petites  lignes.    Tentons   une   synthèse   en   deux   lignes   :     en   économie,   l'étiologie   est   foyer   de   division  alors  que  l'étude  d'impact  peut  aboutir  à  la  concorde  des  courants  de  pensée.    Factuellement,   la   dernière   phrase   de   la   citation   du   journaliste   passe   sous   silence  l'hérésie   de   la   décision   publique   qui   a   consisté   à   laisser   choir   la   banque   Lehman  Brothers   éventuellement   ainsi   punie   de   sa   vigueur   concurrentielle   vis   à   vis   d'un  concurrent  performant.    D'aucuns  disent  que  c'est  un  peu  l'Etat  fédéral  qui  a  demandé  le  soutien  des  banques  à  sa  vision  de  l'extension  du  nombre  des  foyers  propriétaires,  qui  a  poussé  à  bourrer  les  plans  et  programmes  immobiliers.    Nombreux  disent  que  l'Etat  a  stimulé  le  risque  systémique  avec  la  faillite  L.B  précitée.    Risque  systémique  sur  lequel  certains  tentent  de  réfléchir  depuis  plus  de  15  ans…    

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Citons  en  constructifs  apports  les  travaux  de  Michel  Aglietta  (  publiés  dès  Mai  1992  au  CEPII  :  "  Comportement  bancaire  et  risque  de  système  "  )  où  le  terme  idoine  est  utilisé  par  l'auteur  :  "  l'aveuglement  au  désastre  ".    1.5  )    Et  où  ranger  tous  ces  souvenirs  dans  notre  maison  ?    Nous  avons  tenté  –  en  vain  –  de  comprendre  des  présentations  scientifiques  relatives  à  la  géo-­‐localisation  de  nos  sources  de  mémoire.    Puisse  un  avenir  pas  trop  lointain  nous  venir  en  aide  !    Alors,  pour  l'instant,  il  reste  à  filer  à  l'anglaise  ou  à  filer  une  métaphore.    Donc,  voilà  en  guise  d'illustration  une  citation  de  C.  Bobin.      

Les  maisons  sont  comme  les  gens,  elles  ont  leur  âge,  

leurs  fatigues,  leurs  folies.  Ou  plutôt  non  :  ce  sont  les  gens  qui  sont  comme  des  maisons,  

avec  leur  cave,  leur  grenier,  leurs  murs  et,  parfois,  

de  si  claires  fenêtres  donnant  sur  de  si  beaux  jardins.  

 Christian  BOBIN    

 (  in  Isabelle  Bruges  ).  

   1.6  )  En  guise  de  conclusion  de  section  :    Ayant  eu  la  délicieuse  opportunité  de  converser  avec  feu  Marcel  JULLIAN  à  l'occasion  de  la  sortie  d'une  collection  de  poésie  subtilement  nommé  "  Vagabondages  "  il  y  a  plus  de  25  ans,    j'estime   fondé   de   rapporter   ici   une   phrase   extraite   d'un   de   ses   ouvrages     (   Délit   de  vagabondage  )  :      "  Les  souvenirs  sont  chiens  courants.  Ils  ont,  pour  rejoindre  la  mémoire  immédiate,  des  chemins  d'odorat  connus  d'eux  seuls  ".    Loin   des   neuro-­‐sciences,   la   patte   somptueuse   d'un   sincère   littéraire   nous   transporte  sans  nous  dévier  du  fond  du  sens.    Il   y   a   là   une   "   sorte   de   démonstration   cachée   sous   un   récit   fabuleux   enveloppant   la  compréhension   de   la   vérité   "   (   Bernard   Silvestre   :   définition   de   la   notion   médiévale  d'integumentum   issue   de   Cicéron   ).   Et   si   on   plongeait   cette   allégorie   médiévale   en  recherches  économiques  ?    

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 2  )    PISTES  POSSIBLES  DE  TRAVAIL  :      2.1    REMANENCE  ET  PROSPECTIVE  COMBINEES  :    2.1.1  L'historien  Guy  Pedroncini  –   spécialiste  de   la  question  des  mutineries  de  1917  –  avait   coutume  de   dire   (   et   de   démontrer   )   que   le   recul  méthodologique  nécessaire   se  mesure  en  années  lorsqu'il  s'agit  de  traiter  un  fait  majeur.    2.1.2  La  crise  de  2008  est  d'évidence  vieille  de  moins  de  cinq  ans  et   il   faudrait  être  un  jeune  chien  fou  pour  tenter  une  description  taxable  de  crédible.    Pourtant,   par   idiosyncrasie   désormais   figée   voire   ancrée,   nous   prenons   le   risque   de  parcourir  les  points  de  rémanence  de  la  crise  de  2008  en  y  ajoutant  un  travail  prospectif.    2.1.3  Selon  nos   travaux  en  constante  alimentation  (  car   la  matière  bouge  comme  de   la  gelée  de  coing  ),  la  situation  d'ensemble  peut  s'inscrire  dans  une  figure  à  six  pans.    Le  dernier   traitant  de   l'inconscient   collectif  majoritaire,  de   ce  qui  passe  par   la   tête  du  citoyen.    a  )  Les  banques  sont  un  secteur  à  part  et  leurs  "  wild  cats  "  ont  profondément  altéré  les  choses.  Il  faut  recapitaliser  mais  si  on  le  fait  sérieusement,  on  entame  la  rentabilité.  Le  régulateur  demandera  des  fonds  propres  et  les  actionnaires  des  dividendes.  Si   l'Etat   est   appelé   à   trancher   sous   une   forme   ou   sous   une   autre,   il   conviendra   de  remarquer  que  le  secteur  n'est  pas  nationalisé  et  que  régulation  ne  vaut  pas  immixtion  dans  la  libre  détermination  du  dividende.  (  Souveraineté  des  A.G  annuelles  ).    b  )      Si  hoquet  de  la  crise  il  devait  y  avoir  (  récidive  ),  la  sécurité  de  place  ne  consisterait  pas  à  se  caler  sur  les  arrangements  à  la  française  connus  par  exemple  dans  le  cas  de  la  banque  Pallas.   On   a   changé   d'échelle   et   pour   reprendre   l'opportune   formule   de   notre  camarade  Alain  Minc  (  page  32,  Dix  jours  qui  ébranleront  le  monde  )  "  les  problèmes  ne  sont  jamais  multiplicatifs  mais  exponentiels  ".    c   )    De   toutes   les   façons,   l'Etat   (   en   France   comme  en  Europe   )   est  marqué  par   le   fer  rouge   de   la   crise   et   lutte   en   lui-­‐même   presque   chaque   semaine   contre   l'effet  macédonien.    Pour   mémoire,   l'effet   macédonien   (   hérité   d'un   célèbre   sénatus-­‐consulte   sous  l'Empereur  Vespasien  )  est  le  "  phénomène  par  lequel  le  législateur  est  porté  à  restreindre  la   liberté   de   tous   quand   il   constate   que   quelques-­‐uns   ont   abusé   de   la   liberté   "   (   Doyen  Carbonnier  ).    La  régulation  sera  sectorielle  donc  non  discriminée  selon  les  Etablissements  ce  qui  pose  question  à  certains  décideurs  bancaires.    d   )     Les   travaux   de   clôture   comptable   2012   vont   être   un   exercice   délicat   où   les  commissaires  aux  comptes  seront  d'autant  plus  vigilants  que  l'impact  conjoncturel  sera  

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dans  les  "  book-­‐value  "  tandis  que  les  dirigeants  seront  (  en  PME,  en  industrie,  etc  )  très  attentifs  à  la  future  lecture  des  états  comptables  par  leurs  partenaires  bancaires.    L'addition   des   légitimes   rigueurs   professionnelles   aura   –   par   conséquence   non  préméditée   -­‐un   impact   sur   le   taux  de  défaillances  des   firmes  ou   sur   les   conditions  de  consolidation  des   secteurs  quand   les   fusions-­‐acquisitions  vont   reprendre  vraiment.  Ce  dont  nous  sommes  convaincus.    e  )  Sans  oublier  les  conflits  interprétatifs  entourant  l'application  des  normes  comptables  qui  ne  seront  pas  une  mince  affaire.    f  )  Dernier  point  :  le  ressenti  du  citoyen.    Parcourons-­‐le  à  travers  les  phrases  qui  courent  dans  le  pays  :    ◊    Ces  traders  plus  ou  moins  fous  gagnent  trop  d'argent.    ◊    Les  banques  ont  failli  tout  engloutir  et  en  plus  nous  faire  perdre  tout  notre  argent.    ◊    De  toutes  les  façons,  on  y  laisse  des  plumes  car  notre  épargne  a  fondu.    ◊     Demain,   il   faudra   payer   tout   çà   par   nos   impôts   pour   purger   le   paquet   de   dette  publique  que  la  crise  a  rajouté  à  l'addition  de  départ.      2.1.4    Dans  notre  esprit,  nous  insistons  sur  le  fait  que  l'opinion  croît  donc  in  fine  à  ce  que  nous   revendiquons  d'avoir  nommé,   face  à   la   crise  bancaire,   la   commission  du  délit  de  baraterie  qu'une  ancienne  rédaction  du  Code  de  commerce  visait  en  son  article  353.    (  Voir  Précis  de  droit  maritime  du  Doyen  Ripert  :  Dalloz,  1956.  Page  421  ).    Il  n'est  jamais  loisible  d'être  aussi  vilipendé  plus  ou  moins  ouvertement  par  l'homme  (  ou  la  femme  )  de  la  rue.    2.1.5  Le  secteur  bancaire  n'a  pas  fini  de  payer  cette  crise  de  confiance.  Par  exemple,  les  épargnants   s'en   remettent   à   plusieurs   Etablissements   et   le   taux   des   clients   mono-­‐bancarisés   mériterait   d'être   finement   suivi,   autrement   que   par   des   réunions   de  convenance.    2.1.6  Ce  divorce  peut  amener  le  Politique  à  arbitrer  et  ainsi  provoquer  la  survenance  de  ce  que  le  Doyen  Carbonnier  et  d'autres  fins  auteurs  nomment  l'effet  assiduis.    Pour  mémoire,  en  citant  bien  évidemment  le  Doyen  supra  désigné,  "  on  appelle  ainsi,  en  sociologie  de  la  législation  du  mot  sur  lequel  s'ouvre  une  célèbre  constitution  de  Justinien,  le   phénomène   par   lequel   le   législateur   est   porté   à   légiférer   sous   l'aiguillon   des  réclamations  dont  les  catégories  intéressées  l'assaillent  ".        2.2    PISTES  DE  TRAVAIL  POSSIBLES  :    

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2.2.1  Les  pistes  possibles  de  travail  découlent  de  notre  texte  et  la  sagacité  du  lecteur  est  pré-­‐supposée.      2.2.2  Au  plan  instrumental,  ces  pistes  sont,  à  ce  jour  et  en  l'état  actuel  de  la  configuration  de  notre  réflexion,  au  nombre  de  deux.    2.2.3    Dans  les  deux  cas,  il  s'agit  éventuellement  d'apports  en  industrie  comme  diraient  les   juristes   ou   plus   vraisemblablement   de   la   fourniture   d'un   know-­‐how   conçu   après  réflexion  collective  mais  responsabilité  et  émetteur  unique.    2.2.4     C'est   au   demeurant   tout   le   principe   consubstantiel   à   la   profession   libérale    contrairement   à   l'activité   commerciale   usuelle.   Point   que   j'ai   aimé   développer   à  plusieurs  reprises  dans  mes  rencontres  avec  notre  camarade  Didier  Pfeiffer.    2.2.5     La   première   piste   consiste   à   proposer   à   plusieurs   Etablissements   bancaires   de  réunir  un  groupe  de  traders  (  Cinq  par  Etablissements  et  cinquante  au  total  )  pour  une  matinée   unique   de   travail   comportant   une   présentation   sous   le   titre   :   "   Concurrence,  risques   et   image   fidèle   ".   Ceci   sur   le   modèle   (   en   ressources   humaines   )   que   CLUNY  FINANCE   avait   développé   pour   le   groupe   ALCATEL   il   y   a   quelques   années     voir  wikipédia   ALCATEL   en   2002   )   et   qui   vient   de   recevoir   actualisation.   L'objectif   –   a  minima  -­‐  étant  un  retour  mutuel  d'expérience.    2.2.6    La  deuxième  piste  a  pour  objectif  d'éclairer  le  débat  "  substance  over  form  "    des  normes  comptables  IFRS  à  la  lumière  des  pratiques  des  acteurs  de  la  Place  en  matière  de  cash-­‐pooling  et  d'exécution  des  conventions  d'omnium.  Un  sujet  où  le  risque  se  niche  en  ce  moment.      CONCLUSION  :    La   population   laborieuse   est   de   plus   en   plus   fourbue   et   pourtant   veut   pouvoir   s'en  remettre  à  un  leadership  (  privé  ou  public  )  digne  de  ses  attentes.    Nous  devons  agir  car  le  cordeau  Bickford  n'est  pas  que  bancaire,  il  peut  être  social.    Qui  ne  voit  que  les  gens  s'inquiètent  vraiment  pour  leur  devenir  ?    Il  est  temps  qu'économistes  et  comptables  quittent  la  célèbre  phrase  :  "  Un  seul  lit  pour  deux  rêves  "  et  que  les  professionnels  se  détendent  pour  mieux  converger  au  bénéfice  de  tous.    Il   est   temps   que   la   rigueur   intellectuelle   revienne   comme   le   printemps   après   l'hiver  sinon  cette  crise,  déployée  dans  un  monde  interconnecté  et  complexe,  va  perdurer.    Quelqu'un  a  écrit  :  "  Dieu  a  donné  une  sœur  au  souvenir  et  l'a  appelé  espérance  ".    Il  n'était  pas  littéraire  et  se  nommait  MICHEL-­‐ANGE….    

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Pour  ma  part,  je  dirai  "  espoir  "  tout  en  gardant  toujours  à  l'esprit  cette  phrase  d'Alfred  Sauvy  (  injustement  oublié  de  notre  panthéon  des  économistes  français  )  :    "  L'économie  c'est  la  science  du  sordide,  non  de  la  pureté  "    (  in  "  La  vie  en  plus  "  ).    Un  souvenir  de  cette  assertion  pour  lire  la  crise  ?                

                                                                     

   

   

 

   

   

 

   

 

                     

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                                                                                 A  N  N  E  X  E  :    Libertés  publiques      

La  C.N.I.L  face  à  une  probabilité  de  QPC  :  où  se  dira  le  droit  ?      Un  domaine  intéressant  les  libertés  publiques,  à  savoir  le  délicat  sujet  des  lignes  d'alerte  professionnelle   (   "  whistleblowing   "   ),   pourrait  bien  prendre  une  dimension   judiciaire  complexe   par   le   recours   à   la   procédure   de   QPC   (   Question   prioritaire   de  Constitutionnalité  ).  Qui  dira  alors  le  droit  ?    Les   lignes   d'alerte   professionnelle   correspondent   à   la   notion   anglo-­‐saxonne   de   "  whistleblowing  "  qui  donne  à  un  salarié  le  droit  (  et  parfois  le  devoir  )  de  prévenir  son  entreprise,  de  manière  anonyme,  d'un  risque  de  fraude  (  comptable,  environnementale,  etc  )  qu'il  a  détectée.  La  frontière  est  mince  entre  la   légitime  révélation  d'un  délit  et   la  délation.  Alors  ce  système  de  "  lançeur  d'alerte  ":  péril  manifeste  ou  bienfait  certain  ?    Les     grandes     entreprises     françaises     -­‐   tout     autant     que     les     firmes    multinationales    étrangères    opérant    dans    notre    pays    -­‐    désireuses    d'êtres    admises    à    la    cotation    aux    Etats-­‐Unis    sont    confrontées    à    la    nécessité    de    respecter    les    dispositions    de    la    Loi    Sarbanes  –  Oxley    votée    en    2002.    Dans    la    mesure    où    ce    dispositif    législatif    puissant    impose    d'établir  –    par    la    lettre    de    son    article    "  Section  301  "  -­‐  des    procédures    de    traitement    des    informations    pour    tout    comité    d'audit,    on    en    déduit    mécaniquement    que    la    C.N.I.L    avait  vocation    à    émettre     une     recommandation     concernant     "   la     réception,     la     conservation     et     le    traitement    des    réclamations    reçues    par    l'émetteur  "  (  §  A    de    la    section  301  )    tant    il    est     hautement     probable     que     tout     ceci     se     fera     essentiellement     sous     forme    électronique    et    informatisée.    Parallèlement,    la    délibération    N°  2005  –  110    du    26    mai    2005    de    la    C.N.I.L    rapporte    d'ores    et    déjà    "  sa    réserve    de    principe  "    au    regard    de    tout    type    de    dispositif    qui    pourrait   -­‐     intentionnellement     ou     progressivement   -­‐     s'apparenter     à     un     "   système    organisé    de    délation    professionnelle  ".    Si     l'on     songe     -­‐     de     surcroît   -­‐     aux     questions     liées     au     droit     à     l'information     des    travailleurs     tel    qu'il     est     institué    dans    notre    pays,    on    aboutit     à    un     schéma    où    l'entreprise    est    confrontée    à    de    telles    divergences    de    fondements    législatifs    trans-­‐nationaux    qu'elle    ne    peut    que     finir    par    mener    des    pratiques     illégales     selon     le    mode    dominant    de    solution    opératoire    qu'elle    aura    retenu.    

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Tout   d'abord,   un   point   d'histoire   financière   :   du     fait     de     graves     malversations    comptables    et    financières,    la    Société    ENRON    a    été    conduite    à    la    faillite  et  a  conduit  à  la  chute  de  l'emblématique  ARTHUR  ANDERSEN.    Face    à    d'autres    cas    de    type    WORLDCOM,  (  etc  ),     le    Législateur    nord-­‐américain    a    voté    le    Sarbanes  –  Oxley    Act    (  SOA  )    en    date    du    29    Août    2002    soit    11    mois    avant    la    Loi    française    dite    de    "  sécurité    financière  "    (  N°  2003  –  706    du    1er    Août    2003  )  vigoureusement   défendue   en   Commission   des   Lois   par   le   trop   souvent   raillé   Pascal  CLEMENT  (  qui  devait  devenir  Garde  des  Sceaux  ).    La    dynamique    législative    a    donc    eu    pour    origine    causale    des    situations    de    détresse    humaine     (   épargnants     spoliés   ;     salariés     licenciés   ;     salariés   –   actionnaires     ruinés   ;    fournisseurs    plaçés    en    déconfiture  ;    etc  )    et    elle    a    abouti    à    quatre    grandes    zones    de    modifications  :    -­‐  Accroissement    des    responsabilités    des    Dirigeants    "  qui    signent    le    bilan  "  ;    -­‐  Qualité    accrue    de    la    communication    financière  ;    -­‐  Renforcement    du    contrôle    de    la    profession    comptable    avec    notamment    la    création    du    PCAOB    (  Public    Company    Accounting    Oversight    Board  )    chargé    de    définir     les    normes    professionnelles    relatives    aux    prestations    d'audit    et    de    certification    pour    les     entreprises     soumises     au     contrôle     de     la     SEC     (   Securities     and     Exchange    Commission   )   ;     En   France,   création   du   H3C   en   superviseur   des   activités   des  commissaires  aux  comptes    (  contrôles  qualité  ).    -­‐  Développement    du    rôle    des    comités    d'audit    dans    le    processus    de    contrôle    des    états    financiers    et    des    procédures    comptables.  La    création    du    comité    d'audit    est    obligatoire.  Il    devient    notamment    la    structure    qui    choisit    l'auditeur    et    sa    rémunération,  et    doit    superviser    ses    travaux.      La    dynamique    opérationnelle    va    toutefois  bien    au-­‐delà    du    chiffre  :    A     lire    un     certain    nombre    de    documents    aux    dénominations    variées     "  guide    de    bonnes    pratiques  ",    "  chartes    éthiques  ",    "  règles    déontologiques  ",    "  code    de    bonne    conduite  ",  etc,    on    ne    peut    qu'observer    que    le    chiffre    a    été    dépassé    par    d'autres    préoccupations  -­‐    au    demeurant     fort    respectables  -­‐     telles    que     la    santé    au    travail,    l'environnement,    le    développement    durable,    la    propriété    industrielle.    Etc.  A    titre    d'illustration    de    cette    extension    de    finalités,    on  peut  citer  dans    la    présente    contribution    deux    documents    ALCAN    (  Acquéreur    de    PECHINEY  )  :    -­‐  "  Code    de    conduite    mondial    des    employés    et    de    l'entreprise    ALCAN  ".    -­‐  "  Code    d'éthique    des    dirigeants    financiers    supérieurs  ".    Pour    ne    pas     alourdir     l'énonçé    de     ces     codes    mais     apporter     la     preuve    de     leur    caractère    significatif,    il    suffit    de    se    reporter    au    jugement    du    17    Juin    2004    rendu    par    le    TGI    de    Versailles    et    de    constater    que    la    Société    concernée      (    en    l'occurrence    

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SCHINDLER  )    avait    établi    un    "  code    d'éthique  "    qui    allait    jusqu'à    imposer    que    les    salariés     informent     le    directeur    des    ressources    humaines    de    toute    situation    dans    laquelle    son    conjoint    ou    un    membre    de    sa    famille    serait    impliqué.      Le    contenu    des    chartes    éthiques  est    donc    à    vocation    universaliste    quant    au    fond    et    universelle     quant     à     leur     portée     géographique     dans     le     cas     des     firmes    multinationales.  Celà  ne  peut  qu'interpeller  deux  authentiques  défenseurs  des  Libertés  publiques   :   le  Sénateur  Gaëtan  GORCE  et   la  Présidente  de   la  C.N.I.L,  Madame  FALQUE-­‐PIERROTIN.    Autrement    dit,    à    partir    d'un    "  scandale  "    ENRON    initialisé    par    des    dirigeants    pour    le    moins    cupides    et    brouillés    avec     la    Loi    et     l'Honneur,    on    aboutit    à    ce    que     le    facteur     travail       soit     confronté     aux     besoins     des     entreprises     avec     un     degré     de    violence    latente    qui    est    clair.    Le    besoin    des    entreprises    est    pourtant    réel  :    Les    Dirigeants    sont    responsables    de     la    protection    des    actifs    et    de     la    continuité    d'exploitation  (    qui    est    évidemment    plus    aléatoire  ).    A    ce     titre,     les    syndromes    de     la     "  stagiaire    chinoise  "     trop    curieuse     (  VALEO    et    protection    du     know-­‐how   ;  Mission    d'intelligence     économique     confiée     à    M.    Alain    JUILHET     auprès     des     Services     du     Premier     Ministre   ),     du     sous-­‐traitant     peu    précautionneux    (  Usine    AZF    et    protection    physique    des    actifs  ),    des    commerciaux    zappeurs    (  protection    des    fichiers  clients  ),    des    collaborateurs    efficaces    au    point    que    leur    zèle    soient     répréhensibles     (    Lyonnaise    des    eaux    et    corruption   :    Affaire    de    Grenoble  ),  etc    sont    autant    d'éléments    factuels    qui    militent    pour    la    reconnaissance    du    besoin    des    entreprises.    Le    besoin    étant    établi    et    admissible,    il    faut  -­‐    selon    nous  -­‐    émettre    l'hypothèse    qu'il    appartient    de    surcroît    au    Principe    de    la    liberté    du    commerce    et    de    l'industrie  et  qu'il  relève  de  la  lucidité.      La  lucidité  boursière  :    En  matière  boursière,  il  faut  être  lucide  :  l'attractivité  de  la  Place  de  Paris  en  dépend.    Clairement,  l'A.M.F  le  sait.      "  Les    évolutions    mondiales    ne    sont    pas    moins    importantes,    d'autant    qu'elles    sont    fortement    influencées    par    les    choix    adoptés    aux    Etats-­‐Unis    et    que    la    vie    de    nos    marchés    est    particulièrement    sensible    à    ces    choix  ".    Revue    mensuelle    de    l'A.M.F  –  N°  12  –  Mars  2005  –  Page  4.    Déclaration    de    M.    Gérard    RAMEIX,      Secrétaire    Général    de    l'A.M.F    lors    de    la    5ème  journée    d'information      des    RCSI  /    Déontologues.  

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 Dans     le     contexte     rapporté     ci-­‐dessus,     il     nous     apparaît     que     le     risque     de    sédimentation    des    différentes    normes    applicables    est    avéré    tant    par    la    multiplicité    des    sources    de    droit    que    par    le    calendrier    de    travail    non    homogène    des    hautes    Instances    considérées.    A.M.F   ;     C.N.I.L   ;     Jurisprudences     commerciales   ;     Jurisprudences     liées     au     droit     du    travail  ;    Commission    bancaire    (  TRACFIN  )  ;    Projet    de    textes    européens  ;  Haut-­‐Conseil    du    Commissariat    aux    Comptes    (  H3C  )  ;  etc.    La    charte    éthique    à    usage    interne    et    but    financier    externe  :    Pour    des    motifs    de    sécurisation    de    ses    actifs    (    lutte    contre    le    pillage    des    process    de    production,     risque    d'abus    de    biens     sociaux     en     complicité     avec    des     salariés    indélicats     au     sein     des     cellules     comptables,     etc   ),     les     entreprises     vont     très    vraisemblablement    recourir    fréquemment    à    l'énonçé    de    chartes    éthiques    à    usage    interne.    De    type    managérial    comme    celle    d'ALCAN,    par    exemple.    Nous    estimons    que    cette    tendance    concernera    (  affectera  ?  )    bien    des    sociétés    et    que    d'ici    un    délai    de    3    ans,    nombre    de    P.M.E    non    cotées    y    auront    recours.    Au    demeurant,    il    est    probable    que    ces    chartes    éthiques    seront    utilisées    à    des    fins    commerciales    un    peu    à    l'image    des    certifications    ISO    qui    "  rassurent  "    le    donneur    d'ordres     dans     un     contexte     où     la     sous-­‐traitance     continue     de     progresser    parallèlement     aux     techniques     d'externalisation     dont     les     grands     Groupes     sont    actuellement    friands.    Bien    entendu,    compte-­‐tenu    de    l'importance    pour    ces    Groupes    de    la    communication    financière    (     imposée    par     les    Autorités    de    régulation    boursière    ou    par     la    quête    d'attractivité   :     road-­‐shows   ),     ces     chartes     éthiques     auront     une     fonction,     un     but    financier    externe.    Là    encore,    l'accord    de    place    raisonne    autour    de    l'idée    que    ceci    ne    visera    que    les    firmes    cotées.      Qui     peut   –   être     certain     qu'un     banquier   -­‐     sous     un     délai     indéterminé   -­‐     ne    conditionnera    pas    certains    de    ses    soutiens    à    l'existence    opérationnelle    d'une    charte    éthique    dans    une    "  belle  "    P.M.E    à    capital    fermé  ?        Précisément    ces    P.M.E    où    un    comité    d'audit    à    majorité    "  familiale  "    ne    paraitra    pas    suffisant    en    termes    de    transparence    financière…    Souvenons    du    temps    pas    si    lointain    où    un    prêt    bancaire    pouvait    être    conditionné    au    passage    de    S.A.R.L    en    S.A    afin    que    l'entité    soit    dotée    d'un    CAC.    La    charte    éthique    de    plein    exercice  :    La     charte     éthique     de     plein     exercice     est     celle     qui     est     composée     de     quatre    dimensions    distinctes  :    

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Charte    à    usage    interne    de    type    managérial  ;    Charte    à    but    financier    (  voire    commercial  )    externe  ;    Charte    à    usage    interne    de    type    patrimonial  ;    Charte    à    usage    externe    complet.    Les     deux     premiers     types     de     chartes     ont     fait     l'objet     de     l'expression     de     notre    opinion  :    elles    concernent    un    volume    beaucoup    plus    important    que    projeté    de    la    population    active.    D'autant    que    les    Top-­‐executive    managers    (  déjà    décrits    par    J  K  GALBRAITH  )    auront    beau    jeu    d'organiser    des    délégations    de    pouvoirs  :    voir    ALCAN    et    le    code    destiné    aux    "  dirigeants    financiers    supérieurs  ".        Le    troisième    type    de    charte,    de    type    patrimonial,    reçoit    des    degrés    d'application    variés.    Or,    il    convient    de    garder    à    l'esprit  que    la    société    ENRON    était    parfaitement    outillée,    y    compris    en    matière    d'audit     interne    et    de    transparence    vis    à    vis    des    actionnaires.    L'outillage    de    façade    ne    garantit    donc    pas    la    réalité    des    finalités.    Pour     être    plus     explicite,     le    dispositif     juridique     formel    ne     garantira     jamais    une    propension    des    responsables    à    le    fraiser,    à    le    polir    jusqu'à    ce    qu'il    soit    pleinement    ajusté    à    leurs    hiérarchies    des    priorités,    fûssent-­‐elles    inavouables    et    incompatibles    avec    la    continuité    d'exploitation    de    la    firme.    La    charte    de    type    patrimonial    sera    celle    qui    garantira,    par    exemple,    la    loyauté    des    managers     dans     leur     négociations     avec     les     banques     dans     une     société     comme    EUROTUNNEL.     Ainsi,     si     l'on     cherche     l'efficacité,     il     faudra     bien     envisager     des    rapports    spécifiques    circonstanciés    du    comité    d'audit    à    l'Assemblée    générale.    Quid    du    reporting    fait    sur    la    base    du    "  whistleblowing  "  ?      S'agissant    du    dernier    type    de    charte    éthique,    il    s'agira    de    celui    qui    sera    à    usage    externe    complet.        Autrement    dit,    celui    qui    permettra    à    tout    salarié    de    signaler    un    process    déviant    (  volet    interne  )    et    d'informer    des    tiers    à    la    Société    (  volet    externe  )    tels    que    des    Autorités    administratives    indépendantes    ou    des    Administrations.    Sur    ce    sujet,     il     convient    de    se     rapporter    à     la     lecture    de     la    Charte    WAVECOM    reproduite    en    page    64    du    Rapport    ELIET  /    Cercle    Ethique    des    Affaires.    "  Bien    que    WAVECOM    soit    dotée    d'organes    internes    propres    à    assurer    le    respect    des    principes    énoncés    dans     le    présent    Code,    rien    dans    ce    code    n'interdit    à    un    

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collaborateur    de    reporter    à    toute    autorité    extérieure    toute    violation    d'une    loi    ou    d'un    règlement  …/…  ".      Gageons     que     les     entreprises     et     leurs     Conseils     d'administration     inscriront     leur    charte    au    sein    de    notre    esquisse    de    typologie.        Le    souci    de    transparence    étant    à    géométrie    variable    tel    un    curseur    plaçé    entre    des    mains    expertes.    (  Asymétrie    d'information  ).    Gageons    surtout    que    le    dernier    type    de    charte    sera    peut-­‐être    affiché    mais    qu'il    sera    de    portée    limitée    par    un    système    d'auto-­‐censure    du    salarié    ou    par    sa    crainte    de    mise    en    responsabilité    personnelle    à    l'issue    de    l'enquête.    Au    demeurant,    gardons    à    l'esprit    la    rédaction    de    l'article    L  225  –  240    du    Code    de    Commerce     qui     énonçe     qu'en     cas     de     révélation     de     faits     délictueux     par     le    commissaire    aux    comptes    au    procureur    de    la    République,    ceci    se    fait    "  sans    que    leur    responsabilité    puisse    être    engagée    par    cette    révélation  ".    Le    Législateur    de    1966    n'a    jamais    été    démenti    dans    cette    rédaction    opportune.    On     ne     saurait     tabler     sur     son     existence     (     au     bénéfice     du     salarié     auteur     du    signalement  )    dans    les    chartes    éthiques    à    quelques    rares    exceptions    près    toujours    intellectuellement    concevables.    La    multiplicité    des    parties    prenantes    risque    d'altérer    la    lucidité  requise  :    Semblables     à     des     brochures     d'agences     de     voyages     vantant     des     destinations    lointaines,    certaines    chartes    éthiques  -­‐    éditées    à    grands    frais  -­‐    ne    sauraient    être    neutres    au    plan    des    relations    sociales.    "  Au    contrat,     le    salarié    met    à     la    disposition    de     l'employeur    sa     force    de    travail,    mais    non    sa    personne  ".        Cette       phrase     du     Professeur     Jean     RIVERO     (   "   Les     libertés     publiques     dans    l'entreprise  ",  Droit    social    1982,    page  423  )    nous    semble    fixer    le    cap.    Est-­‐on     certain     que     sa     philosophie     sous-­‐jaçente     soit     unanimement     présente     à    l'esprit    des    parties    prenantes  ?    Est-­‐on    certain    que    les    Directions    financières    soucieuses    de    lever    des    capitaux    sur    la    place    de    New-­‐York    aient    à    l'esprit    les    dispositions    de    l'article    L  120  –  2    du    Code    du    Travail    que    je    ne    me    lasse    pas    de    relire  :    "  Nul    ne    peut    apporter    aux    droits    des    personnes    et    aux    libertés    individuelles    et    collectives    de    restrictions    qui    ne    seraient    pas    justifiées    par    la    nature    de    la    tâche    à    accomplir    ni    proportionnées    au    but    recherché  ".      Les    divergences    d'intérêts    et    de    formation    originelle    des    acteurs    en    présence    ne    manquera    pas    d'altérer    leurs    capacités    de    lucidité  et  les  conditions  matérielles  du  "  whistleblowing  ".  

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 En    effet,    prenons    l'hypothèse    d'un    fait    contestable    signalé    par    un    collaborateur    à    son    employeur  :    il    y    aura  -­‐    éventuellement  -­‐    une    course    poursuite    entre    des    délais    normaux    d'enquête    interne    et    la    vitesse    à    laquelle    des    procédures    répréhensibles    peuvent    être    effacées    ou    minorées    au    point    de    devenir    "  non    signifiantes  "    pour    reprendre     un     terme     d'audit     légal     reconnu     dans     l'exercice     de     la     profession     de    commissaire    aux    comptes.    Ainsi,     le    process    du    signalement    doit    être    dans    une    unité    de    temps    compatible    avec    le    risque    de    destruction    de    preuves  :  risque    d'autant    plus    avéré    qu'il    a    été    admis    que    le    "  mis    en    cause  "    par    un    signalement    devait    lui    aussi    être    prévenu    dans    des    délais    brefs    et    raisonnables.  (  Article    39    et    droit    d'accès    direct  ).      Les    chartes    éthiques    et    le    droit    de    la    preuve  :    Nous    avons    évoqué    la    course    poursuite,    -­‐  à    l'ère    des    réseaux    informatiques  -­‐    entre    le    signalement    initial    et    le    risque    de    destruction    de    preuves.    Ce    risque    est    d'autant    plus    net    que    la    Loi    de    1978    donne,    de    facto,    des    droits    à    la    personne    mise    en  cause    qui    peuvent    avoir    un    effet    boomerang    sur    la    recherche    de    véracité.    L'article     39,     I.   1°   :     droit     d'obtenir     "   confirmation     que     des     données     à     caractère    personnel    la    concernant    font    ou    ne    font    pas    l'objet    de    ce    traitement  ;  "  .    L'article  39,   I.     2°   :     droit     d'obtenir     "     des     informations     relatives     aux     finalités     du    traitement,     aux     catégories     de     données     à     caractère     personnel     traitées     et     aux    destinataires     ou     aux     catégories     de     destinataires     auxquels     les     données     sont    communiquées  ;  ".    Le    caractère    trompeur    du    mot    "  alerte  "  :    Pour    avoir    été    confronté,    à    plusieurs    reprises,    à    des    confusions    entre    la    notion    de    droit    d'alerte    dévolu    au    Comité    d'entreprise    et  /  ou    au    C.H.S.C.T    (  en    vertu    de    deux    articles    distincts    du    Code    du     travail  )    et     la    procédure    d'alerte     imposée    par     les    Textes     au     commissaire     aux     comptes     en     cas     de     risque     affectant     la     continuité    d'exploitation    de    l'entité,    nous    pensons    qu'il    est  regrettable  et    très    préjudiciable    de    recourir    au    mot    "  alerte  "      en    guise    de    traduction    du    "  whistleblowing  ".    A    l'inverse,    le    milieu    industriel    exploite    depuis    longtemps    le      terme    de    signalement  :    l'importance    de    ce    dernier    selon    une    échelle    de    risques    généralement    pré-­‐définie    permettant   -­‐     selon     les     établissements   -­‐     le     droit     de     retrait     pour     machines    dangereuses    (  Article    L  231  –  8  ).    De    même,    le    milieu    ferroviaire    R.A.T.P,    S.N.C.F    est    parfaitement    familier    du    terme    de     "   signalement   ".     Suivant   -­‐     là     encore     des       indices     croissants     de     gravité   -­‐     le    signalement    a    tel    ou    tel    type    de    répercussion.    

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Enfin,     il    ressort    de     la     lecture    de     l'article    L  231  –  8    du    Code    du    Travail    que     le    verbe     "   signaler   "     est     utilisé     et     que     la     rédaction     de     cet     article     nous     semble,    finalement,    intellectuellement    transposable    à    la    problématique    que    tente    de    cerner    la    présente    contribution.    Rappel    de    l'article    considéré    en    son    seul    paragraphe    UN  :    "   Le     salarié     signale     immédiatement     à     l'employeur    ou     à     son     représentant     toute    situation    de    travail    dont    il    a    un    motif    raisonnable    de    penser    qu'elle    présente    un    danger    grave    et    imminent    pour    sa    vie    ou    sa    santé,    ainsi    que    toute    défectuosité    qu'il    constate    dans    les    systèmes    de    protection  ".    Le    pseudo-­‐débat    sur    l'anonymat  de  l'alerte  :    On     peut     soutenir     que     la     notion     d'anonymat     n'est     nullement     défini     en     droit    français.  On  doit  aussi  soutenir  que  la  France  a  connu  le  temps  de  la  délation  comme  l'a  souvent   dénonçé   l'ancien   Sénateur   Michel   CHARASSE   désormais   membre   du   Conseil  Constitutionnel.    On    peut    cependant    garder    à    l'esprit    l'existence    de    l'article    L  341  –  1    du    Code    civil    relatif    à    l'accouchement    "  sous  X  "  :  "  Lors    de    l'accouchement,    la    mère    peut    demander    que    le    secret    de    son    admission    et    de    son    identité    soit    préservé  ".    La    référence    à    cet    article    permet    de    recourir    à    une    notion  –  clef  :    celle    de    l'intérêt    légitime.    Si    le    Législateur    a    souhaité    autoriser    l'anonymat    de    la    mère,    c'est    dans    une    quête    d'intérêt    légitime.    Quant    à    la    Loi    de    1978,    elle    énonçe    en    son    article    7    qu'un    traitement    de    données    à    caractère    personnel    doit    avoir    reçu    le    consentement    de    la    personne    concernée    (    Nota  :  donc    de    tout    salarié    par    le    biais    de    son    contrat    de    travail  ?  )    ou    satisfaire    à    l'une    des    conditions    suivantes  :    "   N°   5     La     réalisation     de     l'intérêt     légitime     poursuivi     par     le     responsable     du    traitement    ou    par    le    destinataire,    sous    réserve    de    ne    pas    méconnaître    l'intérêt    ou    les    droits    et    libertés    fondamentaux    de    la    personne    concernée  ".    S'agissant    de    cette    condition,    nous    estimons    qu'elle    renvoie  -­‐    du    fait    de    la    fin    de    sa      rédaction  -­‐    à    la    notion    de    respect    des    droits    de    l'homme.    Terme    essentiel    puisqu'il    figure    dans  :    la    troisième    phrase    de    l'article    1    de    la    Loi    de    1978  ;    la    première      phrase    du    Préambule    de    la    Constitution    du    4    Octobre    1958  ;    la    deuxième    phrase    du    Préambule    de    la    Constitution    du    27    Octobre    1946.    

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A    l'opposé,    il    convient  de    se    rappeler    que    les    dispositions    de    l'article    L  226  –  10    du    Code     Pénal     relatifs     à     la     dénonciation     calomnieuse     trouveraient     une     stricte    application.    Pour    notre    part,    et    après    nos    recherches,    nous    estimons    que    le    texte    fondateur    explicite    est    l'article    11    de    la    Déclaration    des    Droits    de    l'Homme    et    du    Citoyen    du    26    Août    1789  :    "  La    libre    communication    des    pensées    et    des    opinions    est    un    des    droits    les    plus    précieux    de    l'homme  :    tout    citoyen    peut    donc    parler,    écrire,    imprimer    librement,    sauf    à    répondre    de    l'abus    de    cette    liberté    dans    les    cas    déterminés    par    la    loi  ".    Autrement     dit,     le     signalement     fondé     sur     l'anonymat     serait     d'essence    inconstitutionnelle    puisqu'il    ne    permettrait    pas    d'engager    des    poursuites    en    cas    d'abus    de    cette     liberté,    par    exemple    en    cas    établi    de    dénonciation    calomnieuse    mais    alors    dépourvu    d'auteur.    Ayant  eu  l'honneur  de  réfléchir  avec  le  regretté  Maître  Olivier  DEBOUZY  en  2005  sur  ce  sujet  (  voir  Wikipédia  :  "  lançeur  d'alerte  ",  en  section  3  ),  il  nous  faut  conclure  par  une  conviction  et  une  certitude.    En   l'état   actuel   de   l'encadrement   législatif   et   règlementaire   du   sujet   traité   ici,   nous  sommes  convaincus  qu'une  QPC  (  Question  prioritaire  de  constitutionnalité  :  Article  61-­‐1   de   la   Constitution   du   4   Octobre   1958   )   viendra   se   greffer   sur   l'objet   de   cette  contribution.    Nous  avons  la  certitude  que  les  débats  seront  alors  vifs  au  sein  de  la  Puissance  publique  (   Bercy   vs.   C.N.I.L   notamment,   et   C.N.I.L   vs.   Cour   de   Cassation   )   et   que   les   réflexions  judiciaires  seront  complexes  à  mener.  Qui  dira  le  droit  ?    Le  Conseil  constitutionnel  dûment  saisi  ou  la  Cour  de  Cassation  ?    L'historien   Stanley   HOFFMANN   a   démontré   dans   ses   "   Essais   sur   la   France   "   notre  tendance  à  la  complexité.    Cela  aussi,  il  faudrait  que  le  citoyen  le  chiffre....  D'autant  que  l'article  71-­‐1  de  la  Constitution  pourrait  être  concomitamment  sollicité.  Juridiquement   tant   la   lettre   que   l'esprit   de   l'article   précité   donne   une   clef   de  compétences  au  Défenseur  des  droits.  Même   les   non-­‐juristes   (   qui   auront   résisté   à   la   lecture   de   cette   contribution   )   ont  compris  :  un  jour,  un  avocat  connu  et  réputé  ou  anonyme  et  consciencieux,  va  utiliser  la  Constitution  dans  cette  question  des  lignes  d'alerte  professionnelle.    Cela   sera   complexe  et   suivi  par   l'opinion  qui   craint,   si   vous  me  permettez   le   terme,   le  flicage  au  bureau.  Il  faudra  une  décision  juste  et  consensuelle.  Or  tout  magistrat  sait  que  cet  exercice  est  subtil.    "  Le  caractère  de  l'esprit  juste,  c'est  d'éviter  l'erreur  en  évitant  de  porter  des  jugements  "  CONDILLAC  (  in  L'art  d'écrire  ).    Comme  aurait  dit  le  Général  de  Gaulle,  fort  inspirateur  de  notre  Texte  suprême  :  "  vaste  programme  !  ".  

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